Billet invité.
Paul Jorion a évoqué dans sa plus récente vidéo du vendredi l’hypothèse d’une époque où la mort cesserait d’être subie.
Cette perspective chatoyante m’a donnée envie de propager ici des idées paradoxales concernant le vieillissement et la mort, qui me semblent peu répandues dans la culture générale, alors qu’elles résultent de l’état actuel des théories du vivant, et sont bien connues des biologistes. Favoriser des remises en cause de paradigmes très répandus me semble être dans l’esprit de ce blog. De plus, en soulevant ce genre de sujet, je suis assuré d’avoir des lecteurs qui s’estimeront assurément concernés : nous sommes tous mortels !
Le vieillissement est le plus souvent perçu comme une usure progressive, dont l’issue ne peut être que la mort : quand la machine est trop usée pour être réparée, elle ne peut que cesser de fonctionner. Tout comme un bâtiment qui vieillit ne peut que se délabrer en ruine, le vieillissement est perçu comme normal, aussi inéluctable que le second principe de la thermodynamique : il semble être une expression des propriétés du temps.
On pense aussi, souvent, que la mort est la contrepartie nécessaire de la vie, qu’elle lui est intimement liée, au point qu’à un certain niveau de considération des systèmes vivants, il est impossible de les départir. La mort d’un organisme est le recyclage de ses composants dans d’autres organismes, et ce mouvement, c’est la vie même. Par ailleurs, l’adaptation d’une espèce à son milieu suppose le renouvellement des générations. Dans un écosystème à caractéristiques finies, il faut bien que certains meurent pour que d’autres, peut-être un peu différents et mieux adaptés, puissent les remplacer. On est donc conduit à penser, de façon finaliste, que, pour toute espèce, il existe une programmation biologique implicite de la mort, une sorte d’âge limite qui représente l’asymptote des âges possibles.
Or, ces deux idées sont fausses : la vie ne s’use pas, et elle ne suppose en rien la programmation de la mort.
La vie ne connait pas l’usure. Dans toute espèce, tous les « bébés » sont tout neufs, à chaque naissance, quelles que soient les vicissitudes qu’ont subies les parents. C’est bien que la vie, lorsqu’elle veut bien s’en donner la peine, est parfaitement capable de réparer les effets du temps, et de déployer des mécanismes capables de compenser le second principe de la thermodynamique, qui veut que tout système isolé évolue vers le mélange et le désordre. C’est sa nature même. Elle y réussit d’ailleurs très bien : certains gènes codant des mécanismes tout à fait fondamentaux sont présents dans tous les organismes, pratiquement inchangés depuis l’origine de la vie, et l’on pourrait les dire quasi-immortels. Les exemples d’indifférence de la vie au temps abondent : les organismes les plus anciens, les bactéries, se reproduisent par division, donnant naissance à deux individus neufs, du même âge, de sorte qu’une lignée bactérienne n’a pas d’âge, et ceci depuis la nuit des temps, qui ne semble pas l’affecter…
Dans ces conditions, pourquoi donc la vie ne répare-t-elle pas les organismes plus évolués, alors qu’elle le pourrait sans doute ?
La théorie synthétique de l’évolution répond à cette question, d’une façon assez subtile et contre-intuitive, et généralement peu connue, sauf des biologistes.
Nous devons tout d’abord remarquer qu’il n’y a rien de moins naturel que la mort dite naturelle, qui n’arrive pratiquement jamais dans la nature. Les organismes meurent principalement de prédation, et accessoirement de maladie, d’inadaptation, d’inanition, d’accident, mais pratiquement jamais de vieillesse. Seules quelques espèces très rares, dont la nôtre, ont le privilège d’avoir des individus assez vieux pour en mourir. Le lot commun est que la mortalité « exogène », du fait du milieu, est une sorte de pression continue, qui fait disparaître les individus bien avant leur vieillesse.
Le médecin anglais Peter Medawar, par ailleurs prix Nobel 1960 pour d’autres travaux, a, semble-t-il, été le premier à remarquer que, de ce fait, les organismes âgés contribuaient peu à la sélection naturelle.
Considérons une population, soumise à une pression de mortalité continue, affectant de façon équivalente tous les individus quel que soit leur âge. La plupart n’atteindront même pas l’âge de la reproduction. Ceux qui auront survécu pourront se reproduire une fois, mais ceux qui auront cette possibilité deux fois sont beaucoup moins nombreux, et ceux qui peuvent se reproduire alors qu’ils sont vraiment âgés sont tout à fait exceptionnels. Leur contribution à la sélection naturelle des gènes dans cette population est donc d’autant moins significative qu’ils sont plus âgés.
Imaginons par ailleurs qu’existe, dans cette même population, un gène qui s’avère délétère à partir d’un certain âge, après la période de vie la plus significative pour la reproduction. Il n’existe alors aucun mécanisme qui permette à l’information de remonter les générations, pour « prévenir » que ce gène doit être éliminé.
Ainsi, certains gènes qui n’affectent que les individus les plus âgés sont invisibles aux mécanismes de la sélection naturelle, et ils s’accumulent dans le génome sans jamais être éliminés. Ce sont eux qui conduisent à la sénescence et à la mort.
L’âge limite des organismes d’une espèce n’est donc pas programmé à priori, c’est le résultat d’un équilibre entre la dynamique de reproduction de cette espèce et la pression de mortalité exogène du milieu. Si celle-ci vient à diminuer, une plus grande proportion d’individus âgés pourra se reproduire, et les gènes qu’ils transmettent pourront être soumis, dans une proportion plus significative, aux mécanismes de sélection, ce qui conduira à l’élimination de ceux qui s’avèrent tardivement délétères et font vieillir, et en conséquence, l’âge limite constaté dans cette population s’en trouvera augmenté.
Par exemple, les palourdes de nos côtes vivent habituellement quelques années. Or, on a découvert récemment, dans l’océan arctique, des palourdes âgées de 450 ans. C’est que le milieu dans lequel elles vivent est très stable, sans prédateur, ce qui leur permet de se reproduire de nombreuses fois sans inquiétude. Leur génome « assaini » par la sélection naturelle autorise donc cet âge très vénérable.
A contrario, si la pression de mortalité exogène est très forte, ce qu’il advient aux organismes après qu’ils se soient reproduits est tout à fait indifférent à la vie. Seule compte pour la sélection naturelle la transmission des gènes. C’est ainsi que des éphémères, soumis à une prédation massive à peine sortis de l’eau, ne vivront que le jour de leurs amours, alors que leurs larves moins exposées vivent plusieurs années. Un autre exemple est celui de certains papillons qui se métamorphosent sans tube digestif, et sont donc condamnés, en sortant de la chrysalide, à mourir très vite de faim. Les gènes qui codaient pour la construction d’un système digestif ont sans doute « sauté » à une certaine époque, mais il s’est avéré que cela n’avait aucune conséquence pour la transmission du génome, qui se fait tout aussi bien. Autant, alors, ne pas investir dans la construction d’un corps durable, qui n’est pas nécessaire (Théorie du « soma jetable »).
Des expériences, faites dans les années 80, ont conforté cette théorie de la sénescence. On a soumis une population de mouches drosophiles à une sélection tout à fait artificielle, en n’autorisant la reproduction que des individus les plus âgés. Cette sélection artificielle, conduite pendant quelques années, a provoqué le doublement de l’âge limite constaté dans la population.
Dans notre espèce, ces mécanismes semblent moins évidents, mais sont bel et bien présents. Ils sont impliqués, par exemple, dans certains cancers des organes sexuels qui apparaissent avec l’âge (prostate, sein, col de l’utérus, ovaires, etc…). On a en effet mis en évidence que c’est parfois la même hormone, qui favorise tel ou tel mécanisme lié à la reproduction, qui est ensuite impliquée dans l’apparition de cancers à un âge plus avancé. La sélection naturelle se moque bien de cette injustice : une fois que ces gènes utiles à la reproduction ont été transmis, peu importe qu’ils vous fassent vieillir et mourir ! (Théorie de la pléiotropie antagoniste)
Le vieillissement nous accable tous inexorablement. Peut-être pourrons-nous tirer une consolation, au moins d’ordre poétique, dans la certitude que la vieillesse et la mort n’existent pas comme nécessité, et ne sont que le sous-produit des mécanismes de la reproduction et de la sélection naturelle.
On retrouve le vieux couple Eros / Thanatos, mais ici Eros triomphe : la mort, c’est ce dont la vie ne s’occupe même pas !
239 réponses à “LE VIEILLISSEMENT ET LA MORT, par Marc Peltier”
Le sens de la mort et « ce qu’il se passe » après , a interrogé toutes les religions fondamentales . J’ai réexhumé un bouquin à plusieurs auteurs , paru en 1989 chez Albin Michel sous le titre de « La mort est une autre naissance » .Il est préfacé par Marc Oraison ( ça ne s’invente pas ) .
C’est , bien sur, une approche qui occulte le « vieillissement » ( pourtant Jacques Brel prétend , et moi aussi que : « mourir , la belle affaire , mais vieillir …. ») , mais elle passe en revue la mort chrétienne , l’expérience chamanique , l’au delà de la mort dans l’islam , la « silva oscura » de la tradition ésotérique occidentale , le karma et l’hindouisme , le bouddhisme tibétain , le zen …
Au bout du compte ( du conte ) tous ces textes semblent confluer pour nous faire percevoir que vie et mort font partie d’une même réalité . Sinon une vérité .
J’y ai retrouvé , en révisant , un extrait des Frères Karamazov , qui m’avait pétrifié quand je l’ai lu, il y a bien longtemps , celui qui arrache à Aliocha l’éternel cri , celui qui rend la mort d’un enfant ( Ilioucha ) plus douloureuse et révoltante que ….tout . Faut il que nous soyons faits de bêtes atomes pour traverser encore cette épreuve là . Ou faire un sacré pari sur le sens des mystères qui nous hantent .
« Ma mort sera le dernier de mes soucis » .
Quant à faire , autant lui (re)donner la parole :
http://www.youtube.com/watch?v=UN5vr-f0H8o
1) Après avoir parcouru rapidement l’article et les commentaires, je signale que René Thom a pris position sur le sujet dans « Stabilité Structurelle et Morphogénèse » (2ème édition p. 280 « Vieillissement ou glissement catabolique », p. 282 « Irréversibilité et mort », p.293 « Le vieillissement). Je les livre telles quelles, mes connaissances (j’allais dire mon expérience!) en la matière étant plus que limitées.
2) En rapport un peu lointain avec le sujet du billet mais en rapport quand même, j’ai écrit un commentaire (37) (que j’ai intitulé « Le prix du chat de Schrödinger ») au billet de Quentin Ruyant « Physique quantique et réalisme scientifique ». J’y donne une réponse que je crois légèrement différente de celle qu’a faite Paul Jorion dans son billet « La conscience du chat de Schrödinger » (27/03/07). Ce commentaire n’a eu aucun écho. Suis-je un loustic?
3) Carrément hors sujet avec le billet du jour, mais en rapport avec 2), je cherche des liens internet gratuits vers les modèles d’Everett (de préférence pour non physiciens).
Aucun lien efficace vers René Thom…
Que nous dit-il ?
Je recopie ce qu’il dit p; 293 (note de bas de page).
« Cependant il est assez naturel d’admettre que l’essence du vieillissement est l’évolution locale des tissus vers un état local plus stable. Comme la stabilité globale de l’organisme repose sur la possibilité de s’adapter aux agressions par des variations qualitatives locales de l’organisme, on s’explique aisément qu’un accroissement de la stabilité locale conduise à une diminution de la stabilité globale. »
A propos de « Irréversibilité et mort », il me semble (cf ma première intervention!) qu’il va, dans son jargon , dans le même sens que Marc Peltier (« asymptote » prenant un sens précis).
A propos de « Vieillissement ou glissement catabolique », je vous cite un bout de phrase « au hasard » par rapport auquel chacun évaluera sa position: « …le plongement de V’ dans V va en se simplifiant topologiquement par une infinité de changements discontinus dont l’effet thermodynamique…
1) Vieillissement ou glissement catabolique: un bout de phrase au (presque) hasard: …le plongement de V’ dans V va se simplifiant topologiquement par une infinité de changements discontinus dont l’effet thermodynamique…
2) Irréversibilité et mort: il me semble (voir plus haut) qu’il va dans le sens de Marc Peltier (techniquement il précise dans son jargon la notion d’asymptote).
3) Vieillissement. C’est une note de bas de page: « Cependant Il est assez naturel d’admettre que l’essence du vieillissement est l’évolution locale des tissus vers un état local plus stable. Comme la stabilité globale de l’organisme repose sur la possibilité de s’adapter aux agressions par des variations qualitatives locales de l’organisme, on s’explique aisément qu’un accroissement de la stabilité locale conduise à une diminution de la stabilité globale ».
NB: le « Cependant » initial se rapporte à la dernière phrase de 1).
une plus grande proportion d’individus âgés pourra se reproduire?
instabilité du soma /stabilité du germen…
Le soma est instable,il suffit de se regarder dans la glace.Quant au germen ,je ne sais si ma remarque a une quelconque pertinence ,mais vous n’ignorez pas que la probabilité d’engendrer un enfant porteur du du syndrome de Down est corrélé à l’âge de la mamam.
autrement dit les cellules germinales ne sont pas plus stables que les autres.
par hasard, hygiène d’acceptation de la mort, pour les agités de mon genre
Proust, A L’Ombre Des Jeunes Filles en Fleur
Il se trouve qu’hier, j’étais dans une soirée familiale, anniversaire d’une nièce.Je découvre une femme, compagne d’un homme que je n’ai pas vu depuis très longtemps et, ma première impression est de penser qu’elle parait plus âgée que lui.Au fil de la soirée ,je la trouve de plus en plus belle et mystérieuse.Avec le temps, évidemment tout s’en va,Marcel a je crains raison;faut -il pour autant se résigner?
Proust présente la chose de façon très expérimentale comme si il y avait à vérifier une qualité objective dont il faudrait perdre l’illusion faisant alors de nous des hommes ou des femmes avertis. Cette approche me semble tout aussi illusoire que celle qu’il critique.
J’ai le sentiment que souvent le mystère des êtres s’épaissit avec le temps parce que les êtres n’ont pas une identité qu’il suffirait d’authentifier et qui serait la cause de l’évolution de notre sensibilité à leur égard. Ce n’est pas tant une affaire de simple mise au point optique qui fait évoluer la perception que la relation elle-même qui se modifie et change l’optique. La perte du mystère ne vient-elle pas surtout d’une volonté de se fixer un jugement sur les personnes, si possible définitif ?
Je ne suis pas d’accord. Proust de toute façon… piétine les lieux communs !
Par exemple, prenez un chat, vous n’arriverez jamais à approcher le mystère de son caractère qui restera comme une éternelle énigme. Tout ce qui est obscur reste obscure, dans un chat il n’y a rien à comprendre et pourtant il reste une présence, – un doux ronronnement,
http://damienbe.chez.com/fleurs.htm
Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
(…)
C’est l’esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu?
Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales
Qui me contemplent fixement.
Voilà ! Et il existe des femmes qui sont comme des chats. Et d’ailleurs tout le monde est un peu un chat.
Vient de paraître aux « éditions Nous » Proust de Walter Benjamin (qui en fut le traducteur). cet extrait ci-dessus est un extrait, et la littérature n’est pas un amoncellement de pensées ordonnées dont on aurait au final la clef du placard; elle se hasarde fraie dans une multitude de perceptions en les reconnaissants: toute à l’attention, et en même temps à la destruction des formes qui nous tiennent lieu de canne de fer dans un monde sans marge; gain des corrélations secrètes pour supporter les forces de mort, et le poids du moi. Proust est à l’affût des promesses de bonheur et s’y plantant comme quidam se conseille autrement; rien que pour voir si ce n’est pas un peu plus fort à l’ombre des passions, et ça peut l’être tout autant… d’autres cruautés, d’autres mystères, d’autres beautés, jusqu’à l’épuisement…
autre citation sur les citations;
Walter Benjamin,
et un peu de musique dans mon humeur de ce matin
Syd Matters – Hi Life
http://www.youtube.com/watch?v=A4N_zbegHro&feature=related
Lisztfr, j’adore les chats, Alice au pays des merveilles http://www.youtube.com/watch?v=ZsAMV9HYp9E
& j’ai adoré lire Sôseki, et son « Je suis un chat »
« Ce fut probablement mon premier regard sur ce qu’on appelle « l’homme ». J’eus à ce moment-là le sentiment que c’était une chose bien étrange, sentiment que je garde encore maintenant. D’abord le visage qui aurait dû être couvert de poils était lisse comme une bouilloire. J’ai rencontré beaucoup de chats par la suite mais je n’ai jamais revu pareil estropié.»
« Mon maître et moi nous trouvons rarement face à face. Il paraît qu’il est professeur. Quand il revient de l’école, il s’enferme dans son bureau pour le reste de la journée et n’en sort presque pas. Sa famille le prend pour un homme très studieux. Lui fait semblant de l’être, mais en réalité ce n’est pas le travailleur que l’on croit ici. De temps en temps je me glisse à pattes de chat dans son bureau pour jeter un coup d’œil et je le trouve souvent entrain de faire un petit somme. Parfois il bave sur un livre qu’il a commencé à lire. Il a l’estomac malade ce qui lui donne un teint couleur jaune clair, et son attitude est faite de raideur et de lourdeur. Quand il a avalé son copieux repas il prend de la Taka-diatase , puis il ouvre un livre. Au bout de deux ou trois pages, il s’endort et bave sur le livre. Programme habituel qui se répète chaque soir. Tout chat que je sois, il m’arrive de penser : un professeur a vraiment une vie heureuse. Si je renaissais en homme, je voudrais n’être que professeur. Si on peut occuper un emploi en dormant autant, un chat aussi en est capable. Et malgré cela, d’après mon maître, il n’y a rien de plus pénible que ce métier de professeur, et chaque fois que ses amis viennent chez lui, il grogne sur une chose ou une autre.
Quand je suis entré dans cette maison, personne ne m’appréciait, à part mon maître. J’essuyais des rebuffades de partout où j’allais, et personne ne voulait de ma compagnie. Le fait qu’on ne m’a pas encore donné de nom montre à quel point j’ai été négligé. Je m’y suis résigné et j’ai fait mon possible pour rester près de mon maître., car c’est lui qui m’a laissé entrer dans sa maison. Le matin quand il lit le journal, je monte toujours sur ses genoux. Quand il fait un somme, je grimpe sur son dos. Cela ne veut pas dire que j’aie de l’affection pour lui, mais comme je n’ai personne pour s’occuper de moi, vers qui puis-je me réfugier ? »
Pas mal, Syd Matters – Hi Life
merci 🙂 j’aime bien
…ce flux de commentaires est noyant, j’essaie de reprendre pied
Pour la lignée du germen, le nombre de mitoses est de toute évidence « infini « . Par contre, pour les cellules somatiques, le nombre de mitoses est limité autour de 50 (chez l’homme, Hayflick ). il conviendrait donc d’expérimenter pour relier « la sélection des vieux reproducteurs « drosophiles » à l’existence absolument assurée de leurs limite de Hayflick ( laquelle est très bien expliquée par la perte des télomères). De plus, comme pour toute machine, la machinerie somatique demande le remplacement de cellules individuelles lorsqu’elles sont encrassées et menacent le fonctionnement organique. Toutefois, au fur et à mesure de l’avance en âge, les cellules de remplacements ne sont pas si en forme que ça, y’en a même de si déglinguées qu’elles pourraient dégénérer en cancer, aussi, la limite de Hayflick a été interprétée -sans finalisme- comme un mécanisme d’assainissement, avant qu’il ne soit trop tard et qu’une lignée ne dégénère en colonisant tout par une reproduction explosive. Bref, il faut bien mourir par « petits bouts » afin de tenir le coup, un peu plus longtemps, dans l’ensemble.
Regardons les choses autrement
La mort des individus est nécessaire pour que l’espèce reste belle, car, à vivre trois cents ans et plus , et à moins que les lois de l’information et de la thermodynamique ne s’appliquent pas à notre machinerie, nous finirions tous, non pas comme de simples vieux « croutus tordus » ce qui n’est déjà n’est pas très réjouissant , mais nous nous épanouirions comme Aliens .
Mes connaissances en Biologie sont quasi-nulles. Cela ne m’empêche pas de m’y intéresser. Or je remarque que, très souvent, les biologistes prennent la précaution de préciser que leurs raisonnements ou théories ne font pas appel au finalisme.
Or, en Mécanique classique, l’évolution d’un système matériel peut être décrite de deux manières: l’une par des équations locales comme les équations de Lagrange ou de Hamilton, l’autre par un principe variationnel global comme le principe de moindre action de Maupertuis. Ces deux descriptions sont parfaitement équivalentes bien que l’une présente un aspect de déterministe local et l’autre un aspect finaliste.
Pourquoi refuser en Biologie ce qu’on admet couramment en Mécanique?
@BasicRabbit
Je pense que c’est une bonne question.
Je me demandais si, en physique, l’attitude équivalente au rejet du finalisme en biologie, n’était pas l’interprétation relationnelle de la mécanique quantique?
Les biologistes font tout ce qu’ils peuvent pour ne pas faire appel au finalisme. Mais toutes les études sérieuses montrent qu’ils le font sans cesse, de manière plus ou moins implicite, plus ou moins élégante. Il est impossible de faire sans. Voilà le grand mensonge, le grand secret de la biologie contemporaine et du réductionnisme qui l’accompagne comme son ombre.
Il faut que je retrouve la référence mais je crois qu’une œuvre collective monumentale consacrée à cette question du finalisme dans la biologie contemporaine a vu le jour en France, il y a un peu plus d’une dizaine d’années. Ouvrage passionnant, égaré par moi, dont je vais tenter de retrouver la référence.
La question de la finalité est affrontée indirectement en biologie mais de manière constante (ne serait-ce que la façon dont le corps est conceptuellement découpé et saisi implique toujours déjà une position particulière par rapport au mécanisme et au finalisme). La finalité depuis Aristote c’est une problématique du vivant. Elle fait peur car bien sûr elle implique de mobiliser un arrière plan métaphysique et religieux lourd de signification au cœur du dispositif scientifique, ce qui fait « tâche ».
En physique, puisqu’on étudie de la matière inerte, le finalisme n’est jamais mobilisé en tant que tel. Le mécanisme règne en maître. Cependant , lorsqu’on aborde la question de l’espace et du temps, Dieu intervient parfois en filigrane, à l’arrière plan des schèmes théoriques des uns ou des autres. Le finalisme dont parle BasicRabit n’est pas du tout le finalisme philosophique en jeu dans la compréhension du vivant. A dire vrai, il oppose surtout deux formes de mécanisme, l’une d’entre elle se donnant pour du finalisme, ce qu’elle n’est pas.
La question du finalisme et du mécanisme mobilise essentiellement Aristote, Thomas d’Aquin (qui pour le coup sur ce point se démarque d’Aristote), Descartes, Kant, Hegel et… Bergson (dans l’Évolution créatrice je crois, où il renvoie les deux thèses dos à dos comme deux illusions du cerveau humain). Toutefois, en y regardant de près, on se rend compte qu’aucune de ces différentes postures n’est exempt de critiques. Je ne saurai trop vous conseiller d’aller y regarder par vous même.
@ Antoine Y
Voici ce qu’en pense René Thom (Apologie du logos, 1990, p.265):
« Je voudrais pour terminer évoquer quelques lieux communs de la littérature contemporaine. Le premier concerne le discrédit jeté a priori sur la finalité. Quand se rendra-t-on compte que la détermination des moyens nécessaires à la réalisation d’une fin est strictement identique à la recherche des causes pouvant produire un effet donné?
…
Un autre lieu commun de la littérature néo-darwinienne contemporaine consiste à opposer les processus sélectifs aux processus instructifs. Les processus sélectifs sont conformes à l’orthodoxie darwinienne, les processus instructifs ont au contraire un fâcheux relent lamarckien.
…
L’opposition à la finalité comme à l’hypothèse instructionniste ressortissent à la même métaphysique. Celle qui nie a priori la possibilité d’une causalité formelle indifférente au sens de la flèche du temps. En physique, dès qu’on écrit une équation issue d’une loi on adopte et on exploite la causalité formelle. Pourquoi serait-ce inadmissible en biologie?
@Basic : Je crois bien que Prigogine a donné une réponse : les equations ne DOIVENT PAS etre réversible par rapport au temps . Il le démontre par les « bifurcations » de solutions sur des equa diff si j’ai bien compris .
La détermination des moyens nécessaires à la réalisation d’une fin est strictement identique à la recherche des causes produisant un effet donné.
C’est vrai, mais seulement lorsque l’on parle de matière inerte! Nous n’avons en effet pas besoin de mobiliser une théorie de la motivation ou de la volonté pour expliquer la manière dont se comporte un corps gazeux, par exemple.
Dès qu’on aborde le vivant c’est déjà plus compliqué. Même Descartes qu’on caricature/tronque à l’envie n’a pourtant jamais réduit le comportement animal à du simple mécanisme.Si on passe à l’homme. Il y a un monde le comportement d’une pierre et celui d’un animal . Et ce n’est pas là une différence dans l’ordre de la complexité mais une différence de nature!.
Sa thèse n’a donc de sens qu’à condition d’avoir déjà assumé l’hypothèse mécaniste et réductionniste. Car ce qu’il présente comme un trait méthodologique, une simple question d’épistémologie, implique déjà logiquement son adhésion à un certain nombre de thèses métaphysiques déterminées.
Il faut se souvenir qu’Aristote rompt avec la thèse mécaniste qui était dominante avant lui, et qui avait été conçue par des gens qui s’occupaient alors principalement de physique, de cosmologie. Aristote rompt avec elle en partie parce-qu’il a observé la nature (la physis), le vivant, sur la base de son expérience de « biologiste » donc. ( « l’âme’ » pour Aristote,c’est le « principe d’organisation du corps »). Dès l’origine la rupture est consommée et irrémédiable entre biologie et physique. Toute tentative de passer outre mène au mécanisme dans un sens ou à l’animisme dans un autre. Nier la dimension essentielle de l’affectivité dans un cas, l’attribuer aux pierres dans l’autre.
« Un autre lieu commun de la littérature néo-darwinienne contemporaine consiste à opposer les processus sélectifs aux processus instructifs. Les processus sélectifs sont conformes à l’orthodoxie darwinienne, les processus instructifs ont au contraire un fâcheux relent lamarckien. »
OK
« L’opposition à la finalité comme à l’hypothèse instructionniste ressortissent à la même métaphysique. »
OK
Celle qui nie a priori la possibilité d’une causalité formelle indifférente au sens de la flèche du temps.
??? Peut-être… je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire.
En physique, dès qu’on écrit une équation issue d’une loi on adopte et on exploite la causalité formelle. Pourquoi serait-ce inadmissible en biologie?
Ce n’est pas « inadmissible ». C’est simplement impossible de s’en tenir là. Ca ne marche pas, tout simplement.
Il n’y a pas de « vivant » qui ne soit pas individué, qui ne constitue un « tout » ou qui ne s’insère dans un « tout » relativement autonome d’une certaine manière (c’est un des grands problèmes philosophiques que tente de résoudre Spinoza que celle de la frontière entre les corps organiques, qui n’a encore une fois rien à voir avec celle des constituants ultimes de la matière à laquelle renvoie l’expérience de la craie successivement cassée en deux). Mais la matière inerte n’est pas « individuée » (corollaire: elle ne se reproduit pas). La façon dont s’intègrent les différentes parties d’un organisme n’a rien à voir avec la compossibilité purement logique des lois de la physique qui organisent la matière. On découpe la matière comme on veut. On ne découpe pas le vivant sans prendre le risque de le détruire en tant que vivant.
Une autre manière de comprendre cette idée qui n’est pas tellement simple si l’on part avec un tropisme de physicien, c’est de se rappeler cette définition thomiste du vivant « ce qui est mû par soi-même et non par un autre ».
C’est justement l’objet d’une loi de la physique que d’établir de tels rapports. Ça devient difficile lorsque qu’on ne peut plus découper en « parties », par exemple quand il faut reconnaître que chaque partie génère/est dotée de son espace-temps. Mais là encore ce n’est absolument pas en ces termes que se pose la problématique pour la biologie. (Même si au fond toute la représentation occidentale du corps est celle du corps mort, du corps-matière inerte, découpé en organes et fonctions (avec l’hypostase mise sur le système nerveux central).
C’est justement parce-que la cause formelle ne peut rendre compte de cette spécificité du vivant, qui lui reste impénétrable en tant que tel, que l’idée de cause finale est mobilisée (âme = Forme = Principe d’animation, d’organisation du corps).
Je ne suis pas du tout spécialiste, voici mon « kit de survie « sur cette question
Au stade « biologique », ni déterminisme local ni finalisme, mais assimilation génétique des réponses comportementales permettant l’adaptation au milieu.
Entre Lamark et Darwin, il existe toujours la possibilité du « tertium » Piagetien. C’est à dire un système complexe de régulations constructives du système génétique en interaction avec le milieu interne , lui même influencé par l’adaptation somatique au milieu externe. Cette voie d’approche fut bloquée par ce stupide paradigme de code génétique ( E. Morain – fin des années soixante- jouait avec la métaphore ADN/ Adonaï, tandis qu’ Henry Atlan était bien l’un des seuls à contester l’idée d’une réduction à un « code génétique ». Les solutions darwiniennes et neo darwinienne n’expliqueront jamais les organes complexes, ni le fait que les phacochères naissent avec un cal aux genoux préformé (du fait qu’ils sont incapables de tenir sur leurs pattes- pendant de nombreux jours après la naissance). Je ne suis pas les développements de la biologie, mais j’entends que l’idée d’une machinerie génétique commence à prendre le pas sur l’idée d’un code… c’est un petit pas. Toutefois, rien n’est gagné, car l’épistémologie biologique de Piaget est sous-tendue par l’autonomie du sujet, au-delà du hasard et de la nécessité, c’est le comportement qui devient moteur de l’évolution, adopter ce paradigme serait pour beaucoup courir le risque philosophique d’abandonner un dernier rempart contre la perte d’un « paradigme global » d’obéissance à quelque instance supérieure abstraite qui nous soit extérieure .
Voici, vu d’Amérique, un texte de présentation des premiers écrit d’Henry Atlan : pour faire croire à son retour sur investissement, la génomique « demande de la simplicité » .
///c’est le comportement qui devient moteur de l’évolution,////
Il y a une notion de temps qui , a mon sens, doit etre partie prenante sur cette thèse.
Que le comportement (la culture) s’inscrive dans le code génétique, ça ne peut etre possible que sur un tres long terme . Par contre il me semble que la culture puisse « sélectionner » certains particularisme physiologiques pour investir le domaine de l’inné .
Le problème de ce processus tient ,a mon sens, a un caractère d’irréversibilité . Le fait de s’appuyer sur un caractère instinctif (long terme) pour le modifier (inné culturel/moyen terme …puis Rites culturels court terme) ….. complexifie un système et donc le fragilise en l’adaptant . Fragilise si l’environnement qui a permis ces adaptations « opportunistes »se transforme rapidement .
La notion de temps me parait devoir etre pris en compte de façon primordiale dans l’ approche de ces études (cf Fabres et l’entomologie et ses conflits épistolaires avec Darwin .)
Je parlais des comportements biologiques d’adaptation au milieu par exemple l’étude de Piaget sur des Limnea lacustris et stagnalis. La variété longue, placée en rivière se raccourcit sa coquille en tirant sur son muscle stomacal pour s’accrocher aux parois et la forme acquise se « retrouve » chez ses descendants replacés en eau calme.
Pour l’évolution d’ensemble nous avons faire a des échelles de temps d’assimilation sans doute très étendue.
Jean-Luce Morlie attire notre attention sur le dépassement de la notion naïve de code génétique, censé définir tout ce qui advient en aval.
C’était déjà un petit progrès que de parler plus de génome et moins de gènes. On gagne encore en pertinence en parlant aussi du protéome, des formes, des comportements, des écosystèmes, et même des cultures! Et surtout l’interaction de tous ces niveaux.
Je regrette que le fait de rapporter ici un cas qui se discute principalement sur la dynamique de la sélection des gènes ait pu faire croire à certains que j’en suis resté à cette vision simpliste du gène maître de tout.
Si j’avais été un scientifique, j’aurais aimé étudier la relation du génome avec les formes, et avec les comportements innés. Qu’une araignée soit capable dès sa naissance de construire une toile d’une exquise complexité me fascine. Tient-elle cet héritage du paquet d’ADN qui lui a été transmis, ou d’ailleurs? Son comportement émerge-t-il de sa forme confrontée à l’environnement, ou vient-il d’ailleurs? Sa forme émerge-t-elle de sa dynamique cellulaire, confrontée aux comportements que la forme mettra en oeuvre, ou vient-elle d’ailleurs? Sa dynamique cellulaire, du protéome? Les protéines, des gènes seulement? Ou bien la clé est-elle dans l’auto-référence de tous ces niveaux, dans le mécanisme encore incompris de l’émergence, dans ce que Douglas Hofstadter appelle les « boucles étranges »?
L’année dernière, on a créé la première cellule à génome synthétique. Pour autant, il est évident que ce qui a été compris est infime par rapport à ce qui reste à comprendre!
Merci de votre réponse et du lien vers Henri Atlan (et je prie Marc Peltier, s’il lit ces lignes, de m’excuser pour ce hors sujet). Je me replie sur les maths, mon camp de base, pour plaider pour la finalité en Biologie. Ma propre plaidoirie ne pourra pas être plus limpide que celle de Patrick Dehornoy (accessible au non mathématicien)
http://www.google.fr/search?hl=&q=infini+dehornoy&sourceid=navclient-ff&rlz=1B7GGLL_frFR408FR409&ie=UTF-8
dont je reproduis ici la conclusion: même si on ne s’intéresse qu’au fini et à l’effectif et qu’on ne croit pas à l’existence de l'(ultra-)infini, il serait regrettable de se priver des intuitions qu’il apporte.Très clair, merci!
La transposition à la biologie est un peu, me semble-t-il, ce qu’exprime Jean Zin.
Très bon texte merci.
Plus simplement: « La vie est une maladie mortelle, sexuellement transmissible »
Pace Salute fil.
http://www.philomag.com/fiche-philinfo.php?id=37
Henri Atlan, extraits :
@ Vigneron
merci de citer H.Atlan , et à tous : lire « les étincelles du hasard » pour illustrer de ce je dis plus haut ainsi que beaucoup d’autres…
les séquences génétiques ne fonctionnent pas de façon linéaire comme un programme informatique ++++ , il faut y introduire au moins les 3D spatiales , pour comprendre comment cela peut fonctionner biologiquement parlant..
Ontologique parlant , c’est une autre histoire …….
Bravo! Voir le fil 67…
Attention ça fume un peu. C’est la suite de ce dont je parle en commentaire 62
de ce billet.
4) L’apocalypse? (= étymologiquement la révélation pour moi?)
La nature nous parle. Il faut donc d’abord l’écouter pour espérer la comprendre.
Ce peut être fait de l’extérieur (Darwin aux îles Galapagos) mais aussi de l’intérieur
(Connais-toi toi-même disait Socrate). Il y a peut-être en effet à
apprendre des grands mythes fondateurs des sociétés et civilisations
(cf. L’arbre de Porphyre (Esquisse d’une Sémiophysique (ES) p. 215 et
216) et aussi des rêves (cf. Lacan). Ainsi, en considérant la bible
comme une mythologie, je vois une analogie entre le mythe des dix
commandements révélés par Dieu à Moîse et la nouvelle constitution d’une
société en crise. Il est d’autre part paraît-il possible de rêver
simultanément quelque chose et son contraire: la nature nous
chuchote-t-elle qu’il existe des logiques plus subtiles que notre
logique usuelle (cf. « le prix du chat de Shrödinger »)?
Le capitalisme a triomphé du communisme. Seul désormais face à lui-même,
son essence prédatrice fait que le capitalisme s’auto-dévore! Nous en sommes là et
c’est angoissant.
René Thom nous envoie un message que l’on peut voir comme optimiste: cette
phrase mystérieuse autoréférente « le prédateur est sa propre proie » est, selon lui,
à la base de l’embryologie animale, phrase à laquelle il associe la catastrophe de
fronce.
Je ne comprends pas grand chose à l’oeuvre de René Thom. Ce n’est pourtant pas faute
d’essayer! Je note quand même que son premier ouvrage « Stabilité Structurelle et
Morphogénèse » (SSM) a pour sous-titre « Essai d’une théorie générale des modèles ».
Il s’agit d’une théorie des modèles continus (SSM p.2 et 3). Les mondes d’Everett
sont-ils continus et ont-ils un rapport avec les modèles continus de Thom? Je n’y
connais rien. Je suis preneurs de liens (gratuits de préférence) sur le sujet.
Par contre je perçois un rapport possible avec les modèles de Kripke. René Thom
produit en effet à la fois des modèles biologiques et des modèles linguistiques
(cf. SSM, SE). Cela me fait penser d’une part à l’invention de la vérité puis
de la réalité (cf. Paul Jorion et plus loin), d’autre part au fait que les modèles de Kripke sont
des modèles naturels de linguistique: un modèle de Kripke à deux actants me semble
en effet être un modèle naturel de la phrase sujet-verbe-objet, le rôle du verbe étant
joué par la relation entre les actants. J’y vois même une séduisante possibilité:
celle que certains modèles de vérité fournissent en même temps le
langage dans lequel la réalité sera formulée. On notera à ce propos que l’analogie
sujet-verbe-objet/exoderme-mésoderme-endoderme est centrale dans l’oeuvre de Thom.
En lisant et relisant l’oeuvre de Thom on découvre qu’il est (discrètement mais,amha,fermement) lamarckien.
Par exemple (ES p.127): « …on ne pourra que s’étonner, dans un futur pas
tellement lointain, du dogmatisme avec lequel on a repoussé toute action
du soma sur le germen, tout mécanisme lamarckien ». Il est plus précis p.128: Le rôle du génome apparaît finalement comme un dépôt culturel de modes de fabrication des substances nécéssaires à la morphogénèse. Il n’est peut-être guère plus nécessaire à l’embryogénèse que ne l’est la consultation des livres de cuisine aux réalisations gastronomiques d’un grand chef (ou en tout cas guère plus que l’ensemble de
ses fournisseurs…). » Sachant qu’un cuisinier ne note en général sa recette que lorsqu’il l’a essayée plusieurs fois et qu’il la trouve réussie, je ne peux qu’en déduire que pour Thom c’est le soma qui prime sur le germen. Thom serait-il foncièrement lamarckien? Je ne peux
m’empêcher de faire l’analogie avec mes propos précédents sur l’invention de la vérité puis de la réalité, dans cet ordre.
Ceci me conduit à une remarque sur la finalité en biologie. Si on privilégie le
germen sur le soma, alors on privilégie le verbe sur la chair, le livre
de cuisine est révélé au cuisinier qui exécute la recette. Révélé par qui? « Et le verbe s’est fait chair » (1er évangile selon Saint Jean). Ne sont-ce pas les néodarwiniens qui sont créationnistes, et non les lamarckiens? Je renvoie à ce sujet à 3) et en particulier à la citation
d’Aristote.
L’objection classique est que ce n’est pas Dieu qui modifie le germen mais le hasard. On sait depuis Mendel que le hasard intervient au moment de la reproduction au sein d’une espèce donnée et comment il intervient. Mais comment les nouvelles espèces apparaissent-elles? Le cuisinier modifie-t-il aléatoirement quelques caractères du livre de recettes, appliquant ensuite cette nouvelle recette? Ou modifie-t-il aléatoirement les ingrédients à sa disposition, notant ensuite la nouvelle recette s’il la trouve réussie? On notera que l’analogie sujet-verbe-objet/exoderme-mésoderme-endoderme est centrale dans l’oeuvre de Thom. Ceci invite à proposer l’analogie suivante: après la vérité classique, la deuxième espèce de vérité à apparaître dans l’arbre de l’évolution des espèces de vérités est l’intuitionnisme. Comme l’a dit K. Lorenz lors de son discours au Nobel: toute analogie est vraie!
Sur la science des relations.
Etre intelligent c’est comprendre les relations entre
les choses et/ou les idées: vue ainsi la science des relations (le
structuralisme?) est donc la science de l’intelligence. Peut-être cette
science ne peut-elle exister que parce que nous avons un pouvoir de
réflexion sur nous-mêmes, d’introspection réflexive. Y a-t-il un
rapprochement à faire entre les phrases auto-référentes que sont
« Connais-toi toi-même », « Le prédateur est sa propre proie » et « Je mens »?
On notera que la symétrie centrale, la réflexion, apparaît constamment
dans les modèles thomiens de morphogénèse (par exemple de la blastula
physiologique, cf. ES p.88). On a vu plus haut l’importance des théorèmes de complétude.
Quid des théorèmes d’incomplétude? La correspondance de Curry-Howard met en correspondance les preuves logiques et les programmes informatiques. Le théorème d’incomplétude de Gödel correspond à un programme de restauration de fichiers. Or il existe en biologie des mécanismes internes de réparation des gènes. L’analogie est-elle vraie? Je signale à ce propos que J.L.Krivine a obtenu une preuve sémantique du théorème de Gödel. D Je n’y connais pas grand chose mais je ne serais pas étonné si ce sens était précisément celui mentionné plus haut.
Réel, symbolique, imaginaire
Amha, le passage du sémantique au syntaxique n’est pas le passage de la vérité à la
réalité mais le passage de l’imaginaire au symbolique, le passage du symbolique au réel
étant obtenu par la correspondance de Curry-Howard.
Comment s’inventent la vérité, les mots pour l’exprimer et la réalité?
On voit donc s’affronter des points de vue radicalement opposés. Les théologies
des religions révélées ont privilégié le verbe à la chair. Descartes a privilégié
la « res cogitans » à la « res extensa ». Les néo-darwiniens ont privilégié le germen
au soma.
A l’inverse René Thom, en privilégiant le continu au discret, le géométrique
à l’algébrique, a choisi sans équivoque l’autre camp. En privilégiant le syntaxique au sémantique, le verbe au sens, les théologiens des religions révélées, Descartes, les néo-darwiniens, ont, peut-être, fait un formidable contre-sens. Pour reprendre un vieil adage populaire: ils n’ont pas eu de bon sens!
Bon! Comme je l’ai dit plus haut ça fume un peu! Mais ce que je viens de lire dans cette file me dit que la fumée va peut-être dans le bon sens!
En complément du billet de Marc Peltier:
http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=8777
Article très inquiétant: refuser la mort, sa propre mort, et se donner les moyens de ne plus mourir, c’est l’Egoïsme suprême. La fin programmée de l’Humanité…
Imaginez que l’Homme devienne immortel:
– Ressources limitées = naissances interdites. Vous refusez la possibilité d’exister aux milliards d’enfants qui ne naîtraient jamais, tout ça pour préserver votre vieille carcasse égoïste.
– Diversité génétique annihilée: risque de voir la diversité de la population décroître, puisque dans un monde de ressources limitées le nombre d’individus est limité. Sans diversité génétique, l’humanité n’aurait plus de « nouveau potentiel », ne s’adapterait plus correctement aux changements => fin programmée.
Si les gens parviennent à altérer leur propre génome, alors on risque de voir une uniformisation des gènes => fin de la diversité génétique.
La Mort restera une nécessité tant que les ressources de l’Humanité ne sont pas extensibles à l’infini.
Je trouve la mort plus rassurante que l’éternité, et celle des gens que j’ai connus m’affecte plus que l’idée de ma propre mort.
Sans la mort et la vieillesse, comment imaginer ce qui se passe au moyen orient, je m’éloigne du sujet certes !
Nous avons tous une sorte de sentiment d’éternité, croyants ou non croyants, celle qui suivra notre mort.
Je réserve ma préférence , car on ne m’a encore présenté poliment ni l’une , ni l’autre .
Ou j’ai oublié .
http://revue.de.livres.free.fr/cr/gilson.pdf
Pour clarifier deux trois choses. Éventuellement.
Avant que le rythme infernal du blog ne fasse disparaître ce billet dans les archives, je vais tâcher de faire une synthèse de tous ces commentaires , dont je vous remercie tous vivement.
Un tel sujet déclenche inévitablement des affects. Les deux tiers des commentaires sont relatifs aux connotations que le vieillissement et la mort suscitent, et qui sont, dans leur diversité, inclassables. C’est bien normal.
Parmi ceux qui se sont attachés à la discussion des théories exposées, j’ai noté la méfiance exprimée à l’égard d’un point de vue jugé réductionniste, alors que la vision naïve de gènes censés déterminer tout ce qui est en aval d’eux est aujourd’hui largement dépassée. C’est un malentendu dont je suis sans doute responsable : ayant pris une position quasi journalistique, qui rapporte des théories aux conclusions inattendues pour produire un effet d’étonnement, je ne m’étais pas mis en situation de nuancer et de relativiser.
Une partie des contributions porte sur l’usure du vivant, que, dans mon introduction, je commence par nier, ce qui était, là aussi, une ellipse « journalistique ». Dire « Le germen ne s’use pas » au lieu de « la vie ne s’use pas » aurait été plus précis et moins sujet à discussions.
J’ai trouvé finalement intéressant le malentendu avec Crapaud Rouge sur le mot nécessité. Paul Jorion a écrit sur les pièges des modèles mathématiques et les artefacts potentiels qu’ils véhiculent, et je trouve ici une illustration du fait que la langue ordinaire n’offre pas de meilleures garanties. Le mot nécessité, qui a un relief si particulier dans la formule « Le hasard et la nécessité », véhicule en effet deux idées qui sont précisement, dans le débat sur la théorie de l’évolution, antagonistes : nécessité comme inéluctable, et nécessité comme finalité (nécessaire à quelque chose).
La finalité a été discutée de plusieurs façons. On a pointé l’omniprésence des raisonnements finalistes chez les biologistes, qui, majoritairement, s’en défendent pourtant , ce qui me semble, en effet, évident.
D’une façon plus essentielle, certains commentaires ont montré le caractère opératoire et fécond des raisonnements finalistes. Des comparaisons avec les mathématiques et la physique ont encore élargie cette problématique, qui sera, pour moi, ce qui restera de ces débats.
Merci à tous. Quel blog merveilleux!
@Marc Peltier
ben c’est simple rien ne se perd(je sais lavoisier dis cela autremen bien sur,mais lui c’est lui) ,tout se transforme ,si vous voyez Dieu par ex ,il a un microscope pour voir les microbes/virus qu’il a créer et si sa l’amuse pourquoi lui en vouloir?
je vous cite énergumene..
Merci à tous. Quel blog merveilleux!
merci,c’est vous qui nous émerveiller .