Vous trouverez dans la numéro qui sort aujourd’hui, mon portrait, brossé par Jean-Gabriel Fredet : « C’est arrivé demain ».
Nous avons parlé à bâtons rompus, surtout du passé, très peu de l’actualité. Je suis curieux de voir ce qu’il en ressortira.
Note : Je viens de lire l’entretien. Certains interviewers vous envoient consciencieusement le texte qu’ils ont préparé pour vous demander de vérifier l’information qu’ils mentionnent et relever les éventuelles erreurs – tout particulièrement quand il s’agit d’un portrait. D’autres non – j’ignore pourquoi – et alors, bonjour les approximations à l’emporte-pièce !
Je ne dis pas que l’entretien n’est pas amical mais ceux – de 7 à 77 ans – qui ont lu Les bijoux de la Castafiore se souviendront d’un certain reportage sur le capitaine Haddock dans un hebdomadaire qui n’est pas sans en rappeler un autre dont le nom commence par Paris et finit par Match.
Essayant de trouver à votre intention à quelle page du magazine se trouve notre entretien, je découvre que j’ai collaboré au Nouvel Obs en… 1986. Croyant qu’il s’agit d’une erreur de leur part, je vérifie. Mais non, ils ont raison : j’ai commenté un article consacré à la « disparition » des maîtres à penser dans la décennie 1975-1985. Miracle de l’internet, voici mon commentaire en date du 11 juillet 1986. Vous me direz s’il est toujours d’actualité 24 ans plus tard.
53 réponses à “Le Nouvel Observateur, jeudi 20 mai 2010”
Prenons tout de suite un gros morceau :
« Longévité d’une imposture » sur Michel Foucault, de Jean-Marc Mandosio ( Ed. Encyclopédie des Nuisances),
bien écrit, et extrait de son livre plus épais « d’or et de Sable ».
J’ai un peu de mal à voir qui ressortissait du lot en 1986-1995.
En revanche, les œuvres tardives de Stiegler (Bernard) et Sennett (Richard) en font pour moi des « merveilles » au sens du billet de Paul Jorion.
Dans les deux cas, il s’agit de gens qui n’ont pas mis d’œillères sur les révolutions (techniques) de l’information, Stiegler à l’UTC, Sennett comparant les formes de l’artisanat et les corporations libres de « Linuxiens » etc.
Et Paul Jorion doit sans doute son regard distancié aux lunettes d’Aristote qu’il chaussa devant les étiquettes des marchands de poisson d’Héat, si j’ai bien suivi, bien assaisonné par la suite, y compris sauce « CountryWide ».
(Au fait, pêchait-on, dans la ville natale du Stagyrite ?)
J’introduis donc le concept d’E.N.G. pour distinguer entre ces intellectuels : « Expérience Non Germanopratine »…
maîtres à penser ??? ce serait pas leur rendre service, sûr.
hommage
à ce maître de courage,
Vic Chesnutt,
criblé de dettes liées à ses soins,
suicidé à noël dernier à Athènes.
« The Foxx and Little Vic »
http://www.youtube.com/watch?v=Ccy9e6FffzI&feature=player_embedded#at=67
Bonjour Paul
J’ai donné le lien , sur un autre fil, de l’émission hier soir « ce soir ou jamais : la France en faillite,
c’est possible ? » (FR3)
Avec une présentation personnelle sarcastique et stupide , je le reconnais…
Car cette émission que je viens de revoir est très riche : tout y est ou sous entendue…
Je dirais que ce qui me gène c’est l’utilisation d’un on ou d’un nous : nous avons vécu au delà de
nos moyens, etc, etc…Ce qui exonère largement nos politiques depuis 15/20 ans…
( Mais c’est un détail d’interprétation…)
Car les participants à cette émission offre une palette d’analyse et d’interprétation assez unique et
ce serait bien que vous même et chacun puissent apporter des commentaires , des ajouts, des critiques…
Je vous laisse chacun juge de découvrir ce que l’on peut tirer de ces propos pour éventuellement revenir à des fondamentaux , ce qui n’empêche pas plus tard de réouvrir les analyses plus pointues nécessaires….
Car j’en suis certain , tout ce qui est évoqué , tout ce qui se dit, toute la doxa , tout ce qui se prépare ,se retrouvent concentrés dans cette émission…
Bien amicalement….
http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/?page=emission&id_rubrique=1064
Bien au contraire, la chose la plus importe à faire comprendre, à savoir que la dette publique a commencé à être un problème quand on l’a confiée aux marchés, soit en deux étapes, à partir de 1971 puis au milieu des années 80, cette chose n’a pas été signalée, même de la part des meilleurs intervenants le représentant d’Attac et celle d’alternatives économiques). On sous-entend donc que les marchés sont incontournables ce qui est donc le meilleur moyen de ne pas solutionner la crise…
Sont ils contournables ou faut-il commencer par les maîtriser ?
Parce que marchés, état et pouvoir me semblent tout un !
« Un certain rabaissement de la pensée dans sa traduction médiatique est un faible prix à payer par l’intellectuel pour la garantie d’une vaste écoute, attentive et respectueuse. »
Qu’en aurait pensé Pierre Bourdieu ?
http://video.google.com/videoplay?docid=-5238133730429562519#docid=3183012643636432406
bah pourquoi penser lorsque tout va bien? La disparition médiatique des « maitres à lire » est un marqueur d’une société de l’apparence du bien. L’utilisation de la beauté afin de la marchandiser corrompt cette beauté pour la dépraver et l’avilir. La beauté fut valeur idéal feminine pour ne plus rien représenter si ce n’est un billet virtuel de puissance du décor.
L’art
Bonjour Monsieur Jorion
Rappelons la devise des maîtres penseurs:
« Tout homme avare de ses pensées n’est qu’un penseur de Radin! »
Cordiales salutations.
Est ce que c’est vraiment nécessaire d’avoir des maitres à penser ? L’expression pourrait bien être un oxymore.
J’ouvre donc les vies « des hommes illustres » puisqu’il s’agit d’eux , et tombe sur cette idée de Claude Lévi-Strauss qui en 1949 « reprenait la traduction de la formule de Marx »les hommes font leur propre histoire , mais ils ne savent pas qu’ils la font »
Un peu plus loin , de Paulus Aemilius . Plutarque nous dit qu’à la démagogie il préférait la gloire qui procède du courage , de la justice et de la bonne foi , qualités par lesquelles il surpassa bientôt tous ses contemporains .
« L’histoire est comme un miroir » . Dans le miroir de cette histoire qui s’écrit , vous offrez une chaleureuse hospitalité aux anonymes par ce blog ainsi devenu fameux . On ne se faisait pas de mouron …
Avons-nous réellement manqué de « maîtres à penser »?
D’abord, le terme de « maître à penser » n’est pas vraiment le bon. Nous n’avons pas forcément besoin de « maîtres à penser » – Dieu merci, nous sommes des humains capables de penser par nous-mêmes – par contre, nous avons besoin pour nous inspirer d’esprits éclairés, sages, clairvoyants, désintéressés et critiques, venant de tous bords, de toutes confessions, de tous milieux. Or, la société de consommation a tout fait pour étouffer ces esprits plein de bon sens, critiques, quelques fois subversifs, qui auraient pu remettre cette société en question. Nous pouvons en remercier les médias. Car des philosophes, des sages, des esprits critiques ou inspirés, il y en a eu, j’en ai rencontrés pendant mes études, j’en ai découverts dans les livres. j’ai au fil des ans trouvé toutes sortes de livres donnant matière à réfléchir… Et je suis d’ailleurs étonnée qu’on en soit arrivé là, malgré tout ce qui a été écrit depuis bien longtemps déjà. Et puis, il y a aussi le bon sens et l’intelligence de chacun d’entre nous, ne l’oublions pas! Je crois que ce sont, hélas et toujours, les médias qui portent la responsabilité de ce boycottage des esprits libres, de cette manipulation, de cette propagande de la consommation à outrance. Ils devront peut-être nous expliquer un jour à quel jeu ils ont joué ces années durant et pour le compte de qui, un mea culpa en quelque sorte, et noir sur blanc, pour clore cette époque… Certains d’entre nous se rendront compte aussi qu’ils n’ont pas assez pris le TEMPS, le temps de vivre, le temps de réfléchir, et qu’ils se sont laissés piéger par l’accélération de la vie moderne. Piège dans lequel il ne fallait surtout pas tomber ! Nous nous sommes empêtrés dans la complexité. Nous n’avons pas vraiment besoin de maîtres à penser, mais surtout de plus de TEMPS, de LENTEUR, de SIMPLICITÉ!
A suivre…
Le sujet ne m’inspire pas trop, mais me rappelle néanmoins un dialogue, il y a très longtemps… J’étais en psychothérapie, et j’évoque en séance ma découverte de Bergson (« matière et mémoire », une de mes première lectures conscientes), et la « puissance d’organisation » de la philosophie, expression immédiatement relevée par mon interlocutrice… qui enchaine sur les « maitres à penser ». Je me rebiffais. Mais il y a sans doute une séduction chez Bergson, qui consiste à mettre le monde ne ordre, être guidé peu importe ou mais par une pensée amicale…
Nous n’avons pour maitre que la logique, le reste est une « fides autoritas ». Rien ne doit être soustrait de la corrosion de la critique, et aussi le « maitre » évoque la fixité, l’achèvement. Or tout matériel ne doit servir qu’à une chose, produire nous même; Ceci est le but de toute lecture et de toute doctrine, en ce sens le maitre n’est qu’un moyen pour nous, de créer.
De l’idée tyrannique du Maitre, il faut se défaire; et de celle d’esclave également, l’esclave connaissant sa finitude, selon certains, contrairement au maitre.
On ne se rend plus compte aujourd’hui, du travail qu’impose tout progrès. Cortot disait que le travail au piano était un suicide, oui, par le temps qu’il réclame. Tout ces sujets réclament un effort dont on ne se rend pas compte. « J’ai du gravir une montagne » (Wittgenstein, le pianiste).
Il existe depuis Baudrillard un courant qui annonce la fin de l’autorité; Baudrillard écrit que la critique du pouvoir qu’entreprend Foucault va de soi, est précédé par une décomposition du pouvoir dans la société. Donc, il ne peut y avoir de maitres à penser dans de telles conditions… en plus cela suppose une totale soumission à autrui, très peu pour moi; Relation pathologique d’abnégation de soi qui ne peut prospérer que sur un terrain miné narcissiquement. Merci bien. Nous devons faire le deuil de ces histoires ! Comme de nos parents, notre condition est celle d’orphelins.
Des maitres, il y en a plein les sectes, courrez-y ! aussi au Vatican.
Bien d’accord avec votre analyse.
Je crois aussi que les maîtres à penser ne nous ont jamais vraiment quittés. Notre culture de masse ne se donne tout simplement pas les moyens de les reconnaître. De plus, le dogme a fait un retour en force dans notre culture, or quand le dogme s’impose, il ne laisse plus de place à la sagesse. Je vois le dogme présent dans la croissance, le scientisme ou le libre marché. En somme, nous avions tout pour réussir mais nous avons méprisé ceux qui voulaient nous grandir en nous confrontant à nous même.
Je pense que l’intelligence en est arrivée à renier le bon sens et que le nœud du problème est là. Ne dit on pas d’ailleurs de l’intelligence qu’elle est à double tranchant parce qu’à un moment donné elle peut se retourner contre celui qui en abuse. Tiens, tiens, comme un air de déjà vu.
Les prêtres de la cité ont toujours développé un langage sophistiqué pour interpréter le monde. Il semble aussi qu’ils s’en soient souvent servis pour valoriser leur égo ou dominer celui qui ne possédait pas le fameux langage. Petit à petit la compétition entre les prêtres les pousse à la surenchère. Et pour finir, le langage devient si sophistiqué que les prêtres n’arrivent plus à comprendre leur propre charabia.
Maintenant que les prêtres n’ont plus que leurs dogmes à quoi se raccrocher, on les sent paumés, agacés, agressifs, et paradoxalement revendiquant plus que jamais le Saint-Siège. Et pendant ce temps-là, les sages attendent que les prêtres daignent arrêter de se chamailler. Faudra-t-il attendre que tout s’arrête pour qu’ils s’arrêtent ?
« At least 99% of modern neoclassical economists hold the growth-forever view. » – Herman Daly Former Senior Economist at the World Bank
http://thesolutionsjournal.com/node/556
chaque jour un autre jour c’est ce qu’il te reste à vivre, le maître c’est ce que tu reçois ou ce que tu donnes sans même le savoir, tu peux le décliner dans le temps qui te convient et faire du futur un non début ni fin si cher aux abrupts Tchouang Tseu ou Lin t’si: et je me souviens d’un Autrichien qui du maître à fait un grand vide:
« Les peintres n’ont pas peint ce qu’ils auraient dû peindre, mais uniquement ce qu’on leur a commandé, ou bien ce qui leur procurait ou leur rapportait l’argent ou la gloire, a-t-il dit. Les peintres, tous ces maîtres anciens qui, la plupart du temps, me dégoûtent plus que tout et qui m’ont depuis toujours donné le frisson, a-t-il dit, n’ont jamais servi qu’un maître, jamais eux-mêmes et ainsi l’humanité elle-même. Ils ont tout de même toujours peint un monde factice qu’ils tiraient d’eux-mêmes, dont ils espéraient obtenir l’argent et la gloire ; tous ils n’ont peint que dans cette optique, par envie d’argent et par envie de gloire, pas parce qu’ils avaient voulu être peintres mais uniquement parce qu’ils voulaient avoir la gloire ou l’argent ou la gloire en même temps que l’argent. »
« Jusqu’ici, dans chacun de ces tableaux, soi-disant chefs-d’œuvre, j’ai trouvé un défaut rédhibitoire, j’ai trouvé et dévoilé l’échec de son créateur. Depuis plus de trente ans, ce calcul infâme, comme vous pourriez le penser, s’est révélé juste. Aucun de ces chefs-d’œuvre mondialement connus, peu importe leur auteur, n’est en vérité un tout et parfait. Cela me rassure, a-t-il dit. Cela me rend heureux. C’est seulement lorsque nous nous sommes rendus compte, à chaque fois, que le tout et la perfection n’existent pas, que nous avons la possibilité de continuer à vivre ».
Thomas Bernhard, Maîtres anciens.
Oui Trop vite,
Je place notamment Bernard Stiegler parmi les défenseurs intelligents du long-termisme, par leur analyse pertinente des défaut du court-termisme
(perte de savoir-faire et savoir-vivre /=prolétarisation revue et corrigée, déliaison des pulsions, règne de la bêtise, perte de la valeur « esprit », mécréance et discrédit).
Mais c’est aussi sans illusion sur le fait que tous nos nouveaux support de mémoire sont des « pharmaka », des poisons à haute dose, et le sophisme fut un des premiers grands exemples, en détournant la capacité de « parler logiquement » (dans le contexte de l’époque, cela permettait de s’affranchir des clans, des dèmes, etc., le « miracle grec »).
Ne vous faites plus de mouron, Daniel Schneidermann vous qualifie de prophète ce matin dans son billet de ASI :
« N’empêche : cette mesure a toutes les apparences d’un véritable coup de massue, le premier, donné à la spéculation, en la privant d’un de ses joujoux les plus diaboliques, et les plus immoraux. C’était la principale mesure préconisée par Paul Jorion, lorsqu’il était venu sur notre plateau (écoutez le détail de ses explications). Sur son blog, d’ailleurs, Jorion ne s’est pas privé d’applaudir, toute la journée d’hier. Il va même jusqu’à estimer que la mesure préfigure la naissance d’un « euro vitaminé », rassemblant l’Allemagne et sa zone d’influence, et qui se distinguerait d’un euro atone (devinez qui serait la vedette de l’euro atone). « Je ne sais pas pourquoi, mais je ne donne pas l’ Allemagne perdante », écrit-il. Ah, Paul, si je peux me permettre, il faudrait savoir pourquoi, justement. Et l’expliquer. Quand on a accédé au statut de Prophète National, on a quand même quelques obligations. »
Ceci est la première partie du billet de Schneidermann.
« Oui, d’être dans l’erreur, c’est, au contraire de Socrate, ce qu’on redoute le moins. Fait qu’illustrent sur une grande échelle d’étonnants exemples. Tel penseur élève une bâtisse immense, un système, un système universel embrassant toute l’existence et l’histoire du monde, etc., – mais regarde-t-on sa vie privée, on découvre ébaubi ce ridicule énorme, qu’il n’habite pas lui-même ce vaste palais aux hautes voûtes, mais une grange à côté, un chenil, ou tout au plus la loge du concierge ! Et qu’on risque un mot pour lui faire remarquer cette contradiction, il se fâche. Car que lui fait de loger dans l’erreur, pourvu qu’il achève son système… à l’aide de cette erreur. »
S. Kierkegaard, Traité du désespoir.
et encore, cette fois pointant notre cerveau en maître,
Antonio Damasio interrogé par un économiste:
This Time With Feeling
http://fora.tv/2009/07/04/Antonio_Damasio_This_Time_With_Feeling
pour ne pas se laisser corrompre par l’égo, ce contempteur des corps…
« Ce que les sens éprouvent, ce que reconnaît l’esprit, n’a jamais de fin en soi. Mais les sens et l’esprit voudraient te convaincre qu’ils sont la fin de toute chose : tellement ils sont vains »,
Nietzsche
http://www.lexpress.fr/actualite/economie/l-europe-pourrait-etre-la-grande-victime-de-la-crise_893298.html
Attali penche pour une forte inflation, contrairement à F Leclerc et P Jorion qui penchent pour la déflation
Ce cher Jacques qui a fait tant de bien à la France en 83. Il oubli une solution pour dissoudre la dette, tout simplement ne pas la payer, mais encore faudrait il que le peuple décide, c’est drôle il n’en parle jamais.
à noter, François Leclerc devient hésitant sur la déflation.
@Galien
http://en.wikipedia.org/wiki/Jubilee_%28Biblical%29
et cherchez « debt » dans le texte (Ctrl+F « debt »)
C’est bien pour cela que les citoyens acceptent d’avoir une dette inaliénable envers la République, mais quand la République elle même est endetté au près d’une organisation, on opère un transfert de dette.
C’est bien le problème, l’endettement doit rester ontologiquement lié à la République c’est à dire l’État, sinon on change de régime politique à cause de ce transfert.
Ce soir sur France 2:la pensée unique ‘en tournée’…dans à vous de juger…..
http://programmes.france2.fr/a-vous-de-juger/62940547-fr.php
Ce n’est pas vous qui le dite, mais vous auriez pu, c’est Mélenchon :
« Passé le dégout que ces gens m’inspirent, d’un autre côté je ressens aussi l’incroyable énergie que donne le sentiment d’avoir vu juste pendant toutes ces années où le monde du casino triomphait ! L’autre jour Stéphane Bern – mais oui- dans l’émission « le fou du roi »à laquelle je participais, disait que des gens comme moi passaient pour des extra terrestres il y a quelques années et que, à présent, ce que nous disons « va de soi ». Ce genre de franchise n’est pas dans les moyens du commentateur politique traditionnel qui, lui, est trop intelligent pour reconnaitre l’ombre d’une erreur d’appréciation au cours des dix dernières années ou même des cinquante dernières qu’il est éditorialiste au « Nouvel Observateur ». »
Grèce : des milliers de manifestants à Athènes contre la rigueur
jeudi 20 mai 2010, 12:25
Plusieurs milliers de personnes manifestaient à Athènes à l’appel des grands syndicats à l’occasion de la quatrième grève générale organisée contre l’austérité et une réforme des retraites. Un premier cortège organisé par le front syndical communiste Pame a fait défiler quelque 4.000 personnes selon une source policière jusqu’au ministère du Travail, dans le calme, sous des calicots appelant à « Résister » et à « Mettre fin à la politique anti-populaire ». Pendant ce temps, plusieurs milliers de manifestants commençaient à la mi-journée à marcher vers le parlement, à l’appel des deux grandes centrales du pays, la GSEE pour le privé et l’Adedy pour le public. « Tous en lutte » et « les retraites ne doivent pas être soumises au marché », proclamaient des banderoles.
@Nicks
je suis tout à fait d’accord avec vous, le problème de l’ endettement a commecé quand la dette publique a été confiée au marché. En France il date exactement de la loi du 3 janvier 1973 portant sur la réforme des statuts de la Banque de France. Nous trouvons en particulier cet article 25 qui bloque toute possibilité d’avance au trésor:
» Le trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de Banque de France ».
Cette décision correspond à une privatisation de l’argent et ramène la Nation au même rang que n’importe lequel de ses citoyens.
Cela s’est ensuite accentué dans les années 80 sous l’impulsion de la mondialisation TAHTCHER-REAGAN
J’étais dejà intervenu dans ce sens dans des précédents blogs.
Cette idée ne semble pas avoir la faveur de Mr. P. JORION. Pourquoi?
Ne serait-il pas possible de retrouver un mode de financement pour les investissements des Etats(je ne parle pas du budget de fonctionnement) du même genre auprès de BCE?
Vous devez faire erreur, je ne vois aucune raison pour laquelle Paul Jorion s’opposerait à la loi Pompidou Giscard qui stipule dans son article 25
Tout le monde sait que c’est le début de la fin, à moins de penser que le marché soit le plus légitime à décider du sort des peuples.
Anne a très bien parlé,
Vous ne devriez plus tout dire Mr Jorion cela n’y changera rien, gardez donc plutôt cela pour vous et vos plus proches ami(e)s comme le reste de vos réflexions vous aurez au moins avertis le plus de gens avant que les choses ne se gâtent davantage à l’antenne et ça c’est déjà beaucoup je trouve pour mieux être aussi en paix avec soi-même comme avec sa conscience.
Pourquoi chercher à redire sous une forme ce qui a déjà bien était dit auparavant et dans une forme sans doute bien plus poétique et allégorique que la plupart de nous autres tétards réunis.
Tout le monde tient le beau pour le beau, C’est en cela que réside la laideur. Tout le monde tient le bien pour le bien, C’est en cela que réside le mal. [Lao-Tseu]
La révolution combat aussi pour la beauté. Aidez-nous aussi comme Jérémie afin de mieux chasser la grande laideur morale du monde, mais pas seulement de nos élites bancaires. [Anonyme]
Le plus grave ce n’est peut-être pas la laideur d’une femme au chômage, mais bien plus la plus grande laideur morale d’une autre derrière un bureau, ça croyez-moi c’est beaucoup mieux aussi.
Il faut dire et redire c’est bien la laideur et la bétise qui mène tout droit le monde à l’abime.
[Tahar Ben Jelloun]
Si elle est belle parle-lui de sa beauté ; mais si elle ne l’est toujours pas derrière un bureau
ne dit surtout rien, de peur qu’elle ne t’aime davantage encore avec les crocs [Anonyme]
Il est frappant de constater combien la laideur morale est toujours la plus bête. [Amélie Nothomb]
Ha si la bureaucratie pouvait les rendre moins laides, les gens seraient déjà un peu plus incités
à penser par eux-mêmes, mais non on préfère bien encore penser à leur place avec des bêtes.
Enfin si c’est pour le bien de la société tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.
nous avons Michel Onfray pour prendre la relève et redorer le blason !
Michel Onfray, c’est quand même celui qui en cinq mois a émis un avis définitif sur une discipline que Lacan a interrogé pendant 50 ans…
Je lis votre phrase Karluss, et je la trouve un peu réductrice.
Il y a Onfray le prolifique bien sûr, mais vous en oubliez tant d’autres, qui tiennent très haut les exigences de la pensée et dorent magnifiquement le blason de l’intelligence. Il y a aussi tant de cinéastes « citoyens », d’écrivains « conscientisés » et de chanteurs « engagés ». Il me semble d’autres part que, parmi les guides de la décennie 1975-1985, BHL n’a pas décroché, et que Philippe Sollers et André Glucksmann bougent encore.
Rassurons-nous. Pas plus que dans la décennie 1975-1985, les Maîtres Censeurs ne manquent aujourd’hui. Le moderne est bien pensé.
oui, c’était pas exhaustif, il y a des Grands comme Gilles Deleuze, Marc Sautet, François Leclerc, etc.
@ Karluss,
Beau mouvement pour contourner l’albatros et le Jean-Luc.
J’ai appris l’année dernière le nom anglais de la technique que vous utilisez ici, cela s’appelle du « name droping » (« largage de nom » en français). Les paroliers de chanson utilisent cette technique pour donner du sérieux à la variété (on cite un nom de peintre, de romancier ou de philosophe et la chanson prend de la hauteur -et un petit vernis culturel- à peu de frais).
On peut aussi appeler ça un inventaire à la Prévert:
Un Onfray
une relève à prendre
un blason à redorer
…des Grands
un Gilles Deleuze
un Marc Sautet
un François Leclerc
un etc.
une pierre
deux maisons
trois ruines
quatre fossoyeurs
un jardin
des fleurs
un raton laveur
@ Jean Luc
c’est pas sympa pour Brassens ce que vous dîtes !
il est vrai que Michel Onfray s’attaque à une sorte de religion, une secte, et des fanatiques peuvent réagir ; il sait vivre dangereusement ! n’est-il pas ?
@ Karluss,
C’était surtout pas très sympa pour vous, pardonnez-moi. Je trouvais que vous bottiez en touche.
J’ai lu depuis, ailleurs, un commentaire où vous développiez un peu plus, à propos de Marc Sautet (et peut-être de Michel Onfray mais je n’ai pas trouvé).
J’espère que vous comprenez le sens de ma remarque. Lâcher un nom ne suffit pas.
Je n’ai pas lu tous les échanges qui suivent cet article de Jorion daté de 1986, et notamment les commentaires sur la différence que l’on peut faire entre « maîtres penseurs » et « maîtres à penser ».
Voici la différence que je fais:
Il me semble que Michel Onfray, par l’énorme travail qu’il abat au sein de son université populaire de Caen et par la diffusion des enregistrements de ses cours (ainsi que par son très important travail littéraire) est un excellent maître à penser. C’est à dire une personne qui apprend à penser, comme Marc Sautet le faisait, ou mon professeur de philosophie de lycée. Ces hommes sont éminemment nécessaires dans une époque où une partie de la pensée s’est transformé en opinion, et où les techniques de formulation de la pensée tendent à ce perdre un peu (comme toute activité humaine la pensée est une technique qui s’apprend avec de bons maîtres, et doit se transmettre de génération en génération, au risque sinon de se perdre dans le temps, irrémédiablement).
Il y a donc des maîtres à penser (comme il y a des maîtres d’apprentissage dans toutes les activités humaines), et il y a les maîtres penseurs. Je mets ceux-là au rang des grands maîtres de toutes les disciplines.
Je ne crois pas que l’on puisse aujourd’hui placer Michel Onfray au rang des maîtres penseurs. Je l’ai lu et écouté, depuis de nombreuses années. J’ai été souvent séduit par l’élégance et la fluidité de ses mots, par son érudition acquise à la fréquentation des meilleurs penseurs, par sa très grande capacité méthodologique, par ses pirouettes conceptuelles et son savoir-faire intellectuel. Toutes choses qui définissent un très bon technicien de la pensée.
Cependant la belle technique ne suffit pas, et peu parfois virer à l’afféterie. C’est un peu un travers que je trouve chez Onfray; peut-être la rançon de ses années de cours et de sa plus récente exposition médiatique. Il lui faut séduire l’auditoire.
Cette exposition médiatique des dernières années l’ont amené à donner son avis sur tout, et à essentiellement désigner des « méchants » (comme les BHL, Sollers ou Glucksmann, ces types qui se fabriquent de toutes pièces de grands adversaires pour paraître plus grands, et n’ont pour toute pensée que des anathèmes et des excommunications à offrir). Il est devenu ainsi un donneur de leçons de plus, rejoignant les rangs des « maîtres censeurs », ces gardiens de la liberté de penser au milieu des balises de la correction politique du moment.
Regardons les combats qu’il s’est choisi. Lutter contre Dieu? attaquer Freud? …marotte bourgeoise et terrorisme de salon. Tempête dans le Landerneau Germanopratin. Passage obligé du politiquement correct millésimé 2010.
Autres « combats »: On l’a vu en 2007 devenir un porte parole de l’anti-sarkozisme le plus creux. On l’a vu se rallier à la bannière du NPA de Besancenot. On l’a vu, ces trois dernières années, hurler avec les loups anti-catholiques (vous appelez ça « vivre dangereusement » Karluss). On l’a entendu à propos de l’Europe ou de la burqa. Je ne serais pas étonné qu’il ait eu quelque chose à dire à propos de « la-main-de-Thierry-Henry ».
Il en arrive à n’être plus qu’un agent médiatique, un excipient de plus, un élément de l’air du temps, un fragment de la modernité modernante, perdu au milieu des palanquées de « chanteurs engagés » ou de « cinéastes citoyens ». Bof.
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Post-scriptum:
Brassens ne faisait pas du « name droping » en composant « Gastibelza », ou en citant Corneille dans sa « Marquise ». Non plus Nougaro écrivant « Armstrong ».
Je pensais plutôt à Souchon composant « Somerset Maugham », à France Gall chantant « Cézanne peint », ou à Florent Pagny couinant « Un mot de Prévert » (arrrgh! il salit tout décidément celui-là!).
Flûte! commentaire écrit trop vite.
Je parle en post-scriptum de Brassens « composant » Gastibelza, alors qu’on m’avait appris il y a longtemps qu’il s’agissait d’un poème de Victor Hugo. Je voulais dire « chantant » Gastibelza.
En cherchant sur Internet si Brassens en avait composé la musique, j’ai vu qu’il avait déjà existé une musique sur ce poème, une musique composée par Hippolyte Monpou, et que la chanson avait été « crée » le 14 mars 1837 (je n’ai pas trouvé l’heure précise, désolé). J’ai trouvé une page reproduisant cette musique ( http://brassens.ratau.de/gastibelza.html ), mais comme je ne connais rien au solfège, je suis bien incapable de la comparer avec la musique de Brassens! (il paraît, d’après renseignement trouvé dans « La chanson française pour les Nuls » de Bertrand Dicale, que la métrique est identique -ce qui ne m’avance pas beaucoup).
Et voilà ti pas que je viens de faire un beau « largage de noms » (mais, heureusement, je n’en ai pas fait une chanson!)
« dans l’invention des maîtres penseurs les médias se trompent moins souvent sur la qualité que la logique interne de la célébration des diverses disciplines »
Je trouve intéressante la distinction implicite qui est établie entre les maîtres penseurs et les maîtres à penser.
Maîtres penseurs invite à penser que la pensée n’est pas le monopole de quelques uns.
L’idée de maîtrise est conservée, c’est à dire relative au développement d’une pensée singulière et comme telle susceptible d’être transmise et donc comprise. La pensée elle-même demeure égale en dignité et en possibilités partout. A l’inverse, le maître à penser est anti-démocratique car la relation pédagogique qui s’instaure entre le maître et l’élève suppose que seul le maître est en situation de pouvoir dire ce qui peut être pensé et comment il faut penser. Cette relation pédagogique renvoie en réalité à une question de pouvoir. Dans ce cas est niée la faculté que possède l’élève de pouvoir réfléchir par lui-même, de même qu’est nié tout son parcours antérieur à la rencontre avec le maître. Jacques Rancière en parle très bien dans Le Maître ignorant .
Ce qui fait le maître penseur c’est sa capacité d’enrichissement de la pensée des autres, et dans le meilleur des cas quand cette pensée porte sur le comment vivre ensemble.
Certes parfois le maître penseur n’échappe pas à la tentation du maître à penser et parfois, de son point de vue, pour les meilleures raisons, celle relatives à sa volonté de transformation des choses. C’est là l’affaiblissement d’une pensée passée par le filtre médiatique. Mais peut-on s’adresser au plus grand nombre, compte tenu de la nature des médias, sans avoir recours aux effets rhétoriques, aux arguments d’autorité ? C’est de toute évidence la règle du jeu médiatique, surtout à la télévision.
Sur le constat à propos du meilleur flair des médias pour détecter les vrais inventeurs de la pensée relativement à leur célébration par les cercles académiques, cela n’est pas douteux.
Mais quant à la question de savoir si les médias se trompent ou non sur la qualité des inventeurs, je serais beaucoup plus circonspect. Avec la complicité des médias des idéologues se firent véritablement passer pour des maîtres penseurs, que l’on désigne plus communément sous l’appellation « intellectuel », le mot intellectuel ne devant pas être compris ici au sens de ceux qui font profession d’exercer leur intelligence, mais au sens de ceux qui réfléchissent le monde et le font savoir, pour le transformer.
Quels étaient les noms affichés au firmament médiatique du début des années 80 ?
Ce sont les « nouveaux philosophes » Bernard Henry Lévy, André Glucksman, Alain Finkelkraut.
Tous ces intellectuels se sont durablement installés dans le paysage médiatique français.
Leur « qualité » fut incontestablement marquée du sceau médiatique. Pour ce qui concerne spécifiquement les nouveaux philosophes Deleuze dès 1977 proposait une sérieuse analyse de leur nullité
Coté « économistes » il y avait Alain Minc et Guy Sorman, Jean-Jacques Servan schreber, et aussi Jacques Attali. J’en oublie sans doute quelques uns.
Tous ces « intellectuels » eurent indéniablement une influence idéologique sur la société, la politique, et nombre d’entre eux sont toujours là, l’un d’entre eux, Alain Minc, sussurre même aujourd’hui à l’oreille du président. J’insiste sur celui-ci car il fut une époque où y compris dans les journaux de gauche ou du centre, comme le Nouvel Observateur et le Monde, il passait pour un intellectuel éclairé, y compris à gauche.
C’est désormais moins sans doute le cas pour Minc et Sorman, le courant de pensée — libéral — qu’ils représentent subissant par trop le désaveu qu’opère à leur égard la crise, Attali, plus au fait des transformations du système et d’inspiration plus sociale-libérale, tirant son épingle du jeu — médiatique — en brossant une critique sévère du capitalisme financier sans toutefois remettre en question le capitalisme dans son ensemble.
Avec le recul, bien entendu, Minc pouvait passer pour être de gauche dans la mesure où le principal parti de gauche, à savoir le parti socialiste, s’appropria dès les années 80 le crédo libéral. A titre d’exemple rappelons que Minc, aujourd’hui l’archétype des âmes damnées du capitalisme français, fut le premier idéologue à substituer dans les années 80 l’idée d’équité à celle d’égalité. Et je ne parle pas de son letmotiv de la nécessaire modernisation de la société française, terme vague qui signifie en réalité libéralisation économique, société à plusieurs vitesses.
Minc n’était pas original car il faisait que transmettre des idées venues d’outre-Altantique, celle par exemple de discrimination positive. Attali, déjà plus systémique dans ses analyses, reprenait les thèses de Braudel, sur l’économie-monde, pour décrire les différentes phases de l’évolution du capitalisme.
Bref, pour reprendre l’idée de Deleuze, ils ne créent aucun concept nouveau, aucune analyse vraiment originale. Et pourtant on leur reconnaissait volontiers la qualité d’intellectuel, intellectuel médiatique dirait-on aujourd’hui rétrospectivement pour différentier ce type d’intellectuel de l’intellectuel qui a pu se constituer originellement ailleurs que dans le milieu médiatique.
C’est une caractéristique de ces intellectuels que leur existence est inséparable des médias, à la différence d’autres intellectuels qui ont pu faire un long parcours avant d’accéder à la consécration des journaux, magazines et télés.
Aujourd’hui la situation est différente car la crise est passée par là. Ou plutôt nous sommes passés d’une crise larvée — la crise sociale — à une crise du système global, et qui touche son coeur, à savoir la finance, avec en retour un renforcement de cette même crise sociale.
Les « intellectuels » précités accompagnèrent le mouvement de dépolitisation consécutif à mai 68, mouvement dans lequel ils furent pourtant pour beaucoup engagés. Ils devinrent ainsi les théoriciens de l’ignominie de toute idée de révolution, toute idée de révolution devant toujours selon eux conduire au pire, et ainsi d’aboutir toujours à la même conclusion : l’économie de marché ou plus rigoureusement, le capitalisme, se doit d’être tenu pour indépassable. Le point d’aboutissement de cette idéologie qui s’apparentait déjà au néo-conservatisme fut au début des années 90 la thèse de Fukuyama sur la fin de l’histoire.
Ainsi exonérée de toute critique radicale, la réflexion se porte sur des menaces extérieures l’Union soviétique, ou intérieures avec l’affaiblissement de la pensée réduite à un déficit moral, déficit qui concerne les dispositions morales nécessaires à l’exercice de l’autorité et non pas bien entendu la sphère économique qui est d’emblée soustraite à tout jugement moral. C’est le grand paradoxe d’une pensée qui se veut morale mais en réduit le périmètre d’application avec tant d’acharnement.
Aujourd’hui le coeur du capitalisme est atteint, alors logiquement, les médias, en phase avec le cours des évènements, se tournent plus volontiers vers les voix jusqu’ici discordantes et font état du mal qui ronge le système. Les médias même s’ils subissent les contraintes financières du système capitaliste, ne peuvent être des organes de pure propagande, auquel cas ils perdraient leurs lecteurs, auditeurs. La diversité reprend ainsi quelque peu ses droits.
L’arrivée d’Internet change aussi la donne car il permet à certains penseurs authentiques de court-circuiter les médias traditionnels, lesquels les remarquent désormais sur le net.
Bien entendu s’agissant des intellectuels cités plus haut je me référais au quantitatif, le qualitatif relevant de l’assimilation du quantitatif au qualitatif opéré par la règle du jeu médiatique, plus proche désormais du marketing que du débat conséquent. A coté de tous ces intellectuels médiatiques, il y avait d’authentiques intellectuels, des maîtres penseurs, dont la notoriété médiatique n’était pas nulle, mais qui de toute évidence était loin d’égaler celle des premiers. Dans ces années là Bourdieu et Deleuze prirent le relais des Lacan, Foucault, Sartre. Edgar Morin ou Michel Serres marquèrent aussi leur époque.
Et puis il y a tous ceux qui tapis dans l’ombre attendaient leur heure et dont les pensées émergent aujourd’hui dans le débat public. Paul est manifestement de ceux-là. D’autres morts trop tôt ou moins en phase avec le coeur d’une actualité surtout économique et financière, n’ont pas eu cette chance, mais leurs oeuvres demeurent, prêtes à enrichir, questionnner d’autres pensées d’aujourd’hui et sans doute de demain.
Je pense par exemple aux analyses de feu Henri Meschonnic (1932-2009) dans le domaine de la poétique, champ a priori purement littéraire, mais qui ouvre chez lui à l’éthique et au politique, notamment lorsqu’il abolit la coupure artificielle qui s’établit traditionnellement entre prose et poème, le critère du poétique ne devant plus se trouver selon lui du coté de la métrique, donc du retour du même, mais du coté du rythme, un rythme porté par ce qu’il appelle l’historicité radicale du langage, s’inscrivant ainsi dans la lignée de Humbold, de Saussure (pas le Saussure du cours de linguistique générale revisité par le structuralisme mais celui des Ecrits de linguistique générale.) et enfin de Benveniste.
C’est un penseur important car il a travers ses oeuvres dialogué avec toute la culture de son époque, faisant sur la question du langage oeuvre de critique radicale ou partielle y compris d’ailleurs de Bourdieu ou Lacan même si pourtant Meschonnic considère comme Lacan que le discours n’est fait que de signifiants. Un débat entre Paul Jorion et Henri Meschonnic n’aurait pas manqué d’intérêt, Paul opposant la logique aristotélicienne à une transcendance du signifiant qu’il identifierait peut-être dans la la théorie du langage de Meschonnic à travers la catégorie du rythme, encore que Meschonnic comme Jorion fasse une grande place à l’affect. C’est donc dans des détails qu’il aurait été possible de voir où se situent les désaccords fondamentaux et les possibles proximités. Bref, l’histoire intellectuelle est pleine de ces rendez-vous manqués. De ces penseurs originaux qui ne se rencontrent pas. Ou plus tard, dans la pensée d’autres penseurs.
On peut supposer en effet que les quelques noms cités correspondent bien au « chiendent » évoqué par Paul. Et Dieu sait si cette engeance bénéficie d’une « vivacité » , d’un caractère envahissant et nocif pour le milieu colonisé, pas même compensé par quelque atour décoratif…
Tout juste ai-je pu constater, avec un soulagement non feint, que le seul fait de ne plus rien tenter contre lui pouvait l’amener à s’épuiser tout seul, jusqu’à en crever d’une sorte de dépit auto- destructeur. Comme si l’absence d’égards d’un adversaire, jointe à la raréfaction de la place à prendre provoquaient une asphyxie fatale, une inanition mortelle.
Pour les maîtres à penser, sans connaitre l’auteur premier de l’expression, il est assez significatif que ce soit, ici et maintenant, toujours le sens de « maîtres de pensée » = « maîtres d’école de pensée » = « directeurs de conscience » qui soit entendu. Pourquoi pas « maître que je pense » et donc critique, « mettre à penser » ou « maître à panser »! C’est au moment du début de la grande repentance intellectuelle vis à vis de « l’intellectualisme engagé » que cette expression s’est répandue, avec l’apparente nostalgie de nos chers disparus (qui faisaient vendre de l’obs ou du Libé en première page…) mais surtout le message implicite: fin des idéologies et bientôt fin de l’histoire, on les aimait bien mais on en veut plus…
Comme si les sartriens, les structuralistes, les situationnistes, les marxistes et les électrons libres qu’on essayait en vain de rattacher, les Deleuze, Derrida, Rancière, Illitch, Bourdieu et consorts n’étaient que les derniers feux d’un monde révolu. Comme si la voie glorieuse qui s’ouvrait alors ne pouvait être que celle d’ un monde, d’une pensée du monde et du politique, dépouillés des dogmes, ouverts et pacifiés. Comme si la nouvelle philosophie, vendue comme telle, n’avait pas comme seule définition de n’être ni nouvelle, ni une philosophie mais juste une habile opération marketing pour vendre en sous main le révisionnisme repentant de ces folles années de « dérive idéologique » et installer enfin au firmament de la vision panoramique et prophétique le si consensuel Saint Raymond Aron. Pensez donc! Un si dévoué inamovible Président du Congrès pour la Liberté de la Culture, un si proche ami du si peu soupçonnable de marxisme Von Hayeck, plus éloigné de toute idéologie et de toute image de maître à pensée, ya pas!
@Pierre Yves D.
« Maîtres penseurs » est précisément le titre d’un ouvrage de Glucksmann paru à la fin des années soixante-dix. Le passage est un peu long, mais comme il est à propos, voici un extrait de l’excellent Lyber Zones.
« De l’autre côté de la scène, de jeunes « entrants » dans le champ intellectuel de l’époque, les « nouveaux philosophes », font de l’« antitotalitarisme » leur fonds de commerce. L’année 1977 – que nous avons choisie comme limite de la période historique abordée dans ce chapitre note – est celle de leur consécration médiatique. André Glucksmann et Bernard-Henri Lévy publient respectivement cette année-là : Les Maîtres penseurs et La Barbarie à visage humain note.
La thèse des « nouveaux philosophes » est que tout projet de transformation de la société conduit au « totalitarisme », c’est-à-dire à des régimes fondés sur le massacre de masse, où l’État s’assujettit l’intégralité du corps social. L’imputation de « totalitarisme » est adressée non seulement à l’URSS et aux pays du « socialisme réel », mais à l’ensemble du mouvement ouvrier. L’entreprise « révisionniste » de François Furet en matière d’historiographie de la Révolution française, puis ses analyses relatives à la « passion communiste » au XXe siècle, s’appuient sur une idée analogue. Au cours des années 1970, certains « nouveaux philosophes » – dont beaucoup sont issus de la même organisation maoïste, la Gauche prolétarienne – conservent une certaine radicalité politique. Dans Les Maîtres penseurs, A. Glucksmann oppose la plèbe à l’État (totalitaire) avec des accents libertaires que ne renieraient pas les adeptes actuels de la « multitude », et qui expliquent en partie le soutien qu’il reçut à l’époque de Michel Foucault note. Le temps passant, ces penseurs se sont toutefois progressivement acheminés vers la défense des « droits de l’homme », de l’ingérence humanitaire, du libéralisme et de l’économie de marché.
Au cœur de la « nouvelle philosophie », figure un argument relatif à la théorie. Cet argument a ceci d’intéressant qu’il provient de la vieille pensée conservatrice européenne, et particulièrement d’Edmund Burke. André Glucksmann le résume en une formule : « Théoriser, c’est terroriser ». Burke attribuait les conséquences catastrophiques de la Révolution française (la Terreur) à l’« esprit spéculatif » de philosophes trop peu attentifs à la complexité du réel, et à l’imperfection de la nature humaine. Selon Burke, les révolutions sont le produit d’intellectuels toujours prêts à accorder davantage d’importance aux idées qu’aux faits qui ont passé le « test du temps note ». Dans une veine similaire, A. Glucksmann et ses compagnons soumettent à critique la tendance qui, dans l’histoire de la pensée occidentale, prétend saisir la réalité dans sa « totalité », et entreprend sur cette base de la modifier. Une tendance qui remonte à Platon, et qui, via Leibniz et Hegel, débouche sur Marx et le marxisme. L’assimilation de la « théorisation » à la « terreur » repose sur le syllogisme suivant : comprendre le réel dans sa totalité revient à vouloir se l’assujettir ; or, cette ambition conduit inéluctablement au goulag. On conçoit, dans ces conditions, que les théories critiques aient déserté leur continent d’origine à la recherche de contrées plus favorables.
Le succès des « nouveaux philosophes » a valeur de symptôme. Il en dit long sur les transformations subies par le champ politique et intellectuel de l’époque. Ces années sont celles du renoncement à la radicalité de 1968, de la « fin des idéologies », et de la substitution des « experts » aux intellectuels. »
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=108
@Martine Mounier
Merci pour ce lien très intéressant. Je m’ y suis plongée cet après-midi…
Bien cordialement.
Juste une question, pensez-vous encore que les médias (ceux d’aujourd’hui, et j’exclus les tiers-média de l’Internet – blogs, forums etc.) sont capables d’inventer les « maîtres à penser » ?
C’est mieux que ça : 25 ans d’avance sur cette crise des élites qui se fait de plus en plus criante…l’imposture des nouveaux philosophes fut un coup dur…BHL est davantage dans le bon mot…sur wikipedia, on cite un passage des plus maladroits :
« Chacun sait aujourd’hui que le rationalisme a été un des moyens, un des trous d’aiguille par quoi s’est faufilée la tentative totalitaire. Le fascisme n’est pas issu de l’obscurantisme, mais de la lumière. Les hommes de l’ombre, ce sont les résistants… C’est la Gestapo qui brandit la torche. La raison, c’est le totalitarisme. Le totalitarisme, lui, s’est toujours drapé des prestiges de la torche du policier. Voilà la « barbarie à visage humain qui menace le monde aujourd’hui. »
Se croyant poète, il fait une métaphore filée et puis ça finit en non sens, si c’était écrit avec humour, ce serait du génie (essayez de prendre l’intonation de Desproges en lisant ce texte et vous rirez tout seul).
Pourtant, s’interroger sur les lumières (dépasser l’horizon des lumières), ce n’est pas une si mauvaise idée que ça, ça peut être salutaire en quelque sorte…je dirais même que le libéralisme (économique notamment) est un enfant des lumières (de Voltaire notamment)…le dernier chapitre de Candide est révélateur et puis Adam Smith fut influencé par ce même Voltaire.
Bonsoir à tous
Personne n’a relevé la différence qu’il y a entre maître penseur et maître à penser.
Un maître penseur, comme un maître verrier ou maître charpentier est un homme qui maîtrise son art. Alors il inspire les compagnons et apprentis qui prennent la même voie. Il est un exemple à suivre un certain temps puis à dépasser et non un modèle . Un de mes maîtres dit souvent: être écrivain, philosophe ce n’est pas seulement écrire ou penser mais écrire ou penser en ayant conscience de s’inscrire dans une tradition …. de même René Char, je crois, rappelait que toute pensée s’appuie sur une autre telle une brique d’un mur.
Par contre, maître à penser en fin de compte se résume à une variété de mètre étalon. Une seule mesure, une seule langue! la tour de Babel! Dans ce sens il est à rejeter comme le précisait ici Lizt.
Et comme un grand maître l’imposait: » Pour vous ne vous faites pas appeler Maître, oui vous n’en avez qu’un et vous êtes tous frères » évangile selon St Matthieu, 23-8
Cordialement
Steve,
Si ! Voir commentaire 15:21 😉
Nos points de vue sont d’ailleurs assez proches.
Vous insistez sur la tradition dans laquelle s’inscrit le maître penseur tandis que
je souligne la dimension politique — démocratique, dialogique — du maître penseur.
Dans tous les cas le maître suppose une excellence, ce en quoi il est dit avoir la maîtrise de son sujet, même si, et c’est ce qui le distingue du maître à penser, la maîtrise du maître penseur est une maîtrise perfectible et qui plus est ce qui fait véritablement le maître est moins son savoir en tant que tel que cette distance sans cesse renouvelée que le penseur maintient entre lui et son objet de connaissance.
L’analogie que vous établissez entre le maître et le mètre pour définir le maître à penser est je trouve très bonne.
Diable oui, les maitres artisans sont bien ces gens qui embêtent les deux bords de la philosophie.
Ni théoriciens purs, ni expérimentateurs purs.
Ni chercheurs purs, ni conservateurs purs.
Je conseille les ouvrages illuminant de Richard Sennett à ce sujet.
Artisant = Demiourgos chez les grecs, n’ont pas le beau rôle, ont partie liée avec Hades.
Et pourtant dans l’histoire en Occident, ils sont toujours sur le « mascaret » de la transmission du savoir.
Soit ils se perfectionnent tant que leur savoir est intransmissible (Cellini, celui de la salière en or, Stradivarius), soit ils enseignent beaucoup à leurs élèves qui en moyenne n’y arriveront pas aussi bien, les futurs maitres « innovants » seront forcément un peu des « cygnes noirs » ou des « mavericks » à leur façon, pas si souvent héritiers d’un maitre (Giotto). Enfin, Sennett le dit 100 fois mieux.
En tout cas, ils sont des « détenteurs du long-termisme » cet ingrédient qui nous manque…
Dans les maîtres à penser, n’oubliez pas le schizomètre
@Pierre Yves & Timiota
merci pour votre continuité. Vous avez raison: selon André Neher, la perfection de l’homme c’est sa perfectibilité! Et Durckheim: l’homme progresse par imitation puis par répétition puis par transgression
Ainsi, les maîtres futurs, quelle que soit leur discipline , devront à tout le moins égaler leurs propres maîtres et mieux encore les dépasser…
Souvenons nous d’un musicien comme Miles Davis: à ses débuts, le be bop, des phrases virtuoses, une révolte contre les anciens, assez de mépris , du moins affiché en public, pour Armstrong ( Miles n’aura jamais sa puissance d’attaque) et vers la fin, il me souvient de son dernier concert, halle de la Villette, une économie parfaite, quelques notes suffisantes pour emporter et cadrer tout son orchestre, son dernier morceau ce soir là:Dodo l’enfant do! Là on atteint au mystère de l’être! Il est donc impossible à quiconque de faire plus de Miles que Miles mais un nouveau maître peut aller plus loin selon son propre style. C’est alors que l’individuel se dépasse pour atteindre à l’universel. Menuhin jouait du Bach dans la brousse et les maîtres tambours embrayaient en riant sans le moindre problème….
Cordialement.
Gastibelza
Victor Hugo
Gastibelza l’homme à la carabine
Chantait ainsi
Quelqu’un a-t-il connu Dona Sabine
Quelqu’un d’ici ?
Chantez, dansez, villageois la nuit gagne
Le Mont Falu
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Quelqu’un de vous a-t-il connu Sabine
Ma Senora
Sa mère était la vieille maugrabine d ’Antéquarra
Qui chaque nuit criait dans la Tour Magne
Comme un hibou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Vraiment la Reine eut, près d’elle, été laide
Quand vers le soir
Elle passait sur le pont de Tolède
En corset noir
Un chapelet du temps de Charlemagne
Ornait son cou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Le Roi disait en la voyant Si belle
A son neveu
Pour un baiser, pour un sourire d’elle
Pour un cheveu
Infant Don Ruy, je donnerais l’Espagne
Et le Pérou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Je ne sais pas Si j’aimais cette dame
Mais je sais bien
Que pour avoir un regard de son âme
Moi, pauvre chien
J’aurais gaiement passé dix ans au bagne
Sous les verrous
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Quand je voyais cette enfant moi le pâtre
De son canton
Je croyais voir la belle Cléopâtre
Qui, nous dit-on
Menait César Empereur d’Allemagne
Par le licou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe Sabine un jour
A tout vendu, sa beauté de colombe
Tout son amour
Pour l’anneau d’or du Comte de Saldagne
Pour un bijou ;
Le vent qui vient à travers la montagne
M’a rendu fou.
Ah ! Victor Hugo, j’irais moi aussi à son enterrement. Wikipedia : « On considère que plus d’un million de personnes et de nombreuses délégations se sont déplacées pour lui rendre un dernier hommage, le cortège vers le Panthéon s’étire sur plusieurs kilomètres ».
Et Sara la baigneuse, vous connaissez ?
Sara la baigneuse
Victor Hugo
Sara, belle d’indolence,
Se balance
Dans un hamac, au-dessus
Du bassin d’une fontaine
Toute pleine
D’eau puisée à l’Ilyssus ;
Et la frêle escarpolette
Se reflète
Dans le transparent miroir,
Avec la baigneuse blanche
Qui se penche,
Qui se penche pour se voir.
Chaque fois que la nacelle,
Qui chancelle,
Passe à fleur d’eau dans son vol,
On voit sur l’eau qui s’agite
Sortir vite
Son beau pied et son beau col.
Elle bat d’un pied timide
L’onde humide
Où tremble un mouvant tableau,
Fait rougir son pied d’albâtre,
Et, folâtre,
Rit de la fraîcheur de l’eau.
Reste ici caché : demeure !
Dans une heure,
D’un oeil ardent tu verras
Sortir du bain l’ingénue,
Toute nue,
Croisant ses mains sur ses bras.
Car c’est un astre qui brille
Qu’une fille
Qui sort d’un bain au flot clair,
Cherche s’il ne vient personne,
Et frissonne,
Toute mouillée au grand air.
Elle est là, sous la feuillée,
Eveillée
Au moindre bruit de malheur ;
Et rouge, pour une mouche
Qui la touche,
Comme une grenade en fleur.
On voit tout ce que dérobe
Voile ou robe ;
Dans ses yeux d’azur en feu,
Son regard que rien ne voile
Est l’étoile
Qui brille au fond d’un ciel bleu.
L’eau sur son corps qu’elle essuie
Roule en pluie,
Comme sur un peuplier ;
Comme si, gouttes à gouttes,
Tombaient toutes
Les perles de son collier.
Mais Sara la nonchalante
Est bien lente
A finir ses doux ébats ;
Toujours elle se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas :
» Oh ! si j’étais capitane,
» Ou sultane,
» Je prendrais des bains ambrés,
» Dans un bain de marbre jaune,
» Prés d’un trône,
» Entre deux griffons dorés !
» J’aurais le hamac de soie
» Qui se ploie
» Sous le corps prêt à pâmer ;
» J’aurais la molle ottomane
» Dont émane
» Un parfum qui fait aimer.
» Je pourrais folâtrer nue,
» Sous la nue,
» Dans le ruisseau du jardin,
» Sans craindre de voir dans l’ombre
» Du bois sombre
» Deux yeux s’allumer soudain.
» Il faudrait risquer sa tète
» Inquiète,
» Et tout braver pour me voir,
» Le sabre nu de l’heiduque,
» Et l’eunuque
» Aux dents blanches, au front noir !
» Puis, je pourrais, sans qu’on presse
» Ma paresse,
» Laissez avec mes habits
» Traîner sur les larges dalles
» Mes sandales
» De drap brodé de rubis. »
Ainsi se parle en princesse,
Et sans cesse
Se balance avec amour,
La jeune fille rieuse,
Oublieuse
Des promptes ailes du jour.
L’eau, du pied de la baigneuse
Peu soigneuse,
Rejaillit sur le gazon,
Sur sa chemise plissée,
Balancée
Aux branches d’un vert buisson.
Et cependant des campagnes
Ses compagnes
Prennent toutes le chemin.
Voici leur troupe frivole
Qui s’envole
En se tenant par la main.
Chacune, en chantant comme elle,
Passe, et mêle
Ce reproche à sa chanson :
– Oh ! la paresseuse fille
Qui s’habille
Si tard un jour de moisson !
Merci monsieur Jorion pour le texte de Gastibelza, et merci de nous offrir Brassens pour accompagner cette soirée.
Creuset d’idées et de controverses dès le point du jour, se transformant certaines fois en agora houleuse, le Blog de Paul Jorion prend parfois, pour le plaisir, des allures de salon. Salon de réflexion ou salon de musique.
Un peu comme si, dans un véritable cénacle, les voix se faisaient plus basses un instant, pour écouter un moment de piano. Petit moment suspendu.
Je ne connaissais pas Sara la baigneuse.
Sara qui se balance près de l’onde d’un bassin, devant nous, cachés, qui attendons d’un oeil ardent qu’elle se baigne.
Sara qui se balance en se rêvant princesse, se baignant dans du marbre jaune.
Sara qui se balance …et qui ne se baignera pas. Elle sera seulement en retard pour le travail du jour.
Sara la baigneuse, hommage aux rêves dont les promesses n’ont pas besoin d’être tenues pour nous combler.
grand Georges (un de p’luss), un mécréant qui se serait allongé sur le divan seulement en compagnie de Sara ou de Sabine 😉
(dans ma liste je rajoute Jean-Luc)
Je reviens précisément sur ce billet, puisque Paul Jorion nous invite à le commenter:
« Vous me direz s’il est (mon commentaire) toujours d’actualité 24 ans plus tard. »
Je comprend que Paul Jorion ait pu écrire ceci, en 1986:
« Un certain rabaissement* de la pensée dans sa traduction médiatique est un faible prix à payer par l’intellectuel pour la garantie d’une vaste écoute, attentive et respectueuse ».
(*en italique dans le texte)
Cela n’est plus vrai aujourd’hui il me semble. Le « prix à payer » n’est plus le même.
Rappelons-nous.
En 1986 la « médiatisation » des intellectuels se limitait à quatre quotidiens nationaux, quatre magazines d’information et quatre chaînes de télévision. Nous étions en quelque sorte captifs lorsqu’un intellectuel venait « parler dans le poste », ou bien faisait la Une du journal. La France l’écoutait. Nous avions une écoute « attentive et respectueuse ».
(Je me souviens par exemple de l’émission « Apostrophes », qui faisait veiller tard des millions de français, avides de ce cadeau qui leur était offert « en direct », d’écouter ce qu’avaient à leur apprendre Nabokov, Borges, Dumézil, Soljenitsyne ou Susan Sontag.)
Aujourd’hui, la médiatisation exponentielle et tous azimuts (que Paul Jorion ne pouvait pas prendre assurément en compte à l’époque de son article) à fini par créer un « bruit » médiatique, qui n’est plus du tout propice à cette écoute « attentive et respectueuse ».
L’intervention d’un intellectuel est à présent considéré comme une des composantes du divertissement (« entertainment » en angliche). Nous ne sommes plus surpris de voir, après un intermède musical et une bordée d’applaudissements, se côtoyer sur un plateau de télévision un intellectuel et la gagnante d’un télé-crochet, pendant que défilent en bas de l’écran des résultats de tennis ou de football (le pire étant lorsque la gagnante du télé-crochet répond à la place de l’intellectuel, à une question de l’animateur à ce dernier, et que cette réponse vaut clôture du débat « sous les rires et les applaudissements du public ». On ne s’étonnera pas que certains intellectuels finissent par refuser les invitations!)
Je constate, grâce à Internet, qu’il existe cependant des émissions de télévision qui donnent encore toute la place aux intellectuels. Cependant, pour « intéresser » le débat, plusieurs pensées contradictoires sont en général invitées à venir s’exprimer ensemble. L’animateur, sortant de son rôle de médiateur, endosse alors les habits de « Monsieur Loyal », et le studio devient une arène. Il s’ensuit des joutes oratoires qui transforment les pensées en « arguments » et en « opinions » contradictoires …et finalement en « bruit ».
Le prix de la médiatisation à payer aujourd’hui par l’intellectuel, n’est plus seulement « un certain rabaissement » de sa pensée, c’est de voir sa pensée irrémédiablement couverte par ce « bruit ». Le prix est de rendre sa pensée « médiatisée » paradoxalement inaudible. C’est un prix exorbitant pour une telle vanité.
Pendant ce temps, les erreurs de jugements de « la logique interne de célébration des diverses disciplines » continue.
A ce propos je viens de lire ce billet de Jorion, où il nous donne -sourire en coin- un élément de fonctionnement de cette « logique » dans les pratiques universitaires:
http://www.pauljorion.com/blog/?p=5499
Alors quoi?
On ne peut plus compter sur la médiatisation traditionnelle des penseurs?
On ne peut plus compter sur les professionnels de la profession de penser?
…
Il nous reste les livres; les penseurs nous y attendent, dans n’importe quelle bibliothèque de quartier.
Il nous reste notre propre capacité de penser, et de transmettre cette pensée.
Il nous reste des formes nouvelles de médiatisation.
Sommes-nous à l’aube de l’apparition d’un nouveau type d’intellectuel?
L’intellectuel « buraliste » ET « internaute »?
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Post-scriptum:
j’ai découvert cet article signé, entre autres, de Dominique Nora: http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/dossier/098407/faut-il-bruler-l-euro.html
…puis la réponse de Jacques Sapir dans Marianne2:
http://www.marianne2.fr/Europe-Jacques-Sapir-repond-au-Nouvel-Observateur_a193058.html
Je ne sais pas si l’aspect polémique est d’un quelconque intérêt, mais des choses sont dites de part et d’autre à propos des sujets débattus sur le Blog de Paul Jorion.
Je propose ceci comme des pièces à verser au dossier.
mais on ne peut pas lire tous les livres, alors l’intello doit continuer de prêcher, parfois dans le désert, certes !
dans l’émission de Pivot, Nabokov buvait du thé, du thé très « fort » …
dans le bruissement du temps se forme la pensée nouvelle !
(je me rajoute dans ma liste, en-dessous de Jean Luc) 😉