Billet invité.
J’allais plein sud, à la recherche de la vérité. Le soir venu, au bord d’une rivière, je rencontrai des cavaliers, habillés de poussière. Ils allaient, me dirent-ils, au ponant, où était le trésor qu’ils poursuivaient. Au matin, je les vis partir au galop vers l’ouest : c’est là que va le soleil, me lancèrent-ils, et nous le poursuivrons jusqu’au bout de la terre.
Je poursuivis ma route, plein sud, là où la lumière est la plus éclatante. Au crépuscule, je m’arrêtai au pied d’une dune. Je vis venir, à contre-jour, une caravane de chameaux allant de leur pas invariable. Les hommes avaient un air de fierté. Nous partageâmes les dattes et les olives, et l’outre circula de main en main. Lorsque la lune brilla dans le ciel, chacun se retira avec les mystères de la nuit.
Le soleil n’était pas levé que je les entendis se mettre en branle, jurant contre les chameaux : nous allons, me dirent-ils, vers l’orient, là où la lumière se lève, parce que là est la vérité.
Peu après, je repris ma route, plein sud. Bientôt, le soleil chauffait l’horizon devant moi, et l’horizon tremblait. La route ne sera plus longue, me dis-je. C’est alors que je vis, loin devant moi … était-ce un point, était-ce un mirage ? Lorsque le point me rejoignit, c’était seulement un homme sur un âne. L’âne avait un air triste, l’homme un air joyeux. Où vas-tu ? lui demandai-je. Il me répondit : j’ai promis à mon âne de l’abreuver, et là-bas, dit-il en pointant son doigt par dessus mon épaule, les rivières ne sont jamais à sec.
As-tu vraiment fait tout ce chemin pour ton âne ? lui demandai-je.
Mon âne a raison, me répondit-il. Là-bas – et il pointait toujours son doigt par dessus mon épaule – la lumière est douce et les nuits sont tièdes. Sous les ciels d’orage, les blés ont l’éclat de l’or, la lumière chaude les a déjà cuits en pain. D’où il résulte, tends donc l’oreille, que la croûte dorée craque sous la dent blanche.
Il se tut, attendant que je lui cède le passage. Alors qu’il était à ma hauteur, il fixa ses yeux dans les miens et me dit : cela fait soixante-quinze mille ans que mon peuple va vers le nord. A l’époque, il n’y avait là-bas personne.
Et il poursuivit son implacable chemin.
19 réponses à “L’ÂNE, par Géry Coomans”
Très joli texte sur le sens des valeurs, des désirs que l’on cherche à assouvir et des illusions que l’on se fait. Chacun cherche son chemin!
D’où l’extinction de Néanderthal …. ?
« Je hais les voyages et les explorateurs » (CL Strauss)
Excellent texte qui a toute sa place ici.
Il est important de rappeler que l’homme cherche à résoudre les problèmes qu’il s’est lui- même créé en cherchant une solution quelquepart sur terre,partout ou il n’est pas,puis dans l’infini ou il finit par se perdre,alors que l’issue est au fond de lui-même.Et qu’elle est accessible à tous.
Un peu comme les scientifiques qui découvrirent au 20 ème siècle que les mêmes lois régissaient l’infiniment grand et l’infiniement petit,avec l’avènement de la physique quantique,et que les solutions étaient finalement a notre portée,puisque nous la côtoyons tout les jours,la matière.
La réponse à toutes ces questions économiques depuis la création de ce blog est finalement dans nos consciences,alors pourquoi ne pas consacrer ce blog uniquement au changement de conscience,puisque c’est l’essence de toutes questions ?
C’est comme ça que naît une religion,ou un parti politique,finalement.
Des textes comme ça,il devrait y en avoir régulièrement,l’éveil de la conscience,ça se travaille.
Merci pour ceci, ça fait plus de deux ans (…) que je mène ce combat ici-même, avec des propositions pratiques qui plus est ! « Uniquement » peut-être pas par contre…il faut savoir se décontracter.
Mais les barrières sont profondément ancrées, pour preuve les regards qui se détournent systématiquement dès que l’on parle de conscience, pratiquement s’entend, la sienne ! Parce que quand il s’agit de la conscience des livres, générale, celle de l’autre, là il y a palabre !
C’est pourtant simple.
Le passage au Nord-ouest ?
http://www.dailymotion.com/video/x83gso_1971-interview-jacques-brel-entreti_music
Merci pour ce texte. J’ai bien voyagé, au propre comme au figuré.
« Mon grand-père est venu à dos d’âne, son fils conduit une voiture, et moi son petit fils, je prends l’avion. Mon fils repartira à dos d’âne » (issu d’un proverbe arabe).
Un de mes meilleurs compagnons est un grand noir du berry, je l’apprécie beaucoup parce qu’il a beaucoup de mémoire. Je lui parle de moi, de ma vie, ses plaisirs et ses soucis. C’est, avec ma basse cour, mon meilleur psychanalyste.
L’interprétation que vous faites du proverbe arabe est intéressante et prémonitoire. Proposez la pour la campagne de N. Hulot (ou E. Joly). Au regard de l’impératif de décarbonisation, cessons dès à présent de prendre l’avion pour nous laisser le temps de nous réhabituer aux ânes, qui malgré la réputation qui leur est faite sont de très braves bêtes.
Quant à grand Noir du Berry, c’est moins ambigu avec des majuscules…
Le blackberry!
Trop loin à l’est, c’est l’ouest.
[Lao-Tseu]
Quand l’égaré comprend qu’il s’est perdu , il n’est pas loin d’avoir trouver la Voie .
cinq points cardinaux , le ponant le septentrion le levant l’austral et soi !
Les héros de cette fable sont les routes et pas les hommes : les ânes y passent beaucoup de temps.
Les routes du dehors qui nous font oublier les routes du dedans.
« When a true genius appears in the world, you may know him by this sign, that the dunces are all in confederacy against him. »
Jonathan Swift (1667-1745)…(Les dates sont en français…Parenthèses pour Régoris)
Certainement l’un des plus beaux billets du blog.
Thank’s a lot Gery
Ah ces vieux ânes !
http://www.youtube.com/watch?v=Km4hdtZ7Iyg
Bs.
Un sage de notre époque, Pierre Rabhi :
http://chat777.over-blog.com/article-linking-du-21-04-2011-pierre-rabbi-72225380.html
« …Je soutiens que la Vérité est un pays sans chemin : vous ne pouvez avancer vers elle par quelque voie que ce soit, par aucune religion, aucune secte. Tel est mon point de vue et j’y souscris entièrement, inconditionnellement. La Vérité étant infinie, non conditionnée, inapprochable par aucune voie, on ne peut l’organiser ; on ne peut pas non plus constituer une organisation pour amener ou forcer les gens à suivre un chemin particulier. Si vous avez compris cela, vous verrez combien il est impossible d’organiser la foi. La foi est quelque chose de strictement personnel, vous ne pouvez ni ne devez l’organiser. Si vous le faites, elle meurt, se cristallise, devient un credo, une secte, une religion, que l’on impose aux autres… »
Krishnamurti
Le poujadisme( R.Barthes)
http://www.ses.ac-versailles.fr/extras/reserve/pages/barthes1.htm
Fabrice Luchini
http://www.youtube.com/watch?v=WDx2N6HUOKk&feature=youtube_gdata_player
http://www.dailymotion.com/video/x85yed_le-dernier-des-immobiles-ba_shortfilms
@Gerry
75.000 ans, selon vous que les premiers humains quittaient leur berceau africain pour tenter de vivre ou survivre sous des cieux plus cléments, pour eux et pour leurs ânes? Peut-être…
Il est vrai que le mouvement continue mais les Tunisiens, Libyens et autres courageux « survivialistes » du Sud ne peuvent même plus emmener leurs ânes sur les rafiots qui les mènent vers Lampedusa.
Et tous ces fous qui cherchent la Vérité (qui, comme tout le monde le sait, fut inventée tout comme la réalité, et doit être réinventée chaque jour)… Cette quête inutile au lieu d’accueillir leurs frères sur les rivages dorés du Nord, la où pousse le blé et coulent les ruisseaux de lait et de miel.
Folie, sagesse, quand donc vous parlerez-vous?