Billet invité
Essai sur la chute du système soviétique à la fin du siècle dernier et les désorganisations similaires à craindre pour les régimes capitalistes de marché, avec à peu près les mêmes raisons, au courant de ce siècle…
Et si la chute des systèmes soviétiques planifiés était en fait analysable selon le matérialisme historique marxiste ? Et si cela devait arriver également bientôt aux pays occidentaux ?
La chute du système soviétique ne pourrait-elle pas être attribuée en partie au moins à des facteurs que la théorie marxiste avait envisagés : ce sont les évolutions des infrastructures, entre autres technologiques, d’un côté et la cupidité des dirigeants privés et publics de l’autre, qui conduisent à des révolutions. Analyse qui avait été inspirée à Marx, entre autre, par les situations catastrophiques qu’il avait pu observer lors de la révolution industrielle en Angleterre. Or des changements technologiques profonds ont affecté l’Union soviétique et ses satellites au milieu du siècle dernier : débuts de l’informatique, diversification des besoins apportée par la diffusion de l’information par des médias nouveaux à l’époque (radio et télévision). Les pays occidentaux vivent actuellement le même genre de changements technologiques amplifiés par les avancées techniques des équipements numériques… Les mêmes causes ne pourraient–elles pas provoquer les mêmes effets ?
Dans le cas de la chute en série des systèmes à économie planifiée vers la fin du XXème siècle, on retrouve des facteurs similaires à ceux de la révolution industrielle : un changement rapide et considérable des technologies modifiant radicalement, dès 1960, environ une trentaine d’années avant la chute, les rapports entre les facteurs de production capital et travail (dans le cas des systèmes soviétiques, il s’agissait d’un capital d’État) et par ailleurs l’absence de redistribution à l’ensemble de la société des gains de productivité réalisés suite à cette modification des rapports entre facteurs de production.
On doit aussi mentionner l’incapacité technique du système soviétique à s’adapter à l’évolution technologique : les plans ne permettaient de calculer des quantités de produits intermédiaires nécessaires à satisfaire une demande finale simplement estimée que si les coefficients d’échanges interindustriels restaient relativement stables, comme c’était le cas dans l’économie née de la révolution industrielle et aux débuts de la planification soviétique. Or avec les évolutions technologiques, ces coefficients d’échanges interindustriels variaient bien trop rapidement pour que les modèles de prévision à la base des plans quinquennaux puissent être adaptés suffisamment vite.
Il faut rajouter à cette difficulté de planification l’apparition de nouveaux médias de communication publique massive comme la presse, la radio et la télévision, même sévèrement contrôlés par l’état, et qui allaient changer très fortement les attentes des membres de la société en matière de consommation, rendant de fait l’estimation de la demande finale encore plus incertaine. Créant ainsi un appétit pour des biens jusqu’alors considérés comme les avatars du système capitaliste : l’automobile, le réfrigérateur, etc.
On peut noter que le phénomène « médias » n’a pas touché que les pays soviétiques, l’apparition de ces différents supports et leur pénétration envahissante dans la population en Occident a aussi joué un rôle sur les perturbations de l’économie de marché, les décisions des consommateurs étant de plus en plus influencées par des campagnes publicitaires et des effets de modes généralisés à des pays tout entiers ou à des comportements d’appartenance à des groupes sociaux-culturels (voir les travaux de Vance Packard « La persuasion clandestine », et aussi « Les Obsédés du standing » ou les travaux de Katz et Lazarfeld sur le rôle des « leaders d’opinion » rendus possibles par l’explosion de la disponibilité des médias). Ces phénomènes nouveaux éloignent encore plus l’hypothèse de rationalité économique des agents économiques, tant gestionnaires que consommateurs. N’oublions pas que la pénétration de la télévision dans les foyers américains puis dans ceux de l’OCDE a été encore plus rapide et a sans doute encore plus influencé les comportements sociaux que la pénétration d’internet.
Pour revenir à l’hypothèse sur la chute des économies régies par des systèmes soviétiques, une seconde cause est probablement l’absence de politiques sociales réellement modernes dans ces pays. Car il ne faut pas se leurrer, ce ne sont pas les campagnes de propagande politiques des dirigeants occidentaux tels que Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, qui ont mis les populations des anciens pays de l’Est dans les rues… Mais c’est bien l’incapacité des dirigeants des pays de l’Est à assurer une redistribution équitable des richesses produites dans leurs pays respectifs, richesses dont les apparatchiks s’étaient emparés tout autant que le font encore les grands dirigeants privés ou publics dans les pays de l’OCDE, laissant les couches modestes de la population à un niveau de survivance que Marx avait appelé « niveau de maintien de la force de travail », dont il pensait que ce serait principalement le fait des industriels capitalistes. Notons qu’avec l’automatisation de plus en plus poussée des processus de production, les entrepreneurs n’ont même plus à se préoccuper du maintien de la force de travail par un salaire minimal de subsistance, le travail étant de plus en plus exécuté par des machines entièrement automatisées…
Les dirigeants soviétiques et la nomenklatura n’ont pas fait autrement avec leurs villas de luxe au bord de la mer Noire et leurs limousines démesurées, leurs datchas dans la banlieue de Moscou et autres dépenses de luxe… Il faut se rappeler que Staline admirait le productivisme tayloriste ainsi que le fordisme. Fordisme dont les systèmes soviétiques n’ont pris que la version rationalisation des tâches industrielles et pas l’idée d’un accroissement des revenus du travail pour susciter un accroissement de la demande de biens de consommation.
Ce processus pourrait bien se reproduire dans les économies occidentales…
Soyons attentifs à ce que les mêmes causes ne provoquent les mêmes effets, cette fois dans les régimes capitalistes, désorganisés face aux changements technologiques et incapables d’assurer une répartition équitable des richesses créées, ce qui ne pourra à terme que susciter des désordres sociaux, désordres qui ne serviront ni les intérêts des salariés et des individus en situation de vulnérabilité sociale, ni les intérêts des entreprises. En effet, nos économies de marché sont incapables de gérer les changements technologiques trop rapides pour que le marché ait le temps de réagir ou que des réglementations étatiques puissent être conçues avant qu’une nouvelle évolution technologique ne vienne supplanter ou dépasser la précédente. Par ailleurs, il faut dire que ce ne sont pas les évolutions technologiques qui créent les révolutions mais bien la cupidité des dirigeants qui ne veulent pas partager les gains de productivité qu’elles ont permis. Quand je parle de gains de productivité et de création de richesse, fût-ce même au sens restrictif et abusif du PIB, on me pose souvent la question « Mais où sont passés ces gains de productivité du travail et les richesses qu’ils ont générés ? » A mon avis, ils ne sont pas tous allés vers la rente du capital comme voudraient le faire croire certaines analyses un peu trop simplistes.
En fait, dans une économie de marché dominée par le court terme, les dirigeants des entreprises ont préféré utiliser ces gains de productivité pour gagner un avantage compétitif par la baisse mutuellement suicidaire des prix, au lieu d’envisager d’autres moyens d’accroitre leur compétitivité, par exemple en utilisant les gains de productivité du travail pour réutiliser les forces ainsi libérées à une amélioration des produits et des services qui les accompagnent. Mais comme il s’agissait là de bénéfices à plus long terme, les financiers, souvent à la tête des entreprises, n’ont pas voulu de ce genre de solution, leur préférant des solutions à plus court terme et plus porteuses de bénéfices immédiats et moins risquées que des investissements dans des méthodes et des produits dont les bénéfices hypothétiques leur semblaient trop risqués…
Il est clair que dans la mesure où les financiers considèrent le plus souvent les salaires uniquement comme des coûts et non comme des investissements productifs, réduire la masse salariale est à leur sens une source immédiate de bénéfices, quand bien même les dirigeants des entreprises se verraient obligés d’utiliser les services d’entreprises de travail par intérim plus coûteux, mais pour les financiers, ce genre de dépense entre dans une autre ligne comptable que les salaires. Chassez la bureaucratie par la porte, elle revient par la fenêtre !
Les financiers ne voient pas non plus la différence entre les compétences intrinsèques de leurs propres salariés, connaissant parfaitement leur métier et sachant l’appliquer au produits de l’entreprise où ils travaillent et les compétences externalisées, forcément moins spécialisées et connaissant moins les produits et les méthodes de l’entreprise. Exemple, de décision comptable typiquement bureaucratique dans une même entreprise : un laboratoire L1 développe des produits de très haute technologie et manque de programmeurs, au vu des livres comptables, le laboratoire L2 dispose lui d’un excédent de programmeurs. Décision financière : transférons les programmeurs en excès dans le laboratoire L2 vers le laboratoire L1, où il en manque. Petit problème non perçu à travers les livres comptables, la technicité de la programmation dans le laboratoire L1 est hors de portée des compétences des programmeurs du laboratoire L2 qui travaillaient dans un domaine de programmation nettement moins technique que ceux du laboratoire L1, sans compter que les programmeurs en excès dans le laboratoire L2 et leurs familles n’avaient aucune motivation pour être délocalisés dans la région du laboratoire L1 où l’agrément de vie était au moins à leurs yeux bien moindre : climat plus continental, éloignement de l’océan, etc. Donc assez peu ont accepté l’offre qui leur était faite.
D’une certaine manière la vision financière et comptable n’est finalement pas tellement éloignée de la vision étatique fondée sur des plans bureaucratiques incapables de rester en contact avec la réalité du terrain. Il reste que tant dans les cas des régimes soviétiques que dans le cas de l’économie de marché, les gains de productivité horaires du travail n’ont pas été utilisés à une répartition plus équitable des richesses dégagées. Dans les pays régis par l’économie de marché, bien que l’accaparement des gains par des minorités influentes ait aussi existé, c’est probablement plus dans la guerre des prix suicidaire à laquelle se sont livrées les entreprises, y compris et sans doute surtout au niveau international, que dans la cupidité des plus riches qu’ont disparu les richesses créées par les gains de productivité occasionnés par les progrès technologiques. Guerre des prix qui a entrainé des baisses de revenus et des mises au chômage et encore moins de demande d’où d’autres baisses de revenus entrainant encore plus de mises au chômage car les prix devaient baisser davantage. Remarquons que nous-mêmes en tant que consommateurs sommes tombés dans le panneau en cherchant les prix les plus bas et en jouant ainsi le jeu de la concurrence suicidaire des entreprises… Le résultat risque bien d’être un accroissement de l’insatisfaction des populations qui, espérons-le, n’aboutira pas à des révoltes dont ni les dirigeants ni les membres de base de la société n’auraient rien à gagner.
156 réponses à “ESSAI SUR LA CHUTE DU SYSTÈME SOVIÉTIQUE, par Paul Tréhin”
Il existe des associations qui valorisent les échangent de services entre les personnes, quelque soit le service rendu il est comptabilisé et vous cumulez des « points » donc le fait de rendre service, il y a une dynamique, une énergie qui est comme « le travail » utile autant pour l’entreprise que pour le travailleur , cette énergie fournie est une valeur , cette énergie fournie est la participation.
La seule différence est de valorisé le travail, service rendu par de » l’argent « car sous nos cieux celui-ci est utilisé pour tous les échanges commerciaux , du propriétaire du logement à la banque « d’où l’importance depuis des années et chanté « devenez propriétaire !!
un boulet et des bracelets ?! Dans notre système actuel mais aussi pour certains nos futurs propriétaires qui demandent des Garanties « travail » « argent »… un bon buisness aussi ! Nous n’avons pas toute cette panoplie du bon vivre citoyen et bien c’est à la rue que cette vie se fait !
Pour la plus grande joie d’un système qui aspire à des fonds et qui critique le système de l’autre .
Il serait intéressant alors de ne plus se focaliser uniquement sur le « temps de travail » contracté, mais sur le TEMPS de participation que nous fournissons pour toute la communauté, c’est à dire ces échanges et menus services qui se font dans des différents domaines et qui sont en ce moment même rendu « professionnels » « contractés » et tombés de ce fait dans des échanges économiques : les emplois du service , et l’individu en auto-entreprise … mais au final entre toutes ces personnes il y a l’argent, le contrat .
Nous oublions qu’en prenant compte les besoins des personnes et de leurs intérêts, nous avons l’humain, nous avons l’échange et qu’au final en réfléchissant bien il n’est pas utile que celui-ci soit « facturé » et c’est peut être là quand monnayant tous ces échanges, nous mettons de côté les énergies de certains, car pas assez productifs , pas assez rentables, car nous devons répondre à une logique qui se dit AUJOURD’HUI « globale » « mondiale « . (???depuis toujours !)
Nous ne prenons plus en compte l’humain dans sa totalité et pourtant dans des Curriculum vitae il est bon de mettre nos centres d’intérêts quand nous postulons pour des contrats de travail !
Même notre lieu de domicile à de l’importance, même avoir le permis de conduire et avoir un véhicule quand il y a des grèves ! Qui nous sommes ! Sélection aussi . Répondre à la logique commerciale .
Notre santé n’est pas vraiment pris en compte,PAS COMME JE L’ENTENDS, l’handicapé par exemple a bien du mal à être embauché et pourtant rien que par son état il est une énergie, source pour que d’autres lui viennent en aide, pour que des techniques, des infrastructures soient mises en place donc des emplois et au final nous y participons tous à la collectivité .
Donc nous sommes tous utiles ! pourquoi alors autant de chômeurs, de sans abris , autant de boulots précaires, de problèmes de santé liés au travail…
Une économie mal utilisée entre nous tous ce qui provoque des déséquilibres, des avantages, des marchés pour certains .
Ceci n’est que mon avis, mais il me semble que tout ceci vient à point nommé pour que toutes nos énergies soient « comptabilisés » viennent à l’être techniquement et VISIBLE et des idées telles que les énergies renouvelables, la biomania …autant de leviers UTILISES par des grands groupes d’entreprises , des gouvernements pour que nous les hommes nous en demandions à plus de contrôles à travers nos actions mais l’argent est toujours la grande motivation .
Serait-ce pour que nos vies en commun soient plus « gérables » pour ceux qui détiennent les ressources planétaires , mais au final la redistribution « des richesses » qu’elle est -elle ?
Plus d’argent ou avoir » accès » à toutes les ressources NATURELLES sur toute la surface du globe et dans le respect des habitants et de leurs territoires ?
Mais qui en a la gestion, une entreprise commerciale ? Notre entreprise qui demande un CV ?!
Nous sommes toujours dans un jeu de pouvoir .
Des pouvoirs à tous les niveaux entre nous tous qui sont déséquilibrés .
Nous sommes VIVANTS où que nous soyons .
A nous donc de réfléchir à nos actions, nos échanges, de réinventer le système qui comptabilise et équilibre, qu’il ne se mesure non plus en argent qui est source des conflits à tous les niveaux mais en participation . Vivre c’est aussi JOUIR . Qui ne jouit pas ne vit pas pleinement sa vie et donc ne « profite » pas du temps qui lui est donné sur cette TERRE .
Qui ne vit pas çà est donc sous la contrainte et nous sommes tous sous des contraintes qui peuvent être aussi bien liés à la force de la nature , que le fait de tiers .
Serait-ce à ces niveaux que des organisations ayant une quelconque autorité, décident par voie légale de nous faire payer le fait d’être en vie et de nous occulter qu’être vivant ne se marchande pas, que nous les humains nous avons été rendus incapables de subvenir à nos propres besoins , qu’aider son prochain , répondre à des besoins fondamentaux se font sous contrats commerciaux à travers toute la planète , que ces mêmes contrats génèrent cet esclavage moderne, que nous nommons TRAVAIL et qui se monnaie à tous les niveaux .
« Maintenant que j’achève ma vie dans un trou, je me moque de moi-même, car quoi, un homme intelligent ne peut rien devenir – il n’y a que les imbéciles qui deviennent… On vous démontre que vous descendez du singe : pas la peine de faire la grimace – Acceptez-le, qu’est-ce-que vous y pouvez, c’est comme deux fois deux – mathématique… »
Les Carnets du sous-sol de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski
trad. André Markowicz
Ð’ÑÑ‘ хорошо, что хорошо кончаетÑÑ.
Tout est bien qui finit bien.
Cher Vigneron,
Je suis heureux que ce post suscite une réaction. J’y croyais pas 🙂
Toutefois, j’aimerais préciser les choses suivantes.
.1 une recension est un résumé d’un livre (est-elle conforme? J’espère que oui).
.2 Votre post porte essentiellement sur les « mesures » économiques pronées par Gaidar après la chute de l’URSS, si j’ai bien lu. Ont elles été judicieuses? Probablement non, et je vous suis sur ce point. Les « mesures » économiques pronées sur le territoire de l’ex-URSS ont été d’une violence extrême (il suffit de considérer l’augmentation de la mortalité) et il y avait probablement d’autres « pistes » à suivre. Mais qui était en mesure de les porter à ce moment? Il me semble que malheureusement, il n’y avait personne.
.3 L’analyse de Gaidar porte sur la chute de l’URSS, Il me semble, mais peut être voyez-vous les choses autrement, que l’on peut « dissocier » cette analyse, des mesures mis en oeuvre par lui-même. Qu’il ait été « aveuglé » par la doxa libérale comme nombre d’autres oligargues ne fait aucun doute mais cela n’invalide pas, me semble-t-il, son analyse sur la chute de l’URSS.
.4 Ce que j’ai trouvé intéressant dans son analyse, que l’on peut par ailleurs contester, c’est le lien qu’il fait entre une « contrainte » macroéconomique (faible productivité de l’agriculture lié à la collectivisation, importation de céréales avec les revenus du pétrole, chute des cours du pétrole et donc nécessité de faire appel à l’emprunt sur les marchés internationaux et finalement « collapse » du système.
Dit autrement, quelque soit le système économique que l’on prône, ces « contraintes macroéconomiques » s’imposent d’elles mêmes,…
.5 « Collapse » que le système capitaliste pourrait connaître dans des temps assez proche,… Si l’on pense à l’enjeu écologique, entre autre.
Amicalement,
Makaevitch
@ Makaevitch,
Bonsoir,
En effet lorsque tous les indicateurs convergent vers la décrépitude, on voit mal comment éviter le « collapse » : en anglais s’il vous plaît afin de rendre à César les lauriers qu’il mérite sans vraiment les revendiquer, soyons justes.
A moins d’un miracle provoquant un sursaut vers le redressement ! Et encore, on voit mal comment ceux qui se sont volontairement mis à genoux auraient une quelconque envie, et même une quelconque notion, du redressement : alea jacta est, morituri te salutant.
Sur la politique Russe, peut-être auriez-vous une réponse ou un début de réponse à apporter à la question que je me pose : http://www.pauljorion.com/blog/?p=18053 (réponse à Amicalement votre).
Bien cordialement,
@Makaevitch: « « Collapse » que le système capitaliste pourrait connaître dans des temps assez proche »
Eh oui, nous aussi on a nos Gaidar.
« Qu’il ait été « aveuglé » par la doxa libérale comme nombre d’autres oligargues ne fait aucun doute mais cela n’invalide pas, me semble-t-il, son analyse sur la chute de l’URSS. »
Ben, il parle pas trop quand même du fait que les oligarques étaient nombreux à être aveuglés par la doxa libérale AVANT la chute de l’URSS. Cette chute aurait-elle eu lieu avec des oligarques convaincus que les idées communistes étaient bonnes? J’en doute trè fort. (Et je ne dis pas que cela aurait été mieux pour les Russes, je ne sais pas, personne ne sait, mais ce qui est sûr c’est que l’URSS avait traversé par le passé des difficultés bien plus importantes que celles à laquelle elle était confrontée fin des années 80).
@Moi : « Ben, il parle pas trop quand même du fait que les oligarques étaient nombreux à être aveuglés par la doxa libérale AVANT la chute de l’URSS. Cette chute aurait-elle eu lieu avec des oligarques convaincus que les idées communistes étaient bonnes? » : excellent ! Surtout après qu’on a lu, dans l’un des commentaires ci-dessus, que Gorbatchev a libéralisé tous les prix « en une nuit ». Mais la chute aurait quand même eu lieu pour d’autres raisons.
Réponse à VB
Si la question à laquelle vous faites références est la suivante :
Je me demande où en est la politique Russe aujourd’hui ? J’ai un temps réussi à en suivre à peu près les méandres mais j’avoue être décontenancée par ce que je crois pouvoir appeler le vaste plan de privatisation actuel. Je ne comprends pas leur ligne directrice et me demande même si celle-ci existe. Les Russes semblent par certains côtés protéger leurs intérêts stratégiques bien compris et par d’autres fondre devant les sirènes de la finance : vraiment, je ne comprends plus. Auriez-vous une explication plausible à cela ?
Voici ma réponse :
Je pense que le pouvoir doit arbitrer deux « forces » divergentes : d’une part, une tendance « naturelle » des régions périphériques à ignorer ou minorer les directives de Moscou et cette force divergente est maintenue sous contrôle par le maintien d’un système administratif tatillon et encore tentaculaire (la fameuse verticale du pouvoir) et d’autre part, le pouvoir russe est bien conscient de la faiblesse actuelle de l’économie russe qui exporte essentiellement du pétrole et du gaz (à part la vodka et le caviar pourriez-vous citer un produit russe ?) et qui pour se moderniser doit pouvoir se « mouvoir » dans un environnement moins contrôlé.
Je ne prône pas ici pour une diminution d’impôts ou une réduction du droits des travailleurs mais plutôt pour un environnement administratif qui soit plus simple et où les règles seraient clairs et respectées.
A cela s’ajoute l’absence de contre-pouvoir politique réel (pas facile après 70 ans de parti unique de se retrouver avec une pluralité de parti politique « légitime ») et je pense que le pouvoir russe doit constamment lâcher du lest et serrer la bride. Le lest c’est Medvedev et la bride c’est Poutine.
A propos d’autres observations
Je ne pense pas que l’on puisse parler d’oligargue avant la chute de l’URSS car il n’y en avait pas. Si on prend l’exemple de Khdorkowski, il avait, sauf erreur, 27 ans quand il a fondé sa banque MENATEP. Je cite de mémoire donc c’est peut-être pas tout à fait exacte mais ce que je veux dire c’est que la plupart d’entre-eux étaient très jeunes et ne pouvaient donc pas tellement être des oligargues avant car ils étaient des enfants.
Mais je reviens sur la thèse de Gaidar car il me semble qu’elle n’a pas été bien comprise (la recension n’était peut-être pas assez précise). Sa thèse est la suivante : en maintenant la collectivisation de l’agriculture, et ceci dès les années 30, collectivisation qui a fortement bridé la motivation des agriculteurs car ils étaient dépossédés de leurs biens, l’URSS signait son arrêt de mort (c’est peut-être un peu pompeux comme formule, je vous l’accorde 🙂 mais ce que je veux dire c’est que comme la productivité de l’agriculture n’augmentait pas alors que de nombreux actifs migraient des campagnes vers les villes pour travailler dans les usines, l’URSS a été obligée d’importer des biens alimentaires. Dans un premier temps, en vendant du pétrole sur le marché international et dans un deuxième temps, en empruntant sur les marchés financiers occidentaux (ce qui s’appelle se jeter dans la gueule du loup). Et à un moment donné, ne pouvant plus se refinancer sur les marchés financiers, le système s’est effondré.
@ Makaevitch,
Merci de votre réponse, qui complète, une fois encore, celle d’Amicalement votre. Je pense que vos arguments sont justes.
S’agissant du problème administratif, nous avons le même en France (très aggravé, sinon initié, par l’UE) et c’est d’ailleurs contre celui-ci que je tente de lutter (par ma théorie novatrice, unificatrice et à tendance Gaullienne sur l’entreprise).
L’agriculture est également un vrai problème, la question fondamentale d’un peuple, j’en suis persuadée depuis toujours.
Cordialement,
On peut aussi noter que les trois grandes révolutions internationales ( française , soviètique , chinoise ) sont en très grande partie nées d’une situation agricole et alimentaire catastrophique ; ça devrait d’ailleurs mettre en tête des grands du G20 que , quoi qu’ils décident , ils ont un intérêt colossal à traiter au moins de la maîtrise des coûts des productions alimentaires et d’une bonne partie des matières premières ( dont …le pétrôle qui en l’état actuel et avant une montée en puissance de l’agriculture de proximité , reste un élément déterminant du coût des aliments ) . Sinon la suite risque de les faire éjecter de leurs sièges .Ce ne sont pas les OGM , dernier avatar du capitalisme pour asservir les êtres , qui les sauveront .
Relativement au » sytème soviétique » , je viens de retrouver sur mes rayons , le bouquin de René Dumont ( « Sovkhoz , Kolkhoz , ou le problématique communisme » , Editions du Seuil en 1964 ) .
C’est , décortiquée par un ingénieur agronome homme de terrain ; la meilleure démonstration que j’ai connue , de l’impasse dans laquelle s’engouffrait le communisme soviètique ( rappelons qu’en 1963 nous étions dans un conflit idéologique , mais pas que , entre URSS et …Chine ) .
In fine Dumont restait persuadé , avec l’humilité d’un homme de science , que le socialisme (page 329 : » Le socialisme triomphera, conclut le libéral Shumpeter ; et je le crois également;. »..) restait la meilleure voie pour un monde meilleur , même si sa toute dernière phrase était :
« Aucune structure ne détient le monopole de l’avenir de l’humanité. Elles aboutissent à des sociétés humaines , qu’il faudra toujours réviser , car elles seront éternellemnt imparfaites . »
Il était par contre exigeant sur les pas à faire . Comme lui je me sentirai plus heureux de la réalisation des quelques pas ,encore confus ,évoqués ici .
Avec toujours en tête que la fin ne justifie pas les moyens .
Et que les moyens ne sauraient mettre l’humanité en péril , comme on commence à prendre conscience d’en être bien prêt aujourd’hui .
Merci à Paul Jorion, propriétaire de ce blog, pour ses brillants billets expliquant clairement l’évolution actuelle de l’économie mondiale ; merci également aux divers contributeurs et aux commentaires pertinents des lecteurs.
Je m’expirme ici pour la première fois et je souhaite faire un rapprochement entre feue l’URSS et les actuels EUAN (État-Unis d’Amérique du Nord) sous un angle différent : l’effet du poids croissant des prélèvements de l’autorité réelle sur l’économie du pays, donc sur sa population.
La première subissait vers la fin de son existence un prélèvement chiffré officiellement au moins à 60 %, mais environ 80 % selon les connaisseurs ; il alimentait le sytème d’état, notamment sa composante militaire. Devant sans cesse rattraper son retard sur les seconds (É-U), qui avaient toujours une génération technique d’avance, elle (URSS) a dû y attribuer des moyens toujours croissants au détriment de la part revenant à la population, ce qui lui a conservé une force capable de contrer les seconds (un seul exemple : plusieurs lancements de satellites par semaine).
Les seconds (É-U) de leur côté subissent un prélèvement également croissant du système militaro-industriel (déjà dénoncé en son temps par les président Eisenhauer), pensons au coût de la guerre d’Irak s’exprimant en milliers de milliards, auquel s’en est ajouté un nouveau qui grandit vite, au profit cette foi-ci du système financier ; on en voit les effets actuels qui les entraînent désormais vers le bas (affaire des subprimes, actifs toxiques et tutti quanti).
Pour résumer, le poids croissant des prélèvements au détriment de la population serait également une cause majeure de la descente inéluctable de ces deux pays.
Qu’en pensez-vous ?
L’intérêt de ce fil est qu’il brise une sorte de tabou en transgressant la répétition des poncifs de la propagande à l’égard de ce qui fut un pays, et pas un empire.
Qu’on nomme sous cette appellation d’empire des entités très différentes, ça ne va déjà pas de soi mais je ne distingue pas vraiment ce qui justifie ça pour l’URSS à l’inverse de ce qu’on sous-entend en nommant « l’empire » les USA qui n’en sont pas non plus un vraiment. Difficile d’échapper à l’empereur pour un empire, et ce costume là même pour Staline ne va pas. Les républiques ont aussi des formes diverses, Iran compris.
L’URSS a été pour ma lecture un de ces fils rouges consécutifs à ce qui était déjà en gestation lors de notre révolution française, dont il a été question sur ce blog.
D’avoir reçu un jour un télégramme d’un soviétique un « 19 mars », me souhaitant « bon anniversaire » m’avait amené à découvrir que ce jour là était dans l’imaginaire soviétique plus parlant, puisque sachant pourtant la date, il ne m’était pas venu l’idée d’en faire ici un anniversaire pour la Commune.
Donc 1917 c’était la poursuite de ce qui avait été interrompu ici après 89 et toujours remis en chantier depuis, avec des catastrophes. C’est pour cette raison que je lis l’histoire de ce pays comme liée à ce qu’il a signifié pour le reste du monde, à savoir longtemps l’exemple du seul pays où la propriété privée des moyens de productions et ses privilèges attenants avait été abolie.
La dissolution aux causes multifactorielles n’était pas écrite à l’avance. Mais c’est en tout cas la victoire du capitalisme d’une guerre qui n’aura cessée chaude dès 17, tiède ensuite, brulante après 41, puis dite froide ensuite, en fait déplacée sur le front des décolonisations, de l’espace, de l’économie etc.
Quand il a été, à mon regret, dissous, j’avais pensé que cette question du socialisme se reposerait vers 2030 2040 nécessairement autrement.
Pour y être allé en 79 juste quelques jours à Moscou, puis en Ouzbékistan (ouvert au tourisme en 74) j’en ai gardé un souvenir triste sur le sujet des libertés, puisque pour avoir passé une journée hors de mon groupe avec 2 jeunes touristes soviétiques de Sverdlovk qui avaient aussi quitté leur groupe, (nos échanges d’un jour furent en anglais) ils eurent le soir et moi aussi, plus modestement, affaire au KGB. Un truc de cinglés.
Pour avoir en 72 vu l’Iran et l’Afghanistan dont l’histoire était voisine jusqu’au 19ème, la différence d’ambiance en Ouzbékistan était énorme. Sachant qu’il y avait eu jusqu’en 35 des poches d’opposants à la République dans les montagnes ouzbeks, j’avais bien imaginé que le soutien soviétique aux afghans allait durer très très longtemps. On sait la suite.
J’ai le souvenir d’une babouchka hors d’âge assise à Moscou près d’un ascenseur d’hôtel pour appuyer sur le bouton. C’était mon premier jour. J’avais cherché à comprendre. était-ce un poste ? chômage déguisé ? L’interprète m’avait renseigné : Non, la babouchka ne travaillait pas à l’hôtel, elle était à la retraite depuis longtemps, elle avait perdu son mari, avait un voisin qui travaillait à l’hôtel et avait demandé une occupation à mi-temps pour voir du monde. J’avais été sidéré : qu’est ce que c’est que ce bordel, qui commande là dedans, les gens font ce qu’ils veulent ou quoi ? Je repensais à cette scène il y a quelques mois en voyant le film Mimino de Daneliya Georgij, qui décrit avec humour cette ambiance soviétique des années 70.
Le cinéma jadis permettait à Paris pendant la quinzaine du cinéma soviétique de voir des nouveautés rarement diffusées à la télévision. Il existe aujourd’hui avec Mosfilm et Ruscico la possibilité d’accéder à des curiosités parfois doublées en français.
J’avais espéré de Gorbatchev l’aboutissement d’une lente déstalinisation commencée avec le rapport du XXème congrès du PCUS. Ça a tourné autrement pour un tas de raisons décrites sur ce fil, mais ce n’était pas écrit d’avance. Gorby a fait des conférences aussi bien rémunérées que Thatcher ou d’autres. La question demeure de ce que l’ouest lui a payé.
Quelque chose reste, et c’est mon souvenir latent dans le rapport Khrouchtchev, dans les coulisses de la représentation politique, lié au succès de cette dénomination de petit père des peuples. Il y a des formes d’adresse au dirigeant suprême qui sont en collusion avec les ravages de la père-version. Pourquoi les hommes sont-ils infoutus d’inventer une forme de direction détachée de celle d’une seule personne physique mise en scène médiatiquement de nos jours ?
Pour ma part , j’ai connu l’URSS en 1967 . Il y avait des échafaudages partout et tous les murs étaient « rafraichis » à grand coup de peinture ( verdâtre) en vue de la commémoration du cinquantième anniversaire de la révolution . J’en garde le souvenir ( itinéraire Kiev , Sotchi , Stalingrad / Volgograd , Moscou /Léningrad / St Petersbourg ) des étudiant(e)s de Kiev dont les odeurs de parfum fruité bon marché sont encore dans mes narines, de l’échange franc / rouble au huitème du cours officiel , de soirées mémorables entre jeunes , de jeunesse particilièrement érudite , des hôtels staliniens , des orchestres d’hôtel fonctionnaires , des jeux de lumières à partir de 21 heures au restaurant pour faire comprendre que l’heure était venue de vider les lieux , des femmes au travail le plus rude sur les chantiers de travaux publics ( c’était le prétexte de notre stage-voyage d’étude ), des autocars qui coupaient le contact pour dévaler en roue libre chaque déclivité , de leurs freiins fumant à la limite de l’incendie quand on parvenait à s’arrêter , de la beauté de Moscou et de Léningrad et ses nuits blanches , de discussions passionnées ( en français !) jusqu’à l’aube et la fin des stocks de vodka , d’avoir pu m’échapper librement dans Moscou , d’avoir retrouver sans forcer le destin cette âme slave que mes lectures de Dostoïevsky et Tolstoï m’avaient révélée comme une âme soeur…
Mon meilleur souvenir :
partout où je débarque pour la première fois et lors de ma première promenade en badaud , il est fréquent que le premier autochtone que je rencontre me demande en fait son chemin . Ma femme prétend que j’ai une tête à renseigner les gens .; ça m’est arrivé en Grèce , en Espagne , en Italie , au Gabon , en Algérie .
J’ai donc entamé cette série lors de mon escapade moscovite , car au premier passage devant une bouche de métro , une babouchka , qui , visiblement venue de province, prenait le métro pour la première fois , m’a abordé , non pas pour me vendre de la vodka , mais de toute évidence , parce qu’elle devait affronter ce moyen de transport . Le tour de force est que nous nous sommes compris suffisamment pour que je l’accompagne et la guide dans son périple . Deux heures plus tard nous étions en banlieue chez son fils qu’elle venait voir pour la première fois à Moscou . Il était 19 h environ . Il a fallu accepter de rester leur hôte pour manger . Je n’ai revu le jour que le lendemain vers midi et je ne saurai jamais comment ils m’ont remis dans l’hôtel qui accueillait le groupe dont je faisais partie ( plutôt inquiet sur mon sort ) .
Les systèmes passent mais la Russie est éternelle .
juan nessy 12 novembre 2010 à 15:56
Chouette ! Tout le charme d’un ailleurs dans le temps et dans l’espace qui hante aussi mes souvenirs. J’ai omis de dire, que l’absence de publicité m’avait séduit, bien sûr l’érudition confirmée par d’autres canaux, l’accès au savoir n’est pas ruineux. Je comprends que vous aviez accès au russe, ce qui comme partout change la donne du touriste. Le fatalisme de l’âme russe a sans doute à voir avec ce que « amicalement votre » rappelle du passé d’esclave. Ailleurs un type en anglais me répond qu’il est un esclave du sud, un yougo-slave, il me l’a appris. Les « caractères » des peuples du monde ne sont pas éternels mais bien ancrés, encrés aussi, et ce n’est pas demain la veille que ça s’uniformisera, vive la richesse !
МоÑква, МоÑква !… Люблю Ñ‚ÐµÐ±Ñ ÐºÐ°Ðº Ñын,
Как руÑÑкий – Ñильно, пламенно и нежно.
Лермонтов
Moscou, Moscou !… Je t’aime comme un fils,
Comme un Russe – avec force, passion et tendresse.
Lermontov
Alexandre Sokourov
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Sokourov