Billet invité.
C’est devenu une banalité que de pointer la crise de la science économique. La cause en est bien sûr la récente crise financière dont l’éclatement a à ce point surpris les experts que cela met en cause toute une profession. Et l’on n’oubliera pas de sitôt la formule du chairman de la Fed affirmant en 2007 que les marchés étaient désormais assez purs pour s’autoréguler.
On partira donc de l’échec de ce courant de pensée comme d’un fait acquis. Mais que faire de ce constat ? Faut-il chercher aujourd’hui une autre théorie pour l’économie, une autre construction de la science économique ? C’est un réflexe que l’on a déjà eu lors de périodes analogues : on a souvent cherché dans les apories de l’homo oeconomicus ou celles de l’équilibre économique le secret de ces erreurs récurrentes. Keynes, après tout est issu de tels débats.
Mais disons-le d’entrée, il s’agit là d’une impasse. Car lorsqu’on cherche à construire une autre science économique, on part forcément d’un présupposé implicite qui se trouve être le même que celui des auteurs que l’on critique : on suppose qu’une science économique est quand même possible. Autrement dit, car telle en est la définition, on pose par hypothèse qu’il est possible de construire une connaissance objective et surtout autonome de l’univers économique : autonome signifiant que l’on s’abstrait du champ de la philosophie politique et morale (rigoureusement parlant : l’on proscrit tout jugement moral ou normatif). Keynes disait souvent « en ce qui me concerne je suis un amoraliste ».
Or c’est justement ce dernier point – cette indépendance proclamée du savoir économique – qui doit être aujourd’hui remise en question. Elle le sera d’ailleurs de façon inexorable puisque la crise actuelle touche au rapport intime qu’entretient la monnaie et l’univers marchand qu’elle est censée servir : et comme on le verra ce rapport est politique avant que d’être économique. La question soulevée par la crise n’est donc pas de contester telle ou telle hypothèse, de rejouer en quelque sorte la guerre des keynésiens et des monétaristes, mais elle est celle de la légitimité de cette science économique : id est sa finalité et les principes de sa méthodologie et au-delà les modes de connaissance économiques qu’elle nous a cachés.
C’est ce que nous nous proposons de faire dans ces quelques articles, pour arriver à cette double conclusion qu’il convient bien de re-définir les règles institutionnelles concernant la monnaie et notamment d’y condamner la spéculation. Mais nous ajouterons que ce n’est pas la fonction de réserve de valeur qu’il faut mettre en question mais sa fonction de mesure (nous donnerons quelques indications en ce sens).
Il faudra cependant du temps pour arriver à cette conclusion, et surtout de la rigueur dans l’argumentation : car il n’est pas courant, y compris sur ce blog, de contester la démarche scientifique pour aborder une réalité sociale. Et pour tout dire, le risque de la subjectivité en devient permanent. Pour éviter ces travers je vais m’appuyer sur le texte de référence sur la question de la science : les prolégomènes de Kant (les Prolégomènes sont écrits après la Critique de la raison pure à la fois comme commentaire et comme généralisation).
Un texte étrangement prémonitoire d’ailleurs, et jusque dans son titre, puisque Kant va l’introduire ainsi « or ce n’est pas une chose si inouïe qu’après avoir longuement travaillé à une science quelqu’un s’avise de la question suivante : à savoir si de manière générale une telle science est possible et par quels moyens » [Kant – Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science – La pléiade ] Et telle est bien notre situation que d’avoir à nous interroger – 150 ans après sa création – sur ce qui fonde in fine la légitimité de la science économique.
Le marché réel et le marché en tant qu’objet de la science économique
La position de Kant repose sur trois idées dont nous n’énonçons ici que les deux premières
 « Il n’est de science que mathématique » : cela veut dire que la science ne peut prétendre à la valeur universelle que sous la forme d’un calcul rationnel ; c’est la base de l’objectivité.
 Mais cette mathématique « n’atteint pas le réel en lui-même », cela signifierait que ce réel serait lui-même mathématique. En fait la démarche de la science procède toujours par une définition préalable de son objet pour le rendre accessible à son savoir mathématique… pour le « mesurer ».
Il s’agit là de la thèse centrale du kantisme, mais aussi, hélas, de la plus difficile à comprendre pour un scientifique : car Kant dit précisément que la science peut décrire la réalité – Kant est un admirateur de Newton – mais sans prétendre à en atteindre la nature intime « la chose en soi » : elle procède pour lui par une re-construction préalable, et c’est cette reconstruction dont elle va faire son objet : lequel objet devient alors l’objet de la connaissance. Il faut donc distinguer dès qu’on parle de science entre le réel et l’objet que l’on connaît.
Précisons toutefois : car en disant cela Kant ne soutient pas que l’objet connu puisse être totalement abstrait de la réalité, qu’il soit un pur construit comme le soutient un fort courant moderne (et dont certains économistes ont cherché à bénéficier de l’écho). Pour parler comme le pragmatisme américain : il ne prétend pas que le réel serait la somme des jugements scientifiques à son endroit. Au contraire : la science est connaissance expérimentale et c’est bien du réel qu’elle tire l’essentiel de ses informations, un rapport au réel qui demeure et s’opposera à toute subjectivité. Mais la science accède à ces informations selon des règles précises, lesquelles justement modifient ce réel pour le rendre accessible à notre connaissance « L’entendement ne puise pas ses lois dans la nature, il les lui prescrit » En d’autres termes, ce sont les caractéristiques formelles de notre connaître qui vont façonner le réel que nous pourrons ensuite connaître (mesurer). D’où la célèbre formule : « les conditions de possibilité de l’expérience sont les conditions de possibilité de l’objet de l’expérience». [Kant – Critique de la raison pure]
Evidemment ce mode de connaissance exige des conditions en retour, notamment sur le type de mathématiques que l’on peut déployer. Et disons-le d’entrée c’est ce point que vont totalement manquer les historiens de la pensée économique moderne (cf. article à venir). Mais arrêtons-nous là pour le moment car on peut voir, rien qu’avec cette formule – où git la crise de la science économique.
Le marché, la monnaie et le concept scientifique de monnaie
En effet s’il existe une notion indiscutable en matière économique c’est bien celle qui décrit son OBJET, c’est-à-dire la réalité qu’elle cherche à connaître. Cette réalité c’est ce qu’on appelle « le marché » et elle désigne un phénomène précis : l’interdépendance des transactions, le fait qu’une action sur l’intérêt à Paris, est liée à une vente de marchandises à Francfort ou un investissement à Stockholm. Ce phénomène semble évident pour nous modernes, car il ne tient qu’au seul « fait » de la monnaie, c’est-à-dire à la généralisation de la médiation monétaire (disons pour aller vite ici : à partir des XVI, XVIIème siècle). Et l’on soupçonne aisément pourquoi la science économique a pu se croire fondée de prendre ce marché pour OBJET : car c’est bien en langage mathématique que la monnaie effectue cette liaison, et la démarche scientifique s’en trouve presque d’entrée légitimée. Depuis cette époque donc, lorsqu’on parle de marché, c’est cette réalité monétisée que l’on désigne et lorsqu’on parle de science économique c’est la structure des valeurs lisibles dans cet ensemble que l’on cherche à expliquer.
Cela on pourra tous l’accepter. Mais si l’on suit Kant, alors on se rendra compte que la science ne décrit pas directement ce phénomène de marché, même si le plus souvent elle en a l’illusion. Ce qu’elle décrit en fait c’est une réalité de marché « formatée » et formatée à partir de ses propres outils connaissance : c’est-à-dire en clair de ses propres outils de mesure des valeurs, qu’elle va ensuite lire sur le marché. Ainsi cette proposition banale qui dit qu’un surcroit de consommation entraine un surcroit d’investissement (dC => dI) : on cherche bien ici à décrire des faits réels exprimés en vraie monnaie. Mais en réalité on parle de deux concepts statistiques (C et I) exprimés non pas en monnaie réelle, mais dans une même unité logique : le concept de monnaie que s’est choisi la science. Et c’est sous ce concept qu’elle va ranger les mesures, qui de consommation et qui d’investissement.
La science le reconnaît d’ailleurs lorsqu’elle dit qu’elle raisonne « en valeur » [Hicks, valeur et capital] : cela ne veut pas dire qu’elle raisonne en monnaie, même si parfois elle parle de « dollars », mais cela signifie qu’elle mobilise d’entrée un concept de monnaie, et qu’elle range toutes ses observations dans cet univers quantifié. Et Hicks est sur ce point fondateur de la science économique moderne. Il y a donc deux réalités convoquées par la science économique
 Un marché réel, avec une monnaie réelle,
 Et une représentation de ce marché, construite à partir d’un concept préalable de monnaie.
La crise de la science économique est celle de son concept de monnaie
Evidemment cette dualité soulève la question du sens de ce concept de monnaie, puisqu’on le voit, c’est lui qui détermine toute la construction postérieure de la science économique. Mais il s’agit d’une question aisée à décider si on remarque la contrainte épistémologique qui pèse sur cette « monnaie » : celle de répondre des exigences logiques des propositions mathématiques de la science. Ce qui veut dire que la monnaie sera définie par sa fonction : money is what money does (Hicks) et possèdera cette caractéristique essentielle d’être une réalité homogène et quantifiable (in fine elle n’apparaîtra que sous la forme d’une quantité unidimensionnelle).
Et c’est ce dernier point qui nous amène à notre conclusion : car nous le savons ici, ce concept de monnaie a peu de choses à voir avec la réalité. Paul Jorion l’a amplement démontré et l’on se contentera ici de renvoyer à son L’argent, mode d’emploi (Fayard 2009) : la monnaie d’aujourd’hui est un ensemble disparate formé d’argent – qui est un gage réel, auquel se rajoutent des créances de tous types plus ou moins solides, etc. Sur le plan mathématique qui nous intéresse ici, c’est-à-dire sur le plan de sa fonction de mesure des valeurs, c’est donc un ensemble foncièrement hétérogène.
Dire avec la science que la monnaie est homogène est donc prendre le risque de s’illusionner, c’est-à-dire de construire un univers conceptuel non seulement différent – il l’est par définition – mais divergent de la réalité. C’est donc bien prendre ce risque d’illégitimité que nous pointions au début de cet article.
Il est logique que la crise éclate maintenant
Mais on peut aller plus loin maintenant et comprendre pourquoi de telles questions se posent seulement maintenant.
 Car si le concept de monnaie et monnaie réelle divergent sur le fond, les différences peuvent être faibles en pratique ; et ne l’oublions pas la science n’a jamais prétendu aller bien au-delà d’une certaine approximation.
Tant donc que la monnaie restera raisonnablement stable, la science aura alors des chances de prévoir le réel de façon suffisante… et honnêtement parlant, tel a été le cas et sur de longues décennies depuis la naissance de la science. Le XXème siècle l’a donc vue se déployer et Samuelson n’était pas infondé lorsqu’il la qualifiait « de reine des sciences humaines ».
 Mais aujourd’hui le roi est nu : car non seulement la monnaie de la science diverge de la monnaie réelle, et notamment ignore les effets de l’hétérogénéité de la monnaie réelle, mais la science est incapable par construction de s’en apercevoir : puisque cette monnaie est à la base de toute sa conceptualisation.
Ainsi cette fameuse théorie des anticipations rationnelles base logique de l’idée « d’efficience des marchés » : tant que les acteurs ont fait comme si la monnaie en leur possession était « homogène » – i. e. : tant que les risques d’insolvabilité étaient connaissables – la théorie a pu « marcher » et démontrer, montrant (la prétendue) inutilité d’une banque centrale prévisible ; mais que le doute pénètre les esprits et les acteurs réels se détourneront des calculs pour se positionner par rapport à leur monnaie réelle : c’est-à-dire aux risques d’insolvabilité qu’elle porte. Bref, ils se transformeront en des spéculateurs imprévisibles. Mais il ne s’agit que d’un exemple. Car il en est de tous les concepts macroéconomiques comme de cette théorie : s’ils ne perdent pas toute réalité comptable, ils perdent leur capacité explicative ? Et n’est-ce pas là l’enjeu de la science économique ?
Nous sommes donc aujourd’hui face à une crise ouverte de la science économique avec tout ce que cela comporte comme délégitimation des savoirs des experts… mais aussi comme risque de démagogie. Aussi importe-t-il d’en mesurer toute la portée, ce que nous ferons dans les prochains articles en montrant la dimension institutionnelle de ce fameux marché.
Car bien évidemment tout n’est pas à jeter dans la connaissance que nous avons du monde économique. Et la notion de marché conserve un certain sens (on verra en quoi ci-après). Mais ce qui change désormais c’est la démarche que nous allons prendre laquelle n’aura plus de raison d’exclure la philosophie politique et morale…
Nota : dans cet article nous avons pris le terme générique de science pour désigner la science telle qu’elle se présente aujourd’hui tous courants confondus car ils mobilisent la même « monnaie ». Une telle approche mérite doit être complétée par la genèse de ce courant de pensée, en montrant en quelque sorte « comment on en est arrivé là ».
51 réponses à “Une métaphysique qui voulait se présenter comme science, par Claude Roche”
Bonjour et bon Dimanche à tous,
@Claude Roche (l’auteur)
Petite coquille:
id = idem ? (peut-être? ou j’ai rien compris!)
id est sa finalité et les principes de sa méthodologie et au-delà les modes de connaissance économiques qu’elle nous a cachés.
—-
Juste pour savoir:
Qui a le premier employé l’ expression de » science économique » ?
Bien cordialement,
Ordjoun.
http://video.google.com/videoplay?docid=8766991904046897581
http://www.mugur-schachter.net/DOC7a.pdf
Le point de vue d’ une physicienne en faveur d’ une méthodologie pour aborder correctement
la construction d’ une connaissance, sans tomber dans l absolutisme qui dans le domaine économique nous a conduit ou nous sommes
id est = c’est-à-dire 😉
@Tigue: merci infiniment pour ces liens, je vais y puiser de quoi soutenir mes dadas….
Oups! C’est hyper-trapu, mes dadas vont devoir attendre… J’en recommande toutefois la lecture, ne serait-ce que pour y glaner certains passages, façon sauce BécHameL. Par exemple celui-ci, page 35 et suivante:
« Les étapes au cours desquelles s’élaborent des ‘objets’, sont définies explicitement dans MCR : ce sont ce qui a été dénommé des méta-conceptualisations intrinsèques de descriptions transférées, dont on détache des modèles minimaux qu’on élabore par la suite en modèles tout court. Ces dénominations pointent vers le même type de processus de création d’‘objets’ dont les biologistes du cerveau et les chercheurs en sciences cognitives établissent des aspects psycho-biologiques. Mais MCR dote ces processus d’une représentation épistémologique. Tous ceux qui s’intéressent à la question sont aujourd’hui d’accord que les ‘objets’ sont des construits illusoires. Mais quoi, exactement, est illusoire dans les ‘objets’ ? D’abord, la croyance qu’ils préexisteraient à nos actions cognitives, qu’ils existeraient indépendamment de tout processus cognitif, et précisément tels que nous les percevons, munis de propriétés qu’ils possèderaient de par eux-même et que nous percevrions ‘sur’ ou ‘dans’ eux ‘telles-qu’elles-y-sont’. Or cette croyance est désormais abolie dans la pensée avertie. Pourtant le fait reste que ces ‘objets’ sont ressentis comme constituant le réel physique, ou au moins comme étant des éléments essentiels de ce réel ; ils ne sont pas ressentis comme des construits où le physique et le psychique sont tissées l’un à l’autre de manière inextricable et indélébile. Et même dans les esprits les plus avertis il subsiste le postulat plus ou moins vague que les ‘objets’ physiques seraient ce qui est le plus ‘près’ du réel physique. Là, dans ce postulat non-dit, intervient une sorte d’intuition floue de ‘distance minimale’ entre la pure factualité physique et ces construits du fonctionnement-conscience que l’on dénomme des ‘objets physiques’. Or MCR montre clairement que – dans un certain sens précisé, celui de la chronologie – les objets physiques sont plus éloignés du réel physique que ne le sont les phénomènes auxquels aboutissent les descriptions transférées (fig. 2). Bien que les phénomènes soient quasi unanimement définis de nos jours comme des événements psychiques, autant par les philosophes que par les physiciens de la mécanique quantique. Sous la loupe de MCR on peut voir pas à pas comment nous fabriquons des ‘objets’ en tant que modèles dotés d’une cohérence d’espace-temps, en partant de descriptions transférées ‘non-compréhensibles’ qui, elles, fabriquent d’abord des ‘phénomènes observés’, par une démarche tout autant physique que psychique. On voit donc comment, sur le trajet chronologique de construction de connaissances, la fabrication d’objets, éloigne du réel physique. »
Monsieur Roche,
N’étant pas expert en philosophie ni en économie, je ne m’aventurerai pas à commenter votre billet dans ses aspects techniques. Je pense néanmoins suivre les grandes lignes de votre raisonnement.
Je souhaite simplement faire deux remarques.
1) Sur la « science » économique : il arrive même que les matheux s’y perdent! (le progrès fait rage…)
=> http://www.penombre.org/inedits/05.htm
2) Dans tout message, la conclusion est très importante. Ici, je retiens que face à la crise ouverte de la science économique, certains phénomènes se font jour, tels que la délégitimation des savoirs des experts, ainsi que des risques de démagogie.
Je retiens également que la notion de marché conserve un certain sens, dès lors qu’elle incluera une dose de philosophie politique et morale.
Je ressens dans ces remarques une forte connotation politique, en décalage avec la tonalité « technique » du reste du billet.
Au plaisir de lire la suite,
Cordialement
Frédéric
bonjour,
le problème a toujours été de faire correspondre, de force parfois, la réalité sociale avec la théorie économique. ce que les mathématiques ont tout de même rendu possible par le biais de la « rationalisation » de l’individu, concept à la base de la science économique. ainsi, en niant la complexité de l’être humain et en lui inculquant comme valeur suprême la recherche de la rentabilité, la science économique a réussi le formidable tour de force de non pas adapter la théorie à l’humain, mais de rendre l’humain compatible avec la théorie.
voilà comment on en est arrivés là.
http://calebirri.unblog.fr/2009/07/12/la-rationalisation-de-lindividu-ou-comment-rendre-lhomme-calculable/
@ Monsieur Claude Roche,
j’avais beaucoup apprécié en février dernier votre billet intitulé : « la finance ne s’auto-régulera pas ».
Ce nouvel article « une métaphysique qui voulait se présenter comme science « est tout aussi passionnant…
Auriez-vous l’amabilité de vous présenter en quelques mots?…
Ce serait vraiment très gentil à vous : ne vivant pas en France je n’ai pas l’honneur de vous connaître…
Merci infiniment…
@ ferderic, laurence
je n’ai écrit que deux billets jusqu’ici .. même si je pense effectivement que la finance ne s’autorégulera pas..
En tout cas merci pour vos réponses
Vos deux questions re renvoient l’une l’autre et je n’ai aucuns scrupule à me présenter bien que je sois aussi atypique que Paul : j’ai fait ma carrière en tant que consultant et professeur dans une école d’ingénieur .(je viens de redevenir prof pour finir ma carrière)
J’ai fait un doctrorat de philo à partir de la question très « connotée NTIC » de la dématérialisation de l’économique : c’est à ce moment que je me suis rendu compte de la crise ouverte de la science économique et du lien de cette question avec l’institution financière ( une partie de ma thèse porte sur Locke et l’institution du marché financier ). Et j’y ai défendu l’idée d’une réinstitutionnalisation de l’économie .. je dois le dire dans l’indifférence générale
Je soutiens PJ parce qu’il a réussi à percer le mur de verre et reparler d’institution économique. Et il FAUT le soutenir car la corporation intellectuelle ne lui pardonnera pas de sitôt son influence !
Je ne suis bien sûr pas d’accord sur tout, mais pense comme lui que pour traiter le problème sur le fond, on ne fera l’impasse sur un retour sur les fondements philosophiques de nos sociétés . Personnellement je pense que c’est même le point essentiel
pour Frédéric : mon enjeu est moins de parler politique à propos du marché, que philosophie : précisément de réintroduire la notion de justice et de responsabilité au coeur de la réflexion économique
amicalement
Très heureux de découvrir un texte qui va au plus profond. Attends la suite avec impatience.
l’illusion d’une science qui se définirait d’un surcroît de savoir comme rendue de plus en plus extérieure à son objet, voir je le crains totalement indifférente. Le premier économiste a pu être un convoyeur sur un dos d’âne, la valeur de son échange s’augmentant du poids de sa sueur. Jusqu’à un certain niveau d’échange l’argent produit ce miracle, identique à l’arrogance de la science vis-à-vis de ce qu’elle observe, qui est de rendre purement abstraite la nature de l’argent dès qu’il nous est offert d’en posséder bien assez et ainsi d’échapper aux vicissitudes communes des mortels, et d’abord du travail (qui fut sa mesure référentielle, sa valeur j’imagine), et de se croire branché au régime de la jouissance pure.
Le fait de modéliser d’instituer des processus de captation des richesses varie selon les notions de biens communs, de ressources etc. et du terrain de résolution qu’on choisit pour l’observer : chercher du possible dans la dialectique des rapports de force, ou fuir, arrivé au seuil critique des tensions, des contradictions. En temps de crise les instruments de mesure économiques déconnectés des fonctionnements réels, amplifient leur discordance travaillant à innover dans des logiques restreintes encore plus incisives. Le point de recul se bouchant au-delà des chiffres au quotidien de la bourse ou comme lorsqu’en voiture sous la neige les prévisions météo vous en remettent une couche. Construire des modèles mathématiques n’oblige pas à croire que la réalité doit se conformer à eux… et ce n’est sans doute qu’accessoirement son but… ne pourrait-on pas rapprocher le pouvoir de l’économie et son discours décroché du réel de ce qu’on découvre des pratiques sexuelles sûrement très anciennes de l’église ? L’événement de la crise est si grave que je ne peux m’empêcher de rapprocher le savoir économique et ses représentations prises de cours coïncider avec lui. Accorder le savoir économique à quoi désormais? N’est-il pas en même temps appui et obstacle (la crise le dépasse). j’ai bien peur que les propositions économiques « raisonnables » donc radicales / à la torpeur réactionnaire, que j’apprécies de lire sur ce blog soient au temps propice de leur prise en compte dépassée par de nouvelles donnes catastrophiques, je souhaite me tromper copieusement ; cette hypothèse ne m’empêche pas de vous encourager à penser contre tout ce qui nous empêche d’agir, même si à partager une dose d’angélisme « La pensée n’est pas arborescente, et le cerveau n’est pas une matière enracinée ni ramifiée. Ce qu’on appelle à tort « dendrites » n’assurent pas une connexion des neurones dans un tissu continu. La discontinuité des cellules, le rôle des axones, le fonctionnement des synapses, l’existence de micro-fentes synaptiques, le saut de chaque message par-dessus ces fentes, font du cerveau une multiplicité qui baigne, dans son plan de consistance ou dans sa glie, tout un système probabiliste incertain, uncertain nervous system. Beaucoup de gens ont un arbre planté dans la tête, mais le cerveau lui-même est une herbe beaucoup plus qu’un arbre. « L’axone et la dendrite s’enroulent l’un autour de l’autre comme le liseron autour de la ronce, avec une synapse à chaque épine. » (Steven Rose) Gilles Deleuze ; Félix Guattari, Mille plateaux (Minuit, 1980, p. 24)
« et comme on le verra ce rapport est politique avant que d’être économique. »
C’est toujours agréable de lire ça, même si c’est malheureusement trop rare.
Quant à Kant, je ne connaissais pas, mais ce qu’il dit ici est si évident…
@.. merci pour le évident
C’est le propre des grands philosophes d’apparaître « évidents » à postériori, car ils ont tellement marqué leur temps que leur pensée est passée dans la culture sans qu’on le sache. Lisez le Discours de la méthode de Descartes et vous vous demanderez et cela vous semblera simplicime .. alors même qu’à l’époque c’était révolutionnaire.
Je vais essayer de faire la même chose avec Locke et la philosophie politique classique.
amitiés
@ Monsieur Claude Roche,
merci beaucoup pour ces précisions!
Je viens de découvrir le billet intitulé « la Tradition Institutionnaliste Européenne »…
Comme vous le dites : ‘un retour sur les fondements philosophiques de notre société’ est impératif…et urgent.
Merci de contribuer à cette tâche…
Bonjour à tous
Le lien que je vous transmet ici n’a rien à voir avec la science économique mais avec la science tout court! Ce qu’il dévoile peut avoir de grandes conséquences pour nous au quotidien d’ici quelques années pour peu que les lobbies pétroliers ou nucléaires ne l’enterrent pas. C’est pourquoi il serait peut être juste de le diffuser au maximum – veuillez, je vous prie, me pardonner cet hors sujet.
http://web.mit.edu/newsoffice/2008/oxygen-0731.html
Cependant cette découverte,( quoique il me semble qu’il y ait eu des travaux de recherche similaires à l’université de Nancy dans les années 70/80), peut aider grandement à réinstaurer de l’éthique et de la philosophie dans notre société.
merci et bonne continuation.
les recherches ont abouties à cette start-up
http://www.suncatalytix.com/
ils collectent des fonds et ils embauchent …pas de produit à vendre
C’est bien, mais l’hydrogène ça fait ça:
http://www.youtube.com/watch?v=F54rqDh2mWA
Un peu d’humour américain.
Il y a environ 25 ans j’ai lu dans une revue qui devait s’appeler ‘Journal of Economic Science », publiée à Boston le conte suivant :
Cela se passe aux environs de l’an 3000. Des archéologues fouillent sur la côte est de l’Amérique du Nord le site d’une ancienne métropole qui se serait appelée « Boston ». Ils découvrent dans les ruines d’une bibliothèque les fragments d’un journal dont ils déchiffrent le titre avec peine « Journal of Economic Science ». Ils sont stupéfaits : »Comment, cette civilisation disparue dont nous savons qu’elle avait atteint un très haut degré de connaissances croyait que l’économie était une science ? ».
(Authentique)
LE CREDIT BANCAIRE
Puisqu’il est question de monnaie et du récent ouvrage de Paul Jorion « L’Argent, mode d’emploi », qu’on me permette ici de livrer le point sur lequel a achoppé ma lecture de cet ouvrage, au demeurant fort respectable, acheté hier matin.
Au Chapitre V (Le fonctionnement des banques commerciales), Paul Jorion, pour démêler le vrai du faux dans la fameuse diatribe de création monétaire ex nihilo, écrit:
« Voici comment le système fonctionne: Eusèbe dépose 100E sur son compte à la banque. La banque est obligée de constituer sur cette somme une réserve fractionnaire (10%) en banque centrale. Le reste, elle a la droit de le prëter. Ce qu’elle fait: Casimir avait besoin de 90E, elle les lui accorde…
Casimir, ayant obtenu de la banque un prêt de 90E, oublie soudainement pourquoi il avait besoin de cette somme et la laisse dormir sur son compte en banque. Laquelle, profitant de l’aubaine, prête alors, à partir du dépôt de Casimir, la somme…81E à Oscar… et ainsi de suite, d’où le multiplicateur 10 de la masse monétaire. »
NON! CASIMIR EMPRUNTE NECESSAIREMENT POUR ACHETER, ET LE VENDEUR DEPOSERA LE PRODUIT DE LA VENTE A SA BANQUE, QUI EN PRÊTERA 90% A OSCAR…ET AINSI DE SUITE.
D’OU LES 900% de flux monétaire ainsi mis en circulation à partir d’une base initiale 100!
Paul Jorion poursuit:
« Le calcul est intéressant, mais c’est là un « outil d’économiste »: c’est une construction théorique qui exprime sans plus la vitesse de circulation de l’argent. »
NON! S’IL NE S’AGISSAIT QUE DE VITESSE, CE SERAIT LA MÊME SOMME CIRCULANT PLUS VITE, APRES CREATIONS/DESTRUCTIONS SUCCESSIVES, COMME POUR TOUT DENOUEMENT DE DETTE.
OR, IL S’AGIT ICI DE FLUX SIMULTANES, LA CREATION SUIVANTE N’ENTRAÎNANT PAS DE DESTRUCTION, PUISQU’ELLE N’ATTEND PAS LE DENOUEMENT DE LA DETTE PRECEDENTE.
Et Paul Jorion conclue:
« Souvenons-nous en effet que le calcul fondé sur le taux de réserve fractionnaire ne produit ces chiffres stupéfiants…que dans un seul cas de figure…: chacun utilise la totalité du montant de son prët pour le déposer sur un compte à vue… »
NON! CHACUN UTILISE LA TOTALITE DU MONTANT DE SON PRÊT POUR LE … DEPENSER AUPRES D’UN TIERS QUI, LUI, LE DEPOSERA SUR SON COMPTE A VUE, ETC.
Dans le chapitre suivant, Paul Jorion en déduit:
« Les explications relatives à la création monétaire par les banques commerciales sont en général trés embrouillées….. »
AI-JE L’AIR D’ÊTRE SI EMBROUILLE ?
Et Paul Jorion enchaîne:
…la circulation respecte nécessairement le principe de conservation des quantités , d’une part, et d’autre part, l’enregistrement comptable dont le langage …repose sur une égalité de principe entre crédit et débit.
NON! IL N’Y A PAS CONSERVATION DES MÊMES QUANTITES PUISQUE L’UNE DES DEUX EST UNE DETTE dont Paul Jorion a bien pris soin de nous dire:
« De mon point de vue, une reconnaissance de dette n’est pas de la monnaie, le terme tendant à suggérer qu’il y aurait une identité de nature entre la marchandise privilégiée qu’est…l’argent, et une trace de transaction contenant l’annonce de deux transactions à venir, qu’est une reconnaissance de dette. »
C’est bien là que se trouve la SOLUTION DE L’AMBIGUITE: Dans tout système où l’on peut disposer d’un bien immédiatement en échange d’une promesse, il y aura multiplication immédiate de ce bien avant,… bien avant, que le dénouement de la promesse ait lieu.
Pour parler le langage de l’informatique, c’est miltiplier les processeurs pour faire du calcul parallèle au lieu de faire du calcul pipe-line. On notera qu’il n’y a là, pour l’instant, aucun jugement de valeur.
Vérification faite, j’ai retrouvé cette formulation correcte dans quantité d’ouvrages…qui n’en font pas tout un plat, à commencer par le moins prétentieux, celui de A-J Holbecq et al. (L’économie citoyenne, Editions Yves Michel 2002), qui résume la chose en moins de quatre lignes:
« En attendant, ces nouveaux 90(00)F (il en était encore aux francs), une fois dépensés, aboutiront sur un autre compte dépôt et la banque réceptrice pourra à son tour accorder un autre prêt de 81(00)F. Ces 81(00)F aboutiront à leur tour sur un compte de dépôt et permettront à leur tour un nouveau prêt, etc., ce système aboutissant en fin de compte à la possibilité de multiplier par 10 les 100(00) initiaux. »
Marx l’avait déjà compris lorsque, à la question « La production capitaliste avec son volume actuel serait-elle possible sans le système du crédit? », il répondait: « Evidemment, NON! »
A vrai dire, Paul Jorion semble avoir été heurté par la formulation qu’il cite de notre « Prix Nobel d’Economie » Maurice Allais:
» A chaque opération de crédit , il y a ainsi duplication monétaire. Au total, le mécanisme du crédit aboutit à une création de monnaie EX NIHILO par de simples jeux d’écritures. »
le même déclarant également, par ailleurs:
« dans son essence, la création de monnaie EX NIHILO actuelle par le système bancaire est identique à la création de monnaie par des faux monnayeurs… La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. »
Le mot EX NIHILO est effectivement malheureux puisque c’est plutôt EX PRIMO qu’il faudrait dire (la multiplication à partir du premier). Mais le mot faux monnayeurs est plus juste, puisqu’on laisse ainsi aux banques commerciales 90% de la création monétaire, monopole normalement dévolu à l’Etat.
Lorsque tout le secteur du crédit fut nationalisé à la Libération, les bénéfices (au double sens du terme) en revenaient à l’Etat et pouvaient donc être redistribués dans l’intérêt général. Lorsque ce secteur fut privatisé par Balladur, puis Strauss-Khan/Jospin, on revint au schéma capitaliste anglo-saxon pour les banques commerciales avec, de surcroît, une banque centrale nationale dépourvue du droit de création initial au profit de la BCE. Ce qui a pour conséquence l’explosion de…
LA DETTE PUBLIQUE
C’est en Janvier 1973, sous l’égide de Pompidou, ancien banquier du Groupe Rotschild, et de son ministre des finances Giscard d’Estaing, de façon presque concomitante à l’entrée du Royaume Uni dans l’Europe d’alors, que fut adoptée la loi interdisant à l’Etat Français d’emprunter auprés de la Banque de France. Contrairement à ce qui se faisait jusqu’alors, cette loi fit obligation à l’Etat Français de s’adresser désormais au secteur bancaire marchand, moyennant un intérêt versé à ce dernier.
Beaucoup d’observateurs ne virent là qu’un jeu d’écritures, tant que notre secteur bancaire restait nationalisé, comme l’avait voulu le Conseil National de la Résistance. Mais cela ne resta pas longtemps en l’état, comme on s’en aperçut trés vite.
L’opération fut d’abord inscrite, en 1992, dans le marbre du traité de Maastricht, sous l’égide de Delors et aux bons soins de Lamy, son Directeur de cabinet, qui se retrouva deux ans plus tard Directeur du Crédit Lyonnais pour en préparer la privatisation. Entre temps, le nouveau ministre des finances Balladur, ancien proche de Pompidou dont il avait dirigé le cabinet, procéda aux premières privatisations, celles des banques en priorité, dès 1993. L’opération fut parachevée par Strauss-Kahn, qui s’en fit le plus zélé protagoniste au sein du gouvernement Jospin, de sorte que ce dernier restera comme le gouvernement ayant le plus privatisé en France!
Il en découle, depuis 1993, que la dette publique, jusque là effacée par son retour d’intérêts dans le giron de l’Etat, et avant cela par émission pure et simple, s’accumule aujourd’hui au bénéfice de banquiers privés et constitue la plus gigantesque rente versée au grand capitalisme, au point que les intérêts cumulés ne sont pas loin de rejoindre le montant de la dette elle-même (1400-1500) Milliards d’Euros). Cette rente représente chaque année, comme on le sait, un montant devenu depuis peu supérieur à la totalité de l’impôt sur le revenu. En d’autres termes, sans ce monstrueux cadeau volontaire versé chaque année aux grands actionnaires des banques, les français pourraient s’exempter aujourd’hui de payer l’impôt sur le revenu (et il resterait encore un solde positif)!
Cette disposition, on l’a vu, découle d’un plan savamment conduit par des personnalités au coeur du système financier et bancaire (Pompidou, Lamy, Balladur, Strauss-Kahn). Il serait évidemment risible de prétendre qu’ils ignoraient les conséquences de leurs actes, puisque c’est ce but même qui était visé: écarter l’Etat, au bénéfice d’intérêts privés percevant l’impôt à sa place, sous forme de dette publique!
Si, il y a conservation des mêmes quantités (d’argent) PUISQUE l’un des deux est une dette (donc pas de l’argent, même si cette dette a une valeur marchande).
Je ne vous force pas la main, je ne déforme pas vos propos : c’est votre propre phrase.
Il n’y a multiplication que si vous additionnez les reconnaissances de dette à l’argent. Or, les sommes sur votre relevé de compte ne sont que des reconnaissances de dette. Quand vous les sortez du compte, elles redeviennent de l’argent, et dans ce cas-là, la banque devrait en principe « débobiner » tous les prêts qui ont successivement pu être faits à partir de cette somme (selon le mécanisme des réserves fractionnaires) – en pratique, elle préférera aller le chercher ailleurs. Et le même raisonnement s’applique à tous ceux dans la chaîne qui déposent successivement une fraction de la somme initiale sur leur compte.
Voyez le billet de Claude Roche ci-dessus : « Paul Jorion l’a amplement démontré et l’on se contentera ici de renvoyer à son L’argent, mode d’emploi (Fayard 2009) : la monnaie d’aujourd’hui est un ensemble disparate formé d’argent – qui est un gage réel, auquel se rajoutent des créances de tous types plus ou moins solides, etc. »
@l’auguste auteur de « Comment la vérité et la réalité furent inventées »: ne pensez-vous pas que citer quelqu’un qui cite soi-même est un argument quelque peu « circulaire », donc de valeur discursive rigoureusement nulle ? (Vous avez remarqué que je ne me suis pas adressé à l’auteur de « L’Argent mode d’emploi » avec les théories duquel je suis plutôt d’accord.)
@crapaud
La « circularité » que vous déplorez invite Hadrien à lire, puis à relire, sans plus…
Pour répondre à Hadrien, Jorion écrit « Claude Roche à écrit que Jorion a établi le fait suivant » :
Ce qui est une façon pour Jorion de dire « Claude Roche et moi, sommes d’accord sur ce fait logiquement établi » (qui est tout différent du simple partage d’un même avis ).
aller … « pour le dire encore plus simplement » : Jorion n’a pas dit « j’ai raison parce que Claude Roche dit que j’ai raison »
@Jean-Luce: « aller … « pour le dire encore plus simplement » : Jorion n’a pas dit « j’ai raison parce que Claude Roche dit que j’ai raison » » : heu… il ne l’a pas dit dans ces mots-là, mais ça revient au même: « Voyez le billet de Claude Roche ci-dessus : « Paul Jorion l’a amplement démontré… » . C’est même drôle car Roche cite Jorion, lequel cite Roche citant Jorion. 🙂
D’où mon étonnement, d’où mon post.
Vous n’avez rien d’autre à faire, petits morveux ! Il y a tant de questions à résoudre et vous perdez votre temps à ces gamineries !
Plus sérieusement : j’aimais bien le « la monnaie d’aujourd’hui est un ensemble disparate formé d’argent – qui est un gage réel, auquel se rajoutent des créances de tous types plus ou moins solides, etc. » de Claude Roche. Reprendre toute la citation m’évitait de devoir dire : « Je suis d’accord avec cette formulation, et en plus, c’est exactement ce que je dis ».
@ merci sur ce point
Juste pour préciser; j’ai travaillé pendant longtemps sur la monnaie., et pendant longtemps j’ai pataugé : je n’y arrivais que par la médiation historique de Locke.
Lorsque j’ai lu L’argent, mode d’emploi, j’ai pris la mesure de la clarté et de la simplicité de sa formulation. Comme dit Descartes ce qui se conçoit bien s’énonce clairement.
Ce n’est pas faire de la flagornerie que de le dire (d’autant que je ne suis pas d’accord avec PJ sur tout .. notamment sur le FMI).
Mais c’est vrai que DANS la SITUATION ACTUELLE il est important de « faire front » autour de cet ouvrage pour une raison précise : alors que la monnaie est le bien économique le plus important, cet ouvrage montre que toute la profession des économistes s’est trompée sur elle : le simple fait de l’existence d’AME matérialise la crise de toute une profession.
amicalement
La « science économique » tente de modéliser le marché, un peu comme la médecine/pharmacie tente d’appréhender notre corps et ses mécanismes. Régulièrement des médicaments sont interdits car les effets secondaires néfastes, parfois pires que leurs avantages, ne se manifestent qu’en « grandeur nature » et après un certain délai!!
L’erreur est humaine et le progrès passe souvent par l’échec. Donc mea culpa et next…
Les modèles suivants seront donc meilleurs, plus résilients, jusqu’au prochain bug…
La philosophie politique existe depuis Socrate mais ne se limite pas à l’économie(?), d’ailleurs tout un chacun en fait comme Mr Jourdan…
Vive la réflexion reconstructive, mais la convergence est difficile et la passage à la pratique, théorique !
Quelles sont les charactéristiques d’une science? Elles réposent sur le schéma « hypothèses et vérification des hypothèses ». Les vérifications se font dans un labo ou l’on expérimente pour voir si le phénomène en question correspond à des lois. Le scientific est tenu de rediger son rapport de recherche de telle facon que l’on puisse retracer et répéter ces expériences sans problème. Ce n’est pas le cas de l’économie, puisqu’elle est fractale. On ne peut que classifier et quantifier des phénomènes économiques, comme c’est le cas de la sociologie. Dire que l’économie est une science est une imposture. Elle ouvre la porte à toutes sortes de préstidigitateurs dans le monde de la finance et ailleurs.
J’ai lu deux fois le billet. et comme d’autres j’attends la suite. Souvenirs des cous de philo.
En espérant que d’autres voix, de plus en plus nombreuses s’élèveront pour « exiger » un retour aux fondamentaux de la vie… en société.
… ne dit-on pas que la réalité n’est qu’un illusion ?
A signaler car ça vient de sortir (février2010) et c’est en plein dans le sujet…
715 pages pour philosophes et scientifiques avertis ( c’est même du post MMS pour Tigue…)
Kant repassé à la moulinette (Claude Roche)
C’est Michel Bitbol (directeur de recherche au CNRS (CREA polytechnique) qui en est l’auteur
Le titre ? De l’intérieur du monde, pour une philosphie et une science des relations, Flammarion.
A classer dans « épistémologie ».
Bonjour,
je ne suis pas philosophe mais il me semble que l’erreur que vous décrivez renvoie bien à ce que Wittgenstein dit sur les pièges que nous tendent le langage. En gros, l’erreur est faite au départ sans que nous nous en rendions compte minant ainsi l’ensemble de la construction théorique construite à partir d’elle. Les représentations intuitives de la monnaie sur laquelle repose les concepts « scientifiques » auxquelles P. Jorion fait appel dans son livre pour tenter de les clarifier sont là pour en témoigner. Un exemple approximatif qui me vient en passant tirée de la réflexion de wittgenstein : « si ma main gauche donne une somme d’argent à ma main droite peut-on parler d’un prêt ? » à rapprocher de ce qui se passe sur les différents comptes d’une même banque. Il me semble qu’il s’agit de l’erreur méréologique, il faudrait creuser…
Ainsi, le même auteur parlant de la psychologie, niait-il la possibilité que celle-ci se constitue en science , compte tenu du flou dans le quel se maintenait l’architecture conceptuelle sur laquelle cette « discipline » reposait. Il a ensuite passé quelques années à essayer de clarifier ce champ conceptuel à sa manière si particulière.
On peut se poser la même question au sujet de l’économie. Est-il possible de définir les concepts de base d’une façon telle qu’une démarche scientifique puisse être appliquée à cette discipline ? Là encore il serait nécessaire de démêler dans ces concepts ce qui est de l’ordre de l’empirique et ce qui est de l’ordre de la règle. La monnaie n’est-elle pas un exemple d’un concept proche de la notion des « ressemblances de famille ». Un concept « mou » en quelque sorte qu’il est difficile de durcir.
A ce propos, il me semble qu’une grande partie des débats (voir le billet d’Hadrien et la réponse de P. Jorion ) repose sur la définition de la monnaie. La distinction que fait M. Jorion entre argent et reconnaissance de dette dans son livre me paraît pertinente mais je me demande s’il n’y a pas plus à creuser dans le domaine. Finalement, il me semble qu’a
@ oui il y a à creuser, bien sûr
personnellement je considère que mon rôle ici est de re-transmettre ce que j’ai appris. Dans un billet à venir je vais essayer de montrer comment la question a été comprise à l’origine aussi bien en termes philosophiques que politiques. Simplement pour que les gens – qui font de la philo.politique sans le savoir comme dit un post – puissent dialoguer clairement (ce qui peut vouloir dire rejeter).
amicalement
Bonjour
je ne suis pas philosophe mais il me semble que l’erreur que vous décrivez renvoie bien à ce que Wittgenstein dit sur les pièges que nous tendent le langage. En gros, l’erreur est faite au départ sans que nous nous en rendions compte minant ainsi l’ensemble de la construction théorique construite à partir d’elle. Un exemple me vient en passant. « Si ma main droite « donne » des billets à ma main gauche, s’agit-il d’un prêt ? ». Cela renvoie me semble-t-il à la notion d’erreur méréologique et cela peut-être rapproché du transfert d’un compte à un autre dans une même banque. Doit-on envisager chacun des comptes comme des entités différentes ou bien se placer au niveau de la banque et considérer l’ensemble ? Peut-être une piste à creuser.
Ainsi, le même auteur parlant de la psychologie, niait-il la possibilité que celle-ci se constitue en science , compte tenu du flou dans le quel se maintenait l’architecture conceptuelle sur laquelle cette « discipline » reposait. Il a ensuite passé quelques années à essayer de clarifier ce champ conceptuel à sa manière si particulière.
On peut se poser la même question au sujet de l’économie. Est-il possible de définir les concepts de cette discipline de façon à produire un raisonnement scientifique à son sujet ? Je ne suis pas loin de penser que non, mais je suis ouvert à toutes les arguments et démonstrations.
Il me semble que le concept de monnaie entre dans la catégorie des « ressemblances de famille », un concept « mou » qu’il semble bien difficile de durcir. Les concepts « scientifiques » de l’économie repose donc sur la notion intuitive que nous avons tous de la monnaie et il faudrait reprendre l’analyse de ce champs sémantique et logique comme W. savait si bien le faire. Il me semble notamment difficile de dénouer ce qui est de l’ordre du lien avec la réalité (l’empirique) de ce qui est de l’ordre de la règle (la grammaire selon Wittgenstein).
Ainsi, une bonne partie des débats (voir le billet d’Hadrien ci-dessous et la réponse de M. Jorion) reposent sur le définition de la monnaie. Il me semble que la distinction entre argent et reconnaissance de dette est particulièrement pertinente. Mais après tout, la définition classique qui les confond n’est-elle qu’une simplification abusive ou a-t-elle une pertinence dans certains cas ? On en revient au lien entre l’empirique et le logique, la réalité et le concept. Et si nous ne sommes pas d’accord sur la définition de base, je pense que les débats vont être longs (et peut être stérile).
Bonne journée.
@ ce que je ressens à la lecture de ce blog
C’est une grande diversité sur bcp de sujets mais aussi une convergence sur le point crucial de l’univers financier.
PS sur Wittgenstein, je ne peux pas vous répondre, car je vais toucher mon point d’incompétence. Il faut savoir par contre qu’il était assez proche de Keynes, comme tout le cercle de Vienne, et que Popper était, lui, proche de Hayek .. et de LENINE (dans sa version épistémologue)
La science économique est une science sociale, ce qu’elle a largement oublié, et il n’est
sans doute pas innocent que George Akerlof, prix Nobel 2001, publie des ouvrages qui pourraient
etre ‘classés’au rayon sociologie comme « Les esprits animaux »( traduction francaise ) 2009 ) ou tout récemment: « Identity Economics: How Our Identities Shape Our Work, Wages, and Well-Being » (2010 ) ou Amartya Sen, prix Nobel 1998, publie aujourd’hui « L’idée de justice »
A Claude Roche, je recommanderais, si ce nést déjà fait, le long article de Paul Krugman:
How did economists get it so wrong
ou le récent discours de William White à l’occasion du 50 e anniversaire de la Banque Centrale Indienne: http://www.24framesdigital.com/rbi/webcast/120210/session3/william_white.html
@merci
Je n’ai pas tout mon temps pour moi, hélas, mais je vous dois au moins une réponse sur Krugman.
Sur Sen, j’ai trouvé que ses hypothèses de base étaient « floues ».
amicalement
Le lendemain …
Cher ami
J’ai lu selon vos recommandations ce dernier article de Krugman . Et je dois dire .. qu’il m’a déçu autant que peu surpris
Je ferai deux ou trois remarques .
La première est qu’il ne s’agit pas d’une critique de la science économique, mais d’une défense et illustration de ladite science .. derrière une apparence de critique
Lisez l’article en détail et vous verrez que son centre de gravité est p 10 ( de l’édition imprimée) : « flaws and frictions économics will move from the periphery to the center of economic analysis ». En clair cela veut dire que ce n’est pas la SCIENCE qui est en question mais une manière de la faire . autrement dit : il va y avoir une lutte de pouvoir dans la corporation, les partisans des marchés imparfaits vont gagner, mais on ne remet pas en cause la corporation sur ses bases
Vous noterez que ce tout au long de l’article Krugman tombe entièrement dans la critique que j’ai faite de la science économique
Pour arriver à ses fins Krugman met en avant deux propositions qui me semblent largement infondées ( si tant est que l’article soit autosuffisant, mais il semble l’être)
Première proposition : les néokeynesiens – dans lesquels il range Bernanke, et , il n’ose pas le dire trop fort, Friedman – et les chicagiens ( les « freshwaters » ) ont tous deux fait l’hypothèse de « la rationalité et de l’efficience « des marchés . Donc ils se plantent ensemble
Il faut revenir à Keynes et à ses conceptions orthodoxes
Cette thèse me choque profondément de la part d’un prix Nobel et je dirai qu’elle est américaine jusqu’au bout des ongles car elle reste totalement en surface des choses ( elle se limite à discuter les conclusions des courants de pensée sans étudier leur structure conceptuelle, ce que je pense avoir fait de mon côté ). Certes ces deux courants sont en échec sur ce point. Mais à partir de quels glissements conceptuels ? qu’est-ce qui fonde cette illusion : une ,croyance religieuse ? certainement pas, mais Krugman ne le dit pas.. dont on sait simplement que leur conclusion est erronée : c’est largement insuffisant !
Et il ne le dit pas pour une raison simple : KEYNES historiquement a été critiqué pour son incapacité à fonder sa macroéconomie sur une microéconomie sérieuse ( sur les comportements des acteurs) . C’est la leçon du congrès de Cordoue et la vraie raison de la « revanche » de l’économie néo-classique. Or Krugman ne répond pas à cela : il profite du flou pour se débarrasser de deux thèses pour le prix d’une
– Celle de l’efficience des marchés ( dont acte, mais il n’est pas le seul)
– Celle de la rationalité des acteurs : et là pas d’accord . Les acteurs , surtout sur les marchés financiers sont rationnels (cf Orlean pour la remarque).
Ce tour de passe passe lui permet de réhabiliter Keynes sans avoir à discuter de tous ceux qui l’ont – amplement – réfuté. Notamment au nom de la rationalité des acteurs
D’ailleurs on pourrait lui retorquer qu’on se demande au nom de quoi il veut réhabiliter Keynes . Au nom d’une lecture géniale que Krugman aurait faite alors que les autres se sont trompés ? Ce n’est pas sérieux. Quand on prétend relire un auteur , ce que je prétends avoir fait dans le cas de Locke, on prend la peine d’expliquer pourquoi et comment les autres se sont trompés. Sinon on s’abuse soi même . Mais je doute qu’un prix Nobel américain soit capable d’accéder à de telles élégances
Amicalement
Claude Roche,
Merci pour cet excellent billet, on attends avec impatience la suite.
J’aurais cependant quelques question à vous poser.
D’abord sur les sous sous-jacents mathématiques de nos théories économiques, surtout celle s’attelant à la prédiction de l’évolution des prix:
Ylya Prigogine à montré qu’une mathématique d’un phénomène évolutif s’il reste symétrique par rapport au temps est incomplet pour décrire l’évolution temporelle, qu’en est il des modèles en cours?
Sur la question de la nature de la science économique, pourquoi ne pas la requalifier totalement en science humaine, faute de modèle théorique adéquat.
Une critique qui est souvent faite aux acteurs du marché est le cour termisme de leur décision, première explication de la volatilité des marché.
A partir de l’instant ou la corpus idéologique des marché, les prix ne cessent de monter, à été invalidé c’est tout le système qui s’est mis à trembler, rendant le système volatile et les anticipations impossibles. C’est en quelque sorte une faillite ontologique de la science économique.
On observe aussi sur un autre grand sujet de la crise globale qu’est le climat la même faillite.
La refonte totale de la science économique peut-elle faire l’économie d’une nouvelle théorie physique de l’évolution?
@ Merci de ce post et je vous réponds rapidement sur trois points
L’intérêt de PJ est qu’il a eu le courage de remettre en question la représentation de la monnaie actuelle et de le lier à la critique des relations de la mathématique aux sciences de la nature. Il a raison même s’il sera toujours suspecté de parler de choses sans avoir l’onction de l’académie : ces choses sont en question aujourd’hui.
Je suis d’accord avec vous : si on a « dormi » si longtemps sur ce sujet c’est parce que la question de l’ONTOLOGIE a été évacuée des débats théoriques , notamment sous l’influence de la pragmatique américaine (mais aussi d’auteurs comme Foucault) . Mais vous avez raison de dire des choses pareilles .. même si l’on vous supectera toujours d’être un rêveur.
Sur Prigogine, vous touchez mon point d’incompétence .. mais je n’avais pas accroché.
amicalement
Merci de votre réponse Claude,
Mon point d’incompétence est hélas trop proche de l’origine pour soutenir le débat avec vous, la vie étant ce qu’elle est. Néanmoins j’ai la lointaine intuition que l’économie est globalement un système dissipatif, la référence à Prigogine porte sur ce point. L’ontologie est le préfixe politique dans ce sens.
Amicalement.
La ‘science économique’ est à l’économie réelle ce que l’alchimie est à la chimie. Il y a bien un rapport. Ainsi qu’un effort désespéré d’utiliser des outils qui la rendent crédible. Mais c’est effectivement avant tout une métaphysique. Il est troublant que Newton et certains des meilleurs esprits de son temps (sans parler d’avant!) s’y soient adonnés avec tant de passion.
L’objet de l’alchimie est la transmutation des métaux « vils » en or. L’or, toujours l’or! Mais au-delà, il y a la tentative d’aboutir à la pierre philosophale, ce succédané de la pensée même de Dieu. On comprend mieux pourquoi M. Blankfein, PDG de Goldman Sachs, prétend faire l’oeuvre de Dieu sur terre.
En économie l’observateur est le plus souvent un des principaux acteurs, ce qui n’offre pas une bonne garantie d’objectivité (notation : CCC-).
En économie, tout résultat attendu fait l’objet d’anticipations des différents acteurs qui modifient ainsi comme des réflexions de miroirs en miroirs le résultat attendu avant toute anticipation. Les spéculations ne datent pas d’aujourd’hui ; l’histoire antique en relate dans toutes les civilisations.
En économie il existe une similarité avec le principe d’incertitude d’Heisenberg connu en physique : on ne peut connaître simultanément de façon détaillée l’objet économique (la monnaie par exemple) et l’ensemble des anticipations qui le concernent (dettes/créances comprises par exemple). Or qu’est-ce que la valeur sinon la congruence de toutes ces anticipations ? Qu’est-ce donc qu’un objet dont la principale caractéristique ne peut être décrite ?
L’argent – je pense que vous parlez de monnaie centrale – n’est pas plus un gage réel qu’une hypothèque ou une obligation sur une entreprise qui sont, par exemple, les garanties de la monnaie de crédit bancaire.
Les billets de banque garderont une valeur faciale, mais une monnaie de banque commerciale fera de même.
Le risque reste néanmoins, seulement, le dépôt de bilan d’une banque commerciale. Peu probable si elle n’est pas gérée avec des volontés spéculatives et de rendement excessif comme par exemple Icesave.
Néanmoins, la bonne assurance pour tous (outre de nombreux autres avantages sur la gestion de la masse monétaire et des taux d’intérêts par exemple), serait un système à réserves pleines en remplacement du système actuel à réserves fractionnaires.
@ ce n’est pas sur la valeur faciale qu’il y a hétérogéneité mais sur la valeur. Quant au risque de faillite : à partir du moment où tout le système bancaire a été potentiellement en faillite, la valeur des monnaies de crédit intègre ce risque : et celui-ci est hétérogène
Claude Roche
Et vous croyez vraiment que la monnaie banque centrale ne l’intègre pas ?
L’hétérogénéité est identique…
« L’argent – je pense que vous parlez de monnaie centrale – n’est pas plus un gage réel qu’une hypothèque ou une obligation sur une entreprise qui sont, par exemple, les garanties de la monnaie de crédit bancaire. » : disons que l’argent est un « gage réel » dans la mesure où c’est le moyen de paiement le plus liquide, c’est-à-dire celui qui n’exige aucune condition préalable pour être utilisé comme tel. Les ressortissants britanniques qui possédaient une petite fortune en dépôt chez Icesave ont bien failli perdre leurs billes: car leur fortune n’était pas « de l’argent » mais « de la monnaie scripturale ». La valeur de celle-ci a été réduite en bouillie suite à certains évènements, et il fallut une intervention étatique pour qu’ils en soient dédommagés.
@Crapaud Rouge
il s’agissait de dépôts britanniques (et luxembourgeois) dans une banque offshore, avec effectivement tous les risques que comportaient l’espoir de « gagner plus »
Ceci dit je suis d’accord avec vous: au delà d’une certaine somme (garantie de l’état à 70000 €) il est difficile de garder son patrimoine « liquide » (disponible).. n’est ce pas que justice ?
Merci à vous pour ce billet auquel je souscris pour l’essentiel. Vous mettez le doigt justement dans le défaut d’une cuirasse présentée comme irréprochable: l’économie s’est construite comme « science » avec toute l’image d’infaillibilité que cela comporte en s’appuyant sur la monnaie comme mesure quantifiable et donc mathématisable. Mais la monnaie n’est le plus souvent, dans les théories économiques dominantes, que l’instrument facilitant les échanges marchands régis par le principe de valeur, en amont de l’échange monétaire (i-e derrière le prix, il y a la valeur de la marchandise). Dès lors et sur ce principe de valeur comme déterminant de l’échange marchand, se sont construites de belles théories s’appuyant sur des modèles mathématiques qui, comme les mécaniques savantes à base d’épicycles rendant compte du cours des astres dans l’hypothèse géocentrique, n’ont qu’un rapport très approximatif avec la réalité.
Je pense que la monnaie joue au contraire un rôle essentiel et déterminant dans l’économie, comme nous le redécouvrons maintenant, et qu’il faut s’interroger à nouveau (P.Jorion dirait revenir sur une bifurcation) sur la nature de la monnaie en considérant justement qu’elle est consubstantielle au lien social et aux rapports marchands qui l’accompagne. Mais, là bien sûr, on sort de la science « dure » pour rentrer dans l’anthropologie et la politique…
Que c’est fastidieux !
Kant dit surtout en critiquant « la raison pure » qu’il serait bon de ne pas raisonner sur des abstractions sans tenir compte de la réalité. La première de ces abstractions, c’est bien la valeur. La valeur ça n’existe pas. L’économie raisonne sur un truc qui n’existe pas !
C’est autrement plus ennuyeux que de constater que les modèles économiques ne correspondent pas aux marchés réels, ce que tout le monde sait depuis longtemps.
« En d’autres termes, ce sont les caractéristiques formelles de notre connaître qui vont façonner le réel que nous pourrons ensuite connaître (mesurer). »
Absolument ! C’est la définition de l’idéalisme. L’homme conceptualise un truc qui s’appelle la valeur, et se permet ensuite d’en faire la mesure.
Mais Kant comprenait moins bien le concept que Platon, qui lui-même avait obscurci Pythagore.
@ votre argument n’est pas suffisant
Le premier auteur à avoir parler de valeur au sens moderne – valeur objective – est Locke . Il écrivait « : their is no such intrinsick value in commodities ». Donc : dire que « la valeur n’existe pas » n’est pas suffisant pour constester la pertinence d’une théorie de la valeur
amicalement
Merci pour votre approche, elle est assez lumineuse.
Je n’ai ni votre parcours, ni votre approche théorique et ne peut raisonner qu’avec les outils que la nature m’a mis à disposition, expérience, observation et outil intellectuel.
Par contre, je me pose depuis bien longtemps la question suivante: qu’est-ce qui crée la notion de valeur chez les individus, de valeur partagée au sein d’un groupe, est-ce de l’ordre de la croyance et peut-être de l’illusion partagée? à quel moment les perceptions de la valeur deviennent divergentes au sein d’une société (Tour de Babel) quels sont les auteurs qui ont écrit là dessus ?
Merci de votre réponse.
Je n’ai nulle part contesté la pertinence d’une théorie de la valeur. Mais j’aurais pu le faire.
Un truc inventé est tout ce que vous voudrez qu’il soit.
C’est ainsi qu’on peut supposer des supports différents à la valeur : le bien lui-même, un métal précieux, le support monétaire. Au point qu’on ne sait plus quel objet est censé garantir la valeur de l’autre. Ca n’a jamais défrisé les économistes qui peuvent très bien affirmer les trois en même temps sans voir d’impasse logique. (Ce n’est pas très malin un économiste, un philosophe guère plus.)
On peut aussi décréter une origine qui confère à l’objet cette valeur. Au choix ce sera : le travail, la rareté, l’utilité, l’offre et la demande… Théories parfaitement contradictoires si on les combine. Avec l’utilité et le travail, on aurait d’autant plus envie d’un bien qu’il aura nécessité plus de travail pour le produire. Ces contradictions échappent pareillement aux économistes, qui juxtaposent benoîtement les théories en prétendant qu’elles ajoutent chacune à la connaissance du tout.
A votre avis, pourquoi les modélisations économiques ne marchent-elles pas ?
« A votre avis, pourquoi les modélisations économiques ne marchent-elles pas ? »
Par manque de radicalité (Au sens premier : « Relatif à la racine, à l’essence de quelque chose. ») d’où l’intérêt de revenir aux fondamentaux : le préjugé anthropologique dans lequel est fondé l’économie politique actuelle, la question de la valeur en effet mais en l’extrayant du seul « ordre » économique (ce mixte empirico-transcendantal), etc. Le réalisme de l’économie ne renvoie qu’aux effets qu’elle provoque, non au réel.