L’actualité de la crise : DES PARIS STUPIDES, par François Leclerc

Billet invité.

Si un seul mot devait résumer la journée d’hier jeudi, et en faire sans hésiter autant des suivantes, cela serait incontestablement celui de confusion. Dans le désordre, les autorités européennes continuent d’être à la remorque des événements. Et, quand elles veulent préparer l’avenir, elles tentent de bricoler des dispositifs successifs de sauvetage en les inscrivant dans un calendrier sans rapport avec la dynamique engagée.

Pour aller à l’essentiel : l’Irlande est plus que jamais le détonateur de la bombe espagnole. Afin de ne pas être totalement démunis quand, lundi prochain, les marchés ouvriront à nouveau – il n’y a plus que deux jours à tirer avant la trêve du week-end – les représentants de l’Union européenne et du FMI ont donc décidé d’adopter dès dimanche le plan de soutien à l’Irlande. Précipitant son chiffrage et abrégeant les négociations. Faisant une fervente prière pour que le nouveau budget irlandais puisse être adopté, dans une situation de crise politique et sociale qui rend cette perspective très aléatoire, puisque cette adoption est la condition sine qua non de l’aide.

Dernier recours quand tout va mal, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se sont entretenus dans l’urgence. Pour décider de précipiter le mouvement afin de tenter de calmer le jeu. Faisant par la même un gigantesque contre-sens, car ce qui incite les marchés à continuer de faire monter les enchères et les taux obligataires irlandais et espagnols – créant même quelques remous bousculant les obligations allemandes et françaises – c’est le plan de sauvetage lui-même, et non pas son retard à l’allumage.

Nul ne peut croire, en effet, que l’Irlande pourra supporter le fardeau financier qu’il est prévu de mettre sur ses épaules. Surtout pas les analystes financiers. Le gouffre qu’offrent les banques irlandaises ne peut pas être comblé sans, dès maintenant, mettre à contribution leurs créditeurs, c’est à dire les banques britanniques, allemandes et françaises au premier chef. Le Financial Times a fait campagne en ce sens, et des rumeurs font état d’interrogations du FMI qui aurait considéré qu’il ne fallait pas autant charger la barque de l’Etat, aboutissant à des conclusions similaires.

Au pays des rumeurs, qui ne cessent d’enfler quand l’incertitude monte, il faut mentionner aussi les pressions exercées sur le gouvernement portugais par la BCE, afin qu’il sollicite lui aussi un soutien financier. Dans une tentative d’anticiper l’entrée jugée dorénavant inévitable du pays dans la zone des tempêtes, en espérant aussi établir ainsi une sorte de coupe-feu afin d’éviter que l’Espagne n’en fasse autant. Car les engagements espagnols sont très importants au Portugal.

José Luis Malo de Molina, le directeur général de la Banque d’Espagne, a clairement expliqué hier jeudi que « dans la situation actuelle de contagion, ce qui se produit est que, même si l’économie espagnole ne présente aucun des éléments de fragilité des économies grecque et irlandaise, la simple expectative des marchés peut mettre en difficulté son financement ». Cela vaut annonce de ce qui risque fort de se passer.

Comme on peut le constater, les autorités européennes ne se départissent pas de l’attitude qui ne leur a déjà pourtant pas spécialement réussi à deux reprises, dans le cas de la Grèce et de l’Irlande. Elles continuent de traiter la crise européenne au cas par cas, alors qu’il faudrait la prendre dans son ensemble. Mais cela supposerait de s’engager sur des voies qu’elles ne sont pas prêtes à explorer et emprunter. Faut-il avoir la foi du charbonnier ou une sacré dose de culot pour déclarer, comme vient de le faire Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE : « L’euro, en tant que devise, a une longue vie devant lui. Il est vivant et se porte bien »…

Une même confusion règne quant à la suite des opérations. Des déclarations autorisées font état de l’éventualité d’augmenter les enveloppes affectées aux fonds de sauvetage, aussitôt réfutées par d’autres voix toutes aussi officielles. La Commission vient en effet de démentir l’annonce par Die Welt d’un doublement des moyens du fonds de stabilité (EFSF), après qu’Alex Weber, le président de la Bundesbank, en a envisagé la possibilité à Paris. Pourtant, il faudra bien faire face, le moment venu.

Jonathan Faull, en charge de la Direction générale marché intérieur et services de la Commission, a annoncé la tenue prévue en 2011 de nouveaux stress tests des banques européennes. Ce qui sonne comme une véritable reconnaissance de la vacuité des précédents. La déconfiture imprévue des banques irlandaises, au bord de l’écroulement, en étant l’exemple le plus criant. Ce qu’a reconnu le haut fonctionnaire, qui a voulu mettre les rieurs de son côté en plaisantant sur le fait que les tests déjà menés « n’avaient pas résistés »…

Le gouvernement allemand persévère dans ses projets de mécanisme de crise, en vue d’avancer au prochain sommet européen de mi-décembre. Contré par Jean-Claude Junker, avec sa casquette de premier ministre luxembourgeois, qui voudrait éviter que de nouvelles décisions franco-allemandes créent des faits accomplis sur le sujet très sensible de la participation des banques à la restructuration de la dette des Etats. Une crainte qui n’est pas fondée, si l’on écoute Christine Lagarde, la ministre française. Elle a en effet avancé que de telles décotes ne devraient être selon elle adoptées qu’« au cas par cas », ce qui prélude à un enterrement de première classe du projet. L’excellence des relations entre l’Allemagne et la France ne permettant pas de saboter plus ouvertement cet aspect du dispositif.

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101 réponses à “L’actualité de la crise : DES PARIS STUPIDES, par François Leclerc”

  1. Avatar de Laigle

    A relire Conférence Condorcet avril 2009 « L’Europe peut-elle encore échapper à l’autodestruction ? »

    1. Avatar de pablo75
      pablo75

      Très bon ce David Fray en Bach. Son disque des concerts de Bach est une petite merveille (et excellent aussi le documentaire fait par Monsaingeon sur son enregistrement):

      http://www.youtube.com/watch?v=v2I0tQIA_AE

    2. Avatar de Lisztfr
      Lisztfr

      Oui, il faut que ça swing et que ça chante dit-il. Il a raison.
      Bon c’est complet de mon côté.
      Je dois rajouter Liszt/Beresovsky demain…

  2. Avatar de romain
    romain

    je viens de recevoir un email de ma banque, LaCaixa: elle offre un Ipad pour toute personne placant 18000 euros sur un compte epargne durant 18 mois.

    z’ont vraiment besoin de nos sous

    1. Avatar de pablo75
      pablo75

      Depuis quelques mois, en Espagne c’est la course aux cadeaux et aux intérêts très hauts (4,5 %) entre les banques pour attirer le client.

    2. Avatar de romain
      romain

      @ pablo
      voui … si on compte 600 euros pour l’Ipad (je crois), ca fait deja un 3% d’interets qui s’ajoutent en plus des 2.75% proposes par ce plan epargne.
      Il semble que les temps sont genereux pour ceux qui ont de l’argent !!

    3. Avatar de kerema 29
      kerema 29

      Bof ! un Ipad ?
      Aux US, un vendeur de voitures offre un AK 47 pour tout achat d’un pick up !…..

    4. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ romain

      Si j’étais vous je me méfiérais. Il y a quelques jours la prime du CDS de la Caixa était montée à 269 points de base

  3. Avatar de Enigma
    Enigma

    Je sais pourquoi mais j’ai pas confiance !

  4. Avatar de jean louis senior
    jean louis senior

    @ Tous ceux qui ont enfilé leur gilet de sauvetage …

    Je ne l’ai pas-encore- fait : je suis nul aussi en manipulations en tout genre.
    Pauvre de moi…
    Non, j’ai Confiance.
    Comme réponses données hier après l’intervention du Vendredi sain par Paul,je fais mienne,puisque je l’ai immédiatement éprouvée,la réponse à sa question ( » A qui donc s’adresser…. ») =
    A Dieu,à l’Esprit (sain ,Saint ,au choix) ,voire aux esprits de même qualités.
    Je relis en ce moment mon compatriote [ou presque ,étant Abérien (Portsall et Abers) ] Ernest Renan et dans ses souvenirs d’enfance et de jeunesse–dans lesquelles beaucoup d’entre nous pourraient écrire ,au fond,les mêmes choses– je trouve ce qui lui permet d’affronter,de dépasser,de vaincre les médiocrités des Bourgeois et autres « aristo » mondains de son époque toute proche de la nôtre : ce que l’on appelle alors :
    L’Idéal ou La Morale (devenue l’Ethique),l’intégrité dirais je.

    Avec et sans gilet de sauvetage ,comme dans l’Evangile de ce dimanche,assez bien adapté à notre situation , et paraphrasant J. Attali dans son ouvrage (années 1990)  » Il viendra » ,je redirais à peu près la même chose.

    Bon week end enneigé et
    Refaites le plein…d’Espérance e de bonne humeur; Il en faudra pour distribuer larga manu partout là où nous sommes.

  5. […] Blog de Paul Jorion » L’actualité de la crise : DES PARIS STUPIDES, par François Leclerc. […]

  6. Avatar de descarte10
    descarte10

    Pour avoir construit une monnaie commune sans avoir construit préalablement une politique budgétaire et économique commune ou du moins assez structurée autour de fondamentaux de base, l’Europe se retrouve dans la situation que l’on connaît.
    Ce qui arrive aux P.I.G.S. n’est que le prélude à un affaiblissement de l’Euro car la France et l’Italie ne vont pas tarder à se retrouver dans l’œil du cyclone.
    Si la création du fonds de stabilité (EFSF) correspondait à une urgence, il ne fallait en rester là. l’Europe aurait dans la foulée dû mettre en place une institution chargée d’emprunter sur les marchés pour le compte des États européens. Ce système permettait de rentre plus étanche la relation entre le besoin de financement des États et le taux demandé par les marchés internationaux.
    Les agences de notations ne notant plus les États, ceux ci n’étant plus emprunteurs directs sur les marchés internationaux mais l’institution ‘Europe’. Cela évitait l’effet ‘dominos’ que nous constatons actuellement puisque chaque État n’auraient été redevables pour les remboursements qu’auprès de l’institution européenne chargée d’emprunter sur les marchés
    Afin de responsabiliser les États européens dans leur politique politique budgétaire cette institution européenne pouvait mettre en place un mécanisme de prêts approprié sanctionnant les politiques laxistes, aidant temporairement les économies en difficulté.

  7. Avatar de Anatine
    Anatine

    Il y a longtemps que je n’étais pas venu lire votre blog. L’utilisation du terme « les marchés » est une manière de ne pas nommer la poignée de décideurs psychopathes. Parlons de prédateurs financiers et les choses s’éclairent. Transférer le capital la ou il a le meilleur rendement et maintenir les flux financiers pour continuer à prélever la dîme, est la seule logique de ces prédateurs.Appelons un chat un chat.

    .

  8. Avatar de visiteur
    visiteur

    aut-il recommencer 1789 ???

    un article interressant(des droits de l’homme) qui a ete supprimé l’article 35 !!!!!!

    article XXXV
    Quand le gouvernement viole le droit du peuple,l’insurrection est pour le peuple,
    et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits etle plus indispensable
    des devoirs.

    A DIFFUSER………..

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