Billet invité
Savaient-ils ce qu’ils voulaient, aujourd’hui, à Bruxelles ? Oui, avancer le plus possible vers l’adoption d’un pacte. Afin de présenter un accord entre chefs d’Etat et de gouvernement permettant de prolonger le répit actuel de la crise obligataire, et de commencer à entrer dans ce qu’ils considèrent être le vif du sujet ! Afin d’y parvenir, un sommet européen extraordinaire des 17 pays de la zone euro est proposé dans la première quinzaine de mars, avant le sommet de l’Union européenne de la fin du mois.
Le nom du pacte a entretemps changé, son contenu se précisant mais toujours à géométrie variable. Initialement dénommé pacte de compétitivité et de croissance, il est devenu « de convergence« , un objectif qui rabat sur ses ambitions initiales et évitera d’être jugé sur ses résultats en termes de croissance.
Son catalogue de mesures se voulant emblématiques, dressé par les Allemands qui se sont inspirés des propositions initiales de la Commission, pose par contre problème. Parce que certaines d’entre elles suscitent des refus catégoriques, les Belges ne voulant pas supprimer l’indexation des salaires, les Irlandais leur fiscalité avantageuse pour les entreprises, les Français refusant de revenir de nouveau sur l’âge de la retraite, etc. Mais aussi parce qu’elles s’inscrivent au fond dans le cadre de toujours, la même impasse stratégique, dont la mise en musique se poursuit.
Le manque de réalisme de ce pacte négocié dans ses grandes lignes entre les Allemands et les Français, et que Herman Van Rompuy, le président de l’Union européenne, est maintenant chargé de vendre à tous ses membres, en est l’expression. Angela Merkel en a dessiné les contours à l’image de l’économie allemande, impliquant pour les membres de l’Union de s’orienter, en vue de s’aligner, vers ce qu’elle considère être des critères d’excellence, le tout tempéré comme il le peut par un gouvernement français à la remorque.
Ce pacte est un habillage de la seule stratégie autour de laquelle les gouvernements européens sont capables de se réunir et que la BCE – élargissant sa mission de gardien du temple – ne cesse de défendre : restaurer la compétitivité européenne en pesant sur les coûts salariaux, et lutter contre le déficit fiscal en réduisant les budgets et rééquilibrant les comptes sociaux. En instaurant des dispositifs contraignants servant de paravent aux gouvernements qui s’en prévaudront pour électoralement s’en dédouaner.
Parallèlement, il faudra bien entreprendre un nouveau grossier rapiéçage du tissu bancaire, sous couvert de stress tests qui s’annoncent laborieux à calibrer, entamant avant même qu’ils ne soient entrepris la crédibilité de leurs résultats. Il y a encore beaucoup de déchets planqués sous les tapis et il est hors de propos d’imposer aux banques des obligations supplémentaires de recapitalisation autres que celles de Bâle III, lesquelles posent déjà problème.
Puis, il va falloir renégocier – en dépit du refus déjà exprimé par la BCE à l’Irlande – les termes des sauvetages déjà accomplis, le FMI ayant pris les devants en précisant qu’il pouvait accorder à la Grèce cinq années supplémentaires de délai de remboursement de son prêt de 30 milliards d’euros. Du côté irlandais, la surenchère qui débute entre les futurs vainqueurs des prochaines élections du 11 mars prochain va rendre intenable un refus d’entamer une renégociation. Elle pourrait même s’élargir à la remise en cause de certaines garanties gouvernementales données aux banques, impliquant de mettre finalement à contribution leurs créanciers. Rompre ce tabou créerait un choc qui dépasserait les frontières de l’Irlande et relancerait le débat des restructurations dans toute l’Europe.
Suivre ou ne pas suivre le chemin de l’Irlande est précisément le choix devant lequel est placé le gouvernement espagnol, qui doit affronter la situation calamiteuse de son système bancaire après l’avoir très longtemps niée. Sous l’égide de la banque centrale, son exposition aux actifs immobiliers douteux vient d’être rendue publique. Soit 135 milliards d’euros, dont 90 milliards pour les 17 caisses d’épargne (les cajas). Les estimations préalables de la banque centrale étaient supérieures – 180 milliards d’euros – ces nouvelles données compilant le déclaratif des banques elles-mêmes. L’estimation des pertes potentielles qui en résulteront est toute la question, ainsi que celle du montant des nouvelles dépréciations en découlant, les deux s’aggravant avec le temps.
Le gouvernement vient d’estimer à 20 milliards d’euros les besoins de recapitalisation des cajas, un montant que les analystes s’accordent à trouver dès à présent très sous-estimé. Moody’s estime que les pertes des banques et caisses d’épargne pourraient atteindre à terme 176 milliards d’euros, alors que seuls 88 milliards ont été reconnus par les établissements. Pour la banque UBS, les besoins de recapitalisation globaux oscillent entre 70 et 120 milliards. Or les cajas détiendraient les deux tiers des actifs toxiques…
Au fil des saisies, les cajas sont de facto devenues de gigantesques agences immobilières, propriétaires de logements vides invendus, qu’il faut entretenir et dont le prix de vente baisse. On estime que le parc de logements construits correspond à une population de 80 millions de personnes dans un pays de 47 millions d’habitants, ce qui donne plus que les données financières précédentes une mesure de la bulle immobilière espagnole et de ses ravages.
Dans l’immédiat, le dispositif gouvernemental espagnol est à double détente, favorisant d’une part l’ouverture du capital des cajas aux investisseurs privés, et se réservant d’autre part si nécessaire la possibilité d’intervenir via le Frob (le fonds d’aide publique), en procédant à des nationalisations partielles. L’échéance a été fixée à septembre prochain : solution irlandaise ou pas, la question va rester pendante quelques mois.
L’objectif est que le gouvernement s’engage à minima, mais le prix réel à payer pourrait être simplement déplacé. Les cajas sont en train de concentrer leurs actifs et passifs dans de nouvelles structures bancaires, ouvrant la voie à l’éventuelle création ultérieure de structures de défaisance, dont la charge financière reviendrait à l’Etat. Il faudra bien intéresser les investisseurs privés…
Bloquer la crise en Espagne, comme les militaires bloquent une offensive sur le terrain, est le véritable enjeu de la crise européenne, et ce n’est pas à Bruxelles qu’il se réglera. A supposer que le Portugal n’entre pas dans la zone des tempêtes, car l’un y entraînerait l’autre. Cela éclaire la visite à Madrid d’Angela Merkel jeudi dernier, ainsi que les déclarations de José Luis Zapatero, empressé à jeter avec elle « les bases d’un pacte de compétitivité ».
Le dernier taux officiel de chômage connu, celui de décembre dernier, était de 20,33%, et il a été depuis annoncé qu’il continuait de grimper. 130.000 nouveaux chômeurs ont été enregistrés en janvier dernier. Voilà qui donne une image de la crise dans un pays où le gouvernement attend pour 2011 « le début de la reprise » et prévoit de manière optimiste une croissance de 1,3%. Le FMI table sur 0,6%; en 2010, le PIB a été négatif (-0,1%).
Avant même d’avoir été adopté, le pacte repose sur des pointes d’épingles.
88 réponses à “L’actualité de la crise : UN PACTE SUR DES POINTES D’ÉPINGLES, par François Leclerc”
Toujours les mêmes objectifs totalement inadéquats, les mêmes mots répétés ad nauseam pour laisser venir un désastre évident. Le jargon des textes UE donne d’ailleurs une idée fondamentale de l’incurie de cet organisme nuisible et onéreux nommé UE. J’ai compté dans une résolution 80 fois le mot « compétitivité »…
Certains commentateurs ont déjà surnommé le pacte révélé le 3 février 2011 : « le pacte Merkel » !
Bon, il faut reconnaître que, sur ce coup-là, Angela Merkel a imposé ses choix.
Lisez cet article :
La chancelière allemande a prévenu que le « critère retenu pour ce pacte doit être l’Etat membre qui remplit le mieux les conditions » fixées, laissant entendre qu’elle souhaitait qu’il soit à l’image de son économie.
Côté français, on assure cependant que « le meilleur, ce n’est pas toujours l’Allemagne » et qu’il n’y a « pas de risque de domination allemande là-dedans ».
Le projet porte toutefois très nettement l’empreinte allemande. Et les propositions ne sont pas du goût de tout le monde.
Le Premier ministre belge Yves Leterme les a rejetées clairement jeudi car elles impliqueraient la suppression dans son pays de l’indexation des salaires sur les prix. « Les Etats membres doivent avoir l’espace de mener leurs propres politiques », a-t-il soutenu.
D’autres pays ont exprimé des réserves, comme l’Autriche sur les retraites, ou l’Espagne sur les salaires.
La Confédération européenne des syndicats a, elle, parlé « d’un pacte nuisible aux conventions collectives qui créera davantage d’inégalités ».
(Dépêche AFP)
Leparisien.fr
Conclusion :
Certains espéraient construire l’Union Européenne pour atteindre un seul objectif : créer une Allemagne européenne.
Le résultat, c’est l’inverse.
Le résultat, c’est « le pacte Merkel ».
Le résultat, c’est de nombreux Etats européens qui s’alignent volontairement sur l’Allemagne.
Le résultat, c’est l’Europe allemande.
Est-ce que cette Europe allemande créera de la stabilité ?
Ou alors est-ce que cette Europe allemande créera des réactions nationalistes partout en Europe ?
CHAMPAGNE !!!
La Cour de cassation a annulé trois condamnations en appel du journaliste Denis Robert, poursuivi par la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream qu’il accusait d’avoir blanchi de l’argent sale. Il compte désormais demander réparation à la chambre de compensation, ainsi que des publications dans des journaux. Sur France Info, Denis Robert parle d’une « victoire totale et définitive ».
http://www.france-info.com/france-justice-police-2011-02-05-affaire-clearstream-la-cour-de-cassation-rend-justice-a-denis-robert-513703-9-11.html
Ouaip. T’as raison Pierre, faut fêter ça. Dommage simplement qu’il ait fallu attendre tant d’annèes et la cour de cass pour que lui soit rendu justice. Quant on pense à l’armèe de ses petits-soldats-confrères-défenseurs de la liberté de la presse qui ont apporté leur pelletée solidaire pour l’enfouissement de son travail et de sa personne, on ravale sa bile et on dit « Messieurs les juges, merci. »
@Jorion
Il s’est p’têt fait pièger le citoyen Robert, mais il est sorti du trou, bouge encore et nous salue bien.
Après 10 ans de procédure, quatre ans de comité de soutien, des centaines de dons, un concert et une vente aux enchères à son bénéfice, plus de 100 000 euros de frais de justice, et, Vigneron, tout de même 500 Journalistes affichant leur carte de presse en signe de soutien…
Les hauts magistrats de la Cour de cassation viennent donc d’annuler trois condamnations à l’encontre de Denis Robert en soulignant « l’intérêt général du sujet traité et le sérieux
de l’enquête » et condamnent Clearstream à lui verser 9000 euros. Clearstream devra de plus rembourser Denis ROBERT des sommes qu’il a versées à la suite de ses condamnations précédentes.
L’affaire reviendra devant la Cour d’Appel de Lyon pour
un ultime procès lors duquel Denis Robert pourra
demander des dommages et intérêts ainsi que des
publications dans différents journaux.
Après dix ans de procédure et de harcèlement,
c’est une formidable victoire du droit,
de la justice et du journalisme.
Pour ceux qui n’ont pas suivi le « match », ce qui expliquerait peut-être le manque d’enthousiasme et le peu de commentaires suite à cette grande nouvelle, voir le site :
http://www.ladominationdumonde.blogspot.com/
500 cartes de presse ? Ite missa est ! Deo gracias, alleluia ! Alleluia !
Nombre de cartes de presse rien qu’en France : 37 000… Un soutien massif effectivement. Et combien de cartes de presse déchirées ? De démissions en signe de solidarité ? De campagnes de défense de Denis Robert dans les grands médias ?
Soyons sèrieux Pierre, Robert s’est fait assassiner plus encore par la presse que directement par les requins qu’il a combattus ou qui l’ont piégé. Mais réjouissons nous, depuis le jugement il a dû dèjà se faire 2 000 nouveaux amis parmis les professionnels de la profession.
Hosanna in excelsis !
Benedictus qui venit in nomine Domini !
Hosanna in excelsis !
Samedi 5 février 2011 :
Avec son Pacte, Berlin sème la zone.
La zone euro va-t-elle ressembler à une grande Allemagne ? Angela Merkel, qui a dû accepter une solidarité financière dont elle ne voulait pas pour sauver la Grèce, l’Irlande et sans doute la monnaie unique, présente sa facture à l’Europe. Et elle est salée.
Plusieurs gouvernements se sont étranglés lorsqu’ils ont pris connaissance, juste avant l’ouverture du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement réuni vendredi à Bruxelles, des sévères réformes que Berlin voudrait introduire dans le futur «pacte de compétitivité» que devront signer les pays de la zone euro afin de renforcer leur intégration économique.
La Belgique, l’Autriche ou encore l’Irlande ont estimé que c’était leur «modèle» qui était menacé. «L’offensive allemande dans les Ardennes a commencé», grinçait un diplomate belge. Ambiance.
Parmi les réformes que Berlin veut imposer à ses partenaires pour assurer une solidarité financière ? L’abandon de l’indexation automatique des salaires qui existe encore en Belgique, en Autriche, au Portugal, au Luxembourg ou en Espagne. L’inscription dans les constitutions nationales de l’équilibre budgétaire. Le recul de l’âge de la retraite à 67 ans. L’harmonisation de l’impôt sur les sociétés. L’introduction d’un mécanisme de résolution des crises bancaires. Ou encore une augmentation des dépenses de recherche.
Berlin a fait fuiter ces conditions juste avant le sommet en laissant entendre que Paris était sur la même ligne, afin de forcer la main de ses partenaires.
Evidemment, ceux-ci ont hurlé au «diktat franco-allemand». D’autant plus inacceptable que des éléments clés des systèmes sociaux sont menacés.
Ainsi, les Belges, en pleine crise politique, n’ont aucune envie d’ajouter une crise sociale en abandonnant l’indexation salariale.
Les Autrichiens estiment eux aussi que les salaires et les retraites doivent rester du domaine national.
Les Irlandais, pourtant bénéficiaires de l’aide européenne, ne veulent toujours pas renoncer à leur impôt sur les sociétés, l’un des plus bas du monde.
Même la Confédération européenne des syndicats a fustigé «un pacte nuisible», qui créera «davantage d’inégalités».
La méthode employée par Berlin n’a guère été appréciée par l’Elysée, qui parle d’une «version allemande du pacte de compétitivité qui décrit une vision allemande de l’Europe».
Le ouiste Jean Quatremer, sur son blog bruxelles.blogs.liberation.fr
Fin de citation.
« Le pacte Merkel » pose la question suivante :
Est-ce que cette Europe allemande créera de la stabilité ?
Ou alors est-ce que cette Europe allemande créera des réactions nationalistes partout en Europe ?
Sans nier les problèmes actuels, j’ai du mal à comprendre l’espèce d’obligation de convergence des économies à l’intérieur de l’UE. Les économies des 27 pays doivent elles obligatoirement être sur le même modèle, avec la même structure ? Est-ce que nous ne pouvons pas atteindre la cohérence du bloc avec une diversification interne jouant de la complémentarité des uns avec les autres ? N’y a t-il pas déjà une espèce de répartition internationale du travail qui pourrait se faire au sein de l’UE ? L’Andalousie et la Catalogne sont elles semblables ?