Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Freud a réfléchi à la question du bonheur de l’homme à la lumière de ce qu’est son psychisme : celui d’un mammifère social doté de conscience de soi et de la capacité de parler. La première constatation de Freud, c’est que l’insertion de l’espèce humaine au sein du monde naturel ne la dispose pas a priori à s’y trouver heureuse. L’homme et la femme aimeraient jouir sans entraves mais le monde qui nous est offert ne s’y prête pas : « … tout l’ordre de l’univers s’y oppose ; on serait tenté de dire qu’il n’est point entré dans le plan de la « Création » que l’homme soit « heureux » », écrit-il dans Malaise dans la civilisation (Freud [1929] 1970 : 20).
La vie de l’être humain est limitée dans le temps, sa mort est toujours brutale et souvent précédée de la déchéance. Dans L’avenir d’une illusion, Freud parlait de : « … l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces, ajoutait-il, la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C’est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d’une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grande tâche commune : le maintien de l’humanité face aux forces supérieures de la nature » (Freud [1927] 1971 : 22).
La douleur nous prévient des dangers mais la souffrance nous tourmente sans cesse, on serait tenté de dire « pour une raison ou pour une autre » : « La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre propre corps qui, destiné à la déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d’alarme que constituent la douleur et l’angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invisibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains » (Freud [1929] 1970 : 20). Enfin, l’instinct de survie de l’espèce tel qu’il se manifeste chez l’individu par le désir de copuler éloigne dans la plupart des circonstances l’homme et la femme du comportement qui serait le plus avantageux pour eux. L’être humain cherche alors à ses tourments des diversions par l’usage des drogues, la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion (« une déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs » [ibid. 25]) et, de façon plus positive, par la sublimation qu’autorisent l’expression artistique ou intellectuelle.
Sur le plan social, l’homme est condamné à choisir entre la jouissance la plus libre dans des conditions pénibles d’isolement, où le souci de sa sécurité doit primer sur tous les autres, et le sacrifice de sa liberté chérie pour s’assurer le niveau de sécurité qui lui évitera de vivre dans une anxiété permanente. Freud fait remarquer que l’homme le plus libre est nécessairement aussi celui dont la vie moyenne est la plus courte : « … l’homme primitif avait en fait la part belle puisqu’il ne connaissait aucune restriction à ses instincts. En revanche, sa certitude de jouir longtemps d’un tel bonheur était très minime. L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité » (ibid. 53). Dans ce cadre, et même si l’on mettait entre parenthèses les obstacles au bonheur que sont la mortalité et la douleur, le bonheur est hors d’atteinte en raison de la contradiction entre liberté et sécurité puisque, d’un côté, la jouissance qu’autorise la liberté absolue implique un manque de sécurité insupportable, tandis que de l’autre, la sécurité absolue débouche sur un intolérable manque de liberté.
Rechercher le meilleur des systèmes politiques possibles dans la perspective d’une maximisation du bonheur de l’homme est donc selon Freud une manière de poser le problème qui ne peut déboucher que sur des conclusions désespérantes. La seule position défendable est celle qu’il attribue à un « critique » dont il ne précise pas davantage l’identité mais en qui l’on reconnaît aisément Nietzsche : « Du moins puis-je écouter sans indignation ce critique qui, après avoir considéré les buts poursuivis par la tendance civilisatrice et les moyens dont elle use, se croit obligé de conclure que tous ces efforts n’en valent pas la peine, et ne sauraient aboutir qu’à un état insupportable pour l’individu » (Freud [1929] 1970 : 79).
Faisant également allusion aux questions politiques qui étaient alors d’actualité (L’avenir d’une illusion est publié en 1927, Malaise dans la civilisation, en 1929), Freud rejette l’option communiste : « Tant que la vertu ne sera pas récompensée ici-bas, écrit-il, l’éthique, j’en suis convaincu, prêchera dans le désert. Il me semble hors de doute aussi qu’un changement réel de l’attitude des hommes à l’égard de la propriété sera ici plus efficace que n’importe quel commandement éthique ; mais cette juste vue des socialistes est troublée et dépouillée de toute valeur pratique par une nouvelle méconnaissance idéaliste de la nature humaine » (ibid. 78). Il avait expliqué auparavant en quoi cette « méconnaissance idéaliste » consiste : « En abolissant la propriété privée, on retire, certes, à l’agressivité humaine et au plaisir qu’elle procure, l’un de ses instruments, et sans doute un instrument puissant, mais non pas le plus puissant » (ibid. 52) et attiré l’attention sur le fait que l’inégalité en matière de propriété en masque aujourd’hui une autre, qui ne manquerait pas de devenir pleinement visible et d’attiser les rancœurs si celles que provoquent les inégalités fondées sur la propriété devaient passer à l’arrière-plan : « Abolirait-on le droit individuel aux biens matériels, que subsisterait le privilège sexuel, d’où émane obligatoirement la plus violente jalousie ainsi que l’hostilité la plus vive entre des êtres occupant autrement le même rang » (ibid. 52).
Dans la perspective désenchantée de Freud, à quoi auraient alors servi les transitions historiques qui firent passer d’un régime politique à un autre ? Un regard embrassant l’histoire toute entière fait apparaître un mouvement tendanciel autorisant des communautés humaines de plus en plus nombreuses à vivre ensemble. Les alternatives, qui vont du communisme au fascisme, en passant par la démocratie, ne débouchent sur ce plan seul de l’augmentation de la taille des communautés, qu’à des résultats très semblables. Les transitions d’un régime à un autre, examinées « en extériorité », d’un point de vue holiste, n’auraient pas grand-chose à voir alors avec la représentation que les hommes peuvent s’en faire, en « intériorité », en termes de quête du bonheur, et s’inscriraient plus simplement dans le destin de notre espèce en tant qu’espèce colonisatrice ayant toujours tendance à envahir davantage son environnement, la technologie inventée par les hommes leur permettant de le faire de manière sans cesse plus efficace et en multipliant du coup leur nombre. Freud écrit : « Dans l’évolution culturelle […] l’agrégation des individus isolés en unité collective est de beaucoup le principal ; le propos de les rendre heureux existe certes encore, mais il est relégué à l’arrière-plan » (ibid. 75).
Pour Freud donc, le malheur est un donné de la condition humaine, et vivre de telle ou telle manière, n’est jamais qu’une question de devoir s’accommoder de tel ou tel degré de malheur particulier. Il conclut Malaise dans la civilisation par cette réflexion désabusée : « Aussi, n’ai-je pas le courage de m’ériger en prophète devant mes frères ; et je m’incline devant le reproche de n’être à même de leur apporter aucune consolation. Car c’est bien cela qu’ils désirent tous, les révolutionnaires les plus sauvages non moins passionnément que les plus braves piétistes » (ibid. 80).
Il est difficile d’objecter quoi que ce soit à cette analyse de la condition humaine par Freud, si ce n’est attirer l’attention sur le fait que le problème ne se situe peut-être pas là où lui le voit. Freud s’est laissé abuser par une formulation classique de la question : qu’il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder, alors que la question pour eux est autre : c’est celle de la quantité de malheur qu’ils peuvent supporter et pas seulement dans leur vie propre mais aussi dans celle de ceux qui les entourent, les liens familiaux, l’amitié et la sympathie spontanée se chargeant d’étendre en réseau pour chacun ce qu’il considère comme l’univers de son moi-propre.
Les hommes ne se mobilisent en effet pas pour un changement de société – avec les risques que cela implique pour eux et pour ceux qui leur sont proches – en comparant leur bonheur actuel avec celui que conférerait un autre type de société dont le modèle reste toujours plus ou moins abstrait. Ils le font en raison d’une révolte : du fait du sentiment présent que la situation existant sous leur yeux et dont ils sont du fait même, l’un des composants, leur est désormais intolérable. C’est ce qui explique pourquoi il n’est pas contradictoire chez Camus d’être à la fois convaincu de l’absurdité du monde et révolté, la représentation du monde et le sentiment se situant sur des plans distincts. L’homme ou la femme révoltés passent non seulement du désespoir résigné au désespoir indigné de Kant, mais aussi, de là, à l’indignation porteuse d’espoir. Comme le note Miguel Abensour, commentateur de Saint-Just : « On n’a pas assez écouté le rire des révolutionnaires – éclat de liberté, moment de fragile bonheur et de grâce – avant que le masque du sérieux ne vienne à nouveau pétrifier leur visage et qu’ils ne basculent, peut-être, du côté des « grands de l’histoire » » (Abensour 2004 : 22).
(… à suivre)
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Abensour, Miguel, « Lire Saint-Just », in Saint-Just, Antoine-Louis, Å’uvres complètes, édition établie et présentée par Anne Kupiec et Miguel Abensour, Paris : Gallimard, 2004
Freud, Sigmund, [1927] L’avenir d’une illusion, traduit de l’allemand par Marie Bonaparte, Paris : PUF, 1971
Freud, Sigmund, [1929] Malaise dans la civilisation, traduction de Ch. et I. Odier, Revue Française de Psychanalyse, Tome XXXIV, janvier 1970, PUF : 9-80
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
220 réponses à “La transition (II) – Freud et le bonheur”
Hum…
Je pense qu’avant toute chose on doit se débarrasser du capitalisme et de son cortège de souffrances.
Cela me semble être LA seule priorité.
Regarder derrière, regarder devant ca prend du temps et pendant ce temps
NOMBREUX sont ceux qui se font briser par le système.
Sans doute ici n’y-a t’il pas suffisamment de personnes en état de précarité pour distinguer très clairement LA priorité des priorités.
Comment affaiblir-anéantir le capitalisme? Une seule question.
Mais ce devrait être notre UNIQUE préocupation, jour après jour et jusqu’à ce qu’on en ait fini.
N’es-ce pas plus intelligent de s’en servir pour arriver à ses fins, plutôt que le combattre avec des résultats frustrants ? Ex : le commerce équitable…
Freud disait, de l’analyse, qu’elle n’apporte pas le bonheur, mais vise seulement à transformer la misère névrotique en malheur humain banal.
Sur ce plan-là, adopte-t-il la formulation classique de la question (« il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder ») ? Ou la formulation non classique de la question (« il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de (…) de malheur qu’ils peuvent supporter (…) ») ?
Je suis bien en peine de trancher. Et si la question était indécidable ? Auquel cas le thème des deux billets de Paul Jorion (casuistique des bonheurs versus casuistique des malheurs) ne présente, à mon sens, guère d’intérêt.
Est ce à dire que , tel Marx et l’humanité , vous ne vous posez que des questions que vous savez résoudre ?
@juan nessy,
Replaçons la phrase de Marx « C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre », dans son contexte : « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir. ». (Critique de l’économie, Préface).
Ceci fait –vous comprendrez pourquoi, plus loin – la question que vous me posez (« Est ce à dire que, tel Marx et l’humanité, vous ne vous posez que des questions que vous savez résoudre ? »), je la pose à Paul Jorion lui-même. Je peux certes me tromper, mais j’ai l’impression qu’il y répondrait par l’affirmative, DU MOINS en fonction de ses deux derniers billets qui se comprennent à la suite de celui du 29 juillet dernier (« Passer à la phase constructive ») dont je retiens la conclusion : « Il nous faut reconstruire. Aucun pouvoir en place ne nous aidera : le déclin, la décadence sont inscrits comme principes dans leurs tables de la Loi. Nous devrons le faire seuls ».
Pour Paul Jorion (je paraphrase le passage de Marx ci-dessus), le capitalisme est destiné à disparaître à terme, mais les conditions d’apparition d’une nouvelle formation sociale sont en train d’éclore en son sein ; c’est pourquoi Paul Jorion ne se pose jamais que des problèmes qu’il peut résoudre (ou s’y essayer), car le problème lui-même ne surgit que là où les conditions pour le résoudre sont en voie de devenir.
Si telle est la pensée de Paul Jorion, il n’y a rien à y redire. Par contre, je doute qu’il ait mis le doigt sur lesdites bonnes conditions et, donc, qu’il ait posé ledit problème correctement : relisez, à cet égard, mon commentaire du 4/8 – 11 :39, sous le billet « La transition (I) – Le calcul du bonheur et du malheur ». Mon doute est d’autant plus grand que je crois que Paul Jorion n’est pas remonté assez loin dans le temps, à la recherche de « la bifurcation » à partir de laquelle tout s’est joué, plutôt mal que bien. Il faudrait remonter en deçà de la Révolution française : à la fin des terribles guerres civiles religieuses européennes du 16ème siècle, comme l’a très bien expliqué Jean-Claude Michéa : pour lui, ce qui s’est passé avec et après la Révolution française, n’est, en gros, que la « répétition » de ce qui s’est passé avec et après les dites guerres, qui ont signé la mort du monde ancien et la naissance du monde moderne dans lequel nous vivons toujours mais qui est, actuellement, en danger de mort.
Pour terminer, voici ma réponse à votre question : je crois savoir faire la différence entre la spéculation (ou la contemplation) où l’on se pose des questions qu’on se sait pas résoudre (interpréter le monde, suivant Marx) et la praxis politique (ou autre) où l’on se pose des questions qu’on sait résoudre (transformer le monde, suivant Marx).
@ André :
Merci de votre réponse plutôt charpentée .
On va voir si Paul Jorion y fait écho ( ça m’aiderait ) .
A ce point je me demade s’il est toujours bien facile de faire le distinguo entre » de nouveau » et » à nouveau » .
Mon intuition est que cette fois ci l’affaire est suffisamment grave pour que l’on puisse se contenter de recycler( faire du neuf avec les ruines ) sans créer ( faire du neuf avec rien ).
http://blogs.lexpress.fr/attali/2010/02/le-bonheur-comme-au-bhoutan.php
apparemment personne n’a mentionné ce post d’Attali sur la notion de Bonheur et sa mesure.
Je pense qu’il est intéressant d’observer ce que font les pionniers dans le domaine.
Vous appelez ce micro-pays arriéré et anachronique un pionnier? Un pays qui s’est constitué en expulsant ou en faisant fuir au moins 100 000 népalais pour garder une population « pure ». Qui vit sous une religion d’État bouddhiste, dans sa forme tantrique, appelé aussi lamaïsme, pratiqué par 75 % de la population, type Tibet avant les chinois, et impose le port du vêtement traditionnel aux femmes et aux hommes. Qui aurait selon le rapport CIA World Factbook, plus de 2 Millions d’habitant aujourd’hui mais ne reconnait que les bhoutanais pure souche (800 000). Les Bhoutanais d’origine népalaise subissent une discrimination culturelle et ethnique au point que certaines professions leur sont interdites (administration, enseignement, etc.. Selon des ONG d’obédience chrétienne, les chrétiens y sont peu nombreux en raison d’entraves à la foi chrétienne dans ce royaume. Les statistiques démographiques y sont les mêmes que celles de l’Inde avec par exemple un taux de mortalité infantile autour de 50 pour mille (t’as une chance sur 20 que ton môme crève jeune).
C’est son roi d’opérette qui a décidé d’adopter, après large consultation avec lui même et large consensus avec le même, il y a quelques années sa constitution et son Bonheur Brut local pour gogos verts étrangers et peuple arriéré local. Tiens, un exemple des idées géniales et « novatrice de ce grand souverain:
Après le timbre parfumé en soie naturelle et en relief, et l’hydro-électrique vendue au vilain voisin hindouiste, le BNL…
Ce qui n’empêche pourtant pas les responsables de l’ONU de citer en exemple le royaume himalayen, ou les penseurs des ministères de l’économie sociale en France et en Angleterre de s’en inspirer pour des projets de politiques visant à accroître la « satisfaction vitale », l’expression « politiquement correcte » pour parler du bonheur. Tu m’étonnes, en interdisant pratiquement de fait le tourisme, chaque Onusien ou Huile éco-responsable se sent au paradis dans ce décor de jungle hollywoodienne, sur son char à bancs tiré par 2 zébus, avec tous ces jolis costumes et ces temples tantriques! Le paradis New-Age! Même notre Attali national succombe à ces délices falsifiés!
Réveillez moi, c’est un cauchemar…
@Ybabel :
Le « don », peut-il se mesurer ?
Quignard a vingt ans quand il écrit ça :
Nous avons une attache aux plaisirs qui est inguérissable.
Nous sommes livrés au violent amour que notre corps soit heureux.
Nous sommes esclaves des agréments et du bonheur plus que nous sommes esclaves de la souffrance que nous oublions sur-le-champ.
Nous sommes esclaves des agréments et du bonheur plus que nous sommes esclaves de la mort, où nous ne sommes que contraints.
C’est ainsi que nous pouvons dire : la gourmandise est plus sombre que la mort.
Toile 11. (Écrits de l’éphémère, p. 252).
et pour clin d’œil à la mythologie freudienne, l’homme discerne son contour à se tenir dans son ombre portée face aux murs et miroirs d’un royaume céleste semblable à notre terre, fort d’être promis, constitué de la chaire de nos rêves, puits d’amour et de lumière sauvé à jamais de la mort- royaume des ancêtres comme celui des enfants à venir). quelque chose cloche. où est le premier pas? la mythologie répond en traçant un cercle. les actions épousent la figure d’une spirale. les crises de plus en plus rapprochées, d’un caractère fatal (ou pouvant être reçues ainsi, les journaux les radios télés participant diffusant massivement l’aveuglement du pouvoir et de l’ambition) et la spirale s’effile. ce rire révolutionnaire, le dernier Chevillard « Choir », noir, très noir… cité d’un homme pas si étranger à l’homme selon Freud ( la dialectique en moins, la diabolique dialectique ):
« Partout où nous nous installons s’installe aussi la discorde ; et le désert aussi s’étale, à se demander si le sable ne s’écoule pas par les trous de nos poches. »
« «Le malheur de l’un fait le bonheur de tous les autres, axiome qui se vérifie aussi à l’envers. À Choir, au reste, la réciproque est toujours vraie.»
et encore alourdi par le temps et ses œuvres les hommes se rappellent, attende du chaman le récit de « la geste d’Ilinuk » le guide. « Il nous tendra une main secourable depuis ces hauteurs fabuleuses, il nous habillera d’air et nous hissera jusqu’à lui sans effort. »
Où l’on s’approche une nouvelle fois de Dieu ! What else ?
Genèse 2,17 : « mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
Genèse 3,24 : « C’est ainsi qu’il chassa Adam ; et il mit à l’orient du jardin d’Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie. »
Attention aux chérubins !
Mais c’est bien, c’est là que nous avons bifurqué. L’homme est resté bloqué sur le refus d’accepter son incompréhension de l’existence : « C’est la paresse de devenir qui fait qu’on adore. » (Mirra Alfassa).
« l’insertion de l’espèce humaine au sein du monde naturel ne la dispose pas a priori à s’y trouver heureuse. »
« a priori » :
1- Je n’en suis pas sûr.
2- Qu’est-il devenu ?
Back to the future : le salariat est pratiquement ce qui éloigne le plus l’homme de sa démarche vers cette bifurcation première où il s’est laissé aller à croire, car il l’oblige à consommer, à participer à l’occupation collective, celle-là même que la civilisation actuelle s’est trouvée pour fuir sa réalité, sa religion.
Attention : ce n’est pas le progrès – ou plus futile, la croissance- qui est ici visé, mais la manière d’y accéder. Le progrès ne peut qu’exister, et ceux qui prétendent le contraire sont de fieffés racistes colonialistes ! Si le progrès n’avait qu’une seule forme possible, ça ferait longtemps que nous aurions un ordinateur en guise de cerveau et que nous laisserions crever nos « semblables » qui n’ont pas su progresser comme nous (c’est plus fort que moi, veuillez m’en excuser : au moins un de nous deux a besoin d’une bonne nalyse) ! Comment imaginer une société intelligente qui ne progresserait pas ?! Comment penser que l’homme asservi, inventant et produisant sous la contrainte (du salariat) puisse donner le meilleur de lui-même ?! C’est le salariat aussi qui pousse aux guerres et tensions d’appropriation, comme l’a fait en son temps l’esclavage – du seigneur, du maître ou du chef religieux : soit par l’appât d’un salaire plus grand, soit par la peur de le perdre. Dur de s’arrêter de jouer quand on a commencé…ah la drogue !
Toutes les difficultés que nous rencontrons viennent de ce mal : le salariat. Et ce mal est dû à notre peur d’affronter notre réalité. C’est donc à l’homme qu’il faut proposer de changer, et non pas aux hommes qu’il faut proposer une nouvelle société « clés en main » en laissant le mal perdurer. En aucune manière il ne s’agit donc de militer pour l’abolition de ce mal : il faut et il devrait suffire d’en parler : c’est le chemin, le but. Et notre intelligence fera le reste, n’en doutons pas.
« Nous, chercheurs de la connaissance, nous sommes pour nous-mêmes des inconnus, – pour la bonne raison que nous ne nous sommes jamais cherchés… Quelle chance avions-nous de nous trouver quelque jour ? On a dit à juste titre : « où est ton trésor, là aussi est ton cœur » ; notre trésor est là où sont les ruches de notre savoir. Abeilles-nées, toujours en quête, collecteurs du miel de l’esprit, une seule chose nous tient vraiment à cœur – « ramener quelque chose à la maison ». Pour le reste, quant à la vie, aux prétendues « expériences vécues », lequel d’entre nous les prend seulement sérieux ? Lequel en a le temps ? Dans cette affaire, je le crains, nous n’avons jamais été vraiment « à notre affaire » : le cœur n’y était pas – ni même l’oreille ! bien plus, comme un homme divinement distrait, absorbé en lui-même, aux oreilles duquel viennent de retentir à grand bruit les 12 coups de midi, et qui, brusquement éveillé, se demande « quelle heure vient-il donc de sonner ? » – ainsi arrive-t-il que nous nous frottions les oreilles après coup en nous demandant, tout étonné, « qu’est-ce donc que nous avons au juste vécu ? », […] et nous essayons alors – après coup, comme je viens de le dire – de faire les comptes des 12 sons de cloche vibrant, de notre expérience, de notre vie, de notre être – hélas ! Sans trouver de résultat juste… Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas […] – à notre propre égard, nous ne sommes pas des « chercheurs de connaissance »… »
F. Nietzsche, La généalogie de la morale.
Quelle classe ce Nietzsche. Ça me plaît, merci.
Friedrich Nietzsche était l’un de très rares philosophes de langue allemande qui n’a pas tenté d’imposer un système fermé. Cet anarchiste intellectuel est délicieux à lire (surtout en allemand).
Moi , tout ce que je connais de délicieux en langue allemande , c’est :
– Die vögel singen in den wäldern … ( exercice imposé par mon professeur d’allemand en classe de troisième )
et :
– Wenn ich ein vöglein wäre , so flöge ich zum dir , mein liebchen ! ( Heinrich Heine )
Et ça m’a beaucoup plus servi pour draguer les jeunes allemandes dans les dunes de sables de la méditerrannée , que la littérature de Nietzsche . Il y a longtemps .
Freud et le sexe vainqueurs .
Avec les moustiques .
Juan
Heinrich Heine et le cœur vainqueurs. Avec les oiseaux.
Les financiers en moins.
Ouais ouais, nous c’était « die Vôgel singen in den Baumen… », qui était sensé sonner tellement plus harmonieusement que le français « lez zoazo katzouille danz lez zarbres! »…
Et quand je comprenais rien à une question d’un prof d’allemand, j’avais pris l’habitude, invariablement, de répéter : « Es gibt Meinungvershiedenheiten! » (« il y a des divergences d’opinions »)
Ça mangeait pas de pain et ça en mettait plein la vue. Sauf s’il fallait embrayer derrière, œuf corse… « Meiner Meinung nach… euh.. ich habe keine Meinung. » (« A mon avis…euh..je n’ai pas d’avis. »)
Pas glop l’allemand…
Je n’ais pas lu les derniers post ….
m’enfin, en y réfléchissant un peux. Si l’ont prends Freud comme pilier de la conversation.
Il ne faut pas oublier de dire que le bonheur est libidinal, sexuel, au sens ou il procure a l’individu une sensation d’extase, sensuel ou nerveuse, quand je dis nerveux je tiens a dire que la sensation semble être hors de controle, mais le resenti et là, il y a quelque chose qui a vibré autrement.
Bon je ne vais pas rentrer dans le détail, trop long, en plus je ne suis pas vraiment un litéraire, même si j’apprécie les bons écrivains, allez romancier.
Freud parle de la satisfaction personnel, ont peut facilement extrapoler sur une satisfaction individuel. Et pour aller plus loin vers une relation narcisique, bien que narcisse soit a notre époque plus qu’a aucune autre, la possibilité a croire en l’image que le mirroir rend.
L’idiosie est de croire que l’individuel ne pas être d’aucune utilité dans un monde communautaire, m’enfin dois je rappeller que dans un monde individualiste, il n’est geurre possible de trouver un place aux communautarismes. 🙂 😉
Hier soir vers 19 h, de retour de vacances, un peu après 19 h et un peu après Mons sur l’autoroute, je capte France Culture et j’entends parler de Freud.
Au bout de 2 minutes il était clair qu’il s’agissait d’Onfray.
Il s’agissait d’un de ses cours à Caen, podcast possible sur FC (mais ce n’est pas une invitation !). En gros Freud de 1885 à 1910 pour les connaisseurs. Tout ce que j’ai entendu pendant près d’une heure est connu des « spécialistes » soit guère plus de 2000 personnes depuis que la correspondance non expurgée a été petit à petit publiée (ce à quoi la descendance de Freud s’est longtemps opposée). J’ai entendu quelques approximations mais pas de quoi fouetter un chat parce qu’il n’est pas un spécialiste. Par contre sa façon de mettre son public dejà acquis, dans le coup de son style de dénonciateur d’imposture et d’escroquerie est LE problème.
Un exemple parmi d’autre : il raconte que Freud aurait prescrit un massage vaginal à une patiente, massage effectué par un autre médecin, et interpelle son public : « Mesdames si vous voulez vous faire masser l’utérus, trouvez des freudiens et vous verrez ça marche ». Onfray mélange à volonté position analytique et position médicale. Soit il n’a rien compris et c’est grave, soit il en abuse pour abuser.
Autre exemple : il endosse la blouse du médecin :
« Ce qu’on ne parvenait pas à diagnostiquer par manque de moyens techniques, l’imagerie d’aujourd’hui, on l’appelait hystérie » pour des gens qui ont des problèmes neuronaux, problèmes du cerveau, problème de l’encéphale ».
Je ne vais pas insister, d’autres sont en charge de lui répondre ligne après ligne.
C’est plutôt là-dessus que je souhaite dire un mot.
J’apprends qu’existe une pétition pour que « soit mis fin à un contrat qui lie ainsi la radio publique à Michel Onfray ».
A ce propos puisque la question de la liberté est récurrente sur ce blog, il y a la lettre ouverte de Jean Allouch qui mérite l’attention :
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Lettre ouverte pour lettre ouverte
Ce 19 juillet, je recevais, comme sans doute pas mal de gens, un courriel m’invitant à signer une pétition présentée sous la forme d’une « Lettre ouverte aux responsables de France Culture au sujet de l’émission de Michel Onfray programmée de fin juillet à la fin août 2010 à 19 h ». Son texte, était-il précisé, « a été établi par un collectif de psychanalystes et d’enseignants ». Il serait de mauvais aloi de reproduire ici cette « lettre ouverte », également d’en commenter les termes et donc de les faire valoir.
Aussi me contenterais-je d’indiquer que les signataires demandaient, demandent qu’il soit mis fin au contrat liant cette radio publique et Michel Onfray, autant dire que
l’émission soit déprogrammée.
Le lendemain, ayant laissé passer une nuit là-dessus, je répondis à ceux qui m’avaient sollicité, à savoir O. Douville et J.-J. Moscovitz (que j’appelle affectueusement « Mosco » depuis le temps de notre fréquentation au sein de l’École freudienne), ceci :
Cher Douville, cher Mosco,
Depuis quand les psychanalystes tentent-ils d’instaurer un rapport de force tel qu’il interdise à quiconque de parler en mal de la psychanalyse, que ce soit de manière privée ou publique ?
Est-ce là une indication qu’ils donnent quant à leur façon d’accueillir ce qui fut appelé “transfert négatif”, ce manque de recul, ce rapport frontal ?
Le point n’est pas de démontrer en quoi Onfray a tort, ou de mettre en valeur tel ou tel de ses biais alors qualifiés de malencontreux, sinon pire ; le point est de savoir là où il dit vrai et d’accueillir un enseignement de ses attaques même les plus malvenues.
Tout cela manque en outre terriblement d’humour…
Bien à vous deux,
Allouch
PS Ce serait formidable si vous diffusiez ce mot auprès des signataires de votre pétition.
Ces signataires sont aujourd’hui 24 juillet au nombre de 885. Leur démarche redouble un geste d’Élisabeth Roudinesco, signalé par Le Canard enchaîné, visant à obtenir la suppression d’une subvention dont bénéficie l’Université fondée par Michel Onfray.
De telles actions prennent leur appui sur ce qu’un Jacques Lacan souhaitait laisser de côté : le pèse-personnes. Et peut-être un des grands inspirateurs de Freud, à savoir Schopenhauer, en a-t-il décrit la teneur au plus près avec ces mots (cités par Claude Rabant tout à la fin de son remarquable et dernier ouvrage) :
« Pour tout homme avec lequel vous entrez en rapport, n’entreprenez pas d’appréciation objective de sa valeur ou de sa dignité, ne prenez donc pas en considération la méchanceté de sa volonté, ni l’étroitesse de son intelligence, ni l’absurdité de ses idées, car la première pourrait facilement susciter à son égard la haine, et la dernière le mépris ».
Sans réponse à ce jour de la part de Douville ou de Moscovitz, je propose au directeur de l’Elp de rendre accessible à quiconque cet « échange » en le faisant figurer sur le site de l’école.
Jean Allouch
PS : Aucun membre de l’Elp ne figure parmi les signataires. Une heureuse nouvelle venue à ce jour de l’école, isn’t it ?
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Chomsky lors de son dernier passage à Paris, s’étonnait de l’absence de liberté d’expression en France. Évoquant le négationnisme, il disait que ça existait aux USA et qu’on les laissait dire leurs âneries pour ensuite contrer leur dire lors de débats.
C’est effectivement une position souhaitable mais qui mobilise beaucoup d’énergie, y compris sur ce blog où pourtant au moins la censure légale existe même si elle ne représente que moins de 1%.
Si la notion de liberté est redevable à Freud de quelque chose, c’est d’avoir inventé un lieu où il est permis de dire n’importe quoi, les pires saloperies imaginables et inimaginables sans que cela mène à l’incarcération, la vindicte, le bannissement, l’expulsion, l’internement etc.
Appeler les effets de ça, guérison, mieux-être, amélioration, soulagement ou ce qu’on voudra, même le bonheur possiblement, ça doit rester un débat ouvert.
Quant à signer un texte , je signerais sans effort le vôtre , qui évoque la révolte chère à Camus , citée en fin du billet de Paul Jorion .
En relisant votre avant dernier paragraphe , je me suis dit que Freud aurait eu sa place dans un confessionnal .
Mais de quel côté de l’huis ?
Juan Nessy, Du coté du confesseur, le confessé est supposé déjà au courant de ses fautes pour s’en soulager en les accrochant à quelques patères. Tout ça est pré-codé comme le savoir du directeur de conscience. J’ai lu pendant mes vacances un petit roman qui s’appelle « Le psychanalyste » de Leslie Kaplan. Ça a l’avantage de ne pas être un ouvrage réputé de psychanalyse, mais qui par touches impressionnistes est exemplaire du comment ça fonctionne.
J’ai pas suivi le débat sur Freud et je m’en fous à vrai dire. Ce qui me tracasse avec Onfray, que par ailleurs j’aimais bien écouter, c’est que pendant que le capitalisme s’écroule et que la classe moyenne se fait laminer, il disserte sur le vagin des patientes d’un type qui est mort il y a des décennies. Et dire que je le croyais subversif…
@ Moi,
Vous seriez donc dans la croyance que ce qui est ancien n’est pas aux commandes de ce qui émerge comme effets aujourd’hui. Pourtant la lecture régulière de ce blog aurait du faire fléchir votre croyance!
Par exemple :
1933 Glass-Steagall Banking Act
1999 : son abrogation avec le Gramm-Leach-Bliley Act
Et depuis ?
Vous parlez sans doute de la première mort de Freud intervenue en 1939.
Quand à sa seconde mort, il faudra attendre l’autodestruction de l’humanité ou sa disparition après l’extinction annoncée du soleil, à moins qu’une arche de Noe spatiale déporte ailleurs le legs de toutes les thèques capitalisées, Onfray inclus !
Je trouve plus la classe moyenne inquiète que laminée, et le capitaliste plus soucieux, qu’écroulé.
Je souhaite que votre « Moi », ne cache pas un sigle pour M.ichel O.nfray I.nternational.
@ Moi
Mais non, la mauvaise foi n’est pas si fréquente que ça. L’ignorance est plus répandue. Revenons au sujet ! Vous faites une affirmation sur Hayek : « soutenu financièrement […] par des exploiteurs et un dictateur […] Voulez-vous des références ? »
A ma connaissance, le Volker Fund a soutenu Hayek. Difficile de dire que William Volker était un exploiteur, ou alors il faut s’accorder sur les définitions :
http://en.wikipedia.org/wiki/William_Volker_Fund
http://www.trumanlibrary.org/oralhist/matschw.htm#38
Du factuel, SVP. Nous ne sommes pas là pour échanger des invectives. Cdt
Je pense que vigneron vous en a donné du factuel et je l’en remercie. En voici un peu plus dans cet article de Susan Georges: http://www.monde-diplomatique.fr/1996/08/GEORGE/5779. Où l’on voit que la fondation Ford a aussi largement contribué au mouvement. En Angleterre, Hayek était surtout soutenu par le milliardaire Anthony Fisher (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antony_Fisher).
Par ailleurs, je conseille à tout le monde la lecture de « Les évangélistes du marché » de Keith Dixon qui a fait un travail remarquable pour cerner l’histoire de la nébuleuse néo-libérale.
En ce qui concerne les dictateurs, voir les liens que la pensée de Hayek (et Friedman) entretient avec des bienfaiteurs tels que Pinochet ou Suharto. Interrogé sur Pinochet, Hayek répondit un jour: « Personally I prefer a liberal dictator to democratic government lacking liberalism. »
Lire à ce propos, le classique de Naomi Klein « La stratégie du choc ».
Je me souviens qu’un lendemain d’hospitalisation, où je dégustai sévère, j’avais sur ma table de chevet un ouvrage de philo « Heidegger et le zen », plutôt distrayant … au demeurant, mais objectivement pas assez. Et cette remarque acerbe de l’infirmière soulevant mon bouquin « à quoi sert la philosophie si elle ne vous empêche pas de souffrir ». La distraction d’un système esthétiquement bien foutu, n’est pas rien, un antidouleur en vaut un autre.
« à quoi sert la philosophie si elle ne vous empêche pas de souffrir »
Madame l’infirmière était une stoïcienne déçue.
Il n’y a que des stoïciens décus non ?
@Ugarte: Bonne réponse. 🙂
Les hommes ne se mobilisent en effet pas pour un changement de société – avec les risques que cela implique pour eux et pour ceux qui leur sont proches – en comparant leur bonheur actuel avec celui que conférerait un autre type de société dont le modèle reste toujours plus ou moins abstrait. Ils le font en raison d’une révolte : du fait du sentiment présent que la situation existant sous leur yeux et dont ils sont du fait même, l’un des composants, leur est désormais intolérable.
Dans le même ordre d’idée et pour relativiser ce qui serait «intolérable»:
De l’ethnocentrisme dans l’action humanitaire occidentale
Par : Philippe Montoisy (anthropologue)
1. Motivations à s’engager
Les motivations avancées, par les différents auteurs consultés, pour s’impliquer dans l’humanitaire, sont souvent les mêmes : « se sentir concerné par la souffrance d’autrui », « un devoir d’accompagner », « il m’est apparu indispensable », « l’impératif de sauver toute vie menacée », « l’émotion », « depuis des siècles, les catastrophes frappent l’imaginaire », « impératif d’agir, de soigner coûte que coûte », etc. Ces motivations, à première vue très nobles, émanent cependant de valeurs occidentales forgées à travers une histoire propre à l’Occident (nous le verrons plus en avant dans cet article). Le grand problème c’est que nous avons tendance à considérer ces valeurs occidentales comme universelles. Les propos de Jean-François Mattei sont, à ce propos, éloquents : « Je considère que toute personne aidée … doit l’être au regard de déterminants qui la rendent universelle : la vie, la souffrance, la joie, l’amour, l’aspiration au bonheur ». Pour ma part, ces conceptions de « vie », de « souffrance », de « joie », « d’amour » et « d’aspiration au bonheur » ne sont pas universelles. Elles varient d’une culture à l’autre, et mieux encore d’un individu à l’autre. Le Professeur M. Mimoun débute, quant à lui, son livre par quelques phrases qui peuvent, à la première lecture, être choquantes pour certains d’entre nous : « Je n’ai jamais cherché à faire de l’humanitaire. J’étais méfiant. Je n’aimais pas le mot. Je ne l’aime toujours pas ». Je dois avouer que, pour ma part, je partage ce point de vue particulier. Ce qui me déplaît dans le concept d’ « humanitaire », ce sont les motivations cachées, la misère de l’autre que l’on affiche, une volonté d’exotisme malsain, une certaine psychothérapie individuelle de ceux qui partent, ce moyen de se faire de l’expérience. Je me méfie des imbrications de l’humanitaire avec le droit d’ingérence, de sa confusion avec le pouvoir politique (et militaire), de sa manipulation par les Etats et les religieux, de sa dépendance envers les donateurs (ceux qui possèdent l’argent imposent trop souvent), des corruptions locales qu’il engendre, du rôle des médias, etc.
…
C’est en parvenant à nos fins par l’effort, en étant prêt à faire le sacrifice de profits immédiats en faveur du bien-être d’autrui à long terme, que nous parviendrons au bonheur caractérisé par la paix et le contentement authentique.
Dalaï Lama