Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Les expressions ont une histoire et, tout comme chacun de nous si l’on en croit le pop-artist Andy Warhol, elles ont au moins un jour, leur cinq minutes de célébrité. Vous avez donc dû noter cette semaine, la montée en puissance de « contre toute attente ». Tous les mauvais chiffres l’ont été en effet « contre toute attente ».
« Contre toute attente » de qui, vous demanderez-vous, eh bien, contre toute attente des économistes consultés par les agences de presse. Les économistes ne s’étaient pas montrés particulièrement perspicaces à voir venir la crise. Ils ne l’ont pas été davantage à l’interpréter. Et les choses ne s’arrangent guère apparemment, qu’il s’agisse des chiffres du chômage qui se détériorent « contre toute attente » aux États-Unis, de la croissance au Royaume-Uni qui plonge elle aussi « contre toute attente », du ralentissement « contre toute attente » de l’expansion en Chine, etc. etc.
Les analystes ont été nombreux, de Joseph Stiglitz à Nouriel Roubini, en passant par John Mauldin et par votre serviteur, à annoncer dès l’année dernière le « double dip », le double plongeon ou l’évolution en « W » de la situation économique, à venir pour cette année. Qu’importe : sa concrétisation a lieu « contre toute attente ». Beau temps pour les prophètes en effet : la pratique de leur métier s’avère de moins en moins difficile.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
56 réponses à “« Contre toute attente »”
un autre:
« contre toute attente » … en depit de cette crise, rien ne va changer.
Ni regulation, ni changement economique, ni revolution.
n’en deplaise a beaucoup et pour le grand bonheur de quelques uns.
Les faits sont tout de même de mauvaises foi! 🙂
J’aurai une interprétation moins charitable à propos de l’impressionnante émergence du contre tout attente.
De nombreuses analyses lues ici ou là reposent sur des têtes d’épingle et sont régulièrement démenties ensuite par les faits. Le contre tout attente est une formule convenue permettant de dire que l’on s’est trompé sans le reconnaître. Et d’en escamoter la raison.
Dans le même ordre d’idée, la mode s’est instaurée de ne plus comparer une donnée économique ou financière avec les précédentes, mais avec le chiffre prévisionnel des analystes, qui sont démentis contre toute attente !
On patauge dans la confusion la plus totale.
tout a fait d’accord avec vous M Leclerc.
Cependant si nos economistes et gouvernants avaient fait reference plus souvent a la crise de 1929, ils auraient du admettre qu’il faudrait/aurait fallu:
(i): ne pas renflouer les banques histoire de ne pas grever encore plus l’economie reelle
(ii): separer au sein des banques les activites de depot et celles d’investissement pour proteger, autant que faire se peut, la veuve et l’orphelin
(iii) reglementer le systeme financier pour qu’une telle chose ne se reproduis pas
…. comme l’avant fait, a juste titre, le gouvernement americain de l’epoque.
Je dirais ‘prophéties auto-non-réalisatrices’. Les ‘prophètes’ en question (les économistes) énoncent des prophéties, dont ils savent pour les plus clairvoyants qu’elles ne le sont pas (mais ne peuvent s’en empêcher car ils ne savent faire que cela), dont ils espèrent que le seul fait de les énoncer les fera advenir. Or, c’est l’inverse qui advient : le seul fait de les énoncer produit l’inverse de ce qui était escompter.
Mais, comme le joueur de dé face au hasard, ils continuent à lancer les dés de la prophétie, en attendant qu’un jour les leurs soient enfin vérifiées. Question de patience. A un moment ou un autre …
Reposent sur des têtes d’épingle ou sont émises par des »têtes d’épingles » ?
@ zébu Comme disent les Shadoks :
En essayant continuellement on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche.
Interprétation très juste, monsieur Leclerc, mais qui n’épuise pas le sujet. On peut ajouter que cette formule « certifie » a posteriori les prévisions concernées. Ainsi que leurs auteurs, bien sûr, de sorte que ceux qui avaient fait des prévisions contraires mais justes ne gagnent pas un pouième de crédibilité.
Personnellement, je n’irais pas jusqu’à croire qu’ils se sont trompés ! J’ai, en ce qui me concerne, plutôt l’impression qu’ils font « comme tout le monde » : ils font du politiquement correct.
Il convient d’être optimiste, positif et de ne pas être un oiseau de malheur.
Si le malheur arrive, ce ne sera pas eux qui l’ont souhaité ou promis. Non, ils ne pensaient pas que le monde était aussi mauvais ! Et puis, il faut que les gens aient confiance et consomment ! Quelle stupidité ? Encourager les cigales ! Tout est sottise !
Beau temps pour les prophètes en effet : la pratique de leur métier s’avère de moins en moins difficile.
Ne serait-ce pas surtout que les non-prophètes, les besogneux de la prévision à trois balles, les officiels universitairement bardés (de certitudes), les « experts » télévisuels patentés, les vendus au système financier et autres commentateurs amateurs sont sourds comme des pots, aveugles, autistes et tellement bouffis de leur importance qu’ils ne comprennent plus rien et qu’ils voient leur « little business » s’étioler, se rabougrir, tendre vers zéro…ça sent le sapin.
@ alainloréal,
Bonjour.
Merci pour le lien de l’article de Mr Godard.
Le déni, donc, celui des niches -fiscales- de chiens assez gras pour gronder et montrer les crocs à qui s’approche de leurs os-suaires de la peur sclérotique d’inégalités insupportées.
Les « galeux » vivent de plus près l’énigmatique superposition des peurs systémiques, l’équilibre entre peur individuelle du changement et celle du comment tenir constituent une vague de tension sociale, tsunami répliquant au tremblements souterrains du monde financier…
Les berges ensoleillées du mythe de la démesure accusent un atterrissage cauchemardesque de leurs contes, déni et mensonges s’accumulent comme vaines digues, gigues politiques impuissantes explorant les extrêmes franges des plus redoutables horreurs historiques…mamma mia.
Les hommes politiques grecs doivent se déplacer en voiture banalisées et évitent les lieux publics où même la ménagère les interpelle de sa vindicte quand ils n’en sont pas rendus à s’enfermer dans les toilettes de restaurants pour attendre la délivrance – du service d’ordre -.
Autour du parlement grec les automobilistes bombardent les oreilles de leurs représentants élus de coups -de klaxon- incessants, dérisoire sans doute…ou pas
A la veille de la crise des subprimes, les « intérêts » des pétro-dollars avertis, purent déplacer in extremis leurs placements et limiter la casse, un si bon client se ménage, une mosquée à deux pas de ground zero pour rassurer les enfants du prophète et qu’ils restent sages..
Quand BP a une fuite malencontreuse…Goldman Sachs a comme par magie le temps de liquider ses investissements avant que le « marché » ne pilonne cette « valeur » devenue -temporairement du moins- nauséabonde, mais bien sûr son ancien pdg (de BP) dirigeant actuel de GS faisant le « travail de dieu », nul doute que seule une inspiration divine lui aura évité ce désagréable faux pas d’investisseur avisé..
La russie -très peu de dettes, quel anachronisme!- fait quelques effets de manchettes, et hop le blé s’envole de 80% en deux semaines, déplaçant le terrain de jeu de l’hyper spéculation, crochet au foie de la faim?
Enfin, des comme cela, il y a pléthore, comme de chômeurs en quête de sens et de valeur, valeurs difficiles sur le « marché du travail », côté pôle emploi on s’emploie à vous sortir des statistiques, côté employeur l’aumône d’un job doit susciter un enthousiasme digne de la découverte du saint-graal..
Qui défaille où importe peu sans doute, tous ces défaillances sont les symptômes congués de la faillite multidirectionnelle qui secoue individus et groupes
Quand médias et politiques s’insultent d’adjectifs pétainistes et consorts, le doux feutre du JT se craquèle, mais où on habite?
La liberté d’expression, de questionnement, d’interpellation, deviennent des espaces de plus en plus incongrus dans une sphère folle, où le correct -strict- est tant de mise que le radical ou le conspirateur apparaissent au plus petit écart, crispation significative des « temps », exit l’humour, la tolérance, enfin les garde-fous de la violence, qui s’installe inexorablement.
A qui profite le crime, qui bono, ou quid du petit manuel de survie en situation de détresse.
Petit hommage aux grecs, en forme de clin d’oeil affectueux:
http://www.locusdanielis.eu/CAGrecCa.html#2.2._Lhomme_est_un_zoon_politikon
Et « envers et contre tout » on continue dans le même système, « comme nous pouvions l’attendre » de la bétise des financiers et des politiques au pouvoir.
Mon attente, c’est une économie écologique, c’est-à-dire une économie de l’économie d’énergie, qui ne peut pas concentrer le capital car les choses se font au maximum localement.
Cette économie est la seule capable de remettre la finance à la petite place qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
Désormais, c’est d’ailleurs le seul type d’économie qui reste possible, crise des ressources naturelles oblige.
Bien sûr, c’est une économie qui a des règles strictes ; pour changer.
[…] This post was mentioned on Twitter by Denis Fruneau, Éric Chwaliszewski. Éric Chwaliszewski said: Blog de Paul Jorion » Archives du blog » « Contre toute attente » – http://goo.gl/cetW #DoubleDip […]
Pathétique communiqué de l’Europe devant la Grèce qui s’écroule chaque jour un peu plus
L’Union européenne applaudit les progrès de la Grèce
jeudi 19 août 2010, 22:12
La Commission européenne a recommandé jeudi l’approbation d’une nouvelle tranche de 9 milliards d’euros de prêts à la Grèce, jugeant « impressionnants » les efforts du gouvernement d’Athènes pour réduire la dépense publique. Sur ces 9 milliards, 6,5 seront fournis par les 16 pays de la zone euro, le reste étant apporté par le Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre du plan de sauvetage triennal de 110 milliards d’euros. Le déblocage des fonds nécessite le feu vert des gouvernements de la zone euro. Selon la Commission européenne, le déficit budgétaire grec a reculé de 46 % au premier semestre 2010, ce qui est plus que prévu, et « les progrès de la réforme
lesoir.be
Contre toute attente, Paul Jorion ministre de l’Économie en 2012…
excellent 8)
svp, arrêtez de donner dans la « guimauve », çà en devient franchement lourd !
merci
En Belgique s’il vous plait 🙂
@glissade L’humour est un état d’esprit ; désolée si vous vous êtes levé du pied gauche.
Certain Fou poursuivait à coups de pierre un Sage.
Le Sage se retourne et lui dit : Mon ami,
C’est fort bien fait à toi ; reçois cet écu-ci :
Tu fatigues assez pour gagner davantage.
Toute peine, dit-on, est digne de loyer.
Vois cet homme qui passe ; il a de quoi payer.
Adresse-lui tes dons, ils auront leur salaire.
Amorcé par le gain, notre Fou s’en va faire
Même insulte à l’autre Bourgeois.
On ne le paya pas en argent cette fois.
Maint estafier accourt ; on vous happe notre homme,
On vous l’échine, on vous l’assomme.
Auprès des Rois il est de pareils fous :
A vos dépens ils font rire le Maître.
Pour réprimer leur babil, irez-vous
Les maltraiter ? Vous n’êtes pas peut-être
Assez puissant. Il faut les engager
A s’adresser à qui peut se venger.
Jean de la Fontaine, Livre XII.
Souvent pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!
Le poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (Albatros)
Le scénario en « W » reste encore à prouver, vu qu’un ralentissement au second trimestre des Etats-Unis et du Japon et une accélaration en Europe ne constituent pas vraiment la fin du monde. Il est trop tôt pour se prononcer définitivement sur le reste de l’année, et deux mauvais mois consécutifs ne signalent pas forcément l’inversement d’une tendance.
Les chiffres mauvais « contre toute attente » sont en effet comparés aux chiffres prévisionnels des analystes du secteur privé, et non à l’hypothétique détérioration annoncée Stiglitz (qui ne publie pas de prévisions mensuelles / trimestrielles à ma connaissance puisqu’il est dans le secteur académique). Roubini quant à lui a subtilement changé son discours et parle maintenant de « risks of double-dip ».
>julien
Une accélération en Europe?
Tirée par quoi sur le moyen terme?
Et puis êtes vous sur de cette accélération
La plupart des statistiques économiques sont entachées d’une barre d’erreur de l’ordre de 1%…
contre toute attente, et malgré nos falsifications des statistiques, le déclin de l’empire du « marché » décline. Contre toute attente, il va falloir fissa penser à notre avenir…
Et c’est sans attente que je prends en compte le temps qu’il va me falloir pour trouver le nouveau code de la serrure. Contre toute attente, on me l’a changer sans rien me dire. ha si, pardon, tu nous avais averti Paul;
ça ne serait pas si dramatique pour nos jeunes générations que j’en rirais presque.
Bonne soirée Paul.
Quelqu’un vous aurait-il dit qu’on peut dépenser sans compter quand tout va bien ? Je n’ai pas été éduqué dans cette idée. La cigale et la fourmi.
Contre toute attente, même les suisses ont des difficultés financières …
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/78e2db70-ab08-11df-b796-2c20580eba46/Le_Conseil_fédéral_propose_de_porter_lintérêt_moratoire_à_10_mais_épargne_les_consommateurs
Matterhorn’s von Greyerz Explains Why The Apocalypse Is Nigh
http://www.zerohedge.com/article/matterhorns-von-greyerz-explains-why-apocalypse-nigh
Le Casino des âmes
Lorsque l’incident survint, je me promenais sur le grand ponton de la station balnéaire qui s’avançait courageusement dans la baltique avec ses jambes de bois. J’étais arrivé presque au bout et je contemplais les plages de sable blanc à l’orée d’une forêt de grands arbres verts. Il était midi et l’air brûlant se consumait comme du gaz. Soudain, un cri et une chute. L’homme fut un simple trait qui apparut furtivement entre une fenêtre du 6ème étage et la terrasse du Grand Hôtel. Tous les promeneurs s’étaient figés, frappés de stupeur. Seule la mer continuait d’étendre calmement ses draps d’écume.
Non loin de là, je louais une petite demeure construite à la fin du siècle dernier, quand la station brillait à travers toute l’Europe et attirait encore les personnages les plus fortunés et les plus excentriques. Depuis lors, une certaine élite continue de s’y rendre pour y respirer l’air vivifiant de la baltique pendant l’été, mais sa splendeur d’antan semble s’effriter comme les peintures des murs de l’établissement des bains. Cette nuit, je ne pouvais m’endormir. Je repensais sans cesse à l’homme qui avait chuté. Etait-ce un suicide ? Je me levai et observai par la fenêtre le Grand Hôtel au loin. Sa masse blanche se détachait dans l’obscurité et ses toits pointus découpaient la pleine lune. L’architecture de l’immense bâtisse avec son corps central et ses deux ailes parfaitement alignées s’inscrivait dans la haute tradition prussienne, solide et sévère. On imagine aisément l’hôtel se tenir fièrement au même endroit dans mille ans ! Pourtant je ne pouvais m’empêcher de me demander ce que contenait le ventre du monstre, ce qui se tramait derrière ses murs épais. La vision d’innombrables boyaux sombres qui étaient autant de couloirs et de passages me mit mal à l’aise. Poussé par une curiosité sans doute un peu morbide, je m’habillai et me rendit à l’hôtel. Je n’habitais qu’à une vingtaine de minutes à pied.
L’entrée du Grand Hôtel devenait durant la haute saison la scène d’un somptueux ballet de belles carrosseries. Les portiers apparaissaient par dizaines et accourraient auprès des voitures, se courbant autant que possible quand les clients posaient le pied à terre. Le hall ressemblait à une chapelle baroque dont les marbres de toutes des origines dessinaient des motifs floraux. J’arrivai au comptoir de la réception quand une jeune et souriante demoiselle m’adressa la parole.
– Bonjour M. Gavrilenkov, que puis-je faire pour vous ? Désirez-vous une chambre, Désirez-vous jouer ? Ou bien, désirez-vous tout simplement ?
– Excusez-moi Mademoiselle, mais comment connaissez-vous mon nom ? Je ne suis jamais venu ici ! Répondais-je, très surpris.
– M. Gavrilenkov, nous connaissons parfaitement tous nos clients. Ceux qui sont présents, ceux qui le sont potentiellement, ainsi que ceux que ne le sont plus ! affirma-t-elle avec le même large sourire qui s’étendait jusqu’aux oreilles.
– Je ne comprends pas très bien, mais soit, je souhaite prendre un verre au bar de la terrasse.
– Mais je vous en prie ! C’est à l’étage en dessous.
Le bar en question était si enfumé que je distinguais à peine les silhouettes de la clientèle. Tous portaient à leur bouche un élégant porte-cigarette qui, sans doute, leur permettait de se démarquer socialement. Ils en tiraient et expiraient ensuite des volutes de fumées qui circulaient entre les colonnes art-nouveau et les velours des banquettes. Je sortis rapidement sur la terrasse pour prendre l’air. La brise marine vint en effet caresser mon visage et les discussions apaisées entre les clients suivaient harmonieusement le rythme des vagues toutes proches. Je m’assis à une petite table ronde et commandai un verre de vin blanc. Aussitôt, un inconnu de la table voisine me lança :
– Vous n’avez pas l’air dans votre assiette cher Monsieur. Tout va bien ?
– Tout va très bien merci.
L’homme avait une cinquantaine d’année, une longue barbe très soignée dont les reflets gris trahissaient son âge et des yeux bleus qui scintillaient à la lueur provenant du bar. Il portait un chapeau en feutre très fin. La main peignant machinalement sa barbe, il commanda un whisky.
– le plus cher ! Susurra t-il au garçon. Sérieusement, vous n’avez pas l’air bien, vous devriez vous relaxer. Il me semble que c’est d’ailleurs l’endroit idéal.
L’homme était visiblement décidé à converser avec moi. Il existe tant d’âmes esseulées dans les cafés et les rues qui vous adressent spontanément la parole et recherchent en vous un ami qu’on « loue » le temps de quelques phrases, qui partage les mêmes soucis. Ou peut-être ne recherchent-ils que le miroir de leurs propres angoisses. Bientôt, je n’opposai plus de résistance.
– Vous percevez en moi un certain mal-être. Je vous assure que je vais très bien. Mais je vous avoue que j’étais en train de penser au terrible incident de la journée.
– Un terrible incident, mais de quoi diable parlez-vous ?
– Du suicide évidemment ! De l’homme qui s’est jeté d’une fenêtre aux alentours de midi aujourd’hui.
– Un suicide ? Voyons, quelle bien curieuse idée. Tout le monde s’envoie tout le temps en l’air ici, et autant qu’ils le peuvent ! Ils sont déjà aux anges ! Nul besoin d’un suicide ! Ma foi, vous me faites bien rire Monsieur.
L’homme se pencha et fit signe de se rapprocher comme pour me confier un secret.
– Entre nous, vous devriez vous inscrire aux jeux, tout client qui s’inscrit avant la fin de cette semaine reçoit une somme confortable – en jeton bien entendu – et peut se rendre au casino afin d’y faire fortune ! Je vous en supplie, suivez mon conseil ! Vous me semblez bien sympathique et vous devriez chasser les idées noires qui vous turlupinent ! Il n’y rien de tel que les jeux à cet effet, demandez à Dostoïevski ! Quel est votre nom cher ami ?
– Je m’appelle Gregor Gravrilenkov, Enchanté. Et je lui serrai la main.
– Mon nom est Beauchamp, également enchanté de faire connaissance Monsieur Gavrilenkov. Voilà un nom aux consonances très slaves. Peut-être l’origine vos tourments d’âme ? Je rigole naturellement !
– Je vais sans doute suivre votre conseil. Où peut-on s’inscrire aux jeux ? Lui demandai-je, trouvant une opportunité d’échapper à ce personnage un peu étouffant.
– Parfait ! Vous me rendez heureux ! Descendez à la cave, aux coffres. Ils vous donneront les jetons. Gardez cette information pour vous, elle est précieuse, comprenez-vous ? Je vous souhaite bonne chance ! Sans doute que nous allons nous croiser. Quelle belle et folle nuit Monsieur Gavrilenkov ! cria-t-il en découvrant son chapeau, pendant que je m’éloignais à pas de loup.
J’étais en réalité attiré par sa proposition. Recevoir gratuitement des jetons et jouer au casino d’une manière détachée, sans risque, pouvait s’avérer être très amusant… Même si je devais tout perdre, ce ne serait pas un drame et j’aurais au moins la satisfaction d’avoir tenté une nouvelle expérience. De plus, je ne désirais pas rentrer tristement chez moi tout de suite, et ne pouvant rester au bar suite à la conversation avec Beauchamp, je n’avais pas d’autre plan de rechange. Très excité, je me dirigeai donc vers les ascenseurs, où un boy m’attendait déjà.
– Quel étage Monsieur ?
– Les coffres ! Pardon … Je voulais dire la cave. Fis-je, navré d’avoir laissé paraître mon empressement d’acquérir les jetons.
– Bien Monsieur. Répondit-il en maintenant la grille et en appuyant sur l’avant-dernier bouton. Ensuite, il se retira, me laissant seul dans l’ascenseur en bois. Par un petit clic, la machine se mit en route et il me sembla que la cage chuta librement d’un seul trait tant les parois tremblèrent. Quand le vacarme infernal eut cessé et que les grilles s’ouvrirent, je découvrais avec étonnement une large piscine couverte.
Le boy s’était sans doute trompé d’étage car j’observai à présent une faune étrange qui barbotait dans un bassin long d’au moins 25 mètres. Des femmes s’éclaboussaient grossièrement pendant que des serveurs leur apportaient du champagne. Au bord, certains hommes discutaient, riaient avec leurs voix graves et fumaient des cigares. Tout à coup, deux jeunes femmes nues plongèrent de concert dans l’eau chacune d’un côté de la piscine. Quand elles réapparurent au milieu, elles s’embrassèrent aussitôt avec violence dans un numéro de ballerine parfaitement exécuté. Un immense lustre en cristal éclairait ce monde qui s’oubliait d’une lueur bleutée et mouvante. Autant fasciné que troublé par la vision de ces véritables bains d’empire, je retournai à l’ascenseur et pressait le dernier bouton. Beauchamp avait raison quand il affirmait que tout le monde s’envoie en l’air ici !
Je dus supporter une nouvelle fois le fracas de la cage infernale, mais j’arrivai enfin aux coffres. Une longue file d’attente serpentait vers un comptoir où une employée à l’allure austère distribuait les jetons. Derrière elle et une solide rangée de barreaux, se dressaient deux coffres dont la rondeur laissait imaginer une infinie réserve de billets ou d’or. Etonnamment, la file se réduisit en un clin d’œil. Malgré la rapidité avec laquelle les jetons étaient distribués, j’eu de le temps de faire connaissance avec une fille américaine qui me précédait. Elle s’appelait Marylin, portait une robe d’été blanche et laissait ses cheveux châtains danser le long de son dos.
– C’est tout de même une opportunité incroyable. Je connais des établissements à Portofino et à Baden-Baden qui proposent le même genre de cadeau. Mais jamais une telle somme ! S’exclama-t-elle.
– Vous avez parfaitement raison, c’est incroyable. Puisque nous nous trouvons au bon endroit, autant en profiter ! Répondis-je, déjà sous le charme de son doux visage.
– Oui, nous devrions nous rendre tout de suite au troisième !
– Ah oui, vite au troisième ! Fis-je, supposant qu’il s’agissait du troisième étage où se situait le casino et espérant me faire passer pour un habitué.
Un troisième individu, qui tendait l’oreille, s’immisça dans notre conversation.
– Apparemment, vous ne connaissez pas encore la meilleure. Si vous perdez tout, vous pouvez revenir pour recevoir la même somme. Tous ces gens dans la file sont comme moi. Nous venons refaire le plein !
– Mais ce n’est pas possible, dit Marylin. Ils ne demandent rien en échange ?
– Presque rien. Il faut simplement signer un document à chaque fois. Ça parle d’âme et de conscience et blablabla. Mais on s’en moque, pas vrai ?
Après quelques instants, je recevais entre les mains le document à signer. La feuille était presque entièrement blanche. L’inscription centrale, imprimée avec un léger relief, était la suivante : « Cher Client, Le Grand Hôtel a le plaisir de vous accueillir en son sein. Notre établissement s’est bâti une solide réputation depuis 1880 en satisfaisant tous vos désirs. Aujourd’hui, nous franchissons avec vous une étape supplémentaire en vous offrant à titre gracieux 2000 jetons que vous pouvez jouer comme vous l’entendez au casino. » En bas de page, un texte plus étroit mentionnait : « Cette offre n’est pas limitée. Veuillez cependant signer avec votre âme et sans votre conscience ». La formulation de cette dernière phrase me laissait perplexe. Je signais cependant sans hésiter car Marylin m’attendait déjà près des ascenseurs. Son impatience venait de fusionner avec la mienne.
L’étage du casino était bien plus somptueux que ce que j’avais imaginé en observant la masse blanche du Grand Hôtel depuis l’extérieur. Je découvrais finalement le ventre du monstre. Ou plutôt son cœur battant au rythme enfiévré des jeux. Les tableaux de grands peintres ornaient les murs : Picasso, Miro et Matisse. Des lustres cristallins illuminaient les parties de cartes et les tapis confectionnés en soie de Chine. Les hommes et les femmes portaient leurs vêtements de soirée les plus élégants : des costumes trois pièces taillés sur mesure en Italie, des robes de la dernière collection parisienne.
Marylin et moi nous attablèrent au jeu de la roulette. Nous rions ensemble et apprenions à mieux nous connaître à l’aide d’un peu d’alcool. Pendant que je misais mes jetons sans prendre garde à tout ce que je perdais, je me plongeais dans ses yeux verts émeraude. Je me sentais enivré par tant de jouissance, tant de fastes et par une compagnie féminine si agréable. L’histoire du suicide me paraissait à présent si lointaine que je me demandais si elle n’avait pas été un produit de mon imagination, si à cause de ma mauvaise vue, je n’avais pas vu un homme tomber, mais un objet quelconque.
– Marylin, je vous trouve très belle.
– Je vous remercie ! Quelle belle soirée je passe avec vous…
Soudain, dans un incroyable mouvement de balancement, toutes les tables, les cartes, les dès et les verres glissèrent d’un côté de la salle. Les règles de la gravité venaient d’être rompues. Un second mouvement, cette fois-ci dans l’autre sens, provoqua plus de dégâts. Des bouteilles se brisèrent, des personnes tombèrent de leur chaise pendant que les lustres perdaient et répandaient leurs cristaux sur le parquet. J’accouru à la fenêtre la plus proche pour comprendre ce qui se passait et je vis les plages de sable blanc qui s’éloignaient. Tel un paquebot transatlantique, le Grand Hôtel venait de prendre la mer et dérivait sous des nuages de plus en plus menaçants. La houle s’intensifiait et une pluie battante me gênait la vue. Je me risquai à me pencher plus en avant et pris d’horreur, j’aperçus les vagues déchainées qui frappaient en cadence les murs du rez-de-chaussée.
Malgré la tempête, les clients continuaient de jouer fiévreusement, s’accrochant aux tables, faisant fi des dangereuses glissades. « Je mise sur le 12 ! » hurla l’un d’eux. Une femme rampait au sol afin de récupérer des cartes que s’étaient envolées. « J’avais une suite ! J’avais une suite ! » Parvint-elle à prononcer entre deux sanglots. Un groupe de joueur se jeta sur le gagnant de la partie, l’accusant d’avoir utilisé ce moment de distraction pour les tromper.
Le contremaître de l’Hôtel apparut sur le seuil d’une grande double porte et parla à haute-voix afin que tout le monde put l’entendre : « Mesdames et Messieurs, un peu d’attention je vous prie. Nous venons de fermer les coffres car une brèche s’est ouverte au niveau des caves. Je vous demande de ne pas tenter de descendre. » Un long silence suivit l’annonce, puis les clameurs et les protestations s’élevèrent dans la salle. Bientôt, la panique régna, les gens se bousculèrent. L’on pouvait entendre les différentes réactions sans deviner leur provenance, « l’Hôtel coule ! », « Il n’y pas plus de jeton ! », « la partie est terminée, déguerpissons avec les gains ! ». Un client hystérique qui n’avait plus rien à miser, exigea de se mettre lui-même en jeu, « Je ne céderai pas ! Je mets en jeu toute ma personne, vous dis-je ! ». A sa barbe, je reconnu qu’il s’agissait de Beauchamp.
Je sentis la main de Marylin qui prit la mienne avec délicatesse.
– Si c’est la fin, alors autant passer les derniers instants ensemble. Allons dans ma chambre. Je te veux.
Elle me tutoyait pour la première fois. Je répondis par un simple regard approbateur et en serrant sa main. Elle m’entraîna jusqu’au 6ème étage par l’escalier car les ascenseurs étaient condamnés. Les mouvements de balancier s’accentuaient. Nous nous cognèrent à plusieurs reprises, mais je tenais sa main fermement pour ne pas la perdre.
Sa chambre était vaste et obscure. Le vent sifflait à travers les rideaux et des éclairs inondaient de temps en temps la pièce. Les lampes se balançaient, les portes des placards claquaient. Marylin me fit signe de ma rapprocher du lit. Elle ôta sa robe blanche et ses sous-vêtements. Ses cheveux dansaient toujours le long de son dos nu. Je la pris dans mes bras. Mais je ne sentis rien. Je me retrouvai seul dans la chambre ballotée par la tempête. Où était-elle passée ? Ce n’était pas possible, je me souvenais encore de la chaleur de sa main il y a quelques instants, je n’avais pas rêvé. On cogna à la porte. « Laissez-nous rentrer, l’Hôtel coule, laissez-nous rentrer !» criaient ensembles des voix. Plus rien n’avait de sens. Il fallait mettre un terme à ce monde, à cette vie. Les voix redoublèrent et l’on frappait plus fort contre la porte. Je pris alors la décision de me jeter par la fenêtre.
Lorsque l’incident survint, je me promenais sur le grand ponton de la station balnéaire qui s’avançait courageusement dans la baltique avec ses jambes de bois. J’étais arrivé presque au bout et je contemplais les plages de sable blanc à l’orée d’une forêt de grands arbres verts. Il était midi et l’air brûlant se consumait comme du gaz. Soudain, un cri et une chute. L’homme fut un simple trait qui apparut furtivement entre la fenêtre du 6ème étage et la terrasse du Grand Hôtel. Tous les promeneurs s’étaient figés, frappés de stupeur. Seule la mer continuait d’étendre calmement ses draps d’écume.
Contre toute attente, le BDI ne se porte pas trop mal…
http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=BDIY:IND
Afin de participer au grand jeu en ligne ‘contre toute attente’, je propose aussi un ‘contre toute attente’ mais à ceux qui espèrent un automne social, voir une révolution dans nos contrées.
Car il se pourrait bien que cela soit … ailleurs :
« Avec la crise mondiale, les revendications face à la dégradation des conditions de travail et du pouvoir d’achat se sont multipliées. En Chine, explique Raymond Torres, qui dirige l’institut de recherches de l’Organisation internationale du travail (OIT), « les salariés revendiquent parce qu’ils se trouvent en position plus forte : la réserve de main-d’oeuvre commence à s’épuiser et une nouvelle génération de salariés, qui a fait plus d’études, se trouve moins sensible aux pressions idéologiques du régime ». »
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/08/19/la-tension-sociale-monte-dans-les-pays-emergents_1400564_3244.html#ens_id=1400745&xtor=RSS-3208
Salut Zébu.
Il est en effet dangereux que le peuple d’en bas soit éduqué et finisse par trop réfléchir…
Autant le faire rêver devant les jeux vidéo, la télé et le laisser se droguer à volonté.
Sinon, hors sujet, je suis de retour de vacances et donc : bienvenue à tous sur le « blog à Paul » 🙂
oooohhhhh !!
Le retour …
Longues vacances. Grand bien fasse.
D’ailleurs, du travail attend.
Quelques vilains, rodent …
Il est absurde de dire que les grands médias et autres économistes à la botte du pouvoir se sont trompés en annonçant la fin de la crise. C’est comme si on disait que la pravda se trompait souvent.
La propagande ne se trompe pas, elle est seulement parfois contredite par les faits. Eux-mêmes n’y croient pas. Ils essayent juste de faire avaler la couleuvre aux bonnes gens. Et ça marche assez bien dans nos « démocraties ». En URSS, la pravda avait moins de succès. Soit que la propagande soviétique y fut moins efficace, soit que les soviétiques fussent moins cons. Peut-être les deux. J’hésite.
« La propagande ne se trompe pas, elle est seulement parfois contredite par les faits. Eux-mêmes n’y croient pas. » : d’accord avec la 1ère phrase, mais la seconde me laisse dubitatif. A mon avis, propagandistes, lobbyistes et journalistes croient à ce qu’ils racontent pour s’épargner des problèmes de conscience. Mine de rien, c’est difficile de vivre dans le mensonge ou la dissimulation quand on n’est pas pervers ou psychopathe, j’en ai fais l’expérience au boulot.
Corollaire de mon précédent commentaire: Paul n’est pas un prophète, c’est un dissident.
Dans la mesure où ce sont les porte-parole de la vérité divine qui généralement contrarie les plans de ceux qui « se la raconte » (l’histoire), on peut aussi dire que les prophètes sont des dissidents par nature.
Un jour, Paul Jorion relata une histoire de daim tombé en deux fois sur le chemin menant à la banque où il travaillait, à la veille de son licenciement. La synchronicité jungienne avait encore frappé. CONTRE TOUTE ATTENTE, Paul déclara: « Freud fut un des rares grands génies de l’humanité ».
Consistance, quand tu nous tiens…
Dans la même veine, quoique de façon inversée, le titre du journal le Monde (on peut se passer de la lecture, seul le titre est révélateur) :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/08/19/allemagne-une-prevision-de-croissance-tres-superieure-aux-attentes_1400754_3234.html
Souvent, on nous dit qu’un résultat économique observé (par exemple d’une entreprise, d’un indice quelconque) est supérieur (ou inférieur) « aux attentes ». On nous invite donc, non pas à interpréter le chiffre réel, mais l’écart constaté entre des prévisions et une observation.
Ici, un pas supplémentaire est franchi dans la sophistication, puisque l’on compare deux prévisions entre elles, pour un instant ultérieur. On aurait pu mentionner, à tout le moins, l’instabilité de la prévision, ce qui n’est pas bon signe pour la qualité de celle-ci. Mais non, on en tire un motif d’optimisme. Il est vrai qu’il s’agit de l’Allemagne… Quant aux chiffres réels, que j’ai rappelés cette semaine, ils inciteraient plutôt à la prudence…
Plus que logique, François.
Depuis deux ans, chaque « bonne » perspective ou résultat moins catastrophique est annoncé de façon amplifié pour redonner la fa(fu)meuse CONFIANCE dans le système féodal de cet ordolibéralisme.
Là où ça coince désormais, est que trop de gens ont pris conscience qu’on les roulait dans la farine…
Je vous transmets la perle du genre de la semaine: ‘Bloomberg: U.S. gross domestic product will expand at a 2.55 percent rate in the last six months of 2010, according to the median of 67 estimates in a Bloomberg survey taken July 31 to Aug. 9, down from the 2.8 percent pace projected last month’.
Une injection d'(h)-opium selon la formule en circulation sur les econobligs américains.
Paul,
J’ai essayé de voir si on disait la même chose chez nous.
Contre toute attente, on parlait plutôt de grandes manœuvres de fusion qui sont très limitées.
Mais contre toute attente, GM revient mais on navigue à vue.
http://www.rtbf.be/info/matin-premiere/ecomatin-grandes-manoeuvres-246523
Contre toute attente – tu parles – la crise est réduite à son aspect économique.
Contre toute attente – mon oeil – l’homme est prisonnier de ses délires (collectifs), ses religions : dieux, l’Argent, la Consommation, la métapsychologie (qu’il sacralise, la rendant ainsi non-directement accessible au commun des mortels, à lui-même !…avec ses spécialistes, et donc sa hiérarchie, ses inégalités, une mauvaise répartition de ses richesses ou bienfaits, etc.), le Salariat, etc., qu’il croit indispensables : « Après la mort de Bouddha, l’on montra encore pendant des siècles son ombre dans une caverne, – une ombre énorme et épouvantable. Dieu est mort : mais, à la façon dont sont faits les hommes, il y aura peut-être encore pendant des milliers d’années des cavernes où l’on montrera son ombre. – Et nous – il nous faut encore vaincre son ombre! » (Nietzsche – Le Gai Savoir).
Ce ne sont que des leurres, que le groupe produit afin de se sécuriser, de se renforcer : il crée ses propres (bof) délires collectifs, l’union faisant la force paraît-il.
« Dieu est mort, mais l’homme n’est pas, pour autant, devenu athée. Ce silence du transcendant, joint à la permanence du besoin religieux chez l’homme moderne, voilà la grande affaire aujourd’hui comme hier. » (Jean-Paul Sartre, Situations)
Le Surhomme (on n’est pas obligé de se référer au philosophe dont on évite de parler de peur de se voir nu dans le miroir) : il ne croit pas, il vit ; il est plus fort que le groupe : les hiérarchies – liées à la force physique, la puissance sexuelle, l’intelligence, etc. – ne sont plus figées ; son groupe est union plutôt que hiérarchie ; etc.
Sur les hiérarchies : la dominance n’est plus « éliminatoire », puisque le Surhomme ne croit pas (!) : il sait en particulier que sa valeur vient de sa vie, ni plus ni moins : il lui est donc facile, naturel, de prendre conscience du non-intérêt d’une hiérarchie particulière. En d’autres termes : il se trouve lui-même au sommet de sa propre hiérarchie, sachant que la seule chose qui vaut est de participer, et qu’il ne peut être « le meilleur » en tout…sauf à s’appeler Dieu ou à vouloir l’être !
Puisque personne ne semble vouloir faire l’effort de comprendre, je me dois de vous expliquer que l’expression « contre toute attente » employée ces jours-ci signifie simplement que puisque l’attente des économistes « officiels » était A et que, de cela, tout un chacun s’attendait à ce que la réalité fut le contraire soit non-A, chacun s’étonnât de ce que, contrairement à l’habitude, sa prévision sauf bien sûr celle des économistes officiels se trouvât vérifiée.
Pour ceux que ça intéresse (et qui parlent anglais), j’avais fait un petit post comique sur le même sujet: « Mr All-Within-The-Rules and Mrs Worse-Than-Expected »
http://bloginlondon.wordpress.com/2009/10/20/mr-all-within-the-rules-and-mrs-worse-than-expected/
Bonjour à tous,
« L’ attendu ne s’ accomplit pas, et à
l’ inattendu un dieu ouvre la porte » [ Euripide ]
La formule « Contre toute attente » me rapelle une autre formule utilisée indistruellement sur fox TV :
« Some people says ».Cela reste vague, et on fait passer un message.
L’utilisation de « some people say » est dénoncée dans le documantaire « Outfoxed ».
Extrait video sur youtube : http://www.youtube.com/watch?v=NYA9ufivbDw
Bonjour à tous
Comme le serpent de la genèse qui transforme un arbre en tout arbre, la classe au pouvoir ( porte-cotons et mirebalais des massmedia compris) transforme ainsi sa vision partielle, incantatoire et obstinée en totalité des attentes :cette formule révèle bien l’aveuglement intellectuel volontaire de celui qui la profère!
Bon week end à tous.
Un « contre toute attente » non défini par le temps d’attente permet de voir un jour ses prédictions se réaliser.Exemple: » » La hausse des salaires en Chine et l’augmentation du cout des transports, permettront une relocalisation de l’activité et une diminution du chomage en Europe ».Un jour, cela arrivera (dans 10 ou 20 ans, j’ai toute la marge voulue) contre toute attente . Quels sont les arguments ? Une extrapolation du quadruplement des salaires en Chine depuis dix ans et une analyse de l’industrie pétrolière impliquant un prix du barril au dessus de cent dollars(Arguments passe-partout sans risques).Si cela n’arrive pas, je tancerai un gouvernement chinois à la politique salariale rétrograde et une industrie pétrolière conservatrice qui n’a pas su investir dans la recherche et les technologies.(Toujours un bouc-émissaire pour s’en sortir).Tiens! je vire politicien ou économiste…..
« nul n’est prophète en son pays ! » ; à bon entendeur, contre toute attente !