Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Le numéro du New Yorker Magazine en date du 26 juillet contient un article sous la plume de John Cassidy intitulé : The Volcker Rule. Il s’agit d’une chronique de la dilution au fil des semaines du « Financial overhaul », le projet de réforme de la finance aux États-Unis, vue par les yeux de Paul Volcker qui fut président de la Federal Reserve, la banque centrale américaine, de 1979 à 1987.
En janvier, Obama avec Volcker à ses côtés, avait annoncé en grande fanfare la « Volcker Rule », la Règle Volcker, une version faiblarde du Glass-Steagall Act, voté en 1933 et qui obligea jusqu’en 1999 les banques américaines à choisir entre le statut d’animal utile et d’animal nuisible. Pour éviter tout suspense superflu je vous annonce tout de suite que Volcker fut roulé dans la farine, sa règle étant appendue à un amendement proposé par un sénateur républicain qui le retira au moment propice. Malgré ce résultat prévisible, Volcker avait entretemps découragé le sénateur Blanche Lincoln de présenter un projet un peu plus musclé de réinstauration du Glass-Stegall Act, en insistant sur le fait qu’il ferait double emploi.
Je vous épargne les autres épisodes affligeants de cette Bérézina annoncée parce que ce qui m’intéresse dans l’article du New Yorker, c’est une remarque faite au journaliste par Anthony Dowd, le bras droit de Volcker au comité qu’il préside, le President’s Economic Recovery Advisory Board – « whatever that means », comme on dit en américain. Cette remarque, la voici : « On a tous les deux le sentiment qu’on a été mis sur la touche au dernier moment. Mais avec un peu de recul, il y avait en face de nous cinquante-quatre lobbys et trois cents millions de dollars dépensés pour nous contrer. Alors, tout compte fait, on ne s’en est pas mal tirés ». Comme si Napoléon au retour de la retraite de Russie avait dit à un journaliste : « Mais vous savez : il faisait très froid ! » (1).
Je conclurai en expliquant pourquoi l’appellation « Bérézina annoncée » convient parfaitement au « Financial overhaul ». Dès le début du débat relatif aux mesures qu’il faudrait prendre pour essayer de réparer la finance, le cadre qui a été défini n’a pas été celui d’un problème technique qu’il faudrait résoudre au mieux, mais celui – classique en politique – d’un compromis à formuler entre deux partis aux conceptions opposées, chacun lâchant un peu de lest pour qu’on puisse se mettre d’accord à mi-distance. Manque de pot, on n’élimine pas le risque systémique d’un appareil financier hors d’usage en faisant émerger une position moyenne entre celle que le gouvernement préconise et celle que prônent les banquiers : au premier compromis passé, le ver du risque systémique est déjà dans le fruit. Ah ! et encore moins cela va sans dire, une position moyenne entre d’un côté, le gouvernement et de l’autre, les banquiers, plus cinquante-quatre lobbys, plus trois cent millions de dollars.
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(1) À l’intention de ceux qui ne l’auraient jamais vu, j’affiche ici le fameux graphique par Minard (cliquez dessus pour l’agrandir – vivement recommandé).
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
45 réponses à “Pourquoi le « Financial overhaul » américain était une Bérézina annoncée”
Et dire que hitler a voulu attendre pour attaquer la russie le même jour que Napoléon.
Merci à ces 2 dictateurs de s’être obstinés….La russie a été leurs pertes!
Moralité : Les colosses aux pieds d’argile (russie,usa,chine) restent des colosses. Il ne faut pas les enterrer trop vite.
non
hitler part le 24 juin , hitler le 22 juin
http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,795479,00.html
Un dimanche, avec un mois de retard sur la prévision (à cause du « détour » provoqué par Mussolini, voir l’émission n° 1), le 22 juin 1941, Hitler attaque l’URSS. Coïncidence, c’est le jour anniversaire de l’attaque de la Russie par Napoléon ! Si bien que, dans l’automne et surtout dans l’hiver, on verra en Europe occupée, des « papillons » avec cette simple date « 1812 ».
http://www.canalacademie.com/ida1326-Les-trois-jours-ou-Hitler-a-perdu,1326.html
@cédric,
Notre Empereur Napoléon un dictateur vous dîtes ?
Bien seulement pour vous.
Signé d’un jeune bachelier.
« hitler part le 24 juin , hitler le 22 juin »
Ce type est toujours partant!
@DEATH/MAGNETIC
définition de dictateur wilkipédia
Dans la Rome antique, le dictateur est un magistrat détenant les pleins pouvoirs, nommé en situation de crise
Au sens actuel, un dictateur est un chef d’État exerçant seul un régime politique de dictature
Napoléon a été mis au pouvoir dans une situation de crise, et a exercé son pouvoir s’en en référer à qui que ce soit.
Il a de plus mis l’europe à feu et à sang, à pillé une grande partie de celle ci, et a eu contre lui 6 coalitions de nations contre lui. Ces nations approuvaient bien entendu ces actions démocratiques envers elles.
De toute façon, rien que le mot empereur rime avec dictature
est empire tout « exercice durable par un État d’une autorité, d’un pouvoir, ou d’un contrôle sur un ou plusieurs États, communautés ou peuples. »…on est loin de la démocratie
Maintenant Napoléon a apporté de belles choses (code civil etc…), mais dans ce cas là hitler aussi (autoroute, industrie allemande puissante, les V2 qui ont permis plus tard la conquête de la lune et de l’espace, les avions à réaction etc…)….ça reste tout du moins au même titre que Napoléon un dictateur et un boucher!
[…] This post was mentioned on Twitter by kemar, Denis Fruneau. Denis Fruneau said: #BlogPaulJorion Pourquoi le « Financial overhaul » américain était une Bérézina annoncée: Ce texte est un « articl… http://bit.ly/bWU3IJ […]
Paul, c’est en date du 21 juillet l’article.
Cdt, Tim
Non, c’est bien le 26 : http://www.newyorker.com/magazine/toc/2010/07/26/toc_20100719
bonjour
sauf que, à ma connaissance, historiquement, la Bérézina c’est une victoire Napoléonienne, non??? Là, cela ressemble absolument et totalement à une déroute !!!!
Chris
Bérézina
« … Malgré les très lourdes pertes que connut l’armée française, qui donnèrent sa triste réputation à cette bataille… »
non pas vraiment
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_la_B%C3%A9r%C3%A9zina
Vous devez confondre avec la bataille de Borodino ou de la Moskova, qui fut une victoire de principe. Cela dit les lourdes pertes de l’armée française et l’erreur stratégique de ne pas poursuivre les Russes et marcher sur Moscou plutôt que sur Saint Petersbourg conduisirent à la retraite de Russie…
Francisco
!Mira mira el grafico ,por favor!
Ces commentaires m’évoque irrésistiblement ‘Guerre et paix’ que j’ai lu l’été dernier.
Natacha, le prince André, Koutouzov, Pierre Bezoukhov et même Clausewitz qu’on voit passer une fois ou deux….
Bizarrement, ces passages ou Tolstoi ‘arrête’ la narration pour se lancer dans des considérations historiques sont les seuls à être vraiment chiants (point de vue personnel). A chaque fois, on a hâte que l’histoire reprenne.
« Les troupes françaises fondaient régulièrement selon une stricte progression mathématique. Et ce passage de la Bérézina, sur lequel on a tant écrit, ne fut qu’une des étapes intermédiaire de la destruction de cette armée française, et nullement un épisode décisif de la campagne. Si on a tant écrit et qu’on écrit encore tant sur la Bérézina, du côté français, c’est uniquement parce que, sur le pont écroulé de la Bérézina, les souffrances que subissaient l’armée française au jour le jour, tout au long de sa route, se concentrèrent soudain en spectacle tragique qui resta dans toutes les mémoires » Tolstoi ‘guerre et paix’
Ce que l’on connait des discussions à propos de Bâle III – la future réglementation des banques en matière de fonds propres – n’est pas plus encourageant.
Afin d’éliminer le risque systémique, un marteau-pilon aurait été nécessaire, en proportion inverse des limites des mesures de régulation adoptées.
Sheila Bair, présidente de la FDIC – l’un des organismes de régulation des banques Américaines – vient à ce propos d’exprimer ses craintes, à l’occasion d’une interview dans le Financial Times. Le lobbying des mégabanques risque, dit-elle, d’aboutir à un desserrement des contraintes envisagées au départ.
Mais il y a pire que les effets du lobbying et des diableries du malin tapi derrière les détails.
Lorsque l’on pénètre dans le maquis des dispositions qui font débat dans ces cénacles réservés, on comprend qu’elles renvoient toutes à une seule et même interrogation: comment mesurer le risque pour s’en prémunir ?
Dans le système financier d’aujourd’hui, caractérisé par l’existence d’un très important secteur de shadow banking et d’instruments financiers complexes à l’extrême, cette question a-t-elle même une réponse possible ?
Faut-il alors craindre que les banquiers connaissent,eux, non pas une Bérézina mais plutôt ce qui serait pour eux une victoire à la Pyrrhus ?
Qu’ils l’emportent en envoyant à la misère la majorité de l’humanité ?
Que firent les ennemis de Pyrrhus ?
« Que firent les ennemis de Pyrrhus ? »
Il s’agissait des Romains. S’en sont plutôt pas mal sortis par la suite.
Ainsi que j’ai pu le voir et lire (approximativement) dans un dessin humoristique (eh oui) :
« Devant nous s’ouvre un abîme qui recèle des potentialités inestimables … Un investissseur audacieux ne devrait pas manquer d’opportunités ».
Monsieur Leclerc.
« comment mesurer le risque pour s’en prémunir ? »
Ne serait-ce pas plutôt, « comment faire peser le risque sur plus de nationalisation de pertes »..?????
Car depuis presque deux ans, c’est ce que l’on constate.
La réponse est impossible parce que la question absurde, le but du jeu étant de prendre des risques dont chacun tient à garder la mesure pour lui-même. Des règles de précaution sont aussi stupides que des barrières de sécurité en travers d’une piste de stock-car…
Bravo et merci pour le superbe dessin, il vaut effectivement mieux qu’un long discours: ne serait-ce que par ses petits commentaires…
The Culture of Speculation And The Failure of Financial Reform de Bruce Nussbaum sur le blog de Harvard Business Review.
L’idée de l’article est que ce n’est pas en négociant quelques milliers de règles que l’on va changer ce qui doit l’être au niveau d’une « culture », à savoir de se remettre, oh horreur, à avoir un regard moral qui permette de dire que telle action est bénéfique ou nuisible. Il me semble que c’est assez proche de ce qui se dit sur ce blog. Je n’ai aucune idée de qui est ce B. Nussbaum…
Je ne sais pas qui est Nussbaum mais à en juger par ce qu’il écrit, et comme il écrit la même chose que moi, il me semble que Nussbaum c’est… moi 😉
En effet… 🙂 Une rapide recherche Google nous dit qu’il est éditorialiste au Business Week, ce qui ne m’en dit guère plus.
Pour info, si ça intéresse quelqu’un, j’ai trouvé cet article en faisant une recherche au moyen du tag « speculation » sur le site delicious. Avec « spéculation » les résultats ne sont pas identiques. Il est possible de s’abonner au flux RSS d’un tag. C’est une manière relativement intéressante de se tenir au courant sur un sujet.
On craignait ,un dédoublement de personne alitée ,c’est arrivé!
It’s a joke!
N’empêche que cette aventure nous a rapproché de la Russie… « Guerre et paix » de Tolstoi relate cet évènement et aussi dans Gorki ou Gogol je ne sais plus, on raconte que certains français sont restés en Russie, des officiers avec leurs chevaux. Quoique les allemands se sont eux carrément installés et ont formé des corps de métiers à Moskou. Dans « Enfance » de Gorki ou dans « Les âmes mortes » de Gogol… La Russie a une sphère d’influence considérable : Grèce, Bulgarie, et France probablement si l’on veut bien considérer le PC surpuissant d’après 1945 On sous estime la puissance russe.. voir aussi l’Ukraine, actuellement, coupée en 2.
En Pologne il y a des travailleurs russes, très mal vu, et des saisonnier ukrainiens au coin des rues, les entrepreneurs passent les prendre le matin. C’est cela l’Europe de la justice, du travail protégé, etc. En fait l’Europe ne contrôle pas bien tout ce qui se passe à l’Est… L’Europe et ses bataillons de fonctionnaires sont un peu l’équivalent de la Grande armée, à l’Est ça se passe toujours mal, et finalement la corruption gagne celui qui voulait « civiliser »… la corruption ou l’indifférence.
Il faut un mausolée à Bruxelles, pour Rompuy
« Il faut un mausolée à Bruxelles, pour Rompuy » et auréoler sa tête d’ange déchu d’une ogive nucléaire…
… »si l’on veut bien considérer le PC surpuissant d’après 1945 On sous estime la puissance russe… »
Il y a « pire »: ils ont phagocyté l’Académie Française, nos scènes, nos salles de spectacle, nos écrans, nos cabarets, etc. Et même, très proche de moi, il me semble qu’un grand-père…
finalement,l’implosion se déroule comme prévue d’un point de vue cybernéticien,beaucoup trop de retroaction positive,en l’occurence le profit
je m’en étonne moi-meme
maintenant,on peut dire que c’est plié
réussir, c’est pouvoir aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.Winston Churchill
En effet, Bruno
Nous allons être enthousiates, car là, il y a du boulot pour mettre en place quelque chose qui marche à peu près.
Ceux qui avaient un porte-monnaie à la place du coeur ne vont pas être gais, mais.. va-t’on les plaindre..??
J’adore quand un plan se déroule sans accroc!
Merci beaucoup pour le graphique.
412 000 morts au total si je lis bien le document dont 322 000 rien que pour arriver à Moscou. Mais que diable le Hommes ont-ils dans la tête ?
Morts ou disparus pour la plupart mais il faut probablement compter aussi l’attrition des unités combattantes due à l’emploi de certaines troupes pour la simple occupation des territoires conquis. Ceci pourrait en partie expliquer pourquoi l’armée grossit sur le graphique à certains moments de la retraite. Près des deux tiers des effectifs ont déjà « disparus » avant la bataille de la Moskova premier coup d’arrêt tenté par les russes (soit en dehors des conditions hivernales).
Le caractère hétéroclite et multinational de la Grande Armée lui vaut aussi un nombre impressionnant de désertions, de l’ordre d’un tiers des effectifs ayant passé le Niemen.
@Didier,
Dans la tête ? un changement de Civilisation…
Signé d’un jeune bachelier.
La leçon est claire, une fois de plus:
– c’est le capital qui décide: 300 millions de dollars et 54 lobbies ici,
– beaucoup plus disent d’autres analystes,
mais peut importe car le capital est toujours prêt à engager des milliards au besoin
des milliards au besoin
– Obama comme tout politicien le sait et ne propose que ce qui est compatible avec le capitalisme
– l’essentiel, non pas pour le peuple américain,
qui croit encore dans la capacité de progrès du capitalisme et dans les réformes,
mais pour les partis politiques, est de jouer leur partition et maintenir chacun leur part de marché.
Il semble y avoir tout de même un changement de mentalité.
Le journal Le Monde relait l’information du corner cacao à un milliard de dollars.
Ils sont peut-être allé trop loin.
Les milliards de dollars US, c’est comme les divisions soviétiques: autant en emporte le vent…
Je ne saurais même pas quoi faire avec un milliard, sachant qu’on n’achète même pas une année supplémentaire avec ça… comme une montagne fictive contre le temps.
Une brève analyse de William C.Black:
Why the financial reform bill won’t prevent another crisis
de Robert Reich: ‘Une montagne de papier, une réforme comme un trou de taupe’
The New Finance Bill: A Mountain of Legislative Paper, a Molehill of Reform
Alors que la plupart des médias insistent sur le fait que le succès de la ‘réforme’ dépendra de la
régulation, le Washington Post souligne, à l’inverse, que l’ampleur du champ d’action (..) de Tim
Geithner grandit avec la ‘réforme financière, puisqu’il devient de fait le régulateur en chef (..)
Tim Geithner’s realm grows with passage of financial reform
« Alors, tout compte fait, on ne s’en est pas mal tirés ». Comme si Napoléon au retour de la retraite de Russie avait dit à un journaliste : « Mais vous savez : il faisait très froid ! ».
D’autant, circonstances aggravantes, si l’on veut bien juger du vrai rapport de forces en 1812, qu’à ce moment la Russie compte 22 millions d’habitants contre 21 millions en France et que c’est toute l’Europe coalisée sous la botte napoléonienne qui participe à l’invasion de la Russie. Soit un rapport de 10 à 1 au moins en défaveur des Russes. Quant au froid, 60.000 soldats et officiers en périrent dans les armées russes qui « raccompagnèrent » la Grande Armée jusqu’à la Bérézina.
L’article de William C.Black:
The Obama financial reform bill will not prevent another crisis: La loi de réforme financière d’HBO n’empechera pas une autre crise
Pour info, Bonaparte entarté, à Vancouver! http://neurobancal.com/2010/07/20/bonaparte-entarte/ Tout un art…
Moralité, on ne fait pas de politique et de la finance sans casser du petit d’homme. On n’a rien sans rien en ce bas monde. Et puis c’est une énergie renouvelable, une ressource en abondance. Quelques dégâts collatéraux ne prêtent pas à conséquences.
C’est le prix à payer pour un monde civilisé.
Dans certains ouvrages traitant d’alchimie, on figure la civilisation par un chien portant collier. L’état naturel et sauvage par un loup.
L’idéal c’est quand le chien et le loup après s’être entre-dévorés, ne forment plus qu’une seule et même créature.
Plus libre que le chien, car débarrassé de son collier, moins sauvage que le loup.
L’analyse de Simon Johnson qui souligne lui aussi que la prochaine ‘arène’ est celle de l’action ou de
l’inaction des régulateurs… Banking under the Dodd-Frank Act