C’est à l’initiative de Pervenche Berès qu’il m’a été donné l’occasion, à deux reprises (1), de m’adresser aux parlementaires européens. Elle me communique une PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN, que je me fais un plaisir de vous faire connaître.
PARLEMENT EUROPÉEN | 2009 – 2014 | |
{CRIS}Commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale
2009/2182(INI)
{06/05/2010}6.5.2010
PROJET DE RAPPORT
sur la crise financière, économique et sociale: recommandations concernant les mesures et initiatives à prendre (rapport à mi-parcours)
(2009/2182(INI))
{CRIS}Commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale
Rapporteure: Pervenche Berès
PR_INI
SOMMAIRE
Page
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN…………………………… 3
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur la crise financière, économique et sociale: recommandations concernant les mesures et initiatives à prendre
(rapport à mi-parcours)
(2009/2182(INI))
Le Parlement européen,
– vu sa décision du 7 octobre 2009 sur la constitution, les attributions, la composition numérique et la durée du mandat de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale, adoptée conformément à l’article 184 de son règlement,
– vu les conclusions des auditions publiques, des discussions sur les documents de travail et des échanges de vues avec des personnalités de haut rang, ainsi que des missions de la délégation de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale du Parlement,
– vu le traité de Lisbonne, qui modifie le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne,
– vu les déclarations des sommets du G20,
– vu les rapports du FMI, de la Banque mondiale, de la Banque des règlements internationaux, de l’OCDE et du BIT,
– vu les recommandations du groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière présidé par M. Jacques de Larosière,
– vu les conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles des 8 et 9 mars 2007 et des Conseils européens suivants,
– vu les déclarations des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne des 11 février 2010 et 25 mars 2010,
– vu sa résolution du 18 novembre 2008 sur l’UEM@10: Bilan de la première décennie de l’Union économique et monétaire (UEM) et défis à venir[1],
– vu sa résolution du 11 mars 2009 sur un plan européen de relance économique[2],
– vu sa résolution du 17 décembre 2009 sur la proposition modifiée de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière en ce qui concerne le cadre financier pluriannuel: financement de projets dans le domaine de l’énergie s’inscrivant dans le cadre du plan européen pour la relance économique[3],
– vu sa résolution législative du 25 février 2010 sur la proposition de règlement du Conseil concernant la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans la Communauté européenne, et abrogeant le règlement (CE) nº 736/96[4],
– vu sa résolution du 10 mars 2010 sur la taxation des transactions financières[5],
– vu sa résolution du 25 mars 2010 sur la déclaration annuelle 2009 sur la zone euro et les finances publiques[6],
– vu sa résolution du 25 mars 2010 sur le rapport annuel 2008 de la Banque centrale européenne[7],
– vu sa résolution législative du 10 février 2010 sur la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal[8],
– vu l’article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale (A7‑0000/2010),
- considérant la crise financière, économique et sociale, survenue en 2008 et dont le monde, et en particulier l’Europe, ne sont pas sortis, comme une crise profonde du système économique actuel,
- considérant que cette crise est un signal d’alerte grave quant à la fragilité et la vulnérabilité de ce système; que rien ne permet d’affirmer que des crises plus graves encore ne pourraient pas survenir à l’avenir en l’absence d’une réforme profonde du système,
- considérant la crise avant tout comme une catastrophe pour les femmes et les hommes de la planète qui frappe, en particulier, les populations les plus vulnérables,
- considérant que la crise a clairement mis en lumière toutes les limites et tous les défauts du système actuel, caractérisé par une régulation insuffisante, voire inexistante dans certains domaines, une recherche excessive et immorale de profits par un secteur financier surdimensionné et à l’influence profondément déstabilisatrice, en parfaite contradiction avec sa fonction originale, une croissance des inégalités par une distribution des revenus de moins en moins favorable aux classes moyennes et à faible revenu, et l’absence de gouvernance mondiale et européenne à la hauteur des défis posés,
- considérant la responsabilité historique qui incombe à la classe politique actuelle, et en particulier à ses dirigeants, de saisir pleinement les enjeux révélés par la crise et d’en tirer toutes les conclusions nécessaires pour un projet de réformes véritablement visionnaire,
- considérant que, révélée le 9 août 2007 par l’injection de 94,8 milliards d’euros de liquidités par la Banque centrale européenne à la suite de la suspension de la cotation de SICAV, la crise s’est transformée en une crise de solvabilité avec la chute de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, provoquant une crise systémique et, en décembre 2009, une crise dans la zone euro, avec la révélation que la Grèce était au bord de la cessation de paiement,
- considérant qu’en septembre 2007, certains qualifiaient la situation de « forte correction des marchés »,
- considérant qu’au printemps 2008, alors que le FMI publiait des prévisions inquiétantes pour les perspectives de croissance dans l’Union européenne et qu’en Allemagne, au premier trimestre 2008, la vente d’automobiles chutait pour la première fois depuis longtemps, les responsables européens ont continué à tenir un discours visant à entretenir la confiance des ménages fondée sur ce qu’ils estimaient être la qualité des fondamentaux de l’économie européenne, alors que l’Union connaissait une croissance en deçà de son potentiel du fait d’une pression sur les salaires et d’une faiblesse de la demande intérieure,
- considérant qu’en juillet 2008, la BCE a porté son taux directeur à 4,25%,
- considérant que, jusqu’en août 2008, la crise a emprunté deux canaux de transmission financière et économique qui ont frappé très inégalement les différentes parties du monde et les États de l’Union européenne, en fonction du degré de complexité de leur marché financier,
- considérant que, jusqu’en août 2008, les banquiers centraux ont gardé la maîtrise de la mise sous perfusion des marchés financiers sans alerter suffisamment les autorités publiques sur l’existence de produits toxiques sur les marchés qui risquaient de transformer la nature de la crise et que la seule injection de liquidités ne permettait pas de résorber,
- considérant qu’entre août 2007 et septembre 2008, les gouvernements ont laissé les banques centrales agir seules, y compris au motif de ne pas fragiliser la confiance des ménages, jusqu’à ce que la crise devienne systémique,
- considérant qu’avant cette crise, le capitalisme moderne a connu des alertes mal interprétées ou sous-évaluées avec, à la fin de l’année 1997, la crise des pays du sud-est asiatique, la crise LTCM à la fin 1998 ou l’effondrement des bourses en 2000, et l’explosion de la bulle internet, qui sera remplacée par une bulle immobilière,
I. Constat des principaux effets de la crise
- note que le sauvetage du secteur bancaire aura coûté aux États, à l’échelle mondiale, 650 milliards d’euros, le coût budgétaire direct s’élevant selon le FMI à 2,7 % du PIB des pays du G20, avec en réalité 17,6 % du PIB mobilisé;
- prend acte du fait que cette subvention des contribuables au secteur bancaire ne représente qu’une partie infime des coûts imposés à la société par la crise financière alors que les coûts de la récession et de l’augmentation de l’endettement public seront considérables et, qu’ainsi, le PIB du Royaume-Uni sera de 10 % inférieur à ce qu’il aurait été sans la crise et qu’à l’échelle mondiale, selon la Banque d’Angleterre, ce sont 60 trillions de dollars qui devraient être perdus;
- constate que le déficit public dans l’Union européenne est passé de 2,3 % du PIB en 2008 à 7,5 % en 2010, et de 2 % à 6,3 % au sein de la zone euro selon Eurostat, le ratio de la dette publique passant de 61,6 % du PIB en 2008 à 80 % en 2010 dans l’Union européenne et de 69,4 % à 78,7 % dans la zone euro, balayant en deux ans près de deux décennies d’efforts de consolidation budgétaire;
- constate que, dans le même temps, la croissance devrait être de 0,7 % en 2010 et que le chômage devrait passer de 7,1 % dans l’Union en 2007 à 9,1 % en 2009, avec une prévision à 10,3 % fin 2010, soit près de 25 millions de personnes, dont près de 8 millions auront perdu leur emploi à cause de la crise;
- constate que les attaques dont la Grèce a fait l’objet et sa difficulté à financer sa dette sur les marchés traduisent un dysfonctionnement de la zone euro et constituent un enjeu pour la zone euro dans son ensemble, y compris dans sa capacité à dépasser la récession;
- constate qu’avant même le grand krach, l’Union européenne connaissait une croissance faible du fait d’une demande intérieure en dessous de son potentiel alors qu’elle devait déjà relever le défi d’une population vieillissante, et qu’aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, la croissance et l’inflation sont faibles, tandis que le chômage et l’endettement public sont élevés;
- note que l’Union européenne connaît plus de difficultés à sortir de la crise que d’autres régions du monde, en grande partie en raison de réponses politiques inadaptées, trop modestes et tardives à la crise et de la faiblesse structurelle de sa capacité de gouvernance, et qu’en conséquence la crise risque d’affaiblir fortement et durablement sa position économique, et donc politique, au plan mondial;
- estime que la crise n’a pas encore produit tous ses effets et qu’une rechute, une situation en W, ne peut pas être exclue, notamment au regard du niveau atteint par le chômage;
- rappelle que l’expérience nous enseigne que les ajustements de l’économie européenne sont en général plus lents qu’aux États-Unis, et qu’en conséquence les signes conjoncturels de reprise de l’activité doivent être analysés avec précaution;
- constate qu’un retour rapide aux politiques d’équilibre des finances publiques risque de se traduire par un démantèlement des systèmes de protection sociale et de service public, alors même que leur rôle de stabilisateurs automatiques et d’amortisseurs de la crise a été unanimement salué, ainsi que par une croissance atone sur une période longue, accompagnée d’un chômage persistant et, dès lors, d’une érosion inexorable de la compétitivité mondiale de l’Europe;
- constate que le coût du chômage pour la société est excessif dès lors qu’un chômeur contribue faiblement à la demande intérieure, paie moins d’impôts et de cotisations sociales tandis que, pendant un temps plus ou moins long, la collectivité l’indemnise;
- constate qu’il y a, sur la base des chiffres de 2007, derniers chiffres connus, qui datent donc d’avant la crise, 30 millions de travailleurs pauvres au sein de l’Union européenne, ce nombre ayant vraisemblablement augmenté depuis;
- constate que les effets sociaux de la crise sont très différents selon les États membres, puisqu’alors qu’il est en moyenne de 10 % de la population, le taux de chômage atteint 20 %, et plus de 40 % des jeunes, dans certains pays;
- constate que, comme toute crise, celle-ci aura un impact considérable sur la redistribution de la richesse, qui ne peut pas encore être évalué mais qui doit être anticipé et qui, selon le BIT, conduira à une détérioration de la distribution des revenus, avec un resserrement des salaires et avec des revenus extérieurs autres que ceux liés au travail qui, en dépit d’un déclin momentané des marchés des capitaux, en sortiront protégés ou renforcés;
- constate que l’entrée en récession a eu un impact particulièrement fort dans certains secteurs, conduisant à des restructurations;
- constate que cette crise marque les limites d’un système d’autorégulation et d’une confiance excessive dans la capacité des marchés à évaluer les risques et à entretenir l’aléa moral;
- considère que la crise conduit à un transfert massif de la dette privée vers une dette publique;
- constate que les instruments de cohésion qui devaient constituer l’outil de réponse de l’Union au besoin de convergence n’ont pas empêché l’aggravation des divergences et n’ont pas suffi à assurer le rattrapage des économies là où c’était nécessaire; considère que la crise a eu un effet multiplicateur sur les divergences de cohésion au sein de l’Union;
- observe avec inquiétude l’impact de la crise sur les pays en développement, et en particulier les plus pauvres;
II. Causes
Mutation du capitalisme
- constate que la crise déclenchée aux États-Unis par l’explosion des subprimes renvoie à trente années de bouleversement des équilibres caractérisées par le passage d’économies de marché avant tout nationales à un capitalisme de marché de plus en plus mondial, par une financiarisation excessive de l’économie, par le développement de nouvelles technologies et d’importantes innovations financières, par l’abandon du système de Bretton Woods, par la chute du mur de Berlin et par le fait que la génération qui avait connu la crise de 1929 a quitté les responsabilités;
- constate que cette mutation s’est accompagnée d’une aggravation des inégalités, de la concentration des actifs et d’une baisse importante de la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée, alors que le FMI considérait en 2007 que la part des salaires dans le PIB est passée en Europe de 73 % en 1980 à 64 % en 2005 et que, par exemple en France, entre 1998 et 2005, le salaire moyen des 0,01 % des personnes les mieux payées a augmenté de 51 %;
- considère que ces évolutions ont conduit à une crise des valeurs et de l’éthique;
- constate que s’est ainsi développé un capitalisme très spéculatif, notamment dans le domaine immobilier, qui a découragé les autres investissements à long terme, défavorisé l’industrie européenne et fragilisé la cohésion sociale de l’Union européenne et des États membres;
- constate que la théorie des vertus de la diminution des risques liée à la diversification et à la dispersion des risques, notamment grâce à la multiplication de produits complexes hors bilan (SPV, CDO, CDS, etc.) et au mécanisme de la titrisation, a conduit au développement d’un système bancaire parallèle (shadow banking system) qui a été gravement pris en défaut dans cette crise; note que cette théorie a été largement appliquée, sauf par les grands établissements d’investissement, eux-mêmes largement à l’origine de cette façon de penser le risque;
- rappelle que la part des profits de l’industrie financière dans les profits de l’économie américaine est passée en moyenne de 15 % pendant la période de 1948 à 1988 à 25 % entre 1988 et 1999 et à 30 % en 2000[9];
- réalise qu’une grande part de l’attention s’est concentrée sur la manière dont la rémunération du secteur financier et la très forte croissance des finances en pourcentage du PIB ont contribué à fragiliser l’économie mondiale; relève que ces deux facteurs soulèvent une question sous-jacente concernant l’écart énorme et persistant en termes de rentabilité qui sépare le secteur financier des autres secteurs économiques ces 40 dernières années; cite l’exemple du Royaume-Uni où le rendement des fonds propres des banques était en moyenne de l’ordre de 7 % entre 1921 et 1971 et de 20,4 % entre 1971 et 2009, alors que le rendement réel des fonds propres des entreprises est resté en général aux alentours de 6 %; indique que cette hyper-rentabilité explique en partie pourquoi la finance a commencé à occuper une place de plus en plus dominante dans l’économie – ce qui pose des problèmes en termes de stabilité et d’affectation des ressources; ajoute que cela explique également que les banques aient pu se permettre des rémunérations en décalage par rapport à celles des autres secteurs;
- constate qu’à la suite de cette évolution, « l’industrie financière » représente une part très variable du PNB des États, soit 4,5 % en moyenne au sein de l’Union européenne, mais 8 % au Royaume-Uni, 13 ou 14 % en Suisse et 20 % au Luxembourg;
- considère que la multiplication des conflits d’intérêts, des intérêts personnels (vested interests) et des cas d’acteurs « trop proches pour parler » (too close to talk) a contribué à aggraver la crise;
- constate que, face à l’émergence d’acteurs mondiaux, les autorités publiques (ministres des finances, régulateurs et superviseurs) n’ont pas résisté à la capture réglementaire, dans un système où les utilisateurs étaient sous-représentés, alors que, parallèlement, le pouvoir de négociation des salariés et de leurs représentants dans les entreprises diminuait du fait de la composition nouvelle du capital et de sa distribution;
- prend acte du fait que l’industrie financière a investi 4 milliards de dollars pour développer sa stratégie d’influence auprès du Congrès des États-Unis au cours des dix ans qui ont précédé la crise;
- constate que l’asymétrie d’information dont disposent les acteurs des marchés financiers ne favorise pas un nouvel équilibre du marché mais de nouvelles bulles;
- considère que le grand krach résulte moins d’un excès d’argent peu cher à l’échelle mondiale que d’un excès d’argent mal investi et mal distribué;
- constate que la réduction massive de l’endettement public, amorcée dès le début des années 1990, a libéré des liquidités importantes détenues sous forme d’épargne privée, fonds qui se sont ensuite retrouvés dans les banques pour être orientés en masse vers d’autres actifs; estime que ces fonds ont alimenté à grande échelle des formes de placement plus risquées et en partie spéculatives, en conséquence de quoi la réduction de l’endettement public paraît avoir eu un effet déstabilisant sur l’économie;
Déséquilibres globaux et gouvernance mondiale
- constate qu’après l’effondrement du système de Bretton Woods, la monnaie d’un pays, les États-Unis, est devenue la monnaie de réserve mondiale, créant un privilège exorbitant et installant une contradiction, un déséquilibre entre les besoins d’un pays et ceux du reste du monde;
- constate que le montant de la dette brute américaine rapporté aux exportations de biens et services se situe à 5,38 milliards de dollars, soit entre la Zambie (5,3) et le Malawi (5,84) [10] dans le classement mondial;
- note que la politique monétaire américaine expansionniste, au-delà des besoins du soutien de l’activité économique, a favorisé un excès de liquidités en quête de rendement élevé et le développement d’une demande intérieure fondée sur le crédit à la consommation et donc l’endettement des ménages;
- constate que la pression sur les salaires liée au développement d’investissements à haut rendement à court terme en dehors des États-Unis, le laxisme des mécanismes de surveillance des acteurs des marchés financiers et l’hypothèse de l’accroissement du prix de l’immobilier ont conduit au développement d’un mécanisme de « subprimes » avec l’octroi de prêts immobiliers à des conditions très onéreuses à des personnes qui, au regard de leur capacité de remboursement, n’avaient pas accès aux conditions normales du marché;
- prend note de l’achat massif de bons du trésor américain par les autorités chinoises lié à une faible redistribution intérieure et au développement, dans l’ensemble des pays asiatiques, d’une épargne forte après la crise de 1997 et l’intervention radicale du FMI; constate que le transfert de capitaux d’un pays émergent vers l’une des économies les plus riches conduit à une baisse des taux d’intérêt américains, indépendamment de la politique de la FED, et à une baisse de la vigilance à l’égard des risques;
- considère que l’abondance de liquidités a favorisé la constitution d’une bulle immobilière aux États-Unis; constate que cette abondance ainsi qu’une supervision à la fois éclatée et inefficace reposant largement sur la confiance des acteurs a permis l’installation d’un système bancaire de l’ombre;
- dénonce le rôle joué par les paradis fiscaux, réglementaires ou de blanchiment au regard des sommes ainsi détournées de la redistribution et de la solidarité et dans l’hébergement de produits financiers complexes et toxiques;
- constate que la mondialisation s’est développée sans l’émergence ou l’évolution en parallèle de structures de gouvernance mondiale accompagnant l’intégration des marchés, en particulier au regard des équilibres ou des déséquilibres globaux et des marchés financiers;
- constate qu’entre les institutions nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et après il n’existe pas d’articulation assez forte pour organiser les arbitrages sur les questions de monnaie, de change et de commerce, mais aussi sociales et environnementales, ce qui a laissé les déséquilibres mondiaux se développer sans être arbitrés et sans qu’aucun mécanisme d’alerte précoce ne fonctionne;
- constate que lorsque l’Union parle aujourd’hui de commerce extérieur, c’est la Commission qui le fait au nom des 27, que lorsqu’elle parle de taux de change, c’est un trio, composé du commissaire, du président de l’Eurogroupe et du président de la BCE, qui le fait au nom des 16, qu’au FMI, l’Union occupe 7 circonscriptions sur 24, dont 5 pour les États membres de la zone euro, et que lorsqu’il s’agit d’environnement, ce sont les 27 États membres eux-mêmes qui s’expriment; affirme que cet éclatement nuit à la capacité de l’Union à peser dans les débats sur les grands équilibres macroéconomiques, en particulier avec les États-Unis et la Chine;
- considère que les structures préexistantes au déclenchement de la crise, que ce soit au niveau planétaire, aux États-Unis ou au sein de l’Union européenne, manquaient de cohérence en dissociant surveillance macro et microprudentielle;
- constate que les structures qui se sont développées l’ont davantage été comme des structures ad hoc que comme des institutions véritables; observe qu’elles relevaient soit de l’autorégulation (IASB), soit ne permettaient pas la bonne prise en compte de l’ensemble des parties intéressées et de la réciprocité (Comité de Bâle), soit ne disposaient pas de capacité de mise en œuvre (Comité de la stabilité financière (CSF)), soit n’avaient pas les outils de la continuité et les vertus d’institutions internationales (G 6 à 8);
Régulation et supervision
- constate que l’Union européenne a reconnu la libre circulation des capitaux en juillet 1990 sans harmonisation de la fiscalité de l’épargne, sans régulation ni supervision;
- rappelle que le mandat confié au groupe de sages du Baron Lamfalussy pour définir le plan d’action des services financiers (PASF) en 2000 n’incluait pas la mise en place parallèle de structures de supervision;
- rappelle qu’à partir de 2004, le commissaire au marché intérieur a plaidé pour une pause réglementaire et a, sans succès, cherché à obtenir une autorégulation des acteurs du marché, que ce soit dans l’organisation du postmarché ou dans la mise en place d’une chambre de compensation des CDS;
- déplore que, contrairement à ce que le Parlement européen a demandé de manière récurrente, aucun élément de la politique de la concurrence n’a permis d’enquêter sur les situations de concentration et d’oligopoles constituées dans les domaines des grandes banques d’investissement, de l’organisation du postmarché, des agences de notation de crédit ou des cabinets d’audit;
- constate que le développement des systèmes d’internalisation des risques bancaires, dans l’esprit des accords de Bâle 2, a nui à une approche globale de ceux-ci, et que des stress tests très insuffisants ont aggravé les choses;
- considère que l’incapacité des acteurs des bourses de la zone euro, en l’absence d’une volonté des autorités politiques d’intervenir, à construire une structure commune prive la zone euro d’une bourse et lui interdit de jouer le rôle qui devrait être le sien, dans l’Union européenne et à l’échelle mondiale, notamment dans l’organisation du marché des CDS et du postmarché;
- constate que le Parlement européen avait cherché sans succès à obtenir des informations sur le protocole d’accord de gestion de la crise du 18 mai 2005 entre les ministres des finances, les superviseurs et les banquiers centraux européens; constate que le résultat du stress test sur l’efficacité de ce protocole s’était révélé très inquiétant, sans être jamais clairement rendu public ou débattu et sans que les leçons n’en soient tirées;
- constate que les modèles mathématiques qui ont été retenus pour établir les normes comptables ont un caractère procyclique;
- constate que le Canada, où la titrisation a été limitée et où les autorités se sont opposées à la fusion des banques, paraît mieux résister sinon échapper au grand krach;
- est conscient des problèmes particuliers liés à l’importance des secteurs bancaires et d’assurances détenus par des établissements étrangers dans beaucoup de nouveaux États membres, tant du point de vue de la supervision que de la stratégie autonome suivie par ces établissements;
- déplore le comportement des banques qui, après avoir obtenu l’adoption de larges plans de soutien des pouvoirs publics, ont rapatrié leurs avoirs détenus dans d’autres États membres, conduisant la Hongrie au bord de la cessation de paiement;
- dénonce le rôle qu’ont joué les banques étrangères en Lettonie pour interdire une dévaluation du lats, obligeant ce pays à une déflation salariale draconienne qui se traduit par la persistance d’une émigration des personnes les plus jeunes et les plus qualifiées; estime que les marchés ont poussé ce pays à mettre en œuvre une politique très restrictive;
- dénonce les grandes banques d’investissement qui, après avoir été sauvées par la puissance publique, se retournent contre certains États membres ;
Union économique et monétaire (UEM)
- estime que ni les États membres ni la Commission n’ont correctement mis en œuvre le traité de Maastricht qui, dans son article 99 (article 121 du TFUE) dispose que: « les États membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun »;
- rappelle que dans le mécanisme de taux de change (MCE), préalable au passage à l’euro, les débats entre partenaires portaient essentiellement sur le fond des politiques suivies, au-delà des critères chiffrés;
- estime que le principe qui sous-tend le pacte de stabilité et de croissance, selon lequel il suffit dans l’Union économique et monétaire que « la maison de chacun soit en ordre », que chacun gère ses finances publiques, n’a pas fonctionné et n’a pas permis d’optimiser le résultat, de créer de la valeur ajoutée, démontrant que ce n’est pas parce que chacun met ses affaires en ordre que la maison est en ordre;
- constate que le passage à l’euro et le pilotage de la coordination des politiques économiques, ainsi que le démontre le bilan des dix premières années de l’euro, se sont accompagnés d’une aggravation des divergences de compétitivité entre les économies de la zone, et que le débat sur cette difficulté clairement identifiée a été obéré par la radicalité de la crise, aggravant les conséquences de celle-ci; constate qu’à l’intérieur de la zone euro se sont installés des déséquilibres commerciaux importants, l’Allemagne ayant un excédent représentant 6,5 % de son PNB en 2006, et l’Espagne un déficit de 9 %;
- considère que le pacte de stabilité et de croissance a permis de maintenir le débat et la pression sur la viabilité des finances publiques; reconnaît cependant que son caractère répressif, mal appliqué par ailleurs, n’a pas constitué un adjuvant suffisant pour optimiser la politique économique de chacun des États membres et de la zone euro dans son ensemble; considère que cet instrument de politique économique n’a pas été conçu pour gérer les périodes de crise ou de très faible croissance;
- constate que là où il était appliqué de manière satisfaisante, le pacte de stabilité n’a pas toujours empêché l’irruption d’une grave crise liée à un déficit de compétitivité, comme en Espagne;
- rappelle que les autres espaces économiques intégrés à l’échelle du monde ne disposent pas de l’équivalent du pacte de stabilité parce qu’ils disposent d’autres mécanismes d’ajustement plus efficaces et opérationnels à travers un budget central ou une fiscalité propre;
- considère que l’absence de mécanisme prédéfini de gestion de crise au motif qu’il ne faudrait pas alerter les marchés par des anticipations qui risquent de se révéler autoréalisatrices a gravement handicapé l’Union, notamment pour trouver une réponse rapide à la crise grecque, démontrant ainsi qu’il est très difficile d’inventer un cadre en même temps qu’on le met en œuvre;
Gouvernance économique et marché intérieur
- constate que la mauvaise répartition de la richesse a favorisé la spéculation et l’évasion fiscale et a affaibli la demande intérieure et donc la croissance;
- mesure combien, à l’heure de la mondialisation, les activités d’entreprises délocalisées en dehors de l’Union coûtent à la collectivité en termes de création d’emplois, de transfert de technologie, de rémunération excessive du capital et favorisent la mise en place de stratégies d’évasion fiscale;
- constate que l’Union a atteint les limites de la création d’un marché intérieur fondé sur une conception étroite de la concurrence loyale et non faussée et du seul droit des consommateurs;
- reconnaît qu’au sein de l’Union européenne, la construction du marché intérieur sans harmonisation fiscale ou définition des éléments de la protection sociale a conduit à une mise en concurrence des territoires où les États membres cherchent à attirer les plus fortunés, réduisant la solidarité à un exercice entre les classes moyennes et les plus défavorisés, alors que les revenus des plus favorisés peuvent échapper à l’impôt et contribuer à la spéculation et à la constitution de bulles;
- prend acte, en écho aux travaux menés par Mario Monti, du fait que la construction d’un marché intérieur sans attention portée à la concurrence fiscale a introduit un biais dans la fiscalité des États membres qui a favorisé la mobilité du capital en diminuant son niveau de taxation au détriment de la taxation du travail alors que, dans le même temps, les augmentations des recettes publiques, liées à une bonne conjoncture, se sont le plus souvent traduites par des diminutions d’impôt;
- estime que la méthode de coordination qui a été privilégiée notamment avec la stratégie de Lisbonne n’a pas permis d’optimiser l’action de l’Union; s’étonne dès lors qu’elle reste la colonne vertébrale de la stratégie UE 2020 telle que proposée par la Commission; considère que cette méthode conduit à une intrusion dans les politiques des États membres qui va au-delà de ce qui est coordonné dans des États fédérés, alors qu’il en résulte une efficacité assez faible et que les décisions sont difficiles parce que prises quasiment à l’unanimité;
III. Les défis
- estime indispensable que chacun apprenne de ses erreurs passées, qu’il tire les enseignements de la crise de 1929 après laquelle les nouveaux responsables ont su proposer le « new deal » ou de l’enseignement des pères fondateurs de l’Union européenne qui, après la Deuxième Guerre mondiale, ont su dépasser les rancœurs et la défiance, comme en témoigne Jacques Delors, alors que la génération actuellement au pouvoir n’a connu aucun de ces drames;
- estime que la réhabilitation de certaines valeurs est nécessaire et rappelle que les choix de société ne peuvent être livrés à l’arbitraire des marchés et des actionnaires;
- appelle à retrouver la raison d’être de l’Union qui est d’abord d’unir les peuples, avant de les surveiller et de les sanctionner;
- dénonce les risques d’un retour au nationalisme qui mine le projet européen; reste convaincu que « le nationalisme, c’est la guerre »;
- considère qu’au lendemain du grand krach, les citoyens européens aspirent à retrouver le sens politique du projet européen, que celui-ci est indissociable de la solidarité entre les territoires et les générations au sein de chaque État membre, entre eux et à l’échelle internationale;
- estime que le prolongement aux yeux des citoyens d’une impression de flottement dans la conduite à suivre mine leur confiance dans les institutions;
- mesure l’impatience des citoyens européens qui ont observé la célérité avec laquelle la puissance publique est intervenue pour sauver le système financier, alors qu’il se retourne aujourd’hui contre certains États membres et que la situation de l’emploi est inquiétante;
- considère que le principal défi pour l’Union européenne est autant de se projeter à un horizon de 10 ans que de s’attaquer aux 10 % de chômage;
- estime qu’une action volontariste forte pour l’emploi est d’autant plus nécessaire que l’Union court le risque d’une reprise sans création d’emplois, sur fond de perspectives de croissance faibles, alors qu’au cours des dix années qui ont précédé la crise, l’Union a connu des périodes de croissance relativement forte, mais faible en création d’emplois;
- enjoint l’Union d’associer son action en faveur de l’emploi à des mesures de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale afin d’éviter que la crise ne creuse encore plus les inégalités et n’aggrave la distribution des richesses;
- juge prioritaire de redonner espoir à une génération de jeunes diplômés ou sans qualification directement bloquée à l’âge d’entrer sur le marché du travail par cette crise;
- prend acte de ce que le grand krach éclaire d’un jour nouveau le défi démographique et celui du financement des retraites; considère que le financement des retraites ne peut être entièrement soumis aux aléas des marchés financiers mais qu’en revanche, ceux-ci doivent être mis à contribution pour financer la solidarité intergénérationnelle; considère que l’allongement de la durée de vie soulève des questions transversales en termes d’organisation de la société qui n’ont pas encore été anticipées;
- salue la stratégie adoptée en mars 2007 par le Conseil européen visant à accroître l’indépendance énergétique de l’Union européenne et à définir des engagements précis quant à la lutte contre le réchauffement climatique; considère que la crise n’a en rien affaibli la pertinence de cette stratégie et l’a plutôt renforcée sous réserve d’y ajouter un objectif en termes d’emploi; estime cependant que pour être couronnée de succès, cette stratégie, au-delà des éléments de réglementation du marché unique, doit se traduire par des actions directes de l’Union;
- constate qu’alors qu’en 2000, l’Union européenne, avec la stratégie de Lisbonne, entendait relever le défi de la mondialisation, elle doit aujourd’hui relever celui de la crise de la mondialisation, à tout le moins ceux de la gouvernance mondiale et de la finance mondialisée;
- estime qu’aucun élément à lui seul ne répondra au défi auquel l’Union est confrontée; juge en conséquence essentielle la cohérence des politiques mises en œuvre; estime à ce titre déterminante l’action de la puissance publique et, à l’échelle de l’Union européenne, celle de la présidence stable du Conseil et de la Commission en coopération avec le Parlement européen;
IV. Les réponses apportées jusqu’ici
Plans nationaux de soutien aux banques
- constate que la Commission n’a pas voulu ou pu formuler une proposition permettant d’assurer la définition européenne de conditions d’élaboration de plans nationaux de soutien aux banques; estime qu’elles auraient du porter sur l’accès privilégié des PME aux crédits, la distribution de dividendes et de bonus, l’activité dans les paradis fiscaux, la participation de l’État aux instances des banques aidées, les conditions de remboursement, la restructuration ou le démantèlement;
- observe qu’en l’absence d’une régulation, d’une supervision et donc d’instruments de gestion d’une crise bancaire adaptés à la réalité du développement de son marché, l’Union européenne a démontré dans les cas de Fortis et Dexia, au-delà des solutions finalement élaborées dans ces deux cas, qu’elle n’est pas équipée pour faire face à une faillite transfrontalière;
- demande à disposer au niveau de l’Union européenne et des États membres d’une vision de la dynamique de la reprise de l’activité de prêt par les banques en fonction de leur taille, du type de crédit et du profil des clients;
Plans nationaux de relance
- rappelle qu’en octobre 2008, l’Union européenne a adopté un plan de relance s’élevant à 1,6 % de son PIB, contre 5 % en Chine et 6,55 % aux États-Unis;
- constate que la proposition de la Commission, souvent jugée à juste titre modeste, d’une dimension européenne du plan de relance, s’est heurtée à l’opposition du Conseil à une révision des perspectives financières;
- demande à la Commission de dresser un bilan très précis de l’efficacité des plans nationaux de relance décidés au cours de l’automne/hiver 2008-2009 au regard des objectifs à court et à long terme de l’Union, en particulier des aspects énergie/climat;
- constate que dans certains États membres, les fonds structurels sont devenus l’effet de levier principal dans les décisions d’investissement du secteur bancaire;
- déplore la situation de déflation salariale créée en Lettonie à la suite de la décision de ne pas dévaluer la monnaie, du fait d’intérêts non lettons, qui conduit les forces vives et en particulier les jeunes diplômés à quitter le pays, fragilisant ses chances de relance grâce à l’innovation et au dynamisme de la jeunesse, le réajustement se faisant au détriment du capital humain du pays;
- met en garde contre l’idée selon laquelle, après avoir attendu, pendant les dix années qui ont précédé le grand krach, de voir sa croissance tirée par celle des États-Unis, l’Union européenne attend aujourd’hui qu’elle soit tirée par celle des pays émergents et en particulier la Chine, alors même que les échanges avec ce pays, dont le PIB est équivalent à celui de l’Allemagne, ne sont pas assez importants pour avoir l’effet de levier nécessaire; estime que l’Union européenne doit compter sur ses propres forces par l’utilisation de son marché intérieur, d’autant que l’essentiel de sa croissance est lié à sa demande intérieure;
Réforme et régulation
- prend acte du travail en cours au Parlement européen et au Conseil et des propositions en matière de régulation financière;
- considère que les travaux préparatoires menés par le groupe de travail de Jacques de Larosière donnaient à l’Union européenne les moyens d’être en phase avec le niveau de réponse que sont en droit d’attendre les citoyens européens en matière de supervision; regrette que les compromis dégagés au sein du Conseil réduisent l’ambition initiale et rendent plus difficile la négociation avec le Parlement; constate que le retard est encore plus grand dans le domaine de la régulation des marchés financiers, suscitant l’impatience et l’incompréhension des contribuables;
- prend acte du nombre de propositions au programme de l’Union pour compléter le dispositif prudentiel ou gérer une crise: augmentation des fonds propres des banques, mise en place de provisions dynamiques, meilleure prise en compte de la liquidité, définition d’un effet de levier, encadrement de la titrisation, séparation des activités des banques ou interdiction pour les banques de dépôt de procéder à des opérations pour compte propre, interdiction des ventes à découvert, réglementation des dérivés et des bonus, réglementation des dépositaires, création de fonds de garantie des dépôts et de fonds de résolution;
- constate que les appels à la transparence, notamment sur la réalité du bilan des banques et l’importance des produits toxiques qu’ils pouvaient abriter, lancés dès l’automne 2007 par le responsable d’une grande banque d’investissement ou en avril 2008, lorsque le G7 à Washington, sur proposition du Comité de stabilité financière, a donné « cent jours » aux banques pour dévoiler leur niveau d’exposition, n’avaient pas de chance d’aboutir compte tenu des risques de prophétie autoréalisatrice et de réputation ainsi encourus, dès lors qu’ils n’étaient pas assortis d’un mandat donné aux superviseurs d’aller vérifier sur pièce et sur place;
- constate qu’au cours de la précédente législature, lors de la révision de la directive sur Eurostat, le Conseil – notamment la France et l’Allemagne – s’est opposé à ce que lui soient confiés des pouvoirs de vérification sur pièce et sur place défendus par le Parlement européen;
- rappelle que dès l’augmentation de la facilité de balance des paiements en octobre 2008, le débat était engagé au Parlement européen pour inviter la Commission à anticiper le risque d’un besoin de soutien à un État membre de la zone euro et à mettre en place un Fonds monétaire européen;
- constate que l’Union, dans le cadre de la facilité de balance des paiements (article 143 du TFUE), a mis à la disposition de la Hongrie un prêt à 3,4 %, à 3,2 % pour la Lettonie et à 3,1 % pour la Roumanie, tandis que les États membres octroient des prêts à la Grèce sur une base bilatérale à un taux de 5 %;
- considère que si certains veulent interpréter l’article 125 du TFUE comme un article de « no bail out« , interdisant les subventions entre États, rien n’oblige, dans le traité, les États membres qui font preuve de la nécessaire solidarité au sein de la zone euro à le faire par des prêts avec intérêts;
- considère que les auteurs du traité de Maastricht n’avaient pas anticipé les divergences de compétitivité entre les États membres de la zone euro et que, en conséquence, la modification, après le passage à l’euro, de l’article 143 du TFUE, qui exclut les États membres de la zone du bénéfice d’une facilité de balance des paiements, n’intègre pas le risque de retour de l’arbitrage des marchés à travers la différenciation de la notation de la dette souveraine des États;
Gouvernance globale
- constate le progrès que constitue la transformation du G8 en G20; observe cependant qu’en restant une structure informelle de dialogue sans base juridique et sans les attributs d’une organisation internationale, permettant d’assurer la préparation des décisions, le suivi de leur mise en œuvre et une surveillance de l’application réciproque, ce forum reste une structure de gouvernance faible; considère que les mêmes observations doivent être faites à propos de la transformation du Forum de la stabilité financière (FSF) en Comité de la stabilité financière (CSF);
- constate que jusqu’ici les réunions du G20 n’ont que rarement abordé la question de la correction des déséquilibres mondiaux, alors que certaines stratégies de relance de l’économie sans amélioration des déséquilibres internes perpétuent ces déséquilibres mondiaux, qui ont joué un rôle majeur dans le déclenchement du grand krach; déplore également que la question de la monnaie de réserve, des zones monétaires régionales et de leurs interactions ne soit pas traitée;
- salue l’adoption d’une réforme du système de santé aux États-Unis ou d’un système de retraite en Chine qui contribuent à une réduction des déséquilibres mondiaux;
- constate que certains, en Chine, font aujourd’hui des propositions pour que le dollar ne soit pas l’unique monnaie de réserve mais que, dans le même temps, leur politique de change reste liée au dollar;
- dresse un bilan sévère des conditions de participation de l’Union européenne à la conférence de 2009 de Copenhague sur le climat où, parce qu’elle ne parlait pas d’une seule voix, l’Union s’est laissée déposséder d’un agenda qui était le sien, où elle avait vocation à être leader et où faute de dépasser les stratégies nationales des uns et des autres, elle a assisté impuissante au dialogue de sourds entre les gouvernements des États-Unis et de la Chine;
V. Après le grand krach: durabilité et solidarité, investissement et redistribution
- estime qu’un nouveau modèle de développement sur la base du non-retour au statu quo auquel tout le monde dit aspirer doit articuler durabilité et solidarité; propose que la future stratégie de l’Union soit durable sur les plans des marchés financiers, de la dynamique économique et sociale, du climat et de l’environnement;
- propose que l’Union européenne, consciente de l’impossible retour au statu quo antérieur parle de sa « stratégie pour entrer dans la nouvelle ère », à moins qu’en évoquant la « stratégie de sortie », on ne reconnaisse la nécessité de sortir des causes de la crise; met en garde contre l’interprétation d’une stratégie de sortie de crise qui, en réalité, traduirait une demande de sortie de la puissance publique de toute intervention économique;
- invite la Commission à présenter les stratégies et propositions de l’Union en utilisant en parallèle des indicateurs de remplacement sur la base notamment des travaux d’Amartya Sen ou de Joseph Stiglitz afin de mieux articuler l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques ainsi proposées autour de leur impact économique, social et environnemental;
- considère que la crise actuelle pourrait remettre en question l’utilisation faite de certains modèles mathématiques; invite la Commission à favoriser la connaissance et l’utilisation des modèles mathématiques les plus adaptés à la prise en compte de l’incertitude, à la réalité du développement des technologies et du changement des structures de l’information et à une meilleure articulation entre modèles mathématiques, normes comptables et aléas des comportements;
Gouvernance et compétences partagées
- rappelle que les plus grands succès de l’Union sont nés de la réalisation de projets concrets, de la mise en œuvre de politiques de contenu, telles la PAC, le marché intérieur, l’euro, pour lesquels l’action de la Commission a joué un rôle moteur;
- estime que ce dont l’Europe a besoin, c’est de plus d’Union plutôt que de coordination; est d’avis que la Commission, à qui il appartient de définir l’intérêt général européen, doit, dans le cadre de son droit d’initiative, privilégier son engagement à agir au nom de l’Union là où elle dispose de compétences partagées ou de coordination et qu’elle ne peut pas s’arrêter à la seule définition du cadre d’intervention des acteurs du marché et des États;
- estime que partout où l’Union exerce des compétences de coordination à l’égard des politiques menées par les États membres, elle doit être attractive pour que les États membres soient incités à y contribuer et à créer ainsi une situation « gagnant-gagnant »;
- rappelle qu’au titre de l’article 4 du TFUE, l’Union dispose d’une compétence notamment dans les domaines de l’environnement, des transports, des réseaux transeuropéens, de l’énergie, de la recherche et du développement, de certains aspects de la politique sociale, et qu’au titre des articles 6 et 153 du TFUE, elle dispose d’une compétence de coordination ou de complément notamment dans l’industrie, l’éducation et la formation professionnelle et la lutte contre l’exclusion;
- considère que l’Union a une responsabilité propre dans la production de biens publics européens et qu’elle doit disposer pour l’exercer d’instruments spécifiques qui ne relèvent pas de la seule coordination des moyens des États membres et de moyens financiers correspondants;
- considère que l’Union ne peut pas être le seul espace intégré où la question de l’énergie ne serait pas considérée comme une question stratégique sur son territoire et vis-à-vis de ses partenaires; considère que l’action dans ce domaine doit relever de l’autorité publique et qu’à ce titre elle doit être menée à l’échelle de l’Union, à défaut elle sera l’otage des protectionnismes des États membres; considère en conséquence que l’Union européenne doit assurer elle-même l’approvisionnement de ses membres en énergie, notamment dans la négociation des contrats d’approvisionnement et dans l’organisation des capacités de stockage;
- estime que l’objectif de réduction de la dépendance énergétique est d’autant plus important que la persistance sur une longue période d’une hausse prévisible du prix du pétrole, dans un contexte de faible croissance, favorisera une inflation importée;
- propose que la Commission intervienne directement pour permettre le pilotage et le financement de projets, notamment dans les domaines suivants:
– de nouveaux investissements dans la recherche, le développement et le déploiement d’énergies renouvelables, y compris dans l’éolien maritime et terrestre, l’énergie des océans, toutes les formes d’énergies solaires, la biomasse, le géothermique, le stockage du carbone, les installations de production d’énergie hydraulique de petite dimension,
– un renforcement du réseau européen de l’énergie, en interconnectant les réseaux nationaux et en distribuant l’énergie de grandes centrales de production d’énergies renouvelables vers les consommateurs, la mise en œuvre de nouvelles formes de stockage de l’énergie pour compenser les fluctuations de production des énergies éolienne et solaire. Ce superréseau européen devra aussi être un réseau intelligent permettant aux consommateurs et aux producteurs d’utiliser l’énergie disponible de façon plus efficace,
– un service public de réseau ferré permettant de relier l’Union d’est en ouest et du nord au sud,
– un moteur de recherche d’internet et des infrastructures critiques publiques,
– la construction d’un réseau à haut débit desservant l’ensemble des territoires,
– la mise au point de véhicules électriques;
- invite la Commission à organiser, là où c’est nécessaire, des tables rondes sectorielles pour parvenir à un travail en commun des différents acteurs du marché, afin de favoriser la relance d’une véritable politique industrielle européenne ainsi que l’innovation et la création d’emplois;
- propose que l’évaluation ex ante par la Commission des restructurations transnationales intègre leur impact sur l’emploi avec des règles et des mécanismes de contrôle clairs, similaires à ceux qui existent en termes de concurrence par les prix dans le domaine des fusions-acquisitions;
- juge indispensable de lier toute stratégie d’investissement à long terme de l’Union européenne à des résultats en termes de création d’emplois;
- estime que pour l’Union, l’éducation devrait constituer un bien commun, lui conférant en conséquence une responsabilité particulière dans ce domaine alors qu’existe un besoin d’investir dans tous les volets du système éducatif, dans la qualité de l’éducation ou dans le nombre de personnes ayant accès à un enseignement supérieur; propose qu’un système permanent et inclusif d’apprentissage tout au long de la vie à l’échelle européenne soit mis en place, incluant la généralisation des programmes Erasmus et Léonardo pour la mobilité dans l’apprentissage et la formation;
- rappelle que l’emploi est un moteur déterminant de l’économie, puisqu’il commande le pouvoir d’achat; considère que l’Union européenne doit poursuivre un objectif de plein emploi de qualité et qu’un fonctionnement durable du marché intérieur est conditionné par un marché du travail décent, favorable à l’innovation;
- souhaite que soient favorisés les nouveaux gisements d’emplois, y compris dans le secteur des emplois de proximité, des soins à la personne et des services aux PME;
- estime que l’Union doit améliorer la cohérence de ses politiques internes et externes;
Les moyens
- estime que si un accord existe sur ces éléments de gouvernance et d’action de l’Union dans les domaines de compétence partagée et d’action complémentaires, l’Union doit se doter des moyens, notamment financiers, d’une telle stratégie;
- estime que le succès d’une telle stratégie d’investissement dépend de l’articulation tant de l’action directe de l’Union avec celles des États membres que d’investissements publics et privés, en particulier des fonds ayant d’importantes capacités d’investissement à long terme compte tenu de la nature de leur passif;
- considère, au regard de l’expérience des vingt dernières années, qu’un endettement public relativement élevé utilisé à bon escient (éducation, formation, infrastructures, recherche, etc.) pour des dépenses d’avenir peut avoir un double effet stabilisant sur l’économie (en privant les banques d’un « trop-plein » de liquidités pour alimenter des mécanismes spéculatifs à court terme et en alimentant une croissance forte et soutenue à travers le temps); juge qu’une dépense publique de qualité et maîtrisée de manière intelligente peut être un moteur du progrès économique et social;
- estime qu’au regard de l’importance pour l’Union de s’engager directement dans les domaines de compétences partagées et de la nécessité, dans la période d’incertitude économique où elle se trouve, de maintenir un fort niveau d’investissement public, celle-ci doit augmenter sa capacité budgétaire, y compris en définissant de nouvelles ressources propres, par exemple grâce au prélèvement, au bénéfice de l’Union européenne, de points de l’impôt sur les sociétés; propose qu’au-delà des structures propres dont le Parlement européen décidera de se doter pour mener le débat sur la révision des perspectives financières, une association étroite soit recherchée avec les parlements nationaux des États membres de l’Union sous la forme d’une convention;
- estime que dans le sillage européen, les budgets des États membres doivent appuyer l’action ainsi engagée; considère en conséquence que les États membres devraient afficher la répartition de leurs dépenses publiques en fonction des objectifs; invite la Commission et le Conseil, avec le soutien d’Eurostat, à renforcer la comparabilité des dépenses des budgets nationaux afin d’identifier le caractère complémentaire et convergent des politiques mises en œuvre;
- considère que l’investissement public a un effet de levier majeur à jouer au regard d’investissements à long terme; propose que la Banque européenne d’investissement (BEI) soit l’organe privilégié de mise en œuvre de cette stratégie définie par l’Union et qu’elle émette des emprunts pour la financer, ces emprunts pouvant aussi prendre la forme d’euro-obligations favorisant la collecte de l’épargne des particuliers; juge indispensable en parallèle d’adapter la gouvernance et les moyens de la BEI afin qu’elle ne soit pas piégée par l’accroissement de ses responsabilités;
- recommande la mise en place d’une taxe sur les transactions financières dont le produit devrait contribuer à financer les biens publics mondiaux et qui aurait un impact sur le fonctionnement des marchés; considère qu’elle devrait être établie sur la base la plus large possible, mais qu’à défaut l’Union devrait en prendre l’initiative;
- se déclare favorable à une taxe carbone et à une fiscalité « verte » qui permette d’orienter la consommation, de réduire les émissions de CO2, de diminuer le coût du travail, mais attire l’attention sur la nécessité que toute réforme fiscale contribue à retrouver le caractère progressif de l’impôt;
- estime que l’Union devrait œuvrer à l’introduction de principes de fiscalité qui cessent de favoriser l’endettement, les rémunérations à court terme et qui intègre des mécanismes de bonus-malus en fonction de critères de travail décent et d’environnement;
- estime indispensable que la Commission relance les propositions relatives à l’harmonisation de l’assiette consolidée de l’impôt sur les sociétés;
- considère que du point de vue de l’équité sociale, de la réduction des inégalités et de la lutte contre la pauvreté ou de l’exclusion, l’équilibre et l’assiette de la fiscalité et de la redistribution doivent être réexaminés si l’on ne veut pas organiser la solidarité à l’intérieur d’une tranche trop étroite de revenus, à savoir entre les pauvres et les classes moyennes;
- plaide en faveur d’une fiscalité permettant d’alléger celle pesant sur le travail et de modifier l’équilibre de la contribution des facteurs du capital et du travail au financement de la redistribution;
- estime que le rétablissement de marchés sains nécessite qu’au-delà des effets de mode une lutte résolue soit engagée contre l’évasion fiscale, les paradis, qu’ils soient fiscaux, réglementaires ou de supervision, et le blanchiment; est d’avis qu’une telle action doit être menée tant à l’échelle mondiale qu’au niveau de l’Union, avec l’obligation pour les superviseurs et les acteurs du marché de surveiller les structures qui dépendent d’eux;
- propose que l’Union européenne définisse un revenu minimum, dans le respect du principe de subsidiarité, en fonction de critères européens déclinés au regard du niveau de vie de chaque État membre et une allocation pour enfants afin de contribuer à réduire la pauvreté et l’exclusion sociale;
- estime que les fonds de cohésion doivent être considérés comme l’un des piliers de la politique économique de l’Union et que la réforme des Fonds structurels doit privilégier une véritable convergence vers la stratégie d’investissement à long terme de l’Union européenne, ainsi que le soutien aux PME, notamment dans la rénovation du logement afin d’en diminuer les émissions de CO2, et le développement des infrastructures de transport;
- invite l’Union européenne à soutenir son tissu de PME, fer de lance de la création d’emplois en son sein, en facilitant leur accès au crédit, notamment en soutenant les systèmes de cautionnement et la création de nouveaux produits normalisés qui permettraient de regrouper les prêts ou les fonds propres pour ces entreprises; appelle également à un développement des services aux PME et des structures de dialogue social;
- estime indispensable l’achèvement d’un marché intérieur – que Mario Monti préfère qualifier de marché unique – car il constitue un atout majeur pour l’Union européenne et qu’il doit la conduire à défendre son modèle sur la scène internationale; estime qu’il doit se servir de la diversité de l’Union comme une force et non comme un espace de mise en concurrence des territoires et des salariés; estime en conséquence qu’il est indispensable d’avancer sur la voie de l’harmonisation fiscale et de la consolidation du modèle social européen, ainsi que dans la définition de minima sociaux;
- demande à la Commission d’analyser l’impact de la crise sur les services publics; invite la Commission à présenter un cadre législatif de qualité pour les services publics et sociaux sur la base de l’article 14 du traité de Lisbonne, comme le Président Barroso s’y était engagé en septembre 2009 dans ses « Orientations politiques pour la prochaine Commission »;
- demande à la Commission de faire annuellement rapport au Parlement et au Conseil européens sur les besoins d’investissement public/privé et sur la manière dont ils sont ou devraient être satisfaits;
- demande instamment à la Commission d’enquêter, au travers d’un examen complet de la concurrence assorti d’un large mandat, sur la manière dont les acteurs du secteur financier parviennent à gagner autant d’argent; estime que les rendements élevés peuvent s’expliquer en partie par une prise de risque importante du secteur financier – grâce à l’argent obtenu du contribuable par le truchement de la fiscalité et des garanties explicites ou implicites de sauvetage gouvernemental en cas de crise des liquidités ou de la solvabilité; est d’avis que les rendements élevés semblent également refléter des faiblesses de la concurrence dans le secteur financier liées, par exemple, à des structures de marché anticoncurrentielles ou à un accès asymétrique ou privilégié à des informations qui pourraient avoir gagné en importance sous l’effet de la restructuration du secteur pendant la crise;
UEM et gouvernance économique
- rappelle que le grand krach est né des excès du comportement des marchés financiers et pas d’excès de la dépense publique;
- est conscient qu’une bonne gouvernance ou un gouvernement économique ne suffiront pas à eux seuls à assurer à l’Union européenne la stratégie d’investissement nécessaire pour répondre à la crise et faire face à la concurrence mondiale; est cependant persuadé que dix ans d’UEM ont démontré combien, dans le cadre sui generis de l’euro, cela était indispensable;
- considère que la définition de mécanismes de gestion d’une crise de la zone euro ne doit pas obérer l’indispensable définition de mécanismes efficaces de gouvernance économique, tant pour les temps ordinaires que pour les périodes de crise, alors que le bilan des dix ans de l’UEM a clairement fait apparaître l’aggravation insoutenable des divergences de compétitivité entre les États membres de la zone;
- propose, pour contribuer au débat ouvert par la constitution du groupe de travail sur la gouvernance économique, présidé par le président Herman van Rompuy, de créer en son sein un groupe de sages réunissant des personnalités indépendantes ayant acquis une expérience pluridisciplinaire de ces questions;
Mécanisme institutionnel et gouvernance ex ante
- propose que le responsable des questions économiques et monétaires au sein de la Commission européenne soit l’un des vice-présidents de celle-ci; propose qu’il veille à la cohérence de l’action économique de l’Union, qu’il soit chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine économique, monétaire et des marchés financiers et de la coordination des autres aspects de l’action économique de l’Union, qu’il participe aux travaux du Conseil européen, préside le Conseil Ecofin et l’Eurogroupe et représente l’Union dans les instances internationales relevant de sa compétence; propose que soient placé sous son autorité la direction des affaires économiques et financières (ECFIN) et les services financiers de la direction générale du marché intérieur;
- considère que la première étape d’une coordination ex ante des politiques économiques doit être que les budgets des États membres de la zone euro soient élaborés, ainsi que cela a déjà été proposé en 2005 lors de la révision du pacte de stabilité, sur la base d’un calendrier harmonisé et à partir des mêmes prévisions s’agissant des grandes variables externes (prix du baril de pétrole, taux de change, etc.) et des taux de croissance établies d’un commun accord sur la base d’une proposition de la Commission; constate que pour 2011, le gouvernement français prévoit une croissance de 2,5 % alors que la Commission l’estime à 1,5 %, que ces chiffres sont respectivement de 2 % et de 1,7 % pour l’Allemagne, et de 3,3 % et 1,9 % pour le Royaume-Uni;
- considère que les grandes orientations des politiques économiques (GOPE) codécidées avec le Parlement européen devraient servir de cadre à un débat et à une évaluation des budgets des États membres avant leur présentation devant les parlements nationaux compétents, organisés sous l’autorité du vice-président de la Commission, tel que proposé dans la présente résolution, dans des séances ouvertes de l’Eurogroupe, où chaque ministre serait accompagné par le président de la commission parlementaire compétente ainsi que du rapporteur général du budget et d’un membre de l’opposition;
- considère que la résorption des écarts importants de compétitivité qui existent au sein de la zone euro pourrait conduire à une augmentation de l’inflation là où elle est aujourd’hui la plus faible, mettant chacun devant ses responsabilités; considère que cette situation doit conduire à différencier les critères d’évaluation en fonction du point de départ des différentes économies, considère que cette différenciation doit résulter d’une proposition de la Commission adoptée par l’Eurogroupe et le Conseil après consultation du Parlement européen;
- propose que les objectifs de dépenses publiques des États membres de la zone soient arrêtés sur la base d’une programmation pluriannuelle;
- demande une amélioration substantielle du fonctionnement du dialogue macroéconomique, celui-ci ne pouvant se résumer à une information des partenaires sociaux sur les orientations proposées ou retenues;
Surveillance multilatérale et pacte de stabilité
- considère que les États membres devraient organiser un débat au sein de leur parlement respectif avant l’adoption de leur programme de stabilité;
- estime que la surveillance multilatérale et les demandes d’ajustement doivent porter autant sur les situations de déficit que d’excédents en tenant compte des situations spécifiques de chaque État, par exemple au regard de sa démographie, qu’elles doivent intégrer les niveaux d’endettement privé, l’évolution des salaires et de l’emploi – en particulier de l’emploi des jeunes – et la balance des comptes courants; considère que ces éléments doivent être utilisés comme indicateurs d’alerte, à défaut de pouvoir être soumis au même type de fonctionnement que les critères aujourd’hui retenus dans le pacte de stabilité;
- estime qu’avec une monnaie unique, les pays membres de la zone devraient franchir une étape complémentaire qui permettrait l’émission mutualisée d’une partie de la dette souveraine des États membres gérée par un Fonds monétaire jetant les bases d’une surveillance multilatérale plus élaborée et garantissant une plus grande attractivité du marché de l’ensemble de la zone et une gestion commune de la dette;
Gestion de crise
- estime paradoxal d’ouvrir un débat sur la sortie possible d’un État membre de la zone euro alors qu’à l’exception des deux États bénéficiant d’une dérogation, tous les États de l’Union ont vocation à y adhérer; met en garde, par ailleurs, contre les effets économiques et politiques dévastateurs d’une telle perspective pour l’État concerné ainsi que pour la zone euro et l’Union dans son ensemble;
- considère que l’Union doit se doter d’instruments anticycliques de gestion des politiques économiques;
- propose la mise en place d’un mécanisme de stabilité financière permettant de faire face aux risques de défaut souverain par le biais de la création d’un fonds alimenté par des emprunts contractés par la Commission sur les marchés financiers, comme elle le fait dans le cadre de l’article 143 pour les États membres hors zone euro; propose que cet instrument de gestion de crise soit indépendant de la mutualisation à terme de la dette souveraine, fondé sur l’article 122, paragraphe 2, du traité et conditionné à la mise en place d’un plan de retour à des fondements économiques sains et durables;
- considère que, dans la gestion d’une crise de la zone euro, la solution baroque qui consiste à faire appel au FMI à hauteur d’un tiers de l’aide à apporter est pertinente compte tenu de l’expertise du Fonds et de la conviction des Européens qu’à l’échelle mondiale le FMI constitue l’acteur principal dans la gestion de ce type de crise; considère que les Européens ont intérêt à ce que le FMI puisse intervenir directement au regard d’autres acteurs mondiaux;
- demande que la Commission et le Conseil examinent dans quelles conditions les mécanismes du Club de Paris sur le rééchelonnement, la restructuration ou l’annulation de certaines dettes publiques pourraient êtres adaptés à la situation présente et mobilisés à travers un mécanisme européen de résolution de la dette;
Acteurs, produits et marchés financiers: moins complexes, plus responsables et utiles à la collectivité
- rappelle que la finalité ultime du système financier est de fournir des instruments appropriés à l’épargne et d’affecter celle-ci à des investissements générateurs d’efficacité économique, d’optimisation des conditions de financement de l’investissement à long terme, des retraites et de la création d’emplois; note que cette fonction est particulièrement importante dans un contexte de renouvellement du mode de croissance qui exige des investissements considérables dans les technologies propres; souligne que le développement financier doit aussi être mis au service de l’équité en étendant, dans des conditions de sécurité suffisantes, l’accès aux crédit aux couches de la population qui en sont coupées et dont l’intégration économique est de ce fait handicapée; insiste sur le fait que la réforme de la régulation financière ne doit pas être conduite dans le seul but d’assurer la stabilité financière, mais doit prendre en compte les objectifs de croissance durable et d’équité;
- reconnaît que des arbitrages peuvent se présenter entre croissance, équité et stabilité financière et que ces arbitrages relèvent de la décision politique; invite la Commission européenne à présenter des propositions de développement financier prenant en compte ces objectifs, notamment dans le cadre de la stratégie UE 2020, et à expliciter les arbitrages pouvant faire l’objet de choix politiques; souhaite sur cette base que l’Union européenne puisse organiser un espace de débat et de confrontation politique après consultation de l’ensemble des parties prenantes à la réforme des marchés financiers (banques, investisseurs, épargnants, partenaires sociaux);
- exprime la crainte que l’actuelle négociation par lots des réformes de l’indispensable régulation ne reproduise les risques d’une approche de court terme et sans cohérence, où les acteurs des marchés financiers sont les arbitres des réformes qu’ils acceptent tout en utilisant l’argument d’un risque de fragilisation de la reprise; prévient que cette méthode ne permettra pas d’optimiser l’architecture globale en fonction des défis à relever;
- estime que doter un espace économique d’une régulation saine et efficace constitue, après une crise de l’ampleur du grand krach, un argument important de compétitivité; estime en conséquence que les signes épars de reprise de l’activité des marchés ne doivent pas détourner de ce qui apparaissait il y a peu comme des réformes indispensables; considère que les autorités européennes ont une responsabilité particulière pour maintenir cet agenda, y compris vis-à-vis des autorités politiques nationales;
- reconnaît l’importance d’avoir sur ces questions de régulation une approche globale, à l’image des marchés, en particulier transatlantiques; reste cependant convaincu que, comme elle a su le faire dans la définition de normes en matière d’usage de produits chimiques (cf. directive REACH) ou dans lutte contre le réchauffement climatique (stratégie des 4 x 20), l’Union européenne doit aller de l’avant en intégrant les caractéristiques propres du mode de financement de l’économie européenne, de l’histoire et de la dynamique d’intégration des marchés en Europe;
- considère que dès lors que l’Union adopte pour elle-même des règles exigeantes, que ce soit dans le domaine de la régulation ou de la supervision financière, de la gouvernance d’entreprise, de normes sociales ou environnementales, elle doit exiger que ces règles s’appliquent de manière égale à l’ensemble des acteurs sur son propre marché et qu’à l’extérieur, cela conduise à un échange juste, condition sine qua non de la poursuite au sein de l’Union d’un travail de régulation des marchés; estime que les négociations faisant intervenir la notion de réciprocité doivent prendre en compte les situations de marché relatives et en particulier les déséquilibres en termes de marché producteur et consommateur; estime nécessaire, dans la coopération internationale, de prendre en compte la capacité des systèmes à assurer la supervision dans de bonnes conditions des établissements installés sur leur territoire et d’amortir tout risque systémique;
- souhaite favoriser l’innovation financière là où elle permet la mise au point d’instruments simples et transparents permettant de financer l’innovation technologique, l’investissement à long terme, le financement des retraites, l’emploi et l’économie verte; demande aux autorités européennes d’organiser une concertation avec les acteurs des marchés financiers, pour que soient élaborés, au titre de l’innovation financière, des produits permettant de mobiliser l’épargne;
- juge essentiel que la future régulation financière des acteurs, des produits et des marchés financiers couvre l’ensemble des activités, interdise l’existence d’un « shadow banking system« , d’opérations hors bilan des banques, harmonise les « trading books » et règlemente rigoureusement les marchés de gré à gré, y compris pour en limiter le champ d’activités;
- juge inopérante la distinction entre institutions financières selon qu’elles comportent un risque systémique ou non, en particulier au sein de l’Union; considère que ce critère conduit à regarder dans combien d’États membres elles interviennent, ainsi que leur taille, alors que ce qui doit être évalué c’est la capacité de telle ou telle institution à perturber le fonctionnement du marché intérieur, d’autant plus que cette crise a montré qu’il n’existait pas de corrélation entre la taille des établissements et la nature des risques encourus;
- juge indispensable que l’Union européenne intègre les risques pour la diversité de l’architecture de son secteur financier dans la définition de nouvelles règles et estime que l’économie européenne a besoin d’un réseau solide de banques de proximité;
- propose qu’à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, toute nouvelle législation européenne relative à la régulation des acteurs et des marchés financiers décline l’obligation de respecter la lettre et l’esprit de l’article 9 dudit traité, ce qui doit obliger les banques notamment à analyser les demandes de prêts en fonction de leur impact sur l’emploi au sein de l’Union européenne;
- demande que la Commission élabore dans les meilleurs délais une proposition de législation afin de mettre en place un fonds européen de garantie des dépôts sur la base d’une contribution des banques liée à leur niveau d’activités; reconnaît que cela devra conduire à une harmonisation des méthodes de calcul et des produits couverts par ces fonds ainsi que la prise en compte de la situation spécifique des PME et des collectivités locales;
- juge indispensable la mobilisation de l’épargne et estime que celle-ci est conditionnée par le bon fonctionnement des marchés mais encore davantage par sa protection; plaide pour que l’Autorité européenne des marchés financiers ait les compétences d’une agence de protection des épargnants, qu’à ce titre elle enregistre et valide les prototypes et les pratiques de commercialisation issus de l’innovation financière, autorise leur mise sur le marché, suive leur évolution et puisse les retirer temporairement ou définitivement si nécessaire;
- invite les États membres à boycotter Goldman Sachs;
- considère que le modèle d’activités (business model) des agences de notation de crédit conduit à des conflits d’intérêt, étant donné que ces agences sont utilisées pour assurer la réputation et faire la promotion des entreprises qui les paient et que leur modèle ne permet pas d’évaluer les éléments macroéconomiques des décisions prises; propose d’examiner la meilleure fiabilité d’un système où les investisseurs et les épargnants paieraient pour l’accès à l’information dont ils ont besoin pour arrêter leur stratégie;
- demande à la Commission de mettre en place une agence publique européenne de notation de crédit et considère que les cours des comptes indépendantes devraient apporter une contribution active à la notation des dettes souveraines; estime qu’une telle évolution conduirait à une pluralité souhaitable des normes de référence;
- estime que l’Union européenne et, en particulier, la zone euro doivent disposer d’une chambre de compensation des dérivés, produits qui peuvent présenter des risques systémiques et maîtriser l’accès à l’information sur le comportement des acteurs de ces marchés;
- demande qu’une attention particulière soit portée au risque de constitution de nouvelles bulles spéculatives; demande à la Commission de proposer les outils nécessaires à une régulation et à une supervision des marchés des matières premières;
- demande instamment à la Commission de compléter le « paquet supervision » en cours d’adoption par la définition d’un mécanisme de gestion de crise et de partage du fardeau, du prêteur de dernier ressort, de l’harmonisation des régimes de sanction et du droit de la faillite; envisage favorablement l’évolution vers un système dual de supervision avec d’un côté, la protection des investisseurs et, de l’autre, le contrôle prudentiel des institutions financières; juge indispensable le renforcement de l’indépendance, de la compétence et de l’expertise de certains superviseurs nationaux;
Gouvernance d’entreprise
- plaide pour rapprocher les marchés financiers des besoins des entreprises, en développant des principes forts de gouvernance d’entreprise au cœur de la gestion du risque; considère que les conseils d’administration et de supervision des groupes financiers devraient être indépendants, diversifiés en termes de profil et d’équilibre entre les sexes et hautement qualifiés; attire l’attention sur les travaux en ce sens en cours à l’OCDE;
- recommande que l’Union élabore une législation permettant d’associer les salariés et leurs représentants à la définition de la stratégie des entreprises à travers leur participation au conseil d’administration et le développement du dialogue social; considère qu’une attention particulière doit être portée à la représentation, à la participation aux assemblées générales et à l’exercice de leur droit de vote par les souscripteurs au sein des fonds de pension et par les actionnaires minoritaires; estime que des dispositions spécifiques doivent être élaborées pour permettre aux parties prenantes qui en ont besoin d’avoir accès dans des conditions réalistes à l’information nécessaire ainsi qu’à des outils d’expertise; estime indispensable la valorisation du dialogue social comme élément de la gouvernance d’entreprise, y compris sur la question du partage de la valeur ajoutée;
- considère que les effets pervers de l’incitation à l’augmentation à court terme, par exemple par des opérations de prise de contrôle, de la valeur de l’action doivent être corrigés; estime que les rémunérations liées aux performances, en particulier les stock-options, et les bonus devraient être reconsidérées, réorientées et évaluées au regard d’objectifs de viabilité à long terme et de responsabilité sociale; estime qu’une attention particulière doit être portée à l’échelle des salaires et des revenus au sein de l’entreprise;
- est très favorable, dans le domaine des services financiers, à l’intégration d’éléments liés à la gestion des rémunérations dans les données que les superviseurs doivent intégrer dans leur évaluation des risques;
- invite la Commission à ne pas promouvoir la démocratie actionnariale mais à réorienter ses politiques relatives au droit de vote des actionnaires en améliorant la transparence sur l’identité et la stratégie des actionnaires et en favorisant les engagements à long terme, grâce par exemple à des droits de vote et à des dividendes différenciés en fonction de la durée de détention;
- estime qu’une attention particulière doit être portée aux structures de l’économie sociale, type coopérative, mutuelle, etc.;
- appelle la Commission à proposer une législation concernant la responsabilité sociale des entreprises en obligeant celles-ci à établir des bilans non seulement financiers mais aussi sociaux et environnementaux;
- demande à la Commission d’élaborer une législation sur la responsabilité conjointe et solidaire pour garantir la responsabilité sociale des entreprises sous-traitantes dans les chaînes de production;
Gouvernance mondiale
- considère que l’Union a une responsabilité particulière au regard de la redéfinition d’une gouvernance mondiale, et que la période actuelle constitue une occasion historique à cet égard; en appelle au Conseil européen pour convoquer un sommet du G20 consacré exclusivement à une réforme nécessaire de la gouvernance mondiale;
- considère que si les Européens veulent garantir la légitimité et l’efficacité des institutions financières internationales, ils doivent améliorer les conditions de leur participation, parler d’une seule voix et accepter une redistribution de leurs sièges et de leur pouvoir de vote;
- propose d’intégrer le G20 dans l’organisation du FMI et d’en faire le Conseil des ministres de l’organisation; estime qu’une association plus grande des parlementaires aux travaux des institutions financières internationales doit être recherchée;
- considère nécessaire la reconstruction d’un ordre monétaire mondial; recommande que, sur la base de son expérience avec l’adoption de l’euro, l’Union fasse des propositions utiles;
- prend acte de ce que les acteurs bancaires mondiaux sont, parmi les acteurs des marchés financiers, ceux dont l’organisation internationale est la plus élaborée; considère que les accords élaborés dans le cadre du Comité de Bâle devraient entrer en vigueur sous la forme de traités internationaux;
- propose d’intégrer le Comité de Bâle, l’OICV, l’IASB, etc. dans une structure globale, qui pourrait être le FMI, afin de mettre en place une véritable organisation de la finance et d’assurer la participation de l’ensemble des parties prenantes à l’élaboration des règles et la capacité de vérification de la mise en œuvre;
- prend note des progrès accomplis sur la gouvernance fiscale par l’OCDE et au G20, mais plaide pour un renforcement de la base légale de la liste noire des juridictions non coopératives de l’OCDE, fondé sur des valeurs qualitatives et avec des conséquences juridiques; demande une action concrète et rapide en faveur de l’échange d’informations automatique et multilatéral comme norme mondiale, afin de renforcer la transparence fiscale et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale;
- considère que la gouvernance de l’IASB doit être réformée en profondeur et que le « monitoring group » a fait passer cette organisation de l’autorégulation à l’autocontrôle; considère que cette gouvernance doit assurer la présence d’acteurs prenant en compte la stabilité du système financier et les besoins des utilisateurs finaux;
- salue l’organisation d’une réunion spéciale du G20 des ministres du travail et de l’emploi en avril 2010 ainsi que la contribution apportée par le BIT, « Promouvoir la reprise de l’emploi sans renoncer aux objectifs budgétaires », qui plaide, au titre de l’équilibre des finances publiques, contre une stratégie de sortie précoce et pour une poursuite des politiques orientées vers l’emploi;
- propose que l’Union européenne, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, devienne signataire directe des conventions de l’OIT, et que l’Union européenne signe l’ensemble des conventions considérées à jour par l’OIT;
- propose que le Service européen pour l’action extérieure intègre une forte expertise dans les domaines sociaux et environnementaux, et que ces domaines fassent l’objet de clauses contraignantes dans les accords que l’Union passe avec des pays tiers;
Investissements verts et aménagement de l’espace
- estime qu’aujourd’hui, seuls les très riches et les très pauvres sont vraiment mobiles et que la grande majorité des citoyens européens n’aspirent pas à la mobilité car ils sont attachés au maintien de réseaux de solidarité familiale et souvent engagés dans des investissements immobiliers favorisés par les autorités publiques pour l’acquisition d’une résidence principale;
- estime que la mobilité doit être favorisée là où elle est utile et possible, mais considère que les politiques publiques d’aménagement du territoire doivent favoriser des stratégies d’implantation de l’activité économique, en fonction des bassins de vie et de formation, ce qui contribuerait également à la réduction de la facture énergétique et au développement d’une stratégie de transport durable;
- rappelle que la mobilité des travailleurs doit s’accompagner d’une amélioration des conditions de travail et appelle l’Union à réviser sa législation, en particulier celle sur les travailleurs détachés, afin de garantir ce principe;
- considère qu’un fort potentiel pour l’industrie européenne réside dans le développement de l’énergie renouvelable pour le chauffage et la climatisation tout autant que pour le transport propre, comme les voitures électriques, les transports publics ou les technologies pour les biocarburants de deuxième génération;
- considère que l’investissement dans le renouvellement du parc immobilier et le transport collectif doit être une priorité pour réduire la facture et la pauvreté énergétiques et engager un cercle vertueux; reconnaît que la rénovation du parc locatif souffre de l’absence de mécanismes incitatifs compte tenu des intérêts divergents des propriétaires et des locataires; invite les acteurs des marchés à mettre en place, dans le cadre de l’innovation financière, des produits permettant de financer cette transformation avec un souci de justice sociale, et invite les syndicats et les coopératives à contribuer à la mise en place de tels mécanismes;
- demande à la Commission d’élaborer et d’organiser la mise en œuvre d’un bouclier social énergétique permettant d’assurer l’accès des plus pauvres à l’énergie dans des conditions abordables, alors que la part des dépenses énergétiques dans le budget des plus défavorisés représente plus du double de celle des ménages les plus riches;
- plaide pour une transition juste et équitable vers une économie verte; estime que le chômage résultant de la transition doit être anticipé en accroissant la formation et les compétences des travailleurs en ce qui concerne les nouvelles technologies; estime que les bénéfices de ce passage à une économie verte doivent être partagés équitablement et que les coûts supplémentaires pour les groupes à faibles revenus doivent être équilibrés par des mesures de redistribution;
- rappelle que les emplois verts peuvent aussi être des emplois peu qualifiés et qu’ils doivent être créés avec la préoccupation de mettre en œuvre des emplois décents;
- souligne l’importance d’une législation européenne contre les emplois précaires afin d’assurer l’égalité de traitement de tous les travailleurs atypiques, ainsi que d’une charte européenne pour des stages de qualité afin d’éviter l’exploitation des jeunes sur le marché du travail;
- estime que la qualité de la redistribution et du dialogue social en Europe doit être considérée comme un facteur d’attractivité de l’investissement, notamment parce qu’il permet d’anticiper et d’accompagner les transitions[11]; souligne dans ce cadre la nécessité urgente d’une directive européenne concernant les accords transfrontaliers afin de renforcer le dialogue social au niveau européen; souligne l’importance du renforcement et de la meilleure mise en œuvre de la législation européenne sur l’information et la consultation des travailleurs, y compris la directive sur les comités d’entreprise européens;
Conclusion
- prend acte de l’échec de la programmation législative actuelle, procédure lourde et centrée uniquement sur la Commission, alors que le rôle du Conseil n’a cessé d’augmenter et que le Conseil européen joue maintenant un rôle majeur dans la gestion des priorités de l’Union, et appelle en conséquence à la conclusion d’un contrat de législature, dans le respect du traité de Lisbonne et notamment de son article 17, paragraphe 1, entre institutions de l’Union pour la durabilité et la solidarité sur la base en particulier du présent rapport;
- charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu’au président de l’Eurogroupe, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social, au Comité des régions, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’aux partenaires sociaux.
[1] JO C 16 E du 22.1.2010, p. 8.
[2] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2009)0123.
[3] Textes adoptés de cette date, P7_TA-PROV(2009)0114, A7-0085/2009.
[4] Textes adoptés de cette date, PE_TA-PROV(2010)0034, A7-0016/2010.
[5] Textes adoptés de cette date, P7_TA-PROV(2010)0056, B7-0133/2010.
[6] Textes adoptés de cette date, P7_TA-PROV(2010)0072, A7-0031/2010.
[7] Textes adoptés de cette date, P7_TA-PROV(2010)0090, A7-0010/2010.
[8] Textes adoptés de cette date, P7_TA-PROV(2010)0013, A7-0006/2010.
[9] Voir: Simon Johnson, The Atlantic, mai 2009.
[10] Voir: The Economist world figures, cité par Jacques Mistral in Revue d’économie financière, janvier 2010.
[11] Wilkinson, R., et Pickett, K., The spirit level, why more equal societies almost always do better, Penguin Books, 2009.
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(1) Commission Spéciale sur la Crise Financière, Économique et Sociale (CRIS) du Parlement Européen et Ce qui a mal tourné. Le point de vue d’un anthropologue
45 réponses à “PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN, par Pervenche Berès”
bonjour,
je partage avec L’Hermite les louanges et quelques interrogations sur ce remarquable texte.
J’aime me référer à René Char (« agir en primitif et prévoir en stratège »), ou à un auteur Québécois dont le nom ne me revient pas (« avoir une vision et saisir les opportunités »), ce qui, tout compte fait, nous rapproche des 2 tomes de nos livres de philo d’antan : la Connaissance et l’Action.
Dans ce cadre, le texte de Pervenche Berès penche plus du côté de la Connaissance et de la vision, que du côté d’une Action décisive. A sa décharge, le plat de spaghetti des institutions européennes…
Mais on aimerait tellement un programme clair, à proposer à nos élus.
J’aime énormément cette pensée : »avoir une vision et saisir les opportunités ».
Nous sommes beaucoup, je pense, à « avoir une vision et à guetter les opportunités ».
Le texte présenté par Pervenche Berès est certes plus du niveau de la connaissance que de l’action (c’est à dessein que je mets des minuscules). Mais, en cette période « troublée » qui peut aussi se réveler être une période de « rupture », de telles réflexions peuvent être le germe de réelles évolutions.
Vraiemnt, j’aime cette pensée : « AVOIR UNE VISION ET SAISIR LES OPPORTUNITES ».
Essayer de comprendre la finance internationale, c’est déjà balèze… mais alors quand la finance rencontre l’administration européenne, alors faut s’accrocher!
Bref
Quand la politique refait rêver, ça fait du bien. Je dois avouer qu’il y a encore quelques années, j’imaginais que les tous les textes réglementaires (français, européen, mondiaux…) avaient cet esprit. Rigolez pas, je suis jeune. Bref, après être revenu, non sans amertume, de mes illusions, je découvre avec bonheur (grâce à vous) qu’il reste des politiques qui n’ont pas oublié l’essence de leur fonction sur cette planète et qui bossent.
D’un point de vue pratique, je me demande à présent quelles circonstances doivent être réunies pour qu’un tel texte soit adopté.
1/ je ne connais pas le mode de scrutin, si la majorité suffit par exemple
2a/ si la majorité suffit, il faudrait donc espérer que la crise s’aggrave en Europe, que les plans d’austérité soient sévères et donc que le parlement européen bascule à gauche pour voter ce texte.
3/ là c’est une résolution, à quel moment ça rentrerait dans le cadre juridique (règlement européen ou directives européennes)?
Quand on voit que l’importance de l’industrie de la finance au Luxembourg par exemple, on sait que l’adoption d’un tel texte est signer l’arrêt de mort d’un pays qui a tout misé sur la dérégulation, la défiscalisation et le secret bancaire. Entre la situation actuelle et l’horizon ensoleillé que propose ce texte, combien de générations? Voilà pourquoi, je suis parfois tenté par la perspective d’un gros krach qui pourrait peut-être précipité un peu les choses…