Billet invité.
La monnaie entre la matière et l’esprit
Quantification de la valeur dans le temps
Depuis des milliers d’années, la monnaie est un outil empirique de mesure de la valeur. L’homme a besoin d’attribuer des prix aux objets matériels pour les produire et les échanger. Pour transformer la matière physique, il lui est nécessaire de se la représenter par des nombres. La valeur mérite d’être produite si le nombre de la destruction de valeur qu’elle impose demeure inférieure au nombre du résultat de la production. Décider de produire quelque chose, c’est juger que la chose est potentiellement rentable pour soi-même. Cette rentabilité se confirme par l’échange avec un autre, quand le nombre attaché à ce qui est acheté à l’autre reste supérieur au nombre attribué intérieurement à l’objet de la vente. Tous ces nombres sont des prix. Ils forment un système logique de valeur d’action propre à chaque personne individuelle.
Les prix pour soi-même ne sont pas visibles. Ils sont intérieurs à la personne du sujet du raisonnement économique de la valeur. En revanche, par le marché, sont visibles les prix d’échange de ce qui est consommé pour produire et finalement vendu à un autre qui va consommer. Les prix visibles sont des nombres partagés entre plusieurs personnes pour un même objet échangé sur le marché. Les prix visibles s’inscrivent dans les limites invisibles propres à chaque agent économique. Le prix de la vente se réalise effectivement dans l’échange si le prix de la production a été anticipé en dessous du prix de l’objet acheté en contrepartie. Personne ne produit pour de l’insatisfaction nette à terme. L’unité de compte des prix visibles marchands et invisibles personnels est commune aux individus dans la collectivité marchande ; donc commune à tous les objets de valeur formés dans la société. L’unité de compte de la valeur est la monnaie dont la matière est le fruit de la pensée économique rationnelle des personnes en société.
La monnaie est un système logique de valeur sociale qui naît des échanges des objets matériels entre personnes. Une société construit un réseau d’échanges qui détermine un marché. De l’ensemble des échanges du marché, naît un ensemble de prix associant à chaque instant dans la durée un nombre à chaque objet. Si la société a institué un objet de référence, tous les prix s’expriment par une quantité de cet objet. La relation de cet objet à l’unité de valeur est la définition matérialisée de la monnaie, la matérialité du sens social des nombres que les individus attachent aux objets produits et échangés. La matérialité monétaire transpose la conception de la valeur dans les limites de la matérialité physique des objets économiques. La matérialité monétaire n’est pas naturelle mais culturelle. Elle résulte de l’exercice de la liberté humaine dans l’attribution d’un prix aux objets de transformation de la matière physique. Par le calcul économique, la personne physique décide ou non de s’engager dans la transformation de la matérialité physique. Ce qui est vendu a été physiquement produit par une nécessité de calcul qui n’est pas une nécessité physique. La nécessité libre du calcul dégage une valeur ajoutée qui motive la production et l’échange.
Justice contenue dans la monnaie
Pour le vendeur qui achète un prix, le prix de marché tend en logique de justice à se placer entre les deux nombres qui calcule le coût de l’objet et qui calcule sa contrevaleur finale d’échange. L’objet acheté dans la vente d’une contrepartie n’a pas d’intérêt pour son consommateur final si sa valeur d’échange reste supérieure à sa valeur de consommation. Elle n’a pas non plus d’intérêt pour le producteur de la contrepartie si le prix de vente reste inférieur au prix de production. La logique du calcul économique veut qu’un prix d’échange se situe pour les deux parties entre le prix de production du produit cédé et le prix de consommation du produit acquis. Sinon l’une et l’autre conservent ce qu’elles ont produit car l’échange ne contient aucune justice. Elles n’échangent rien et gardent pour elles-mêmes la plus ou moins-value de satisfaction de l’effort de production. Un prix en monnaie issu d’un échange est la matérialisation d’une plus-value pour les échangistes : la valeur supérieure du produit acheté sur le produit vendu. Cette plus-value a bien sa cause dans la société qui permet l’échange et matérialise la justice.
L’existence de la société est nécessaire à l’instauration d’une loi de rentabilité par laquelle s’échangent les objets qui rapportent à leur vendeur davantage qu’ils ne coûtent. Si la société instaure le principe de la libre responsabilité des prix, alors ils expriment l’accroissement de la valeur par les échanges. La mesure sous-jacente au marché par l’objet de référence monétaire est la matérialité positive garantie de la valeur. La monnaie révélée par le marché garantit qu’on ne produit pas ce qui n’augmente pas la valeur. Sans l’existence de la plus-value pour toute personne échangiste, la liberté de transaction interdit la non-valeur par le non-paiement ; le non-échange d’un objet matériel contre monnaie. Le nombre ainsi attribué par la société de marché à chaque objet est un prix juste parce qu’il augmente la valeur pour tout acheteur et tout vendeur.
Si un marché n’est pas l’expression d’une société formée par une même loi de la valeur, alors le prix de l’un ne signifie plus ce qui est valeur pour l’autre. Les prix ne sont pas justes et la monnaie ne matérialise aucune garantie. La monnaie est bien la matière comptable de la Loi. Elle implique que la loi qui exprime la valeur instaure la liberté des échanges en protégeant l’intégrité de jugement des personnes. La loi de la valeur ajoutée définit le marché par des sujets inviolables, des sujets qui doivent ne pas échanger des objets s’ils leur apportent moins de valeur qu’il ne leur en prennent. Le marché qui engendre la monnaie est un système de calcul, une métaphysique adoptée par les individus rassemblés en société par une même loi d’une valeur commune. La structure de la monnaie est vulnérable au flottement historique des sociétés ; aux lois qu’elles se donnent et s’appliquent par le marché ; au langage du Droit qui justifie les lois.
Mythe invaincu de la matérialité monétaire
Selon le statut effectivement accordé à la représentation de la personne dans le marché, les sociétés ont prospéré ou périclité avec leur monnaie. Il a fallu une très longue maturation pour explorer la nature métaphysique de la monnaie. Le 15 août 1971 après plusieurs millénaires d’histoire monétaire, la civilisation a définitivement renoncé à attacher la définition de la monnaie à une quantité physique de matière. En l’occurrence, le prix de l’or en dollar s’est mis à flotter. Cette mutation fondamentale a résulté de l’intuition non démontrée de la détermination de la monnaie par la bonne gouvernance du marché et non par la matière physique. La crise actuelle est la conséquence du détachement matériel de la monnaie fictivement gouvernée.
Parce qu’il avait toujours fallu matérialiser physiquement la monnaie d’une manière ou d’une autre, l’idée s’est ancrée dans la grande majorité des consciences que la substance monétaire est physique ; donc qu’elle obéit aux lois quantifiées de la physique. Le triomphe de cette erreur dans le contexte de la mondialisation est en train de vider le concept monétaire de sa substance. Avant de dominer la théorie de la monnaie, l’idée de la matérialité a cohabité avec une expérience aussi ancienne : la causalité de la monnaie dans le crédit. Les autorités publiques engendrées des sociétés constituées ont expérimenté dès leurs origines la proportionnalité de la création monétaire à leur propre crédit de gouvernement. Les pouvoirs politiques savent d’expérience que leur autorité forte et respectée leur permet d’imposer naturellement une définition crédible de la monnaie émise. Ce fut d’abord le prix nominal de certains objets courants. Mais il apparu très tôt que la crédibilité politique pouvait dispenser de constater sur le marché la correspondance matérielle effective entre le prix des objets officiels d’étalonnage matériel de la valeur et le nombre d’unités monétaires émises en règlement de l’échange. Il était possible d’émettre plus de signes monétaires que d’unités de matière monétaire effectivement disponible par le marché.
L’existence de la monnaie a été initiée par l’impression d’un nombre dans un objet physique. Le nombre monétaire étalonné par la matière physique établissait une parité entre une matière quantifiable reconnaissable et la mesure affirmée de sa valeur. Prisonnier de ses cinq sens en dehors desquels il ne peut interagir avec le monde, l’homme confond intellectuellement la réalité avec ce qu’il ressent physiquement. Il a du mal à reconnaître sa capacité intellectuelle d’abstraction qui est en même temps sa capacité à communiquer métaphysiquement avec son semblable comme réalité distincte de la physique. Il lui est difficile d’éprouver la valeur qu’il ressent par le fonctionnement de son intelligence comme distincte de la matérialité physique qui est son objet. L’homme voit naturellement la réalité objective mais ne conçoit pas immédiatement qu’il en est le sujet ; qui plus est le sujet pluriel. Ainsi se dérobe-t-il à sa responsabilité de choisir son rôle dans la détermination des déterminismes physiques. Ainsi est-il immédiat de croire que la valeur soit simplement un nombre inscrit dans la matière physique.
Morale monétaire
La monnaie de matière, de mesure et de droit
Une fois initiée, la monnaie s’est révélée matérialisable autrement que par des pièces physiques de matière précieuse. Il n’était pas non plus nécessaire pour répondre à la demande de transaction de limiter l’émission de signes à la quantité de matière physique effectivement reconnue par le souverain. Un simple billet nommant un objet de valeur à un certain nombre est apparu suffisant à représenter la matière de la mesure. Le billet à ordre, qui n’est pas la matière de son objet, matérialise une mesure disjointe du concret. Une reconnaissance de dette validée par la Loi suffit à matérialiser la métaphysique monétaire. En vérité, l’acceptation d’un paiement en monnaie n’est pas une acquisition de valeur présente en matière physique mais bien la promesse quantifiée d’une valeur future quelconque. La supervision politique d’un marché par la détermination effective de droits équivalents entre tout échangiste est la contrepartie réelle de la monnaie. Un règlement en monnaie est d’abord la quantification d’un droit et ensuite la potentialité de sa transformation en objet de matière physique.
La véritable urgence du paiement est le juste prix puis sa transformation à une échéance libre en valeur physique. La monnaie contient du temps matériel de justice qui n’est pas une simple abstraction. Un vendeur n’a pas de mal à accepter de la monnaie s’il sait que le prix calculé est juste et lui donne droit dans un délai qu’il choisit à une juste contrevaleur physique. L’émission monétaire véritable est proportionnelle à l’État de droit d’une société. Le Droit garantit la contrevaleur physiquement matérialisable que la société entière promet du présent au futur. La matière réelle de la monnaie est le crédit issu d’une société. La matière du crédit est la somme des prix des objets que la société anticipe produire. L’anticipation du prix des échanges est crédible si elle est réaliste ; réaliste si les droits de la demande équivalent ceux de l’offre. L’équivalence des droits d’offre et de demande n’existe pas sans le marché régulé par l’unicité instantanée du prix de tout objet d’échange.
La multiplicité des prix d’un même objet au même instant signifie qu’un vendeur a pu priver un acheteur d’une satisfaction supérieure par un prix plus élevé ; ou qu’un acheteur a pu priver un producteur du prix de son effort par un prix moins élevé que l’équilibre réel du marché. La monnaie est le crédit du système des prix établis en équivalence de droit. Elle implique le marché pour fabriquer le crédit par les prix négociés de la réalité physique présente et future ; pour transformer métaphysiquement la matérialité physique présente en prix de la matérialité physique anticipée. La négociation d’un prix futur engage le vendeur dans la production d’un objet matérialisable à une valeur certaine à l’échéance du crédit. Un emprunteur en monnaie est un vendeur à terme non pas d’un objet matériel mais du prix dont il est le sous-jacent. Le prêteur en monnaie est un acheteur à terme du prix sans connaître l’objet matériel sous-jacent mais sa seule définition en valeur. Pour que le marché produise le crédit qui matérialise la monnaie, il faut un droit qui stabilise la valeur des engagements dans le temps ; qui oblige réellement les emprunteurs à livrer au prix promis un objet de valeur restituable aux prêteurs.
Monnaie d’intermédiation financière de marché
L’escroquerie métaphysique des subprimes a montré qu’il n’y a pas en réalité de crédit sans intermédiation financière. Elle garantit le droit par l’anticipation du prix et l’application effective du droit par l’anticipation du prix. La première intermédiation financière a émané historiquement de l’autorité publique souveraine. Elle établissait d’un même acte un ordre marchand, des droits et la monnaie de mesure matérielle des droits échangés. La banque primitive est un trésor public. Du développement des échanges qu’elle engendre au fil des siècles a surgi la monétisation des dettes entre personnes privées. Les activités marchandes régulières suscitent créances et dettes au nom de leur propriétaire. Le marchand expérimenté est propriétaire d’une mesure de la valeur ajoutée future de ses ventes sur ses achats. Si cette valeur nette anticipée est substantielle, réelle et vérifiable, des tiers se mettent à conserver leurs créances sur le marchand pour régler leurs dettes. La fonction initiale du marchand est de prendre des marchandises en dépôt contre reconnaissance de dette, engagement de vendre et livraison finale à un acheteur. En démembrant la mesure et le règlement du prix de la livraison effective d’une marchandise. la fonction de crédit se sépare de la fonction commerciale. Le banquier est un marchand qui ne s’occupe pas de la marchandise physique.
Grâce à la garantie d’un État de droit, la fonction de marché produit en crédit le prix de mesure de la valeur certaine future. Le marchand a prouvé sa capacité à livrer la valeur physique contre un prix en monnaie. Le Droit l’engage à certifier par anticipation le prix de ce qu’il pourra livrer par le marché dont il est acteur. C’est l’anticipation de la valeur ajoutée propre de l’intermédiation marchande qui suscite le crédit. Parce que le vrai marché dégage des plus-values réelles de l’échange des objets matériels, l’intermédiaire marchand en porte par lui-même une fraction. L’existence probable mesurée de la plus-value marchande entre les mains d’un même intermédiaire lui donne le crédit suffisant à régler par des créances de marché des dettes entre des tiers. Pour que le marchand devienne banquier, il faut que les fonds propres qui résultent de l’anticipation de sa propre activité d’échange soient mesurables. Les créanciers et déposants doivent pouvoir constater que l’excédent des créances sur les dettes marchandes est réel. Soit l’excédent provient du passé et se matérialise par des biens physiques comme un stock de métal et autres actifs matériels, soit il provient du futur sous forme de ventes à terme ; une réalité non visible livrable dans le futur négociée par un prix présent qui contient le prix du temps.
Il n’y a pas de crédit sans fonds propres, sans valeur réelle à terme excédent la mesure de la valeur due. Le prix de la valeur promise en certitude doit en Droit être inférieur au prix de la réalité future incertaine. Le crédit est fictif sans le marché régulé par le Droit, sans la constatation possible à terme d’une valeur réelle incertaine supérieure à la valeur nominale juridiquement certaine. Pour qu’un prix soit certain en droit, il faut une plus-value d’autant plus ample par rapport au prix que la contre-réalité est éloignée dans le futur. Un prix de contre-réalité présente est juste s’il dégage une plus-value de satisfaction à la fois pour l’acheteur et le vendeur. C’est le marché régulé par l’État de droit qui garantit cette plus-value. Quand la contre-réalité du prix est future, il faut ajouter une plus-value de réalité physique visible à terme pour que le prix promis dans le crédit soit juste. Il faut rémunérer le portage de l’incertitude par une fraction de la réalité produite ; une incertitude dont la mesure de la réalité est mise en réserve dès l’origine du crédit pour combler les erreurs de calcul.
Couverture du prix de la réalité future
Sans plus-value réelle à terme de l’origine à l’échéance d’un crédit, la justice est suspendue du fait qu’à un moment de la durée du crédit, le prêteur perd la raison de croire que la valeur de sa créance soit totalement réelle. La valeur réelle de justice n’est pas seulement une promesse hors du temps universellement satisfaisante en elle-même ; elle doit être réalisable de son origine à son échéance. L’économie de la justice est de durée autant que de matérialité. A moins d’admettre que le crédit puisse cesser d’être un engagement de la réalité du futur, il n’est pas acceptable que dans le moment d’un crédit la réalité soit à un quelconque instant insuffisante à terme pour certifier le prix remboursable. C’est le marché dans l’État de droit qui relie la mesure des promesses à la réalité à terme. Il signifie deux prix pour chaque promesse : le prix de la certitude en crédit et le prix de l’incertitude en fonds propres. Le crédit qui anticipe la valeur future ne peut pas être vrai sans marché régulé par la séparation matérielle de la réalité promise et de la mesure de l’incertitude de la réalité promise. Ce marché-là n’existe pas encore.
Une banque est un intermédiaire qui applique le droit par l’anticipation du prix certain des objets de l’échange futur. Une banque transforme en monnaie la mesure de l’anticipation de la valeur par ses débiteurs. Elle extrait le prix à terme de la production engagée par ses débiteurs. Elle comptabilise à leur bénéfice puis à celui de ses déposants un pouvoir d’achat monétaire. La monnaie issue du crédit est un droit à dépenser accordé à un débiteur engagé à produire une valeur future certaine ; valeur qui est la contre-réalité de la consommation différée par l’épargne. L’intermédiation bancaire adosse la mesure de la production épargnée à la mesure de la production investie ; la production immédiatement consommée dans l’investissement de la valeur future. Le banquier transforme le prix présent de l’investissement en prix à terme des crédits remboursables. Les déposants achètent dans leur épargne la mesure de la valeur future. Les emprunteurs la vendent. Ils empruntent au présent par l’intermédiation bancaire la mesure certaine de la valeur anticipée dans la réalité incertaine qu’ils vont produire. Les dépôts à vue bancaire sont des droits à dépense immédiate. Les crédits remboursables à très court terme sont la matière de la monnaie que représentent les dépôts à vue. La monnaie de dépôt existe dans une banque tant qu’elle est capable d’afficher une mesure de ses fonds propres suffisante pour garantir la contre-réalité du pouvoir d’achat comptabilisé. Les fonds propres garantissent la transformation du crédit prêté en crédit emprunté et la transformation monétaire des objets de production en objets de dépense équivalents.
L’utilité du marché à l’existence de la monnaie de crédit est triple. Elle produit les prix de la réalité, puis les prix de la mesure certaine de la réalité à terme et enfin les prix de la réserve de valeur réelle disponible à terme en comblement de la moins-value potentielle de tout crédit. Pour que la monnaie compte la valeur, il n’est pas acceptable en droit que sa contre-réalité soit incertaine. Cela signifie qu’une fois définie par la puissance souveraine la valeur réelle de la monnaie, il ne doit pas être possible de mesurer une créance de crédit en monnaie sans que le banquier métreur ne dispose par lui-même d’une réserve de valeur réelle. Si le droit se mesure et s’il a une valeur réelle, alors le métreur de la réalité en droit doit être capable de combler ses erreurs de mesure à terme. Les règles de couverture de la mesure du crédit par des fonds propres sont les fondations d’un système monétaire de crédit. Paradoxalement, cette vérité s’est révélée ignorée dans la crise provoquée par la spéculation des subprimes. Ce n’est pas la nécessité de disposer de fonds propres pour faire crédit qui a été méconnue mais leur nature-même qui les différencie des crédits. Trois ans après le début de la crise, la confusion reste totale entre ce qui est propre dans un passif de banque et ce qui est dû avec certitude.
Capital de la monnaie de droit
Inachèvement du capital délié de la monnaie
L’histoire conceptuelle de la monnaie n’est en fait pas arrivée à son terme. A partir de l’État de droit du marché, la possibilité s’est faite jour de matérialiser physiquement l’unité de compte de la valeur. Puis la matérialisation physique s’est révélée conceptuellement inutile avec le développement du crédit. Mais pour maîtriser la certitude du crédit, il fallait limiter son émission à la réalité future mesurable. Il fallait que les fonds propres bancaires soient du capital, de la valeur future incertaine mesurable qui respecte le droit du crédit. Le marché financier permet depuis plusieurs siècles de mesurer le capital par l’offre et la demande de sa contrevaleur réelle à terme. Le capital se mesure en lui-même par les sujets qui le rendent actif. Mais après un millénaire d’histoire du capitalisme, la loi de la transformation de la valeur réelle future en mesure certaine présente du crédit a été oubliée du Droit. Les normes appliquées sont dites prudentielles. Leur sens est interprétable et leur effet sans garantie objective non dépendante des sujets qui les appliquent.
Le droit de nommer la mesure du capital en crédit et la mesure du crédit en capital n’existe pas sans la réalité du marché qui oblige sans interruption les vendeurs de promesses financières. Les obligations du crédit en capital et du capital en crédit ne sont pas définissables objectivement. Mais elles le sont par l’engagement durable de tout sujet de droit à condition que le capital soit juridiquement la mesure de l’incertitude qui découle du crédit. La condition du capital détermine juridiquement le crédit comme matière mesurée invariable de la monnaie. Le capital devient formellement la mesure variable dans le temps de la mesure certaine du crédit. Tant que le Droit admet la notion de responsabilité limitée dans la transformation d’anticipations financières en monnaie, il nie la réalité humaine et physique du changement et la possibilité d’engager la stabilité du langage. Le marché n’est que la circulation d’objets sans sujets ; l’information ne s’échange pas. Le sujet humain est dispensé de s’engager dans la valeur comme s’il n’était qu’individu isolé de son histoire en société.
Le monde actuel de la finance ne contrôle pas conceptuellement la transformation de la mesure de la valeur réelle en crédit. Les banques règlent empiriquement leur crédit à partir des fonds propres dont elles disposent. Et les opérateurs financiers utilisent les emprunts bancaires pour transformer en plus-value à terme la mesure de leur capital. Le droit de la responsabilité financière limitée détache les prix de la réalité objective. L’autorité politique croit assumer ses responsabilités monétaires en édictant des règles sans vérifier leurs effets. Elle ne donne pas son avis dans des contrats financiers bilatéraux qui compromettent le bien commun. Elle n’oblige pas la qualification publique certaine ou incertaine à l’origine des mesures calculées de la valeur future. Elle permet à l’opérateur financier de changer la nature de ses engagements par la gestion sous un même intérêt du risque et du crédit. La finance utilise la métaphysique du calcul pour transformer la matérialité physique présente en matérialité future abstraite du présent. La civilisation contemporaine en déduit insensiblement que l’abstraction est immanente à la matière physique alors qu’elle est un choix responsable de l’intelligence humaine.
Comptabilité internationale de l’efficience du Droit
L’intelligence de la matière transcende la matière physique ; le temps ne peut pas se réduire à une accumulation linéaire ni à un effet d’usure de la matière. L’information de la matière au fil du temps est une réalité sans être de nature physique. L’écoulement du temps manifeste l’action de la liberté humaine dans les déterminations de la physique. L’homme est à la fois libre par son intelligence et déterminé par sa matérialité physique. La finance contemporaine utilise la diminution de l’autorité sociale publique de la liberté pour simuler une détermination purement physique de la valeur future ; pour suspendre la finalité incertaine de la valeur humaine. Elle prétend produire du crédit en calculant un risque seulement matériel. En réalité elle calcule du faut crédit qui contient le risque de la décision financière et du faux risque qui ne contient pas l’engagement humain que constitue le capital. La fausse finance repose sur le faux marché qui fond le risque de l’engagement humain dans la stabilité de la matière physique. La fausse finance produit de la fausse monnaie qui ne contient pas la valeur de l’engagement humain.
Cette pathologie métaphysique de la civilisation se révèle brutalement dans la crise présente à cause de deux phénomènes nouveaux : l’accélération de l’évolution humaine comprime le temps et densifie la créativité de l’intelligence ; la mondialisation crée un réseau unique d’intelligence entre des cultures humaines différentes. La fiction juridique d’un Droit universellement connu et compris dans son abstraction ne tient plus. Le marché où s’échange la matière doit servir à partager la forme. Sinon la matière échangée transporte des formes qui ne sont pas un bien universel probable. Les Américains exportent dans leurs dollars un droit dont les Chinois ne comprennent pas la valeur comme les Européens importent dans leurs paiements en euro des marchandises dont ils ne comprennent pas la non-valeur. Le vrai marché ne fait pas seulement circuler des objets matériels mais les formes de la valeur. Pour que les formes existent humainement dans leur immatérialité en dépit des langues et des cultures différentes, il est nécessaire de leur attribuer un prix distinct de celui des objets de matière. La réalité métaphysique numérisée en monnaie est accessible à toute intuition humaine. Cela signifie que le prix du capital doit être matériellement distinct du prix en crédit et que le prix des monnaies doit être décomposable en réalité stable et en capital variable. La mesure de l’incertitude des monnaies selon la valeur matérielle relative des droits nationaux doit se mesurer en engagement indépendant des nationalités.
L’issue économique de la mutation présente de la civilisation est transparente : le vrai marché ne donnera pas seulement le prix de la matière mais aussi celui de la réalisation du droit quelle que soient ses formulations nationales. La conceptualisation de la monnaie arrive à son terme. Aux monnaies nationales qui anticipent et soldent la réalisation de droits nationaux va s’ajouter une monnaie internationale qui anticipe et solde la valeur universelle des droits nationaux. L’unité de compte internationale de la valeur reposera sur trois principes naturels du droit humain : la mesure de la valeur est finalisée par la réalité physique à terme des personnes ; le crédit de la valeur est un engagement réel personnel sans limite juridique ; l’engagement humain de la valeur mesurée est garanti par les relations sociales de solidarité inter-personnelles. De ces principes découlent un marché international garanti par des autorités publiques nationales ; concurrentes dans l’application d’un droit commun d’humanité qui les transcende, souveraines dans l’interprétation nationale du Droit.
Responsabilité personnelle internationale de la monnaie
Enfermé dans un marché commun matérialisé par une monnaie commune exclusive de toute autre, le système financier international distinct des systèmes nationaux et du système international non régulé s’auto-régule par la responsabilité personnelle illimitée. Cette responsabilité est instaurée par la séparation du capital et du crédit, surveillée par les pouvoirs judiciaires nationaux engagés dans la transnationalité du Droit : celui qui fait crédit n’est aucunement propriétaire du capital qui le garantit ; celui qui garantit la mesure d’un crédit ne peut pas s’approprier la monnaie qui en résulte ; la transformation par le temps de la monnaie en valeur réelle est visible et vérifiable par le marché. La théorie financière de la valeur est en gestation depuis l’aube de la civilisation. Elle n’a jamais été appliquée faute d’une humanité unifiée. L’unité matérielle de la civilisation est maintenant réalité. Mais incomplète en l’absence d’intelligibilité commune de la valeur, c’est à dire en l’absence de marché financier international qui compte le droit dans une même monnaie. L’étape à franchir est politique. Il faut que les hommes décident vraiment de vivre ensemble dans leurs différences et que les pouvoirs politiques en assument vraiment la responsabilité.
Derrière la simplicité des mots, la mutation en cours affecte les racines de la religion, de la politique et de l’économie. Le monde occidental est à nouveau un parmi d’autres dans une civilisation terrestre matériellement unifiée. L’économie mondiale s’est unifiée sur le paradigme religieux et politique occidental construit sur le système causal gréco-judéo-chrétien. La religion est l’ensemble des motifs et des fins du vivre ensemble. La politique est l’ensemble des formes du vivre ensemble. L’économie est la matière du vivre ensemble. La monnaie qui sert à compter la valeur synthétise dans l’économie de la matière le paradigme de pensée du vivre ensemble. Sur un dollar il est écrit : « in god we trust » ; la monnaie matérialise une profession de foi. La crise provoquée par les subprimes est le déclassement définitif de la monnaie internationale construite sur le dollar, c’est à dire de la suprématie politique et religieuse de l’Occident.
Les subprimes ont été l’ultime et vaine tentative de relever par la spéculation le défi de civilisation de la Chine. L’empire du milieu a cassé le jeu financier occidental. La civilisation chinoise repose davantage sur la société que sur la personne individuelle : elle se sert de la monnaie pour acheter de la sécurité financière au reste du monde avant de développer la valeur par les échanges interpersonnels domestiques. Une énorme accumulation de dettes s’est produite que le système financier international ne sait pas gérer. Le modèle de la monnaie exclusivement portée par la religion et le système politique de l’Occident est en train de s’effondrer.
La crise ne sera pas surmontée par une simple substitution monétaire comme celle de la livre par le dollar entre 1914 et 1945. Elle le sera par une refondation du capital et du crédit qui permette un étalon véritable de la valeur internationale. Un étalon qui ne repose pas seulement sur la séparation occidentale du temporel et du spirituel mais sur le modèle holistique que pratique la Chine. Le respect de la conscience personnelle en Occident admet le faire sans le dire et le dire sans le faire. Il est possible de prêter une parole qui n’est pas concrètement réalisable et de réaliser sans dire contre l’intérêt de la société. Par le culte de la patrie des ancêtres, la Chine met son unicité pérenne au-dessus de tout : elle réduit le faire au dire et le dire au faire. En fixant par elle-même la valeur de sa monnaie, elle impose par son modèle politique une économie rentable par définition. Par sa masse, elle manipule la définition du dollar que l’État de droit étatsunien délaisse. La substantification des monnaies ne peut plus reposer sur des définitions juridiques, politiques et religieuses nationales ; ni celles des États-Unis, ni celles de la Chine ni d’aucune autre nation. Keynes l’avait dit à Bretton Woods dans sa proposition du bancor. Il n’y a plus de raison de ne pas l’écouter.
161 réponses à “Comment la vraie monnaie va chasser la fausse, par Pierre Sarton du Jonchay”
« En vérité, l’acceptation d’un paiement en monnaie n’est pas une acquisition de valeur présente en matière physique mais bien la promesse quantifiée d’une valeur future quelconque. » : oui, d’une certaine façon, mais dans la perspective ressassée de la monnaie qui peut perdre sa valeur par inflation. Serait-ce impossible de parler de la monnaie abstraction faite de sa « valeur » ? Celle-ci relève de la technique de sa gestion, ça ne définit pas la monnaie.
« La supervision politique d’un marché par la détermination effective de droits équivalents entre tout échangiste est la contrepartie réelle de la monnaie. » : droits équivalents sur le marché échangiste, mais pas sur le plan du travail. Si, pour gagner un dollar, il faut à l’un travailler 12 heures dans des conditions épouvantables, et à l’autre une seconde à peine dans un bureau climatisé, ce même dollar ne représente pas du tout des « droits équivalents ».
« Un règlement en monnaie est d’abord la quantification d’un droit et ensuite la potentialité de sa transformation en objet de matière physique. » : non, c’est la quantification d’un pouvoir réglementé en droit.
« Le Droit garantit la contrevaleur physiquement matérialisable que la société entière promet du présent au futur. » : le droit ne peut pas garantir cette contrevaleur, sauf à très court terme. Que pourrai-je payer dans 100 ans avec dix euros ? Impossible à savoir, donc impossible à garantir.
Très irritant cet article. Il commence par un titre accrocheur qui donne envie de lire pour savoir, mais il faut se coltiner des tonnes d’abstractions. J’ai vraiment l’impression d’être dans un labyrinthe : si je suis l’auteur par ici, puis par là, (ie: si je lis bien), alors je devrais trouver la sortie, c’est-à-dire comprendre comment le titre se justifie. Mais je ne peux que décrocher en cours de route, et je ne saurai sûrement jamais comment l’auteur différencie la « vraie » et la « fausse » monnaie. Dommage.
Ca me rappelle une anecdote de lecture, La vie et les opinions de Tristram Shandy, de Laurence Sterne, un livre remarquable et rigolo comme tout, mais dont j’ai dû abandonner par 2 fois la lecture complète, (et à peu près au même endroit), faute de pouvoir suivre le fil des histoires qui s’emboîtent à n’en plus finir comme des poupées russes. De ce fait, il s’agit selon moi d’un livre très difficile à lire, mais, par un article paru dans Libé, je sais que pour l’éditeur, (Tristram), la difficulté serait ailleurs. Selon lui, il faudrait tout connaître du contexte socio-historique de l’histoire pour la comprendre, c’est pourquoi il a fait une édition bourrée de notes. Je les ai toutes lues, et à chaque fois j’ai été déçu : parce qu’elles n’apportaient strictement rien sur la compréhension de l’histoire.
Monsieur Pierre Sarton du Jonchay écrit manifestement pour des universitaires érudits qui ont le temps, le courage et la motivation qui convient pour éplucher ses textes mots à mots, car il n’y a pas d’autre moyen d’en retenir quelque chose.
Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement.
Entièrement d’accord avec vous, Crapaud Rouge, cet article est très irritant.
@ Batracien,
Je ne vous cache pas que j’ai également beaucoup de mal à suivre les méandres de la pensée de PSJ ; je pense que, derrière son « abscondité » (je sais que le terme est laid mais il me semble évocateur), se cache un problème de langage : il utilise des termes appartenant à des lexiques très différents qu’il fusionne en croyant servir la découverte de sa pensée, qui au surplus, n’est peut-être pas si claire que ça d’ailleurs.
Pour résumer, je dirais que l’apologie de la transparence, qu’appelle de ses vœux notre auteur à longueur de billets, est un art bien fumigène…
@Crapaud Rouge,
J’ai été impressionné par la lecture de « Comment la vérité et la réalité ont été inventées ». La vérité et la réalité sont des inventions humaines. Elles sont en cours d’invention par vous et moi. La vérité et la réalité sont ce que nous voulons qu’elles soient. Paul Jorion explique que nous la construisons par le langage. C’est le génie d’Aristote de nous avoir livré le langage de l’architecture du langage qui exprime la vérité et la réalité de celui qui parle. J’ai bien conscience de vous demander un effort pour me comprendre. Paul Jorion qualifie ma démarche d’axiomatique. Elle fait peser une lourde charge sur le lecteur qui doit tout lire en supposant le propos vrai avant de savoir si la conclusion a un intérêt.
L’intérêt que je souhaite partager est celui du langage libre qui produise une valeur universelle. Un langage qui cherche une vérité et une réalité extérieures à lui-même, enrichissant pour toute personne qui souhaite partager quelque chose avec un tout autre que lui-même. La proposition est libre et certainement exigente. J’emploie les mots dans un sens qui n’est peut-être pas courant en laissant mes interlocuteurs imaginer la réalité à laquelle ils sont renvoyés. Je ne peux que vous remercier de votre effort.
Ma suggestion à propos de la monnaie est de lui attribuer un contenu métaphysique. Autrement dit d’affirmer qu’elle contient sa propre définition. C’est effectivement déroutant parce qu’une définition est plutôt un contenant qu’un contenu. Je dis que cela est possible par le marché si l’on veut bien le définir comme le lieu d’échange de la matière physique et métaphysique. Il faut alors admettre avec Aristote que la matière n’est pas seulement physique mais aussi métaphysique. Et la monnaie devient l’atome matériel de métaphysique.
Si le marché est un lieu d’échange physique et métaphysique, il faut une règle. Il faut choisir et appliquer une rationalité non déterministe qui respecte la liberté de choisir alors même que les déterminismes physiques s’imposent à nous dans leur réalité. Alors même que la liberté instaure la concurrence des causes personnelles dans une société qui impose par elle-même les mêmes contraintes à des individus radicalement différents. Le marché peut concilier la liberté et la contrainte du réel humain et physique si les langages sont négociables en monnaie.
Cela signifie que toute affirmation a une valeur si elle a un auteur personnellement identifiable qu’un autre garantit par sa réalité. Toute affirmation a une réalité et une vérité, s’il existe une société d’au moins trois personnes : l’une pour dire, l’autre pour faire et la troisième pour vouloir ce que le premier a dit que le deuxième fait. L’outil de langage qui relie des sujets à un objet dicible de réalité existe en finance : c’est l’option cotée sur un marché. Si le marché est l’option politique de la liberté cotable sur le marché, alors le nominal de l’option du marché est la monnaie de compte de la valeur universelle. C’est déroutant pour notre matérialisme idéaliste mais bien logique. Il faut vouloir la logique que nous adoptons ! S’il y a une variable cachée dans mon propos, c’est votre volonté libre de comprendre. Cette variable ne m’appartient pas.
La monnaie est morte qui cherche à imposer l’imaginaire d’un groupe ou de quelques individus à l’humanité entière. La domination du dollar et de l’euro dans son sillage est terminée. Soit nous partagerons la monnaie avec le reste du monde, soit nous allons retourner à la misère.
@ PSJ,
Pour ce qui me concerne, je ne peux en aucune façon entrer dans et agréer à votre raisonnement en raison des trop nombreuses assertions fausses qui jonchent ce qu’il faudrait que l’on accepte comme acquis ou comme vrai. Votre méthode axiomatique, utilisée dans chacun de vos textes, ne peut donc être valablement validée. Mais, qui ne tente rien n’a rien. Nous vivons une époque où il devient intéressant de tenter de trouver des solutions, encore faut-il que celles-ci ne s’éloignent pas trop du réel.
Cordialement,
« La première intermédiation financière a émané historiquement de l’autorité publique souveraine. » : non, l’intermédiation financière commence quand vous confiez à un tiers la monnaie que vous possédez.
« Le marchand expérimenté est propriétaire d’une mesure de la valeur ajoutée future de ses ventes sur ses achats. : une mesure n’est qu’un nombre et, dans le cas du marchand, ce nombre est escompté, il n’est même pas le résultat d’une opération de mesure concrète. Il doit vendre d’abord. Le « propriétaire » d’une mesure future, non réalisée, n’est même pas propriétaire à l’instar d’un auteur, par exemple, il n’est donc propriétaire de rien du tout. Avec ses achats sur le dos, le « marchand expérimenté » a une charge, un truc dont il doit se débarrasser car, s’il ne le fait pas, il est perdant.
« Si cette valeur nette anticipée est substantielle, réelle et vérifiable, des tiers se mettent à conserver leurs créances sur le marchand pour régler leurs dettes. » : comment pourrait-elle être substantielle puisqu’elle est anticipée ? La substance est hic et nunc ou n’est pas.
« La fausse finance produit de la fausse monnaie qui ne contient pas la valeur de l’engagement humain. » : ah, enfin quelque chose que la mémoire peut retenir…
« La substantification des monnaies ne peut plus reposer sur des définitions juridiques, politiques et religieuses nationales ; ni celles des États-Unis, ni celles de la Chine ni d’aucune autre nation. » : tout à fait d’accord. Cette « substantification » ne peut reposer que sur des procédés connus et compris de tous. C’était le rôle du stock de matière précieuse de justifier un procédé qui « garantissait » la valeur de la monnaie. (Les états se faisant fort d’en abuser, évidemment.) Or, aujourd’hui, on n’a aucune idée de ce que font les banques, du moins sont-elles libres de faire ce qu’elles veulent, hors de tout contrôle et dégagées du devoir de « garantir » la monnaie. Donc : monnaie bancaire, monnaie scripturale, monnaie de crédit, tout ça c’est de la fausse monnaie.
Quand on est riche et qu’on ne sait pas que faire de son argent, on peut par exemple acheter un appartement et le louer. Question : vous le payez à crédit ou comptant ? Réponse : à crédit, et vous utilisez le loyer pour rembourser. Vous devenez ainsi propriétaire sans débourser un dollar de votre monnaie, ce qui vous laisse le loisir de l’utiliser dans les circonstances où le crédit n’est pas possible. Mais les locataires ne peuvent pas payer leur loyer à crédit, et comme ils ne sont pas idiots au point de louer un appart’ qu’ils pourraient acheter par leurs avoirs, il faut en conclure que c’est par leur travail qu’ils paient leur loyer. De façon analogue, c’est en faisant travailler ses machines que l’entrepreneur rembourse ses emprunts. Bref, la monnaie est à mettre en rapport avec une certaine quantité de travail, alors que l’auteur parle uniquement des prix de production.
Limpide.
@CR
J’ai bien note vos remarques que je trouve constructives. Je vais faire l’effort de m’expliquer quand je serai de nouveau derrière un ordi.
Petit commentaire très court sur le titre même de cette discussion. « Comment la vraie monnaie va chasser la fausse » Je pense que beaucoup d’entre vous connaissent l’autre loi qui inverse cette proposition: « la mauvaise monnaie chasse la bonne ».Loi à laquelle on fait référence en tant que loi de Gresham.
L’idée étant qu’en présences de deux monnaies, dont l’une est de qualité inférieure à l’autre, celle de meilleure qualité est souvent thésaurisée comme valeur de précaution, et seule l’autre reste en circulation pour sa valeur d’échange. Bien entendu, cette « loi de Gresham ne reste valable que tant que la différence de qualité entre les deux monnaies n’est pas trop importante. En effet si la qualité de la monnaie de qualité inférieure se détériore en deçà d’un certain seuil, celle ci perd alors tellement de sa valeur d’usage qu’elle finit aussi par disparaître de la circulation…
Par ailleurs la monnaie, en tant qu’objet d’étude pose de très nombreuses questions déjà au niveau des rôles divers auxquels elle est associée
1/estimation d’une valeur partagée au moins par un certain nombre de membres de la société
2/ moyen de faciliter les échanges: le troc devenant trop complexe à organiser au delà d’un certain nombre de personnes et de produits
3/un moyen de préserver une valeur pouvant être facilement thésaurisée en vue d’échanges ultérieurs.
mais la complexité de l’étude de la monnaie tient aussi aux aspects psychologiques qui lui sont attachés. L’aspect fiduciaire, c’est à dire la confiance que les autres membres de la société vont l’accepter comme mode de règlement de dettes ou d’échanges. Notons que toute monnaie a ce caractère fiduciaire impliquant la confiance des autres en sa valeur, même l’or pourtant considéré comme valeur refuge par excellence….
J’essaierai de trouver un moment pour résumer les excellents chapitres consacrés à la monnaie dans le livre du Professeur Raymond Barre, que je n’ai pas du tout aimé en tant qu’homme politique mais dont les textes publiés dans le cadre universitaire restent des chefs d’œuvres d’analyse économique pour leur étonnante objectivité, même si celle ci doit tout de même être relativisée. On n’est tout de même pas dans le discours obtus d’un idéologue bien que l’idéologie reste en filigrane dans le texte.
Je ne sais pas si ces livres sont toujours disponibles: Raymond Barre Economie Politique 1 et 2, correspondant respectivement aux cours de 1ère et deuxième année de la licence de Science économique. Si vous les trouvez dans de « vides greniers » ou chez des bouquinistes n’hésitez pas à les acheter.
Les mécanismes de base de l’économie y sont expliqués de manière qui reste toujours valable, tout comme la théorie newtonienne n’a pas cessé d’être valable même après l’apparition de la théorie de la relativité, seuls les domaines d’applications en ont été mieux circonscrits…
Paul
S’agissant de mauvaise monnaie : « loi de Gresham » ou loi de Greespan ? 😉
@VB
Greenspan ! Pas « Greespan »! Si encore vous aviez dit Greedspan, le mot d’esprit eût été presque acceptable. Là, c’est juste mauvais, .. et raté, ce qui n’excuse rien. Si j’avais été modérateur, je vous aurais squeezée. Par charité chrétienne…
Mes hommages désolés.
@ vigneron la terreur,
Aucune faute de frappe ne vous échappe ! Et vous êtes et resterez toujours enclin à la dureté, extrême, vis à vis des autres, malheureusement pas exactement partagée vis à vis de vous-même.
Dommage,
Cordialement,
A propos de Raymond Barre, grand défenseur et traducteur de Hayek, deux citations qui résument ce piètre animalcule néo-libéral activiste égaré en politique:
« L’utilité est une notion qui se distingue de la morale et de l’hygiène. »
Traité d’économie politique (1959)
« La meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de travailler. »
Prix de l’humour politique 1997.
Désolé pour les personnes qui ont corrigé mon commentaire, je persiste et confirme le nom et l’orthographe: Il s’agit bien de la loi de Gresham.
La loi de Gresham, du nom du commerçant et financier anglais Thomas Gresham (vers 1519 – 1579), veut que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Cette loi, qui est en fait une constatation empirique, signifie que lorsqu’il y a deux monnaies en circulation, les agents économiques thésaurisent la « bonne » monnaie, et n’utilisent plus que la « mauvaise » dans leurs transactions.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Gresham
La monnaie qui gagne en valeur va être gardée dans nos tiroirs ou sous nos matelas… Du coup, on va utiliser davantage la monnaie qui a perdu en valeur, c est elle qui va circuler. C’est pour ca qu’on dit que la mauvaise monnaie chasse la bonne.
http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070113043003AATetaS
Exemple très concret et que certains d’entres vous avez peut-être observé ; les grands parents gardaient les « francs or » dans leurs tiroirs et achetaient avec des francs en cuivre ou en papier monnaie, réservant leurs franc-or pour les donner bien plus tard à leurs enfants et petits enfants. Le même phénomène s’est passé aux USA où il est devenu difficile de trouver des pièces de un dollar en véritable argent-métal ces dernières étant précieusement gardées dans les tiroirs ou même dans des coffres forts et donc le circulant plus sur les marchés d’achats de biens et services ordinaires.
Je reviendrais plus tard sur cette mythologie liée à la valeur des métaux précieux, valeur qui est tout autant fiduciaire que celle des monnaies convertibles en or ou même que celle de l’or ou de l’argent sous leurs forme de métaux en lingots ou même en pièces des métaux précieux. C’est uniquement ou presque parce que les autres membres de la société acceptent cette valeur de manière collective qu’elle existe. J’ai précisé « ou presque » car depuis quelques années l’or et l’argent ont des applications industrielles, l’or et l’argent ont maintenant une valeur pour une utilité économique autre que les échanges et la thésaurisation.
J’y reviendrai plus longuement pour pousser un petit coup de gueule… suite à des articles publiés dans des revus destinées aux profiteurs et spéculateurs sur ces métaux précieux.
Paul
@VB
Ne vous inquiétez pas, nul besoin de votre cruelle et mesquine sollicitation pour me montrer en parfaite communion avec les « victimes » innocentes mon extrême dureté. Je ne vous en donne que la menue monnaie, je garde les grosses coupures pour ma pomme.
@ Paul TREHIN,
Je n’ai pas pensé que vous faisiez une erreur, je n’ai parlé de Greenspan que parce que, sauf erreur de ma part, c’est sur son inspiration que le crédit comme mode de financement s’est considérablement développé aux USA, ce qui a induit un faux sentiment de propriété, cher payé, pour beaucoup de monde (d’où la petite mais mauvaise plaisanterie sur la mauvaise monnaie ; mauvaise plaisanterie car il ne s’agit pas à proprement parler de monnaie en circulation 🙂 ).
Cordialement,
@ Paul Trehin
Le titre de ce billet de Pierre Sarton du Jonchay est sûrement une allusion à la loi de Gresham, vous avez raison d’en parler. Voici trois cas où la loi de Gresham peut s’appliquer :
1) L’altération des monnaies : le roi frappe des monnaies qui contiennent moins d’or ou d’argent que les anciennes, mais il oblige les marchands à les accepter comme des vraies. Cette pratique fût extrêmement ancienne et fréquente, remarquée déjà par Aristophane dans Les grenouilles. Sa motivation est facile à comprendre, puisqu’elle permet au souverain de frapper plus de pièces avec moins de métal et ainsi d’augmenter son seigneuriage. Cas équivalent : obliger les marchands à accepter les pièces usées au même prix que les pièces neuves.
2) Le bimétallisme : des monnaies d’argent et des monnaies d’or circulent en parallèle, et le gouvernement fixe par la loi le taux de change entre les deux. Ce taux légal n’est jamais parfaitement égal au prix de marché, ce qui fait qu’un des deux métaux est surévalué. Ce système s’est généralisé après la Révolution française, quand le « franc Germinal » a été instauré et défini comme un certain poids d’or ou un certain poids d’argent. Le bimétallisme était cependant plus ancien, puisque Newton, maître des monnaies, gérait déjà un système similaire au début du XVIIIème. La motivation officielle est de simplifier le système monétaire en fixant la parité entre les pièces de métaux différents, par exemple pour la monnaie divisionnaire. Je dis officielle, car le bimétallisme a des effets secondaires très puissants, et l’on peut se demander si ce n’est pas là sa motivation réelle.
3) Des monnaies différentes en contenu, mais difficiles à distinguer. Cela peut être le cas de la fausse monnaie, par exemple, à condition qu’elle soit suffisamment bien imitée. Plus récemment, c’est le cas des billets de banque, si l’on considère que des billets émis par une banque n’ont pas la même qualité selon que la banque est solide et dotée de fortes réserves, ou non. Or, la solidité de la banque émettrice n’est pas « marquée dessus » et il est difficile, lorsqu’on reçoit un billet en paiement, de savoir si il sera convertible.
On voit ainsi qu’il faut une condition pour que la loi de Gresham entre en action : il doit être impossible (3) ou bien interdit (1 & 2) de sélectionner la bonne monnaie. La formulation courante de la loi est donc incomplète, et il faudrait dire « La monnaie surévaluée chasse la monnaie sous-évaluée. » En pratique, le cas 3) est plutôt rare car une monnaie doit être facile à authentifier, sans quoi elle a peu de chances d’être utilisée à grande échelle. Pour faire une analogie : s’il était impossible de distinguer le diamant du verre, les bagues en diamant ne vaudraient pas grand-chose.
Ainsi, la loi de Gresham est en réalité une loi de l’intervention de l’Etat dans la monnaie. Il y a plusieurs façons de surévaluer une monnaie : lui donner cours légal, fixer son ratio avec une autre monnaie, donner des privilèges légaux (garanties publiques) à l’émetteur, etc. Les effets secondaires sont innombrables : dégradation de la qualité des pièces, exportation et/ou thésaurisation du métal sous-évalué en régime bimétallique, extension de l’usage des billets de banque par rapport aux espèces. Tous ces exemples illustrent la loi « La monnaie surévaluée chasse la monnaie sous-évaluée. »
Je viens de regarder l’article « loi de Grehsam » dans l’encyclopédie Universalis et dans Britannica, et la moisson est décevante. Il y a deux très bons articles en anglais de Selgin et Mundell, respectivement :
http://eh.net/encyclopedia/article/selgin.gresham.law
http://www.columbia.edu/~ram15/grash.html
En français, un bon article est celui de Richard Dutu :
http://www.univ-orleans.fr/deg/GDRecomofi/Activ/dutu_gresham_birmingham.pdf
« Loi de Gresham et Circulation des Monnaies au Moyen-Âge »
Cdt,
GSF
@ Paul Trehin
Le titre de ce billet de Pierre Sarton du Jonchay est sûrement une allusion à la loi de Gresham, vous avez raison d’en parler. Voici trois cas où la loi de Gresham peut s’appliquer
1) L’altération des monnaies le roi frappe des monnaies qui contiennent moins d’or ou d’argent que les anciennes, mais il oblige les marchands à les accepter comme des vraies. Cette pratique fût extrêmement ancienne et fréquente, remarquée déjà par Aristophane dans Les grenouilles. Sa motivation est facile à comprendre, puisqu’elle permet au souverain de frapper plus de pièces avec moins de métal et ainsi d’augmenter son seigneuriage. Cas équivalent obliger les marchands à accepter les pièces usées au même prix que les pièces neuves.
2) Le bimétallisme des monnaies d’argent et des monnaies d’or circulent en parallèle, et le gouvernement fixe par la loi le taux de change entre les deux. Ce taux légal n’est jamais parfaitement égal au prix de marché, ce qui fait qu’un des deux métaux est surévalué. Ce système s’est généralisé après la Révolution française, quand le franc Germinal a été instauré et défini comme un certain poids d’or ou un certain poids d’argent. Le bimétallisme était cependant plus ancien, puisque Newton, maître des monnaies, gérait déjà un système similaire au début du XVIIIème. La motivation officielle est de simplifier le système monétaire en fixant la parité entre les pièces de métaux différents, par exemple pour la monnaie divisionnaire. Je dis officielle, car le bimétallisme a des effets secondaires très puissants, et l’on peut se demander si ce n’est pas là sa motivation réelle.
3) Des monnaies différentes en contenu, mais difficiles à distinguer. Cela peut être le cas de la fausse monnaie, par exemple, à condition qu’elle soit suffisamment bien imitée. Plus récemment, c’est le cas des billets de banque, si l’on considère que des billets émis par une banque n’ont pas la même qualité selon que la banque est solide et dotée de fortes réserves, ou non. Or, la solidité de la banque émettrice n’est pas marquée dessus et il est difficile, lorsqu’on reçoit un billet en paiement, de savoir si il sera convertible.
On voit ainsi qu’il faut une condition pour que la loi de Gresham entre en action il doit être impossible (3) ou bien interdit (1 & 2) de sélectionner la bonne monnaie. La formulation courante de la loi est donc incomplète, et il faudrait dire La monnaie surévaluée chasse la monnaie sous-évaluée. En pratique, le cas 3) est plutôt rare car une monnaie doit être facile à authentifier, sans quoi elle a peu de chances d’être utilisée à grande échelle. Pour faire une analogie s’il était impossible de distinguer le diamant du verre, les bagues en diamant ne vaudraient pas grand-chose.
Ainsi, la loi de Gresham est en réalité une loi de l’intervention de l’Etat dans la monnaie. Il y a plusieurs façons de surévaluer une monnaie lui donner cours légal, fixer son ratio avec une autre monnaie, donner des privilèges légaux (garanties publiques) à l’émetteur, etc. Les effets secondaires sont innombrables dégradation de la qualité des pièces, exportation etou thésaurisation du métal sous-évalué en régime bimétallique, extension de l’usage des billets de banque par rapport aux espèces. Tous ces exemples illustrent la loi La monnaie surévaluée chasse la monnaie sous-évaluée.
Je viens de regarder l’article loi de Grehsam dans l’encyclopédie Universalis et dans Britannica, et la moisson est décevante. Il y a deux très bons articles en anglais de Selgin et Mundell, respectivement
httpeh.netencyclopediaarticleselgin.gresham.law
httpwww.columbia.edu~ram15grash.html
En français, un bon article est celui de Richard Dutu
httpwww.univ-orleans.frdegGDRecomofiActivdutu_gresham_birmingham.pdf
Loi de Gresham et Circulation des Monnaies au Moyen-Âge
Cdt,
GSF
Je vous signale au passage que Dutu , dans sa conclusion, observe que dans d’autres cas que ceux de son article, la bonne monnaie, la forte, a chassé la « mauvaise ».
Il pose l’idée qu’il pourrait y avoir des « réactions » à la supposée loi de Gresham.
En fait je trouve l’article de Dutu vraiment intéressant car il montre bien -pour moi- que cette loi n’est pas une loi, mais le résultat d’un comportement humain consistant à s’assurer un gain soit par une garantie plus forte, soit par de la pure spéculation.
Toute distorsion entre la valeur nominale faciale d’une monnaie et son contenu intrinsèque , toute différence de corruption entre 2 monnaies se référant à la même unité de compte, tout taux de change mal estimé dans une même monnaie composée de pièces hiérarchisées d’or et d’argent , ou tout taux de change mal calibré entre deux monnaies d’unité différentes, eu égard à leur valeur intrinsèque supposée, … entraînent des mécanismes d’ajustement par le jeu de la spéculation , puisqu’un gain sans production de travail , est possible !!!
Mais cet ‘ajustement’ s’inscrit dans une réalité : il faut pouvoir concrètement réaliser la transaction qui dégagera le gain , sur un marché s’il existe, en trouvant un partenaire , et ceci au travers d’une réglementation seigneuriale instaurant plus ou moins de rigidité par un certain ‘interventionnisme’ (puisqu’au moyen-age la production de monnaie est un droit relevant certes du roi mais aussi des seigneurs, le roi n’étant qu’un seigneur parmi les seigneurs ).
La loi de Gresham connait donc des variantes : la monnaie ‘faible’ ou corrompue peut ‘manger’ complètement ou pas la forte … ou ne pas la manger suivant les possibilité d’observer d’abord les distorsions , et de les réaliser , à l’échelon local ou régional et suivant les règles imposés par les seigneurs (Centre de fonte, privilège des changeurs et arbitragistes, taux de change libre ou administré etc …)
Mais cette loi a-t-elle encore un sens quelconque aujourd’hui … ?
… puisque cette loi n’est basé fondamentalement que sur la distorsion entre la valeur affichée et la valeur intrinsèque de la monnaie (La monnaie comportant son gage en elle même)
Aujourd’hui la monnaie n’est plus gagée puisqu’elle n’est plus garantie par une marchandise précise de fait (la marchandise est concrètement dans la monnaie) ou de droit (on vous promet l’échange du billet-ticket automatiquement contre une marchandise réelle , l’or en général)
Par conséquent la loi de Gresham ne peut plus fonctionner plus de la même façon.
Les monnaies d’aujourd’hui ne sont plus marchandises mais crédit. La force d’une monnaie est donc la qualité de ce crédit , qui circule et tient lieu de monnaie . (La qualité du crédit d’une zone géographique souveraine étant le degré de certitude de rembourser ce crédit, c’est à dire de produire , puis vendre, de la richesse -biens ou services-)
La spéculation va consister à jouer -lorsque cela est possible- les distorsions et les rigidités entre les taux de changes des monnaies lorsqu’ils ne reflètent pas la force réelle économique entre diverses zones souveraines , soit parce que les taux sont fixés administrativement mais qu’il y a des failles, soit parce que le marché se trompe , soit parce que dans un temps court ça va changer … etc …
La loi de Gresham n’a plus de sens alors ! … mais néanmoins les comportements attirés par le gain sont encore à l’oeuvre et on peut dire que la la loi de Gresham prend alors des formes différentes.
Je reviens un peu à Raymond Barre dont les mandats politiques m’ont plus que déçu, il m’ont dégouté d’une certaine forme de politique. Il donnait dans ses discours politique des positions extrémistes en matière d’économie de marché alors qu’il avait fourni dès son premier tome de « Economie Politque », manuel de première année de Science Eco, une analyse extrêmement nuancée, surtout quand on considère qu’il s’agissait d’un cours théorique de base destiné à expliquer à des élèves de première année de science éco les éléments très primaires du fonctionnement de l’économie libérale de marché. Il y apportait des critiques que l’on retrouvera plus tard dans des auteurs tels que Georges Akerlof ou que Joseph Stieglitz. Par ailleurs sa description pédagogique des systèmes soviétiques dans ce même manuel de première année de Science Eco, restait relativement objective en ce qui concernait leur organisation et leur fonctionnement.
Je différencie bien l’homme politique, obligé de donner des positions tranchées pour séduire un électorat souvent peu au fait des théories économiques du professeur d’économie devant un auditoire captif mais pour lequel une des fonction de l’enseignement restait selon le principe de Monteigne « Former le jujement » donc apporter les éléments d’une théorie en même temps que les aspects critiques de cette théorie.
C’est l’écart entre le professeur relativisant les oppositions entre les théories économiques et l’homme politique les exacerbant qui m’a surtout fait détester Raymond Barre homme politique.
Plusieurs texts que je viens de lire, textes venant d’auteurs avec des histoires personnelles de gauche ou des histoires personnelles plus de l’économie de marché m’ont permis de m’appercevoir que bien des éléments du Taylorisme ou même du Fordisme avaient été largement intégrés dans les méthodes soviètiqus de production, entre autre dans le Stackanovisme, où, tout omme dans les régimes capitalistes l’individu était sacrifié sut l’autel du productivisme scientifique.
J’ai rajouté ce commentaire pour insister sur la nécessaire relativisation des certitudes en matière de compréhension des phénomènes humains déjà au niveauindividuel mais encore plus au niveau social.
Fort heureusement, plusieurs de mes professeurs successifs en licence de Science Eco puis e DEA de SCience Eco ont eu des approches tout aussi ouvertes, quelles que soient leurs appartenances politiques, J’en ai en tête deux en particuliers dont un était Giscardien, l’autre Marxiste mais les deux délivraient des cours très ouverts, même si on sentait parfois des nuances dans leurs présentations sur certains éléments. Mais en DEA, on a tout de mêmme reçu auparavant une panoplie permettant de séparer l’idéologie de l’enseignement théorique.
Paul
@Gu si fang (http://www.pauljorion.com/blog/?p=14650#comment-101567),
Je vous suis dans l’ensemble de vos remarques et souhaite insister sur certains points. Vous semblez suggérer vous-même qu’il y a quelque chose en plus que des objets matériels, des transactions et du temps pour faire de la monnaie. Il y a la logique qui ordonne nos actes à nos fins. C’est à mon avis ce qu’Adam Smith avait signifié par le terme de « main invisible ». Les dernières générations d’élèves de Smith dénaturent ses leçons d’économie. Elles n’ont pas écouté sa théorie des sentiments moraux. Si une société adopte la discipline individuelle d’offrir ce que les autres demandent et de demander ce que les autres offrent, alors « miraculeusement » la valeur se multiplie par l’échange. En métaphysique aristotélicienne, la valeur (Aristote nous fournit les causes de la valeur sans la qualifier comme telle) est à la fois forme et matière. Ainsi est-il possible de l’utiliser comme unité de compte et matérialité métaphysique de la valeur comptée.
La causalité de la monnaie dans l’intelligence humaine libre de la matière physique rend la monnaie variable dans le temps mais pas dans la logique. Le temps est cause de changement de la valeur pendant que la puissance logique est cause de stabilité. La matérialité, la forme ET la finalité coexistent dans l’effet de la monnaie sans ordre chronologique mais par un ordre moral. Cette réalité est difficile à comprendre pour l’esprit scientifique contemporain. Nous raisonnons avec la matière, la forme et l’effet mais ignorons le problème de la finalité que nous excluons du champ de la connaissance scientifique. Il n’existe plus qu’une seule causalité déterminée par le temps où toute conséquence a des causes antérieures à elle-même. Sans la finalité qui entraîne la responsabilité, nous croyons que la vie est plus facile à vivre seulement conduite par la temporalité.
Nous en venons ici au lien entre la Loi et la morale. La Loi est le modèle de la morale non sa réalité vécue dans le temps. Elle outille le raisonnement moral en marquant les repères communs fondamentaux qu’une société propose à ses membres. Bien sûr, la loi donne valeur morale à la monnaie mais à condition que la loi ait été convenue et appliquée par ses sujets dans la réalité de leur vie concrète. L’État de droit n’est pas seulement de la Loi dite dans la virtualité mais de la Loi comprise et appliquée dans la réalité des personnes, c’est à dire des individus outillés par une science morale, une science de la subjectivité libre, des individus CONSCIENTS.
Le contraire de »l’homo economicus », si je ne m’abuse? Belle conclusion Monsieur du Jonchay…
Bonsoir et merci pour votre réponse,
« Vous semblez suggérer vous-même qu’il y a quelque chose en plus que des objets matériels, des transactions et du temps pour faire de la monnaie. »
Oui. Si je considère une pièce dans ma poche dans ma monnaie, c’est parce que je crois pouvoir l’échanger facilement. J’ai un stylo bille dans ma veste, mais je ne le considère pas comme de la monnaie. C’est donc ma croyance qui fait d’une pièce quelconque une pièce de monnaie – croyance partagée avec les autres membres de la société. Et je peux vérifier tous les jours la validité de cette croyance, puisque chaque fois que je veux acheter quelque chose… on accepte effectivement mes pièces !
En d’autres termes, c’est ce que les économistes appellent préférences, croyances, valeurs subjectives ou anticipations qui font d’une monnaie ce qu’elle est. Ce ne sont pas les qualités matérielles de l’objet métallique lui-même. On peut formuler cela en disant qu’une monnaie est un « fait social » ou une « institution sociale de facto » (à défaut d’être de jure).
Je ne comprends pas votre deuxième alinéa sur la variabilité de la monnaie, la « logique » (?) et la causalité.
Dans le troisième alinéa, voulez-vous dire qu’une Loi devient morale lorsque que les gens l’internalisent et l’appliquent volontairement ? Il y a pourtant de nombreux contre-exemples. A l’extrême, on peut citer le zèle de l’administration française à appliquer le décret de Vichy sur le statut des Juifs, par exemple. Dans un registre plus banal, on peut considérer les lois de plafonnement de tel ou tel prix, qui engendrent une pénurie du bien concerné et le développement du marché noir. Mais il y a aussi des comportements sociaux qui sont internalisés et que nous respectons spontanément sans qu’il soit besoin de les codifier dans la loi. Il y a ainsi des règles de conduite qui sont partagées par tous, et heureusement : cela nous facilite la vie en nous aidant à anticiper le comportement des autres. Si nous avons peur du « fou », c’est entre autres parce que qu’ils ne respecte pas les règles de conduite et qu’il est donc imprévisible.
Ce que je dis dans mon commentaire, c’est que les interactions sociales permettent l’émergence, la production et le partage de valeurs communes. La monnaie joue un rôle important dans ce processus, du moins pour les interactions qui passent par des échanges marchands. Je n’oublie pas que beaucoup d’interactions sociales se font sans monnaie, mais la monnaie joue un rôle suffisamment important pour qu’une erreur de manipulation perturbe le fonctionnement de toute la société. C’est le cas des bulles financières.
Le coeur du débat se situe, à mon avis, entre les partisans d’échanges spontanés, qui considèrent que dans ce contexte la monnaie émerge toute seule comme une institution sociale ; et, d’autre part, ceux qui considèrent que les échanges et interactions entre individus doivent être intermédiés par une autorité centrale, et pour qui la monnaie doit donc être « gérée » politiquement.
@ PSJ,
« La Loi est le modèle de la morale »
=>
On comprend le contexte dans lequel vous dites cela cependant, cette assertion est plus que contestable : premièrement la morale appartient à un autre ordre que la loi, qui est du droit positif ; deuxièmement, c’est plutôt la morale qui devrait inspirer la loi ; troisièmement, si nous parlons du droit positif actuel, on ne peut que constater que la morale (ou l’éthique) en est de plus en plus absente.
Cdt,
Juste une remarque. Ces phénomènes que l’on pourrait qualifier de rétroactif, si je comprends un peu, sont modélisés en « sciences dures ». Il suffit de prendre un graphe. On lui associe souvent des arbres infinis pour « retouver » des ordres partielles pour le calul (c’est très très schématique ce que je dis là). Mais, c’est vrai, ce n’est
pas de la physique. Pour le reste j’en suis encore a l’incubation.
@Gu Si Fang,
La variabilité de la monnaie découle de sa nature inventée, de son immatérialité physique. Elle dépend totalement de la conception que ses utilisateurs s’en font. La valeur de la monnaie flotte avec l’histoire de la civilisation. Et nous sommes dans une phase historique où la monnaie seulement conçue dans sa matérialité échappe à tout effort de stabilisation. L’instabilité de la monnaie traduit l’instabilité actuelle des racines morales du Droit, de l’État de droit et de l’autorité politique. Concrètement l’autorité disparaît qui ne construit pas une société moralement et physiquement accueillante à toute personne. Les intérêts nationaux, les intérêts de classe où les intérêts économiques ne sont plus suffisants pour structurer la monnaie dans la mondialisation. Les idéologies au mieux masquent le désordre et la valeur humaine individuelle et collective se met à régresser.
PSDJ 15 août 2010 à 20:05
« La vérité et la réalité sont des inventions humaines ».
Ouf !!! Dieu est hors jeu !
« Elles sont en cours d’invention par vous et moi. »
Dans ce cas, si c’est juste la votre, je crains que son cours ne soit d’aucun secours sur le marché de la réalité et de la vérité.
« La vérité et la réalité sont ce que nous voulons qu’elles soient. »
C’est ce que montre exemplairement un dialogue entre un psychiatre et un paranoïaque.
« L’intérêt que je souhaite partager est celui du langage libre qui produise une valeur universelle ».
Le langage n’est pas libre, il est traversé de règles. Le poète s’en affranchit et atteint l’universalité, le maniaque logorrhéique aussi, mais atteint la solitude.
« J’emploie les mots dans un sens qui n’est peut-être pas courant en laissant mes interlocuteurs imaginer la réalité à laquelle ils sont renvoyés. »
Plus ou moins comme tout de monde. Si un concept (à équivocité de signification comme tous, vient dans sa parole, le locuteur produit un déictique pour indiquer son référentiel d’auteur et orienter le lecteur). Mais il n’y a pas d’autre solution que le malentendu. Ce qui n’est évidemment pas la tasse de thé de ceux font du langage un outil de communication.
« Ma suggestion à propos de la monnaie est de lui attribuer un contenu métaphysique. Autrement dit d’affirmer qu’elle contient sa propre définition ».
Nul signe n’est autoréférentiel et d’ailleurs, 15 août 2010 à 19:31 vous corrigez.
« la liberté instaure la concurrence des causes personnelles dans une société »
Bigre, la liberté réduite à la concurrence.
« Toute affirmation a une réalité et une vérité, s’il existe une société d’au moins trois personnes : l’une pour dire, l’autre pour faire et la troisième pour vouloir ce que le premier a dit que le deuxième fait. »
Le prêtre, le tiers état, et la noblesse soldatesque ?
« Si le marché est l’option politique de la liberté cotable sur le marché… »
Voilà qui n’est pas dans le fil du rapport de forces cher à Aristote et que P. Jorion fait mousser.
Champagne !
ou je ne sais pas lire…
Gu Si Fang 11 août 2010 à 00:31
« Il faut préserver le « droit de ne pas être d’accord », opinion qui semble d’ailleurs souvent exprimée sur ce blog. »
Un débat public suppose de prendre le risque d’être interpellé sur la consistance de son dire, sauf à borner ce risque avec toutes les techniques en usage à la télé (préparer le débat avant, épargner l’interlocuteur en attendant la réciprocité, la langue de bois, l’évitement, la complicité de facto, etc).
@ Rosebud1871
Oui, je suis 100% d’accord avec vous sur la contradiction des opinions, bien sûr. Ce n’était pas clair, mais je parlais des actes plus que des paroles. Par « droit de ne pas être d’accord » je voulais dire ne pas être contraint d’obtempérer. Etre convaincu, pas contraint ; encore plus lapidaire : un revolver n’est pas un argument 😉
« un revolver n’est pas un argument »
Si, si! Remenber Santiago, sweet little and yellow capitalistic pig…
Le Chili c’est peanuts vigneron.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_30_septembre_1965_en_Indon%C3%A9sie
http://en.wikipedia.org/wiki/Berkeley_Mafia (remarquez comme le nom de la très « philanthropique » Fondation Ford réapparaît à chaque fois)
@Rosebud1871,
Entendez-vous par force l’effet d’une cause non choisie ? Une même réalité tangible peut-elle contenir à la fois de la force et du choix ?
@ PSDJ
« Entendez-vous par force, l’effet d’une cause non choisie ? »
L’abonnement à la « cause du peuple » version George Sand ou plus tard Roland Castro était librement choisi. L’adhésion au colle cause, c’est moins certain.
Il y a toutes sortes de causes, par exemple celles qui causent l’oubli puisqu’il y a différentes manifestations d’oublis, cela laisse supposer différentes causes à l’oubli mais toutes liées à une force qui produit l’oubli.
De même pour votre seconde question tout indique que là où le sujet du libre arbitre s’imagine libre de choisir, il ne manque pas de forces qui le déterminent à son insu (voir sur ce fil plus haut en tapant « levi » ma remarque à votre copain.
En associant ces remarques à votre question qui vient de mon commentaire sur votre « le marché est l’option politique de la liberté cotable sur le marché… », le sourire de la crémière inclus dans le prix du marché n’est t-il pas une force d’attraction pour le désir du badaud ? Sans parler en amont de tous les rapports de force sociaux au niveau de la production qui fabriquent la notion de prix de revient.