Ce texte est un « article presslib’ » (*)
En février, j’avais accordé un entretien à Hélène Ceresole du quotidien grec Avghi. Elle me pose à nouveau quelques questions, cette fois à propos de ma récente chronique dans Le Monde : Des Grèce par dizaines. Voici mes réponses.
- 1. A vous lire, on a l’impression qu’une nouvelle chute est inéluctable. Mais est-ce vraiment le cas? Pourquoi ne pas faire confiance aux dires de Trichet, par exemple ou de Dominique Straus-Kahn, quand ils disent qu’il ne va pas y avoir de crise nouvelle ?
Dans le contexte actuel, Mrs. Trichet et Strauss Kahn doivent rendre confiance aux marchés. Ils doivent donc afficher l’optimisme. Mais cet optimisme est justifié ou non. Il est donc impossible de savoir s’ils disent la vérité. Voilà pourquoi on ne peut pas faire confiance aux dires de Mrs. Trichet et Strauss Kahn. On peut au contraire se tourner vers des personnes dignes de confiance mais dont la fonction ne les oblige pas d’être des optimistes systématiques : Martin Wolf, éditorialiste du Financial Times, Mrs. Stiglitz et Krugman, Prix Nobel d’Economie, Simon Johnson, ancien économiste en chef du FMI, Nouriel Roubini, etc. Ils disent tous, comme moi-même, qu’une nouvelle chute est inévitable.
- 2. Selon vous quelle est la marge de manœuvre pour Athènes face à une crise qui s’aggrave de jour en jour ?
Après bien des hésitations et des marchandages, l’Europe de la zone euro a affirmé sa solidarité avec la Grèce, à condition bien sûr que le plan d’austérité de Mr. Papandréou soit appliqué – plan d’austérité extraordinaire dans tous les sens du terme. L’argent pour aider la Grèce est donc là en principe. Mais si les 750 milliards d’euros mis en réserve devaient être ponctionnés de manière significative pour venir en aide à l’Espagne, et plus particulièrement à ses banques commerciales, la donne serait modifiée. La perspective pour la Grèce de devoir à terme restructurer sa dette dépend donc aujourd’hui essentiellement de la bonne santé du secteur bancaire privé espagnol.
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3. Lorsque vous dites qu’il nous faut un changement de civilisation, qu’est-ce que vous entendez par là ?
Je dis dans la chronique du Monde : « repenser la manière dont se redistribuent les revenus entre un capital à haut rendement et un travail faiblement rémunéré ». Mettre en œuvre ce qu’on aura repensé, cela implique un changement de civilisation.
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4. « Des Grèce par dizaines » : est-ce que vous pensez que le cas de la Grèce « se prêtait » à ce que la crise, qui n’avait jamais disparu, comme vous le faites remarquer, reprenne de plus belle en Europe ? Et si ce n’était la Grèce, ce serait, par exemple, le Portugal ou l’Espagne.
Les banques ont entraîné dans leur chute les États. Les plus affaiblis d’entre eux quant à leur dette publique se sont retrouvés les plus exposés. À l’époque de leur entrée dans la zone euro, certains pays ont masqué le niveau de leur dette publique pour satisfaire aux conditions d’entrée. Avec, comme on l’a redécouvert récemment, la complicité enthousiaste de Wall Street et de quelques avatars de Wall Street en Europe comme Deutsche Bank. Au niveau européen, on a fermé les yeux : on a touché du bois. Toucher du bois, c’est de la superstition. Malheureusement, la superstition, ça ne marche pas.
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5. Pourquoi, selon vous, l’Allemagne fait preuve de cette suffisance, presque méprisante, au même moment où les Etats-Unis semblent avoir choisi une autre voie ?
La compassion n’est pas la philosophie politique traditionnelle des Etats-Unis. Si leur attitude n’est pas suffisante aujourd’hui ce n’est pas par choix. Les États-Unis sont si mal en point que l’austérité n’est pas pour eux une option envisageable : la déflation qui les menace les précipiterait aussitôt dans une dépression. Si la Chine et l’Allemagne apparaissent aujourd’hui suffisantes, c’est qu’elles ont encore quelque chose à sauver et ont le luxe d’être confrontées à des choix. Ceux qui leur reprochent aujourd’hui leur arrogance n’ont pas de choix : ils doivent résoudre la quadrature du cercle d’une relance dans l’austérité, la fameuse « ri-lance » à la française. Ils en sont réduits à l’humour noir des mauvais calembours.
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6. Comment expliquer le fait que les pays émergents s’en sortent mieux face à cette crise ?
Parce qu’il leur reste une industrie. La pseudo-richesse des pays qui se sont spécialisés dans le service financier, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, n’est qu’un amoncellement de reconnaissances de dettes et de paris sur un amoncellement de reconnaissances de dette. Cela marche tant qu’on imagine que l’argent emprunté sera un jour remboursé. Quand les brumes du rêve se dissipent, cela ne vaut plus rien.
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7. Quels ‘signes’ faut-il ‘guetter’ pour se rendre compte de la gravité de la situation ? La croissance de la Chine, par exemple ? Ou l’emploi aux Etats-Unis ?
Les emplois ne reviendront pas aux États-Unis : l’industrie du crédit n’est pas près de réembaucher, ni la construction – qu’il s’agisse de l’immobilier résidentiel ou commercial, ni l’automobile, ni… Il faut se poser la question honnêtement : quel pourrait être le secteur aux États-Unis qui pourrait créer des emplois ? La « croissance verte » ? Que veut-on dire exactement par là ? Le nettoyage du Golfe du Mexique ? On aimerait ne pas être cruel, mais ce n’est pas facile…
Comme plus rien ne marche, on attribue aujourd’hui à la Chine le rôle de sauver le monde. Du coup tous les yeux sont tournés vers elle et, comme ce fut le cas d’autres nations avant elle, quand elle éternue, le monde s’enrhume. Mais la Chine n’a pas encore de marché intérieur suffisant pour absorber de manière substantielle sa propre production : elle dépend encore essentiellement de ses exportations. Or les nations qui guettent sa bonne santé n’ont plus les moyens de rien lui acheter, elles ne se rendent pas compte que cela ne sert à rien d’observer la Chine : sans leurs achats, la Chine n’est rien.
Les signes qui montrent que la situation est grave ne doivent pas être recherchés en Chine et aux États-Unis : tragiquement, chacun les trouve chez soi.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
127 réponses à “Entretien avec Hélène Ceresole du quotidien grec Avghi”
wall street monte dans la dernière heure comme toujours ..ce qui prouve la manip…..
alors que les nouvelles sont de + en + mauvaises, voici la preuve d’un nouveau consummer credit crunch
The latest consumer credit number continues the decline we have seen in recent months, plunging from $2424.4 billion in April to $2415.3 billion in May, a $9.1 billion decline, or 4.5% annualized, on consensus of $2.3 billion. Yet the biggest stunner was the April revision which was whacked from +$1 billion to a revised -$14.9 billion! In other words, there has been a $24 billion decline in consumer credit in the past two months. The biggest hit was, as usual, experienced by revolving credit accounts, which fell by a 10.5 annualized rate to $830.8 billion, from $838.2 billion in April, and just north of $910 billion a year earlier. The bottom line is that consumers continue to retrench as the deflationary wave gets ever bigger. And the only lender, for the second month, running, is guess who… Yet stocks, which confirm again they are now completely decoupled from facts, statistics, or reality in general, jump on this very negative development.
http://www.zerohedge.com/article/consumer-credit-plunges-may-april-revised-much-lower-government-only-marginal-lender-two-mon
» wall street monte dans la dernière heure comme toujours ..ce qui prouve la manip….. »
C’est la raison de Wall Street plus nous devenons riches et plus nous voyons c’est proportionnel.
Pourquoi je suis la croissance parce qu’elle me donne cette seule vue rassurante c’est la boussole.
Un jour un financier avait longtemps calculé à l’avance son mariage hélas ce jour la météo se fit attendre.
A l’idée de tout perdre je préfère encore m’aveugler plus longtemps avec les miens jusqu’à la fin.
Il n’y a pas de pire malade que celui qui refuserait encore à saisir la perche d’un autre.
La finance est aveugle elle ne voit même plus le mal qu’elle se fait à elle-même.
Dans l’histoire les fils de Caïn se sont toujours montrés plus habiles et sournois que les fils d’Abel.
On en voit sans doute mieux aujourd’hui le funeste résultat partout.
Partage de lecture « La crise, quelles crises ? » de Damien Millet et Éric Toussaint
Éditions Aden/Cetim/Cadtm, Bruxelles, 2010, 285 pages, 20 euros
Les auteurs détaillent les conséquences de la « grande transformation des années 1980 » et particulièrement du rôle de la dette sur les différentes économies. Puis ils analysent « La crise financière déclenchée en 2007 » et résument les propositions « écartées par la longue nuit libérale » : arrêt des privatisations et des déréglementations, transferts vers le secteur public, réduction radicale du temps de travail, généralisation des retraites par répartition, politiques salariales, etc
Face à la crise alimentaire, ils présentent, entre autres, les contre propositions de Via Campesina et leurs propres élaborations. Un chapitre aborde la responsabilité du mode de production capitaliste dans la modification du climat avec des exemples internationaux très précis.
Avant d’aborder les expériences en cours au Vénézuela, en Équateur et en Bolivie, ils décryptent la crise de la gauche et le bilan très négatif de la démarche social-démocrate et du désastre stalinien. Ils y opposent une démarche anticapitaliste qui « intègre obligatoirement une dimension féministe, écologique, internationaliste et antiraciste ».
L’ouvrage se termine par une description des évolutions du mouvement altermondialiste. Parmi les annexes, les données sur les « Chiffres de la dette en 2009 ».
Effectivement, votre résumé donne envie d’en lire un peu plus….
« cela implique un changement de civilisation » : et comment fait-on pour changer de civilisation ? On demande aux bureaux d’études de BP ? On va fouiner à la Samaritaine ? On téléphone à Besancenot ?
Je ne me moque pas, car j’ai aussi la conviction qu’un changement énorme s’impose. Mais comme il est impossible de savoir comment il pourrait arriver, on ne peut qu’en plaisanter.
Si ça intéresse quelqu’un, j’ai les adresses E mail des deux boîtes d’expert-consulting les plus pointues du moment pour ce genre d’entreprise…
Les boîtes s’appellent:
-DLP and Son Universal & Eternal Consulting Inc.
-E.T Interstell Global Prospecting SA.
Les adresses Mail sont, respectivement:
Dieupèreetfils@prophètes.néant
Téléphonemaison@Spielberg.véga
Ça coûte rien d’essayer. Ils font crédit et facturent après résultats effectifs. Payés au mérite quoi…
ouuh ça sent encore les solutions traumatisantes tout ça.
Impossible !!! Argl ! Merdre ! Et moi qui croyais.
Enfin, si des fois y’a du changement, n’hésitez pas à me le faire savoir : c_est_comme_ça_on_n_y_peut_rien_alors_faut_faire_avec_mais- c_est_pas_facile_en_tout_cas_on_va_en_discuter_au_moins_ça_occupe_et_pendant_ce_temps_là_on_fait_pas_de_conneries @fatalisme_universel_et_pourvu_que_ça_dure_mais_il_faudrait_que_ça_change_pour_bien_faire.fr
Dis monsieur, combien ça coûte ton changement de civilisation ?
Vous mettez pas martel en tête! Ça va se faire tout seul, comme d’hab, et gratos. Enfin gratos, c’est moins sûr…
Quand ils sont au gouvernement, ils ne trouvent pas de solution, vous les mettez dans l’opposition et tout d’un coup ils ont des idées ! [Jean Saint-Josse]
Les seules valeurs terrestres de l’Anti-Thèse Capitaliste ne permettront pas mieux à l’humanité en souffrance de mieux passer le cap avec des Ailes, lorsque tout cela s’écroulera sous nos pieds.
Celui qui cherchera d’abord à sauver ces idôles contemporaines ne rendra guère un meilleur service à son prochain et ne sauvera pas mieux le monde moderne de la déroute.
Un diplomate est par définition quelqu’un qui doit empêcher les choses graves d’arriver.
[Robert de Saint-Jean]
Petits enfants, gardez-vous des idoles ! [Saint Jean]
La plus grande connaissance ne facilite pas les choix les plus simples
Franc Herbert, Dune.
Et la plus petite connaissance ne facilite pas les choses les moins simples!
moi.
le FMI bipolaire..un jour optimiste, un jour péssimiste
http://www.independent.ie/business/european/imf-warns-new-eurozone-bank-crisis-could-hit-global-recovery-2252067.html
Au regard de tant de choses, j’aimerais tellement parfois que le changement des valeurs, des coeurs et des mentalités se fassent plutôt par un événement plus inattendu, imprévu, brusque, surprenant ni non plus trop calculé et planifié à l’avance par l’esprit des mêmes sur terre, surtout lorsqu’ils nous parlent principalement des mêmes choses pour nous maintenir dans l’enclos ça fait si mal parfois.
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