La discussion d’hier dans « N’est-il pas temps, alors, de s’engager ? » a attiré mon attention sur une différence importante voire même fondamentale, entre certains d’entre vous et moi-même, alors que nous disons les mêmes choses et semblons pourtant viser les mêmes buts.
Pour moi, le but est clairement défini, disons pour faire vite : « un monde meilleur », et ceux qui s’opposent à ce monde meilleur que j’entrevois, constituent une masse indéterminée qu’il s’agit essentiellement de rallier à mes idées. Pour certains d’entre vous, l’ennemi est clairement défini, alors que le but est moins circonscrit, en gros : « me débarrasser de mon ennemi ».
La différence est cruciale parce que ce qui m’apparaîtra dans ma cause « centrée sur le but », comme une victoire apparaîtra aux yeux de celui « centré sur l’ennemi », comme ma défaite. Ce qui m’apparaît comme le fait d’avoir pu convaincre mon « ennemi d’un jour » après une longue lutte (il ne s’agit bien sûr que d’une première bataille et non de la guerre), apparaît à mon ami « ennemi-centré » comme le fait que je me sois rallié au camp de l’ennemi. Comme il me l’a été dit hier dans un mail anonyme : le fait que Mme Merkel, Mrs Sarkozy, Papandréou, Barroso, réclament désormais une interdiction partielle des paris sur les fluctuations de prix, fait de moi un « vendu ».
Quel est le raisonnement qui conduit là ? Le fait que vous ayiez convaincu l’ennemi fait que vous et lui disiez désormais la même chose, et c’est vous qui parlez donc désormais comme l’ennemi. Si ma mesure avait été bonne, jamais Mme Merkel, Mrs Sarkozy, Papaandréou, Barroso, jamais de tels « ennemis jurés », ne l’auraient adoptée. Or ils l’ont fait, et le faisant, ce n’est pas moi qui les ai fait rejoindre mon camp, c’est eux qui m’ont fait rejoindre le leur. Ou plutôt, ont révélé « qui j’étais vraiment ». La qualité d’ennemi est ici, je l’ai dit, intangible : elle est déterminée une fois pour toutes et rien ne la fera changer ; il ne s’agit pas, dans cette perspective, de convaincre, mais uniquement d’en découdre.
Ceci éclaire il me semble, non seulement la discussion d’hier mais aussi celle qui eut lieu précédemment à propos de la « création monétaire par les banques commerciales » : trier parmi les torts de l’ennemi est une perte de temps puisque son statut d’« ennemi » ne sera jamais mis en cause. Cela explique aussi pourquoi nous procédions, de notre côté, en proposant une démonstration toujours plus fouillée, toujours plus complète, alors que nos opposants s’efforçaient eux d’allonger la liste de ceux qui sont de leur avis. Cet argument « par le nombre » me déconcertait : « Quel importance, le nombre ! », me disais-je, mais le nombre n’est pas indifférent s’il s’agit de se compter, de compter « ceux qui sont comme nous » et « les autres ».
Qu’est-ce qu’il me reste à faire ? Je ne changerai pas de méthode bien entendu : il s’agira pour moi toujours de convaincre. Convaincre cette fois, ceux qui n’en sont pas convaincus, que ce n’est pas l’identité de l’ennemi qui compte mais la nature de l’objectif. Les guerres fondées sur l’ennemi se perdent ou, dans le meilleur des cas, leur issue se détermine au hasard, celles fondées sur le but sont plus certaines d’être gagnées. Et rappelez-vous : la nuit du 4 août, ce sont des aristocrates qui se réunirent pour abolir les privilèges. Merci au duc d’Aiguillon, au vicomte de Noailles, au vicomte de Beauharnais, au duc du Châtelet et aux autres, de vous être laissés convaincre : nous vous sommes toujours redevables.
127 réponses à “Le duc d’Aiguillon, le vicomte de Noailles, le vicomte de Beauharnais et le duc du Châtelet”
Bravo ! Vous êtes dans le vrai. http://www.pauljorion.com/blog/?p=3382#comment-29158
« On est toujours récompensé quand on fait bien son travail ». Firmin D. Ancien ouvrier agricole
http://www.pauljorion.com/blog/?p=8775#comment-64596
Quelle belle récompense ! ca n’est pas parce qu’elle est délicate à gérer qu’il ne faut pas persévérer surtout quand on est à 100% dans sa mission. Merci !
Je suis assez d’accord avec votre texte du jour.
C’est bien le but qui importe.
Et il est vrai que les détenteurs de créances, s’ils ne peuvent plus parier sur les fluctuations des prix des actifs, via les CDS ou directement, ils devront accepter que leurs actifs seraient temporairement ou définitivement invendables, car en maintenant la valeur nominale ou à peu près du titre de créance (il serait interdit de parier sur les fluctuations…), la seule chose qui leur reste possible de faire serait une négociation directe avec le débiteur, par exemple le gouvernement grec, et de voir comment un compromis politique serait possible.
Ce serait une façon d’obliger les plus fortunés à prendre leurs responsablités à hauteur des dégâts causés par la rente capitaliste…
Quelle hécatombe ces derniers mois…’Meurent parmi les meilleurs.
La faucheuse a égaré ses lunettes.
Allez, je chasse cette comptabilité abjecte de mon esprit.
D’autant que si l’homme est mort, son souvenir, ses paroles et ses idées
sont bien vivantes en nous.
Qu’on se saisisse de la portée de vos analyses monsieur Jorion me réjouit.
Mais que fait-on des conflits d’intérêts?
Alors bien sûr il ne s’agit pas de s’en prendre à des personnes, par contre il s’agit à mes yeux
de faire basculer le rapport de force en faveur des arguments de ceux qui défendent l’intérêt, non pas de quelques uns, mais l’intérêt général. Votons!
Si notre cher président a fait ce choix, est-ce en faveur de l’intérêt général?
Ou bien est-ce parce que les intérêts des plus riches et des plus puissants risquent plus à poursuivre sur cette voie, en terme de conflits sociaux, de rapports de force politiques, qu’à lâcher un peu de leste?
A ce titre je ne crois pas une seconde que Sarkozy, pour ce que j’en sais, soit comparable à un vicomte de Beauharnais.
Je pense que pour que les propositions des plus inspirés, dont vous faites partie, puissent trouver
à s’appliquer,
outre qu’il faut probablement un climat économique et médiatique rendant visibles des coutures qui sont prêtes à rompre,
il faut également une refondation politique, une ou des politiques capables d’une refondation politique de la façon de penser l’économie et la société en faveur de l’intérêt général.
Certes avec tous les tâtonnements, héritages, innovations et débats nécessaires. Lesquels débatteurs se saisissent, s’approprient vos analyses (à vous et à d’autres), convaincus et pour convaincre à leur tour. Ici et partout où les débats ont lieu qui font avancer le schmilblick.
Allez je pars voter.
« Les guerres fondées sur l’ennemi se perdent ou, dans le meilleur des cas, leur issue se détermine au hasard, celles fondées sur le but sont plus certaines d’être gagnées. » : oui, mais l’histoire enseigne qu’il y a des clivages intellectuels fondamentaux qui, contrairement aux théories de la physique, ne peuvent coexister indéfiniment dans la paix. Le phénomène de « percolation », qui me semble tout à fait pertinent appliqué à une société, fait qu’il arrive un moment où « la Raison » en chacun est sommée de choisir son camp. Dès lors, la « guerre centrée sur le but » se mue en « guerre centrée sur l’ennemi », et ce qu’on le veuille ou non. La guerre de Sécession en est l’exemple le plus connu et le spectaculaire.
Dyscophus
Lorsque des idées nouvelles auront gagné la majorité du peuple, lorsque le rapport de force politique fera que les choses seront sur le point de basculer, alors, c’est vrai, il est à craindre que le pouvoir réel se démasquera et c’est lui qui fera de nous ses ennemis. Cela signifie que le combat ne se portera plus sur les plans du convaincre, du séduire, du persuader, du rassembler mais apparaîtra probablement la force brutale et la violence institutionnelle. Le rôle de Paul et des blogueurs sera lors fini et l’on peut espérer que les plus déterminés de ceux qui sont déjà dans l’affrontement ici, auront le courage de s’opposer. J’espère quand même qu’il n’y aura pas trop de guillotinés.
Mais je pense que nous sommes encore loin du basculement précité. En attendant, red frog, accumulez bien vos toxines pour les projeter sur vos agresseurs 😉
@ crapaud rouge
Permettez moi de m’appuyer sur votre post pour illustrer la position de P Jorion, dont vous imaginez bien que je la partage .. Comme vous avez dû vous en rendre compte, je suis de ceux qui, depuis plusieurs mois, mettent le doigt sur la différence entre les autorités européennes, et américaines et ont montré que les autorités monétaires de Francfort n’étaient pas « liées aux intérêts des spéculateurs » comme beaucoup, ici le croyaient . Si je l’ai fait c’est que j’imagine bien que de nombreux blogueurs pensent comme vous que « l’histoire enseigne qu’il y a des clivages intellectuels fondamentaux qui, contrairement aux théories de la physique, ne peuvent coexister indéfiniment dans la paix ».
Je connais bien les clivages dont vous parlez, et je peux vous dire que vous vous trompez complètement.
Et je le dis avec l’assurance de celui qui connaît un peu la période de l’histoire qui est la plus proche de celle que nous vivons : l’angleterre post cromwellienne et pré-révolutionnaire. Cette époque est celle des troubles monétaires et financiers (lesquels seront dépassés grâce aux institutions financières). Et je peux vous dire que les clivages intellectuels qui s’y sont déroulés n’ont rien à voir ..et qu’ils ont été autrement plus profonds et plus préennes que ceux que nous connaissons Ce sont d’ailleurs des clivages analogues qui se sont fait jour dans l’Allemagne de Weimar.
Si vous voulez me faire plaisir : plongez vous dans cette histoire et demandez vous si les fameux clivages que vous avez en tête sont aussi pertinents
amicalement
bonjour
3 petits points sur votre intervention :
– les vendeurs de guerre n’ont-il pas intérêt à créer les conditions de ces affrontements en faisant croire qu’il n’y d’autre issue que l’affrontement violent ?
– la violence n’est-elle pas engagé par celui qui pense qu’il vas perdre a long terme ?
– la violence n’est-elle pas engagé par l’impatient qui veux voir ses idées gagner au lieu d’attendre que la confrontation idéologique ailles a son terme ?
je ne veux mourir pour mes idées car je les défends mieux vivant que mort !
Cher Paul,
Vous pardonnerez mieux à ceux qui pensent l’enjeu politique comme un combat, en refaisant la trop longue liste de tous ceux qui, pour encore mieux convaincre les puissants, ont fini par s’aligner sur leurs idées.
Il me semble que les (faibles) changements auxquels nous assistons aujourd’hui dont fait partie cette attaque contre les CDS (si jamais elle aboutit, ce qui n’est pas dit) marque non pas notre victoire mais notre défaite. J’entends par ce nous, des gens comme Paul Jorion, Lordon etc et l’immense majorité des gens de ce microcosme bloguesque. Car en effet, si l’on considère que la crise actuelle est la marque que nos thèses étaient les bonnes et ce depuis le début de la contre-révolution thatcherienne, alors celle-ci n’aurait pu avoir lieu ou aurait été tuée dans l’oeuf. Or après trente ans de combat, ce ne sont toujours pas nos thèses qui gagnent mais celles de Thatcher et Reagan qui marquent le pas à travers cette crise. La défaite reste quasimment totale pour nous. Ce n’est pas nous qui avons gagné mais le néolibéralisme qui a perdu (sous les plus grandes réserves), c’est très différent !
Par ailleurs Lordon développe cette idée dernièrement qu’il n’est pas dit que le néolibéralisme sorte de cette crise vaincu ou au moins affaibli mais bien encore plus puissant qu’avant !
Je suis un lecteur occasionnel de ce blog , et j’apprécie les analyses des intervenants et les position de jorion, mais je suis un peu surpris de la naïveté qui règne ici. Pensez vous vraiment q’un blog , même argumente et aussi inteligent sue celui ci puisse changer quoi que ce soit dans le comportement des dirigeants ou du public. Les dirigeants mondiaux sont abreuves des idées néolibérales et ils dont payes par les vrais commenditaires pour représenter leurs intérêts . C’est de les prendre pour des imbéciles que de croire sue ce qui est dit dans ce blog eux l’ignorent. Quant au public , il est incapable de comprendre en quoi un CDS est nocif a l’économie. D’ailleurs le fait d’interdire les Paris ou les achats et ventes a découvert ou tout autre produit structure ne changera pas grand chose au problème . Le problème est l’accaparement de la richesse produite par un petit nombre de personnes , qui est cette fois ci le véritable enemi que lui n’a aucune envie de se laisser convaincre.
Une brève du Monde de hier je crois :
7,8 millions de ménages américains diposaient en 2009 d’un million de dollars ou plus d’avoirs disponibles, sans compter le capital investi dans leur résidence principale. (selon Spectrum Group).
Cela fait combien de trillons ?
» Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu’une voix se taise
Sachez -le toujours le choeur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu’au bout de lui même le chanteur a fait ce qu’il a pu
Q’importe si chemin faisant vous allez m’abandonner comme une hypothèse »
C’était aussi « l’épilogue » de Jean , assez proche de celle de Léon dans Guerre et paix .
Alors , à peine moins vieux que lui , je chante , je milite , je participe à la vie de ma cité , je défile , je me soucie des laissés pour compte , je vote , je tente de répondre à ma descendance , j’évite de dégueulasser la planète et la voie des autres , je chante des chants guerriers et des chants grégoriens , des chants paillards et des chants de séduction … sachant très bien et le demandant que ce chant n’est que « chemin faisant » …
S’agissant de mon propre contact avec les ducs , vicomtes , mes expériences sont contradistoires , mais j’en avais tiré une leçon au travers deux rencontres de travail ( avec implication foncière ) :, toutes les deux dans la plaine du Forez , berceau de l’Astrée et de propriétés domaniales de très vieilles familles de la noblesse française :
– l’une , il y a 25 ans , avec une baronne De Rocquefeuille sur une terre de 1800 hectares ( oui , oui , la branche mère des Rockfeller ) , pour assister un maire ( pourtant de droite ) dans une négociation en vue de la construction d’un lotissement communal : envie de meurtre .
– l’autre avec un noble héritier d’une branche Louis XV , 900 hectares , fermier , maire de sa commune de 90 habitants : le meilleur de l’aristocratie , un sens de l’honneur digne de Montesquieu , debout à 5 heures , couché à 23 heures , des heures de conversation passionnante dans un décor de vieilles armures et tapisseries mitées , pas de chauffage , une sorte de De Gaulle campagnard . Mais pauvre . Là , il n’y avait rien à négocier , sauf à être à la hauteur du personnage . Il a donné .
Conclusion : c’est le pognon et la banque qui pervertissent l’aristocratie , comme le mitage pervertit les grandes propriétés foncières , immenses réserves écologiques , quand il y a trop d’héritiers lors du partage .
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre conclusion. Ce ne sont pas les banques et le pognon qui pervertissent les individus, chacun à la force en lui, à la possibilité en tout cas de la trouver cette force pour résister à l’envie, à l’appât, à la perversion, chacun est donc responsable de son échec à ne pas résister. L’être humain est libre de devenir meilleur, c’est de sa responsabilité ! mais libre aussi d’être un salaud, c’est aussi sa responsabilité, cela n’est pas imputable à l’autre, au voisin, à la famille, aux structures sociales.
Je viens de voir Invictus de Clint Eastwood. L’opposition entre les deux approches présentées dans ce billet apparait clairement dans ce film. Paul soutient plutôt la position adoptée par Nelson Mandela. Mandela refuse toute idée de vengeance contre les Afrikaners alors que ceux-ci ont exploité, humilié sans retenue, et dénié toute humanité à son peuple pendant des générations. Ayant gagné la bataille politique, il a compris qu’il était contreproductif de faire expier ses adversaires. Ça a du être terriblement frustrant pour un très grand nombre de militants. Fallait-il une purge ? Faut-il nécessairement de la violence pour casser un système ?
« Paul soutient plutôt la position adoptée par Nelson Mandela. »
Vous vous trompez. Les deux approches concernent la façon de mener la lutte, pas la manière de gérer la victoire.
Voici des extraits de la bio de Mandela tirée de wikipedia:
« L’ANC est interdit en 1960 et, la lutte pacifique ne donnant pas de résultats tangibles, Mandela fonde et dirige la branche militaire de l’ANC, Umkhonto we Sizwe, en 1961, qui mène une campagne de sabotage contre des objectifs militaires. Arrêté par le gouvernement sud-africain avec l’appui de la CIA, il est condamné à la prison et aux travaux forcés à perpétuité. »
« Pendant les années 1980, le MK lance une guerilla contre le régime de l’apartheid, dans laquelle de nombreux civils sont tués. En février 1985, le président Pieter Willem Botha offre à Nelson Mandela, contre l’avis de ses ministres, la liberté conditionnelle en échange d’un renoncement à la lutte armée. Mandela rejette l’offre… »
@ Moi
Magnifique, et très utile précision! Les discussions de cette page portent en effet sur les façons de mener la lutte, et non de gérer la victoire.
Et encore! Il faut s’entendre sur le mot « lutte ».
Mandela, comme De Gaulle, et d’autres dirigeants de nations ont pu être un temps des chefs de guerre, qualifiés parfois de terroristes. Les guerres qu’ils menaient les obligeaient à être sans pitié pour ceux qu’il fallait bien qualifier d’ennemis, dans une lutte à mort.
(Bien que Lemar apporte plus bas des infos complémentaires ( http://www.pauljorion.com/blog/?p=9094#comment-64734 ) qui affirmeraient une nouvelle fois l’aspect « non guerrier » de Mandela, que vous contredites. Ceci étant, ses trois décennies de prison lui ont peut-être évité de plonger ses mains dans le sang. Je ne peux pas croire que la violence de l’Apartheid pouvait se combattre seulement avec des discours. Quant à Gandhi, même si il a semble-t-il construit sa conscience politique en Afrique du Sud, sa lutte pour l’indépendance de l’Inde était différente, et Lord Mountbatten n’était pas Hendrik Verwoerd. Ne pas avoir de sang sur les mains n’est pas un choix qui est toujours offert, hélas. Et rappelons également, à toutes fins utiles, que Wikipédia est une auberge espagnole où l’on adore polir les statues.)
Une fois la victoire acquise, ces chefs de guerre ont eu l’intelligence de comprendre que seul le pardon pouvait rebâtir l’union. La paix à ses raisons que la guerre a toujours ignoré.
La lutte contre les horreurs économiques, qui font des millions de morts par an, est d’une autre nature. Ce n’est pas une guerre de position, avec l’ennemi posté dans la tranchée d’en face, car nous sommes tous des cibles, même si certaines cibles se repèrent plus facilement grâce aux Rolex qui brillent au soleil. Le système à engendré la guerre de tous contre tous, et si nous voulons éliminer tous nos « ennemis » ce système mortifère ne s’en portera que mieux, et il ne restera personne pour signer l’armistice.
Tout cela n’a rien à voir avec les sujets qui nous occupent ici, même si Jorion, Leclerc et d’autres tentent de trouver les moyens efficaces de modifier le système. Il serait temps de calmer le jeu, qui devient un peu grotesque.
A force d’essayer de poser sur Jorion le masque de nos fantasmes (Gandhi, Mandela, Jésus (!) un peu plus loin -vous avez raison Moi: « mort de rire »-, on attend Abraham Lincoln, Charles de Foucauld, le Dalaï-Lama, Che Guevara et Don Bosco qui ne devraient pas tarder), la raison se perd.
Qu’est-ce qui se passe en ce moment? c’est le printemps qui pousse ou quoi?
Ou bien est-ce à cause des élections d’aujourd’hui? On cherche un guide? (J’ai lu ce matin dans le journal qu’une des choses que Jean Ferrat déplorait le plus, était que les français aient toujours eu besoin d’un grand homme, d’un chef, d’un guide, et qu’ils soient incapables d’avancer sans cela.).
On est d’accord? ici c’est « ni Dieu, ni maître » …ou alors je vais voir ailleurs.
Couper des têtes ne sert à rien quand on s’attaque à une hydre.
Sommes nous dans un système à bout du souffle ,à la veille de son effondrement un peu comme nos unités centrales d’ordinateur qui déraillent au bout de quelques années de fonctionnement? Auquel cas il n’y a plus qu’à prier ou s’enivrer.Ou,peut on greffer quelques patch qui vont pérenniser l’édifice?
Ses interrogations ont elles,un sens pour des peuples qui ne donnent pas l’impression de pâtir du monde tel qu’il est ?
@ P. Jorion :
Concernant le nuit du 04 août, il serait bon de remettre en perspective les choses.
Car les nobles que vous citez, et non des moindres (Duc de Noailles), s’ils ont effectivement été à l’origine de ce mouvement là (à l’encontre des députés de la bourgeoisie !!, qui voulaient réprimer et rétablir l’ordre : c’est dire si la bourgeoisie, quand on touche à son ‘droit de propriété’, est révolutionnaire …), ont aussi effectué une analyse très concrète.
A savoir que suite à la prise de la Bastille, les paysans se sont armés et ont attaqué l’aristocratie locale, par peur de représailles suite au 14 juillet 1789. Les nobles ont donc voulu, en connaissance de cause, rétablir la paix en luttant contre les origines dont ils pensaient être la source de ces troubles.
Ce qui fait que si la prise de la Bastille le 14 juillet ne s’était pas produite, le rapport de force politique ne serait pas produit, forçant ainsi les nobles à revenir sur leurs privilèges. Sans cet élément, on ne comprend pas la dynamique de ces faits.
En clair, bien que ‘perméables’ à ces idées (depuis de longue date, à savoir depuis le siècle des lumières, bien plus que les bourgeois en définitive), ces nobles n’auraient peut-être pas pris l’initiative, pour rétablir l’ordre, de renoncer à leurs privilèges.
http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=17890804
Or la prise de la Bastille est tout sauf de la persuasion de l’ennemi : c’est un acte d’une grande violence (même pour l’époque : le marquis de Launay fut décapité par un boucher et sa tête mis en bout de pique, initiant ainsi une ‘première’ en France).
Attention : je ne dis pas ‘mettre les têtes sur les piques’.
Mais seulement prendre conscience que ce dont vous parlez ne vaut que par ses antécédents, des antécédents où le rapport de force ‘politique’ s’est exprimé (dans la violence, certes).
La persuasion ne vaut, aussi, que dans un cadre de rapport de force. Sans rapport de force, vous ne persuadez que ceux qui veulent bien être persuadés. Inversement, un rapport de force livré à lui-même ne peut immanquablement tourner qu’à la violence. D’où la nécessité de la persuasion.
« Une main de fer dans un gant de velours ».
Cordialement.
PS : c’est apparemment Bernadotte, en tant que Roi de Suède et de Norvège, qui a déclaré cette citation sur les français au Comte d’Artois, futur Charles X. Il était bien placé pour le savoir, lui qui était français et qui devint suédois de coeur !
@ zébu 14 mars 2010 à 15:43
« Attention : je ne dis pas ‘mettre les têtes sur les piques’. »
Certes, mais en apportant des données historiques qui justifient le contraire, vous ne fournissez pas d’éléments qui militent en faveur d’une évolution positive du comportement des hommes qui soie digne du 21ème siècle.
Vous laissez entendre que les démarches à la Gandhi, Mandella, Paul Jorion et tous ceux qui oeuvrent positivement et sagement à la résolution pacifique des problèmes de leur temps, ne sont pas les meilleures aujourd’hui. Je milite pour le contraire et en suis fier.
Jducac: j’ai déjà répondu plus haut concernant Mandela. Son pacifisme est une légende.
Gandhi, lui, était bien pacifiste (ce qui ne veut pas dire que le mouvement indépendantiste l’était en entier, Gandhi n’en étant qu’une figure, certes la plus importante).
« en apportant des données historiques qui justifient le contraire » : je n’ai pas à apporter quoique ce soit qui justifie l’une ou l’autre orientation. Ce sont des données historiques. Point. Qu’elles ne vous satisfassent pas ou ne correspondent à ce que vous en attendez, c’est une toute autre chose.
Que vous le vouliez ou non, la révolution française s’est ainsi construite. A la base du 04 août 1789, il y a le 14 juillet 1789. Et on pourrait multiplier les exemples.
Vous me faites un procès d’intention que je n’ai pas. Je respecte votre positionnement et vous pouvez en être fier. Mais même Gandhi (et à fortiori Mandela) ne dédaignaient pas le rapport de force, y compris jusque dans ou provoquant la violence, qui découlait de ce rapport de force politique.
« ne sont pas les meilleures aujourd’hui » : je n’ai rien dis de cela. Ce sont d’autres armes (cf. mon post plus bas). Respectables. Mais qui ne sont pas forcément suffisantes, en l’absence d’un rapport de force politique : c’était justement tout la force de l’exemple que j’ai fournis concernant la nuit du 04 août, l’exemple qu’a choisi P. Jorion.
S’il avait pris un autre exemple, j’aurais tout simplement regardé ce que le contexte historique de cet exemple aurait pu nous instruire. Or, il n’a pas pris un autre exemple (vous pouvez le regretter mais cela ne changerait rien car c’est le choix qu’a effectué P. Jorion). Dont acte.
Vous devriez en faire autant : vous en tenir aux faits, au lieu de faire des procès d’intention.
Cordialement.
@jdudac
Comme « moi » vous le dit,le pacifisme de Mandela est bel et bien une légende (voir commentaire de lemar plus bas).
Quant à Gandhi,il a connu deux phases dans son militantisme:durant la première,ce n’est pas le Gandhi qu’on raconte tout le temps;exemples:il ne réclamait pas les mêmes droits aux Çudra qu’aux autres castes d’Indiens; au moment où l’armée impériale britannique réprime férocement les Zoulous,il appelle les Indiens à s’engager au service de cette armée; pendant la Grande Guerre,il réussit l’exploit de recruter 500 000 hommes pour l’armée de la Reine (excusez du peu!!); il souhaite même que ses fils se fassent enrôler.
Durant la deuxième phase,c’est le Gandhi de la non-violence qu’on connait; il adopte cette approche parce qu’il a remarqué que par la force,les Indiens ne pouvaient rien face à l’armada de la reine:ce sont les massacres d’Amritsar (1919) qui l’amènent à adopter cette approche et non un quelconque pacifisme. Mandela fut décidé à la lutte armée après les massacres de Shapeville (1960).
Comme je l’ai dit à lemar, l’utilisation de la force n’est pas de l’initiative de celui qui se défend, elle est dictée par le comportement de celui qui attaque.
@ Moi et Eric
Merci de m’avoir corrigé.
Pour servir l’idée que je souhaite faire passer, j’aurais dû seulement dire : « Vous laissez entendre que les démarches à la Paul Jorion et tous ceux qui oeuvrent positivement et sagement à la résolution pacifique des problèmes de leur temps, ne sont pas les meilleures aujourd’hui. Je milite pour le contraire et en suis fier. »
J’espère que vous me pardonnerez cette erreur.
J’espère que l’on ne va pas ressortir un fait historique prouvant qu’en d’autres temps Paul Jorion a prôné la violence pour aider à résoudre les problèmes de son temps. Mais, si cela lui était arrivé, cela ne me gênerais pas du tout de lui pardonner dès lors que le vois agir d’une manière qui me semble être bien meilleure aujourd’hui.
Eviter les divisions, préférer l’argumentation, écouter les autres, intégrer leurs bonnes idées, ne pas humilier ceux qui ne pensent pas comme vous, mais les placer devant leurs responsabilités d’artisans de notre futur commun, voila ce qui me semble être mon devoir d’homme du 21ème siècle.
Je me suis assigné ce devoir difficile que je n’y parcviens pas toujours. Mais peu importe, j’insiste.
Cela peut paraître prétentieux de ma part d’exprimer ainsi cette vision des choses comme aurait pu le faire un directeur de conscience dans les siècles passés.
C’est seulement pour moi la possibilité d’agir en toute occasion, sur notre marche commune en donnant de petites, mais multiples impulsions, allant toutes dans le sens du monde meilleur que je me représente.
J’espère enfin qu’il n’y aura pas demain d’embrasements violents. Il est certain que ceux qui, sans ambiguïté, ont prôné la non violence, ne s’en sentiront pas responsables. Ce ne sera pas la même chose pour d’autres qui vont jusqu’à s’exonérer en déclarant en substance « Je suis un être supérieur et responsable et si je ne me contrôle pas pour éviter la violence, c’est forcément la faute de l’autre ».
Ah, le Jorion que j’aime !
Clin d’oeil a Brassens, « mourir pour des idees ».
Benoit, des rives du Mekong.
Tout en appréciant le propos, je voudrais suggérer le mot « adversaire », peut être plus judicieux que le mot « ennemi »
Il y a quatorze fois le mot « ennemi » dans ce texte. L’insistance est particulièrement forte. C’est assez clair je crois, Mr Jorion désigne des ennemis, pas des adversaires. Comme Mr Badiou d’ailleurs, même si les deux hommes sont bien différents, il faut en convenir. Ce choix lexical mériterait une analyse assez serrée du sur-discours de notre hôte qui, quoi qu’il en dise, a bien du mal à échapper à l’humeur belliqueuse de notre époque.
Quant aux fameux archi-duc-du-fermoir-du-monsac, je leur suis moins redevable que les auteurs des cahiers de doléances. On a les affinités électives qu’on peut…
Il faut donc aussi convaincre ceux qui veulent en découdre
..ou bien leur envoyer un plein camion de machines à coudre,
pour qu’ils délaissent enfin les machines à découdre!
Je précise ma ‘pensée’ (bien que ce terme soit inadéquat car cela n’a rien de construit). A mon sens, il est nécessaire de construire une image stéréotypique d’un ou de plusieurs ‘ennemis’, sur la base d’actes ou d’idées complètement opposés à celles que l’on souhaite défendre.
D’abord parce que cela aide à identifier, dans les discours et les actes, ce qui relèvent de la démagogie (‘Faîtes ce que je dis mais pas ce que je fais’ : M. Sarkozy est champion tout terrain en la matière), de stratégies utilitaristes. L néo-libéralisme est ainsi à mon sens un ‘ennemi’, qui a instauré les règles (ou plutôt l’absence de règles) qui font que nous en sommes arrivé là. Dire qu’aucun ennemi n’existe, c’est dépolitiser les batailles d’idées. C’est démobiliser en premier lieu ses ‘partisans’. Et c’est se couper des possibilités ‘établir les rapports de force nécessaires pour faire aboutir ses idées.
Dans cette perspective, ce type de positionnement a néanmoins nullement l’intention d’exclure ceux qui pensent différemment, et qui pourraient, avec la persuasion, intégrer in fine un mouvement, en tant qu’individu. Si l’image stéréotypique d’un ou d’ennemis est nécessaire en termes d’identification, il reste évident que les individus en tant que personne et non en tant que porteurs des idées ‘ennemies’ doivent pouvoir être persuadés : les êtres humains ne sont pas des ennemis.
C’est pourquoi je pense que M. Jorion a choisi ses armes. Elles lui conviennent. Et c’est très bien ainsi. Personne ne peut le lui reprocher, en tout cas pas moi, qui grâce aux siennes, m’informent et me permettent de réfléchir et de m’exprimer.
A chacun de choisir les siennes, en fonction de ses aptitudes et de ses désirs.
L’essentiel, c’est d’être armé.
Car la bataille fait rage.
Et on a besoin de tous.
« Aux armes citoyens !! … » (lol, ‘rapport au to-thème’ du billet).
Il me semble que vous faites une description idyllique de la nuit du 4 août. L’histoire est plus sombre, les motivations plus calculées, les paris plus hardis dans le sens du jeu ou de la stratégie du sauve-qui-peut : on lâche ceci pour pas perdre cela. Un petit clic sur Wikipédia indique aussi que :
» Louis XVI n’accorda sa sanction à ces décrets que contraint, le 5 octobre. Ainsi disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes et des provinces. Toutefois, les droits féodaux sont déclarés rachetables, ce qui, en pratique, conduit à leur maintien jusqu’au 17 juillet 1793, quand la Convention vote leur abolition complète, sans indemnité, et le brûlement des titres féodaux. »
Il semblerait donc que ce soit dans une atmosphère de lutte et de pression violente que les décisions se prirent, ce qui n’a rien d’un conte de fées. La formule que vous utilisez du « toujours redevable pour la nuit du 4 août » est comme un ton trop haut à mon oreille.
Bien sûr le sang ne va pas couler dans les jours qui viennent pour ce qui concerne les CDS, mais l’achoppement des idées peut prendre des formes différentes où les manifestations de force ne sont pas exclues, assorties de règlements sur des contentieux divers. L’Histoire qui se fait ou ne s’écrit pas dans le cadre strict des portées d’un papier musique. C’est après coup que l’on peut en donner un air significatif et l’esquisse que vous brossez me parait « soft ». Je me l’imagine plus « hard », prenant le risque de me tromper. Détrompez-moi si c’est le cas.
Le vote de dimanche (par exemple) sera probablement un vote sanction pour nos gouvernants, quelque peu détourné du sujet. Lorsqu’on vous pose une question et que vous répondez à côté en marchant sur les pieds du questionneur, c’est tout de même violent comme attitude. Acceptable ou regrettable au regard de la démocratie ? (question).
Lorsque j’entends les signes de compassion de certains politiques au décès de Jean Ferrat, je me laisse difficilement convaincre, je me dis qu’une demi-sincérité ne fait pas sincérité.
J’ai des doutes, des doutes sur les propos tenus par les uns et des autres concernant les CDS.
« »Le fait que Mme Merkel, Mrs Sarkozy, Papaandréou, Barroso, réclament désormais une interdiction partielle des paris sur les fluctuations de prix » » , ne fait certainement pas de Paul Jorion « un « vendu » ».
Grâce à sa force de conviction, il les a ralliés à CETTE idée. Mais au-delà ? L’interdiction de ces paris est, à lire tous les billets et les commentaires de ce blog, une parmi beaucoup d’idées que nous cherchons à promouvoir pour créer un monde meilleur : mais les personnes précitées vont-elles se laisser convaincre à en adopter quelques-unes parmi ces multiples autres idées, aussi « »facilement » » qu’ils ont adopté ladite interdiction et pour une raison qu’il n’est pas difficile de percevoir : il en va de la survie même du capitalisme et donc de leur propre personne en tant que politique.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le terme de conviction est utlisé dans le billet : la conviction s’adresse à la raison et il serait assez terrifiant que les Merkel, Sarkozy, Papaandréou, Barroso, l’aient perdue, cette raison.
Pour aller plus loin dans la réalisation d’un monde meilleur, il faudrait, en plus de les convaincre, les persuader : et là c’est une autre affaire, car la persuasion s’adresse coeur. Mais en ont-ils vraiment ? Ce qui nous ramène à nouveau à la morale et à la question de savoir si le capitalisme peut être moralisé!
Comment croire un seul instant que des gens qui agissent avec constance pour la préservation des intérêts de leur caste puissent changer? Peu importe le discours qu’ils tiennent, il est toujours de circonstance.
L’ennemi est partout puisque dans ce monde de faux semblants, chacun est amené à vouloir prendre l’ascendant sur son voisin (libre concurrence non faussée). Des lors, seuls les actes déterminent ceux qui veulent aménager (participer?) le système, et ceux qui le pensent fondamentalement vicié.
Or discuter avec des hypocrites et les croire, par naïveté ou par calcul, c’est le début de la collusion. Relisez tous l’histoire de Vichy et de tous ces bons patriotes qui sombrèrent d’eux mêmes dans la pire des infamies en croyant agir pour la bonne cause.
On ne pactise pas avec ses ennemis. Si on tente de les comprendre, c’est pour mieux lutter contre eux, pas pour se compromettre. C’est un nœud Gordien qu’il vous faudra tous trancher un jour ou l’autre, probablement plus tôt que beaucoup ne pensent…
Paul n’a peut-être pas d’ennemis a priori, mais il a certainement des adversaires de circonstance, en tant que ceux-ci véhiculent des idées qu’il pense fausses et nocives, de cela j’en suis convaincu, il n’y a qu’à revoir sa participation à une certaine émission de télévision de la nuit, assez récente, où il s’adressait à un ministre de la République.
Ce dont parle Paul dans son billet c’est d’autre chose, c’est du ressentiment que l’on peut avoir pour une classe, une caste, un homme sensé représenter les idées que l’on exècre, au point de vouloir absolument associer cet homme à une substance qui serait inhérente à sa personne. Or, si effectivement le but essentiel est d’aller vers un monde meilleur, quel progrès y aurait-il si cela devait se faire au prix de l’éradication de tel ou tel groupe humain, de tel ou tel individu ? Aucun, ce serait au contraire la plus grande défaite que l’on puisse imaginer, car on aura alors été vaincu par une idée fixe liée à ce type particulier d’affect, pour tout dire régressif.
Le monde meilleur ne peut être que l’ordre du dépassement. Ce ne peut être l’éradication d’une partie de la société par une autre, y compris sur le plan des idées lorsque par exemple on brûle les livres ou interdit de penser quiconque ne pense pas comme il faudrait. Cela suppose donc un dépassement de la raison et du rapport de celle-ci aux affects. Ce que Paul nomme la Raison, laquelle, entre parenthèses, selon Jorion, ne se comprend tout à fait qu’a postériori. IL ne s’agit donc pas de bâtir de toutes pièces un nouveau monde. Lui trouver quelques nouveaux principes suffit. D’où l’importance de la bataille sur le plan des idées.
Or, il se trouve que c’est précisément ce domaine, celui du rapport de la raison aux affects, qui est concerné par une part essentielle de sa réflexion. L’anthropologie selon Jorion apparaît donc à la fois philosophique et scientifique car elle intègre tout à la fois la dimension éthico-politique d’Aristote, le projet progressiste des Lumières, et les acquis méthodologiques de la pensée scientifique contemporaine.
Ethique, politique et science dans la pensée joronienne se comprennent ensemble et ne peuvent agir que de concert.
De là que sa position peut se justifier sur deux plans, le premier étant celui d’une stratégie où il s’agit d’abord de convaincre, et l’autre étant celui où l’humanité elle-même se transforme à la faveur d’une crise exceptionnelle. C’est évidemment un projet, un désir, rien ne peut être garanti d’avance, mais si l’on a pas cette ambition, car c’en est une, à quoi bon ?!
L’approche originale de l’économie sous l’angle du rapport de forces développée par Paul n’a pas pour but d’éliminer complètement tout rapport de forces, puisqu’elle suppose une réalité intangible du rapport de forces en tant que tel, mais d’établir une nouvelle configuration sociale, politique, culturelle — au sens générique –, où, certes, le rapport de forces n’aura sans doute pas complètement disparu, mais où, pour le moins, celui-ci aura été sérieusement modifié, libérant de nouvelles possibilité à la créativité humaine et au vivre ensemble.
L’éradication totale du rapport de forces serait, à mon sens, la réduction de l’humanité à l’état de choses, la disparition de toute affirmation de l’originalité individuelle. Le danger du rapport de forces ce n’est pas la force, l’énergie qui part d’un point A pour aller vers un point B pour un effet C. Cela c’est même le quotidien de l’amour, de toute relation sociale, des mille petites influences dont sont faits nos jours.
C’est lorsque une configuration sociale permet de maintenir, voire amplifier l’application de forces concentrées vers les multiples figures qui composent une société — que ces figures soient institutionnelles, familiales, économiques ou autres –, que le rapport de forces vire au cauchemar, si bien que les humains qui composent ces figures sont en réalité les jouets des premières forces.
Le danger c’est donc le rapport de forces qui se coagule, se fige, qui empêche l’émergence et l’expression de la vie qui est en nous et où l’éthique et le politique forment un tout solidaire. Le néo-libéralisme tend saper ces fondements éthiques et politiques pour ne plus laisser qu’un univers d’objets sans qualités et auxquels sont rapportés eux-mêmes les humains. Ce type de rapport de forces est une machine infernale qui nie les sujets, pour en faire ses sujets.
Face à ce projet qui atteint de plus en plus ses limites physiques, politiques, psychiques, il y a une proposition, certes parmi d’autres, mais qui vaut amplement le détour, c’est celle de Paul Jorion.
Elle consiste essentiellement à domestiquer une sphère économique encore soumise aux forces brutes de la nature, en d’autres termes des forces que la raison humaine n’avait pas encore pensées sérieusement comme telles, faute sans doute d’avoir dépassé certains seuils que la crise actuelle nous révèle en pleine lumière.
A nous maintenant de voir comment nous pourrions le mieux franchir ces seuils pour bâtir un monde fondé sur de nouvelles prémisses. Notre principal ennemi n’est pas l’autre, mais nous-même lorsque nous théorisons notre impuissance, notre incapacité à penser autre chose que ce que nous avons sous les yeux.
L’adversaire existe bien mais ce ne sont pas des hommes sur lesquels on aura collé des étiquettes définitives, l’adversaire c’est principalement une situation intolérable que l’on veut dépasser. Et pour cela il faut d’abord con-vaincre. Vaincre avec, c’est à dire vaincre y compris avec nos adversaires, aussi paradoxal que cela puisse paraître au premier abord.
Certains commentateurs ont alors argué qu’il est des situations où l’on n’a plus d’autre choix que de s’engager dans un combat à la vie à la mort quand l’adversaire a fait de vous un ennemi. Cela n’est pas douteux. Dans des époques pas si lointaines chez nous, ou même aujourd’hui en certains endroits du monde, des hommes et des femmes risquent leur vie, leur liberté pour défendre une cause. Mais, en sommes-nous à ce point ? Non, ce me semble tout à fait inapproprié que de le penser pour ce qui concerne notre situation d’européens qui disposons encore de la liberté d’expression, tout au moins à travers certains canaux, dont il ne tient qu’à nous d’amplifier la puissance.
Cette mise au point faite, raison de plus alors pour ne pas gaspiller nos énergies dans un combat douteux contre des moulins à vent, contre des ennemis qui ne tiennent en réalité à rien d’autre qu’à la situation dans laquelle ils s’insèrent et agissent. Ce qui signifie qu’en agissant en amont, c’est à dire sur la situation, on modifie nécessairement les comportements de nos adversaires, soit parce que la situation les aura rejetés hors du champ de bataille, soit parce qu’ils auront eux-mêmes modifié leur façon de voir les choses. Or pour modifier un terrain, une situation, quoi de mieux qu’une idée forte ?
Si donc, malgré tout, ne croit guère à la force des idées, à quoi bon vouloir un monde meilleur ?
Le monde où les idées n’ont plus court, c’est l’état de guerre, le totalitarisme, la dictature. Combat-on l’état de guerre, le totalitarisme, la dictature sans idées ?
Bravo M Jorion,
Lorsque la réalité apparait distinctement comme extérieure à nos affects et à la peur que nous inspirent nos ennemis, l’action pour le bien commun devient possible car elle nous rassemble dans son évidence et peut fédérer ceux qui la voient de la même façon.
C’est bien ce qui rend Invictus si intéressant et qui ouvre une espérance que la mort de Socrate et de quelques autres semblait avoir anéanti.
La pensée magique qui obscurcit la réalité et impose une vérité mimétique le plus souvent faite d’imprégnation et de dualisme nous conduit au contraire au sacrifice des ennemis et des minorités troublantes sous l’empire de la peur ou sous la pression de la cupidité et autres délires.
Je respecte les points de vue de chacun sur la délicate question « faut-il nécessairement de la violence pour casser un système », et je suis par ailleurs incapable de me forger une opinion sur cette question, je suppose simplement qu’il doit y avoir des cas ou cela est inévitable. Mais je serais toujours perplexe face au double langage de certains professionnels de la « révolution », maniant les sous-entendus mais en gardant, de façon étonnante, une position de principe anti-violence qui ne devrait pas leur ressembler, ce qui parfois me met mal à l’aise.
Autre chose, si les Aristocrates ont abandonné leurs « privilèges » le soir du 4 Aout 1789, c’est en grande partie parce que les dits « privilèges » étaient pour la plupart tombés en désuétude et qu’ils rapportaient en fait bien peu à leurs bénéficiaires. Les Français d’alors en avaient plus après les impôts royaux qu’envers les « seigneurs ».
Par ailleurs, les Aristocrates devenus minoritaires du fait du doublement du tiers n’avaient aucun moyen de s’opposer à des mesures initiées par le tiers et le clergé (du moins sa partie populaire). C’est donc la première opération de « com » politique consistant à faire passer une reculade inévitable pour une mesure généreuse et visionnaire.
Dernier point, parmi les « Aristos », beaucoup faisaient du commerce en sous main et avaient les mêmes intérêts objectifs que le Tiers. Les cocus dans l’affaire étant le clergé qui sera durement spolié les années suivantes. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences…
@Roland :
« Par ailleurs, les Aristocrates devenus minoritaires du fait du doublement du tiers n’avaient aucun moyen de s’opposer à des mesures initiées par le tiers et le clergé (du moins sa partie populaire). C’est donc la première opération de « com » politique consistant à faire passer une reculade inévitable pour une mesure généreuse et visionnaire. »
Exactement, et d’ajouter que les historiens parlent de la naissance de « l’opinion publique » vers les années 1750, avec l’apparition des pamphlets et de la presse qu’on échange sous le manteau à Paris. Dans la chronologie de la révolution, il y’a déjà l’apparition du troisième pouvoir, ce qui allait devenir les médias qui canalise ce qu’on appelait autrefois « la rumeur ». Les aristocrates de la période ont donc eu le temps de voir le vent tourner, une opinion publique naissante et résolument critique envers leur classe et la ruine effective du royaume illustrée dans les faits par la petite noblesse qui est obligée de travailler pour survivre.
http://writing.upenn.edu/~wh/calendar/bienface.html
No comment, attention au mal de mer.
Chapeau bas, Mr Jorion.
C’est digne d’une parole de l’Evangile.
Merci d’amener la réflexion à un tel niveau.
Mort de rire.
Christ est ressuscité !
« Un homme traça un trait au sol entre nous pour m’exclure alors moi j’ai tracé un grand cercle pour l’inclure »
Ça a la même tonalité que ce post, j’aime bien, ça sonne comme une évidence, c’est sans doute même intelligent.
Tous les désaccords entre nous persisteraient que je ne me réjouirais pas moins pour autant des avis que nous partageons déjà.
Chrétien, machin, truc… peu importe la case où il vous plait de caser cet avis, c’est l’avis qui importe.
Les privilèges étaient tombés bien avant la nuit du 4 août 1789. Ils étaient tombés avec l’apparition de la bourgeoisie.
A la veille de la révolution française, les grandes banques parisiennes connaissent un essort considérable, et l’arrivée de Necker à la direction des finances de l’Etat témoigne de leur influence politique. Il se dit même que c’est parce que ces banques ont fermées le robinet des avances à l’Etat que le roi a dû se résigner à réunir les états généraux comme il l’avait promis.
Les débuts de la révolution ont été accueillis avec sympathie par de nombreux banquiers qui pensaient que cette dernière entrainerait une réforme des finances publiques, permettant à l’état d’honorer ses dettes…
Ceci ne vous rappelle pas quelque chose ?
Il n’y a pas une vérité, mais des vérités tout dépend comme j’ai l’habitude de dire de quel point de vue on observe la scène.
Si Louis XVI n’avait pas été guillotiné et si nous avions eu une monarchie parlementaire, le monde aujourd’hui serait il le même ???
Je lisais hier un texte de Monsieur Jorion que je qualifie de compliqué : Pourquoi comme les chats nous avons neuf vies ? D’où mon parallèle plus haut.
A ce titre, je voulais vous remercier Monsieur Jorion de votre blog, car en dehors des sujets abordés ici qui mènent à la curiosité et à la réflexion, il y a d’autres qui s’immiscent d’une part des différents intervenants, et d’autres parts des multiples domaines de connaissances qui sont les vôtres et que je découvre à tout petit pas tant l’ensemble est pour moi neuf et vaste.
Il me semble que si l’on poursuit fermement un but, ceux qui poursuivent un but contraire sont forcément des ennemis ou en tout cas des adversaires. Le choix ne me paraît pas se poser entre « poursuivre un but » et « combattre des ennemis ». L’un ne va pas sans l’autre !. En revanche il s’agit de garder à l’esprit que « combattre les ennemis » n’est qu’un moyen (et non une fin en soi) pour permettre d’atteindre le but.
Quant aux « ennemis » (ou « adversaires », ils ne sont évidemment pas ce qu’ils sont par essence, mais par leur attitude, leur comportement, leurs actes à tel ou tel moment : ils sont nos « ennemis » (ou nos « adversaires ») tant qu’ils s’opposent à l’atteinte de notre but, ils cessent de l’être dès qu’ils cessent de s’y opposer, voire, mieux encore, qu’ils s’y rallient…
@ Thierry,
le but commun me semble être la recherche de la vérité, sans a priori. En quoi peut on être adversaire ou ennemi sur cette question? Ce serait différent si l’on avait à défendre une position préconçue.
cordialement, B.L.
@ Bruno Lemaire
Dans les buts que l’on poursuit il me paraît évident qu’il ne s’agit pas que de vérité. Par exemple, certains préféreront la liberté (par exemple la liberté d’entreprendre, la liberté de pouvoir travailler plus ou de pouvoir s’enrichir plus) à l’égalité (ou en tous cas, au fait de ne pas nous retrouver dans une trop grande inégalité). Le fait de préférer l’une de ces valeurs à l’autre n’a rien à voir avec des questions de « vérité », il s’agit de préférence éthiques, esthétiques même, si l’on veut.
Si l’on est pour l’une de ces valeurs, plus que pour l’autre, ceux qui s’y opposent sont forcément des ennemis ou à tout le moins des adversaires, non ? On peut les respecter, mais, tout en les respectant, les combattre…
Rien ne s’obtient que par le rapport de forces : je le préfère pacifique, démocratique, que violent… certes, mais lorsqu’il s’agit de faire progresser la justice contre les privilèges, le rapport de force l’emporte au final, quoi qu’ait pu y contribuer (et heureusement), la raison.
La stratégie d’éviter la violence est mille fois préférable, si toutefois elle mène au changement. On en n’est pas là, à ce jour …
Ennemis ou adversaires : sachez QUE NOUS DESIRONS TOUS ARDEMMENT VOUS INTERDIRE DE NUIRE parce que nous avons un code éternel dans chacune des cellules de nos corps et de nos esprits : LA JUSTICE ET LE DROIT DE VIVRE DIGNEMENT POUR TOUS LES HABITANTS DE NOTRE PLANETE;
Je suis profondément d’accord avec ce billet, à tel point que je ne peut m’empêcher de le témoigner par écrit.
Les valeurs écrites dans ce billet sont d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je lis ce blog.
J’ai également beaucoup apprécié l’intervention vidéo du vendredi.
Merci 🙂
“There’s class warfare, all right, but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning.”
Warren Buffett, 26 novembre 2006
Sarkozy a un jour dit (c’était en 2003) que le principal problème des Français c’est qu’ils n’étaient pas assez endetté et il répétait dans d’autres termes cette même idée en 2007.
Je pense que les CDS est un dossier assez technique, pas assez porteur, et Sarkozy peut dire oui à l’interdiction parce que un conseiller lui aurait dit ça mais ça ne fera pas avancer le problème de façon définitive parce que Sarkozy pense ce qui est marqué ci-dessus qui est une idée assez simple à prononcer, à faire comprendre, assez claire dans son esprit. En ce sens, il faudra bien changer profondément et radicalement les idées des gouvernants…
paris sur les fluctuations de prix, le terme est-il bien choisi?
Le mot « pari » induit l’idée que le pronostique du parieur (sauf cas de tricherie) n’influence pas le résultat du processus dont l’issue n’est pas encore connue.
Hors j’ai cru comprendre (entre autre en vous lisant) que, par exemple, acheter une grande quantité d’une matière première et donc organiser sa pénurie, peut faire monter son prix et permettre un bénéfice à la revente.
En revanche, parier gros sur un cheval ne le fait pas courir plus vite.
En ce qui me concerne, je ne soutiendrais pas un homme politique qui n’afficherait pas une volonté évidente d’empêcher la spéculation et qui n’expliquerait pas comment on peut faire . Avez vous réfléchi à ce dernier point?