Billet invité.
Depuis longtemps déjà, les linguistes (1) écartent l’hypothèse selon laquelle notre mot pour « travail » dériverait de la forme nominale « tripalium » : un instrument de torture utilisé par les Romains et que le manuscrit du Concile d’Auxerre (582) produit encore sous la forme de « trepalium » ; quant à la forme verbale supposée, « *trepaliare » elle n’a jamais été rencontrée. L’échange d’un « e » pour le « i » de « tripalium » pourrait justifier le treballar catalan, mais ne rendrait pas compte de la série de transformation en « a » pour les autres langues romanes – travailler (fr.) trabajar (esp.) travagliare (it.) trabalahar (port.). Pour rendre compte du « a », Walter von Wartburg -1932 – écartait le « tripalium », avancé par quelques prédécesseurs, et privilégiait l’origine dans le latin « trabes » (poutre), lequel donnera par la suite le « trevail », soit la machine consistant en l’assemblage de deux poutres parallèles (la travée), laquelle servait à entraver bœufs et chevaux lors du ferrage. Si le treballar catalan ne peut être relié aux souffrances du tripalium, l’étude de ses usages morpho-syntaxique en catalan médiéval montre assurément son affinité avec certaine formes de pénibilité. De plus, d’une façon générale, la recollection de von Wartburg (2) atteste que vers les 12e et 13e siècles, les formes lexicales associant « travail » et l’une ou l’autre forme de douleur sont abondantes. La présence d’affects négatifs anciens attachés à la notion de travail est donc manifeste, il suffisait aux linguistes de puiser dans le répertoire des « poutres ecclésiastique » de « trabécule / trabéation » (en référence à la toge de cérémonie ornée de poutres), mais aussi à la « poutre de gloire » (trabes doxalis) laquelle sanctifier l’origine païenne d’une consonance doloriste bien venue, quitte à s’emmêler les pieux restons utiles.
La « tripaliation » savante comme la reprise par le trevail vernaculaire rechargeait les affects hérités sur des signifiants neufs qui tout en étant phonétiquement voisins, sont sans filiation directe avec les précédents. Que ce nuage d’affects était lié depuis longtemps à tout un réseau de signifiants dont la résonnance indo-européenne saute aux yeux :
laBoR(latin.)
aRBei(t) (allemand)
RaBo(t) (russse.)
(t)RaBajo (espagnol)
(t)RaVail ( français)
…
(d)aRBs (letton)
Le couple de voyelles R-B(V) forme la racine indo-européenne « orbh », de laquelle dérive, par exemple, le grec orphanos (orphelin). De même, selon Pokorny – Indogermanisches Etymologisches Woerterbuch (3)- les langues slaves et germaniques présentent deux séries parallèles en R-B désignant le travail, l’esclave tel le slovène « rabôta » ( servage ) mais aussi comme en vieux russe, lorsque les diminutifs robu , robja, robjata signifient autant enfant que travailleur. « Erbe (al.) (héritier ), heir (ang.) vient égalment s’ajouter à ce champs sémantique.
Ces liens sont généralement « expliqués » par le fait que les orphelins étaient affectés à des tâches ingrates et seulement rattaché à la communauté par dune relation de servitude. Plus en amont encore, Michael Weis (4) – latin Orbis and his cognates,Cornell University – , au terme d’une étude serrée, rattache la racine indo-européenne orbh à une racine proto indo-européenne cette fois, laquelle correspondrait tout simplement la notion de « cercle » jusqu’au latin (orbis) cette racine se serait clivée en deux branches la première liée au travail agricole, et la seconde à l’idée de retournement et/ou d’exclusion dans le processus d’héritage ou d’ « orphanage ». Reconnaissons toutefois que les mots servant à rendre compte des situations d’esclave et d’orphelin peuvent à toute époque, fixer des affects moroses.
Michael Weis, (conclusion de l’étude)
§
Pourquoi cette mise en spectacle du « tripalium » mille fois répété jusqu’à l’obscurantisme ? N’avons-nous pas affaire à une étymologie-écran ? Sans raison qui lui serait extérieure, le travail serait à l’image du tripalium : « faut faire avec ». Faire croire que la pénibilité serait une propriété du travail et non pas le produit d’une organisation sociale particulière, garantit quelque peu la tranquillité des classes sociales qui se nourrissent d’un mode de domination par réduction du « labor » au « travail », du « werk » à l’« arbeit ». Comment, au centre gauche, aujourd’hui sous nos yeux, une bande de borgnes roués tente-t-elle encore d’accrocher nos affects à la forme sonore « la société du care ». Depuis un demi-siècle, cette gauche politique et syndicale « cassolette » avec la droite, et laisse creuser la dette afin de participer à la redistribution du budget de l’état, entre soi entre amis, ne remet rien en cause de l’organisation du travail et laisse le capital déplacer le curseur de répartition du surplus par l’introduction des stock options. L’effort de la gauche fut de contrer la pénibilité du travail par la promotion du pouvoir d’achat et les loisirs de compensation, mais – grand dieu ! – , sans jamais proposer un monde ou chacun puissent faire œuvre de sa vie sans avoir besoin d’eux . Que feraient-ils d’autre ces redistributeurs qui de gauche comme de droite nous ont sucré quarante années sur le thème « l’écologie c’est pas sérieux c’est destructeur d’emploi » ? Comment oublier ces 40 années d’immobilisme devant l’impasse de la retraite, calculée depuis longue date, mais laissée au repos dans les cartons ? Sans doute attendaient-ils que nous fussions en état de recevoir l’allocation de lange vieillesse plutôt que de prendre le risque de nous voir descendre dans la rue les prostates encore vives. Rien ne fut entrepris pour que le travail fût joyeux et non, qu’au bout d’une vie de souffrance au travail, les chevaux fourbus réclament leur mise à la retraite et que les plus jeunes ne se suicident de ne pouvoir jamais y arriver. Nous sommes, une fois de plus, orphelins. La prochaine fois qu’on s’occupera de refaire tourner l’économie, essayons de ne pas nous faire avoir juste pour le plaisir d’être ainsi dominé ! Ecce, article 1.
(1) Voir par exemple, Marie-France Delport, « Trabjo trabajae(se) », Etude lexico-syntaxique, Cahiers de linguistiques médiévales, Klinsiek ,1984.
(2) Walther v.Wartburg, FranszÔsishe Etymologishes Worterbuch, Eine dartstellung des galloroamisschen sprachschattzes Lieferung Nr.101/102, Band XIII / 2. Teil, Klincksieeck,
1965. – trabs, pp 135-139 , – *tripaliare pp 287 -291 – tripalium pp 291-292
(3) Pokorny – Indogermanisches Etymologisches Woerterbuch
(4) Michael Weis – latin Orbis and his cognates, Cornell University
149 réponses à “Le travail, par Jean-Luce Morlie”
Une petite info pour les linguistes et autres philologues distingués…
En béarnais, langue romane de type gascon, langue d’Henri IV, « travail » se dit « tribalh » et « travailler », « tribalha », avec un joli » i « …
Justement , ( je vous recopie le v. Wartburg) , les quelques rares formes en « i » sont uniquement gasconnes, mais la première forme gasconne repérée (1300) est en « a », viennent ensuite les formes gasconnes en « i « puis en « e » ; je remarque que les formes gasconnes « tribalhar » et elles seules, ont également une acception juridique ( procès, cause, poursuivre en justice) ?.
La mise en évidence de la racine consonantique indo-européenne en R-B règle la question du « tripalium » : il existait un mot antérieur en R-B, dont nous n’avons pas trace…et pour lequel le « trevail » a pris la place. Par contre, comme le fait remarquer Cécile, nous avons que dans le domaine anglo-saxon le mot « travaillour» fut repris du « trevail » continental , et que ce travailleur a lui-même pris la place d’un vieux mot anglo-saxon de racine R-B tombé en désuétude : earfoð or earfoþ* « hardship »
Par la suite « travaillour a donné naissance à « traveller / travel, ce que les étymologistes justifient par la « fatigue des voyages »
§
Relativement au billet, ces détails linguistiques sont sans grand intérêt : l’idée principale est la manipulation des affects autour de la société du « travail » et son « passage » à la « société du care » relativement aux orphelins déclassés. Cette société nécessite l’adjonction d’une quatrième classe sociale invisible : capitaliste – entrepreneur – redistributeur (de gauche comme de droite), travailleur (déclassé). La gauche passe de la thésaurisation paranoïaque des affects – « c’est la faute aux autres » – à la « gestion du repentir », allez « mes p’tits fi » – nous avons été trop gourmands, c’est vrai – on va tous se serrez la ceinture et les banques aussi, tient donc ! Mais nous aut’ , on est bons, on va prendre soin de vous… cassolette and Co.
Pour être tout à fait honnête, toute thèse se rapportant à celle du « travail émancipateur » me donne de l’urticaire, et celle-ci ne fait pas défaut. Peut-être parce que, contrairement à d’autres, je goutte bien moins la satisfaction du devoir accompli que la douleur qui l’accompagne, peut-être aussi parce que ne manque jamais de considérer la futilité de l’acte sur le long terme.
Il semble que l’exemple que j’ai choisi ne suffise pas à vous convaincre tous. Je n’en suis pas vraiment étonné, ceci dit j’aurais une foule d’autres exemples à fournir, et en tout état de causes quelques réponses à formuler:
@Crapaud Rouge
Réminiscence de Knock… « Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille? »
http://films7.com/videos/louis-jouvet-knock-gratouille-chatouille
La nuance introduite ici n’est sans doute pas fausse, mais intéresse certainement plus les psychologues, les philosophes et les linguistes que les premiers concernés: Le type qui souffre d’arthrose après s’être usé toute sa vie durant dans un travail – si gratifiant soit-il – ne voit certainement pas de grand réconfort à savoir que sa pathologie lui provoque des douleurs, mais pas de souffrances… A mon humble avis…
@Tartar
« Travailler serait un devoir »
L’emploi du conditionnel est superflu: Quelle que soit l’espèce animale considérée, le simple fait de choisir de vivre plutôt que mourir implique de fait la nécessité d’un travail pour y parvenir, ce n’est même pas une caractéristique humaine, contrairement à ce que suggère anne-bis à votre suite.
Les questions du « don de soi » et de la « satisfaction » sont d’un autre ordre, à mon sens relatif au soucis permanent de hiérarchisation sociale: On fait don de soi aux autres pour être reconnu, et ainsi grimper dans l’échelle sociale – ce qui apporte des privilèges (cf. ça et donc de la satisfaction.
@Yvan
Je crains que le plaisir dont vous parlez ne soit qu’une illusion . Beaucoup de travailleurs ne voient absolument aucune gratification morale dans leur travail, mais gouttent effectivement le moment où leur journée de labeur s’arrête, c’est là précisément qu’ils parviennent à ressentir une certaine satisfaction de nature bêtement chimique et tout à fait relative, induite par le cerveau (voir le post du dendrobate écarlate). D’où l’expression qui fait florès chez mes collègues du moment: « Ça fait du bien quand ça s’arrête« .
Concernant votre plaisanterie quant à la concurrence déloyale générée par les potagers privés, elle introduit un biais intéressant et me permet d’évoquer quelques anecdotes:
Non bien sur, je n’entre pas en concurrence avec le marché si je fais pousser mes patates plutôt que de les acheter. D’une part parce que c’est ce même marché qui m’aura certainement vendu les semences – et l’État aura eu le bon goût d’ajouter au prix de base une patente bienvenue – et d’autre part parce que mes cultures ne sont pas destinées au commerce mais à mon usage personnel. Justement, il se trouve que mon vieux père a eu récemment la curiosité de faire une petite comparaison, et devinez quoi? Le kilo d’oignons « prêt à consommer » est bien moins cher que le sachet de semences correspondant…
Ceci dit, nos amis ultra-libéraux sont tout à fait enclin à prendre votre boutade pour argent-comptant. C’est ainsi que par exemple, sous couvert de « mesure d’hygiène », la récupération et l’usage des eaux pluviales (à usage privé) à été légalement restreint en 2008 dans des proportions qui frisent le ridicule (euphémisme): Voyez par vous-même.
Peut-être a-t-il été pensé en haut lieu que les cumulus et autres cumulonimbus faisaient une bien méchante concurrence à la générale des eaux, et qu’il convenait d’y remédier…
@nada
Le paillage ne suffit pas à lui seul à supprimer les efforts nécessaires à l’entretien d’un potager – sinon depuis le temps ça se saurait – et ne vaut que pour le moment du semis. Quid de celui de la récolte? Vos plantations sont-elles si satisfaites de leur traitement « bio » qu’elles sautent d’elles-même dans leur cagette? Et qu’en est-il des travaux pénibles non-agricoles?
Mr Jorion aurait sans doute ainsi beaucoup à dire sur la pénibilité du travail sur un bateau de pêche, quant à moi j’aurais aussi bien pu évoquer l’authentique torture subie par les ostréiculteurs du Belon ou d’ailleurs pour avoir eu quelques amis, saisonniers dans cette branche – en plein hiver, les pieds dans l’eau…
En résumé, il me paraît aussi illusoire de chercher à considérer le travail autrement que comme une douleur nécessaire. Le faire est à mon sens du même ordre que de parler du plaisir qu’on a à se rendre chez son dentiste…
Il paraît que la technique du BRF Bois Raméal Fragmenté diminue sensiblement le travail au jardin.
J’ai l’intention d’essayer l’année prochaine.
http://fr.ekopedia.org/Bois_Ram%C3%A9al_Fragment%C3%A9
http://www.terrevivante.org/247-mieux-que-le-compost-le-bois-rameal-fragmente-.htm
@louise
Puisque le sujet semble vous intéresser, je ne saurais trop vous conseiller de vous renseigner sur la PERMACULTURE, et particulièrement les travaux de Fukuoka au Japon. Difficile de ne pas y trouver son bonheur, tant les perspectives de cette approche systémique sont larges, tout en restant humbles.
Par exemple l’écologue Whittaker a montré » qu’un écosystème naturel mature est largement plus productif que n’importe quel système humain de production de nourriture La productivité primaire nette d’une foret tempérée caduque est deux fois celle d’une terre cultivée moyenne(1200 g/m²/an (gramme de matière sèche par mètre carré et par an) contre 650 g/m²/an), du fait d’une utilisation de l’énergie, de l’eau et des nutriments beaucoup plus efficace que celle de l’agriculture ».
De cette même école,dans la même éthique, David Holmgren a développé en 2002 un ensemble de principes légèrement différents et parfois complémentaires.
1. Appliquer l’autorégulation et accepter les rétroactions (feedback) – il faut décourager les activités inappropriées pour s’assurer que le système continue de fonctionner correctement.
2. Intercepter et stocker l’énergie – en développant des systèmes qui collectent les ressources quand elles sont abondantes et que nous pouvons utiliser à besoin.
3. Utiliser et répondre créativement au changement – on peut avoir un impact positif sur des changements inévitables en observant avec attention et en intervenant au bon moment.
4. Concevoir en passant des motifs généraux (structure) aux détails – en prenant du recul on peut observer les motifs dans la nature et la société et les reproduire. Ils peuvent alors devenir la colonne vertébrale de nos designs et les détails mis en place à mesure que nous progressons.
5. Intégrer plutôt que séparer – en mettant les bons éléments aux bons endroits, des relations se développent entre ces éléments et ils travaillent ensemble pour s’entraider.
6. Observer et interagir – En prenant le temps de s’engager avec la nature on peut concevoir des solutions qui correspondent a la situation.
7. Obtenir un résultat – s’assurer que l’on reçoit réellement des récompenses utiles pour le travail qui est fait.
8. Ne pas produire de déchets – en trouvant une valeur à chaque ressource disponible et en les utilisant toutes, rien n’est un déchet.
9. utiliser et valoriser la diversité – la diversité réduit la vulnérabilité à une variété de menaces et tourne à son avantage la nature unique de l’environnement dans lequel il réside.
10. Utiliser et valoriser les ressources et les services – faire la meilleure utilisation de l’abondance de la nature pour réduire notre comportement consommateur et notre dépendance vis-à-vis des ressources non renouvelables.
11. Utiliser les bordures et valoriser le marginal – l’interface entre deux choses est l’endroit ou les événements les plus intéressants se produisent. Ce sont souvent les éléments qui ont le plus de valeur, et qui sont les plus divers et productifs.
12. Utiliser des solutions petites et lentes – Les systèmes lents et petits sont plus faciles à maintenir que les gros, en faisant un meilleur usage des ressources locales et en produisant des résultats durables.(Sources Wikipédia)
Ce me semble un peu plus cohérent que l’approche « mystico-occultiste » de la Bio-dynamie inspirée de l’anthroposophie de Steiner, ou, dans la perspective inverse, de l’arnaque absolue de l’agriculture « raisonnée », sensément « durable »!
le fait est que quelques exemples, même symboliques comme cultiver des légumes, ne prouvent pas une démonstration… ils l’agrémentent.
ils peuvent aussi servir de point de départ à une réflexion (remise en cause ?) personnelle de dogmes acquis ou en tout cas admis comme vérités universelles.
le paillis ne sert pas de tremplin aux pommes de terre vers le cellier.
mais il ne se limite pas non plus au temps du semis.
mis en place à l’année, il nourrit les portions inoccupées en hivers, évite les labours automnaux et printaniers, mortifères pour l’humus, et permet à l’humain opportuniste de s’installer à genoux ou assis, pour dégager un coin de terre, bien noire, bien friable, bien chaude (un peu de lyrisme !) et d’y confier une graine ou autre pomme de terre, sans trop d’effort et sans sentiment de commettre une agression.
la culture habituelle du potager nécessite bêchages, arrosages et certains adjuvants chimiques.
le système montre actuellement qu’il appauvrit la terre et nuit à l’humain (douleur à la culture, pollution par la consommation).
ce n’est qu’un exemple. ça n’a pas valeur de démonstration.
mais ça me fait réfléchir à la nécessité implicite de la douleur (reçue ou infligée) pour tous les actes vitaux humains. y compris le travail.
la douleur fait partie du hasard de la vie, elle ne la justifie pas.
certains indiens ne tuent pas d’animaux pour manger. ils vivent.
les occidentaux (moi y compris) tuent des animaux pour manger. ils vivent.
mes voisins ne paillent pas, ils bêchent. ils ont mal au dos. ils mangent leur légumes. ils vivent.
je paille. je ne bêche pas. je mange mes légumes (objectivement…. les limaces aussi !). je vis.
je me demande juste si la douleur, subie ou infligée, est une constante obligatoire…
Merci vigneron, mais c’est déjà fait !
dissonance, je ne voulais pas suggérer que c’était une caractéristique humaine, au contraire. Les humains sont des animaux comme les autres pour ce qui concerne leur survie. C’est le mot travail qui fait la différence. Parce que je ne sais pas pourquoi , mais nous nous regardons survivre, et nous essayons de gérer et d’organiser cette survie, et on appelle ça travail, ça devient un concept. Les autres espèces ont autant de mal que nous, mais elles n’en parlent pas. Que nos activités soient devenues monnaie d’échange, dont la forme évolue, c’est une formule sophistiquée des stratégies classiques de reproduction, d’accès aux ressources, de colonisations de territoires, partagées avec le reste du monde vivant. Bon en même temps c’est un peu une évidence …Mais ce qui l’est moins, c’est comment ce concept de travail a produit cet impératif maximal qu’est le progrès, jamais vraiment remis en question, avec la haine de soi comme corollaire il me semble.
@anne-bis
« je ne voulais pas suggérer que c’était une caractéristique humaine, au contraire […] »
J’avais bien compris, mais votre manière de le dire me paraissait sujette à interprétation.
D’autres pistes sur le concept du travail / savoir-faire /savoir-vivre
– Richard Sennett « Ce que sait la Main »
ou La culture du nouveau capitalisme » (titre ressemblant à celui de Rifkin)
– Stiegler (Bernard) et l’Otium (loisir/amatorat:….) , qui s’oppose au « neg-otium » le négoce, qui préfère le chiffre (« Zerstörisches Geld ») au savoir-faire.
Le cerveau peut gommer une partie de l’inconfort si cela lui est permis par son état de « protention » (l’attraction vers un but, le contraire temporel de la rétention).
Le fonctionnement sur une base « otium/savoir-faire » a besoin d’un milieu associé, (un milieu « émetteur récepteur », comme le rôle que joue la langue, dont tout écouteur est locuteur) . IL a aussi besoin d’une liaison des pulsions et de leur sublimation, d’un « ça ne se fait pas (dont la base peut être biologique, cf le numéro de Books de Mai Juin, ça m’entrainerait vers le neurones miroirs comme base de la notion de justice, je stoppe là ce fil).
Son absence mène à la misère symbolique, aux formes de « prolétarisation » (indépendamment du revenu monétaire).
L’organisation sociale capitaliste n’a qu’un côté de bon, par rapport à cela, c’est de favoriser (historiquement) le « projet », l’investissement dans ce projet, assez aveuglément.
C’est toutefois une vision occidentale que celle-ci, je pense que dans une vision chinoise, sans doute, les contradictions n’apparatraient pas du tout aux mêmes jointures.
@>strong>crapaud rouge, sur l’apprentissage syllabique : oui, je pense que s’adresser au cerveau sur plusieurs registres permet de mieux le « re-coder » ; en pratique, je me suis laissé dire que c’est comme ça qu’on apprenait les langues sémites auprès des religieux en Afrique du Nord (synagogues ou mosquées) ;
Je pense aussi que la psychanalyse a pris comme « tournevis » le langage pour tenter de re-conditionner tout l’esprit, et essaye de faire « au mieux », tout en ayant pas mal foiré son coup globalement,… je préfère vos idées pragmatiques sur le chant comme assistance linguistique mutatis mutandis
Je n’ai rien contre la poésie.
Observons, cependant: Que dès le xiie siècle, leur première apparition dans les textes, et tout au long du moyen-âge, « travail » et « travailler » signifient « tourment » et « tourmenter », que « travailleur » jusquèau xviie siècle signifie « bourreau ». Que le mot pour dire « travail » au moyen-âge est « oeuvre », « travailler », « ouvrer ». D’où, aussi, notre « ouvrier ».
Remarquons aussi que la 2e partie du mot est oublée par notre poète : « -alium », qui permet de ranger le terme dans la très classique série des mots dont le pluriel en « aux » correspond aux transformations phonétiques de la finale : als, aws, aus, graphie : aux.Ce sont nos mots en -al, ou ail,pluriel aux; cf émail, émaux.
Et le salariat Jean-Luce…Vous nous en remettrez bien une petite pincée non ?
http://www.presse-francophone.org/apfa/motdor/etymolog/salaire.htm
Pour les moineaux, c’est sur la queue.
Un vrai travail semblable à une œuvre, serait de vivre dignement de nos capacités manuelles, intellectuelles, spirituelles, c’est exaltant, c’est gratifiant, la joie, c’est le premier des salaires, et ça n’a pas de prix.
La douleur qui accompagne souvent le travail peut être négociée par la joie de ce que le travail peut apporter à chacun.
Soustraire la joie du travail et la douleur devient souffrance, et nous mourons esclaves.
@ Louise dit : 29 mai 2010 à 13:07
Louise ma sœur, pas de doute nous sommes frères.
Les hasards de l’existence nous ont amenés à prendre des options différentes, pour conduire notre vie. Partant de conditions initiales quasi identiques, nous sommes arrivés à des situations actuellement différentes. Pourtant dès demain, elles risquent d’être très semblables, dans l’au-delà ou peu avant.
J’adhère à beaucoup des idées que vous exprimez. Mais ce qui me gène le plus, c’est de sentir poindre chez vous un sentiment de rancœur et de haine rémanente, notamment quand vous évoquez « la tête sur une pique »
Ceux qui ont implanté un tel sentiment dans votre cœur et dans celui de beaucoup trop d’autres, sont à mon avis potentiellement coupables de crimes contre l’humanité. Ils ont cherché à transformer des têtes et des coeurs en bras armés de piques afin de faire régner leur idéologie.
Marx était certainement nourri de bonnes intensions, mais au point où l’humanité en est arrivée il est temps de le dépasser, surtout quand on voit où cela a mené ceux qui ont voulu mettre ses théories en application.
L’argent, le travail, le capital, la dette, sont des inventions humaines nées de l’évolution naturelle de notre civilisation, probablement pour son bien, même si actuellement elles nous posent problème. Elles ne résultent pas forcément d’une volonté de nuire de la part de ceux qui ont été les premiers à s’en servir ni de la part de ceux qui s’en servent encore honnêtement.
C’est, me semble-t-il, les dévoiements de leurs règles d’usage qui sont à condamner. Ils résultent de viols à la morale que sont, l’envie non maîtrisée, l’avidité, la cupidité, le cynisme, la tromperie, le mépris des autres, l’irresponsabilité, tous défauts qui rangent ceux qui les portent, hors du champ des hommes dignes de bâtir l’humanité de demain à laquelle les honnêtes gens ont droit.
Evoquer des comportements sanguinaires me semble à proscrire quand on veut s’inscrire dans une démarche de restauration des valeurs morales indispensables à l’humanité de demain.
Au contraire, il semblerait bon de faire émerger les qualités et les vertus humaines qui sont à l’opposé des défauts signalés ci-dessus.
La fusion des idées de bonne volonté, plutôt que leur opposition. La tempérance et la maîtrise des envies plutôt que le libre cours aux pulsions. La prise en compte du futur, plutôt que l’exploitation excessive du présent. L’attention aux autres de demain au moins autant qu’à soi aujourd’hui. Le rejet systématique de la violence. La recherche permanente de la justice en prenant en compte les aspirations légitimes de tous les autres.
Nota : J’ai écrit en pensant à vous ici : http://www.pauljorion.com/blog/?p=11875#comment-82357
Rattacher le travail à la torture peut avoir un intérêt étymologique mais sert surtout certains ayant des tendances tout de même sadiques à justifier leur comportement ! L’intérêt du travail n’est pas dans la souffrance qu’il procure ni même le temps que l’on y passe ni la « sueur ». Son intérêt n’est que le résultat ! que l’on claque des doigts ou que l’on souffre sang et eaux n’ajoute aucune valeur en soit si ce n’est que l’auto-justification sociale de certains tant dans leur comportements sadiques d’une part ou masochistes de l’autre leur permettant tout au plus de justifier leur statut social mais qui n’a de fait aucun rapport ni quantitatif ni qualitatif. Chacun tente de justifier son statut social à posteriori alors que de fait il n’y a aucun rapport significatif et scientifiquement calculable entre le travail et votre statut social et l’argent que vous avez ou que vous gagnez qui lui n’est justifier par contre que part votre appartenance à un groupe social et cela par contre est scientifiquement calculable et sert même de base de remboursement pour les assurances. Si votre enfant a un accident et qu’il reste handicapé c’est bien le statut social des parents qui servira de base de remboursement !
Art. 9. – A côté du système socialiste d’économie, qui est la forme dominante de l’économie en URSS la loi admet les petites économies privées des paysans individuels et des artisans, fondées sur le travail personnel et excluant l’exploitation du travail d’autrui.
Art. 12. – Le travail, en URSS, est pour chaque citoyen apte au travail un devoir et une question d’honneur selon le principe : « Qui ne travaille pas ne mange pas ». En URSS se réalise le principe du socialisme : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail ».
Art. 10. – Le droit des citoyens à la propriété personnelle des revenus et épargnes provenant de leur travail, de leur maison d’habitation et l’économie domestique auxiliaire, des objets de ménage et d’usage quotidien, des objets d’usage et de commodité personnels, de même que le droit d’héritage de la propriété personnelle des citoyens, sont protégés par la loi
Art. 118. – Les citoyens de l’URSS ont droit au travail, c’est-à-dire le droit de recevoir un emploi garanti, avec rémunération de leur travail, selon sa quantité et sa qualité. Le droit au travail est assuré par l’organisation socialiste de l’économie nationale, par la croissance continue des forces productives de la société soviétique, par l’élimination de la possibilité des crises économiques et par la liquidation du chômage.
Art. 119. – Les citoyens de l’URSS ont droit au repos. Le droit au repos est assuré par la réduction de la journée de travail à sept heures pour l’immense majorité des ouvriers, par l’établissement de congés annuels pour les ouvriers et les employés avec maintien du salaire, par l’affectation aux besoins des travailleurs d’un vaste réseau de sanatoria, de maisons de repos, de clubs.
Ces extraits de la constitution de 1936, réputée comme la plus démocratique sur le papier, devraient travailler le lecteur. La notion d’entrepreneur que P. Jorion différencie justement du rentier et du travailleur a peu de place ici, puisque réduite au travail personnel à l’exclusion de « l’exploitation » d’UN seul autre. Sur le papier, on a écrit aussi « liberté, égalité, fraternité », le cours de cette devise est très variable car c’est une action au long cours entre idéal et délire. Il reste beaucoup de travail à faire pour se reposer dessus.
« et excluant l’exploitation du travail d’autrui ».
Sauf qu’il est impossible de définir « l’exploitation » d’une manière telle qu’elle serait absente dans le « socialisme » mais toujours présente dans le capitalisme (l’argumentation, implacable, se trouve chez P. Van Parijs).
Et quid du chanteur qui vend des milliers de places de concert et qui ne force personne à assister à ses représentations? Qui exploite t-il? Qui du peintre génial? Quid du joueur de foot?
Le principe de justice bien connu « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins » échoue devant « l’argument des gouts dispendieux », ce pourquoi on a abandonné l’égalitarisme du bien-être pour l’égalitarisme strict des ressources chez les penseurs égalitaristes (qui sont anti- marxistes, d’ailleurs, les marxistes rejetant l’idée que le problème puisse être réglé au niveau (re)distributif sans prendre en compte la question des modes de production).
Qu’ils se la gardent leur constitution: elle n’a rien de démocratique et tout de totalitaire, derrière des apparences chatoyantes, dès lors qu’on y regarde de près. La démocratie garantit bien plus que ça!
À clown gris,
J’ignorais l’existence de Philippe Van Parijs, j’ai lu les 2 premiers pages que proposent googlebank, j’ai lu l’article wiki sur l’Allocation Universelle, un fatras de considérations moralos-psychologiques pauvres. Wiki c’est parfois excellent, parfois nul, mais puisque leur règle de fonctionnement inspiré du wiki anglophone prétend à des articles neutres, je lis où mène cette prétendue neutralité. L’A.U. inspirée de Locke, la propriété privée suppose d’indemniser ceux qui n’y ont pas accès. On fabrique le rentier de base, avec le souci de protéger la vie privée des pauvres, leur liberté ! Je suis pour la levée totale du secret bancaire, c’est vous dire si la notion de vie privée… « privée de quoi ? » demandait Aragon ? J’apprends le terme « dividende social » MDR ! Je lis que Socialistes et verts français y serait favorables, Toni Negri aussi. C’est très grave. Merci de m’avoir ouvert les yeux sur ce complot. Décidément n’importe quoi plutôt que toucher à la propriété privée ! Déjà qu’il n’y a pas de sauveur suprême, mais alors ceux là, comme disent les enfants qui parlent mal : on se court ! (Au secours/ on secourt). Ensuite pour le chanteur, la « liberté » du public étant bien plus complexe que ne le supposent les branchés de l’A.U. ce qu’ils versent pour jouir du trou de leurs oreilles devrait être imposé jusqu’à fabriquer une échelle de revenus extrêmement limitée. La notion de totalitarisme promue par Arendt ne m’a jamais convaincu, mais je lis que vous avez votre définition.
Em Português: trabalhar !
Merci, j’en ai mis trop « trabalahar (port.) » je ne me suis pas relu, je me connais, j’ai du en laisser d’autres, pardon.
L’alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris intégralement dans la Constitution du 4 octobre 1958, affirme que “chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi”
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946.5077.html
Voici de bien belles déclarations de principe mais qu’en est il de leurs applications concrètes ?
La réalité nous saute aux yeux : Son éclat nous aurait il aveuglé à ce point pour ne plus le voir ? L’emploi devient une denrée rare, non pas qu’il n’y ait plus d’activités pour occuper le coeur, la tête ou les bras de nos chers concitoyens loin s’en faut.
Mais pour deux raisons très simples : seules les activités dites rentables ou bien subventionnées doivent être retenues sur le marché du travail. De plus l’impérieuse nécessité de faire toujours plus de profit pousse les entrepreneurs à s’automatiser ou se délocaliser.
L’alinéa 11 du même texte précise que “tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence”
Puisque l’on sait que la réalité économique pèse toujours plus lourd sur l’emploi et
que le salariat s’effiloche de plus en plus (précarisation, chômage, bas salaire, paupérisation
des travailleurs …), alors à quoi cela sert il de se voiler la face ?
Il existe bien un conflit d’intérêt entre ces deux mondes diamétralement opposés : Capital
et Travail. C’est peine perdue que de s’évertuer à vouloir les rabibocher.
Le droit constitutionnel n’y changera rien car complétement anachronique face à une évidence qui s’impose de façon criante : LE LIEN INEXTRICABLE ENTRE REVENU ET TRAVAIL EST EN TRAIN DE SE ROMPRE.
L’alinéa 5 devient inapplicable. En revanche l’alinéa 11 va devenir la règle et non plus l’exception.
De sorte que « Le droit d’obtenir un emploi » devrait être remplacé « par le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »
La lutte des classes devrait donc se focaliser sur cet alinéa 11 puisque la destruction du salariat est inéluctable, évolution logique du système productiviste. Marx l’avait déjà prédit en son temps. Mais cette casse du salariat est bénéfique car elle va permettre de remettre en question les rapports de production et redéfinir le travail non plus en tant que nécessité pour vivre et mais en tant que vecteur central de citoyenneté.
De sorte que les millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, les chômeurs qui survivent avec l’ASS, le RSA ou rien du tout, devront se mobiliser de plus en plus pour rappeler aux gouvernants le caractère « convenable » et hautement constitutionnel de ces « moyens d’existence » énoncé dans cet alinéa 11.
« Un million de demandeurs d’emploi vont se trouver en fin de droits avant fin 2010 en France. Une situation intenable, d’autant que 60 % d’entre eux ne bénéficieront plus d’aucune indemnité »
http://www.bastamag.net/article879.html
Quant à l’étymologie suspecte du mot travail à savoir « tripalium », cela n’est pas totalement faux.
La douleur de l’enfantement sera toujours consubstantiel à la finalité d’une oeuvre. Qu’elle soit d’ordre professionnelle ou ludique, la volonté d’atteindre un résultat implique en contrepartie un effort plus ou moins douloureux. Là n’est pas la question.
La question n’est pas non plus de remettre en cause la valeur du travail et de l’effort qui s’y rattache ni de son influence bénéfique dans la construction de la personnalité et du lien social.
La véritable question est : comment affranchir le travail de l’autorité du capital ? Comment transformer cette économie de l’échange par une économie de la répartition ? Répartition des revenus et répartition des activités socialement utiles (et non pas seulement marchandes)
“Le rôle social de la machine économique, écrit Jacques Duboin, ne doit plus être de fournir
du travail (entreprise chimérique, même à l’ère de la rareté), mais de procurer des produits
et des services”.
http://www.saintnazaire.net/2475-des-pistes-pour-l-apres-crise-les-idees-de-jacques-duboin.html
Cela me rappelle qu’en 1988, ils ont changé une phrase de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme telle qu’elle est affichée dans les établissements scolaires français .
Avant c’était : « tout homme a droit au travail « .
C’est devenu : »tout homme a le droit de travailler » .
Ce n’est pas du tout la même chose, même si certains n’y ont pas prêté attention .
Quand on dit que tout homme a droit au travail, un chômeur peut porter plainte, pour non respect des droits de l’Homme, contre l’Etat français qui n’intervient pas pour lui procurer l’emploi auquel il a droit .
Quand on dit que tout homme a le droit de travailler, cela veut dire qu’il n’est pas illégal de travailler, rien de plus .
Ce changement de phrase iindiquait que le gouvernement ouvrait le parapluie pour se prémunir contre les attaques et qu’il n’avait pas l’intention de prendre des mesures pour s’opposer à l’installation d’ un chômage de longue durée .
« La « tripaliation » savante comme la reprise par le trevail vernaculaire rechargeait les affects hérités sur des signifiants neufs qui tout en étant phonétiquement voisins, sont sans filiation directe avec les précédents. Que ce nuage d’affects était lié depuis longtemps à tout un réseau de signifiants dont la résonnance indo-européenne saute aux yeux »
Réponse : » Ouille ! »
http://pagesperso-orange.fr/jardin.secret/EcritsLitteraires/Nouvelles/hexagonal.htm
Beber, vous n’êtes pas si cancre que de rien entendre à mes abscondités.
cher Jean-Luce, je vous soupçonne juste de travailler pour une marque d’aspirine …
Mais vous n’êtes peut être qu’un amoureux transi des mots .
@jducac
« Partant de conditions initiales quasi identiques, nous sommes arrivés à des situations actuellement différentes. Pourtant dès demain, elles risquent d’être très semblables, »
Effectivement, mon cher jducac, car dans le monde où nous vivons, que l’on soit fourmi ou cigale le résultat sera le même, car les forces prédatrices qui sont en place auront tôt fait, par l’augmentation des taxes et impôts, par la réduction des aides sociales, par les augmentations de prix (gaz, loyers, etc), par les baisses de salaires, par les baisses de revenu des petites économies, par l’accaparation de ces petites économies au travers des jeux de monopoly de la bourse (même si vous ne jouez pas en bourse que croyez-vous que les banques font de votre argent) et j’en passe et des meilleures ou des pires c’est selon.
Vous commencez peut-être à vous en rendre compte.
Que l’on soit cigale ou fourmi on participe tous à ce jeu morbide et lorsque les cigales commencent à tomber les fourmis ne vont pas tarder à suivre.
Les choses sont tellement imbriquées qu’il ne peut, dans ce monde, y avoir de cigales sans fourmis, ni de fourmis sans cigales.
Toutes sont dans le même bateau et le bateau est en train de couler, il est inutile de se renvoyer la balle car nous avons été embarqués dans un jeu où « face : « ils » gagnent, pile : nous perdons » !
Nous avons été embarqués par ces « ils » dont certains ont été élus par nous-mêmes !
Et non, je n’ai aucune haine envers eux, ni envers quiconque d’ailleurs.
Ce que j’exprime n’est que le reflet de ce que je peux lire sur ce blog ou sur d’autres, où de plus en plus de gens on dépassé le stade de l’indignation pour entrer dans celui de la colère.
C’est aussi ce que j’entends de plus en plus autour de moi.
Le problème est donc de trouver un moyen pacifique pour faire comprendre à nos chères (dans tous les sens du terme !) zélites que nous ne sommes plus dupes et que nous voulons un changement radical des modes de pensées qui gouvernent ce monde actuellement.
C’est pourquoi j’ai proposé une idée idiote : la cocotte en papier.
Parce que la cocotte en papier représente la pause, c’est quelqu’un qui n’a plus rien à faire, qui « bulle » dans sont coin (sans risque d’explosion), qui, tout en occupant ses doigts à une action totalement gratuite et inutile, réfléchit tranquillement.
Et c’est ce qui nous manque actuellement, du temps pour se poser calmement et réfléchir à ce que pourrait être une vie « autrement ».
La cocotte en papier pour dire stop ! Y en a marre ! On veut plus jouer ! Faites quelque chose !
Faites d’autres choses !
Pour leur dire on ne vous à pas élus pour çà, pour que les riches soient toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres !
Vous avez été élus parce que certains ont cru vos belles promesses de campagne électorale et parce que pour d’autres vous étiez ce qui leur paraissait le moins pire.
C’est rien une cocotte en papier, ça mange pas de pain comme disais un de mes amis, c’est vite fait et on peut les laisser n’importe où.
Mais des dizaines, des centaines, des milliers, des millions, tous les jours, ils nous mettront des amendes pour jet d’ordures sur la voie publique ?
@louise
Ca fait toujours plaisir de vous lire 🙂
Pour tous ceux qui n’aime pas la cocotte en papier. Voici un modèle qui peut les réconcilier:
http://origami-rom1.over-blog.com/article-1476434.html
Je suis persuadé que depuis l’origine des temps, c’est la loi du plus fort qui règne en maître. Chez les hommes comme chez tous les êtres vivants, ce sont les êtres les plus faibles qui sont éliminés lors des situations de crise. Nos dirigeants n’étaient pas là à l’origine des temps, ils ne sont donc pas responsables de la mise en place de cette loi naturelle contre laquelle il me semble difficile de lutter quand les crises deviennent trop graves. Par contre, dès le début des années 70 les dirigeants de l’époque et ceux qui ont suivi ont eu des signaux d’alerte mettant en évidence l’impossibilité de poursuivre éternellement notre croissance économique et démographique, et ils n’ont rien fait. Au contraire, ils ont les uns et les autres repoussé les décisions douloureuses à plus tard. Tellement tard que maintenant c’est peut-être trop tard.
Malgré cela je vous dit à plus tard.
Mon ordinateur est en panne pour au moins 2 semaines. J’espère que notre monde durera suffisamment de temps pour attendre la réparation et permettre la poursuite de nos échanges.
@jducac
Monsieur De la Fontaine Boileau ne l’aurait pas mieux dit! La raison du plus fort est toujours la meilleure, et les mots pour le dire arrivent aisément! Quoique, de la première source, toujours intarissable…
LE CHÊNE ET LE ROSEAU
Le Chêne un jour dit au roseau :
Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphir .
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l’orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
Votre compassion, lui répondit l’Arbuste ,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts.
Et je vous ferai grâce du Lion et du Rat:
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi….
@ Vigneron 31 mai 2010 à 23:26
Merci de faire ce rappel.
Avec ces fables, le petit peuple faisait l’essentiel de ses études en philospophie. Les hussards de la république laïcs et républicains, associés à leurs collègues propagateurs de la morale religieuse, et aux anciens dont on savait respecter la sagesse accumulée et retransmise, façonnaient le comportement du plus grand nombre. On s’attardait surtout à prolonger les vertus du passé pour préparer l’avenir. Il est vrai qu’on n’avait pas encore fait les grandes découvertes de ces 40 dernières années qui, en s’appuyant sur les référentiels bondissants, et la théorie des ensembles, ont fait évoluer l’enseignement primaire comme jamais.
D’ailleurs les résultats sont là.
Votre rappel est de nature à donner de l’espoir aux plus jeunes encore capables de souplesse et à condition qu’ils ne soient pas implantés dans des endroits trop vaseux qui les laisseraient se déraciner et être emportés par la tempête qui arrive.
Pour les plus anciens, comme moi, les bases sont bien implantées mais les superstructures asséchées sont devenues fragiles. Heureusement, le coeur est bon et la cime est haute ce qui permet encore de voir venir les choses, souvent mieux que les autres.
Dans « A serious man » des frères Coen, une scène montre le héros venu consulter un rabbin. On voit le rabbin seul et contemplatif à son bureau mais la secrétaire refuse au héros l’entrevue. Elle dit “he is busy” et elle ajoute “he is thinking”. Il est occupé, il pense. Le business n’est pas le labour, et business party n’est pas Labour Party. Les affaires, ce n’est donc pas du travail. Si l’argent travaille, c’est comme le bois qui se dilate et se rétracte mais où est sa production ? Lacan en 1973 voyait dans l’inconscient « le travailleur idéal, celui dont Marx a fait la fleur de l’économie capitaliste dans l’espoir de lui voir prendre le relais du discours du maître ». Mais que produit donc l’inconscient ? Ce que (presque) personne n’a envie de s’approprier. On propose pourtant un travail pour l’exploiter, appelé « travail analytique » pour s’occuper donc de la production de son inconscient, ses fruits. Lacan : « Celui qui fait le vrai travail en analyse, c’est celui qui parle, le sujet analysant ». Donc celui qui bosse, est pourtant réputé payer pour travailler ! Le rêve aussi travaille puisqu’on parle du « travail du rêve » Traumarbeit. Il y a aussi l’expression à la mode : le « travail du deuil ». Qu’on perde son travail, sa plus-value, sa belle-mère, sa virginité, son temps, ses dents, il faut faire son deuil, son travail de deuil. On entend ça à la radio : « on attend la cellule psychologique pour que les familles des victimes du crash commencent leur travail de deuil ». Et les victimes du krach en cours, vont-ils commencer leur travail de deuil ? Freud dans le « malaise dans la civilisation » écrit : . « L’homme essaie de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. »
Si on remplace « son prochain » par la figure du psychanalyste, le voilà victime consentante du travail du transfert (working throught) (Durcharbeitung) et pourtant dédommagé de l’intérêt qui lui est porté et auquel il s’est offert en tant qu’entrepreneur entrepris par un entreprenant. Un entrepreneur qui ne travaille pas mais aussi produit du transfert de travail de celui qui le consulte jusqu’à ce qu’il le laisse tomber comme un déchet de son travail.
Les prémisses de la réflexion qui suit ici (autant dans le post de PYD que dans le mien d’ailleurs, merci à lui d’avoir toujours cette expression si limpide 😉 ).
La thèse de Jean-Luce Morlie consiste à prétendre que le travail est fondamentalement neutre – ni pénible, ni agréable – et que c’est l’organisation qui en est faite qui le fait pencher de l’un ou l’autre côté, offrant ainsi la perspective d’une autre voie possible ou l’activité la plus infecte aujourd’hui pourrait devenir demain source d’épanouissement…
Clown gris et moi (et quelques autres peut-être) prétendons au contraire que certains travaux sont intrinsèquement pénibles, et que leur mode d’organisation n’est jamais qu’un catalyseur OU un amortisseur de cette caractéristique, avec l’idée sous-jacente que le travail existe au delà de son mode d’organisation: Homo Habilis travaillait déjà en son temps sans pour autant disposer de notre mode d’organisation – il en avait un qui lui était propre, sans toutefois grand rapport avec le notre.
A moins donc de considérer que ce soit la collectivisation du travail elle-même qui soit à la source du problème, force est de reconnaître qu’il y a inégalité de fait dans la « qualité de vie » attachée aux différentes activités professionnelles, et que cette inégalité est indépassable, sauf à imaginer un système où toutes les tâches seraient exécutées par tout le monde – soit à tour de rôle, soit tous en même temps mais dans des proportions minimes, que sais-je encore? – ce qui ne ferait finalement que reporter le problème pour mettre en lumière l’inégalité de fait entre individus (biologique), puisque tout le monde n’a pas l’habileté d’un menuisier, l’intellect d’un doctorant, la condition physique d’un maraicher, etc.
En outre et enfin, je déplore que ce texte qui nous est proposé ait tenté de théoriser et rendre abstrait à l’extrême la chose la plus concrète et la plus pratique au monde, le travail. D’où l’orientation de mes réflexions dans la discussion, volontairement très « terre-à-terre ». L’idée n’étant pas de focaliser la réflexion sur telle ou telle activité en particulier, mais plutôt de rappeler qu’en ce domaine plus que dans d’autres, les seuls mots sont tout à fait insuffisants pour représenter convenablement le réel, et qu’il convenait donc d’y mettre les mains pour palper les choses pour de bon.
Deux remarques.
Votre ami « le clown gris » insiste : – Les hommes ne naissent pas égaux – et vous en rajouter « pour mettre en lumière l’inégalité de fait entre individus (biologique) »
Ce n’est pas « ma » thèse, je m’inscris dans le courant de l’histoire humaine de la nature humaine, jour après jour nous créons cette nature. Jean Piaget, biologiste, soulignait qu’il nous est inné d’être ouvert à l’acquis.
Choisissez votre bifurcation!
La douleur n’a d’autre fonction que de nous alerter d’un danger, certes nous sommes résistants, nous pouvons aller un peu au-delà du seuil d’alerte. Devant l’agression nous avons trois stratégies: le combat, l’inhibition de l’action, la fuite. Pour l’homme, la fuite permet par l’imagination technique de changer le cadre de l’agression. Si vous devez bêcher beaucoup, un tracteur avec l’air conditionné en écoutant France-Culture, c’est mieux , (je ne tiens pas compte de l’endettement vis-à -vis de votre banque, naturellement), mais vous me comprenez.
PS, Pour ma part, plutôt que des tracteurs j’imagine une permaculture BRF intégrée, sur banquette à hauteur de main.
@Jean Luce Morlie
Sur l’égalité:
Jean Piaget était certainement un brave homme fort compétent dans son domaine, pour autant je conçois mal qu’on puisse contester quelque chose d’aussi trivial que l’inégale répartition des talents entre les individus.
Si je comprends bien, selon lui, n’importe qui pourrait à la faveur d’un contexte social favorable, égaler le « génie » d’un Beethoven ou d’un Vinci… C’est à dire, même éventuellement une personne souffrant de troubles psycho-moteurs? Désolé si je parais obtus et un tantinet cruel sur ce point, mais je ne parviens honnêtement pas à me l’imaginer.
Notez à ma décharge que l’éducation nationale française participe pour beaucoup à mettre en évidence l’idée inégalitaire en évaluant régulièrement les acquis de ses élèves et en établissant des classements dès leur plus jeune âge, et que ma pensée a certainement été victime de ce mode de formation, dans une certaine mesure.
Sur la pénibilité:
La technique pour toute réponse à la pénibilité du travail, voilà qui me paraît largement insuffisant. Je vous épargne (ainsi qu’à moi) la longue liste de travaux qui ne peuvent se résoudre par ce genre d’artifice et qui requièrent inconditionnellement leur dose « d’huile de coude ». La résolution de ce type de problèmes ne se solde bien entendu pas toujours par un constat d’infaisabilité pur et simple, mais éventuellement par un différentiel bénéfice – coût jugé trop défavorable (ce que vous avez intuitivement vu en évoquant l’endettement attaché à l’achat d’un tracteur). Toujours est-il que nombre d’entreprises (notamment artisanales) ne peuvent évidemment pas se permettre d’avoir le budget de la NASA juste pour résoudre des questions de confort, si néfaste leurs problèmes soient-ils.
J’apprécie toutefois que vous admettiez mon point de vue par cette suggestion – même à demi-mot : La pénibilité du travail (ou plus précisément de certains travaux) est un donné, et le mode d’organisation est l’outil permettant d’y remédier – ou au contraire de l’amplifier. Je ne souhaitais justement pas dire autre chose.
P.S. Une idée sur laquelle nous nous retrouverons peut-être: Il est grandement nécessaire de revoir la valeur du mythe stakhanoviste, mythe qui s’est (étrangement?) bien acclimaté à l’économie de marché malgré ses origines soviétiques: Sa photo encadrée, bien en vue sur le comptoir de la sandwicherie américaine, on se sentirait presque l’âme d’un petit -ou d’un futur – Stakhanov… (même si les ventes de charbon demeurent assez marginales au McDo, je vous le concède 🙂 ).
Le fait que le culte de la performance se retrouve aussi bien aux heures les plus démentes de l’URSS que dans le fonctionnement des entreprises les plus emblématiques du monde capitaliste actuel devrait éveiller quelques soupçons, ou du moins quelques solides interrogations, non?
@ Dissonance 31 mai 2010 à 06:21
Extrait de « Retour d’URSS d’André Gide 1936
[…] « Je reviens au peuple de Moscou. Ce qui frappe d’abord c’est son extraordinaire indolence. Paresse serait sans doute trop dire… Mais le «stakhanovisme» a été merveilleusement inventé pour secouer le nonchaloir (on avait le knout autrefois). Le stakhanovisme serait inutile dans un pays où tous les ouvriers travaillent. Mais là-bas, dès qu’on les abandonne à eux-mêmes, les gens, pour la plupart, se relâchent. Et c’est merveille que malgré cela tout se fasse. Au prix de quel effort des dirigeants, c’est ce que l’on ne saurait trop dire. Pour bien se rendre compte de l’énormité de cet effort, il faut avoir pu d’abord apprécier le peu de «rendement» naturel du peuple russe. Dans une des usines que nous visitons, qui fonctionne à merveille (je n’y entends rien; j’admire de confiance les machines; mais m’extasie sans arrière-pensée devant le réfectoire, le club des ouvriers, leurs logements, tout ce que l’on a fait pour leur bien-être, leur instruction, leur plaisir), on me présente un stakhanoviste, dont j’avais vu le portrait énorme affiché sur un mur. Il est parvenu, me dit-on, à faire en cinq heures le travail de huit jours (à moins que ce ne soit en huit heures, le travail de cinq jours; je ne sais plus). Je me hasarde à demander si cela ne revient pas à dire que, d’abord, il mettait huit jours à faire le travail de cinq heures? Mais ma question est assez mal prise et l’on préfère ne pas y répondre. Je me suis laissé raconter qu’une équipe de mineurs français, voyageant en U.R.S.S. et visitant une mine, a demandé, par camaraderie, à relayer une équipe de mineurs soviétiques et qu’aussitôt, sans autrement se fouler, sans s’en douter, ils ont fait du stakhanovisme. […]
Vous lisez… ce n’est pas ce que vous décrivez.
Je n’ignore pas que certains rêvent de promouvoir l’inégalité de naissance, sur des bases qui ne sont pas de Droit mais biologiques et le droit suivrait comme d’habitude…, ça s’est déjà fait : les Untermensch, les sous-hommes. Renseignez-vous. C’est pénible que ça ne cesse de revenir.
@pvin
Vous êtes loin du compte, très loin du compte. L’approche que vous m’attribuez est en fait à l’exact opposé de l’idée que je soutiens (je ne m’attarde pas sur le point Godwin que vous frôlez de très près, ça n’en vaut pas la peine).
Je n’ai en l’occurrence aucun désir de « promouvoir » l’inégalité de naissance, je la constate car elle est un fait. Les Lumières aussi l’avaient constaté, c’est d’ailleurs bien pour cela qu’ils avaient décrété l’égalité de droits. Si l’égalité de naissance avait pu exister, décréter l’égalité de droits aurait sans doute été inutile.
Pour le dire plus simplement: Prétendre que deux individus sont identiques alors que l’un est petit et l’autre grand est simplement dénué de sens. En revanche, dire qu’ils disposent de droits identiques indépendamment de leurs tailles respectives est fondamentalement juste. Néanmoins, l’un aura plus de facilités que l’autre dans certaines activités, et ce bien que leurs droits soient les mêmes.
Quant au texte que vous citez, je ne vois pas ce qu’il est sensé démontrer… Gide met en évidence que le stakhanovisme soviétique repose sur des données biaisées, et alors?
Le postulat stakhanoviste demeure néanmoins valable pour la période actuelle: Nos managers considèrent que leurs employés n’en font pas assez et veulent qu’ils en fassent plus. La méthode reste également identique: La mise en avant de certains individus pour stimuler la productivité de l’ensemble.
Si vous voulez me faire dire que les rendements exigés en URSS à l’époque n’étaient absolument pas du même ordre que ceux exigés aujourd’hui dans les entreprises capitalistes je vous le concède bien volontiers, mais je ne vois pas en quoi cela influe sur le principe décrit sinon pour dire qu’il est bien plus néfaste aujourd’hui qu’il ne l’était à l’époque, ce qui va en fait très exactement dans le sens de mon propos.
@ Jean Luc Morlie
Dire qu’il y a une distribution inégale des talents n’est pas dire que les gens ne sont pas égaux. C’est juste dire qu’ils sont différents.
(égaux sur quelle dimension d’ailleurs? les ressources? le bien être? les capabilités comme dirait amartya sen? les « »biens premiers » comme dirait Rawls? etc… parler « d’égalité » purement et simplement c’est bon pour le café du commerce. Il faut préciser. Et c’est à ce moment là que les débats commencent)
Ou alors « inégaux » en terme d’aptitude à réaliser telle ou telle tâche. Les gouts, l’attirance pour tel ou tel métier, ne s’égalisent pas non plus, sauf dans les sociétés totalitaires.
Ne serait ce que les traits de caractère/tempérament jouent un rôle décisif. Tout le monde n’est pas capable de gagner sa vie au poker. Tout le monde n’a pas les capacités mentales qui font le « bon chirurgien ». Tout le monde n’a pas la patience ou les capacité d’empathie que requière telle ou telle activité de « soin ». Bien sûr vous pouvez les apprécier quand même, et vous pouvez également les pratiquer en y étant forcé par la nécessite, mais ça vous coutera « plus » ou « très cher » (au poker).
Tout n’est pas qu’une question de dispositions intellectuelles ou physiques.
Les émotions, les vertus jouent un rôle cardinal dans toute activité humaine. Et ca ca n’est absolument pas égalisable: j’ai lu je ne sais où que le « tempérament » par exemple (à ne pas confondre avec des notions proches) est « fixé » plusieurs semaines avant la naissance et qu’il ne bougera pas (du genre x ou y a tendance à se montrer « mou », et aucune « thérapie comportementale » n’y peut strictement rien changer… puisque c’est fixé en profondeur dans les sphères « inférieures » du cerveau).
Non, tout n’est pas « social » (notre nouveau tyran). Paul en parlerait sans doute mieux que moi mais il fut une période, celle de Piaget justement, où utiliser le mot « nature » était un « gros mot » dans les départements de sciences humaines. C’était du n’importe quoi. La réalité ne plait pas, alors on décrète qu’elle n’est pas comme ça, et on ne fait plus de la recherche mais de « l’instruction à charge » (heureusement entre temps l’éthologie humaine, non sans quelques abus, est revenue remettre tout ce petit monde dans le vrai bain de la réalité).
Du reste c’est très bien comme ça (si on écarte le rêve absurde dans lequel nous sommes tous Mozart et Einstein et Bill Gates et Golden Boy et parés de toutes les vertus)!
C’est justement cette diversité des talents (liée à qui accompagne la diversification des activités qui peuvent se développer au sein d’une communauté humaine, et c’est elle qui constitue la condition de possibilité de toute coopération sociale. Mais aussi… imagine t-on un orchestre composé seulement de violons? Imagine t-on que l’on choisisse ou qu’on tire au sort les violonistes le moins doué pour faire partie de l’orchestre, toutes choses égales par ailleurs?
Le problème de l’égalité concerne les chances égales de cultiver développer ses talents (et ceci requière une organisation sociale complexe), ainsi que la distribution des fruits de la coopération sociale (c’est là qu’intervient la question de la justice).
Or chacun de nous obtient infiniment plus par le biais de la coopération sociale que par ses propres moyens (imaginez que nous devions chacun construire notre maison!). C’est là « l’effet de levier » et la source des devoirs et des obligations que nous avons les uns à l’endroit des autres (et ca ne se réduit pas comme le pensent les libéraux à « payer » pour tel ou tel service, quand bien même la monnaie aurait été instituée pour remplir ce rôle de « mesure »).
Bien sûr il y a des chances pour que telle ou telle communauté produise des individus dotés de telles ou telles caractéristiques particulières en plus grand nombre, en raison de son mode de vie et du fait qu’elle encourage ou promeut les qualités qui permettent de mieux réaliser des activités jugées plus importantes (pour des raisons qui peuvent être « vitales » ou « religieuses » ou je ne sais quoi… il suffit de regarder les performances sportives des jamaïcains au sprint: la génétique y est peut-être pour quelque chose mais c’est surtout l’organisation sociale qui place le sprint au coeur de l’éducation des jeunes et de toutes les manifestations sportives qui joue un rôle crucial ).
Mais ceci concerne le type d’activité proposé et non pas la distribution initiale des talents. Il y a des gens plus talentueux que d’autres, dans tous les domaines. C’est un FAIT. Tout le monde n’est pas U. Bolt! Et de même il y a des activités plus pénibles/risquées que d’autres.
J’ajoute une dernière chose (sans rapport):
Malheureusement, l’idée selon laquelle la productivité des travailleurs est meilleure quand on améliore leurs conditions de travail est fausse (faudra que je remette la mains sur ces études en théorie des organisations). Même si j aurais aimé qu’elle fusse vraie… en fait les performances s’améliorent un temps puis reviennent à leur niveau de base.
La seule variable énormément significative en terme de productivité c’est le degré de cohésion sociale, d’unité, à l’intérieur du groupe de travailleurs dont les taches sont coordonnées.
Ca n a pas de rapport, mais c’est intéressant de le savoir.
@ le clown gris
j’allais justement vous écrire, mais en beaucoup moins bien, si si: ce que vous m’écrivez.
Votre dernière remarque me semble très importante.
Passé un seuil , la pragmatique des échanges sur un fil de blog est éprouvante.
A+
JLM
@ Dissonance
Votre premier §
a/Je me contrefous du point G
b/ Vous pouvez autant qu’il vous plaira contester la façon d’un autre d’entendre ce qu’il entend de ce que vous dites, pourtant ça ne vous appartient plus ; de plus vous êtes alors de ceux qui savent de ce qu’ils disent en faisant l’impasse sur la découverte de l’inconscient et l’invention de la méthode qui permet de s’entendre.
Second § :
Le constat des différences à la naissance n’ont pas attendues les Lumières. Mais comme de tout signe, sa lecture dépend du système disons symbolique pour faire court qui en fabrique une lecture dominante. La lecture de ces différences en termes « égalitaire/inégalitaire » avec leur poids sémantique est relative au contexte où elle advient.
Quatrième §
Gide met en évidence que les 2 derniers § de votre message du 31/05 06.21 montrent votre aveuglement. La version d’origine toujours en cours parle d’un concours spontané entre mineurs ensuite récupérée à fin d’émulation socialiste. Rien à voir avec Taylor, la division du travail, les cadences imposées, les primes à la performance ou les heures supplémentaires et Mac Do. L’ouvrier se sentait maître de son destin et son pays.
Ensuite, puisque je parle de maître et que vous parlez d’esclave, votre renvoi non critique à un site de calculs loufoques a raté la question d’évidence : et qui fournit les calories aux 100 esclaves par français ? Descartes s’est intéressé au corps machine…autrement.
Bien qu’il existe une pénibilité du travail à vous répondre, je vous fais pour une fois généreusement ce cadeau. (C’est juste parce que c’est un blog et qu’il y a d’autres lecteurs qui possiblement modifieront leur lecture).
Le point de départ de vos interventions est la phrase inaugurale :
Vous imaginez 29 mai 2010 à 16:08
qu’à cultiver votre potager aucune autorité capitaliste ne vous y contraint et que c’est un loisir. Il y a de fines formes de suggestions bien plus contraignantes qu’un rapport de forces, mais si vous parlez « loisir », vous êtes déjà dans les effets d’un système contextuel de l’organisation des « loisirs » cf. le coût des semences des oignons de votre père.
Vous imaginez 31 mai 2010 à 17:12
que la « pénibilité existe en dehors de tout contexte social » mais tout contexte social produit un lexique, une aire sémantique, dont tout effort de traduction entre langues produira une perte silencieuse en le désarrimant de toutes les chaînes langagières comme sociales auxquelles il est attaché. C’est illusoire de croire que ce simple terme de « pénibilité » réponde des mêmes affects en tous lieux et tous temps. J’insiste.
Vous imaginez 31 mai 2010 à 19:52
résoudre l’idée de pénibilité autrement qu’en le déplaçant sur le progrès technique. Mais ce progrès là, vous ne sauriez l’empêcher, personne ne le commande.
Vous congratulez Clown gris 30 mai 2010 à 02:36
pour avoir vu si loin dans votre propre façon de penser.
Qu’a t-il écrit ?
« Les hommes ne naissent pas égaux. C’est un fait, et certains devront travailler plus dur que d’autres pour parvenir au même résultat, parce que les talents sont inégalement répartis… » […] Et quelle solution ont-ils trouvé à la pénibilité du travail? Il n’y en a qu’une, qui consisterait à prendre le mal « à la racine »: une certaine forme d’eugénisme libéral: l’extension de la sphère du marché au domaine de la manipulation du patrimoine génétique des générations futures. L’égalitarisme a ses limites. »
Vous contestez 30 mai 2010 à 00:52
que le travail est une caractéristique humaine sans doute en imaginant que les sociétés de fourmis travaillent puisque qu’elles ont des ouvrières.
Vous poursuivez dans une lecture biologique de l’arrêt du travail : « une certaine satisfaction de nature bêtement chimique et tout à fait relative, induite par le cerveau ». A quand le gène de la pénibilité du travail ?
Enfin vous trouvez « illusoire de chercher à considérer le travail autrement que comme une douleur nécessaire » mais vous ne dites rien sur sa nature chimique, comme pour la satisfaction ?
Le corps machine, c’est pas nouveau, mais la réduction de celui-ci au tableau de Mendeleïev, bigre.
30 mai 2010 à 15:18
encore la pénibilité pré-existante au contexte social. Comment mesurer vous ça, la pénibilité ? Le savoir médical évaluatif ? le témoignage ? les deux ? Et surtout en dehors du contexte social !
30 mai 2010 à 22:22 « Homo Habilis travaillait déjà en son temps ».Un écolier se ferait corriger en parlant d’un homme préhistorique partant au travail même avec un outil.
Ensuite vous parlez de :
« mettre en lumière l’inégalité de fait entre individus (biologique), puisque tout le monde n’a pas l’habileté d’un menuisier, l’intellect d’un doctorant, la condition physique d’un maraicher »
31 mai 2010 à 06:21
Vous vous répétez trivialement sur « l’inégale répartition des talents entre les individus, .puis sur la faveur d’un contexte social favorable où n’importe qui pourrait égaler le « génie » d’un Beethoven ou d’un Vinci ».
Puis dans un glissement où vous évoquez les évaluations scolaires des acquis, vous suggérez que celles-ci mettent en évidence l’idée inégalitaire (de « l’inné-galitaire » donc du paragraphe qui précède).
Je maintiens donc que votre discours promeut les critères d’inégalité de naissance, (biologique) comme vous précisez donc et entre parenthèses ce « biologique », pour « expliquer » ce que vous appelez « habilité d’un menuisier » ou « intellect d’un doctorant ».
Je maintiens mon opposition à ce type de promotion, lisible par votre insistance à dénommer les différences à la naissance sous le terme « d’inégalité ».
Enfin je remarque que vous utilisez deux fois l’appel à votre « honnêteté » dans vos messages.
C’est remarquable.
@pvin
Restons-en là. A l’évidence cet échange ne mènera à rien.
J’ habite une commune riche: elle possède sept sources, un canal EDF et son usine de production, une immense forêt exploitée, de magnifiques jardins irrigués par un réseau de canaux. Le village voisin n’ a rien de tout cela. Dans le temps, la vie était bien différente dans les deux villages, la quantité de travail nécessaire pour se nourrir aussi. Cette injustice à sept kilomètres, visible sur les constructions humaines est plus ou moins rééquilibrée par l’ état.
Je dis souvent que travailler, c’ est faire du sport!
Mais là ou je « travaille », une multinationale, c’ est le stress dont les gens se plaignent, les trente cinq heures de présence avec la pression de chefs pressurés, engendrant des phénomènes carriéristes. Chacun protégeant son jardin. Drôle de travail où les pièces du puzzle n’ ont pas d’ autre choix que l’ absentéisme qui atteint les dix pour cent!
Merci pour ce Blog.
Le sens populaire des mots change avec le temps, c’est-à-dire avec les conditions extérieures. Par conséquent l’étymologie d’un mot n’a souvent plus grand chose à voir avec sa définition actuelle. Définir un mot comme =x parce que ce mot signifiait x à l’origine n’est qu’un argument sophistique, qu’Heidegger et ses épigones, par exemple, utilisaient fréquemment pour « prouver » tout et n’importe quoi (au besoin en se servant d’étymologies fantaisistes, d’ailleurs). Quand donc quelqu’un tente de démontrer que tel mot a tel sens parce qu’il a tel sens à l’origine, prudence… A l’extrême, cela peut conduire à faire croire que certains sens (des sentiments, des sensations…) ne sont même pas légitimes ! (ici : « Mon brave, il n’y a pas lieu de se plaindre que le travail soit pénible, puisque travail vient de tripalium ! »)
Vous avez tout à fait raison.
Colin Renfrew, dans « archéologie et langage » proposait d’abandonner la représentation de l’origine des Indo-européens par le traçage de belles flèches sur une carte. De même, réduire le buissonnement du langage en reconstruisant une arborescence inverse crée une impression de logique, et passe côté l’essentiel du langage : le fait que la conscience soit un épiphénomène émergeant après coup de la dynamique d’affect sous-jacente.
Paul Jorion a abordé cette problématique de façon très intéressante dans Intelligence artificielle et mentalité primitive. Actualité de quelques concepts Lévy-bruhliens. Le texte est sur son site.
« Il serait bon d’imaginer une nouvelle science linguistique, elle étudierait non plus l’origine des mots, ou l’étymologie, ni même leur diffusion, ou lexicologie, mais le progrès de leur solidification, leur épaississement le long du discours historique ; cette science serait sans doute subversive, manifestant bine plus que l’origine de la vérité, sa nature rhétorique, langagière » Roland Barthes, cité pa
Dans Wikipedia ….WittgensteinLa définition d’un mot au moyen d’autres mots mène à une régression à l’infini (pour comprendre le mot expliqué il faut comprendre les mots qui servent à l’expliquer, et pour comprendre ceux-ci il faut comprendre les mots qui servent à les expliquer, et ainsi de suite).
Wittgenstein propose alors d’identifier la signification d’un mot à son USAGE.Ceci signifie que nous n’apprenons pas le sens des mots que nous utilisons en apprenant des concepts mais dans la pratique du langage. Wittgenstein parle souvent de dressage (Abrichtung).
En effet travail peut prendre des sens complètement différents selon le contexte comme le dit très justement Xavier. Le travail de l’ouvrier moderne qui trouve tout devant lui déjà pensé et n’a plus qu’à exécuter n’a rien à voir avec celui de son patron qui a pensé et s’est réservé lla division de ce même travail et le plaisir qui l’accompagne. Plaisir si total qu’il est la principale tâche de l’économie de cacher sous des aspects utilitaristes. Les hommes se grouperaient soit disant parce qu’ensemble ils produiraient un gateau est plus gros alors qu’ils se groupent simplement pour le plaisir de se grouper. La nourriture et les besoins n’étant que des prétextes.
@ kabouli
la citation de Barthes, reprise du texte de Paul, ajoute l’histoire des tours et détours des usages successifs. J’ai simplement voulu attiré l’attention sur le rôle d’une l’étymologie écran.
A+
Et bientôt, même malade il faudra continuer à travailler !
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/05/29/04016-20100529ARTFIG00350-sante-600-millions-d-euros-d-economies-d-ici-2010.php
Pöur comprendre un mot , il faut comprendre la langue .
Poor comprendre la langue , il faut comprendre la culture.
Pur comprendre la culture , il faut comprendre la vie .
Père comprendre la vie, il faut naitre .
Pir comprendre la naissance , il faut comprendre l’endroit .
Po comprendre l’endroit , il faut le parler à l’envers .
« Le Ciel , Donner, et Dieu , dans la langue tzigane , c’est le même mot » dit
Alexandre Romanès.
PS : « le travail, enfermer, et désespoir » dans la langue des cancres , c’est le même mot .
Mais , si sur terre, il a existé une civilisation où les racines du mot travail sont à chercher dans celles
des mots jeux , bonheur , autonomie, évolution … alors oui, je veus bien m’y intéresser et détourner mon regard du vol des mouches .
N’était-on pas condamné aux travaux forcés couplée à la dégradation civique?
Ne dit-on pas travailler comme un força?
La liberté informatique des un ne passe-t-elle pas par le camps de travail chinois des autres?
Est-il péjoratif, ou pas, de travailler de la cafetière?
Et dire que des ouvriers font des centaines d’heures d’usines pour pouvoir faire des milliers de kilomètres en voiture pour aller courir des marathons.
Trouver dans ma bibliothèque ce matin, la revue « Esprit » – Août-Septembre 1995 – numéro consacré à l’avenir du travail:
p. 72 – Le temps dominant, qui fut le temps sacré dans les sociétés primitives, le temps religieux au Moyen Age et le temps de travail depuis le début de l’ère industrielle pourrait bien être dorénavant le temps libre (1). Toutefois, il ne s’agit pas forcément d’une bonne nouvelle, du moins à court terme, car, en perdant son importance « quantitative », le travail perd en même temps sa fonction d’intégration sociale et se crée par là même, au coeur des sociétés industrielles, un « vide cybernétique » que rien, pour le moment, ne semble devoir combler. ( ds « Révolution informationnelle et mutation du travail »par Jean-Paul Maréchal citant (1) R. Sue, « Temps et ordre… » 1994 p 124)
p. 85 – Sans doute devons-nous aujourd’hui rendre leur sens aux mots et ne plus confondre la culture, c’est-à-dire la mise en valeur des capacités humaines, qui s’accompagne elle aussi le plus souvent de souffrance, de création, de joie, avec le seul travail, comme si la lecture, l’apprentissage, l’éducation, l’art, l’amitié, la cuisine…, devaient tous être subsumés sous le concept unique de travail! Croire que tout cela est du travail, confondre ces activités et ces façons diversifiées d’être humain avec l’exercice d’une activité rémunérée qui récompense la contribution apportée par chacun à la production nationale, c’est confondre l’action et la production – or, comme le soulignait déjà Aristote, la vie est action, non production. Pour le dire encore plus clairement, car c’est bien là le centre de ma démonstration, ce qui s’est passé au cours des deux derniers siècles, ce n’est pas la réduction d’un pseudo-concept de travail au travail salarié, c’est au contraire la réduction de l’ensemble des activités multiples et diversifiées au seul travail; c’est l’invention du concept de travail. ( ds « La fin de la valeur « travail »? » par Dominique Méda)
@ Jean-Luce Morlie,
Je lis votre texte plein d’informations utiles.
Vous nous proposez une lecture commentée du mot « travail », en nous montrant que, au delà de toute dissection linguistique des mots, il existe une lecture inconsciente.
Cette lecture inconsciente est le miel des poètes.
Je pense alors à une phrase de Mallarmé que mon professeur de français de lycée nous avait fait écrire. Une phrase issue de la préface au « Traité du verbe » de René Ghil (intitulé en langage Mallarmé: « Avant-Dire au Traité du verbe »):
Voici la phrase, je l’ai retrouvé:
« Je dis fleur! et hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets. »
De la même manière, lorsque nous disons travail, hors de l’oubli où nos voix relèguent l’expérience du travail, en tant que quelque chose d’autre que le mot du dictionnaire, se lève, idée même, l’absent de tout code du travail.
C’est ce que vous avez montré.
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Voilà l’emploi étonnant que fait un autre poète de ce mot travail:
LA PORTE
La porte de l’hôtel sourit terriblement
Qu’est-ce que cela peut me faire ô ma maman
D’être cet employé pour qui seul rien n’existe
Pi-mus* couples allant dans la profonde eau triste
Anges frais débarqués à Marseille hier matin
J’entends mourir et remourir un chant lointain
Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille
Enfant je t’ai donné ce que j’avais travaille
(Guillaume Apollinaire, « Alcools »)
* dans un cahier de jeunesse, Apollinaire à écrit: « Les poissons pi-mu (aux yeux accouplés) n’ont qu’un oeil. Les poissons pi-i (aux ailes accouplées) n’ont qu’une aile. Ils vont par couple (Poème chinois) ».
Il y a une chanson très drôle de Jean Ferrat ( j’ai oublié le titre ) sur le droit à la paresse .
Il s’agit de « état d’âme » , facile à trouver sur you tube .