Billet invité
Les résultats des élections américaines font la « une » de l’actualité mondiale et vont partiellement occulter l’événement le plus important de la journée de par ses conséquences : la décision de la Fed de relancer ses acquisitions de bons du Trésor à long terme, de monétiser la dette et d’injecter des centaines de milliards de dollars dans le système financier.
La défaite des démocrates aux mid-terms, comme les nouvelles mesures de la Fed, vont avoir ceci en commun qu’elles ne surprendront personne. Dans les deux cas, les interrogations à leur propos ne portaient et ne portent encore pour quelques heures que sur leurs ampleurs respectives. Mais si l’on s’intéresse à leurs conséquences, c’est une autre paire de manches.
Démocrates et républicains vont poursuivre leurs jeux politiques, à la recherche d’une coopération à laquelle ils vont être désormais institutionnellement astreints. Une sorte de paix armée, en attendant la campagne des élections présidentielles qui ne va pas tarder à être engagée. Pour autant, vont-ils être ensemble ce qu’ils n’ont pas su être séparément, porteurs d’une stratégie de relance de l’économie américaine, l’unique objectif que leurs électeurs attendent d’eux ? A y regarder de près, les votants ont exprimé une véritable motion de défiance à leur égard.
Les républicains vont disposer de la majorité à la chambre des représentants et vont pouvoir engager une guerre d’usure contre l’administration Obama, dans l’espoir d’une reconquête de la présidence et du pouvoir dans deux ans. Mais pour en faire quoi ?
Le « moins d’impôts et d’interventions de l’Etat » que réclament les électeurs, mettant dans le même sac et non sans quelques raisons Washington et Wall Street, n’aura comme effet qu’une accentuation de la crise sociale traversée par la société américaine. À commencer par la poursuite et l’intensification des saisies de maisons et expulsions, ainsi que par le déséquilibre grandissant des finances locales, avec pour conséquence de nouvelles coupes budgétaires dans les programmes sociaux et de nouveaux licenciements. Le retour au rêve américain est une vue de l’esprit, une ultime tentative de ne pas se réveiller. Les Américains sont déboussolés, offrant aux manipulateurs de l’opinion animés des pires intentions un vaste champ de manœuvre.
En revanche, la Fed croit ou voudrait faire croire qu’elle a une solution. Contre toute vraisemblance aux yeux des économistes qui le font savoir, elle va à nouveau utiliser la seule arme dont elle dispose, dénommée aux États-Unis QE2 pour Quantitative Easing 2 : la planche à billet. Injecter dans le système financier des sommes massives dans le fol espoir qu’elles vont retomber dans l’économie réelle, favoriser la relance et, surtout, diminuer le chômage. En continuant par contre certainement à faire baisser les taux obligataires, à déprécier le dollar, et à rendre plus attractif le marché des actions, afin que les investisseurs s’y reportent et relancent l’initiative privée, alors que rien n’est moins sûr.
Le malheur veut en effet que des excédents financiers massifs et inutilisés sont déjà enregistrés dans les bilans des banques et des entreprises. Les premières disposeraient en réserve de presque un millier de milliards de dollars et les entreprises d’autant en trésorerie. En rajouter dans ces conditions a-t-il un sens et lequel ?
Les petites entreprises américaines (le small business), qui en auraient le plus besoin, n’en verront pas la couleur, le réseau des banques régionales dont elles sont les clientes affrontant ses propres difficultés et n’allant pas en profiter. Peut-on alors espérer que cela sera un ballon d’oxygène pour les États fédérés et les collectivités locales ?
Si le bénéfice de cette mesure est considéré comme des plus aléatoires, ses méfaits potentiels sont clairement établis. Il n’y a même que l’embarras du choix. Une bulle d’actifs va être créée, avec ses risques inhérents pour plus tard, quand elle éclatera. Le prix des commodities (les matières premières) va grimper sous l’effet du report sur ce secteur de la spéculation. La dépréciation du dollar va avoir pour effet l’appréciation des monnaies des pays émergents, perturbant leurs exportations, et l’accroissement des bulles financières déjà existantes.
Une autre conséquence, plus pernicieuse encore, est inévitable. La baisse des taux obligataires et le danger d’un effet ciseaux sur les taux réels (nets), en raison de leur faiblesse et d’une possible hausse de l’inflation, va inciter les investisseurs qui trouvaient sur ce marché rendement et sécurité à entrer dans des jeux financiers risqués. Source de secousses ultérieures et peut-être davantage.
Les banques, quant à elles, ne vont plus trouver avec les obligations souveraines l’instrument de consolidation de leurs bilans, devant le risque d’éclatement de ce qui est désormais considéré comme une bulle obligataire. Avec comme autre conséquence un brutal renversement de tendance possible sur ce marché et une hausse des taux, fragilisant tout l’édifice de la dette publique.
Devant une telle avalanche, comment comprendre la décision de la Fed ? Elle exprime l’impasse dans laquelle se trouvent les démocrates et les républicains. N’ayant pas les moyens ou ne voulant pas s’engager dans une politique de relance budgétaire, ils n’ont d’autre ressource que le va-tout à laquelle la Fed va se résoudre après de longues hésitations et en dépit de profondes divergences internes. Non sans donner la forte impression d’une sorte d’ « après moi, le déluge ! », vu les chances très réduites qu’une petite relance résulte de son initiative, qui constituerait le mieux qu’elle puisse espérer et dont il faudrait alors se contenter.
A force d’être utilisé – parfois même en forçant le trait, une nouvelle pirouette permettant de repousser les échéances – le terme d’impasse est banalisé. Dans le cours de cette crise, il en est venu à faire partie des meubles, auxquels on se heurte au fil des épisodes qui se succèdent sans relâche. L’impasse dans laquelle se trouve la première puissance économique, financière et militaire mondiale n’est pourtant pas une petite affaire. Non seulement en raison de l’approfondissement de la crise économique qui va en résulter, tant pour les pays développés qu’émergents. Mais aussi à cause de la tentation, risquant de s’accroître, de s’engager dans des aventures.
109 réponses à “L’actualité de la crise : UN TRAIN PEUT EN CACHER UN AUTRE, par François Leclerc”
Une idée de cadeau pour noël : le « jeu de DOMINOS » revient au rayon jouet :
http://lupus1.wordpress.com/2010/11/03/effet-domino-subprime-ambac-bientot-sous-chapter-11/
pas vu pas pris …
http://lupus1.wordpress.com/2010/11/02/trading-a-haute-frequence-krach-eclair-sur-le-dollar/
Bonsoir,
si j’ai bien compris la FED achète des bons du trésor us en « imprimant de l’argent » ? C’est de l’auto-endettement en quelque sorte ?
heu … ce que j’ai compris est que la FED imprime des bons du tresor, les vend sur « les marches » puis, avec l’argent recolte, prete aux banques americaines (avec interet bien entendu). Si cela est ainsi, il s’agit plutot d’auto-flagellation.
Quelqu’un peut il me/nous corriger ?
Affirmatif.
Et, vis-à-vis des autres, du Ponzi. Car les rares entrées d’argent servent à payer les intérêts.
Naaaannnnnnnn …
Du loto-endettement.
1 chance sur des milliards (1000) que les US gagnent.
100% de chance pour les banques de gagner.
Du moins, tant qu’ils y a assez d’abrutis pour jouer … (c’est le dernier qui y est).
Krugman argument qu’elle « change la maturité de sa dette », au lieu de la faire « rouler » à maturité plus ou moins constante (terme moyen pondéré des dettes encourues), elle reprend beaucoup de vieille et refait de la dette « jeune »…(voir le blog de Paul Krugman).
Ca me semble être une vision à comprendre (sinon à partager)
Zébu, tu rejoins un slogan publicitaire d’enfer :
« 100 % des gagnants ont tenté leur chance ».
Et, suite à cette campagne de pub, un micro-trottoir avait été fait dans lequel le quidam affirmait que ce n’était pas possible que 100 % gagnent.
Nous voyons donc ici DEUX phénomènes marrants qui sont :
– celui qui ne tente rien n’a rien. (apologie de l’entreprise)
– le quidam français moyen est assez intelligent pour se rendre compte que pour réussir, il faut prendre un minimum de risque. (ce qui est maintenant interdit en finance grâce à la maîtrise du pouvoir des états ainsi que de la Justice)
Le quidam français se fait rouler par la pub. Mais c’est une autre histoire.
Je crois le mécanisme un peu différent de ce que propose Like :
Le Trésor (l’État Fédéral) imprime des bons du trésor à faible taux d’intérêt dont personne ne veut. Alors Zorro / La FED arrive et imprime des billets pour les acheter. Grâce à quoi le trésor s’endette à bas prix et inonde ses créanciers de grandes quantité de dollars;
Il peut poursuivre ses guerres, payer les Medicare/Medicaid, baisser les impôts, aider les banques en cas de nouvelles défaillances et (peut-être) aider les honnêtes citoyens US en difficultés financières…… .
Il peut surtout faire d’immenses achat à l’étranger. Alors ses partenaires commerciaux lassés de voir cette pluie de billets verts inutiles finiront par lui dire : « nous n’en avons plus que faire, nous ne les prendrons plus que si nous pouvons en nourrir nos chevaux » (cf rubrique assignat, révolution française)•
Lundi 1er novembre 2010 : une information signalée par le site contreinfo.info
Grèce : une restructuration de la dette n’est pas à écarter, affirme le vice-premier ministre Theódoros Pángalos (en charge du Conseil de gouvernement des Affaires étrangères et de la Défense, ainsi que du Conseil économique et social).
Greek woes.
Sunday, Greek deputy Prime Minister Pangalos told a local paper that in theory debt restructuring should not be completely ruled out, though the deficit would need to be dealt with first. He argued against « demonizing » debt restructuring. This obviously has antagonized investors. The Greek 10-year yield rose 18 bp today after rising 120 bp last week. At 10.62 % today, it is the highest yield since late September and this may underestimate the pressure as there is talk that European central banks may have stepped in last week.
The implication of Pangalos’ comments are clear. Greece will continue to make efforts to cut its deficit. This may be more complicated because of new preliminary findings having to do with how state-owned businesses have been accounted for, point to a larger deficit last year, mean more cuts would be needed this year.
The deficit cuts may earn Greece some good will and this will make restructuring its debt more palatable.
Still, the problem and the implication of the crisis resolution mechanism that the EU is trying to work out is how to deal with the large debt burden. It seems there are only three mathematical possibilities once it is agreed the debt is unsustainable.
1) exit, which under current treaties seems impossible to be imposed on a country ;
2) bail out, which Germany has strongly indicated is a dead end ;
and three default/debt restructuring.
Political considerations appear to be driving to the third option as the least distasteful.
Marc Chandler | Global Head of Currency Strategy
http://www.creditwritedowns.com/2010/11/greek-woes.html
J’ai rapidement et distraîtement entendu hier une info qui a été assez peu commentée dans les médias.
Il s’agit de la décision d’étroite coopération et collaboration militaire entre la France et l’Angleterre visant notamment à réduire le coût des deux armées.
Je n’ai aucune compétence dans le domaine militaire mais je crains que cela ne lie plus encore la France et l’Angleterre dans des opérations militaires … décidées par les USA.
Ne serions nous pas obligé d’aller en Iran en cas de conflit si l’Angleterre suivait les USA dans un tel conflit ?
http://www.contreinfo.info/breve.php3?id_breve=10160
J’ai le sentiment confus que cela risque de mal se terminer.
Les attentats redoublent en Irak, ici en Europe, colis piégés en nombre mais qui n’explosent pas …
J’ai le désagréable sentiment que les autorités préparent lentement l’opinion à quelque chose qui pue, à moins que la stratégie de la peur soit utilisée pour assurer la paix sociale ?
Et cela devrait s’arranger …
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/11/03/le-fmi-exhorte-les-etats-a-se-preparer-a-une-faillite-du-type-de-celle-de-lehman-brothers_1435136_3234.html
Il exhorte …
Puisque l’on parle de train, le wagon des chômeurs en fin de droits qui devaient être (généreusement) reconduits (pardon, aidés) vers le plan Rebond (‘James, my name is james rebond’) est partie sur une voie sans issue :
http://www.liberation.fr/economie/01012300190-selon-la-cgt-moins-de-1-des-chomeurs-en-fin-de-droits-ont-beneficie-du-plan-rebond
1% …
Ceux qui ont cru que ce train allait vraiment arriver à destination, et pire, ceux qui y sont montés, devraient ligoter le chef de gare et l’attacher sur les rails, histoire de voir si la locomotive rebon(dit) sur lui.
A minima (je pensais aussi à l’empalement mais on m’accusera de violence gratuite tandis que nos enfants nous regardent partir vers des destinations improbables où personne ne nous attend en quai …).
Et pendant que des trains se perdent, d’autres foncent droit sur nous.
C’est le chef de gare principal qui le dit :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/11/03/le-fmi-exhorte-les-etats-a-se-preparer-a-une-faillite-du-type-de-celle-de-lehman-brothers_1435136_3234.html
« gérer les risques de faillite comme celle de Lehman ».
Ils ont déjà des noms en tête au FMI ?
Un autre article, sur Bloomberg, est lui plus complet et ne fait pas que reprendre la même info via l’AFP :
http://www.bloomberg.com/news/2010-11-03/banks-may-shift-risks-need-acute-supervision-imf-staff-report-says.html
“We will always have failures, we should have failures because that’s the only way to keep market discipline,” said Ceyla Pazarbasioglu, another author.
There Is No Alternative !!
ça doit pêter … (in french)
Mais aussi ça, zehrrrrr intéressant :
« Using a sample of 62 banks in 20 countries, the report finds that only 10 of them would be below the common equity ration required by 2019. Without earning retentions, the banks in the sample would require about $360 billion additional capital and 48 of them would not meet the 7 percent target, it showed. »
« Almost $4 trillion in bank debt will mature in the next two years and borrowing costs are likely to rise, IMF economists said. »
Récapitulons.
1/ La FED va ouvrir les vannes (mais on le sait quand même depuis un certain temps, fallait juste que les Républicains puissent faire leur show).
2/ Comme le dit Yvan dans un post plus haut , les chinois sont en train de lever de grandes masses de capitaux, pour augmenter leur ratio de solvabilité. En clair, ils sont en train d’augmenter la taille de leurs digues (bancaires) …
3/ Le FMI (tout ça le même jour !!) vient de sortir un rapport prédisait un nouveau Lehman (en gros) si rien n’est fait très bientôt, soit demain avant 12h.
Oui mais non.
Je peux pas.
Demain, j’ai piscine.
(‘justement !’ vient de me répondre DSK).
Mauvais jour pour les cinéphiles:
« Metro-Goldwyn-Mayer, un des plus anciens studios de cinéma d’Hollywood, a ouvert mercredi une procédure de faillite, après plusieurs années passées à tenter de réduire son endettement.
MGM détient notamment la franchise James Bond et a produit certains des films américains les plus connus, dont le Magicien d’OZ »
James Bond en faillite !! Voilà un signe incontestable de que la situation est désespérée….
Après l’immobilier et l’automobile il va falloir que les électeurs paient aussi pour l’industrie du divertissement.
Réjouissant !
Arianna Huffington : « Les Etats-Unis se délabrent »
C’est un titre volontairement provocateur, tant les mots Amérique et tiers-monde paraissent contradictoires dans une nation convaincue de tout temps d’être la plus noble, la plus riche, la plus puissante et la plus généreuse du monde. Mais les signaux sont au rouge et je sonne l’alarme tant qu’il est encore temps de contrecarrer cette chute vers le tiers-monde.
Lorsque j’étais en Grèce, mon héroïne favorite était Cassandre, dont les Troyens ont ignoré les avertissements ; ils l’ont payé de leur vie. J’espère avoir davantage d’écho. Notre pays se délabre : industrie, écoles, infrastructures. La pauvreté gagne partout du terrain (+ 25 % entre 2000 et 2008 dans les banlieues des grandes villes). L’ascenseur social n’est pas en panne, il redescend !
Près de 100 millions d’Américains vivent dans des familles aux revenus inférieurs à ceux de leurs parents au même âge. Les enfants de parents fortunés qui ne font pas d’études ont plus de chance d’être riches que les enfants de parents pauvres qui, eux, ont entrepris des études. La classe moyenne, sur laquelle a reposé l’essor économique de ce pays, est une espèce en voie de disparition.
L’une des promesses-clés de l’équipe Obama, pendant la campagne de 2008, était pourtant qu’il « n’oublierait pas la classe moyenne ».
Eh bien, c’est fait. Elle est dévastée. Et sa disparition est bien plus menaçante pour la stabilité à long terme de ce pays que la crise financière, qui a vu 3 000 milliards de dollars d’argent du contribuable versés à Wall Street. Des chiffres ? Depuis la fin de 2007, nous avons perdu plus de 8,4 millions d’emplois. Un Américain sur 5 est sans emploi ou sous-employé.
Un crédit immobilier sur 8 mène à la saisie. Un Américain sur 8 vit de bons alimentaires. Chaque mois, plus de 120 000 familles se déclarent en faillite. La crise économique a balayé plus de 5 000 milliards de fonds de retraite et d’économies ! Je ne comprends pas que Washington n’ait pas conscience de l’urgence absolue d’agir.
D’autant que, parallèlement, des coupes budgétaires massives ont affecté nombre de services publics.
Quel paradoxe ! C’est au moment où les familles sont les plus vulnérables, menacées par la misère, qu’on leur supprime les services et les aides dont elles n’ont jamais eu autant besoin ! Au moins 45 Etats ont opéré des coupes dans des services vitaux pour les plus faibles : enfants, personnes âgées, handicapés, malades, sans-abri. Sans parler des étudiants, systématiquement affectés.
Le diable est dans les détails. La Californie vient de supprimer CalWORKs, un programme d’assistance financière aux familles dans le besoin : 1,4 million de personnes affectées, dont deux tiers sont des enfants. Le Maine a sévèrement diminué ses bourses scolaires et les dotations aux foyers pour sans-abri.
L’Alabama a aboli les services qui permettaient à 1 100 seniors de rester chez eux plutôt que d’aller en maison de soins. Le Michigan, le Nevada, la Californie et l’Utah ont supprimé le remboursement des soins dentaires et ophtalmologiques pour les bénéficiaires de Medicaid, l’assurance-maladie des plus pauvres. Je pourrais continuer l’énumération. Et, pendant que la misère s’installe dans le pays, on continue de dépenser des milliards dans des guerres inutiles.
Encore le signe, selon vous, d’une mentalité de pays du tiers-monde ?
Comment ne pas penser à la Corée du Nord, obsédée par son entrée dans le club nucléaire alors que le peuple meurt de faim ? Notre engagement en Afghanistan n’a plus aucun sens.
Nous avons perdu la bataille des cœurs et des esprits en tuant accidentellement de nombreux civils, on y soutient un régime corrompu, on y engloutit des fortunes qui seraient bien plus utiles dans nos écoles, nos services sociaux, nos infrastructures.
Selon l’historien Arnold Toynbee, les civilisations ne meurent pas d’assassinat mais de suicide. Il est plus que temps de faire preuve de bon sens et d’inverser nos priorités si nous ne voulons pas mourir de notre propre main.
Dans les priorités, vous insistez sur l’importance d’investir massivement dans de grands travaux d’infrastructures.
C’est l’urgence absolue ! Nos infrastructures, qui furent autrefois la force de ce pays, sont dans un état lamentable. Le système de canalisations date de la guerre de sécession ! Le réseau électrique est largement insuffisant, d’autant que la demande d’électricité a augmenté de 25 % depuis 1990.
Un tiers du réseau routier peut être considéré comme insuffisant, voire médiocre. Le système ferroviaire n’a cessé de régresser depuis 80 ans et paraît grotesque en comparaison des trains ultrarapides qui traversent la France, le Japon, la Chine.Un quart des ponts est, selon le département des transports, « structurellement déficient », ou « fonctionnellement obsolète ». Nos réservoirs – plus de 85 000 – présentent un réel danger.
Non seulement il nous faut réparer ces installations archaïques, mais il faut investir dans des infrastructures qui nous maintiennent dans la course pour les enjeux du futur. Ce serait une formidable occasion de créer des dizaines de milliers d’emplois, de relancer des industries, de stimuler notre économie.
Le plan de « stimulus » d’Obama, signé au tout début de son mandat, n’avait-il pas cet objectif ?
On l’avait espéré. A l’époque, Tom Friedman du New York Times avait même écrit que les mois suivants seraient « parmi les plus importants de l’histoire américaine ». Mais Obama a raté son moment. Il n’a pas osé. Il n’a pas su faire preuve de l’audace, de l’indépendance et du charisme d’un Roosevelt qui, en pleine dépression, avait lancé un programme de travaux gigantesques dont les bénéfices se ressentent encore aujourd’hui.
Chamailleries partisanes, lobbies, démagogie électoraliste ont eu raison d’un vrai plan de relance. Sur les 787 milliards du plan, seuls 72 ont été alloués aux projets d’infrastructures. Navrant.
Où en sont les écoles ?
C’est le secteur le plus dévasté ! Je ne parle pas du triste état des bâtiments publics. Je parle de ce qui se passe en classe.
Rien n’accélère davantage notre glissade vers un statut de tiers-monde que notre échec à éduquer convenablement nos enfants. C’est pourtant par l’école que passait le rêve américain ! Et pour la classe moyenne, la route vers le succès ! Mais des études montrent que parmi 30 pays développés, les Etats-Unis se situent au 25e rang pour les maths, au 21e pour les sciences. Des résultats lamentables.
30 % des lycéens quittent l’école sans diplôme. Or on ne cesse de licencier des professeurs, de réduire le nombre d’heures de cours, voire de jours d’école. Des bourses sont supprimées alors que les frais pédagogiques augmentent.
Pendant ce temps-là, des prisons ont essaimé un peu partout à une vitesse que même McDonald’s pourrait envier. Trop d’écoles américaines préparent plus à la prison qu’à l’université. Quel échec !
La fin du rêve américain ?
Oui, pour des dizaines de millions d’Américains, le rêve est brisé.
Qui l’a tué ?
Beaucoup pointent un doigt vengeur vers Washington. Et accusent notre système politique de paralysie à cause d’une classe politique clivée en deux camps irréductibles, incapables du moindre consensus.
Je crois, moi, que les deux partis sont tombés exactement de la même façon dans la poche des maîtres de l’industrie, des banques et des affaires qui remplissent leurs coffres de campagne. Le principe démocratique fondateur, « un homme, une voix », a été remplacé par l’arithmétique de la politique des groupes d’intérêts. Les lobbies et leur déluge de dollars ont envahi Washington. Une vraie prise de pouvoir. Et le gouvernement fixe ses priorités au milieu de ce bazar de trafic d’influence.
Savez-vous qu’en 2009, plus de 13 700 lobbyistes enregistrés ont dépensé un record de 3,5 milliards de dollars, le double qu’en 2002 ? 26 lobbyistes par membre du Congrès ! Etonnez-vous après cela que les plans ambitieux pour réformer Wall Street, le secteur de l’énergie ou la sécurité sociale aient dérapé ! Que les réformes aient été tuées dans l’œuf ! La classe moyenne n’a pas la chance de disposer, elle, de bataillons de lobbyistes capables d’inonder de cash Congrès et Maison Blanche. Il n’existe pas de lobby du rêve américain…
Vous dénoncez particulièrement la collusion entre Washington et Wall Street.
Ah, on peut dire que les grands patrons de Wall Street ont fait très fort ! Au lieu d’assiéger ou de combattre ceux qui faisaient la loi, ils les ont rejoints, investissant eux-mêmes les postes de pouvoir à Washington et intégrant les cabinets de décideurs et législateurs. Y compris l’équipe économique d’Obama !
C’est ainsi que la pensée Wall Street est devenue la pensée dominante, comme une composante génétique de nos dirigeants. Les banques ont remplacé le peuple au centre de l’univers économique. Au point que, lorsqu’elles ont été menacées de s’effondrer, le peuple des contribuables a été prié de leur porter secours de toute urgence. A coups de milliards. Et surtout : sans conditions !
Faites-vous partie des déçus d’Obama ?
Son élection restera historique. Et c’est un homme brillant. Mais il a dramatiquement sous-estimé la crise. Dans son équipe, il a pris des gens comme Larry Summers ou Tim Geithner, qui voyaient le monde avec les yeux de Wall Street et pensaient que le reste du pays suivrait si l’on sauvait Wall Street. Quelle erreur !
Ils n’ont pas compris que le problème de l’emploi est structurel, et n’ont donc pas pris les mesures adéquates. D’autre part, et contrairement à ses promesses de campagne, Obama n’a pas changé le système grâce auquel fonctionne Washington. Et je regrette son profond respect pour l’establishment. Cependant, je dois admettre qu’il n’y a pas d’alternative. Car les propositions des républicains sont carrément risibles.
Quel est le sentiment qui prévaut actuellement dans le pays ?
La peur. Peur du déclin. Peur que les emplois soient perdus pour toujours. Peur de ne plus toucher de retraite. Peur de ne plus pouvoir se soigner ou d’avoir à choisir entre payer ses médicaments ou manger. Peur de voir sa maison saisie. Peur de voir l’Amérique divisée en deux classes : les riches et tous les autres, ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. Peur enfin que le pire ne soit pas passé.
Est-ce ce qui explique la montée du Tea Party ?
La peur cède légitimement à la colère, laquelle se retourne contre le président, le parti au pouvoir, l’establishment. Il faut toujours des boucs émissaires !
Dans les années 1880, en pleine crise économique, on s’en est pris aux immigrants chinois du chemin de fer, accusés de pervertir le moral de la jeunesse, dégrader les villes, voler le travail des « vrais » Américains. Dans les années 1930, c’est aux Américains d’ascendance mexicaine qu’on s’en est pris et qu’on a déportés.
Pas étonnant qu’une paranoïa apparaisse aujourd’hui, et que les plus anxieux, excités par des démagogues de tout poil, soient prêts à croire les rumeurs les plus extravagantes et malsaines : Obama musulman, Obama communiste, Obama nazi… C’est fou, terriblement dangereux. Mais cela témoigne surtout d’une angoisse et d’une insécurité économique majeure dont il est plus que temps de prendre la mesure.
[…] – USA: tristes et inquiétantes perspectives. Blog de P. Jorion. […]
En fait nous sommes tous des chefs de gare !
http://www.youtube.com/watch?v=-TfcBDnvJp0
Cocus ?
[…] http://www.pauljorion.com/blog/?p=17783#more-17783 […]
Ben Bernanke avait évoque il y a quelques années, (avant la crise..) l’hypothèse où un plan de relance se révèlerait inefficace. « Pour forcer les gens à consommer -disait-il – il ne resterait qu’ à distribuer des dollars par poignée à tous les américains ». Et il illustrait ce propos en se disant prêt à monter dans un hélicoptère avec un sac de dollars pour les balancer au dessus de New York.
Nous y voilà ! j’attends la photo de Ben montant dans son hélico.
Une telle action mérite deux commentaires ; c’est au dessus de New York que le vol était envisagé. Encore une fois on déverserait de l’argent sur Wall Street. Toujours donner à ceux qui ont déjà !
Des dollars ordinaires seraient peut-être thésaurisés comme les milliers de milliards déjà émis et qui circulent trop peu. Il faudrait des dollars SMT, à valeur décroissante.
le besoin de l argent est le vrai besoin produit par le capitalisme,et le seul besoin qu il produit.
Nous privant d’heureux peres par son hegemonie,il nous echoue dans l’ephemere de la consom
ation.