Billet invité
Se poursuivant tous les deux vers des issues incertaines, la crise financière et l’accident nucléaire de Fukushima auraient-ils des points communs ? Paul Jorion a déjà évoqué la similitude des faux remèdes qui y sont dans les deux cas apportés : l’inondation des banques par des liquidités et celle des réacteurs par de l’eau. Permettant seulement de gagner du temps, mais pas davantage.
Un autre rapprochement est éclairant : celui de l’interpénétration étroite de l’État par l’industrie nucléaire, de même nature et selon la même méthode que celle que l’on constate dans le cas de l’industrie financière. Contribuant dans les deux cas à la formation d’un système oligarchique opaque et centralisé.
Dans le domaine financier, le cas américain est particulièrement flagrant, mis à jour avec force détails par Simon Johnson, dans un article publié par The Atlantic Review, qui fait désormais date.
Dans celui du nucléaire, l’exemple japonais est très éclairant. D’étroites relations se traduisent notamment par des allers-retours des hauts cadres entre les compagnies d’électricité, regroupées au sein de la Fédération japonaise des compagnies d’électricité (FEPC), et le tout puissant Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI). Un même phénomène est constaté.
Sous un troisième angle, et non des moindres, le parallèle peut être poursuivi. Dans les deux cas, nous avons en effet affaire à une activité marquée par une forte opacité, qui se manifeste de multiples façons.
L’expression d’origine américaine shadow banking symbolise l’absence de transparence pour l’activité financière. Les situations de crise fournissent de nombreux exemples de rétention d’informations dans l’industrie nucléaire. De manière similaire, les principaux responsables déploient un discours omniprésent et auto-justificatif destiné à marginaliser toute interrogation et mise en cause. A la noyer, pourrait-on même dire. A escamoter l’information, dont la circulation est à la source de tout exercice démocratique, mais également à la pervertir en utilisant les médias rabaissés au rang de haut-parleurs.
Souvent exercice formel, cette même démocratie est proscrite dans ces nouvelles citadelles qui s’affichent sous le slogan de la modernité. Il n’en est pas d’expression plus achevée que l’indépendance des banques centrales, cette fiction entretenue dont la justification officielle repose sur la méfiance des dirigeants élus. Et que l’on prétend élargir, afin d’imposer dans le domaine économique de nouveaux diktats automatiques.
Enfouis dans les bilans des banques, les actifs sont toxiques, comme le sont les radio-éléments qui par contre s’échappent parfois malencontreusement des réacteurs. Présentées comme indispensables, les industries nucléaire et financière font la démonstration qu’elles présentent de nombreuses facettes néfastes au sein desquelles il est désormais crucial et urgent d’opérer un tri sans concession. En l’état, leurs bienfaits reposent sur des prises de risques – incontrôlés malgré toutes les fausses assurances – que nous n’avons tout simplement pas les moyens de prendre.
Décidément, il n’est pas outré d’affirmer le capitalisme à l’agonie.
PS: les dernières nouvelles de Fukushima sont toujours ici
138 réponses à “L’actualité de la crise : COMPARAISON DONNE PARFOIS RAISON, par François Leclerc”
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