Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Freud a réfléchi à la question du bonheur de l’homme à la lumière de ce qu’est son psychisme : celui d’un mammifère social doté de conscience de soi et de la capacité de parler. La première constatation de Freud, c’est que l’insertion de l’espèce humaine au sein du monde naturel ne la dispose pas a priori à s’y trouver heureuse. L’homme et la femme aimeraient jouir sans entraves mais le monde qui nous est offert ne s’y prête pas : « … tout l’ordre de l’univers s’y oppose ; on serait tenté de dire qu’il n’est point entré dans le plan de la « Création » que l’homme soit « heureux » », écrit-il dans Malaise dans la civilisation (Freud [1929] 1970 : 20).
La vie de l’être humain est limitée dans le temps, sa mort est toujours brutale et souvent précédée de la déchéance. Dans L’avenir d’une illusion, Freud parlait de : « … l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces, ajoutait-il, la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C’est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d’une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grande tâche commune : le maintien de l’humanité face aux forces supérieures de la nature » (Freud [1927] 1971 : 22).
La douleur nous prévient des dangers mais la souffrance nous tourmente sans cesse, on serait tenté de dire « pour une raison ou pour une autre » : « La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre propre corps qui, destiné à la déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d’alarme que constituent la douleur et l’angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invisibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains » (Freud [1929] 1970 : 20). Enfin, l’instinct de survie de l’espèce tel qu’il se manifeste chez l’individu par le désir de copuler éloigne dans la plupart des circonstances l’homme et la femme du comportement qui serait le plus avantageux pour eux. L’être humain cherche alors à ses tourments des diversions par l’usage des drogues, la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion (« une déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs » [ibid. 25]) et, de façon plus positive, par la sublimation qu’autorisent l’expression artistique ou intellectuelle.
Sur le plan social, l’homme est condamné à choisir entre la jouissance la plus libre dans des conditions pénibles d’isolement, où le souci de sa sécurité doit primer sur tous les autres, et le sacrifice de sa liberté chérie pour s’assurer le niveau de sécurité qui lui évitera de vivre dans une anxiété permanente. Freud fait remarquer que l’homme le plus libre est nécessairement aussi celui dont la vie moyenne est la plus courte : « … l’homme primitif avait en fait la part belle puisqu’il ne connaissait aucune restriction à ses instincts. En revanche, sa certitude de jouir longtemps d’un tel bonheur était très minime. L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité » (ibid. 53). Dans ce cadre, et même si l’on mettait entre parenthèses les obstacles au bonheur que sont la mortalité et la douleur, le bonheur est hors d’atteinte en raison de la contradiction entre liberté et sécurité puisque, d’un côté, la jouissance qu’autorise la liberté absolue implique un manque de sécurité insupportable, tandis que de l’autre, la sécurité absolue débouche sur un intolérable manque de liberté.
Rechercher le meilleur des systèmes politiques possibles dans la perspective d’une maximisation du bonheur de l’homme est donc selon Freud une manière de poser le problème qui ne peut déboucher que sur des conclusions désespérantes. La seule position défendable est celle qu’il attribue à un « critique » dont il ne précise pas davantage l’identité mais en qui l’on reconnaît aisément Nietzsche : « Du moins puis-je écouter sans indignation ce critique qui, après avoir considéré les buts poursuivis par la tendance civilisatrice et les moyens dont elle use, se croit obligé de conclure que tous ces efforts n’en valent pas la peine, et ne sauraient aboutir qu’à un état insupportable pour l’individu » (Freud [1929] 1970 : 79).
Faisant également allusion aux questions politiques qui étaient alors d’actualité (L’avenir d’une illusion est publié en 1927, Malaise dans la civilisation, en 1929), Freud rejette l’option communiste : « Tant que la vertu ne sera pas récompensée ici-bas, écrit-il, l’éthique, j’en suis convaincu, prêchera dans le désert. Il me semble hors de doute aussi qu’un changement réel de l’attitude des hommes à l’égard de la propriété sera ici plus efficace que n’importe quel commandement éthique ; mais cette juste vue des socialistes est troublée et dépouillée de toute valeur pratique par une nouvelle méconnaissance idéaliste de la nature humaine » (ibid. 78). Il avait expliqué auparavant en quoi cette « méconnaissance idéaliste » consiste : « En abolissant la propriété privée, on retire, certes, à l’agressivité humaine et au plaisir qu’elle procure, l’un de ses instruments, et sans doute un instrument puissant, mais non pas le plus puissant » (ibid. 52) et attiré l’attention sur le fait que l’inégalité en matière de propriété en masque aujourd’hui une autre, qui ne manquerait pas de devenir pleinement visible et d’attiser les rancœurs si celles que provoquent les inégalités fondées sur la propriété devaient passer à l’arrière-plan : « Abolirait-on le droit individuel aux biens matériels, que subsisterait le privilège sexuel, d’où émane obligatoirement la plus violente jalousie ainsi que l’hostilité la plus vive entre des êtres occupant autrement le même rang » (ibid. 52).
Dans la perspective désenchantée de Freud, à quoi auraient alors servi les transitions historiques qui firent passer d’un régime politique à un autre ? Un regard embrassant l’histoire toute entière fait apparaître un mouvement tendanciel autorisant des communautés humaines de plus en plus nombreuses à vivre ensemble. Les alternatives, qui vont du communisme au fascisme, en passant par la démocratie, ne débouchent sur ce plan seul de l’augmentation de la taille des communautés, qu’à des résultats très semblables. Les transitions d’un régime à un autre, examinées « en extériorité », d’un point de vue holiste, n’auraient pas grand-chose à voir alors avec la représentation que les hommes peuvent s’en faire, en « intériorité », en termes de quête du bonheur, et s’inscriraient plus simplement dans le destin de notre espèce en tant qu’espèce colonisatrice ayant toujours tendance à envahir davantage son environnement, la technologie inventée par les hommes leur permettant de le faire de manière sans cesse plus efficace et en multipliant du coup leur nombre. Freud écrit : « Dans l’évolution culturelle […] l’agrégation des individus isolés en unité collective est de beaucoup le principal ; le propos de les rendre heureux existe certes encore, mais il est relégué à l’arrière-plan » (ibid. 75).
Pour Freud donc, le malheur est un donné de la condition humaine, et vivre de telle ou telle manière, n’est jamais qu’une question de devoir s’accommoder de tel ou tel degré de malheur particulier. Il conclut Malaise dans la civilisation par cette réflexion désabusée : « Aussi, n’ai-je pas le courage de m’ériger en prophète devant mes frères ; et je m’incline devant le reproche de n’être à même de leur apporter aucune consolation. Car c’est bien cela qu’ils désirent tous, les révolutionnaires les plus sauvages non moins passionnément que les plus braves piétistes » (ibid. 80).
Il est difficile d’objecter quoi que ce soit à cette analyse de la condition humaine par Freud, si ce n’est attirer l’attention sur le fait que le problème ne se situe peut-être pas là où lui le voit. Freud s’est laissé abuser par une formulation classique de la question : qu’il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder, alors que la question pour eux est autre : c’est celle de la quantité de malheur qu’ils peuvent supporter et pas seulement dans leur vie propre mais aussi dans celle de ceux qui les entourent, les liens familiaux, l’amitié et la sympathie spontanée se chargeant d’étendre en réseau pour chacun ce qu’il considère comme l’univers de son moi-propre.
Les hommes ne se mobilisent en effet pas pour un changement de société – avec les risques que cela implique pour eux et pour ceux qui leur sont proches – en comparant leur bonheur actuel avec celui que conférerait un autre type de société dont le modèle reste toujours plus ou moins abstrait. Ils le font en raison d’une révolte : du fait du sentiment présent que la situation existant sous leur yeux et dont ils sont du fait même, l’un des composants, leur est désormais intolérable. C’est ce qui explique pourquoi il n’est pas contradictoire chez Camus d’être à la fois convaincu de l’absurdité du monde et révolté, la représentation du monde et le sentiment se situant sur des plans distincts. L’homme ou la femme révoltés passent non seulement du désespoir résigné au désespoir indigné de Kant, mais aussi, de là, à l’indignation porteuse d’espoir. Comme le note Miguel Abensour, commentateur de Saint-Just : « On n’a pas assez écouté le rire des révolutionnaires – éclat de liberté, moment de fragile bonheur et de grâce – avant que le masque du sérieux ne vienne à nouveau pétrifier leur visage et qu’ils ne basculent, peut-être, du côté des « grands de l’histoire » » (Abensour 2004 : 22).
(… à suivre)
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Abensour, Miguel, « Lire Saint-Just », in Saint-Just, Antoine-Louis, Å’uvres complètes, édition établie et présentée par Anne Kupiec et Miguel Abensour, Paris : Gallimard, 2004
Freud, Sigmund, [1927] L’avenir d’une illusion, traduit de l’allemand par Marie Bonaparte, Paris : PUF, 1971
Freud, Sigmund, [1929] Malaise dans la civilisation, traduction de Ch. et I. Odier, Revue Française de Psychanalyse, Tome XXXIV, janvier 1970, PUF : 9-80
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
220 réponses à “La transition (II) – Freud et le bonheur”
Ce qu’il faut avant tout c’est ne pas tomber dans une autre « isme ». L’erreur commune est de vouloir tout subordonner a « UN » seul système. Penser que la solution est le capitalisme, ou le libéralisme ou le communisme, ou l’anarchisme etc… a l’exclusion des autres …
Alors que tous peuvent convenir : a des gens différents, a des moments différents de même personnes, a des lieux différents. Ils peuvent en plus se combiner plus ou moins librement.
Une chose est sur les notions de nations au sens territorial du terme sont de plus en plus obsolètes. Elles sont concurrencées par les entreprises multi-nationales et les « idéologies » (courant de pensées) non moins multi-nationales.
C’est le sens de l’histoire, ne luttons pas contre. Définissons une nouvelle notion de « nation », peut-être plus affinité de coeurs que par proximité géographique ou linguistique.
Je ne sais pas. J’observe que les humains ont besoins de différentes règles selon les « communautés » auquelles ils appartiennent. Les instances internationales ne devraient pas élargir leur mandat au dela d’un socle commun a l’humanité : ne pas tuer, piller, violer, voler. Pour le reste, chacun devrait pouvoir établir ses propres règles locales selon un schéma fractal : plus on en vient au petit, plus c’est spécifique.
Le glocal en somme.
Nous avons besoin d’une véritable révolution de la pensée. Nous avons besoin d’aller au dela des anciens maitres à penser, tels que Freud ou d’autres. Ils ont eu leurs temps. Le notre est d’oser. Quitte à se tromper. Il nous faut dépasser le cadre actuel, sinon, nous sombrerons dans le malheur.
Ils nous faut oser aller au delà du « rationnel », ré-investir les émotions, et la pensée magique http://fr.wikipedia.org/wiki/Pens%C3%A9e_magique#Pathologie et même au dela. Pour ceux qui le peuvent.
Il est temps pour l’humanité de grandir à elle même, et de cesser de croire que son mental rationnel est l’outil suprême pour appréhender la réalité.
Le salut est à ce prix.
Le règne du rationnel est sous nos yeux et voila les fruits que nous en retirons. Alors… rendez vous dans les forêts pour écouter les arbres nous dire comment résoudre la crise ? lol
Rétractation, retraite, régression.
ybabel,
Cela marchait jusqu’au moment où vous entonniez la valse à un temps, celle de l’unité linguistique.
Cela ne marche plus aujourd’hui.
Vous vous retranchez derrière des murs virtuels.
La France pour ceux qui parlent français.
Je connais très l’unilinguisme français. (encore un mot en -isme)
Non si le monde s’est rétréci par l’intermédiaire d’Internet, ce n’est plus le moment de sortir sa baguette sous le bras et son béret sur la tête.
Vigneron,
D’accord avec vous.
🙂
Allez vite acheter « Le temps des utopies » paru dans la collection « Manière de voir » du Monde diplomatique.
🙂
Bonjour YBabel,
quel plaisir de vous retrouver…
Je partage absolument votre sensibilité quant au ‘saut’ que nous avons à faire…
Manifestement, la percolation a encore du boulot et nous aussi 😉
Nous allons vers le règne de l’intuition, une toute autre approche du monde mais tellement plus fine, plus riche et satisfaisante…
@ Ybabel et Laurence,
Je me joins à vous deux concernant l’avenir…
Il est difficile d’exprimer par des mots ce que l’on commence tout juste à percevoir, mais il faut en effet aller ou retourner, car l’histoire de l’humanité est un éternel recommencement, loin derrière pour pouvoir voir loin devant.
Bonne soirée,
« Alors… rendez vous dans les forêts pour écouter les arbres nous dire comment résoudre la crise ? lol »
Et dans les alpages en été pour apprécier les fleurs éphémères puis nous retrouver cet automne dans la forêt ou les vignobles parés de leurs ors. Que faire cet hiver ? Bosser.
Ybabel
Oui il faut aller au-delà des maitres à penser, au delà de tout ce qui a été dit, expérimenté, vécu, expliqué, théorisé, écrit, au delà de tout ce qui a finalement échoué, et qui nous pousse tous là, ici, ou nous sommes, au tournant, qui s’avère incroyablement NEUF! Tellement neuf que peu d’entre nous semble capable d’en saisir réellement la portée! Car certaines croyances ont la vie dure, très dure!
@L’enfoiré
heu, désolé, mais je n’ai rien compris a votre réponse. Pouvez vous expliciter un peu ? qu’est-ce qui marcherait au juste ? et qu’est-ce qui ne marcherait pas ?
Je n’ai rien proposé comme solution, sauf de cesser d’en chercher UNE seule a appliquer partout pour tous les hommes.
Vous suggérez donc qu’il faut au contraire continuer sur la voie qui nous mène dans l’abime, c’est à dire, vouloir UNE solution, une pensée unique, une seule manière de voir, concevoir et vivre le monde ? Une seule loi (étalée sur quelques centaines de milliers de pages) pour tous ? Une seule monnaie ? un seul bloc économique ? etc…
car c’est ce qui est mis en place actuellement par le gouvernement supranationnal, a coup d’ACTA, de SWIFT, de codex alimentarius, d’OMC, d’ONU, etc…
Je le répète, en dehors de quelques principes communs évidents, je ne vois pourquoi (par exemple) tout le monde devrait se plier aux même lois concernant l’avortement ou l’euthanasie. Chacun selon sa religion, sa sensibilité, devrait pouvoir choisir son cadre (juridique, économique, etc…) au lieu d’avoir une loi avec 1000000000 exceptions (bon c’est sur ca fait tourner le business). Je prends volontaire des sujets sensibles. Je le redis encore : qu’on soit d’accord pour « ne pas tuer, violer, piller, voler », ok (liste non exhaustive) mais pour le reste …
Il y a au moins un philosophe contemporain qui a tenté de réfléchir au bonheur de façon assez pratique, c’est Robert Misrahi:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Misrahi
http://www.liberation.fr/societe/06011732-robert-misrahi-je-suis-heureux-sans-vergogne
Il ne demande pas à la politique de fournir le bonheur mais de travailler à fournir un cadre qui le permette. Il insiste sur l’importance de l’éducation et en particulier de la philosophie de la vie, de la joie. Une piste simple qui ne conduit à aucun isme.
@ybabel
J’aime beaucoup ce que vous dites.
« Nous avons besoin d’une véritable révolution de la pensée. Nous avons besoin d’aller au dela des anciens maitres à penser, tels que Freud ou d’autres. Ils ont eu leurs temps. Le notre est d’oser. »
Je pense que pour aller au delà des anciens » maître à penser »,il nous faut transformer, pour cela digérer, absorber et oublier. Oublier dans le sens de désapprendre , pour s’approprier, faire sien. Afin de ne pas se contenter de répéter, de reproduire et d’appliquer une formulation. Chercher la moelle , l’intégrer à la sienne, afin que la pensée et la lettre qui la formule demeure vivante et génératrice de vie.
« Ils nous faut oser aller au delà du « rationnel », ré-investir les émotions, et la pensée magique et même au dela. Pour ceux qui le peuvent. »
Tout à fait d’accord. L’imagination permet la transformation et la création par la respiration de la pensée entre le rationnel et l’irrationnel. La raison faisant la part des choses ,à condition d’user de raison de façon « raisonnable ».
Mes premiers livre de sagesse furent les contes de fée.
« Riquet à la houppe », « la Bergère et le Ramoneur », « Rose Rouge et Rose blanche », « La malle magique », »Le petit Poucet », »Le petit Soldat de Plomb », »Les Habits Neufs de l’Empereur », »la petite fille au Allumettes »………et tant d’autres. Les contes chinois, du continent africain……
Mon favoris est « Le Rossignol et l’Empereur »,il évoque fort justement ce dont vous parlez.
Les illustrations étaient rares, mais donnaient par la grâce du trait un support suffisant, un complément dans les courbes et le trait ,à la lecture, l’imagination faisait le reste.
Pour aller au delà:
La religion, comme point de départ, comme matrice première de la pensée spirituelle. Point de départ d’une mise en route vers d’autres pensée religieuses,afin toujours de chercher la moelle.
En quête de vérité, on finit par la trouver, entre les lignes. Elle est universelle dans l’Esprit et singulière et multiples dans la formulation de chacun. Pour conquérir la Dimension qui n’en est plus une mais qui englobe toutes les autres. La dimension spirituelle,elle même est la Vérité,en tant que dimension contenant des vérités. Un espace qui n’en est pas un, un temps qui n’en est pas un . Indéfinissable,mais pleins de définis. Régénératrice.
La religion,n’enseigne aucune vérité dans ses principes,mais pose des repères,balisant l’espace temps,donnant quelques clef. Sa vérité n’est pas dans ce qu’elle énonce,elle n’est pas dans la lettre mais dans l’esprit de la lettre.Chacun se construit vérité parmi d’autres dans la Vérité Vivante Universelle des êtres et des choses.
C’est pourquoi je pense que nous sommes tous des vérités qui devons apprendre à ne pas nous porter ombrage. J’aime l’image de l’arbre. Comme un arbre,la pensée magique,spirituelle,
intellectuelle fait l’ »Homme ».
Afin de ne pas s’égarer dans le délire, elle doit s’enraciner dans la matière comme l’arbre dans la terre. L’esprit s’humilie dans la terre pour mieux s »élever,pour grandir il faut descendre, pour aller vers il faut aller au dedans.
D’en bas la pensée s’élance,chacun à sa hauteur, chercher la lumière,l’espace, déployant sa ramure, allant respirer,chercher l’inspiration.
L’Humilité à souvent été mal comprise, et confondue avec humiliation, devant s’exprimer par la pauvreté. L’Humilité est d’abord ce qui permet de laisser la place aux autres de partager l’espace-temps de la Création permettant à la vie de foisonner et de croitre en milliers de singularités,toutes distinctes et pourtant Une.La cohésion de l’ensemble c’est l »‘Amour »,l’ »Amitié »
Ainsi qu’il est dit par les aborigènes australiens, » au commencement était le temps du rêve ». Au commencement de chaque chose, il y a un rêve.
La Raison, par l’art de la Justice répartit les poids et les mesures dans l’établissement de la structure. L’imagination de la même façon habille la structure. Ce qui est juste est sain est beau,même et surtout grâce à ses imperfections. L’imperfection crée la surprise, le mouvement,qui est le propre de la Vie.
Les adeptes du nombre d’or sont tombés dans le piège qui consiste à confondre la fin et les moyens. Le culte de la perfection, scelle la mort et la fin de l’enchantement, en figeant une oeuvre dans le temps et l’espace, pour la postérité. L’oeuvre est adulée et l’Art disparaît au profit d’une oeuvre morte.C’est la fin de toute création. » Le Roi Midas » ou la mauvaise compréhension de l’Or.
Quand j’étais en dépression mon fils m’a offert la trilogie du « Seigneur des Anneaux », cette lecture entre autres,m’a fait me sentir comme une plante que l’on sortait de son pot et que l’on mettait en pleine terre enrichit de terreau.
J’y ai ramassé un truc, « briser une chose pour savoir ce qu’elle contient n’est pas la voie de la sagesse ». J’en ferais sûrement quelque chose, on verra bien.
Les contes,les légendes,les mythes, sont autant d’oeuvres au sein desquelles on chemine, le long des phrases, de l’écriture,des ponctuations, de la musique des mots. Immobilisée dans ma jeunesse par des soucis de santé, tout me servait de support pour partir en vagabondage les mains dans les poches a la rencontre de moi même des autres, du tout autre, de Nous,du Monde. J’y allait de paysage luxuriant, en terres hostiles, traversant des marécages, des désert, débouchant sur des plaines……..etc. Je m’y perdais tantôt , puis je retrouvais ma route. Grâce aux autres voyageurs, ceux qui m’accompagnaient, les » miens »,ma « tribu ». Et tous ceux que j’ai croisé en route.
Dans une histoire chacun y trouve quelque chose selon sa capacité de « compréhension, son entendement, son ‘imagination.
Ramassant ici et là de quoi me sustenter, mettant dans ma besace toutes sortes de choses, constituant un trésor de bric à brac. Plus ou moins utiles et précieuses, certaines dévoilant leur valeur des années plus loin. Ma besace c’est comme le sac de Mary Poppins ,on y trouve de tout, mais pas Tout.
Je rentre difficilement dans un texte plus rigoureux, c’est là un désavantage,j e m’y ennuie. Il suffit que la même pensée se formule dans une parabole ou un image pour que j’y retrouve ma route.
Une forme de paresse intellectuelle, ma limite.
Je n’affirme ici rien de moins, n’y de plus que ma petite vérité, ma petite science,mon petit art, ma petite oeuvre personnelle. Elle s’arrête ou commence toutes les autres. Les vôtres à Tous.
Une vérité partant à la rencontre des autres se perpétuant et continuant de croitre dans l’échange.
Merci
Amitié.
http://www.youtube.com/watch?v=PUh1JHVYpZY
« Telle qu’elle nous est imposée, notre vie est trop lourde, elle nous inflige trop de peines, de déceptions, de tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne pouvons nous passer de sédatifs… Ils sont peut-être de trois espèces: d’abord de fortes diversions, qui nous permettent de considérer notre misère comme peu de chose, puis des satisfactions substitutives qui l’amoindrissent; enfin de stupéfiants qui nous y rendent insensibles. L’un ou l’autre de ces moyens nous est indispensable. » (Sigmund Freud)
Néanmoins j’ai une objection sur la définition du bonheur, votre honneur: en lointain cousin des vieux chinois, il me semble que le plaisir (jouissance) et le déplaisir (souffrance) sont intimement liés.
En neurobiologie, Jean-Didier Vincent a remarquablement démontré avec « les processus opposants » que le centre du plaisir et celui de la souffrance étaient proches et que la stimulation de l’un amenait invariablement celle de l’autre par effet « rebond » (pour faire bref).
Or nous parlons du bonheur, ce qui me semble assez éloigné. Le bonheur, me semble-t-il, est la suppression (ou très forte diminution, qui peut prétendre au bonheur absolu?) de cette alternance incessante plaisir/déplaisir qui caractérise notre fonctionnement.
La jouissance sans entraves n’empêche en rien de connaître le « post coïtum triste », et chacun a pu faire l’expérience de l’arrivée d’une certaine tristesse en « descente » d’un plaisir d’une intensité hors du commun.
Quant à la création d’une société plus intelligente qui aurait le bon sens de récompenser l’éthique, c’est une évidence qui devrait sauter aux yeux de toute personne un peu sensible à l’état des lieux.
Et merci, Ô facétieux tavernier, de terminer le paragraphe « questions essentielles » avec ce rire révolutionnaire!
Solutions : ataraxie, nirvana, contemplation béate, Prozac, bromure.
Commentaire très intéressant.
Merci de votre remarque sur Jean-Didier Vincent qui apporte de l’eau à mon moulin, travaillant actuellement sur une conférence : « Psychanalyse et musique ».
Votre commentaire sur la notion de plaisir/déplaisir m’interpelle. Non seulement parce que c’est l’une des caractéristiques majeures du fonctionnement de l’inconscient selon Freud, mais aussi parce qu’il trouve son prolongement en musique avec celui de tension/détente dont la présence est quasi-universelle.
Schopenhauer en parle aussi, d’une certaine façon quand il écrit que la vie oscille, tel un pendule, entre le désir et l’ennui.
Si véritablement, ce mouvement oscillatoire est un constituant fondamental de la vie, je crains que personne ne puisse y échapper, et encore moins que le bonheur puisse être une conséquence de sa diminution. Bien au contraire, le bonheur réside, peut-être, justement dans cet entre-deux, entre le désir (amour, amitié, désir de partage) et sa réalisation. Bloquer ce mouvement aboutit au contraire à créer des névroses selon Freud ou des frustrations dont l’accumulation rendrait malheureux.
Quant à la qualité et la longévité de ce bonheur, de cet entre-deux, ils reposent sur l’objet du désir. Il est souvent très fugace quand il repose uniquement sur des désirs matériels, il peut prendre une plus grande consistance quand il recherche l’amour, l’amitié désintéressée, la connaissance intellectuelle ou spirituelle. Je ne sais pas si, comme le prétend Boukovski (voir plus bas), « le bonheur n’est jamais quelque chose que l’on veut » et que « la volonté n’a aucune prise directe sur lui », je pense néanmoins qu’il nécessite un minimum d’effort pour y parvenir, un effort de volonté qui ne doit pas porter sur la recherche du bonheur à tout prix, mais sur l’éducation de nos désirs.
Taotaquin,
D’accord pour l’éthique.
Regardez-vous les étiquettes collées sur ce que vous achetez, plutôt que le prix?
Je me rappelle notre magazine des consommateurs « Test achat » qui s’est trouvé entre deux chaises quand ils ont sorti un article sur l’éthique des produits et qui dès les pages qui suivaient, ne s’intéressaient plus qu’au prix.
Vigneron,
Vous connaissez le viasac?
C’est un médicament terrible. On ne bande plus, mais on s’en fout.
🙂
@ Jean-Luc D.
« La vie oscille, comme une pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui. » (Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation)
@l’enfoiré
Rions un peu. Petite gausserie disgressive sur les pepsychologues…
– « Je suis allée voir un nouveau psy avec mon fils de 15 ans qui fait toujours pipi au lit. 10 séances chacun séparément.
– Et alors? Quel résultat?
– Fôôrmidââble, ma chérie!
– Super! Il fait plus pipi au lit?
– Si, si! Mais autant lui que moi, on s’en fout totalement! »
Merci Loïc d’avoir rétabli la citation exacte. Je l’avais écrite de mémoire.
Quoi qu’il en soit, même si j’ai remplacé la souffrance par le désir (je devais à ce moment-là penser à Platon), Schopenhauer lie la souffrance au désir, si ma mémoire ne me fait pas encore défaut.
@ Jean-Luc D.
De Jean-Didier Vincent, le Buster Keaton de la neurobiologie 🙂 , si vous ne les connaissez déjà, je vous conseille « Biologie des passions » et « La chair et le diable », mes favoris.
L’humour est partout présent, ironie glacée et ellipses garanties !
@ L’enfoiré:
Je ne mange pratiquement que des fruits et légumes et je cherche ceux qui ont le moins voyagé mais ce n’est pas toujours facile, (surtout en ce qui concerne les olives 🙂 ) dont je raffole.
@ vigneron:
Savez-vous qu’avec quelques exercices respiratoires simples ont atteint un degré de plénitude assez étonnant ? Et pourquoi la contemplation vous semble-t-elle tellement stupide ?
La religion est probablement l’opium du peuple (de tous ceux qui se prosternent en général) mais le clin d’oeil philosophique (je ne m’intéresse pas à une philosophie qui ne renvoie au sourire, à l’ironie) c’est tout de même d’un autre ordre que le bromure, ne pensez-vous pas ?
@taotaquin
Mes trois premières inspirations nicotinées de la journée illusionnent mon âme, je vous assure, d’une intense plénitude béate, à proportion du goudron dont elles tapissent mes poumons. Mais je doute que ce sentiment intense participe en quoi que ce soit au bonheur universel, si ce n’est que, taxé à quatre-vingt %, il contribue grandement au bien public. 🙂
Vigneron
C’est dur le cynisme!
@Cœur
Le cynisme…Si ça n’était que dur au cœur, on en userait pas tant. C’est aussi doux et tiède à l’âme qu’une fourrure à un corps nu en Sibérie.
Non non !
Le cynisme n’est ni dur , ni tiède , ni doux : il est mou .
On s’y enfonce comme dans des sables mouvants .
Le « post coitum triste » n’est pas une fatalité. Les taoistes et les tantriques ont appris à l’éliminer « physiologiquement ». Donc il doit bien y avoir moyen de ne pas y être soumis « économiquement » aussi.
@juan
Vous n’y êtes pas resté englué pour en parler ainsi! Et en sortîtes tout propre. Sans doute aviez vous des raquettes aux pieds… Ou y trempâtes-vous un orteil circonspect, fermement accroché, d’une main rassurante,à un piton de confiance? 😉
Vigneron
Effectivement vous savez ce que c’est, vous y êtes jusqu’au cou! Sortez de là et voyez ce qu’il y a autour, peut-être aurez-vous envie de participer!
@Cœur
Désolé mon p’tit Cœur, mais je n’ai jamais Rien appris par cœur, et n’ai aucune envie de commencer à m’y mettre aujourd’hui.
Deux petits extraits de Diogène Laërce: Vies, doctrines et sentences des
philosophes illustres. Sur un autre cynique Livre VI Diogène:
http://fr.wikisource.org/wiki/Vies,_doctrines_et_sentences_des_philosophes_illustres/6/Diog%C3%A8ne#cite_note-3
@Jean-Luc D.
Que pensez vous du livre du Docteur Jacques Vigne « Méditation et psychologie » Albin Michel.1996
« Psychiatre français vivant en Inde, auteur de « Eléments de psychologie spirituelle » et « Le Maître et le Thérapeute »,le Dr Jacques Vigne » propose ici une synthèse magistrale sur les avancées de la recherche psychologique internationale, conduite autour de ce que l’on appelle « la biochimie de la croyance » et sur les études concernant les réels effets psychosomatique des diverses formes de méditation. «
@ Coeur :
Vous ne pouvez pas lutter contre Diogène ! Il n’y a d’ailleurs rien à discuter avec Diogène .
Juste lui balancer un scud de La Rochefoucault , un autre pas si cynique que ça :
» l’hypocrisise est un hommage que le vice rend à la vertu . »
Et pas si misogyne non plus qu’on pourrait le croire , lui qui a écrit sur l’amour , cette définition que je vous soumets , Coeur :
» Il est difficile de définir l’amour . Ce qu’on peut en dire est que , dans l’âme , c’est une passion de règner; dans les esprits , c’est une sympathie , et dans le corps , ce n’est qu’une envie cachée et délicate de possèder ce que l’on aime après beaucoup de mystères . »
Si Freud veut aussi répondre , il est bienvenu .
Où je m’appuie ,non pas sur des raquettes pour sortir des sables mouvants , mais sur les sables mouvants pour planter un piton :
http://www.climat2050.fr/articles.php?lng=fr&pg=107
Juan… Tout ce beau développement de professeur émérite sur la fin du néolithique mâtiné de Goya, de fin du politique et de « biogée » pour finir par appeler de ses vœux une république des sciences… Comme si on y était pas depuis deux siècles. J’aurais préféré, à la rigueur, des philosophes ou des sages, Platon aussi.
C’est de plus en plus Michel Serre à rien. Ou Michel Serre-tête peut-être, pour arranger un peu les coiffures en désordre.
Ne tirez pas trop sur ce piton, j’ai bien peur qu’il lâche traitreusement.
PS: Ah si, j’oubliais, il restera dans l’histoire de la pensée (histoire oulipienne s’entend) comme un des rarissimes « philosophes » palindromes. Mais bon, j’ai pas cherché longtemps, c’est peut-être, aussi, très commun!
Quelques beaux exemplaires de palindromes connus:
« Tu l’as trop écrasé, César, ce Port-Salut ! » (alexandrin attribué à Victor Hugo)
« La mariée ira mal. » (Auteur inconnu)
« La mère Gide digère mal. » (Louis Scutenaire)
« Élu par cette crapule. » (Auteur inconnu)
@ Saule
J’aimerais bien en penser quelque chose, mais ne connaissant pas cet ouvrage, j’aurais beaucoup de mal à vous en donner un avis (à chacun ses limites). Mais de votre côté qu’en pensez-vous? et surtout quels sont les liens entre cet ouvrage et mon propos? Les infirment-ils ou les confirment-ils?
Le bonheur n’est-il pas dans la puissance d’agir, la recherche de l’éthique, et donc en fait dans l’adaptation ?
Yves Citton reprenant les propos de Spinoza :
« L’éthique c’est développer une intelligence de ce qui nous convient. »
http://www.mediapart.fr/club/blog/bout-de-souffle/240510/yves-citton-traverse-par-huit-fois-spinoza
Car Spinoza avait différencier morale et ethique
source
http://www.webdeleuze.com/php/texte.php?cle=11&groupe=Spinoza&langue=1
Extrait : « ….sur cette ligne mélodique de la variation continue
constituée par l’affect, Spinoza va assigner deux pôles, joie-tristesse, qui seront pour lui les passions fondamentales, et la tristesse ce sera toute passion, n’importe quelle passion enveloppant une diminution de ma puissance d’agir, et joie sera toute passion enveloppant une augmentation
de ma puissance d’agir.
Ce qui permettra à Spinoza de s’ouvrir par exemple sur un problème moral et politique très fondamental, qui sera sa manière à lui de poser le problème politique: comment se fait-il que les gens qui ont le pouvoir, dans n’importe quel domaine, ont besoin de nous affecter d’une manière triste? Les passions tristes comme nécessaires. Inspirer des passions tristes est nécessaire à l’exercice du pouvoir. Et Spinoza dit, dans le Traité théologico-politique, que c’est cela le lien profond entre
le despote et le prêtre, ils ont besoin de la tristesse de leurs sujets.
Là, vous comprenez bien qu’il ne prend pas tristesse dans un sens vague, il prend tristesse au sens rigoureux qu’il a su lui donner: la tristesse c’est l’affect en tant qu’il enveloppe la diminution de la puissance d’agir. »
« …Il y a une différence fondamentale entre éthique et morale. Spinoza ne fait pas de la morale, pour une raison toute simple: jamais il ne se demande ce que nous devons, il se demande tout le temps de quoi nous sommes capables, qu’est-ce qui est en notre puissance ; l’éthique c’est un problème de puissance, c’est jamais un problème de devoir. En ce sens Spinoza est profondément immoral. Le problème moral, le bien et le mal, il a une heureuse nature parce qu’il ne comprend même pas ce que ça veut
dire. Ce qu’il comprend, c’est les bonnes rencontres, les mauvaises rencontres, les augmentations et les diminutions de puissance. Là, il fait une éthique et pas du tout une morale. C’est pourquoi il a tant marqué Nietzsche. «
Remarquable travail de funambule.
Aucune ironie dans mon commentaire.
bonjour,
il est intéressant de constater à quel point cet homme destiné de par son métier à régler les malheurs individuels de l’être humain ait un jugement aussi négatif sur les résultats de son activité.
cette phrase, » l’homme le plus libre est nécessairement aussi celui dont la vie moyenne est la plus courte », accouplée avec cette autre « L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité », met en lumière le choix fondamental qui s’impose à l’homme, comme le résultat de son libre-arbitre. il peut décider de prendre le risque d’être libre, en faisant le pari de tenir le plus longtemps possible, ou celui de s’assurer une vie plus stricte (sécurité), en espérant ne pas être déçu.
le premier va de l’avant, le second freine des deux pieds. mais même s’il semble qu’aujourd’hui la « civilisation » impose de préférer la sécurité à la liberté, il n’en a pas toujours été ainsi. mais une chose ne change évidemment pas, c’est l’inéluctable fin. et ce n’est qu’une fois acceptée l’idée de la mort, que le bonheur peut être total. accepter cette idée, c’est être prêt à mourir demain, ou dans dix ans, et apprécier chaque moment comme une goutte de bonheur offerte par la nature.
malheureusement, notre société ne sait plus mourir, et craint de vivre par peur de mourir. elle préfère la sécurité à la liberté, et je le déplore. car je considère que l’homme est fait pour le bonheur. autrement, la « Création », comme dit Freud, n’aurait pas fait les hommes capables de jugement.
Oui !!!
Caleb Irri je vous rejoins dans la défense de la liberté en priorité !
il me semble que le mimétisme de girard est un principe holoniste qui explique simplement le tout
est,la philosophie boudhiste,la voie.yoda
Pour une autre réflexion, d’un point de vue marxiste en économie politique, s’efforçant d’intégrer crise mondiale du capitalisme + peak oil + réchauffement climatique + effondrement de l’Empire, voir le point de vue surprenant et intéressant d’un chinois de Tien-an-men, devenu pourtant et après coup marxiste et professeur aux USA, Minqi Li:
http://www.scribd.com/doc/20988850/Minqi-Li-The-Rise-of-China-the-Demise-of-the-Capitalist-World-Economy
« Le règne du rationnel est sous nos yeux et voila les fruits que nous en retirons. »
Je ne vois pas bien en quoi notre époque et les fruits retirés ont quoi que ce soit à voir avec la rationalité, mis à part quelques tournevis techniques qu’on s’est vite empressé de mettre en œuvre de façon discutable. Est ce que le principe de main invisible de l’économie est rationnel ?
Probablement pas, c’est pourtant elle qu’on nous a tant vantée.
Quant à Spinoza ou Deleuze, bof. Des effets de manche, sans plus.
Freud est clair à lire et il fallait, sans doute, qu’il s’exprimât ainsi.
Mais ceci dit, il est absolument lugubre. Nous voyons là sa projection et son « désir ». Il me fait penser, c’est déjà loin, aux bonshommes des dessins de Chaval aux figures sinistres (vraiment freudiennes) mais des figures sinistres qui construisaient (sûrement à leur corps défendant) des situations désopilantes.
Avec Lacan, on commence à rigoler un peu. En effet, on peut être sérieux sans se prendre au sérieux. Voilà l’essentiel.
Entre autres Freud écrit, rapporté ici:
« »du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invisibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains » (Freud [1929] 1970 : 20) » »
et il écrit:
« »(….) la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion (« une déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs » [ibid. 25])
Franchement, enrichir constamment un pays et se retrouver écrasés de dettes de durée éternelles et impayables, donc dépouillés, et le comble, dépouillés par d’autres hommes bien tranquilles qui se sont mis la « loi » dans la poche. Soit disant s’enrichir et la majorité des producteurs se retrouver sous la menace de la précarité et de l’exclusion, plus un chômage massif à l’époque de l’automatisme galopant sans que le progrès ultra-moderne d’accomplissement des tâches de servitude puisse arranger grand’chose dans le destin de ceux qui ont perdu leurs très maigres revenus car remplacés par des machines appartenant aux seigneurs, plutôt aux saigneurs et maîtres, et ceci, même sous la démocratie politique d’une république libérale… En plus cette « république » écrase d’imôts ceux qui n’ont pas les moyens de les payer, tandis que des mêmes « citoyens » de cette même république, mais citoyens très riches, eux, ont les moyens de ne pas payer d’impôts, etc, etc, etc, que quelques financiers, Madoff et cie, détournent des sommes que mettraient des siècles et des millénaires de travail effectué sous la shlag le menu fretin du monde du travail, etc, etc, ce n’est pas du délire tout ça?? Il pourrait y avoir là tout un livre non exhautif. La religion est de tout repos à côté de ça!
Je crois que ce qu’écrit Freud se rapporte à la notion qui lui est très antérieure, celle du péché originel, la chute eschatologique. Si l’on arrive à avoir une idée assez claire de ce qu’est, en physique, le deuxième principe de la thermodynamique, et bien c’est un effet, en physique, du péché originel ou chute originelle. Ça me paraît cohérent. En effet, ne pas pouvoir, jusqu’à plus ample informé, accéder au mouvement perpétuel relève de cet état des choses. Car toutes les choses, en principe, se répondent les unes les autres visiblement et invisiblement.
Je trouve Freud remarquable parce qu’il est confondant de perspicacité et de profondeur. Il ne convient pas à tout le monde, notamment aux « optimistes », comme ils se définissent eux-mêmes. Il est « lugubre », c’est sa personnalité. Il s’intéresse surtout au côté « malade » de la personnalité. Mais, quelle puissance révélatrice des maux qui nous rongent ! Et, par ailleurs, n’illustrez-vous pas vous-même un constat négatif du monde qui nous entoure. Alors, lugubre mais plutôt vrai quand même. Pour voir les choses de manière plus positive, devons-nous nous persuader que les choses pourraient en fait encore aller plus mal ? Quels sont les éléments positifs et agréables dont parlait Lacan ?
(Senec dit :
3 août 2010 à 18:59)
Réponse Rumbo
Je ne dis pas que Freud ne dit pas de choses vraies, mais il a un côté docteur Knock (Louis Jouvet en moins). Personnellement je trouve interessantes les sciences PSY, seulement elles se sont développées surtout à partir de la pathologie humaine laquelle fut à l’origine de leurs champs d’investigations. Cela me rappelle une discussion il y a longtemps à la TV (alors en noir et blanc, c’était au début de la conquête spaciale) où plusieurs médecins parlaient des conditions physiques que devaient avoir les astronautes, l’un d’entre eux dit alors que, dans le fond, les médecins n’avaient pas de références précises sur la « bonne santé » humaine, et ceci m’interpela. Sûrement que la bonne santé du corps physique est, d’abord, l’absence de signaux et d’effets de pathologie. En principe, il en est de même du corps psychique (à la structure du corps physique correspond, normalement, une autre structure invisible, mais omniprésente, c’est le « corps » psychique et sa structure qui nous est propre à chacun, mais structure quand-même. Nous en somme au tout début de la connaissance du psychisme humain et de ses potentialités. Mais pour ça il faut les reconnaître et le champ pathologique ne « fonctionne », sauf erreur et par définition, que par « défaut ». Le psychisme est encore le parent pauvre, très pauvre, des connaissances humaines.
Quant à Lacan, son apport par rapport à Freud, c’est l’implication du langage. On pourrait résumer les investigations du Dr Lacan par ceci: Nous sommes « parlés » par le langage tout autant que nous parlons par le langage; il y a là plein de téléscopages féconds à plus d’un titre. C’est un peu plus réactivant et allègre que les sermons broyant du noir du Dr Knock, pardon du Dr Freud.
La mélancolie à haute dose ne peut sans doute pas être un but ou une norme en soi, à moins qu’ « algébriquement », cela produise une décharge d’humour aussi salubre que libératrice.
Article qui m’a particulièrement passionné, merci Paul. A propos de ce qui déclenche la révolution, ça me faisait penser à une question que je me posais il y a peu : pour « déclencher » la bascule de la foule, faut-il que celle ci se sente menacée dans sa survie, ou faut-il que celle ci constate simplement un écart suffisamment grand entre ce qu’elle pense être « une vie normale » et sa vie ? Je pensais longtemps que la réponse était la première hypothèse, je penche maintenant pour la seconde…
Il y a de fortes probabilités pour qu’il faille les deux motivations pour parvenir à enclancher le levier de vitesses .
« Les peuples n’ont jamais que le degré de liberté que leur audace conquiert sur la peur ! » ( STENDHAL )
Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
Benjamin Franklin
Jacques Prévert : « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. »
« Le prix de la Liberté, c’est la vigilance éternelle » (Gabriel Garcia Marquez)
et encore:
Celui qui est venu sur terre pour ne rien troubler ne mérite ni estime ni respect
René Char (de mémoire, à quelque chose près…)
Révolte. Intolérable.
On en vient au sentiment d’injustice, ou au sentiment de justice dans son opposé, en tant qu’absence, partiellement ou non.
Pour Aristote, « (…) ce sont les actions conformes à la vertu qui sont en elles-mêmes les vrais plaisirs de l’homme. Elles ne sont pas seulement agréables ; elles sont en outre bonnes et belles (…) ». [Ethique à Nicomaque].
Or, pour le stagirite, la justice est une vertu spécifique car « complète » (par « rapport à autrui », non pas seulement pour soit).
Le bonheur est donc la possibilité, pour l’homme qui sait en juger, de constater que ses actions sont ‘justes’ et inversement, le malheur est l’impossibilité d’en juger ou de constater qu’elles ne sont pas justes (ou que les actions d’autrui qu’il juge justes ou injustes lui procurent du bonheur ou du malheur).
L’absence de justice ou l’injustice est donc un des ‘malheurs’ les plus ‘complets’ de l’homme.
Aristote a trouvé d’ailleurs l’outil permettant d’exercer ce bonheur :
Et « (…) le but de la politique, telle que nous la concevions, est le plus élevé de tous ; et son soin principal, c’est de former l’âme des citoyens et de leur apprendre en les améliorant , la pratique de toute les vertus. Nous ne pourrons donc appeler heureux, ni un cheval, ni un boeuf, ni aucun autre animal quel qu’il soit ; car aucun d’eux n’est capable de la noble activité que nous assignions à l’homme ».
Par la politique, l’homme peut donc exercer ses vertus et la première d’entre elles, la justice.
Par la politique, l’homme peut aussi réaliser des actions conformes à ces vertus, qui lui procureront le plaisir, le bonheur.
On comprend mieux ainsi l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793 :
« Le but de la société est le bonheur commun. »
Bonheur dont la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis de 1776 reprend sous cette forme : « Tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Le propos de rendre heureux les hommes n’a donc pas toujours été relégué au second plan. Et en tout cas, bien avant les révolutionnaires, Aristote avait déjà trouvé une clef.
Article superbe. Je n’avais plus ressenti cela depuis ma découverte de la grande philosophie à l’adolescence.
Merci pour la danse des canards, merci, je vais en avoir pour toute la semaine, c’est malin.
Jouir sans entraves… Pléonasme? N’est-ce pas l’absence d’entraves qui fait la jouissance?
Le plaisir dans le contrôle, la jouissance dans l’abandon. L’abandon impliquant le risque…de mourir?
Je suis bien incapable d’étayer et peut-être dis-je des bêtises, mais Lacan ne dit pas quelque chose là-dessus?
De ce point de vue, le bonheur est-il automatiquement dans la jouissance?
N’est-ce pas plutôt le malheur qui s’y trouve engagé?
N’y a-t-il pas de la souffrance à jouir?
Les témoignages d’addiction sexuelle disent la souffrance à jouir, l’absence de plaisir véritable.
L’addiction aux jeux d’argent est liée aussi à la libido me semble-t-il.
Alors et le boursicotage? Turgescence de la bulle financière, vertige, prise de risque gigantesque
et…éclatement de la bulle…pertes…malheurs insupportables en conséquence pour les populations.
Déni de responsabilité de la part de la finance qui réclame même que l’Etat (nous) éponge, assume les risques pris, et pire, nourrisse et cautionne ce jusqu’auboutisme jouisseur tout puissant (et l’Etat le fait ! Nous acceptons!!!) Sans plaisir et jusqu’à l’agonie dont il se nourrit désormais à l’os, comme un toxicomane ne jouissant plus de ses shoots et en en ayant pourtant un besoin mortifiant et mortifère pour les sociétés.
Le citoyen agressé par un toxico. Mais le citoyen responsable de cet état de fait. Responsable du point de vue du modèle qu’il a promu lui aussi, responsable du point de vue de ses démissions-compromissions, responsable du point de vue des changements à conduire, jusque et y compris dans son ambivalence de citoyen-consommateur , supposé roi, avide de satisfactions immédiates et satisfaites? dans une surenchère de promesses d’hédonismes, au prix du malheur des autres, des siens, de lui-même, réduit à être l’objet de sa propre souffrance-jouissance.
Oh la, qu’il est tard.
Pardonnez ma surenchère discursive.
Je poste quand même, merci de modérer
des fois que l’heure tardive m’ait fait perdre la raison.
(oui, on se trouve les excuses qu’on peut)
Je pars 4/5 jours dans une zone des oubliés de l’ADSL.
Bon courage.
Gueule d’atmosphère,
(j’adore votre pseudo)
Il n’y a pas longtemps j’ai visité une exposition à l’ULB de Bruxelles qui avait pour titre « Pas ce soir chéri ». La sexualité au cours des deux derniers siècles. Sans complexes, aucun, aujourd’hui?
Pas sûr. C’est à voir. Ca dépend pourquoi.
🙂
freud procède d’une interprétation de la Réalité qui lui est toute personnelle, il ne peut en être autrement étant donné qu’il est impossible de percevoir la Réalité dans sa totalité.
le bonheur me semble être plus abordable par le ressenti que par l’intellect. mais là où je le rejoins c’est sur la question de la promiscuité engendrée par deux siècles de natalité galopante: quand nous nous confrontons de plus en plus souvent à d’autres ‘ressentis’.
… le bonheur est hors d’atteinte en raison de la contradiction entre liberté et sécurité puisque, d’un côté, la jouissance qu’autorise la liberté absolue implique un manque de sécurité insupportable, tandis que de l’autre, la sécurité absolue débouche sur un intolérable manque de liberté.
je ne suis pas sûr que le bonheur soit dans la plénitude, mais ce qui me parait clair c’est qu’actuellement ce ‘contrat’ est caduque, l’homme désirant vivre libre (et pas longtemps donc) ne peut plus échapper à l’hypertrophie sécuritaire. et loin de protéger la Liberté dans son aspect naturel, nous renforçons traçage et vidéosurveillance.
la Liberté souffre mal le relativisme et la discution, c’est la première des trois valeurs républicaine et ce n’est peut-être pas pour rien. c’est quelque-chose de simple et émancipateur, à quoi il faut savoir accorder la priorité sans autre forme de considération.
correction:
jusqu’à l’agonie d’un système dont il se nourrit à l’os
Bonjour ,je rejoins TAOTAQUIN,l’un n’est pas sans l’autre :point de bonheur sans malheur ,point de vie sans mort .Sans la souffrance le bien etre, qui nous contente, ne serait apparent.
A mediter aussi : Irm Kertech »je regrette le bonheur du camp de concentration. »
Amities a tous
Excusez moi l’erreur ,le prix nobel de litterature: Imre Kertesz
Merci pour cette intéressante synthèse.
« Sur le plan social, l’homme est condamné à choisir entre la jouissance la plus libre dans des conditions pénibles d’isolement, où le souci de sa sécurité doit primer sur tous les autres, et le sacrifice de sa liberté chérie pour s’assurer le niveau de sécurité qui lui évitera de vivre dans une anxiété permanente. »
C’est de vous, ou bien tiré de Freud ?
Il faudrait argumenter, car beaucoup plus de gens se sentent à la fois plus en sécurité ET plus libres lorsqu’ils sont entourés de leurs proches, de leurs amis. Il est vrai que ces liens affectifs créent des contraintes, mais ce sont des contraintes librement acceptées, et même voulues, créées, maintenues et appréciées en tant que telles. Ce sont elles qui nous permettent de vivre en tant qu’être humain – animal social doué de raison.
En passant, voici un extrait d’interview de Hayek tout à fait à propos, puisqu’il parle de Freud, de la répression des instincts, et de l’évolution des comportements sociaux dans les sociétés civilisées.
http://hayek.ufm.edu/index.php?title=Axel_Leijonhufvud
Cliquer sur « Three sources of human values » dans le menu déroulant à droite pour aller directement à la partie intéressante
Utile peut être de remettre les propos de Jacques Genereux
« La véritable émancipation c’est se libérer des liens qui étouffent en créant de nouveaux liens qui libèrent »
http://www.dailymotion.com/video/xaey9a_la-nouvelle-emancipation_news
L’individu isolé n’est rien.
Sinon nous n’aurions pas besoin du blog…(rires + applaudissements ! Merci)
La famille, le clan, la tribu, la collectivité, etc. tout cela a été combattu par la domination avec un succès certain.
L’individu, de plus en plus isolé au milieu d’un champ de marchandises qui se transforme en un champ de ruines, de plus en plus séparé de sa production et de ses semblables devient corvéable à merci.
C’est cela la réussite du capitalisme moderne : deux générations successives ont été élevées selon les lois de la marchandise et du système d’illusion que la logique de la marchandise, c’est à dire le capital, a réussi à mettre durablement en place.
Durablement, mais pour combien de temps ?
La simple existence de nos discussions montre que l’aliénation n’a pas encore vraiment gagné.
Absolument. Mais l’attribut « étouffant » ou « libérateur » d’un lien social n’est pas objectif mais subjectif.
La vidéo de Généreux est intéressante. Il distingue les contraintes naturelles et les contraintes sociales. Il conteste l’idée que nous serions déjà affranchis des contraintes du milieu naturel, et l’idée que nous sommes déjà libérés des déterminismes sociaux. Donc je ne suis pas libre parce que je ne peux pas manger sans travailler, et que je parle la même langue que mes parents. Influencé, aliéné par les contraintes matérielles et les origines sociales. Zut de zut !
Je me moque ici (gentiment) de l’idée selon laquelle toute influence de notre environnement matériel, intellectuel et spirituel serait nécessairement aliénante. On la trouve chez Freud, chez Marx, chez Rousseau, et bien d’autres. Mais il y a à prendre et à laisser dans ces contraintes. Certaines m’importent peu, et d’autres me sont insupportables. Mais ce ne seront pas forcément les mêmes que vous.
Dans son exposé, Généreux explique brillamment ce qu’il appelle le renversement socialiste. Après avoir libéré l’individu, on est arrivé au constat qu’une somme d’individus libres atomisés ne faisait pas une société. On ne construit pas la société en libérant les individus, mais au contraire on libère les individus en construisant la bonne société. On passe d’individus atomisés à une société libérée, c’est-à-dire les fameux liens qui libèrent, par opposition aux liens qui étouffent.
C’est une très belle rhétorique. Malheureusement, elle échoue à mettre tout le monde d’accord parce que nous n’avons pas tous la même idée de la bonne société. Je reviens à mon idée ci-dessus, qui est que le caractère agréable ou désagréable des liens et interactions sociales est nécessairement subjectif. Les opinions en ce domaine sont donc nombreuses et variées.
Dès lors, vouloir construire la bonne société relève de l’utopie, et ce à plusieurs titres. C’est d’abord un projet titanesque, qu’aucun architecte un peu modeste n’oserait initier. De plus, c’est un projet impossible à partir du moment où l’on cherche à construire le comportement des gens au lieu d’observer ce comportement. Au lieu de regarder ce qu’ils font et préfèrent, on tente de mouvoir les individus comme des automates, de modeler leurs préférences, dans l’espoir que tout cela forme une société harmonieuse. On n’a donc ni les informations, ni les compétences requises pour le projet prométhéen.
D’où l’intérêt de gens comme Hayek et Burke qui souligne l’importance des institutions sociales émergentes, des traditions. Les exemples typiques sont au nombre de trois : le langage, la jurisprudence, et la monnaie. Aucun architecte n’a conçu ces trois institutions. Elles évoluent et s’adaptent localement à nos préférences individuelles, et en même temps elles nous façonnent et forment notre comportement individuel. On retrouve bien la double influence, de l’individu vers la société et de la société sur l’individu.
La tentation consiste à vouloir prendre le contrôle de ces institutions afin de façonner l’individu selon nos souhaits. Dans les cas les moins graves, c’est l’échec, et l’institution continue de vivre sa vie comme si de rien n’était : le français continue d’intégrer des mots anglo-saxons, n’en déplaise à Toubon, et les pirates continuent de télécharger, malgré Hadopi. Mais dans certains cas, les apprentis-modeleurs de société provoquent des catastrophes. C’est particulièrement le cas avec la monnaie, et la crise actuelle l’illustre tout particulièrement…
Le seul intérêt de gens comme Hayek et Burke est, comme il a été dit, qu’ils offrent aux groupes de dominants auxquels ils appartiennent un discours de justification de leurs privilèges. Comme il a été dit aussi de Pareto tout à l’heure : le fait que je sois riche et que vous soyez pauvre est un optimum, c’est ce que la nature veut.
@ Paul
Pas d’accord sur Hayek (Burke je connais moins). Il est extrêmement critique à l’égard des riches et des dominants qui obtiennent leur statut social par la contrainte et les privilèges et non par la coopération volontaire. Donc oui, il est agréable à lire pour un entrepreneur brillant et riche, mais en revanche il donnera des boutons à tout pseudo-capitaliste issu d’un corps d’Etat et qui dirige une entreprise du CAC40 après être passé par un cabinet ministériel, avec une loi de privatisation au passage.
P.S. Je viens de parcourir les échanges dans le billet N° I sur Pareto et son optimum
Le défaut de ce concept, de mon point de vue, c’est qu’il s’applique à des situations et non à des actions. En économie néoclassique, on peut dire d’un état de l’économie qu’il est Pareto-optimal, par exemple. Je ne connais pas suffisamment Pareto pour dire si sa pensée est extrapolée, voire déformée, par ses successeurs. Quoi qu’il en soit, nous avons des idées différentes sur les états de la société qui sont bon ou mauvais. Certains considèrent qu’une répartition trop inégale des richesses est mauvaise, par exemple. C’est pourquoi on n’a pas recours à ces notions chez des auteurs comme Hayek. Pour lui, seules les actions peuvent faire l’objet de jugements de valeur. Quelqu’un qui trouve A mieux que B choisit A. S’il le pense mais qu’il ne choisit pas A… ou s’il n’y peut rien… Ce point divise parfois les libéraux, qui se répartisse entre déontologiques et conséquentialistes. Cf. par exemple cet article : http://www.catallaxia.org/wiki/Gérard_Dréan:Qu’est-ce_que_le_libéralisme
Pour ce qui est de la loi de Pareto (les 80/20), elle est purement descriptive, et pas normative à ma connaissance. Il ne dit pas « c’est ainsi que les richesses devraient être réparties » mais « j’observe qu’elles sont réparties ainsi. »
@Gu Si Fang
Sans vouloir vous offenser, la lecture que vous faites d’Hayek est une lecture néolibérale.
Où croyez-vous que Thatcher et Reagan, entre autres, sont allés puiser leurs idées ?
Je ne sais pas si vous connaissez, mais je vous conseillerais la lecture du ‘grand bond en arrière’ de Serge Halimi. On y parle beaucoup d’Hayek et de ses belles conceptions de la société. Et de son activisme forcené pour les imposer.
A lire également, ‘les évangélistes du marché’ de Keith Dixon
Bonne nuit.
@ Souvarine
Comme auteur critique du libéralisme, je pense que Jean-Claude Michéa est plus intéressant. Il a l’avantage de bien connaître le libéralisme. Il évite le terme de néolibéralisme, et ne tombe donc pas dans ce piège consistant à déformer la pensée de l’adversaire pour la réfuter plus facilement. C’est du moins ce qu’on m’a dit, et c’est ce qui m’a fait acheter son bouquin – L’empire du moindre mal – car je ne l’ai pas encore lu. Pourriez-vous m’envoyer un email à gusifang, sur gmail ? Cdt
P.S. En revanche, j’ai vu le film « L’encerclement – La démocratie dans les rets du néolibéralisme » du canadien Richard Brouillette, et assisté à une soirée-débat avec le réalisateur. http://tinyurl.com/2eaa8n7
@Gu Si Fang
C’est vous qui vous faites piéger ou tenez à l’être, à la fois par Hayek et par Michéa.
Chacun sait que le néo-libéralisme est bien un dévoiement radical du libéralisme de Smith ou des Lumières et Michéa mieux que quiconque. Et s’il parle de libéralisme plutôt que de néo-libéralisme, c’est non seulement pour ne pas subir les foudres de la censure à priori des gens tels que vous; mais aussi pour s’attaquer à sa manière aux fondements fragiles, aux failles du libéralisme originel en lui même qui autorisèrent aussi bien le rationalisme positiviste, le relativisme moral, l’outrance individualiste ou les aberrations idéologiques, de Marx, Trotsky ou Kropotkine jusqu’à Hayek, Von Mises, Randt, Karl Schmidt ou Gobineau.
C’est bizarre, je n’avais pas cette impression négative concernant Hayek. Peut-être que je ne le connais pas assez ? Il m’avait pourtant semblé (du moins sur le site de l’Institut Hayek) qu’il tenait à pourfendre les abus au lieu de pourfendre le simple libéralisme, en parlant de la façon basique d’entreprendre et non des excès spéculatifs qui brisent la concurrence d’une manière déloyale par des excès armés de force financière.
« Le libéralisme exige que tout pouvoir – et donc aussi celui de la majorité – soit soumis à des limites. »
» Il ajoute que la démocratie couplée à l’étatisme tend à devenir totalitaire. »
« « Personne ne saurait être un grand économiste en étant seulement économiste et je suis même tenté d’ajouter qu’un économiste qui n’est qu’économiste peut devenir une gêne, si ce n’est un danger »
« « La justice n’a pas à considérer les conséquences des diverses transactions, mais à vérifier que les transactions elles-mêmes ont été loyales. »
« Ses thèses sur le malinvestissement et le rôle du crédit dans le développement des crises économiques s’opposent au keynésianisme : il cherche à montrer comment les politiques keynésiennes de croissance économique, basées sur l’utilisation du budget public et des agrégats, produisent sur le long terme à la fois inflation, stagnation économique et chômage ».
Il est vrai qu’il aurait cru pouvoir conseiller un « ordre spontané » (!) au lieu de la planification étatique. C’était sûrement une autre époque !
http://www.wikiberal.org/wiki/Friedrich_Hayek
Etes-vous sûr qu’il y a un dévoiement radical comme vous l’affirmez ? Les pères du libéralisme auraient été des gens modérés, attribuant un rôle important à l’Etat, contrairement à leurs successeurs idéologues et doctrinaires. En êtes-vous sûr ?
Turgot, Constant, Say, Bastiat, comme Smith, défendaient déjà le laissez-faire économique : liberté du commerce, concurrence, liberté des contrats, liberté d’association, liberté du travail, libre circulation des gens et des choses etc. Tout ceci n’est pas né avec le soi-disant néolibéralisme, et cette confusion repose généralement sur une méconnaissance du libéralisme.
Quand à Hayek, il a défendu l’idée d’un revenu minimum dans Droit, léglisation et liberté. Friedman est l’inventeur de l’impôt négatif, on lui doit en partie l’abolition de la conscription aux US.
C’est une fausse opposition, qui voudrait simplifier le débat en affirmant que le libéralisme c’est (c’était) bien, et le néolibéralisme c’est (devenu) mal. Smith est un bon exemple. Ses lecteurs de gauche le prennent souvent comme allié, et retienne ce qui leur plaît : il demandait que l’Etat s’occupe d’éducation, des routes, de la poste, des canaux. Ses arguments économiques ressemblent parfois à ce que les néoclassiques appellent parfois les « imperfections du marché » (sous-entendu : requérant une intervention publique).
Mais la traduction française est parfois étrangement biaisée, puisqu’elle traduit à plusieurs reprises « the publick » par « l’Etat ». Et ce que Smith observe dans ses raisonnements sur les biens publics, c’est bien souvent l’absence de droits de propriété, et la nécessité de lever des capitaux importants pour les financer. Ceci requiert l’intervention de l’Etat, puisque les sociétés à responsabilité limitées n’étaient autorisés que sur décision du souverain. La création de société avec un grand nombre d’associés était donc chose compliquée. Sur l’éducation, il faut relire ce qu’il écrit sur l’université. Ou prenez Bastiat, et son texte sur les sociétés de secours mutuels :
http://bastiat.org/fr/secusoc.html
Non, vraiment, je ne crois pas que ce que vous appelez « néolibéralisme » soit un dévoiement radical. Mais, encore une fois, mon but n’est pas de défendre cette pseudo-idéologie fourre-tout et multiforme qui a très peu d’adhérents selon la police et beaucoup selon les syndicats 😉
@Gu Si Fang merci pour « l’Encerclement »
Ma liste de films et documentaires remarquables car incluant la dimension humaine à la dimension systémique, ils ont servi de vrai révélateur pour moi…
« The corporation »
« Si l’entreprise a, légalement, les mêmes droits qu’un individu, pourquoi se conduit-elle de façon si peu humaine ? Ce documentaire montre que le comportement de l’entreprise correspond en tous points à celui d’un psychopathe : égoïste, menteur, se moquant totalement du bien-être et du respect d’autrui… L’entreprise est-elle un monstre indomptable ? »
http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Corporation
« Krach Connexions »
« Regard politique, historique et philosophique sur la crise économique. Une approche passionnante et inédite, portée par l’histoire d’un trader… Conçu comme un véritable road movie à l’écriture filmique originale mêlant enquête et fiction, et au point de vue affirmé, ce film documentaire entend mettre en évidence les processus sur le long terme qui ont conduit au krach de 2008. En privilégiant une lecture politique et historique de la crise économique, le film souhaite mieux éclairer et définir des solutions ou les risques à venir. Une volonté, résolue, de replacer l’homme, le facteur humain, les décisions politiques et les enjeux de sociétés au cour d’un discours économique qui avait eu tendance à les oublier. L’histoire d’un trader en rupture de ban sert de fil rouge pour mener cette passionnante enquête, commentée en voix off à la première personne. Son but : comprendre comment nous en sommes arrivés là ! Comment nous avons tous contribué à créer cette situation avant de nous faire dépasser et submerger ? Et si ce krach était en réalité la première secousse d’un séisme plus grave encore… »
http://fr.ulike.net/Krach_Connexions
« La mise à mort du travail »
« Dans un monde où l’économie n’est plus au service de l’homme mais l’homme au service de l’économie, les objectifs de productivité et les méthodes de management poussent les salariés jusqu’au bout de leurs limites. Jamais maladies, accidents du travail, souffrances physiques et psychologiques n’ont atteint un tel niveau. Les histoires d’hommes et de femmes que nous rencontrons chez les psychologues ou les médecins du travail, à l’Inspection du Travail ou au conseil de prud’hommes nous révèlent combien il est urgent de repenser l’organisation du travail. »
http://programmes.france3.fr/mise-a-mort-du-travail/
@ Franck
Merci aussi pour la liste. Le message de « L’encerclement » n’est pas ma tasse de thé. J’ai trouvé intéressant que le réalisateur donne pour une fois la parole à l’Institut Economique de Montréal et d’autres qui donnent une vision assez représentative du libéralisme. Cependant, tant qu’à parler de « néolibéralisme, » la référence médiatique reste Milton Friedman avec sa célèbre série « Free to Choose », un peu datée, mais très regardable.
http://thepiratebay.org/torrent/3369921/
@Gu Si Fang
Qui vous parle de Turgot, Constant, Say, Bastiat, ces pauvres loupiotes évanescentes? Je vous parle des Lumières du libéralisme économique mais surtout politiques et philosophiques. Adam Smith ok, plus Locke le précurseur, Rousseau, Montesquieu, Diderot, Voltaire, Kant, Jefferson, Franklin…
Et que des milliers d’auteurs aient « inconsciemment », comme dit Schumpeter, repris l’idée de Smith de main invisible et d’efficience des marchés de la « Richesse des Nations » en laissant de coté son approche morale de sa Théorie des sentiments moraux est bien une déviance initiale de la filiation libérale. De la même façon que l’approche psychologique rousseauiste du bon sauvage a fait maintes idées tarées.
Et ces déviances originelles, ces mésinterprétations – pas toujours innocentes-, ces développements outranciers des suivistes, doublés de la non prise en compte des aspects contextuels politiques, économiques et sociaux des théories originales sont concentrés dans cette véritable momification fallacieuse de l’esprit des lumières constituée par Hayek et ses émules. Une monstruosité théorique qui s’auto-régénère, de représentations aberrantes en dérivées extrémistes et en excroissances tumorales (société de la valeur, de la marchandise, du spectacle) ou en idéologies auto-centrées autour d’elle, aveuglées par sa lumière noire (Marx en premier). Et tout cela validé, même à vos yeux, par le magistère rayonnant au firmament du progrès humain des Lumières!
Hayek ou Randt, Friedman Père et Fils et Saint Esprit ne sont sont que les étrons en bout de chaine intestinale de cette digestion laborieuse, acidifiante, refluante et ballonnante. Leurs apôtres les suivent, manières de gaz pestilentiels envahissants et, heureusement, hautement inflammables.
Ne manque que l’allumette, la concentration gazeuse est optimale à sa détonation…
@Gu Si Fang: « Pas d’accord sur Hayek (Burke je connais moins). Il est extrêmement critique à l’égard des riches et des dominants qui obtiennent leur statut social par la contrainte et les privilèges et non par la coopération volontaire. Donc oui, il est agréable à lire pour un entrepreneur brillant et riche, mais en revanche il donnera des boutons à tout pseudo-capitaliste issu d’un corps d’Etat et qui dirige une entreprise du CAC40 après être passé par un cabinet ministériel, avec une loi de privatisation au passage. »
Je m’étrangle en lisant des choses pareilles. Soit c’est de la mauvaise foi, soit…
Je m’explique. Avec la théorie, surtout en économie, on peut toujours discuter, pinailler, cacher des buts mal intentionnés derrière des concepts sophistiques. Malheureusement pour vous, Gu Si Fang, l’Histoire est moins facile à travestir car il y a des faits. Et l’Histoire nous dit que Hayek a été soutenu financièrement par tous les pontes et exploiteurs de la planète (du riche lord anglais au dictateur de droite tiers-mondiste). Vous comprenez? Pas des entrepreneurs brillants, des riches héritiers qui n’avaient pas du tout des boutons en lisant le sieur Hayek mais plutôt la trique. Voulez-vous des références?
D’autre part, avez-vous répondu à la même remarque que je vous faisais déjà sur l’école autrichienne, qui est héritière d’une tradition vieille de 500 ans qui justifie le vol et l’exploitation? Depuis le XVIè, voici où se situent les défenseurs des idées de cette noble école qui défend la propriété: Espagne (justification bienvenue de l’expropriation des terres américaines), Autriche-Hongrie (l’Etat le plus féodal d’Europe, hors Russie), Grande-Bretagne (ça tombe bien, on y colonise encore le monde et puis y’a encore une noblesse puissante) puis les USA (ça tombe bien, ils ont repris le flambeau de l’exploitation).
@ vigneron
Le maître, en matière de satire scatologique était Rabelais, mais son piédestal est trop haut pour que je me risque dans ce genre littéraire.
@ Moi
Faisons l’hypothèse que ce n’est pas de la mauvaise foi, d’un côté comme de l’autre. Vous écrivez que Hayek a été soutenu financièrement des exploiteurs et dictateurs. Je ne sais pas sur quoi vous vous basez, mais je suis prêt à regarder. A ma connaissance, Hayek a reçu le soutien du Volker Fund. C’est à lui que vous pensiez ? Je ne vois pas ce qu’on pourrait reprocher à William Volker sauf à ne pas partager ses idées.
http://en.wikipedia.org/wiki/William_Volker_Fund
http://www.trumanlibrary.org/oralhist/matschw.htm#38
@Gu Si Fang
Vous confondez, je suppose, William Volker et Paul Volker. Rien à voir.
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En 1947, dans la logique du plan Lippman, Hayek participe activement à la fondation de la Société du Mont-Pèlerin qui « constitue en quelque sorte la maison-mère des think tanks néo-libéraux » . Un homme d’affaire suisse, Albert Hunold, permet de concrétiser les propositions de Hayek qui désire mettre en place un « forum libéral international » et de Wilhem Röpke qui cherche à lancer une revue internationale. Hunold réunit des industriels et des banquiers suisses afin de financer le think tank libéral . Il rassemble des intellectuels issus de courants variés mais qui partagent la même croyance dans l’équilibre spontané du marché : des monétaristes comme Milton Friedman , des membres de l’école du Public choice (James Buchanan) ainsi que des personnalités associées au courant néo-autrichien. Les réunions internationales sont financées, dans un premier temps, par les fondations Relm et Earhart . La Société du Mont-Pèlerin reçoit ensuite le soutien de l’ultra-conservatrice fondation John Olin, Lilly endowment, la fondation Roe, le Scaife family charitable trust et la Fondation Garvey.
Des vrais humanistes, les Hayek, largement subventionnés par des philanthropes totalement désintéressés. Et pendant la période de vache maigre du keynésisme triomphant, c’était bien utile…
«Une menace pèse sur notre bonheur : un risque, non pas tant de suppression ou de disparition que de dévaluation générale, de disqualification globale. Car le risque de perte n’est guère inquiétant, comparé au risque de dévaluation généralisée : on peut toujours espérer remplacer ce qu’on a perdu, au lieu qu’il est impossible de remplacer une fortune que l’on possède toujours mais dont on s’aperçoit qu’elle consiste et ne peut consister qu’en objets sans valeur. La plus irréparable des pertes concerne ainsi ce qu’on n’a jamais cessé de posséder. Le malheur de la perte offre une prise à la résignation ; celui de la possession sans valeur est sans appel. Frappant de nullité à la fois les biens que l’on possède et ceux que l’on pourrait posséder, il signifie la fin à jamais de tout bonheur. Tous les bonheurs à venir seront oblitérés par le rappel d’une vérité amère qui viendra en toute circonstance perturber la dégustation du réel: au cœur de la source des plaisirs jaillit quelque chose d’amer qui, au sein même des délices, vous reste dans la gorge*.
«Une vérité amère se manifeste ainsi au cœur même du plaisir. Étant logée à l’enseigne du bonheur, elle occupe un site imprenable puisqu’elle contrôle cela même qui lui semble le plus réfractaire : et c’est pourquoi aucune sagesse ne peut la prendre en défaut, aucune philosophie la résorber. tout ce qui se peut faire est l’ignorer, ou l’oublier. C’est d’ailleurs ainsi qu’on peut définir en premier lieu cette amertume, de manière toute négative : elle désigne quelque chose qui n’a pas à être connu, quelque chose qu’on a intérêt à ignorer. Elle concerne un sujet à propos duquel toute curiosité serait fatale, comme dans un conte célèbre de Perrault, La Barbe-Bleue. »
Clément Rosset, Le réel. Traité de l’idiotie, (Editions de Minuit 1994/2004, p. 66)
Et ces 5 vidéos avec Cl. Rosset à propos de la joie et du bonheur
http://www.le-monde-des-religions.fr/articles/clement-rosset.html
« Les transitions d’un régime à un autre, examinées « en extériorité », d’un point de vue holiste, n’auraient pas grand-chose à voir alors avec la représentation que les hommes peuvent s’en faire, en « intériorité », en termes de quête du bonheur, et s’inscriraient plus simplement dans le destin de notre espèce en tant qu’espèce colonisatrice ayant toujours tendance à envahir davantage son environnement, la technologie inventée par les hommes leur permettant de le faire de manière sans cesse plus efficace et en multipliant du coup leur nombre. »
Merci de rappeler que toutes les espèces vivantes – dont la nôtre » sont colonisatrice, à la recherche d’espace et de subsistance. Un équilibre plus ou moins précaire s’établit entre elles. Mais il y a des faillites et des extinctions.
Que pèsent nos aspirations « intérieures » – égalitaires, par exemple – mille fois discutées face aux instincts qui poussent à coloniser, accumuler, accaparer, éliminer le concurrent ?
Seule bouée dans la mer noire du pessimisme : un certain altruisme naturel cher à Darwin et aux darwiniens mais ignoré par Spencer et ses successeurs. Et puis, cette chose bizarre, l’éthique, que nous avons inventée et à laquelle nous nous raccrochons pour penser la société…
L’avis d’un optimiste…, dualiste certes.
Où il annonce Teilhard :
» Qu’est ce que je fous là ? Comment survivre ? Comment avoir un peu de « plaisir » ? « .
Peur , souffrance , plaisir … tout est dit .
Solution par le « doux » où l’on attend Michel Serres qui avouait lui même , comme Freud , qu’il n’avait pas su inventer la parade pour échapper à deux morts conjuguées : celle qu’inévitablement l’on rencontre et celle que l’humanité prépare de ses propres mains ?
Et le marché , le « commerce » , dans tout ça ?
Pour le capitalisme il a tout agressé : le marché , le commerce , le plaisir , l’éthique , le sexe , le corps humain même …
Essayons d’abord d’échapper aux souffrances que nous forgeons de nos propres mains .
Liberté , Egalité , Fraternité .
« ’il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder, alors que la question pour eux est autre : c’est celle de la quantité de malheur qu’ils peuvent supporter ».
C’est un peu une approche de physicien qui voudrait que l’on puisse jongler ainsi avec des quantités. Il est certain que l’ami Freud ne pouvait terminer sa démonstration sur autre autre chose que du désenchantement puisque le bonheur n’est jamais quelque chose que l’on veut (car alors il s’évanouit dans l’instant) mais quelque chose qui est. Il existe bel et bien (chacun de temps en temps a pu le vivre même très fugacement) mais, par nature, il appartient à un autre ordre que celui de la pensée et de l’action. La volonté n’a aucune prise directe sur lui. Elle ne peut que créer les conditions matérielles qui favorisent son apparition. C’est tout le charme du bonheur: léger, libre, impalpable et insaisissable.
@Paul,
Le texte de stig dagerman – Notre de besoin de consolation est impossible à rassasier – en lecture + musique par les têtes raides. Dans le fil, bon moment. Sourire
Un livre admirable…
« C’est ainsi, on n’y peut rien: on prend un verre et on le vide, ou on prend une mauvaise action dans le tas des actions encore à faire et on l’accomplit; et aussitôt on change d’aspect. On a beau supporter parfaitement ce que l’on a fait, ne pas en être bouleversé, il y a toujours des muscles de votre visage qui aiment à jouer les consciences. » (Stig Dagerman)
Qui se termine sur une note étonnement optimiste de la part de celui qui a écrit « L’île des condamnés ».
Ensuite il cesse d’écrire et peu après se suicide.
« Tu me demandes pourquoi je m’obstine à n’offrir à tes yeux que des idées de mort; sache que cette pensée est un levier puissant qui soulève l’homme de la poussière et le redresse sur lui-même: elle comble l’effroyable profondeur de l’abîme infernal et nous fait descendre au tombeau par une pente plus douce. » (Edward Young, « Les nuits »)
Rien n’est plus déprimant que l’optimisme. 🙂
merci!
Freud et l’histoire… Freud et la sociologie… Freud et l’économie… Freud et la politique…
Ce n’est pas là que j’irai chercher des références !
Freud sur la base scientifique de ses découvertes fait une généralisation abusive de nombreux concepts. Ce qui aboutit à psychologiser la société, niant que l’histoire, la politique, l’économie puissent avoir une quelconque indépendance à l’égard de l’inconscient individuel.
Non l’être humain n’est pas premier, la société venant en second : il se construit toujours dans une société déjà là. Mais le rapport est dialectique et par la réflexion, la science, l’action, les humains peuvent transformer leur société dans le mouvement de l’histoire.
Enfin, souvenons-nous que c’est le libre développement de chacun qui est la condition de l’émancipation de tous !
Et que « le bonheur » est un idéal et qu’à ce titre il est inatteignable : ce que nous pouvons espérer, et ce n’est déjà pas mal, c’est de pouvoir être plus libre, dans une société plus juste, plus fraternelle donc plus solidaire. Cela suffirait à mon bonheur.
texte étrange où les paragraphes 3 et 4 sont en contradiction avec le paragraphe 2 .
Bonjour à Nîmes .
je ne sais plus compter !
C’est le 3 qui est en contradiction avec le 4 et le 5 .
Oui, cela paraît contradictoire… mais cela ne l’est pas entièrement !
« Le libre développement de chacun » paraît ne concerner que la personne prise individuellement, mais la personne est en fait en société, il n’existe pas d’humain hors d’une société.
Ainsi le libre développement de chacun est lié à la société qui doit en donner les moyens à chacun.
Ce qui est en jeu est donc bien que chacun puisse se développer dans une société qui a pour finalité le développement de chacun : plus de contradiction logique, mais une bonne contradiction dialectique entre personne et société qui ne peut se résoudre sans une transformation profonde de nos sociétés et de leurs objectifs ou finalités réelles.
Pour les autres finalités, celles qui sont au fronton des bâtiments publics en général, nous pouvons nous en réclamer, sans illusion tant qu’on n’en a pas les moyens concrets et véritables…
(Il y fait chaud !)
Rebonjour !
j’ai relu trois fois bien qu’il fasse nettement plus frais chez moi .
Je crois finalement avoir compris que vous êtes plus motivé par les finalités que par les moyens .
Ce qui est une option dans les motivations à transition évoquées par Paul Jorion .
L’être humain est » un mammifère social avec la capacité de parler ». Je ne doute pas que des billets suivants traiteront de cette question: Comment, aujourd’hui, conçoit-on le saut qualitatif sans retour ( équivalant à être chassé du Paradis) entre le mammifère social et l’être de langage. Qui peut m’indiquer des liens de lecture sur internet ou en librairie, sur ce sujet crucial?
connaissez vous la théorie du désir mimétique de rené girard?
sa puissance explicative reste impressionnante, par exemple sur l’élaboration de la pensée symbolique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Girard#Critique_de_la_psychanalyse
Les Wallisiens et Futuniens sont Français. Ils ont gardé leurs coutumes et des rois qui leurs permettent de vivre sous d’autres normes que les métropolitains. Un exemple trivial: ils tuent le cochon comme ils l’on toujours fait, et peuvent en offrir à leurs invités, ce qui est interdit en métropole.
Le bonheur n’est-il pas dans cette possibilité pour chacun de conserver un espace de liberté qui ne plait pas forcement à d’autres sans leur faire de mal?
A l’anthropologue:
Existe-t-il une étude sur ces heureux Français qui ne sont pas obligés de vivre comme ces troupeaux de moutons qui paissent tout seul dans leur mangeoire de Brest à Strasbourg, ou de Lille à Perpignan. Merci
Si vous vous faîtes un peu anthropologue vous même , vous trouverez vite que ces » résistances » gauloises sont plus nombreuses qu’on ne l’imagine .
Beaucoup d’adhérents à la confédération paysanne ( dont je suis ) , par exemple , s’y emploient .
Mais c’est vrai que le joug de l’OMC , et de la normalisation européenne , est de plus en plus lourd .
Mais c’est là qu’est le problème sinon la solution .
Ce qui nous renvoie au capitalisme et au libéralisme .
« Aussi, n’ai-je pas le courage de m’ériger en prophète devant mes frères ; et je m’incline devant le reproche de n’être à même de leur apporter aucune consolation. Car c’est bien cela qu’ils désirent tous, les révolutionnaires les plus sauvages non moins passionnément que les plus braves piétistes. »
L’inanité de l’humanité en deux phrases.
Cette façon de poser la question l’organisation sociale « par le haut » est celle qui a débouché sur les grandes idéologies où on pense un système qui serait idéal pour tout le monde. Bof!
Est-ce que la nature et sa faculté à créer d’innombrables niches écologiques ne pourrait pas être source d’inspiration pour la création sociale?