Billet invité. Originellement publié ici, le 14 février 2011.
Dans les années 90, nous avons lu un article de Paul Jorion sur la relation des courtiers et pêcheurs de l’île de Houat (Bretagne) [1]. La loi de l’offre et de la demande ne fonctionnait pas comme prévu car des ententes cordiales entre les uns et les autres modifiaient le principe ou lui substituaient des relations de réciprocité : les prix étaient alors déterminés selon certaines conventions non écrites dans lesquelles la solidarité, l’amitié, la confiance jouaient un rôle important. Il nous semblait que deux dynamismes différents de marché, l’un de libre-échange et l’autre de réciprocité, étaient superposés.
À la même époque, nous faisions des observations qui paraissaient de même type, à la différence qu’à Palavas-les-flots (Hérault), la relation était le plus souvent directe entre les pêcheurs et les consommateurs. Il n’existait de relation médiatisée par des courtiers que pour quelques pêcheurs, et seulement lorsque la pêche excédait les possibilités de consommation locale. Pour les autres, lors d’un “gros coup”, on portait ses prises à la criée de Sète. À la criée, la loi de l’offre et de la demande s’imposait. Mais entre les pêcheurs et les consommateurs directs, les relations étaient du même type que celles observées entre les pêcheurs et leurs mareyeurs à l’île de Houat. Cependant, de ces observations nous n’avons pas tiré les mêmes conclusions.
Jorion pense que c’est en fonction d’un certain quotient d’amitié ou de toute autre valeur de nature éthique “constituée” en statut que le marché de libre-échange est modifié. Nous soutiendrons, au contraire, que c’est la pratique de la réciprocité qui génère les liens d’amitié en question.
Dans l’article publié par le M.A.U.S.S. en 1994 [2], Jorion revient sur ses observations et se propose d’en donner une interprétation sans équivoque. Il résume :
« J’avais pu constater, au cours d’une expérience de terrain couvrant la plus grande partie du littoral de l’Afrique occidentale ainsi qu’une petite partie de l’Europe côtière, que la formation du prix du poisson dans les transactions entre producteurs et revendeurs n’est pas fonction de la rencontre de pures quantités de marchandises offertes et demandées, mais d’un rapport de forces entre acheteurs et vendeurs en présence et où la qualité de chacun de ceux-ci semble jouer un rôle crucial dans la fixation du prix. J’ajoutais que la notion de philia, introduite par Aristote pour rendre compte du sacrifice occasionnel de l’intérêt personnel au bénéfice de la survie du marché lui-même, rendait compte de comportements effectivement observés » [3].
Dès cette introduction, on comprend que s’il y a bien deux sphères interactives, l’une quantitative, l’autre qualitative, les deux sphères sont ramenées à un rapport de forces…
Polanyi, Sahlins, etc., estiment que les rapports quantitatifs sont ennoyés et modifiés par des considérations qualitatives qui leur paraissent non économiques mais éthiques, au moins dans les sociétés traditionnelles où n’existe pas de libre-échange. Cependant, ils ne précisent pas d’où viennent ces sentiments éthiques.
Bourdieu soutient, lui, que les références qualitatives des personnes qui nouent entre elles des relations de réciprocité obéissent en fait à des statuts, et que leurs transactions expriment également des rapports de forces, mais il imagine une stratégie consciente des acteurs économiques comme échangistes qui utilisent ces rapports de forces politiques à la façon dont procèderaient des joueurs d’échec avec la claire intention de se placer dans une position favorable pour réussir des échanges très fructueux.
Jorion avance l’hypothèse que les rapports qualitatifs entre les protagonistes se ramènent à des rapports de forces qui modifient les rapports d’échange.
« La particularité de ces marchés que j’avais eu l’occasion d’étudier, où le vendeur et l’acheteur s’affrontent en “face à face” dans des transactions dites de gré à gré, a pu faire penser que je faisais du rapport immédiat entre vendeur et acheteur un élément déterminant du mécanisme mis en évidence. Telle n’était pas mon intention : si je me suis penché plus spécialement sur le processus de marchandage d’une part, et d’autre part sur celui des ententes collectives entre pêcheurs et conserveurs qui caractérisèrent la pêche à la sardine dans la Bretagne entre 1910 et 1960 (…), c’est que tous deux présentent l’avantage analytique de faire affleurer en surface la vérité de la formation des prix, à savoir que le prix est un effet de frontière reflétant le rapport de forces instantané entre vendeur et acheteur. » (souligné par l’auteur) [4].
L’hypothèse d’une relation de réciprocité matrice d’un sentiment commun n’est en tout cas pas envisagée.
Or, les rapports entre pêcheurs, consommateurs et courtiers nous sont apparus effectivement comme des rapports de forces lorsqu’ils dépendent d’un marché qui se joue sur une autre scène : la criée et la vente à l’échelon national. Il existe néanmoins des relations de gré à gré qui les modifient. Mais ces relations sont-elles des rapports de forces entre rangs et statuts établis ?
Si on s’inquiétait de la façon dont s’acquiert le rang et se crée la valeur de la marque ou de la renommée qui se traduit par le rang social, on s’apercevrait aussitôt que dès le début du cycle économique, le rang est proportionnel à la générosité, que le don vaut du nom ou de la renommée au donateur en proportion de sa donation…
Jorion, quant à lui, illustre son idée de rapports de forces entre statuts par l’exemple d’une vente aux enchères des biens d’une princesse qui tiraient leur prix non de leur valeur d’échange escomptée en fonction de leur utilité sur le marché, mais de la marque qui leur était assignée et qui se rapportait au rang de cette princesse. L’interaction qualitative est ainsi ramenée au statut officiel des protagonistes [5]. Pour appuyer l’idée que ces interactions qualitatives sont bien des rapports de forces, il précise :
« (…) le rapport de forces entre acheteur et vendeur étant représenté sur l’objet par une marque symbolique rappelant l’identité de la famille qui fut à l’origine de sa création » [6].
À notre avis, il réduit ici les interactions qualitatives aux relations interactives qui interviennent dans un cycle de prestations qui concerne la valeur fétichisée dans la marque, ce qu’il précise lui-même :
« Lu dans une logique maussienne, le phénomène s’apparente ici à celui du transfert d’un bien inaliénable, la marque étant non seulement indélébile, mais le fondement même de la valeur de l’objet » [7].
La fétichisme de la valeur de renommée autorise l’investissement des objets qui la représentent (les sacra) dans un deuxième cycle de réciprocité où ils jouent le rôle de monnaie de renommée. La représentation de la valeur éthique issue de la réciprocité positive pétrifie en effet cette valeur, la “réifie” en quelque sorte, et induit dès lors le désir de sa possession. Qu’une telle passion l’emporte sur le désir de la valeur elle-même qui confère l’autorité morale et la dignité du sujet humain social, la genèse de cette valeur est interrompue. L’inversion fétichiste conduit au primat de la possession en lieu et place de la genèse de la valeur.
La transmission de la valeur acquise peut devenir l’enjeu des relations sociales. La filiation qui requérait l’élection (surnaturelle, divine) est remplacée par le référent de celle-ci : la succession généalogique matri, patri ou bilinéaire, mais biologique. La filiation génétique scelle la possession du titre qui n’est plus symbole d’autorité morale mais pouvoir politique ou religieux. Dans un tel système de réciprocité aliéné qui ignore le principe de réciprocité, les statuts deviennent des rapports de forces qui justifient les interprétations de Jorion, de Lévi-Strauss, de Polanyi ou de Sahlins, etc., car ils apparaissent comme l’armature du pouvoir de domination. Mais peut-on pour autant grever toutes les relations de réciprocité, et notamment celles des pêcheurs de l’île de Houat, d’être aliénées ? Avant que de pouvoir être aliénées, les valeurs éthiques ne doivent-elles pas être engendrées ?
Dans le chapitre “Le don du nom” de notre essai (cf. La réciprocité et la naissance des valeurs humaines), nous rappelons que l’on ne peut confondre la genèse de la valeur dans le cycle de réciprocité (la genèse de la valeur dite sacrée des objets symboliques) avec la représentation de cette valeur lorsqu’elle est investie dans un deuxième cycle de réciprocité. Et encore moins avec son investissement dans un cycle d’échange lucratif. Si la “princesse” a vendu ses biens de famille (signés d’armoiries) sur le marché de l’échange, il s’agit d’un transfert d’un système à l’autre, d’un système où la valeur du nom est inaliénable à un système où la valeur est aliénable ; mais parle-t-on dès lors de la même valeur ? L’une est valeur de renommée et l’autre valeur d’échange.
Jorion le confirme lui-même :
« En d’autres circonstances et en l’absence de numéraire susceptible d’être soumise aux opérations classiques de l’arithmétique, le qualitatif est condamné à demeurer du qualitatif et, comme l’avait déjà observé Baric à l’île Rossel : les biens échangés (au cours d’un processus différé où l’échange a lieu sous la forme de dettes imbriquées) occupent un rang qui reflète exactement le rang des partenaires de l’échange (…) » [8].
Les théories fonctionnalistes considèrent comme établi ce qu’il faudrait commencer par établir : le rang, le statut, la valeur. La genèse de la valeur de renommée est escamotée au bénéfice de l’exploitation d’une valeur constituée et représentée par le statut ou les sacra, investis ensuite dans le marché de l’échange. Mais comment s’est constituée la valeur des sacra ?
Jorion soutient que : « Dans cette perspective encore, l’économique s’efface devant le sociologique dans la mesure où le prix représente une proportion entre conditions, c’est-à-dire entre classes sociales, celles-ci n’étant à leur tour que l’expression d’un système politique. » ; thèse lévi-strausienne qui fait de la paix le prix de la réciprocité. Non seulement Lévi-Strauss estime que l’échange réciproque des femmes assure la paix où menacerait la guerre si les échanges étaient jugés inégaux, mais encore il explique la polygamie comme un échange de femmes contre la paix assurée par celui auxquelles elles sont cédées. La paix est ici non pas une valeur éthique mais un équilibre de forces.
Si l’on évince de l’analyse économique tout autre principe que celui de l’intérêt, il faut trouver une justification aux transactions qui dérogent à ce principe. Celles-ci sont aussitôt renvoyées au politique par le biais de classes sociales dûment constituées. La démarche de Jorion est parallèle à celle de Polanyi, parallèle à celle de Bourdieu, parallèle à celle de Lévi-Strauss : au commencement règne la force, l’échange la relativise, et la réciprocité l’équilibre.
Mais peut-on séparer l’économique du politique pour les besoins de la cause ? L’homme n’est pas un animal d’une part, un politique d’autre part. C’est immédiatement qu’il prend en considération l’Autre comme autre, l’Autre comme humain dans ses conditions d’existence : il ne lui est pas possible, en effet, d’établir une interaction humaine avec autrui (une relation de réciprocité anthropologique) sans lui offrir à boire s’il a soif, sans lui offrir du pain s’il a faim, la protection s’il est en danger ; ce pourquoi, dans bien des langues, le mot hospitalité est le même que le mot réciprocité.
Selon nous, la réciprocité subordonne les rapports de forces à une référence commune de nature éthique dont elle est la matrice : amitié lorsqu’elle est restreinte au face à face singulier, responsabilité lorsque la réciprocité est ternaire, justice lorsque celle-ci est généralisée. Cette conscience éthique devient la Loi (nomos) et définit entre les choses le prix juste (l’équivalent de réciprocité), elle donne son nom à la monnaie de réciprocité (numisma). La réciprocité généralisée conduit à un marché de réciprocité qui défie les rapports de forces entre intérêts privés, fussent-ils généralisés et relativisés moyennant une réciprocité minimum (l’échange réciproque lévi-straussien).
L’économie politique est donc confrontée à la contradiction d’un système fondé par la force, qui évacue sur le “politique” des rapports entre statuts eux-mêmes interprétés comme rapports de forces, et un système où la réciprocité ne cesse d’être la matrice des valeurs humaines …
Jorion n’évite pas la difficulté :
« (…) dans une société moderne de type démocratique (par opposition à une société du don ou à un système de castes), ce qui détermine le statut réciproque des catégories sociales entre elles, c’est la rareté relative de leurs représentants au sein de l’édifice social » [9].
La rareté vient expliquer non plus le prix des choses, mais le prix des intervenants sur le marché : « ce qui fait le prix élevé d’un roi (…), c’est qu’il n’y en a qu’un ». Il met de côté les sociétés qu’il nomme du don, les sociétés de réciprocité positive, de sorte que le raisonnement risque de pécher par tautologie. C’est néanmoins une sage précaution car, dans la société de réciprocité, tout le monde est roi, sauf celui qui ne participe pas de la réciprocité qui est esclave, et le problème de la rareté du roi est éliminé. Certes, dans les systèmes de réciprocité centralisée, un seul est roi pour tous, mais nous n’entrerons pas ici dans la discussion des mérites respectifs des différents systèmes de réciprocité (réciprocité de marché ou redistribution).
Pour soutenir sa thèse, Jorion interprète la théorie d’Aristote comme une analyse de l’échange rapportée à des conditions statutaires données par l’institution politique, et la philia comme un correctif pour protéger le marché…
« Ainsi, le lien était évident entre le modèle que je présentais et celui qu’avait proposé autrefois Aristote : le prix exprime sous forme quantitative le rapport qualitatif entre le statut du vendeur et celui de l’acheteur (étant entendu dans mon interprétation qu’un rapport de statuts n’est rien d’autre qu’un rapport de forces au sein d’un système social) » [10].
Il nous semble, au contraire, que Aristote interprète l’économie d’échange à partir de l’économie politique de la réciprocité, et que pour lui, c’est la réciprocité des dons qui institue le rang de chacun. Ainsi, dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote écarte d’emblée l’idée de présenter un catalogue des vertus morales auxquelles les hommes seraient censés faire appel. Il précise que son objectif est de reconnaître quelles sont les actions qui permettent aux hommes d’acquérir les valeurs qui les définissent comme humains. Et la réciprocité est proposée comme la matrice de ces valeurs. Nous laisserons cependant cette discussion de côté [11].
Aristote traite de l’échange mais il rapporte la détermination des prix des choses échangées non pas à une théorie de la valeur d’échange mais à une théorie de la valeur de réciprocité incarnée dans le statut ou le rang social. Schumpeter a sans doute raison de dire qu’il n’y a pas de théorie de la valeur (d’échange) dans l’Éthique à Nicomaque. En réalité, Schumpeter réduit la notion de valeur à celle de valeur d’échange et ignore délibérément la théorie de la valeur de Aristote. On ne comprendra la détermination du prix des choses dans l’économie politique de Aristote que si l’on établit au préalable la proportionnalité entre les choses échangées et les rangs ou statuts sociaux des intéressés. Or, ceux-ci se définissent à partir de la genèse de la valeur de réciprocité. La mesure de la valeur d’échange paraît dès lors impossible. Néanmoins, Aristote ramène toutes les valeurs éthiques à la justice qui, elle, peut (et elle seule) se traduire de façon matérielle et par conséquent donner prise à la mesure : la justice, en effet, est fondée par l’égalité qui permet de définir le prix juste. La quantité de travail socialement reconnue dans la réciprocité généralisée institue le principe de la valeur. Celle-ci s’ajuste alors aux services rendus à la communauté (au Bien commun).
Revenant à sa théorie générale, Jorion conclut :
« La généralisation du concept de statut réciproque passe par le concept de rapport de forces qui le sous-tend. La “théorie restreinte” du prix est fondée sur le concept de statut réciproque (stable), la “théorie généralisée” sur celui du rapport de forces (mouvant) en tant que vérité du rapport qui règle le commerce des catégories sociales entre elles. Mais au sein d’un système social où les classes sont dans un état de mouvance permanente les unes par rapport aux autres, le statut réciproque se détermine par une évaluation du rapport de forces instantané qui passe par la représentation que s’en font vendeur et acheteur.
C’est le rôle pivot que joue dans l’établissement du rapport de forces sa représentation qui permet aux agents économiques de le définir désormais sur la base subjective de la croyance plutôt que sur des bases plus objectives (…), et autorise des effets rhétoriques portant sur la conviction et visant à suggérer une modification du rapport de forces » [12].
Si l’on part du primat du rapport de forces entre intérêts rivaux, la solution la moins coûteuse est d’instituer une règle d’échange, mais s’il est possible de modifier la règle à son bénéfice en fonction d’un statut préétabli, qui s’en priverait ? Il est alors certain que la représentation peut jouer un rôle important, le calcul de son intérêt est, comme le dit Jorion, subjectif, (« non pas au sens d’“arbitraire” mais au sens propre d’être fondé dans la représentation d’un sujet »). Et l’on pourrait même préciser, d’un sujet privé.
On peut rapporter cette argumentation à celle de Lévi-Strauss qui interprète les relations de réciprocité entre Nambikwara comme des échanges. Lévi-Strauss relate la rencontre de deux groupes de Nambikwara comme un processus ininterrompu d’offrandes faites dans un climat à la fois de bienveillance et de défi qui relève de la pure réciprocité. Mais il estime que, revenus chez eux, les Nambikwara s’inquiéteraient de ce qu’ils auraient offert et de ce qu’ils auraient reçu, compareraient gains et pertes et, dans la mesure où il y aurait bénéfice, engageraient de nouvelles rencontres qui finiraient par établir des relations d’échange. Le problème est que la première partie de l’exposé de Lévi-Strauss relate une observation ethnographique, la seconde une spéculation ethnologique à partir de catégories économiques préétablies (dans un autre contexte). Cette spéculation efface le rôle majeur de la réciprocité des offrandes en fonction du besoin ou du désir d’autrui (ce désir fût-il présumé), et que ce souci de l’autre est la condition sine qua non de la relation de réciprocité pour autant que celle-ci instaure entre les hommes une valeur humaine (ici, la philia, mais qui dans d’autres structures de réciprocité sera ou la justice ou la responsabilité…).
D’un côté, Lévi-Strauss a démontré le primat de l’altérité sur l’identité pour fonder une structure sociale de réciprocité (l’Alliance), mais d’un autre côté, il a soumis la réciprocité, qui est la raison du primat de l’altérité sur l’identité, à l’échange, de sorte que l’on en revient par le biais de l’intérêt, à l’identité. Dès lors, la seule justification possible de la réciprocité dans les échanges, pour Lévi-Strauss comme pour Jorion, est qu’elle assure la paix entre ces identités rivales en instituant un rapport de force équilibré.
Or, lorsque le calcul (la manipulation) joue sur la rareté des services que l’on peut rendre à autrui pour valoriser sa propre prestation et en augmenter le prix, il ne soumet pas seulement la réciprocité à l’échange, il la dénature, car la représentation d’un sujet individuel modifie les sentiments éthiques partagés.
« La manipulation peut être délibérée dans le bluff, elle peut être involontaire lorsque les apparences jouent en faveur de l’une des parties au détriment de l’autre » [13].
Il suffit de se représenter les relations de réciprocité comme des relations de forces en fonction de son intérêt pour pouvoir ramener la qualité à la quantité. Et, dès lors, la rareté est le ressort de l’envie (c’est toujours la thèse de Lévi-Strauss).
« De là un principe de la “théorie généralisée” de l’économique : le statut réciproque des catégories sociales, qui définit leur rapport de forces, est déterminé par une représentation de la rareté relative de leurs représentants. Beaucoup de médecins, et le prix de la consultation baisse, et comme le prix de la consultation diminue, le statut relatif des médecins par rapport aux autres catégories sociales se détériore, la causalité s’exerçant dans ce sens-là et non pas dans le sens inverse. » [14]
commente Jorion… du point de vue d’une interprétation libérale sans doute… puisque le statut du médecin peut être réifié en marchandise tout comme le travail de l’ouvrier….
Dans notre théorie qui remet en cause le primat du rapport de forces, le statut du médecin n’est pas soumis à la loi de l’offre et de la demande justement parce que c’est un statut. En tant que statut, il est déterminé par des relations de réciprocité et défini comme l’incarnation d’une éthique née d’une pratique qui satisfait la “chreia” (besoin) d’autrui.
Les échanges entre statuts de niveaux différents, quand échange il y a, sont alors proportionnels aux rapports des statuts entre eux, mais ces statuts sont déterminés par les relations de réciprocité. Si un statut doit être valorisé ou infériorisé par rapport à un autre, le prix de ses prestations se modifie sans doute, mais c’est le changement de statut qui détermine la modification du prix de la prestation, et non pas l’inverse (la réciprocité proportionnelle de Aristote).
La conclusion de Jorion est sans équivoque :
« Fondamental à l’économique est pour moi le fait que des choses matérielles ou immatérielles circulent par la voie de l’échange et que ces choses circulent dans une proportion particulière : tant de X contre tant de Y dans le troc, tant de biens Z contre tant de monnaie dans le système marchand. Cette proportion, c’est le prix : le prix de X par rapport à Y dans le troc, et le prix ramené à l’étalon-or ou évalué en une monnaie fiduciaire dans le système marchand. (…) Lorsque Chris Gregory synthétise d’un coup Marx et Lévi-Strauss en affirmant qu’en Nouvelle-Guinée, un terme de parenté est un prix, il pose le premier pas révolutionnaire d’une physique de l’interaction humaine, au-delà de Marcel Mauss (Gregory, 1982, p. 67) » [15]
Ici, les sociétés mélanésiennes sont incluses dans le champ d’une analyse où la réciprocité est subordonnée au troc. Et l’on peut se demander si Jorion ne fait pas la même extrapolation que Gregory qui consiste à appeler échange ce qui est réciprocité ?
D’après nous, au contraire, il existe deux systèmes : un système d’échange et un système de réciprocité, orientés en sens inverse l’un de l’autre ; l’un par l’intérêt privé, l’autre par le bien commun ; le premier définissant les rapports humains comme rapports de forces, le second comme des rapports relativisant la force ; l’un engendrant la valeur d’échange dont l’accumulation conduit au pouvoir de domination des uns sur les autres, le pouvoir d’asservir, l’autre engendrant les différentes valeurs de justice, de confiance, de responsabilité et d’amitié, selon la structure de base actualisée, et conduisant au pouvoir de servir ou de se rendre utile les uns aux autres. Nous avancerons également que, dans la réciprocité, la valeur symbolique fait sens simultanément pour toutes les parties en jeu et s’impose comme référence qualitative à tous les partenaires.
L’analyse de Paul Jorion ne sort pas du cadre de l’échange où tout est réifié, jusqu’au sentiment lui-même, et échangé grâce à une logique de la représentation.
Or, aujourd’hui, l’agonie du système capitaliste impose de changer de système, de changer la machine, de modifier le cadre. Et l’on n’y parviendra pas si l’on ne reconnaît pas d’autres définitions, d’autres formes ou d’autres dimensions de la valeur que la valeur d’échange, si l’on ne reconnaît pas les structures de production de la valeur de réciprocité et les conditions de sa genèse.
D’une manière plus générale, l’idée de ramener les interactions humaines à des interactions physiques (des “rapports de forces”) est liée non pas à la Raison, comme le suggèrent de nombreux auteurs, mais au fait que la Raison fasse appel à l’organon de la logique d’identité, logique apte à rendre compte de toute représentation et de surcroît d’une partie de la Physique, la Physique classique…, mais dont le champ d’action est limité. La logique d’identité est certes la logique de la connaissance qui étaye la science. Mais cette logique n’est pas celle du réel, et en particulier, elle n’est pas celle de l’énergie psychique, de la conscience ou de la pensée.
Les “interactions humaines” dites de réciprocité ne sont pas des interactions physiques ! Elles font intervenir des partenaires qui sont en eux-mêmes à la fois donateur et donataire, si on prend l’exemple du don (et dans l’exemple du marché, si l’on est à la fois vendeur et acheteur). Leurs consciences relatives l’une à l’autre ont pour “médiété” un sentiment sur-naturel (si l’on réserve le mot de naturel à la physique) qui se révèle de lui-même comme conscience éthique : la responsabilité, la justice, l’amitié, la confiance, selon la structure de réciprocité mise en jeu, qui sont autant de défis à la force.
Dans une intervention récente sur son blog, Paul Jorion faisait un raccourci saisissant entre la banque Goldman Sachs (la pointe de l’iceberg capitaliste de la production industrielle moderne, disait-il) accusée devant le Sénat américain d’immoralité, et les pêcheurs de l’île de Houat qui dans leurs transactions économiques engagent leur prestige ou leur honneur. Que les prestations des pêcheurs de l’île de Houat soient déterminées par des rapports de forces signifierait que leurs qualités humaines expriment aussi des rapports de forces : il reviendrait à chacun d’être à la hauteur de son statut politique. Comment se fait-il que les pêcheurs de l’île de Houat disposent d’une puissance éthique (“l’intégrité, la moralité, l’honnêteté”…) caractéristique de leurs prestations, et que les dirigeants de la Goldman Sachs en soient dépourvus ? Pourquoi les valeurs éthiques en question ne caractériseraient-elles pas les rapports de forces entre la Goldman Sachs et ses clients ou l’État américain selon le rang social de chacun dans le système capitaliste ? Jorion n’inverse-t-il pas l’ordre logique des faits lorsqu’il interprète la réputation, le prestige, l’honneur comme des caractères préalables aux relations de réciprocité des pêcheurs de l’île de Houat ou d’Afrique ?
Il ne s’agit pas ici de nier l’efficience des valeurs éthiques : l’amitié engage vis-à-vis d’autrui…, la responsabilité également, etc. Les obstacles qu’elles rencontrent conduisent la société à lui assurer des garanties (de la Loi ou de la Tradition).
Selon nous, la réciprocité est la matrice de ce que Jorion appelle “la considération, l’être social, les valeurs éthiques”… Et nous pensons que cette interprétation est conforme à la théorie aristotélicienne selon laquelle la qualité s’accroît à mesure que la réciprocité se déploie (engendrant successivement dans la réciprocité positive, la générosité, la magnificence, la magnanimité et la grâce).
Aristote disait lui-même qu’il existe plusieurs sortes d’amitié, et que si les membres d’une société de réciprocité n’ignorent pas que la réciprocité engendre le Bien commun, ils savent aussi combien elle est utile, de sorte que, disait-il, si certains pratiquent la réciprocité pour la valeur qu’elle produit, d’autres l’estiment davantage pour son utilité ! Mais, encore une fois, pour escompter l’utile de l’amitié, encore faut-il engendrer l’amitié.
Dès lors, on comprend que si la réciprocité est totalement subvertie par son contraire – l’échange entre intérêts privés – il soit logique que la valeur qu’elle produit disparaisse au profit de la valeur d’échange, et que les animateurs de la Goldman Sachs n’estiment n’avoir aucun compte à rendre au nom de l’éthique à leurs clients.
Par contre, selon notre analyse, il serait possible d’entrevoir une issue à la “crise” du capitalisme : en effet, la maîtrise rationnelle des structures fondamentales de la réciprocité comme matrices de la valeur, pourrait permettre de construire une économie plus humaine !
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Notes
[1] JORION, P. “Les déterminants sociaux des prix de marché”, La revue du M.A.U.S.S., n°9, Paris, éd. La découverte, 1990, pp. 71-105, et n°10 (suite), pp. 49-64 ; texte intégré dans JORION, P., Le prix, Broissieux : Le Croquant 2010.
[2] JORION, P. “L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix”, La revue du M.A.U.S.S. semestrielle, n°3 “Pour une autre économie”, Paris, La découverte, 1994, pp. 161-181 ; texte intégré dans JORION, P., Le prix.
[3] JORION, P. “L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix”, op. cit., pp. 161-162 ; Le prix , p. 301.
[4] Ibid., p. 162 ; Le prix, p. 301.
[5] La princesse n’hérite pas de l’autorité déposée dans les armoiries de sa famille en reproduisant la générosité qui a valu cette autorité à ses aïeux, elle hérite du signifiant biologique de la filiation, c’est-à-dire du référent du symbole et non de son signifié. Elle entre alors dans le système de l’échange où elle entend tirer parti de tout y compris du respect d’autrui pour la réputation de sa famille.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Ibid., p. 163 ; Le prix, p. 302.
[9] Ibid., p. 164 ; Le prix, p. 304.
[10] Ibid., p. 163 ; Le prix, p. 302.
[11] cf. D. TEMPLE & M. CHABAL, “L’échange chez Aristote”, in La réciprocité et la naissance des valeurs humaines, Paris, L’Harmattan, 1995.
[12] JORION, P. “L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix”, op. cit., p. 171 ; Le prix, pp. 210-211.
[13] Ibid. ; Le prix, p. 211.
[14] Ibid., pp. 172-173 ; Le prix, p. 212.
[15] Ibid., p. 180 ; Le prix, p. 308.
99 réponses à “RECIPROCITE OU RAPPORT DE FORCES ? – REPONSE A PAUL JORION, par Dominique Temple”
Je pense comme Spinoza que le fondement de la raison humaine est la conscience de son utilité propre. Seuls les sages peuvent concevoir la réciprocité comme condition de son utilité propre. La multitude elle, l’imagine et l’imaginera comme un rapport de force.
Le monde n’est que consumation, en particulier pour l’homme, et on arrive au bout , voila tout
Et voici la Chine à son tour en pré révolte:
Des messages ont été postés sur l’internet en Chine, appelant à des manifestations dimanche dans 13 villes du pays pour soutenir la Révolution de jasmin et à s’en inspirer, tandis qu’on était sans nouvelle d’une quinzaine de défenseurs des droits de l’Homme.
http://www.lesoir.be/actualite/monde/2011-02-20/en-chine-aussi-des-appels-a-manifester-sur-le-net-823244.php
Fascinant !
J’attends la réponse de Paul avec impatience !
Nous sommes là dans le débat fondamental du post-capitalisme, quand du chaos il faudra refaire un monde vivable !
Cela déjà se tâtonne dans la pratique, en micro-économie bien sûr, quand par exemple nous faisons un groupement d’achats auprès d’un agriculteur : nous lui reconnaissons une VALEUR qui va au-delà du prix courant (la qualité est supérieure), il est sensible à notre démarche, des LIENS se créent, une dynamique se met en route… non sans ratés parfois.
Ainsi, les Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP, cherchez sur Google) oscillent souvent entre rapport de forces – je l’ai vécu – et réciprocité éthique (nous avons besoin l’un de l’autre). Tantôt l’acheteur se retrouve client captif, tantôt toutes les cartes sont sur la table et le débat se passe à l’amiable, le prix n’est plus que la résultante révisable d’un échange gagnant-gagnant.
Prenez-vous le pouls des organisations d’économie solidaire, l’avis de novateurs tel Pierre Rabhi ?
Dans ce monde-là (extérieur à ce blog) il s’expérimente beaucoup de choses passionnantes.
Merci, Dominique, je commande votre essai dès demain !
Pierre
Le rapport de forces est entre l’intérêt commun et l’intérêt de la marchandise argent..
Tout le reste est baliverne.
Excellent article très prometteur qu’il va falloir distiller lentement.Le prix comme représentation de la valeur, du pré échangé. Notoriété versus co naissance etc… A +
Cher détective
Je dirais même plus comme les DUPONT/ DUPONT qu’ils n’ont AUCUN rapport, déjà l’intérêt commun est un oxymore , la co naissance est la seule valeur et la valeur c’est l’échange.Entre valeur et intérêt il faut choisir. Les salariés n’ont jamais ce choix, ils n’ont qu’un prix négociables au + et surtout au moins par la bande du marché divin extérieur, cette très vieille taupe qui creuse et creuse. Vive les artisans dans ce monde de préfabriqué où le rien est enfin réalisé, une gigantesque mise en scène de nos sociétés écrans avec le travail comme tranquillisant ! LE SPECTACLE DE LA SOCIÉTÉ avec ses déchets de moins en moins recyclable, les retraités/vaincus du travail et les aspirants déjà à bout de souffle, étudiants et chômeurs de toutes sortes.Attention au courant d’air ! !
Je sais, on me dira que la pilule est dure à avaler mais on s’y fait où pas.
Salut, au passage, au dur travailleur de la modération Julien Alexandre qui va avoir de plus en plus de TRAVAIL pour que le puzzle tienne en place.
Avec Pierre Rabhi, oui nous avons parlé de réciprocité qu’il connaît bien parce qu’il est Peuhl.
@ Marlowe,
L’intérêt commun… la question commence quand on veut le définir: chacun a aujourd’hui tendance à le définir en fonction de son intérêt, mais pour trouver une relation qui engendre un “intérêt commun” – c’est-à-dire qui puisse être simultanément la référence pour tous, à défaut de la réciprocité que proposez-vous?
Je remercie Paul de nous proposer cette « critique »…
il faut de suite rapporter ce texte de l’œuvre de Lupasco , qui introduit bien une sorte de « révolution culturelle » concernant notre façon multi-millénaire d’envisager les relations humaines (Aristote -> Onfray).
un souffle de radicalité semble naitre et se structurer .. porteur de tous les espoirs.
cordialement à tous.
« ..rapprocher ce texte de l’œuvre de Lupasco… » bien sur…
5. sentier198 dit :
20 février 2011 à 11:06
« il faut de suite rapporter ce texte de l’œuvre de Lupasco »
Effectivement, toute les fois que je le peux, je pousse à introduire à la logique trouvée par Lupasco.
J’essaierai d’y revenir si je ne suis pas trop pris
Brillante démonstration : toute tentative visant à faire entrer le capitalisme dans le lit de Procuste revient à le pérenniser…
Connaissiez-vous cette importante contribution du Brésilien Jorge Frutado à la théorie de la formation des prix ?
Un document comme celui-ci n’a pas de prix.
Merci, je fais circuler.
bonjour,
Je me réjouis d’avoir une réponse claire là-dessus. Pour ce qui me concerne, on ne parle pas assez d’ »empathie »…. les dirigeants, que ce soit ceux de GS , les politiques, ou autres, sont trop éloigné du champ des opérations.
J’ai vu souventes fois des pêcheurs vendre du poisson à perte à des mères de famille en détresse, ce poisson ils ne le « donnaient » pas… c’eut été un manque de respect.
La pauvreté se partage mieux que la richesse…
Ceci étant il se monte une opération « Jasmîn » en Chine, la Corée du sud craint un bank run demain… la révolte des gens dans le Wisconsin est en train de faire tache d’huile aux States…. carnage en Lybie… une ruée sur l’argent métal qui va faire sauter JP Morgan de l’intérieur… j’en passe et des meilleures
Nous vivons une révolution mondiales en direct et il se pourrait fort que la semaine qui vient pèse lourd…
Oui, c’est la révolte des non-rentables.
J’ai partagé tout ce que j’avais surtout tout ce que je n’avais pas…
Julos Beaucarne
C’est vrai comme l’a dit Paul Jorion: la fin est commencée! Nous vivons la fin du système capitaliste, ce qui est fantastique. Mais tandis que le Parti communiste avait une issue: la “maffia capitaliste”, Eltsine à la place de Gorbatchev, Obama n’a pas de solution: on retrouve le mot du général De Gaulle: Ou moi ou le chaos. Il faut donc inventer. Les sentiments, surtout ceux motivés par des frustrations, peuvent conduire au pire: il y faudrait la raison. Mais quelle raison: la raison utilitariste? La raison utilitariste utilise la logique de la physique qui est aussi celle de la représentation, ce qui justifie cette logique puisque la représentation de la valeur peut renvoyer au-delà de l’utilité des choses, mais si la valeur d’échange peut être légitimement représentée à l’aide de cette logique puisqu’elle émane d’un rapport de forces, il n’en est pas de même des valeurs éthiques. Ces valeurs représentées seulement comme des valeurs physiques (des forces) sont alors dénaturées.
La réciprocité est AUSSI un rapport de force.(« Les cadeaux fabriquent les esclaves » disent les inuits).
Je ne voudrais pas lasser en amenant éternellement ma thèse sur le néo-structuralisme , mais on ne peut que constater que la notion de « qualité » intégrée a l’échange (l’objet est support d’affect et de pouvoir) , ne peut exister que ds un groupe restreint ou chacun connait chacun .
On retombe encore sur l’opposition de structure « parcellisée versus centralisée -hypertrophié. »
On retombe encore sur la notion de systèmes complexes auto-gérés (Prigogine) .
La « monnaie » ne peut apparaitre que lors d’un double échange et devient nécessaire si les individus ne se connaissent pas …. On peut regarder la monnaie comme de l’échange sans l’affect , comme la réduction d’ un système complexe (au sens math: equa diff) en un système simplifié (equa linéaire) qui a élagué ttes les interactions et rétroactions du modèle differentiel .
Il faut aussi remarquer que si tous les systèmes naturels sont morcelés ou fractals , c’est que mathématiquement , il doit etre impossible d’obtenir un modèle stable (et durable -lol) en sortant du modèle morcelé .
Recevoir sans redonner est effectivement perdre la face puisque le don engendre le nom. Et plus on donne et plus on est grand d’où l’aliénation du prestige dans le pouvoir. Mais la réciprocité n’est pas le don, et la réciprocité (symétrique) a pour but de supprimer ou de relativiser ou même d’anéantir le rapport de forces au profit d’une autre solution: la philia ou la charis.
Pourquoi enfermer la réciprocité dans une entité parcellisée? Le prochain n’est pas le voisin, comme le prétend l’orateur de la Trinité sur mer. Le prochain est celui dont le besoin nous fait obligation fut-il au bout du monde. Il est vrai qu’en France, le voisin de Me Alliot-Marie peut être Ben Ali, mais le prochain du peuple français c’est le peuple égyptien, tunisien, algérien…
Vous soulevez cependant une difficulté de la réciprocité généralisée: si chacun est responsable dès lors qu’il est situé dans le marché (de réciprocité) entre un partenaire à qui il vend et un partenaire à qui il achète, son domaine est limité: mais cette relation courte suffit à engendrer un sentiment qui, lui, est universel: la responsabilité. Or, dans une telle économie, tout un chacun est dans la même situation que l’autre, de sorte que le sentiment universel, bien que produit par une structure quasiment intime, est généralisé d’un bout à l’autre de la terre comme le scintillement des étoiles dans la nuit obscure.
En ce cas, la monnaie de réciprocité emporte en elle l’affectivité de chacun qui disparaît effectivement des protagonistes mais qui se mue dans le sens de la monnaie ou encore sa valeur d’équivalent juste, reconnue pas tous. Elle absorbe en elle la confiance de tous en la responsabilité de chacun, et elle absorbe également le juste issu de l’égalité dont elle est le symbole mais aussi le garant, sinon la monnaie ne servirait qu’à mesurer, dans le moment où elle serait utilisée, un rapport de forces… mais nous ne serions plus dans un système de réciprocité.
Il est possible que vous ayez raison même si la monnaie d’aujourd’hui était interprétée comme monnaie de réciprocité: les disparités entre monnaies nationales entraîneraient des variations de prix et pourtant, pour parer à la disparité en question, Keynes avait conçu le bancor comme un régulateur automatique: une jolie réponse.
Bonjour et merci pour cet article.
///// On retombe encore sur l’opposition de structure «parcellisée versus centralisée -hypertrophié.»
Pourquoi enfermer la réciprocité dans une entité parcellisée? Le prochain n’est pas le voisin,/////
Le modèle parcellisé est le seul pratiqué ds les systèmes vivants.
La raison peut se plaider de 2 façons :
– l’une mathématique : seuls les système parcellisés peuvent conserver une gestion complexe au sens math du terme : equa diff etc …. et bénéficier du critère d’hyper stabilité (attracteurs). L’ affect serait un intrant majeur ds les equa gérant les groupes et l’affect ne peut exister qu’avec la connaissance historique des individus entre eux .
– L’autre sociologique qui reste la 2e partie de la 1ere raison .
J’ajouterais un critère de rigidité transhistorique : la durée de l’auto organisation individu/groupe restreint sur des millions d’années et le formatage de notre adaptation a ce modèle (tres lié a l’affect (Face/interaction) . Notre sortie de ce modèle est tres récente et il serait surprenant que nous ayons une plasticité suffisante pour passer d’un modèle fractal a un modèle centralisé . Depuis notre sortie de l’animalité (socialisation) , l’unité minimale de l’humain , n’est plus l’individu , mais l’individu ET sont groupe .
L’unité de lieu doit etre conservé ….La spécialisation montre en general un critère d’irréversibilité , du moins a court et moyen terme.
////Elle absorbe en elle la confiance de tous en la responsabilité de chacun, et elle absorbe également le juste issu de l’égalité dont elle est le symbole mais aussi le garant, sinon la monnaie ne servirait qu’à mesurer, dans le moment où elle serait utilisée, un rapport de forces… mais nous ne serions plus dans un système de réciprocité.///
C’est exactement ça . Le terme « Valeur » ne devrait etre utilisé quer pour caracteriser un individu (La FACE de Goffman). Aux temps ou les échanges etaient rares car peu nécessaire . Les objets échangés devaient etre plus le « support » de l’affect , que d’utilitaire . Progressivement avec la spécialisation , ils ont perdu une partie de ce caractère mais en ont conservé une grande partie .
Ds un groupe restreint , on fait payer pour un meme objet un preix different suivant le relationnel entre les familles et les « dettes » morales peuvent avoir plusieurs générations ….on va embaucher untelet pas untel etc … Ce « monnayage » est mis en spectacle et souffre peu d’iniquité car il est « jugé » par l’ensemble de la communauté ……..Le flic et le juge sont « dans la tete » et ne sont pas sous traité ds un batiment ou un car de CRS ….d’ou une aliénation differente mais forte et surtout une « RESPONSABILISATION » optimisant l’individu ……cet essais de démo argumentant par ailleur ma critique sur la tendance NEOTENIQUE du système actuel .
Il est frappant deremarquer que lors de l’effonfrement de l’empire Romain , vers le 8e/10e siecle , je crois , il y eut une proffusion de creation de monnaies locales .
Il me semble que l’alterité est necessaire a la vie mais qu’elle « s’use qd on s’en sert »et que seuls les systèmes parcellisés puisent la l’utiliser et la régenerer sans l’épuiser .
avec le paquet de dettes en circulation, la mondialisation va devenir une cour de récréation pour tous les copains du monde, grâce à la réciprocité universelle qu’elle soutient. La réciprocité est une sorte de main invisible, on a l’avantage de pouvoir se la serrer, sans tomber dans le vice.
Mais si le péché originel cher à Crapaud crée une dette sans fin, la réciprocité devient une soumission.
je ne sais plus qui disait : « il faut revenir aux valeurs de la chrétienté. »
plus sérieusement, Deleuze citant Nietzsche, disait : la dette est première par rapport à l’échange.
« La dette sans fin » est absolument d’origine religieuse.
Relisez donc Attali, par exemple.
il y a peut-être d’autres urgences littéraires que de lire Attali, vous ne croyez pas ?
La réciprocité crée une sujétion sujétion qui peut s’interpréter comme violence symbolique si l’on n’en maîtrise pas rationnellement son principe, et soumission à l’imaginaire dans lequel ses valeurs éthiques s’expriment. C’est donc bien la raison qui nous libère de la sujétion, mais il nous semble que la raison est prisonnière de la logique de la physique, une logique insuffisante pour ce qui a trait aux choses humaines…
je vous cite : « Dans les sociétés traditionnelles, archaïques ou primitives, quiconque ne participe pas ou ne peut participer d’une relation de réciprocité positive, négative ou symétrique est censé demeurer à l’état de nature biologique, fruste : esclave par nature. » D. Temple
(merci pour votre lien)
@ karluss,
Nous serions d’accord.
La dette… pour dire qu’il n’y a pas de premier donateur car sinon (et c’est une des erreurs de Mauss) il y aurait un centre du prestige qui accumulerait la reconnaissance ou sa traduction en richesses.
La dette… pour dire que la relation de réciprocité est la matrice d’une valeur qui n’existe pas a priori et n’appartient en propre à personne, ce qui nous renvoie à sa… genèse. L’auteur de l’Ancien testament prétend que l’alliance et la filiation sont la matrice d’un sentiment qui n’a pas de nom mais qui nous est commun.
Ce que veut dire sans doute Marlowe:
Elle n’est pas religieuse. Elle est seulement une façon de dire la réciprocité.
Je suis pour le moment incapable de produire un commentaire concernant l’ensemble de ce texte, massif et riche, mais j’aimerais tout de même pointer un énoncé particulier qui me chiffonne, bien que je saisisse tout à fait ce que son auteur souhaite y faire passer:
Pas toujours. Loin de là. Pour rappel, le vieux syllogisme usé jusqu’à la corde:
Tout ce qui est rare est cher.
Un cheval bon-marché est rare,
donc un cheval bon-marché est cher.
Le procédé semble ici du même type à première vue. J’y oppose un contre exemple évident: Celui des chômeurs. Cette catégorie sociale est encore bien loin d’être majoritaire, et cependant sa position dans la hiérarchie sociale ne se situe non pas aux alentours du sommet, mais au contraire on pourrait dire sous sa base. En conséquence de quoi l’énoncé incriminé doit être considéré comme une condition nécessaire mais non suffisante dans la description des rapports d’échanges considérés.
Je ne suis pas sûr que vous compreniez ce passage puisqu’alors que vous croyez y apporter une objection, vous confirmez ce qui y est dit.
Pour ceux qui possèdent un exemplaire de mon livre Le prix (2010), l’extrait vient de la première partie du chapitre Rareté, risque, statut des personnes, intitulé « L’abondance et la rareté des personnes » (pp. 207-212).
Ah bon? Si je vous dis que les chômeurs sont rares – certes un peu moins que le roi mais tout de même, 10% de la population active soit à la louche entre 4 et 5% de la population totale, ça fait finalement peu de monde – mais que la société ne leur témoigne aucune valeur, j’abonde dans votre sens? Dans ce cas pardonnez-moi, je me suis effectivement trompé.
Bon sang, mais c’est… bien sûr : un chômeur est effectivement précieux pour quiconque dispose d’une absence d’emploi à lui offrir !
@ Dissonance :
je crois que votre erreur est d’avoir rendu équivalent l’affirmation de Paul Jorion ( qui exprime bien que les gens peu nombreux ne font pas force ) , au syllogisme que vous mettez en avant ( et qui est contraire à la proposition ) .
trois minutes le nez au frais à la fenêtre et tout ça vous paraîtra évident .
@juan nessy
Si les gens peu nombreux ne font pas force, les milliardaires ne font pas force, mais une telle réflexion ne m’éclaire pas d’avantage quant à la logique à l’œuvre.
@Paul
Je ne sais pas non plus quoi faire de votre trait d’ironie.
@Dissonance :
à tout relire , je me demande finalement si ce n’est pas la définition et qualification de » l’édifice social » qui mérite développement .
@Dissonance
Le « syllogisme » que vous utilisez en exemple n’en est en fait pas un. La rareté à laquelle il est fait référence dans la majeure et la mineure ne procède pas du même contexte, ce qui invalide alors nécessairement toute vertu logique au syllogisme.
Ce qu’il faut y lire, c’est qu’il est « rare » de trouver un cheval bon marché, parce qu’un cheval étant souvent « rare », il est souvent cher.
Pour le dire autrement, la mineure de votre faux syllogisme est en fait la conclusion d’un syllogisme ayant une majeure inverse :
Tout ce qui n’est pas rare est bon marché.
Ce cheval n’est pas rare,
Il est donc bon marché.
Introduire la conclusion d’un syllogisme comme mineure à un autre syllogisme dont la majeure est inverse ne peut qu’aboutir à une conclusion absurde, comme -1+1 = 0.
Et le raisonnement est similaire concernant le chômeur. La « rareté » relative du chômeur que vous invoquez correspond à une « non-rareté » relative qui l’a conduit au statut de chômeur. Le contexte est donc bien différent.
@Vincent P.
Merci pour cette explication de texte mais j’avais tout à fait conscience de ce que vous dites: J’ai volontairement fait appel à un sophisme que je croyais très connu pour illustrer mon propos. Visiblement il ne l’était pas encore assez…
L’évocation du chômeur était effectivement là pour montrer que tout ce qui est rare n’est pas nécessairement cher.
Étant donné les différents commentaires, il m’apparait une chose:
Les chômeurs étant rares, ils ne font pas force, mais si les chômeurs n’étaient pas rares ils ne feraient pas force non plus: Un chômage à la hausse offre en effet un argument solide aux employeurs dans la perspective de négocier une dégradation salariale ou plus généralement celle des conditions de travail. Dans tous les cas, il semble que le rapport de force employeur/chômeur soit en défaveur de ce dernier.
Un lien peut-être avec l’inversion de la logique de l’offre et de la demande appliquée au marché de l’emploi?(*) Idée à creuser éventuellement…
(*) Sur le marché de l’emploi, le demandeur est en fait celui qui a un service à fournir (son travail) tandis que l’offrant est en fait celui qui paye pour bénéficier de ce service (il est client en achetant du travail à ses salariés).
Pour être un peu sérieux, le cadre de la discussion est celui du rapport de force entre celui qui offre sa force de travail dans le cadre d’un métier particulier et celui qui recherche un tel service. La notion de chômeur regroupe, tous métiers confondus, ceux dont l’offre de service ne rencontre en ce moment aucune demande, le chômeur est donc, par sa définition-même, la personne qui se situe en-dehors du cadre de la discussion.
@Paul
Merci pour cette réponse plus explicite.
La citation que je réfute dans mon commentaire initial n’est réfutable que parce qu’elle ne me semble pas expliciter cette notion de relation entre offre et demande: Comme vous me le faites remarquer, une offre ne répondant à aucune demande ne peut pas se trouver en position de force, sauf à user de certains artifices.
Or il me semble bien que c’est là où je voulais en venir: On ne peut définir la teneur du statut réciproque des catégories sociales entre elles qu’en évoquant une relation d’ordre pour les comparer (pardon pour ce relent d’algèbre au milieu d’une réflexion anthropologique 🙂 ). Ici celle qui détermine les rapports de forces entre offre et demande: Si la rareté intervient effectivement dans le processus, elle ne se suffit pas à elle-même, il faut y ajouter une notion d’utilité.
Merci beaucoup pour cette remarquable et très utile réflexion qui est particulièrement bienvenue à un moment où la formation des prix sur les marchés semble plus relever du mouvement brownien et de l’avarice de tierces parties étrangères aux transactions physiques réelles que d’une logique économique et/ou sociale prenant en compte la valeur ajoutée economique et/ou sociale des produits échangés.
J’ai juste une remarque : si je comprends bien, un prix se définit soit en termes relatifs (troc) soit par rapport à un référent (monnaie). Quand l’état interdit le troc parce qu’il est difficilement taxable, et quand la main magique du marché supprime le référent monnaie pour en faire un produit comme les autres et multiplier ainsi à l’infini les opportunités de gagner toujours plus en produisant toujours moins de valeur ajoutée économiquement et/ou socialement utile, que se passe t’il ?
Jean-Paul Vignal
[…] This post was mentioned on Twitter by Lexemplaire, Raphael Turbatte. Raphael Turbatte said: RECIPROCITE OU RAPPORT DE FORCES ?, par Dominique Temple http://pulsene.ws/11VJY […]
Sortir de l’euro : oui mais comment ? (1)
http://www.marianne2.fr/Sortir-de-l-euro-oui-mais-comment-1_a202938.html
Des milliers de Boliviens manifestent contre la vie chère.
http://www.rfi.fr/ameriques/20110219-milliers-boliviens-manifestent-contre-vie-chere
« Opprimés de l’Inde levez-vous »: le chant de révolte d’un paysan du Pendjab
http://www.france24.com/fr/20110219-opprimes-linde-levez-vous-le-chant-revolte-dun-paysan-pendjab
Etats-Unis: les coupes dans les dépenses pourraient affecter l’économie, prévient Geithner .
http://www.france24.com/fr/20110219-etats-unis-coupes-depenses-pourraient-affecter-leconomie-previent-geithner
La critique de la valeur.
La valeur n’est pas intemporelle.
De plus savants que moi avaient fort bien expliqué l’origine de ce qui est advenu : » La valeur d’échange n’a pu se former qu’en tant qu’agent de la valeur d’usage, mais sa victoire par ses propres armes a créé les conditions de sa domination autonome. Mobilisant tout usage humain et saisissant le monopole de sa satisfaction, elle a fini par diriger l’usage. Le processus de l’échange s’est identifié à tout usage possible, et l’a réduit à sa merci. La valeur d’échange est le condottiere de la valeur d’usage, qui finit par mener la guerre pour son propre compte. »
Et pendant ce temps, les non-rentables se révoltent, dans les pays arabes et ailleurs.
A ce sujet, voir le dernier article paru sur :
http://palim-psao.over-blog.fr
@ Paul Jorion,
Pourriez-vous formuler la loi de l’offre et de la demande telle que vous la comprenez ? Je voudrais éviter le flou et la déformation qui entourent fréquemment cette loi. Bien que vous en parliez dans Le prix, vous n’en donnez nulle part une formulation dont vous pourriez dire : « Voici ce que l’on entend habituellement par loi de l’offre et la demande ; elle est fausse. »
Pour moi, une version correcte peut être trouvée chez Menger (*). J’exclus volontairement Jevons et Walras parce qu’ils introduisent inutilement l’idée que l’individu « maximise son utilité » (sic) et l’usage des mathématiques (re-sic). Vous serez sans doute d’accord avec moi que ces deux ajouts posent problème. Vous avez longuement écrit à ce sujet.
Les trois pères du marginalisme, cependant, sont d’accord sur le cœur de cette loi, qui est l’utilité marginale décroissante : chaque unité supplémentaire d’un bien est affectée à un usage que l’individu considère moins important que l’usage qu’il a fait de l’unité précédente ; ou encore : ayant des ressources limitées et un grand nombre de désirs, nous comblons prioritairement les désirs qui nous paraissent avoir plus de valeur. Menger insiste sur le fait que l’individu peut changer d’avis, peut faire des erreurs, ne sait jamais tout ce qui serait nécessaire pour éliminer toute incertitude dans son choix. J’anticipe la critique de l’homo economicus rationnel : là n’est pas la question.
Le point important est qu’aucun des trois auteurs n’a besoin de faire des hypothèses sur l’origine de ces préférences / valeurs personnelles. Ce n’est pas leur objet. Ils ne se demandent pas pourquoi tel individu préfère une chose à une autre : ils observent que l’individu fait un choix, que son esprit nous est plus ou moins impénétrable, que ses motivations sont ce qu’elles sont, et ils raisonnent à partir de là.
Il est clair que ces préférences individuelles peuvent avoir des origines multiples : innées, acquises, familiales, sociales, éducatives, inexpliquées… Les motivations peuvent donc être qualifiées d’altruistes, de réciproques, de rapport de force, etc. : cela ne contredit pas le marginalisme. Cela ne peut pas le contredire, en tous cas tel que je le comprends.
Une autre question est celle de savoir si l’on pourra jamais expliquer complètement, totalement, les préférences des individus. D’après ce que j’ai écrit plus haut, cela permettrait de prévoir à l’avance chaque choix que l’individu fait et fera au cours de son existence. Je pense que cette vision ultra-déterministe est absurde, mais même si elle était vraie je ne vois pas en quoi elle réfuterait la loi de l’offre et la demande. D’où ma question ci-dessus : qu’entendez-vous exactement par « loi de l’offre et la demande » ?
Merci,
GSF
(*) Principles of Economics (1871), une bonne introduction peut être trouvée dans David Gordon « Introduction to Economic reasoning. » Ces deux textes sont en ligne.
Suis en train de lire « Je t’aide… moi non plus » de la biologiste Christine Clavien, sous-titre « Biologique, comportemental ou psychologique : l’altruisme dans tous ses états. » Très accessible et contient une bonne présentation de l’altruisme réciproque ou non dans le monde animal.
Réciprocité ou rapport de forces , version érotique :
http://www.youtube.com/watch?v=wgacX35zBck
PS : qui est ce ce Paul Jorion sans cesse cité dans le billet ?
Par contre , je reste tétanisé par les trois dernières lignes de ce billet où j’apprends que la réciprocité a peut être des structures fondamentales .
Et que la valeur est le résultat d’une matrice .
Et que c’est en maîtrisant rationnellement ( il y aurait donc une maîtrise irrationnelle ? S’il y a une maîtrise empirique , je saute dessus ) tout ça , qu’on va faire rendre gorge à la bête .
Déjà que j’ai parfois de la peine à suivre la particule Jorion , me voilà à devoir me coltiner une anti particule …
« Pauvre » de moi , confronté à ces âmes bien nées auxquelles la » valeur » n’attend pas le nombre des années , moi qui balbutie encore pour articuler ou dissocier :
valeur /argent/ usage -échange/ valeur- travail /offre-demande/prix -juste prix /valeur de l’argent / misère – richesse / sans parler de la valeur selon Schizosophie qui m’est inconnue .
Et réciproquement .
Je ne suis plus de force .
/////( il y aurait donc une maîtrise irrationnelle ? S’il y a une maîtrise empirique , je saute dessus )///
La gestion archaique des echanges peut etre considérée comme « irrationnelle » , puisqu ‘ étant « complexe » , au sens mathématique , elle n’est pas integrable (pas de racines) …par contre ces modèles peuvent user du signifiant « maitrise » , car leur solutions finissent sur des zones tres stables (attracteurs) …..
@Kercoz :
N’étant pas un familier des systèmes dynamiques plus ou moins chaotiques , je me bornerai à me demander (sans excès) si l’attracteur est le résultat ou l’origine de la réciprocité et/ou du rapport de forces .
A moins que le prix ne soit un attracteur étrange .
D’autant plus étrange qu’il n’est pas stable .
Réciprocité et rapports de force sont le meme phénomène . Dans tout groupe animal socialisé , la hierarchisation (ou structuration) du groupe s’effectue par le couple domination/soumission donc par l ‘agressivité dés-affectée par des rites structurants (rituels inconscients).
Ce modèle qui fonctionne pour les animaux sociaux est plus complexe que celui qui gère les animaux solitaires ou familliaux puisque la solitude est interdite a l’animal social.
Si l’on peut modéliser une espece dans sa « chaine trophique »….L’ attracteur serait la stabilité et la préservation de l’espece , donc une reproduction correcte et des approvisionnements par des echanges ou prédations stabilisés ….
Ce que j’essaie de mettre en évidence , c’est que TOUS CES SYSTEMES utilisent un modèle de gestion complexe et une population fractionnée sur un territoire adapté . L’outil de régulation est aussi déterminé par des millions d’années que le sabot d’un cheval ou l’aile d’ un corbeau .
Dans le cas de l’espèce humaine , il est probable que l’affect soit un intrant majeur des equations (complexes) d’échanges …et l’ affect ne fonctionne que sur des individus « connus » donc ds des groupes restreints ……IL s’ensuit que la seule solution pour gerer une population importante est les fractionnement et le modèle fractal …si du moins on cherche a optimiser l’entité humaine .
Pour le dire autrement , l’individu n’existe plus depuis le « Big Deal » , et la cellule humaine minimum c’est le groupe ET l’individu …mais pas n’importe quel groupe .
…Une sorte de Néo-structuralisme …….
@Kercoz :
Je reconnais dans vos propos une modèlisation à laquelle j’ai été confronté il y a une vingtaine d’années . Elle est assez prolifique et efficace . A l’usage , je lui ai préféré ( et préfère encore ) une approche que j’ai déjà cité plusieurs fois ici ( P2L pour profil lien et loi ) qui rend selon moi mieux compte de la complexité , car elle laisse davantage de degrés de liberté à ce que vous appelez les intrants , et n’attribue à la » hiérarchie » que le rôle qui lui revient dans la marche de l’humanité .
Elle ne me donne pas cependant la clé sans équivoque de la définition du « prix » , dont j’ai tendance en vieillissant ( encore un peu plus ) à imaginer que c’est un objet fantôme , élément de commodité facile qui camoufle toutes nos ignorances , comme le vote pour le plus provisoirement convaincant camoufle notre paresse démocratique .
Mon intuition la plus violente c’est que valeurs/argent/prix/travail/modèlisation/foi/divertissement/amour sont des recours désespérés pour maîtriser le temps … qui est peut être lui même un mirage .
Mais si, juan nessy, la valeur selon schizosophie vous est connue. Souvenez-vous notre premier échange, plutôt rude, où il était question de la valeur comme leurre, illusion quantitativiste des économistes (donc pas de Marx), de credo, d’existence chimérique.
Je vous avoue, à propos des trois dernières lignes qui vous tétanisent, que l’expression « matrices de la valeur » me laisse aussi pantois, comme l’impression de l’accouchement d’un fantôme. S’il faut croire en quelque chose, j’aurais plus confiance aux spectres de ce qui a existé qu’en une issue censée advenir. Mais il ne s’agit pas de croire.
@Schizo:
Une schématisation grossière m’interdirait d’ utiliser le terme de valeur , non comme un nom , mais comme un qualificatif et uniquement pour un individu (notion de face).
Dans le don ou l’echange , l’ objet ou l’etre echangé n’etait le plus souvent qu’ un support de cette « valeur » , introduisant une « obligation » de fait et un lien entre individus .
En terme de « représentation » de la « valeur » d’un individu, l’objet ne reste qu’une mémoire , ou un langage ostentatoire qui affirme ou revendique : les trois plumes sur la tete du gus ne font qu’affirmer la « valeur » du gus pour avoir tué 3 ennemis , (et celà pourtant tout le monde le sait ), mais ce rappel est necessaire pour contrer toute contestation hierarchique .
Le leurre, qui réutilise ce rite inconscient , pour des buts consuméristes : le 4×4 ou la blonde aux glandes mammaires hypertrophiées , rate sa cible : il provoque plus l’hilarité , la rancune que l’admiration ou la crainte . Notre problème vient de ce que cet echec ressentit n’est pas compris et va provoquer une autre tentative sur un autre leurre .
@ Kercoz 22 février 2011 à 9 h 16
Pour les humains il existe l’adjectif « valeureux », « valeureuse ». Les trois plumes du gus signalent le brave (hugh !), le valeureux ; mais la chose « de valeur » n’est-elle pas que de plumer l’acheteur après avoir plumé le producteur, par l’extorsion du surtravail ?
@Schizo:
//mais la chose « de valeur » n’est-elle pas que de plumer l’acheteur après avoir plumé le producteur, par l’extorsion du surtravail ?//
Je dirai que non , ce n’est qu’ un leurre qui laisse le bénéficiaire inassouvi , insatisfait.
Le seul truc qui interesse un individu (apres bien sur avoir satisfait ses besoins essentiels) , c’est de valoriser sa « Face » , ou de confirmer cette valorisation , son « rang » ds le groupe . (je suis un fan de Goffman) . cette valorisation confirmée , il retourne a son hamac . Je persigne ds le fait que la seule « valeur » d’un individu , c’est la sienne et qu’il ne peut que l’obtenir ou la conforter que par l’interaction , et que par la confirmation de cette valeur par les « autres ».
Cette recherche peut ‘effectuer avec peu de moyens ou d’outils , maiscette recherche est forte , inconsciente et « NECESSAIRE » ….c’est donc un « lieu de pouvoir » a exploiter qui interesse pas mal de monde ….en fait .
@ Kercoz
22 février 2011 à 12 h 02
Goffman, ok, mais les ressorts de la gloire, de la reconnaissance sociale, du narcissisme, de la couverture du Surmoi n’ont rien d’incompatibles avec les formes économique et juridique du conditionnement. Le reflet de soi peut bien reposer sur la liberté du travail (d’autrui ou de soi-même), ce qui, d’une part, n’est pas reposant et, d’autre part, ne garantit en rien la fidélité de ce reflet à soi.
@Schizo:
////Goffman, ok, mais les ressorts de la gloire, de la reconnaissance sociale, du narcissisme, de la couverture du Surmoi n’ont rien d’incompatibles avec les formes économique et juridique du conditionnement. ////
Il y a incompatibilité . Mais cette incompatibilité repose sur la trop grande taille du groupe . L’individu DOIT connaitre l’ « autre » pour etre reconnu ….sinon l’ ostentation est douteuse ! non prouvée (il a un gros 4×4 , mais peut etre une petite bite) …… Notre fonctionnement /formatage s’est auto-formaté durant des millions d’années sur un modèle ou le groupe tait réduit et ou chacun connaissait chacun . Ces interelation ont peu de chance d’etre simplifiées pour gérer des individus qui sont des « inconnus » …d’ou mon obstination a vouloir défendre le modèle parcellisé ..celui qui a optimisé l’individu et celui qui SEUL peut l’ optimiser .
Je ne dis pas qu’il faille revenir a la tribu …meme si le village (mais comme lieu de travail , de vie , pas seulement de dortoir) , peut améliorer l’optimisation du « soi »…mais que l’on pourrait étudier les outils complexes de cet archaisme pour voir si l’on ne pourrait le réutiliser (un peu comme la possibilité du cerveau humain a gérer la complexité est utilisé ds le « Rond Point » avec 10 fois plus de flux gérés qu’un feux rouge , meme radarisé, informatisé camératisé ..)
@kercoz 22 février 2011 à 13 h 58
Arg ! Si c’est un problème de « t’aille »… il y a aussi les problèmes du tisserand et de son métier. Sur le rond point, je vous recommande e début de Shangai Gesture où il appert que passé un certain seuil de densité humaine les codes se mettent à danser.
Cela dit, vous avez raison, il y a une certaine incompatibilté entre Goffman et ce que j’avance. Incompatibilté qui tient au statut du reflet. Pour prendre un exemple belge, je pense que Jean-Philippe Smet est plus Jean-Philippe Smet que Johnny Hallyday, bien qu’il se prenne pour Johnny Hallyday d’autant mieux que sa position sociale et l’argent que s’est mis dans les fouilles son entourage dépend de ce reflet. Or Jean-Philippe Smet n’est pas devenu fou. C’est peut-être pour cela qu’il est tant aimé, les plus fans de ses fans, souvent des prolos, le sentent jusqu’à le singer. L’image absorbe mais n’exténue pas complétement à tous les coups.
Le défaut de la sociologie est de trop focaliser : elle voit l’histoire de trop près, même lorsqu’elle importe les constantes ethnologiques du registre rituel pour compenser son péché originel. M’enfin, elle nous apprend beaucoup de choses tout de même.
@ Kercoz,
L’espèce humaine est une donnée biologique qui est certainement soumise aux lois des espèces biologiques où l’affect répond à des conditionnements, des déterminismes et des finalités biologiques. Mais nous parlons de sociétés humaines et la société n’est pas une espèce, et nous parlons de l’animal politique et si l’animal renvoie à l’espace biologique, le politique renvoie à celui de la société. Ici, il faudrait faire apparaître que les affectivités humaines sont distinctes de celles qu’engendrent les rapports biologiques, car les structures sociales ne sont pas génétiques. La réciprocité humaine fait apparaître des valeurs dont l’affectivité est celle de sentiments éthiques ou encore des consciences affectives déconnectées ou libérées des déterminismes biologiques: la relativisation de soi et de l’autre libère un sentiment d’humanité, le propre d’une conscience de conscience enfin libre de toute finalité biologique. «Nous, hommes, nous sommes». C’est la première expression de toute société humaine.
Le groupe, c’est l’humanité. Et l’individu, l’homme.
@ schizosophie,
Alors montrez nous la valeur ! Est-elle innée comme la valeur du cerf ou du lion? Après tout, on dit bien d’un homme qu’il est valeureux, et le mot valeur se rapporte étymologiquement au courage du guerrier… mais encore faut-il que comme les héros de Homère la valeur s’acquière sur les champs de bataille dans des combats de réciprocité négative… la valeur ce n’est pas la duplicité du traître ou de l’assassin.
Et si la valeur était innée, on en reviendrait à celle des plus forts…!
Ou bien descend-t-elle du ciel par pure grâce. Seriez-vous prédestiné? etc.
Qu’est ce qui vous laisse pantois? Que la réciprocité de bienveillance engendre la philia? Que la réciprocité de filiation engendre la responsabilité du Père (ou de la Mère)?
Où est la difficulté? Que le sentiment, produit par la relativisation des contraires, ne soit pas de même qualité que celle des forces mises en jeu pour la produire?
Préférez-vous réellement le retour du passé et de ses fantômes plutôt que de créer l’avenir?
@ Kercoz,
Excusez-moi de m’introduire dans votre dialogue avec schizosophie dont il me semble comprendre la réponse: «mais la chose “de valeur” n’est-elle pas que de plumer l’acheteur après avoir plumé le producteur, par l’extorsion du surtravail?»
Je pense que le système de l’échange a compris ce qu’est la réciprocité au moins intuitivement, et s’il détruit la réciprocité partout où il la rencontre, c’est parce qu’il y trouve l’avantage de créer le manque des valeurs qu’elle produit et auxquelles il substitue l’objet-leurre (ou le spectacle dans la société de spectacle). Ce leurre est d’autant plus vite détruit par l’obsolescence programmée que celle-ci accélère sa reproduction.
@ Kercoz,
Je disais que le surtravail a été remplacé par la surconsommation: c’est ce que me semble démontrer la crise des subprimes. La surconsommation (la consumation) est un moteur qui a résolu le problème de la surproduction (et la crise de 2008 est différente de celle de 1929): le capitalisme néoténique.
Mais vous dites que la consumation exige une participation active du consommateur qui n’est pas une victime passive de l’éternel complot du méchant capitaliste.
Dans le cadre de la réciprocité, je traduirais cela ainsi: le leurre satisfait le prestige que chacun veut posséder (c’est-à-dire l’image de ce qu’il dépense, ou de ce qu’il distribue pour sa gloire). Or, cette dépense pour le prestige, c’est une aliénation issue de la réciprocité positive qui s’inscrit dans cet adage “plus je donne, plus je suis grand”. Dans cette figure (la dialectique du don) l’imaginaire de la réciprocité positive engendre l’aliénation de la valeur, et l’actualisation de cette aliénation est un pouvoir (le despotisme), à ceci près tout de même que cette aliénation (la vanité de Agamemnon) est aujourd’hui subsumée par l’exploitation capitaliste.
Y a-t-il compatibilité (Schizo) ou incompatibilité (Kercoz) entre les ressorts de la gloire et les formes économique et juridique du conditionnement?
Le raisonnement de Kercoz est que l’autre doit être reconnu pour qu’il y ait ostentation, et que Notre fonctionnement /formatage s’est auto-formaté durant des millions d’années sur un modèle où le groupe était réduit et où chacun connaissait chacun. … et qu’une fois «valorisé, chacun retourne à son hamac».
Mais est-ce aujourd’hui le temps qui formate l’imaginaire du soi en fonction de la Tradition, ou bien le système capitaliste qui formate de façon instantanée le modèle ostentatoire nécessaire à chacun vis-à-vis de son voisin? Votre argument, Karcoz, vaudrait, me semble-t-il, s’il y avait une relation directe entre les uns et les autres. Mais entre eux s’interpose le système d’exploitation de l’aliénation de chacun, celle-ci généralisée par la toute puissance industrielle du système capitaliste. Votre raisonnement anthropologique tient-il assez compte de ce que le système de réciprocité positive est subsumé par le système de l’échange (en termes marxistes) puisque vous reconnaissez que «notre problème vient de ce que cet échec ressenti n’est pas compris et va provoquer une autre tentative sur un autre leurre» ?
Un texte intéressant, et il faut remercier Paul Jorion de publier sur son blog un texte qui le critique : c’est un sens de l’échange et de la réciprocité, pour le coup, qu’on ne trouve pas chez bon nombre d’auteurs…
Pour le reste comme je ne me sens pas à l’aise sur Aristote et/ou Lévi-Strauss et quelques autres, je me contenterai d’énoncer ce qui me paraît être l’idée de base de Norbert Elias : au commencement (analytique et non mythique) est la relation (entre les entités) et non les entités (individus ou collectifs). Avec cette idée de base, on peut démarrer par l’étude des relations ou, en termes plus eliasiens, des modes d’interdépendance. Par exemple, sur un marché, comment le mode d’interdépendance est-il formalisé, contractualisé, instrumenté symboliquement et matériellement etc. Ensuite seulement, une fois qu’on a vu cela, on va se demander quels sont les atouts (en termes bourdieusiens, les espèces de capital) qui permettent à ceux qui les détiennent de se trouver en position de force dans ce mode d’interdépendance tel qu’on l’a préalablement caractérisé. Cela permet ensuite de comprendre ce qui fait que tels acteurs (individuels ou collectifs) sont plus que tels autres en position de force. Et enfin pour couronner le tout il faut essayer de penser cela en dynamique, par exemple en essayant de voir à la fois comment le mode d’interdépendance contraint les acteurs qui y sont impliqués, cmment ces derniers peuvent (ou non) s’y adapter au fil du temps en accumulant une espèce ce capital ou en en mobilisant une autre etc.
Vaste programme, comme dirait l’autre.
Perso, j’ai toujours eu l’agréable surprise d’être aidée et soutenue par chaque personne à qui, un jour, j’avais tendu la main …Mieux ! J’ai été …(et suis toujours) « époustouflée » du « retour sur investissement » …. (pour parler comme vous) d’une bête …main tendue 😉
Pierre Paillard dit : » Nous avons besoin l’un de l’autre », Polaire dit » Seuls les sages peuvent le comprendre » et Mike ajoute » simple question de bon sens » le tout mixé par Karluss » donnes et tu recevras » ….On y arrive ;-)))
et cette main tendue n’est pas invisible ! 😉
Après une première lecture de votre texte, et sans avoir pris le temps de me référer à vos ouvrages, je ne vois pas l’utilité d’opposer l’explication du prix par les « formes de réciprocité » ou par les « rapports de forces », sauf à mener un débat politique, dans le but de défendre une opposition philosophique de type idéaliste/matérialiste; je m’explique.
Dans le processus historique d’un éventuel dépassement de la reconduction de la domination des uns par les autres, avec un éventuel changement de la couleur des cases, le passage d’une explication à l’autre ne se réduit-il pas à l’adaptation de l’outil à la description de la phase en cours, soit en régime stable, par la structure, soit-en changement de phase (ou en régime oscillant ) par le rapport de force? Par exemple, sous l’hypothèse de la « chasse structurale », est-ce en définitive l’organisation de notre système nerveux limitant chacun d’entre nous à d’intégrer les positions relatives d’environ treize chasseurs, ou bien, est-ce la rareté relative du plus expérimenté qui décide de l’organisation de la répartition des bons morceaux ? Il faut bien que les structures s’expriment par des forces, et que réciproquement, l’expression de forces imprime des structures, statutaires, symboliques,etc., lesquelles au « moment du rapport du rapport de force », ne pourront qu’être prises en considération.
Beaucoup plus intéressant, votre démarche de déploiement d’une gamme de structures élémentaires de réciprocités devrait nous aider à dépasser le « stade du parc » et de la bagarre entre deux bambins autour d’un cube en tant que modalité de régulation des échanges lorsque leur résultat s’avère insatisfaisant pour l’une des parties. Dans une perspective anthropologique, n’oublions pas que la réciprocité s’acquiert par équilibration successive lors de la construction du groupe INRC (Piaget), elle est donc, comme comportement, susceptible d’épigenèse et d’assimilation génétique.
Plus loin, la conceptualisation des formes de réciprocité devrait permettre la construction de dispositifs d’échanges (entreprises, administration, écoles, etc.) qui soient directement producteurs de fraternité. Votre démarche s’inscrit donc, il me semble, dans l’orientation de Jorion concernant l’autodomestication de notre nature humaine par ajout d’une dimension économique aux principes de liberté d’égalité et de fraternité.
Je pense que votre démarche maussienne ouvre un chantier essentiel dans le projet de Paul Jorion d’une – constitution pour l’économie -, voulez-vous le porter en quelque lieu et modalité qui vous conviennent ?
Oui mais il y a sans doute plusieurs façons de les prendre en considération : les utiliser ou les “relativiser”. Actuellement nous sommes dans des rapports de forces et l’échange inféode la réciprocité. Mais l’échange est remis en question par la fin du système capitaliste. La proposition que nous pouvons envisager est de dépasser le rapport de forces…
Effectivement Piaget a approché la conception que nous défendons de la réciprocité :
« Le groupement est la forme commune d’équilibre des actions individuelles et des interactions inter-individuelles, parce qu’il n’existe pas deux manières d’équilibrer les actions, et que l’action sur autrui est inséparable de l’action sur les objets. »
Comme l’écrit M. Chabal dans un texte à paraître, Piaget reconnaît que « avancer une proposition, c’est “agir sur les propositions du partenaire” en l’obligeant “à respecter les propositions antérieurement reconnues, et à les appliquer à ses propositions antérieures.» On ne quitte cependant pas le rapport de force. La réciprocité garde un sens physique, celui d’interaction. Elle n’est pas encore la réciprocité qui permet de relativiser les forces pour engendrer une résultante psychique : la réciprocité anthropologique.
Le projet de Paul Jorion d’une Constitution pour l’économie est important.
Dans ce sens, la toute récente Constituante de Bolivie a introduit le concept de « réciprocité » dans ses débats économiques et même dans le texte constitutionnel.
Le débat n’est pas pour nous celui que vous posez dans votre introduction (la question d’une situation stable ou instable pour un rapport de forces présumé a priori). Vous éliminez d’emblée le débat que nous avons proposé en le stigmatisant sous la forme d’un “débat politique, dans le but de défendre une opposition philosophique de type idéaliste/matérialiste”.
Personne ne conteste que les valeurs éthiques sont efficientes: l’amitié engage, etc…
Et depuis toujours on se bat au nom de valeurs constituées.
Mais il s’agit donc de savoir s’il existe des structures productrices, des matrices, des relations qui engendrent les valeurs, de sorte que nous puissions rationnellement les produire, à plaisir ou à loisir, pour employer d’autres termes qui “laissent pantois”.
Peut-on produire à loisir le sentiment de responsabilité, peut-on produire à loisir le sentiment de justice? Et sinon, d’où sortent-ils?
Nous prétendons que c’est un but que peut se donner la philosophie politique que de décrire les conditions de leur production au lieu de les laisser à la disposition du… plus fort ou du plus rusé!
Le vivre ensemble est-il fondé sur la nécessité de répondre au besoin d’autrui ou de l’instrumentaliser pour satisfaire notre besoin? La première option ne se soutient pas si on la motive par un simple altruisme comme on en observe dans les sociétés animales car cet altruisme biologique est ordonné à la vie de l’espèce, ce qui revient à la seconde option. Elle se soutient par contre si cet altruisme est subordonné à une relation plus fondamentale, la réciprocité, qui fait surgir entre l’un et l’autre un Tiers. C’est ce Tiers qui dès lors provoque un séisme dans la nature parce qu’il est la naissance simultanée dans chacun des protagonistes de la réciprocité d’une conscience délivrée de toute détermination, libre, une conscience souveraine et qui, pour traduire cette souveraineté absolue, s’invente la parole (sinon d’où faites-vous venir et la liberté et la parole? ). Il appert qu’aussitôt tous les hommes dans toutes les sociétés connues pérennisent la matrice de cette révélation immédiate “Nous voici les hommes”. Et cette structure initiale s’appelle l’Alliance, redoublée aussitôt de celle de la Filiation. Quant au fait que la révélation de la conscience à elle-même soit un événement fort nouveau et sans précédent, on le dit hors nature ou sur nature.
Vous trouvez “plus intéressant” les structures de réciprocité qui témoignent du principe, mais vous les comparez à celle que Piaget a approchée. Soit! Mais je reviens sur ce que vous écartez et qui est à nos yeux l’essentiel parce que constitutif des structures psychiques et non réductible à des données biologiques. Vous en restez à des relations de forces, cela même que nous contestons comme seul moteur des prestations humaines, car selon nous, il appartient à l’énergie psychique de les relativiser jusqu’à ce quelles se transforment intégralement ou le plus possible en conscience. Ce sont les relations entre énergies psychiques qui produisent les sentiments humains et non pas les relations des hommes avec la nature; les relations avec la nature prennent leur sens par rapport aux sentiments humains y compris quand la reconnaissance des faits de nature consiste à les définir comme forces. La proposition que nous contestons est celle de rapporter les relations humaines à ces forces, et l’homme à la nature biologique.
Oui, bien sûr, autant qu’il est possible.
relire le livre II du Tao Te King ….
D’accord, mais qui apprendra-t-on par rapport au sujet traité ici ?
@julien alexandre
bah , les textes des anciens chinois sont des traités de « philosophie politique pour les nuls » , des trucs de base pour manipuler les masses sans faire trop de vagues .
quand le ivre II conseille aux grand pays d’etre la vallée ,c’est à dire d’accueillir les petits pays sans etre trop restrictif, quand le livre II souligne que le souverains doit sembler etre en dessous du peuple , ce ne sont que des rappels de fondamentaux que le capitalisme a oublié .
interaction et reciprocité sont toujours etudiées dans la pensée asiatique , la duplicité devient une qualité ,la ruse une arme ,et cela est du au fait que les ideogrammes ne sont pas aussi précis qu’une » langue à contexte pauvre et alphabet » .
dans l’industrie , on ne parle plus de reverse engeneering , on parle de transfert de technologie par exemple mais de toute façon si on a le mode d’emploi (en pdf ! ) et les usisnes d’asemblages ce n’est pas difficle de touver les programmantions des processeurs …
dans la finance ça doit etre pareil .
et tout cela sur une échelle de durée eternelle pour l’occident ( les chinois disent attendre au moins dix ans avnt de réévaluervraiment le yuan et developper vraiment leur marché interieur -hors de leur métropoles ) !
et ce qui est terrible c’est que les usa et l’europe les seules échéances importantes sont les prochaines elections en 2012 .
est ce assez bien explicité ?
Il n’y a pas que la formation des prix qui dépende des relations sociales et des traditionsancrées dans les comportements d’échange les phénomène d’appropriation privée ou traditionnelle des patrimoines jouent un rôle fondamental dans les mises en places de stratégies de développement durables. Si on ne tient pas compte de ces structures traditionnelles les tentatives maladroites des pays riches d’imposer des modèles de développement calqués sur nos modes de pensées sont voués à l’échec.
Un de mes amis économiste, beaucoup plus jeune que moi, travaille depuis de très nombreuses années sur ces sujets: la compréhension du rôle des processus de fonctionnement des structures traditionelles de patrimonisation collective en Afrique du Nord et de répartition de la mise à disposition de ces patrimoines selon des institutions respectées par la population dans son ensemble. Ces études sont d’après ce que j’en ai compris, faites dans la perspective de mise en place de programmes de développement durable et équitable sur des bases de l’utilisation collective du patrimoine guidées par les structures traditionnelles existantes dans le but d’améliorer la qualité de vies des populations locales sans détruire irrémédiablement le patrimoine local.
J’essaierai de revenir plus tard sur ce qui est à mon avis le problème fondamental que toutes organisation économique et sociale va devoir résoudre , quel que soit le système adopté:
Adapter de la manière le plus efficace au niveau environnemental la satisfaction des besoins perçus par les populations au moyens à mettre en place pour arriver à cette satisfaction. Les marchés ont montré qu’ils n’y arrivent pas et les systèmes planifiés n’ont pas fait mieux. Cela va selon moi être le problème à résoudre. J »y reviendtais plus tard mais pas ce soir… Ou ce matin devrais-je dire…
Il me semble que cette question se rapporterait à la réciprocité ternaire unilatérale (en termes plus traditionnels: la Filiation).
P… S… d… J… ! … Vous pensiez sincèrement passer inaperçu !?
C’est quand qu’on va où ?
Le jour où l’anthropologie sera un humanisme, la posture D sera en marche ! Le sujet a déjà été abordé, mais est resté sans réponse (au même titre d’ailleurs qu’une approche psychanalytique de l’homme et du rapport de forces, que fait la science ultime ?). Vous faites donc fort bien (Paul) de le remettre sur le tapis. L’anthropologie n’observe pas l’homme mais l’homme dans son cadre social qu’elle postule comme étant un rapport préexistant et définitif entre l’homme et la société.
Le rapport de forces n’est pas défini par la valeur que chacun met dans sa vie (son option si je puis me permettre) mais par le bénéfice que la société lui impose de tirer de l’échange, c’est une crise de civilisation, ne l’oublions pas : « La crise actuelle nous pose un problème qui va bien au-delà de la méta-modélisation de la fiscalité, de la finance et de la politique. Elle pose un problème de civilisation dans un monde où les modèles sont explicitement différents les uns des autres tout en transformant une même réalité indivisible. » (PSdJ). Alors oui : » l’agonie du système capitaliste impose de changer de système, de changer la machine, de modifier le cadre. Et l’on n’y parviendra pas si l’on ne reconnaît pas d’autres définitions, d’autres formes ou d’autres dimensions de la valeur que la valeur d’échange, si l’on ne reconnaît pas les structures de production de la valeur de réciprocité et les conditions de sa genèse », la valeur échange. C’est en marche.
On peut alors se demander comment ce rapport de forces s’établit. C’est une question tout à fait légitime. Une société n’est pas démocratique quand elle ne tient pas compte de toutes les valeurs propres, quand elle forme ses membres à accepter une valeur moyenne. Analyser ensuite la société avec pour cadre cette valeur moyenne a un sens uniquement descriptif, historique, scolaire, voire avec un côté « tautologique », et en aucun cas humaniste, évolutif (l’évolution serait contrainte au cadre !). Le rapport de forces s’établit sur cette idée folle d’inventer l’école, pardon sur cette idée folle de croire et d’enseigner que la société serait l’ordre établi. Nous ne sommes en cela pas différents des autres civilisations, ce n’est pas facile à admettre. La démocratie est l’intégration de toutes les valeurs propres. La société n’est que la soumission de la majorité des valeurs propres à une valeur forte, ou à la moyenne de quelques valeurs fortes : « Si nous voulons bien comprendre que nos modèles ne sont pas toute la réalité, alors la discussion des modèles sur le marché et l’achat systématique des primes sur toute réalité verbalisée donne une efficacité infinie aux modèles. » (PSdJ), ne l’oublions pas.
En Tunisie, en Égypte et en France, pardon en Libye… et en France aussi, aux USA, et chez tous ceux qui se considèrent comme faisant partie d’une civilisation, les valeurs sont toujours cachées derrière une moyenne : le refus, le ras-le-bol des valeurs fortes imposées. Nous verrons bien s’ils parviendront à la démocratie. Nous verrons bien s’ils parviennent (il faudrait pour cela qu’on leur en laisse le temps !) à mettre en place un système permettant à chacun de prendre conscience qu’il est en droit de verbaliser son projet de vie (sa médiété ?), une société où chacun aurait la possibilité de définir son prix de l’échange avec l’autre : « La plus-value d’un modèle n’est pas de tromper l’autre mais de construire la collaboration des personnes à transformer leur réel. » (PSdJ)
C’est possible. Il faut en parler. Les solutions sont là – regardez nous-, il ne reste plus qu’à faire en sorte que chacun participe à leur mise en œuvre ! C’est la posture D. D comme humanisme. D comme démocratie.
C’est quand qu’on arrive ?
Dans la rue une jeune femme m’aborde pour me vendre « les véritables bonbons résineux du père Dépret » le baratin associé m’indique qu’il s’agit d’une opération bénévole à caractère solidaire et charitable pour une cause animalière. Rien à foutre de cette cause animalière, mais la jeune femme insistante sociale, a de beaux yeux, un joli sourire. Je paye au moins 4 fois le prix statistique standard d’une boîte, en sachant que j’achète en fait la couleur des yeux, le sourire, la séduction, plutôt que la valeur de la bonne action décrite ou de l’arnaque supposable. L’offre formelle n’a ici aucun rapport avec la demande formelle dans l’échange, mais il y a pourtant eu commerce de gré à gré, dans un consentement malin. Je suppose que l’imputation en comptabilité analytique d’un tel acte divise le comptable : plutôt service si l’objet est le regard et le sourire, plutôt alimentation, si l’objet est « les véritables bonbons résineux du père Dépret », plutôt loisir si le transfert bénéficie aux animaux de compagnie.
Coté services, un proche de retour du Japon me rapportait qu’il était inconvenant de laisser un pourboire, au contraire des US où il rétribue l’essentiel du service. L’échange est codé culturellement à un niveau que chacun ne soupçonne pas puisqu’il baigne dedans comme il nage dans sa langue.
Dans nos commerces de prix fixés, j’ai appris que des gens à fort pouvoir d’acheter n’éprouvaient pas de gêne à demander une ristourne. Au contraire de ceux qui, à petit pouvoir d’acheter éprouvent de la honte à lire dans le regard de l’autre leur pauvreté quand ils demandent une réduction. Doit-on entendre le statut de nos jours comme lié au pouvoir d’acheter, le statut du nouveau riche (le statut du nouveau pauvre fascine moins) ou alors restant articulé à la considération que produit une place, une fonction, dans ce qui est installé comme hiérarchie sociale (ou quel rapport 20/80 – 50/50 ou 80/20 ?)
J’ignore ce qui s’appelle un « début de cycle économique », puisqu’un cycle ça m’évoque quelque chose de fermé, bouclé sur lui-même, où un point quelconque ( ?) fera début et fin, bref l’éternelle répétition cyclique à quoi l’accumulation du travail mort obvie, et je ne saisis pas ce que vous dépliez là avec ce qui suit : Est-ce le rang qui induit la générosité en proportion du rang ou de la générosité ? , mais de qui du donateur ou du donataire ? (Le don tient sa valeur du nom du donateur en proportion de sa donation au donataire) ; est-ce ainsi que je dois vous lire ?
Si j’entends l’expression « valeur de renommée », celle de « monnaie de renommée » telle qu’elle est définie sur votre site est bizarre. Vous parlez d’objets dont il se dit le plus souvent qu’ils sont « sans prix ». C’est même pour ça qu’ils sont « hors de prix » et donc iniquement (lapsus-clavieri pour uniquement) accessibles à la petite frange d’exploitants du plus grand nombre, ce qui renforce si besoin est, leur statut, leur renommée, que sais-je encore …Mais qui dit prix suppose monnaie depuis les lustres d’où le coté bancal à mon goût de votre « monnaie de renommée »…et d’ailleurs plus loin vous relevez l’aporie avec valeur de renommée/valeur d’échange.
Ensuite quand je lis « valeur éthique » et « dignité du sujet humain social » dans un paragraphe où il est question de fétichisme et même d’inversion fétichiste qui conduirait au primat de la possession en lieu et place de la genèse de la valeur, là je vous dis mon interrogation. Valeur : je ne trouve d’autre valeur à ce terme que l’investissement (libidinal dirait Freud) de quelque chose pour quelqu’un. Pourquoi ? Comment ? est une autre débat. Selon les moyens du pouvoir d’acheter du quelqu’un, cette valeur aura un prix accessible ou pas. Et puisqu’on est dans le fétichisme et dans la marque, Swarowski commercialisait avant la crise un godemichet plaqué or à prix d’or de l’époque. Ça indique le prix mais pas « la genèse de la valeur » pour reprendre votre terme. Ce qui me frappe toujours dans ces discussions sur valeur, prix, échanges, etc. c’est l’absence d’un terme pourtant central : jouissance, qui traverse l’épopée freudienne autant que le discours du droit, sans plus qu’évoquer le manque, qui permet de faire coulisser les pièces comme au jeu de taquin.
Même si une excursion sur votre site m’a un peu éclairé sur votre pivot de la réciprocité, je constate de mon coté que dans « nos » sociétés, la plainte sur l’absence de réciprocité est banale, qu’existe un reste dans toute tentative de saturer cette plainte, et que la notion courante de réciprocité est très assise sur nos repères idéologiques de promotion de l’égalité.
Vous parlez plus loin du statut des médecins. Il varie de fait selon qu’il est cubain, argentin, pakistanais, états-uniens ou français. Par numerus clausus on a moins produit de médecins en France depuis un bout de temps. Ça fait des économies à ne pas les fabriquer, ni à les entretenir puisque par définition monopolistique c’est le médecin qui produit le malade-consommateur. Plus de médecins = plus de malades = plus de dépenses de santé (lire le « plus » dans son ambigüité de « pas »). Non, le médecin français moyen ne voit pas son prix varier en fonction de la taille du corps médical. Des accords de type syndical gèrent ses revenus. Et sa démographie est du domaine du gouvernement. Dans certaines spécialités, la pénurie suscite l’importation de médecins venus d’ailleurs. Formés ailleurs, ils n’ont rien couté à la Nation reconnaissante.
Quand dans les chaînes de commandements des organisations mondiales, les décisions de quelques uns mènent quelques autres à la révolte et à la mort quand elle est matée, il n’y a, nous sommes d’accord, aucune relation de réciprocité. La dépendance de tous les jours à des ficelles qui nous agitent comme des pantins ne dit rien sur la supposée main invisible qui les tire, mais quand on veut gagner une partie, il parait qu’il vaut mieux avoir la main. Certes le réel ne s’attrape pas aisément, comme disais Devos, « Pour trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose… et pour pas cher ».
La monnaie de renommée est une notion proposée par Marcel Mauss. Son évocation peut faciliter l’accès à l’idée de monnaie de réciprocité. Ce qui nous intéressait, en réalité, c’est la monnaie de réciprocité, qui pourrait faire face à celle de monnaie d’échange. Introduire cette distinction nous permet de nous représenter l’une la valeur comme valeur d’échange et réification des rapports de forces, l’autre comme valeur dotée d’une dimension éthique. La dimension éthique n’étant pas mesurable, l’énigme que vous évoquez reste entière, d’où le recours aux conditions de la production des valeurs éthiques, c’est-à-dire aux relations de réciprocité qui peuvent être rationnellement maîtrisées, et à l’analyse des différentes structures de production des valeurs humaines….
Votre critique pourrait se poursuivre : la genèse de la valeur devrait consoner davantage avec le désir qui traverse l’épopée…
La jouissance est cependant grevée d’une connotation biologique dont il faut se dégager si l’on parle d’éthique. La jouissance, dont vous parlez, serait-elle l’affectivité des sentiments éthiques ?
@Temple
Si , en créant la monnaie , on a élaguer l’affect des echanges , c’est parce que la complexité des interactions n’est pas réductible de faon linéaire . Dire qu’il y aurait une monnaie « de renommée » qui viendrait pondérer la « monnaie » d’échange , c’est retomber ds le meme biais : la complexité des interelations entre individus fait que la distance affective et l’époque de l’echange sont par ex des variables parmi beaucoup d’autres qui interdisent de « fixer » ne valeur d’equivalence .
Temple 23 février 2011 à 16:32
Le désir (de Freud) qui traverse l’épopée ? ou qui en est le support ? ça a fait couler autant d’encre que d’articles…Jouissance sous ma plume vaut dans les effets, dans les fils de significations produits de ma fréquentation de Freud et de Lacan, et n’est donc pas franchement connoté biologiquement. Même si ça s’éprouve dans le corps, ça n’est pas réductible à ce qu’on appelle de nos jours la biologie, et que je sache les troubles de jouissance sont dans nos contrées adressées à la justice, aux politiques, ou à cette troncature « psy » mal foutue, et pas aux labos ni guère aux prêtres ou aux philosophes. Jouissance c’est quelque chose qui tient le corps vivant articulé au langage et à l’image. J’inclus donc à la va vite ce qu’on dénomme plaisirs, de la conversation, de manger, de consommer n’importe quoi. Donc même de consommer de l’éthique ! C’est mode et ça se vend, donc c’est mesurable en terme monétaire ! L’éthique, la morale, le bien de l’autre, la maîtrise, ça mène à l’occasion à de gentilles persécutions, mais je ne fais que l’indiquer. La genèse de la valeur, en général, je doute que ça ait la moindre signification. Mais en particulier, ce ne peut être que pour quelqu’un de déterminé par quelque chose de l’ordre du manque, avec toutes les facettes notamment sociales qu’un tel terme de manque implique. Il est notoire que chacun aspire plus à combler son envie, qu’à s’inquiéter du comment elle a été fabriquée. D’où l’opacité ou l’énigme comme vous dites sur la genèse de la valeur. Le mois dernier une étude du ministère de santé au Japon qui s’inquiète de la démographie déprimée, révélait le peu de désir copulatoire des nationaux. Dans le même temps j’apprenais l’existence là-bas non pas de poupée gonflables mais de mannequin très réalistes au prix d’une petite auto bas de gamme. Il y a manifestement dans la multiplication de la marchandise dans le capitalisme quelque chose qui fait écran à ce que j’entends de ce que vous nommez après Mauss valeur ou monnaie de réciprocité, complètement parasité par la dimension d’échange mercantile. Le bouquin de Melman, nouvelle économie psychique, faisait son choux gras de tels constats mais à mon goût dans une nostalgie des repères classiques en décrépitude sans qu’on sache bien discerner ce que les ruptures en cours vont amener comme nouveautés d’organisation sociales, de modes de production et de consommation des biens, de liens sociaux etc.
@ Rosebud1871,
Il semble que Lacan ait lui-même senti la nécessité de distinguer cette jouissance en l’appelant signifiance. Pour dire: “quelque chose qui tient le corps vivant articulé au langage et à l’image”.
Il me semble que nous soyons d’accord. Lacan n’a-t-il pas reconnu que le “plus de jouir” avait été repéré par le système capitaliste comme le substitut tout indiqué à la plus-value marxiste obsolète avant même que les “enfants de Mai” n’aient réalisé que la jouissance libérée des entraves du capital ne serait qu’un rêve, à défaut d’une théorie qui reprenne l’avantage sur le capitalisme?
Chez Lacan « signifiance » c’est « l’effet signifiant » il le dit tel quel dès 57. Plus tard en jouant de la métaphore il implique l’image de la noria pour dire que le sens coule à flots, ruisselle, et que l’effet de sens c’est la signifiance. Encore plus tard en 73 il évoque l’expression « à-tire-larigot » comme bock de signifiance. C’est d’ailleurs à ce moment qu’il énonce « la raison de cet être de la signifiance c’est la jouissance en tant qu’elle est jouissance du corps ».
Pour le cousinage entre plus-de-jouir et Mehrwert autant le citer !
« La Mehrwert, c’est la Marxlust, le plus-de-jouir de Marx. […] Car ce cauri, la plus-value, c’est la cause du désir dont une économie fait son principe :celui de la production extensive, donc insatiable, du manque-à-jouir. Il s’accumule d’une part pour accroître les moyens de cette production au titre du capital. Il étend la consommation d’autre part sans quoi cette production serait vaine, justement de son ineptie à procurer une jouissance dont elle puisse se ralentir. »
Si tous les objets de la consommation visent à combler le manque et bien sûr ratent l’affaire, j’imagine mal une porte de sortie de cette aporie autre que sous contrainte : pas celle du marché et des limites induites par le rapport de force concret du pouvoir d’acheter, mais celle qui consiste à décider de ce qui est à produire ou pas et par d’autres moyens que le marketing actuel…
Article magistral.
Dominique Temple écrit:
– D’après nous, au contraire, il existe deux systèmes : un système d’échange et un système de réciprocité, orientés en sens inverse l’un de l’autre ; l’un par l’intérêt privé, l’autre par le bien commun ; le premier définissant les rapports humains comme rapports de forces, le second comme des rapports relativisant la force ; l’un engendrant la valeur d’échange dont l’accumulation conduit au pouvoir de domination des uns sur les autres, le pouvoir d’asservir, l’autre engendrant les différentes valeurs de justice, de confiance, de responsabilité et d’amitié, selon la structure de base actualisée, et conduisant au pouvoir de servir ou de se rendre utile les uns aux autres. Nous avancerons également que, dans la réciprocité, la valeur symbolique fait sens simultanément pour toutes les parties en jeu et s’impose comme référence qualitative à tous les partenaires. –
Sauf confusion de ma part, voici ci-dessous ce qui me paraît le « versant de Lupasco » qui est l ‘essence », ou le « philigrane », du billet de Dominique Temple, très concentré en ce passage ci-dessus.
Ci-dessous, ce passage d’un entretien, où Stéphane Lupasco rappelle le principe de semi-potentialisation et de semi-actualisation dans la matière psychique, notre psychisme; ces deux termes: semi-potentialisation et semi-actualisation traduisent tout à fait la dimension et le principe de réciprocité. La place de l’autre s’y trouve, ici dans la réciprocité existant potentiellement dans toute relation qui s’opère. Réciprocité rarement actualisée dans notre système d’échange capitaliste des biens et services.
Lupasco explique fort bien, en long et en large, le principe de la contradiction à la base de tout phénomène dont chaque pôle se trouve,t par nature, en RELATION antagoniste à un autre pôle, structuré de la même façon, mais chaque pôle est donc lui-même formé par un antagonisme qui est une contradiction interne qui le structure (y compris psychiquement). Il en résulte une double contradiction croisée. Soit: deux acteurs qui échangent, soit deux pôles chacun doublement constitués par deux pôles « internes », un « absolu » et un « relatif », l’échange aura donc lieu par une double contradiction croisée entre ces deux « absolus » (potentiellement conflictuels) et ces deux « relatifs » (donc ayant un statut préalable ou pouvant se statuer mutuellement à l’occasion de l’échange).
Actuellement, nous en sommes aux quasi seuls échanges potentiellement conflictuels parce que toute l’infrastructure humaine ainsi que et surtout la superstructure humaine à été sapée et réduite au simple côté « digestif », frustré la plupart du temps, par le sytème capitaliste devenu structement marchand, et qui croit naîvement qu’il est parvenu à bout des conflits (donc des antagonismes et des contradictions).
Même n’étant qu’amateur, je peux le signaler, que j’attendais, tôt ou tard, un passage ici de Dominique Temple et des « retombées » de Stéphane Lupasco.
J’en profite pour rappeler encore mon idée personnelle qui est que Stéphane lupasco est celui qui a touché du doigt (je crois sans qu’il l’ait su) la pensée chinoise traditionnelle dans son essence, telle qu’elle est structurée en le Livre des Transformations intitulé le Y KING. Les rapport du Yang et du Ying, qui comportent le Yang fixe (absolu) et le yang muable (relatif) et le, Ying fixe (absolu) et le Ying muable (relatif), les combinaisons de leurs rapports quaternaires structurés en les (64) hexagrammes sont, à mon avis réfléchi, la préfiguration extraordinaire de tute la discipline mise au jour par Stéphane Lupasco et formulée toute sa vie de chercheur épistémoloque (bien avant que philosophe) sur des substrats scientifiques passionnants où la mécanique quantique et la physique subatomique, leurs réponses, débats et questions de logique n’ont pas le moindre rôle.
(….)
Et puis, il y a une troisième matière.
Stéphane Lupasco : On la constate naturellement en microphysique, où on est en présence de phénomènes ondulatoires et corpusculaires et, comme je le disais tout à l’heure, tous les efforts des physiciens ont consisté à ramener tout à l’onde ou tout au corpuscule. Pourquoi? Précisément pour éviter la coexistence contradictoire de l’onde et du corpuscule. Je montre dans mes travaux qu’ils n’ont pas tenu compte de l’expérience elle-même en vertu de la logique classique de l’identité et de l’exclusion du contradictoire. Mais la microphysique met en évidence une donnée contradictoire de l’onde et du corpuscule, c’est à dire de l’homogénéité et de l’hétérogénéité.
Et vous ajoutez que cette même matière est une matière psychique…
S.L. : La troisième matière est constituée d’une semi-actualisation et d’une semi-potentialisation dans ce que j’ai appelé l’état T, T qui vient du tiers inclus.
En logique classique, le tiers est exclu : il n’y a pas de ou : c’est A ou non A. Mais ici, nous avons un semi-A et un semi-non A qui est la matière microphysique et la matière psychique.
Mais pourquoi est-ce aussi la matière psychique ?
S.L. : Je montre dans mes livres que le psychisme humain et même animal – quand il y en a – est constitué, précisément, par la coexistence de cette semi-actualisation et cette semi-potentialisation dans l’état T du tiers inclus…
Pouvez-vous donner des exemples ?
S.L. : En ce moment, je vous parle. Eh bien, pour vous parler, je suis dans un état de semi-actualisation et de semi-potentialisation. Je me dis : »Je vais répondre à la question que vous m’avez posée. » A ce moment-là, je vais actualiser le processus qui consiste à vous expliquer et à répondre à la question que vous me posez. Donc, à l’encontre de ce que l’on imagine, le psychisme est cette zone de l’organisation énergétique du système vital où demeure le conflit, la contradiction.
Un autre exemple : je veux m’acheter un paquet de tabac. Il y a dans mon cerveau, à ce moment-là, la notion d’aller chercher le paquet de tabac et en même temps, tout ce qui s’y oppose; par exemple, il pleut, je ne peux pas marcher, etc… Donc, dans mon psychisme, se trouve à l’état de semi-potentialisation et de semi-actualisation, à la fois, l’idée que je peux aller et l’idée que je ne peux pas aller. Ce genre d’expérience nous arrive à chaque instant. Je veux fumer ma pipe. Pour cela, je dois actualiser tous – les mécanismes moteurs qui me permettront de prendre ma pipe et de la bourrer de tabac, mais en faisant cela, je potentialise ou j’élimine tout ce qui s’y oppose; par exemple : je n’ai pas de tabac, alors il faut que j’aille en acheter, ou bien je ne peux pas fumer pour ne pas déranger mes voisins, etc…
Dans le psychisme, coexiste donc une contradiction entre ce que l’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire. Cela caractérise tous nos comportements. C’est très clair pour moi, et je trouve curieux qu’on ne l’ait pas remarqué avant.
(….)
Dans ce LIEN, on peut lire l’entretien avec Stéphane Lupasco en entier :
http://www.revue3emillenaire.com/blog/?p=2534
Une précision, je ne suis pas un lecteur de la revue 3ème Millénaire, cette revue est, je crois, très éclectique, ce qui serait plutôt une qualité. Mais je précise bien que c’est exclusivement pour la retransmission de cet entretien avec S. Lupasco que je m’y réfère, et j’aurais pris ce LIEN d’entretien avec Lupasco dans n’importe quelle autre revue, car cet entretien recouvre plutôt bien, si je me permets d’en juger, les investigations essentielles de Stéphane Lupasco.
Je crois bon de préciser en ce qui me concerne personnellement, que l’approche dévelopée dans « Le prix » (2010) ne doit rien aux travaux de Stéphane Lupasco (dont je ne sais rien, mais dont ce qui est dit ci-dessus ne m’encourage pas à savoir davantage), elle est inspirée, d’une part par la réflexion d’Aristote sur la formation des prix, d’autre part, par celles des représentants de l’économie politique classique, essentiellement par Quesnay, Cantillon, Smith, Ricardo et Marx.
@ Rumbo
Ce que dit S.Lupasco cité dans votre commentaire est inexact, je l’extrait de votre commentaire
Bien au contraire ! Les physiciens du 20 éme siècle ont tous cherché à concilier la dualité que l’école de Copenhague avait « dogmatisée », en revanche on peut dire que certains ont privilégié l’un des 2 aspects en laissant une place réduite à l’autre, mais une place tout de méme ! Complémentarité oblige ! Prenez la mécanique ondulatoire de De Broglie, elle fait bon ménage avec un attribut ondulatoire de la matiére, et la QED de R.P.Feymann éssentiellement corpusculaire laisse cependant un sens à un attribut ondulatoire d’origine probabiliste comme héritage de Boltzmann!
Le seul qui ait pris une position exclusive, est à ma connaissance A.Landé, excluant l’attribut ondulatoire; remarquons qu’il n’est pas passé à la postérité !
Il n’en demeure pas moins qu’à mes yeux , les réflexions de S.Lupasco sur la microphysique, si elles sont fondées, ne peuvent pas étre prétées aux physiciens qui l’ont construite, c’est donc du journalisme lapidaire !
@ Paul Jorion
Je prends au vol votre commentaire en ignorant d’ Aristote.
Je me suis procuré l’organon ces jours ci.
Je suis demandeur et curieux de ce que vous pourriez dire à son sujet, en quoi sa pensée est actuelle et en quoi ou sur quel térrain elle est dépassée; ceci pour trois raisons.
1) L’oeuvre est immense et on ne sait par ou commencer l’ascension.
2) Pourquoi a t’il été considéré à la renaissance comme un scholastique poussiéreux voire dogmatique ?
3) J’ai le sentiment qu’il régne chez les participants au Blog une adhésion « implicite » à un Aristotélicisme que vous imprégnez fortement. Le seul ouvrage de PJ en ma posséssion est vous n’en serez pas surpris : Comment la vérité et la réalité furent inventés. Il est possible que les réponses à mes questions soient dans votre ouvrage, et aient pu m’échapper à travers une lecture hative ?
Merci par avance,
Oui, il me semble que la réponse se trouve dans Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard 2009). Tout particuliérement dans les sous-chapitres :
Le syllogisme et la raison (82-91)
La preuve (92-99)
La logique (100-105)
La linguistique d’Aristote (128-138)
Les « catégories » aristotéliciennes (143_146)
La vérité chez Aristote : l’adhésion pleine (147-155)
L’espèce et le genre chez Aristote (156-172)
Les propositions vraies chez Aristote (206-210)
c’est noté, merci
Répondre
Paul Jorion dit :
22 février 2011 à 08:33 écrit:
– Je crois bon de préciser en ce qui me concerne personnellement, que l’approche dévelopée dans « Le prix » (2010) ne doit rien aux travaux de Stéphane Lupasco (dont je ne sais rien, mais dont ce qui est dit ci-dessus ne m’encourage pas à savoir davantage), elle est inspirée, d’une part par la réflexion d’Aristote sur la formation des prix, d’autre part, par celles des représentants de l’économie politique classique, essentiellement par Quesnay, Cantillon, Smith, Ricardo –
J’entends bien, mais il est toujours intéressant de garder dans son bagage des – détections – essentielles de chercheurs, ici un découvreur majeur Stéphane Lupasco, tel que la logique du tiers inclu conjuguée au principe d’antagonisme dans les systèmes qui nous concernent et auxquels nous participons 24 heures par jour. La logique classique du tiers exclu, irremplaçable, a porté tous ses fruits et les portera toujours. Mais la constatation de Einstein, jusqu’à plus ample informé, d’équivalence de la masse et de l’énergie ne peut que nous inciter puissamment à nous faire interroger sur ce qu’ « est » l’énergie, elle paraît ne pas avoir d’ « identité » proprement dite. Si les phénomènes se réduisent à de l’énergie, voici une « essence », une « force » centrale, première ou/et dernière entre toutes. Ça vaut bien le coup de s’y pencher. Les débats historiques, passionannts, des chercheurs impliqués dans la mécanique quantique et ses problèmes d’interprétation témoignent de la dimension fondamentale ici approchée.
Bernard Laget dit :
22 février 2011 à 10:13
@ Rumbo
Tous à fait d’accord avec vous. Mais attention, S. Lupasco (1900-1988), qui avait un substrat scientifique irréprochable, c’est à statistiquement irréprochable, a suivi et compris de près, en temps réel pourrait-on dire, tous les débats essentiels des principaux chercheurs sur la mécanique quantique et ses développements tout le long du XXème siècle, mais, que je sache, il n’est jamais intervenu à la place des chercheurs (qui auraient pu d’ailleurs, pour leur propres avancées, se référer à ses investigations).
Un cas d’école. J’ai dû en parler sur ce blog il y a deux ou trois ans, c’est le cas typique, et des plus interessants, des 2 physiciens chinois vivant aux USA, Chen Ning Yang et Tsung Dao Lee qui recurent le prix Nobel de Physique en 1957 pour avoir découvert, au nez et à la barbe de tous leurs collègues Occidentaux et d’autres souches, la dissymétrie des particules dans les interactions faibles. Ce qu’ils avaient étudiés attira l’attention et motiva une de leur collègue, chinoise elle aussi, Madame Wu qui fit des expériences concluantes comme quoi la parité, à ces niveau, ne se conservait pas. En effet, en ce qui me concerne personnellement, je dis que les investigations de S. Lupasco, sauf omission, relèvent de la logique chinoise inscrite dans les rapports Yin-Yang. Donc, – implicitement – les deux physiciens chinois utilisèrent tout naturellement leurs structures mentales formatées historiquement et culturellement par les rapports du Yin et du Yang (alias la logique découverte par Lupasco, telle est ma constatation), dont, et c’est ici essentiel, la représentation du T’aï-Ki (le Faîte suprême, ou principe suprême de l’Univers) est un cercle en lequel s’enlacent le Yin et le Yang, est assymétrique, – non superposable à son image dans le miroir – et bien que le Yin et le Yang soient assymétriques, ils sont tous deux de même sens.
Un autre exemple très rapide s’agissant, cette fois, des relations d’ – incertitude – de Heisenberg. Lupasco pensait, en définitive, que ce n’était pas là une « incertitude », mais bien une – certitude -. Disont rapidement, une certitude que l’on « balancerait » indéfiniment et asymptotiquement entre ces deux directions antagonistes et structurantes de l’ondulatoire et du corpusculaire.
@ Rambo
Tout cela n’est pas d’une clarté aveuglante, il faut étre tres prudent quant on fait des analogies philosophico-scientifiques, cette démarche est possible , mais elle peut tourner à l’amalgame .
Il me parait intéressant d’envisager l’attitude mentale des scientifiques chinois eu égard à leur culture, je manque de repéres mais il me semble que la pensée occidentale pétrie de monothéisme puisse étre une piste ?
Le Prix de Paul Jorion est le préambule contemporain le plus considérable à la transformation de notre perception classique de la formation des prix. La critique publiée ici est pleine de sens, et vise à enrichir encore le débat dans la prise en compte des déterminants de la réciprocité. Le débat semble devoir encore s’élargir si l’on y intègre une dimension psychosociale. En effet le statut social est perçu d’un point de vue objectif par Paul Jorion et la critique. Qu’en est-il d’un point de vue subjectif ? Les acteurs percevront très différemment le statut de l’un ou l’autre et le leur propre, et tout autant réciproquement. L’évolution des statuts est variable dans le temps et en fonction de la fréquence de représentation des statuts. Toute modélisation intempestive du comportement humain est par nature insaisissable. Je n’apporterai aucune réponse à ces questions étant bien incapable de me hisser au niveau de réflexion des interlocuteurs de ce blog, mais me réjouis que la discussion perdure et que nous puissions nous accorder à tempérer les ardeurs des promoteurs de l’offre et de la demande.
Je vous serais reconnaissant à chacun de creuser les caractères subjectifs des statuts sociaux et de prendre en compte la dimension traitée par Frédéric Lordon dans son essai « Capitalisme désir et servitude » relative à l’exacerbation du conatus (la persistance à persévérer dans son être) des individus. J’en viens à me demander s’il n’y aurait pas matière à percevoir un conatus spécifique au statut social. Merci pour vos futures réponses sur ces questions.