Billet invité
A Washington, la conclusion qui vient d’être apportée aux multiples réunions et assemblées qui se sont tenues à propos de la situation monétaire internationale tient en une seule consigne : les 187 Etats membres du FMI l’ont appelé « à approfondir son travail », par la voix de son Comité monétaire et financier international, qui a conclu: « Nous avons hâte d’examiner de nouvelles analyses et propositions au cours de l’année prochaine ». Ce ne pouvait être plus maigre.
Dans la grande tradition des discussions qui n’aboutissent pas, les propositions ont fusé à propos du meilleur cadre possible pour que celles-ci aboutissent plus tard. Pour les uns le FMI, pour les autres le G20, pour les derniers le G7+1 (la Chine). Le FMI l’a emporté, qui avait la préférence des Américains puisqu’ils le contrôlent de fait.
Timothy Geithner, le secrétaire d’Etat au Trésor américain, s’est chargé de donner une explication de texte : « Le FMI doit renforcer sa surveillance des politiques de taux de change et des pratiques d’accumulation des réserves ». Il a ajouté « … une accumulation excessive de réserves à l’échelle mondiale entraîne des distorsions graves sur le système monétaire et financier international, et inhibe le processus international d’ajustement [entre les taux de change] ».
Pour mémoire, la Chine avait au 30 juin dernier les plus grandes réserves en devises du monde, soit 2.447 milliards de dollars, ce qui représente près de 30% des réserves mondiales. Mais on voit mal comment, dans le cadre de la nouvelle donne et de la croissance qu’ils connaissent, les pays émergents pourraient cesser d’accumuler des réserves. Ni comment le FMI pourrait y faire obstacle.
Les grands principes ont bien entendu été réaffirmés : « il faut retrouver les fondamentaux » a déclaré George Osborne, le ministre britannique des finances. La question est de savoir comment, dans un contexte où de plus en plus de pays interviennent pour influer sur le cours de leur monnaie, au premier rang desquels figurent les Etats-Unis, quoiqu’ils en disent. Le marché a-t-il encore son mot à dire dans ces circonstances ? Quels seraient donc les taux de change optimum, si celui-ci n’est pas en mesure de les établir ? Qui en décide alors ?
Les Chinois auront finalement fait preuve de plus de flexibilité que les Américains, à bien lire les déclarations de Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque populaire de Chine. Il exclut une réévaluation massive du yuan – « une thérapie de choc » – mais admet un processus progressif par étapes. D’autant que tous les analystes ne partagent pas l’estimation américaine d’une sous-évaluation du yuan de 20 à 40%.
En réalité, tout comme les Américains, les dirigeants chinois sont confrontés à un redoutable problème intérieur, qui leur laisse peu de marge de manoeuvre. Leurs exportations représentent 40% de leur PIB et ils ne pourraient pas brutalement réorienter leur activité économique vers le marché intérieur, sans créer une véritable crise sociale en raison de la fermeture de nombreuses usines qui en découlerait. Ils ne seraient pas davantage en mesure de réinjecter, comme ils l’ont déjà fait, une nouvelle masse de crédits via les banques pour stimuler une relance interne, alors qu’ils peinent à contrôler la bulle financière qui s’en est suivi.
Les Américains viennent pour leur part d’enregistrer d’exécrables nouvelles à propos de l’emploi : si le taux officiel de chômage est de 9,6%, le taux réel avoisine 17%. Les dernières mauvaises prévisions de croissance économique publiées par le FMI confirment par ailleurs que cette pente ne va pas pouvoir être remontée.
La Fed poursuit de son côté ses discussions internes – qui transparaissent maintenant presque ouvertement – témoignant de la grande indécision qui y règne. Celle-ci porte en premier lieu sur l’efficacité de la dernière arme dont dispose la Fed pour favoriser une relance économique, la planche à billet. Ce que le Financial Times a traduit en remarquant que la Fed « s’aventurait dans l’inconnu ».
La situation est à ce point contradictoire que l’un des effets des mesures préconisées par Tim Geithner – si elles devaient être appliquées – serait de restreindre le financement de la dette américaine grâce aux acquisitions chinoises, car leurs surplus commerciaux diminueraient. Les effets d’une réévaluation du yuan sur une hypothétique relance de l’économie américaine étant rien de moins qu’évidents par ailleurs.
Au vu de ce qui a été décidé à Washington, c’est à dire rien, tout le reste du monde n’a plus qu’à prendre son mal en patience et s’accommoder des soubresauts monétaires. Pour, sans l’ombre d’un doute, continuer de résister tant bien que mal à l’appréciation des monnaies résultant de l’affaiblissement du dollar.
Stoïques, les Européens ne s’engageront pas sur ce chemin. Officiellement en raison d’une orthodoxie qui sied si bien à la BCE – on n’intervient pas sur les marchés des changes – car elle n’en a d’ailleurs pas le mandat. Pratiquement parce qu’elle sait que cela serait en pure perte.
La machine est en marche qui dirige les pays développés vers une récession larvée, quand ils n’y sont pas déjà, et va affaiblir la croissance économique des pays émergents. Jusqu’où faudra-t-il que la situation se tende pour que le FMI aboutisse dans l’approfondissement de son travail ?
139 réponses à “L’actualité de la crise: TOUJOURS PLUS HAUT, LES ÉQUILIBRISTES!, par François Leclerc”
Je partage le point de vue de Dissonance, qui fait la part des choses. Quand on perd patience on est toujours tenté de trancher le noeud, dans certain cas l’effet obtenu est spectaculaire mais rien n’est résolu. Cela peut générer un effet boomerang aux conséquences totalement contraires à celles recherchées. Par contre, la solidarité entre les corps sociaux-économiques, est plus subtile, plus discrète et mine de rien plus efficace à moyen long terme.
De plus nécessité faisant loi, le changement va s’amorcer de façon irrémédiable. Par ce que nous n’avons pas inventé la globalisation, nous la découvrons. Le monde, l’espace temps terrestre est finit, il s’inscrit dans la vaste horloge astronomique de notre système solaire, qui en détermine les rythmes et les cycles
Nous commençons à peine à comprendre que nous sommes dans la nécessité de composer, d’ajuster car précisément tout se tient. En science médicale comme dans tous les domaines, il n’y a pas de panacée, mais un jeu de combinaisons de plusieurs facteurs. La santé, d’un corps, d’un écosystème, de l’économie, des sociétés…….de notre planète, la vie ….est le fruit d’un équilibre qu’il faut constamment rétablir, ménager, entre plusieurs facteurs, jouer avec des forces et des courants contraires.
C’est la fin d’une vision binaire du monde, des choses. Où peser le pour et le contre ne se limite plus à trancher et à choisir entre le pour et le contre mais à jouer avec les +ou- pour et les +ou- contre.
Le tout étant de poser un centre, une limite et un objectif. Une direction commune à toute l’humanité, définissant l’essentiel mais qui, dans la réalisation, se déclinera selon les cultures, les climats, le temps, les caractéristiques propre à chaque nation.
Nous en sommes la cheville ouvrière, tous. Nous sommes dans une phase de transition, une phase qui est l’aboutissement naturel et logique de notre développement mais qui nécessite pour aller plus loin que nous modifions, ajustions nos « matrices culturelles ».
La Méga difficulté provient des déséquilibres entre les niveaux de développement dans les sociétés et entre les nations. Avant d’envisager d’aller plus loin il nous faut rétablir un équilibre entre des niveaux d’équilibres sociaux économiques, écologiques. Cela demande que nous ralentissions le rythme et que nous opérions une redistributions des poids et des mesures.
Dans la « globalisation » les intérêts des « grands » et des « petits » sont étroitement liés. Un développement à marche forcée amènera à l’implosion des ensembles et à une remise en cause de tous les « progrès. L’humanité toute entière marche sur des oeufs.
Ainsi que le dit Paul Jorion ce blog est la face immergée de l’iceberg. Au fur et à mesure qu’un tissu économique et sociale se délite, un autre se constitue par une multitude de réseaux associatifs, économiques… Qui bien qu’étant pour beaucoup, dans l’ignorance de l’existence les uns des autres travaillent dans la même direction.
Ce blog et les apports des uns et des autres contribuent à faire des liens entre ces réseaux par l’information.
Donc……on continue. Tout en se ménageant…..n’est ce pas ?!
Une Dissonance bien placée rompt le discours tout en s’inscrivant dans l’harmonie d’une phrase musicale.
Une dernière chose:
ce que sont nos élites dans tous cela ?
Rien d’autre que le pur produit d’une « matrice culturelle » datant du 19e et du 20e siècle, se croyant libérales et modernes et ayant dépassé le stade de la maturité.
Récession « larvée » ça dépend pour qui… les larves sont anodines jusqu’au jour où c’est le droit des asticots qui prend le dessus.
« L’intellectualité est en elle-même un mode d’exagération, et détruit l’harmonie de n’importe quelle face. Au moment où l’on s’asseoit pour penser, on devient tout nez, ou tout front, ou quelque chose d’horrible. Voyez les hommes ayant réussi dans une profession savante, combien ils sont parfaitement hideux! Excepté, naturellement, dans l’Église. Mais dans l’Église, ils ne pensent point. Un évèque dit à l’âge de quatre-vingts ans ce qu’on lui apprit à dire à dix-huit et la conséquence naturelle en est qu’il a toujours l’air charmant. »
(Dorian Grey)
Et dans l’église libérale c’est la même chose. Si je pouvais je leur fracasserais ce portrait sur le crâne;
Bien, l’avantage de cette crise, reconnaissons-le, c’est qu’elle réveille l’Humanité de son sommeil dogmatique, et qu’enfin des questions de sens refont surface. Des questions tellement profondes que, si je les énonçaient correctement le monde s’arrêterait de tourner complètement ou sauterait de sa trajectoire…
Résoudre le problème financier est le plus petit des problèmes qui nous attend, disons le premier gardien de la porte du domaine, celui avec des puces dans la barbe.
Puisque pour une fois le problème de la finitude émerge dans le monde, chacun est confronté à sa propre finitude qu’il prend en plein visage, cachée qu’elle était avant dans une sorte de coma, de déni de la réalité. Cette crise nous plonge tous dans la réalité et si l’on peut dire, ça n’a jamais été plus réel que maintenant. Tout apparaît dans une lumière crue et vraie. Il est interdit de rêver.
Le 21 s ne sera pas spirituel. Malraux récolte ainsi la palme de l’erreur du siècle précédent. Dévoilant pas la même occasion le climat de rêve qui y régnait, en passant de la DS Citroen aux lambris de la Présidence.
L’URSS catalysait le mal en quelques sortes. Elle incarnait le danger, la peur avait un visage, l’autre était tangible, et le mal mis à distance ainsi. Aujourd’hui non.
@ Simplesanstête
Il faut tout de même distinguer la responsabilité de petit chef d’entreprise de notre vie qui est la condition de l’homme moderne et plus encore celle de nos contemporains, de la responsabilité qui découle de la découverte qu’il existe un lien solidaire entre la vie de chacun et celle de tous les autres humains. Les problèmes auxquels sont confrontés les humains ayant pris une dimension universelle.
Ce dont tu parles c’est de la responsabilité du premier type. Le facteur religieux y a très certainement un rôle, et même sans doute plus important que nous voulons le croire généralement, mais il n’est pas le seul car sinon comment expliquer qu’à certaines époques, le sentiment de culpabilité ait reflué, notamment dans les périodes de crise ou de grande transformation sociale ? Et pourtant le contexte général restait judéo-chrétien. D’autre part je ne suis pas certain que la culpabilité liée à l’incapacité de se montrer à la hauteur dans une société qui exige de chacun de se montrer performant soit de même nature que celle inspirée par la crainte de Dieu. La société de la performance est très certainement un produit de l’évolution de la civilisation judéo-chrétienne mais il n’y subsiste plus rien de l’esprit religieux, par esprit religieux j’entends la recherche du lien qui passe par un questionnement du dogme. Il y a toute une tradition chrétienne qui n’oppose pas foi et raison.
« l’autarcie de la cellule individuelle » est aujourd’hui un impératif que les contraintes mécaniques du système économique suffisent à expliquer. C’est d’ailleurs une des grandes faiblesses du système actuel : faute d’esprit il tourne à vide. Les gesticulations d’un Sarkozy devant le pape sont trop ridicules pour être prises pour une manifestation de l’esprit, et vice et versa.
Qu’on ne se méprenne pas je ne suis pas en train de prôner le réarmement moral, l’esprit ne se décrète pas. Il souffle. Il souffle quand l’adhérence à un modèle que l’on identifiait au Réel commence à faire défaut. Bref on lâche prise, on est alors disposé à appréhender le monde à partir de nouvelles prémisses. On se met à faire de nouveaux syllogismes. Et qui dit syllogisme dit non équivalence. Ainsi au regard du changement, le politique, le religieux, l’économique, l’écologique, ou le scientifique, ne sont pas tous affectés d’un poids toujours identique, ni ne sont causes les uns des autres dans un ordre immuable.
La domination du capital a inauguré l’ère du calcul égoiste.
C’est une dimension de la crise de civilisation en cours:
destruction des être humains, de la planète.
Crise des valeurs bourgeoises.
@ Lisztfr dit : 11 octobre 2010 à 00:23
« Le 21 s ne sera pas spirituel. Malraux récolte ainsi la palme de l’erreur du siècle précédent. » dites-vous.
Etes-vous bien fidèle à la pensée de Malraux en vous exprimant ainsi ?
Ne l’a-t-il pas exprimée sous la forme d’une alternative : « Le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas » ?
En excluant d’emblée pour le 21ème siècle la possibilité d’exister par le spirituel, n’est-ce pas vous qui êtes dans l’erreur et qui tirez trop vite la conclusion avant même la fin de la représentation. ? Vous voulez faire tomber le rideau alors que les acteurs sont encore là, bien décidés à continuer pour faire vivre leur art et à en jouir, tout en enchantant leurs semblables.
Certes, les planches de la scène, simples supports matériels, donnent l’impression de se dérober sous leurs pieds. Mais attention, pour l’essentiel les décors tiennent encore, bien accrochés aux suspentes. Ne vous trompez pas, soyez lucide. Même si vous croyez qu’elles descendent du ciel, songez aux poulies aux cordes, aux renvois que le génie des hommes permet d’animer.
Car ce sont les hommes et non les dieux qui imaginent, ce sont eux qui créeront leur avenir même si en ce moment ils sont en manque d’auteurs et de metteurs en scène. En fait il y a profusion de créateurs potentiels qui se neutralisent mutuellement mais qui, lorsqu’ils auront trouvé le moyen de se mettre en phase livreront au monde une œuvre collective.
Ils l’appelleront probablement espoir et ne sera peut-être visible que dans notre esprit, l’essentiel est qu’il subsiste.
Monsieur Tomate, tout a fait d’accord avec vous et merci de pas vous occupez de la tête de l’employé qui gère votre compte. Si l’on retient l’hypothèse plausible d’un écroulement du capitalisme…. le système bancaire fera forcément de même.
On devrait certainement relire l’ histoire des banques par exemple lors de la révolution française, elles avaient quasiment disparues et elles sont réapparues avec Napoléon. Est ce parce qu’elles avaient disparues que les hommes se portaient plus mal ? au contraire les hommes s’occupaient à bâtir un nouveau monde – la vie est furieusement idéaliste – dont on parle encore. Et en 1968 que s’est-il passé a ce sujet?….les employés de banques étaient en grève occupés encore comme leurs prédécesseurs à bâtir un nouveau monde dont on parle encore ( pour l’instant pour le dénigrer… N’imorte comment et pour rassurer les oppositions, les révolutions quand elles échouent sont très bénéfiques pour…… les banquiers. Après 68 par exemple l’on ne voit qu’eux et la Banque de France date de Napoléon.
@ Charles A. dit : 12 octobre 2010 à 03:45
Une petite chose pour chagriner nos belles banques : tout payer en liquide ou au maximum