Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Je regardais hier les chiffres de fréquentation du blog : 364.000 visites en mai, 235.000 en septembre. Ma vidéo du vendredi : « Le temps qu’il fait », du 7 mai a été vue par 13.000 personnes, celle de vendredi dernier par 4.000. Et je me dis : « Nous sommes en train d’échouer dans quelque chose que nous voulions entreprendre ».
Hier dans la nuit, je lis dans Le Monde, un article intitulé : « La Grèce, « porte d’entrée » de la Chine en Europe ». Et je vais me coucher. Et au réveil, j’ai cette image qui me vient : celle que j’ai mise en titre : de l’adolescent qui a fait une connerie, et que son père vient chercher au poste de police.
Automne 2008 : le système financier américain s’effondre aux États-Unis. Leurs dirigeants sont désemparés. Les Chinois doivent les rassurer : ils ne se débarrasseront pas de la dette américaine qu’ils détiennent en quantité faramineuse. La situation catastrophique des Government-Sponsored Entities, Fannie Mae et Freddie Mac, susceptible de déstabiliser le pays tout entier, est provisoirement résolue non pas par des conversations à Washington mais par des coups de téléphone entre Pékin et Washington, où les Américains écoutent et prennent des notes. Printemps 2010 : la zone euro va exploser d’un instant à l’autre, un coup d’arrêt est donné au pourrissement de la situation quand on déclare en Chine que les fonds souverains continueront à diversifier leurs avoirs entre un panier de devises représentant les différentes puissances économiques. Il y a quelques jours, c’est la Grèce, dont la situation était jusque-là désespérée – ou le serait en tout cas dans trois ans – qui est sauvée d’affaire par la Chine. Demain, ce sera l’Irlande, et après-demain, l’Espagne, et le jour suivant : nous tous.
Au plus fort de la crise, nous nous sommes dits : « Un système s’effondre, nous allons rebâtir ! » Et qu’est-ce qui s’est passé ? Aux États-Unis, on s’attendait à ce qu’Obama mette à la tête de l’économie Joseph Stiglitz ou Paul Krugman. À la place, on a eu Larry Summers, un personnage dont j’ai brossé le portrait récemment, qui avant même sa nomination avait déjà acquis la réputation d’économiste le plus calamiteux de toute l’histoire des États-Unis. En Europe, on a confié le soin de réparer aux responsables de la crise. J’ai rapporté ici ma déposition devant la commission du Parlement européen qui enquête sur les causes de la crise : nous étions huit, et je me demandais ce que je faisais là aux côtés de sept apparatchiks de banque ou de gouvernement, ânonnant la com de leur organisation. Les décisions sur les hedge funds européens ont été ajournées pour permettre à Mr. Gordon Brown d’essayer de gagner des élections parlementaires perdues d’avance, et l’aide à la Grèce a été retardée de plusieurs mois pour permettre à Mme Merkel d’essayer de gagner des élections régionales perdues d’avance. En Occident, Europe et États-Unis confondus, il n’est pas nécessaire de nous infantiliser : nous faisons cela très bien nous-mêmes.
Nous ici, sur le blog, nous avions dit : « C’est à nous de résoudre nos problèmes, c’est à nous de prendre les choses en main ! » Mais à quoi bon, la Chine veille, la Chine dans le rôle du père de famille responsable, qui vient chercher au commissariat son fils qui accumule les conneries. Et qui a plusieurs fils aussi stupides. Et qui ne dit rien, en espérant qu’ils apprendront.
La Chine a sauvé la Grèce. Tant mieux pour elle. Mais je ne sais pas, ce matin je me sens vieux.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
514 réponses à “L’ado que son paternel va chercher au commissariat”
485, au fait, vous disiez ?
Je disais 525.
« КраÑота ÑпаÑÑ‘Ñ‚ мир » ДоÑтоевÑкий
« La beauté sauvera le monde » Dostoievsky
Il faut méditer là-dedans.
Beauty is truth, truht beauty, – that is all
Ye know on earth, and all ye need to know.
(Le beau est le vrai, le vrai est le beau,- c’est là tout
ce que sur terre nous savons, et tout ce que nous avons besoin de savoir.)
(Keats. Ode on a Grecian Urn)
Rien ne peut recommencer là où la beauté a échoué.
(Guido Ceronetti. La patience du brûlé)
Spem in alium, de Thomas Tallis (1505-1585)
http://www.youtube.com/watch?v=CT8vmrWhBvM
http://fr.wikipedia.org/wiki/Spem_in_alium
à Pablo75
Merci de me faire découvrir et partager ce qui pour vous est une nourriture : à mon tour, je goûte et j’apprécie ces belles choses.
Ce soir, je ne vais pas me coucher tard. Depuis plusieurs jours j’essaie de terminer une peinture. Ça me demande beaucoup d’énergie et de concentration : les mots ne sont pas là pour dire combien c’est difficile de sortir un peu de vie, du plus profond de soi, jusqu’au papier. Avec le bras sismographe enregistrant la moindre des variations internes, puis la main en danseuse – son jeu. Ce n’est pas mécanique. Toutes les tensions des derniers mois resurgissent en formes, couleurs, et joies de l’invention. Ah, j’oubliais, l’imagination est un puissant levier pour digérer le monde.
Cordialement
« En dessin, il faut que la main traçant le contour domine deux pressions contraires: celle, extérieure, qui prétend comprimer l’expansion des formes, et celle, explosive, qui part du noyaux central et gonfle les volumes. Toute l’intensité du dessin est dans ce combat, où la forme doit être sans cesse, et difficilement, victorieuse. »
(Le peintre Edouard Mac’Avoy -1905/1991- dans son journal « Le plus clair de mon temps ». Ed. Ramsay, 1988)
Un très beau papier ou la Poésie adoucit un quotidien de plus en plus terne.
Merci pour ce travail formidable que vous nous restituez avec cette humanité qui fait chaud au coeur.
Cher Paul…..et les autres
Baisse de régime,baisse de moral? Votre optimisme constitutionnel est un bien précieux. Au delà de l’analyse,pour soutenir l ‘espoir nous avons besoin ,si nous ne voulons pas succomber à l’illusion du grand soir,
de pouvoir imaginer une perspective qui se garderait d’etre trop mythique et pourrait prendre forme de projet
que viendrait nourrir nos envies de changement,de justice……..etc ….sachant bien que l’homme restera toujours un loup pour l’homme.
S’il veut eviter de faire parler la poudre dans le rapport de force auquel il est soumis par la caste dominante,le citoyen ne peut trouver sa force que dans le nombre.Pour unir nos forces pour mobiliser les dominés ,nous avons besoin de bannières voire de slogans qui ouvrent des perspectives d’avenir :et nous savons bien que leur mise en travail est indispensable à la confrontation au réel.
Sachant les echecs porteurs de plus d’enseignements que les succès je propose que soient ouverts sur ce blog plusieurs ateliers qui reprennent des notions déja rencontrées ici.Par exemple :
Nationalisation des banques , jusqu’ou? Faisabilité,limites ,effets pervers.
Mise en place du Bancor Consequences globales,consequences locales.Obstacles actuels.
Monnaies fondantes,liens avec le bancor,pourquoi l’echec des expériences mises en place?
Etc……
La réforme ne sera jamais que cosmétique. De tout temps l’argent a su pervertir le législateur. Il ne reste plus au citoyen tant que persiste un zeste de démocratie,que l’établissement d’un rapport de force inverse.
Pour faire MASSE nous avons besoin d’outils,de projets fédérateurs aussi imparfaits aussi fragiles soient ils au départ,avant leur confrontation au réel.
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Si tout le monde pouvait témoigner de façon intelligente, sereine, calme, sans mots qui ne veulent rien dire, mots laids, hors de propos, trop compliqués, ce serait tout simplement bien.
Et puis il y a le respect.
Et puis, j’ouvre ce livre, écrit en 1802, « Le génie du Christianisme » de Chateaubriand à la page 14:
Il est temps qu’on sache enfin à quoi se réduisent ces reproches d’absurdité, de grossièreté, de petitesse, qu’on fait tous les jours au christianisme; il est temps de montrer que, loin de rapetisser la pensée, il se prête merveilleusement aux élans de l’âme, et peut enchanter l’esprit aussi divinement que les dieux de Virgile et d’Homère. Nos raisons auront du moins cet avantage qu’elles seront à la portée de tout le monde, et qu’il ne faudra qu’un bon sens pour en juger. On néglige peut-être un peu trop, dans les ouvrages de ce genre, de parler la langue de ses lecteurs: il faut être docteur avec le docteur, et poète avec le poète. Dieu ne défend pas les routes fleuries quand elles servent à revenir à lui, et ce n’est pas toujours par les sentiers rudes et sublimes de la montagne que la brebis égarée retourne au bercail.
J’aime l’idée de co-naissance. Celle de naissance dans co-naissance est très jolie. Celle de enceinte dans s’imprégner est aussi riche que la précédente. Celle des ex-pères est aussi excellente. J’ai toujours lu votre pseudonyme simple sans tête. Maintenant, j’ai vu simple cent têtes.
Vous avez une idée. Je pense voir dans quelle direction elle peut être découverte. Pour faire un pas dans cette direction, je dirais que si je connais une personne, je connais une réalité. Si j’en connais 100, j’en connais non pas 100 mais une beaucoup plus grande. Chaque rencontre devient une semence en moi dont je peux m’imprégner pour vivre un enrichissement de cette réalité. Je pourrais considérer les contradictions qu’elle contient comme des approches différentes du même sujet. Ces contradictions me mènent directement au LIVRE.
Quant au LIVRE, j’en connais un qui porte sa dose de culpabilité. Il s’écrit toujours avec une majuscule pour chaque croyant. Il a été capturé par des ex-pères. Il a été transformé en une machine qui tourne en rond. À ce titre, il est devenu coupable. Coupable de tourner en rond, coupable de faire tourner en ronds, coupable de sécheresse humaine, coupable de refuser la réalité aux hommes.
Selon un ami, cette opération vient de la lecture d’Averoes et Avicennes par des professeurs de la Sorbonne, envieux du poste d’un certain Thomas d’Aquin. Aristote et la scolastique en sont morts. Dieu est devenu un truc inaccessible, invisible auquel seul la soumission sied. C’est l’attitude fidéiste dont Averroes et Avicennes sont deux représentants.
J’ignore si je vous ai compris. Dans tous les cas, j’ai là une idée, une très bonne idée.
Merci.
Cette idée me plaît. J’ignore si je peux en dire quelque chose. Elle ne va ni dans les discours, ni dans les théories, ni dans les raisonnements. Elle ne donne qu’une piste, une trace. Elle est un pari vers la rencontre. J’ignore si cela va donner quelque chose.
Elle a l’énorme inconvénient de ne pas créer de savoir asymétrique. Cela l’exclut du discours en général. Dommage. Est-ce que cela pourra être surmonté ? Est-ce que c’est un obstacle ?