Légaliser les paris sur les fluctuations de prix

Mes excuses à ceux qui auraient déjà lu une partie de ceci en commentaire mais comme mon texte n’arrêtait pas de grossir, j’ai décidé d’en faire un billet indépendant.

Tout commence le 24 février dernier quand paraît dans La Tribune, un « point de vue » signé Alain Gauvin et intitulé : L’État schizophrène, promoteur de la spéculation.

Alain Gauvin, avocat, Lefèvre Pelletier & Associés, expliquait dans ce texte que la loi française interdisait de fait les paris sur les fluctuations de prix, les assimilant à de simples paris, dont la notion d’« exception de jeu » fait qu’ils ne sont pas protégés par la loi. Gauvin écrivait :

… les Français, ceux qui ne sont pas au fait de ce qui se passe dans la sphère financière, savent-ils que les pouvoirs publics soutiennent, pour ne pas dire promeuvent, ceux qui jouent, ceux qui se livrent à des paris financiers ? La loi les protège même contre toute attaque judiciaire.

Son verdict était sans appel :

Ce n’est pas un hasard, non plus, si l’article L. 211-35 du Code monétaire et financier dispose que « Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent de contrats financiers, se prévaloir de [l’exception de jeu], alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence ». En d’autres termes, un contrat financier qui ne serait rien d’autre qu’un pari échapperait à l’exception de jeu qui frappe les paris non financiers ! Pourquoi une telle dérogation en faveur de la finance ? Tout simplement parce que les pouvoirs publics craignent que les produits dérivés soient requalifiés en paris […] l’on ne peut s’empêcher de rapprocher cette loi pousse-au-crime aux cris d’orfraie des politiques face à la spéculation financière. Les pouvoirs publics doivent, d’urgence, se soigner de cette schizophrénie : fustigeant la spéculation en public, ils l’enfantent en coulisses.

Voici les détails, à l’intention des juristes :

Article L211-35. Créé par Ordonnance n°2009-15 du 8 janvier 2009 – art. 1. Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent de contrats financiers, se prévaloir de l’article 1965 du code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence.

Article 1965 du Code Civil. Créé par Loi 1804-03-10 promulguée le 20 mars 1804 : La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari.

Il suffirait donc en France d’abroger cet article L. 211-35 du Code monétaire et financier pour interdire les paris sur les fluctuations de prix. Mais il faudrait d’abord comprendre pourquoi la légalité de ces paris financiers a été « verrouillée » en janvier 2009.

Parce que si on y réfléchit bien : « janvier 2009 » ? Si c’était, je ne sais pas : « 1996 », on dirait : « Ben, à l’époque, on ne comprenait pas encore toute la nocivité des CDS et des positions nues sur les marchés à terme… » Mais le 8 janvier 2009 ? Soyons sérieux ! … quatre mois après la chute de Lehman Brothers et d’AIG alors que ces produits financiers ont mis le système financier et l’économie mondiale toute entière à genoux ? Si cette date du 8 janvier 2009 est correcte, la question d’Alain Gauvin est excellente : qui a bien pu avoir à ce moment-là l’idée saugrenue – il faudrait même dire « obscène » –, de légaliser par une ordonnance, des produits financiers dont le danger venait d’être démontré par un cataclysme d’une ampleur inédite ?

Y a-t-il un juriste dans la salle qui puisse nous en dire un peu plus sur la genèse de l’article L. 211-35 du Code monétaire et financier ? Il y a là certainement matière à un intéressant roman… et au film passionnant qu’on ne manquera pas d’en tirer !

Mise au point (le 6 mars 12h23) : il s’avère, enquête faite (merci à tous !), que bien qu’il soit écrit « Article L211-35. Créé par Ordonnance n°2009-15 du 8 janvier 2009 », la rédaction initiale de cet article – dans le même esprit – date de 1885.

La dénonciation par Alain Gauvin de la « schizophrénie » des pouvoirs publics « fustigeant la spéculation en public, ils l’enfantent en coulisses », ne porte donc pas spécifiquement sur cette ordonnance du 8 janvier 2009, comme je l’avais cru en découvrant cette date mentionnée comme étant celle de la création de l’article L211-35.

La version initiale de mon billet contenait la phrase « Or, cette loi a été récemment modifiée dans l’intention expresse de légaliser ces paris sur les fluctuations de prix », que j’ai retirée puisqu’il s’agissait alors d’une erreur.

Partager :

145 réponses à “Légaliser les paris sur les fluctuations de prix”

  1. Avatar de laurence
    laurence

    @ Monsieur Jorion,

    en voilà une question intéressante !!!!!

    Je vois que l’aspect ‘juridique des choses va être mis en lumière et c’est TRES important, je crois, pour l’ ‘opinion publique…. Et nous avons besoin d’elle ..

    je me réjouis de lire les commentaires !!!

  2. Avatar de domini CB
    domini CB

    Oui, M. Jorion, le terme obscène est particulièrement bien choisi
    en de pareilles circonstances.
    D’après le Dictionnaire étymologique de la langue française, Quadrige, puf,
    je cite :

    OBSCÈNE, 1532 ; obscénité, 1511 ; rare avant le XVIIe s. Empr. des mots lat.
    obscoenus, propr. « de mauvais augure », obscoenitas.

  3. Avatar de Jaycib
    Jaycib

    Peut-être faudrait-il solliciter l’avis de Maître Eolas, dont le blog « Journal d’un avocat » est déjà célèbre, suite à des prises de position qui ne sont pas tendres (dans d’autres domaines que la finance) pour le gouvernement et M. Sarkozy.

  4. Avatar de zébu
    zébu

    Les protagonistes : Lagarde + BCE

    « Le Président de la République,
    Sur le rapport du Premier ministre et de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi,
    Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de commerce ;
    Vu le code général des impôts ;
    Vu le code monétaire et financier ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, notamment le g et le h du 1° de son article 152 ;
    Vu l’avis de la Banque centrale européenne en date du 8 décembre 2008 ;
    Vu l’avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières en date du 13 octobre 2008 ;
    Le Conseil d’Etat (section des finances) entendu ;
    Le conseil des ministres entendu,  »

    « Le 8 décembre 2008, à la demande du ministère français de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, le Conseil des gouverneurs a adopté un avis sur la modernisation du cadre juridique applicable aux instruments financiers (CON/2008/85). Cet avis peut être consulté sur le site Internet de la BCE. »
    http://www.ecb.int/press/govcdec/otherdec/2008/html/gc081219.fr.html

    Pas de surprises …

    Si vous souhaitez vos plonger dans les délices de l’examen (auquel je ne capte fichtre rien) de la décision de la BCE, c’est là :
    http://www.ecb.int/ecb/legal/opinions/html/act_10240_amend.fr.html

    Si vous voulez creuser par ailleurs en amont, il faudra aller voir le rapport du ministère des finances qui est à la base de cette ordonnance.
    Mais aussi la présentation qu’en fait le Conseil des Ministres du 07 janvier 2009 :
    http://www.gouvernement.fr/gouvernement/accords-internationaux-et-autres-textes-8

    Comme la présentation fait référence à la loi de modernisation de l’économie, allez donc y jeter un coup d’oeil (1 de l’article 152) :
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=B1FA4504778BC80F45323D837169B8F2.tpdjo09v_2?idArticle=LEGIARTI000019285247&cidTexte=LEGITEXT000019284897&dateTexte=20100304

    In fine, tout eci, comme le dit d’ailleurs l’avis de la BCE, est bien un texte de … ‘libéralisation’ de la finance et non de ‘modernisation’.
    Rien de bien étonnant donc.

    Cordialement.

    NB : la loi de ‘modernisation’ est passée en août 2008 mais a été débattue avant. Il est donc probable que cette loi soit antérieure, dans ses ‘prolégomènes’, à la crise financière de 2008 (Lehman Brothers).

    1. Avatar de guillaume
      guillaume

      Beau travail! …. la magie d’internet….

  5. Avatar de Manu
    Manu

    très intéressant, mais sait-on ce qu’il en est dans les autres pays ? La Grande-Bretagne ou les USA autorisent-ils « légalement » les paris sur les prix ?

  6. Avatar de zébu
    zébu

    Schizophrénie (définition) :

    D’un côté : http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20100228trib000482062/christine-lagarde-aimerait-interdire-les-cds-.html

    De l’autre côté : http://fr.wikipedia.org/wiki/Baker_%26_McKenzie

    Entre les eux, l’ordonnance du 08 janvier 2009.

    D’après vous, de quel côté penche Mme Lagarde ?

  7. Avatar de ALBIN
    ALBIN

    Une discrète réforme a été menée à bien en 2009 pour adapter la législation française aux nouvelles conditions des marchés financiers. Cela pour ne pas pénaliser Paris par rapport à d’autres places financères dont en particulier la City. C’est ainsi que l’on a introduit « la finance islamique » dans le droit bancaire français……et que l’on a pris soin de définir comme « non jeu de hasard » la spéculation financière.
    Comment justifier le fait que les meilleurs étudiants en math se voient offrir à Paris des cursus de niveau exceptionnel en gestion de portefeuille, que l’on tire gloire du niveau élevé de cet enseignement dispensé par des enseignants d’excellence…..si après on sanctionne pénalement cette activité.
    Soyons réaliste: L’activité de trading financier rapporte plus que la SBM de Monaco, et c’est intellectuellement plus noble !
    Quant à modifier le droit français pour l’adapter à la Charia, c’est tout de même une question plus élégante que de s’interroger sur les minarets en France….
    Quand tout un pays vend son âme par la faute de ses dirigeants qui ne croient plus que dans le PIB, il y aura tellement de Faust qu’on ne trouvera pas assez d’âmes comme Marguerite pour le sauver.
    Soyons clair: La France de ma jeunesse, celle qui a sacrifié la vie de ses enfants à Verdun, qui a enfanté des génies dans tous les domaines, qui a cultivé la beauté sous toutes ses formes, cette France a été assassinée.

    1. Avatar de yvan
      yvan

      France américanisée aurait été plus judicieux…

    2. Avatar de Loréal Alain

      Il ya confusion. Confusion entre la finance Islamique, qui est « éthique » Voir article sur D&E : (http://demetentreprises.wordpress.com/2009/11/26/la-finance-islamique-une-alternative-financiere-de-1er-choix-3/) et la spéculation forcenée sur les variations de prix.
      Nous avons besoin de l’une, l’autre nous détruit.

    3. Avatar de scaringella
      scaringella

      Finance ETHIQUE …….. ouarfffff ……. J’ADORE !!!!!!!!

  8. Avatar de Marlowe
    Marlowe

    Question: quelqu’un croit’il encore que les politiques ne sont pas les serviteurs du Capital ?

    1. Avatar de Brigitte
      Brigitte

      Les politiques et les médias sont les serviteurs du mal, ils n’ont aucune moralité. Tout ce qui les anime c’est l’argent et le pouvoir. Il est extrêmement urgent de réagir, d’informer, de réveiller nos concitoyens endormis, de ne plus permettre à ces engeances perverses d’exercer leurs méfaits contre l’humanité.

    2. Avatar de Lisztfr
      Lisztfr

      Cela se traduit aussi dans le choix des invités que font les médias. Je ne reviendrais pas sur l’écrasante domination de Science Po, l’IRIS et bon, rien que les nom des suivants me dégoutent, mais par exemple pourquoi inviter R Debré …? On invite spécialement les gens pour ne rien dire. Alors R Debré c’est un cas, alors si ce sont d’anciens coco ou d’anciens mao alors là on fait croire qu’on invite la Révolution au micro, pour entendre ensuite un bavassage du style mémoire d’outre-tombe empreint de nostalgie impotente…. et c’est toujours pareil.

    3. Avatar de diesel
      diesel

      Partir sur de telles bases c’est s’empêcher de trouver une solution.
      C’est la faute aux autres, c’est des méchants, c’est le Diable !
      Historiquement ce type de comportement n’a jamais rien résolu, bien au contraire.

      Les hommes politiques, dans leur grande majorité, sont tout simplement pris dans un engrenage dont ils ne savent comment se dépatouiller (d’ailleurs à priori personne ne le sait).

  9. Avatar de André
    André

    Paul,

    Pour ce qui concerne la Belgique, il y a un Arrêté Royal n° 71 du 30 novembre 1939 réglementant les bourses et marchés à terme sur marchandises et denrées, la profession des courtiers et intermédiaires s’occupant de ces marchés et LE REGIME DE L’EXCEPTION DE JEU (Moniteur belge du 01/12/1939, page 8132).

    Or, cet A.R. a été abrogé par l’article 131 de la loi du 02/08/2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers.

    Je ne parviens pas à mettre la main sur cet arrêté royal (pas de M.B. avant 1940 à la bibliothèque des Facultés St- Louis ). C’est tout de même bizarre : « bourse », « marchés financiers », « régime de l’exception de jeu », « abrogation ».

    Je poursuis mes recherches à la bibliothèque de l’ULB : mais ce n’est peut-être qu’une fausse alerte !

  10. Avatar de jeannot14
    jeannot14

    Ah ben merde alors, c’est la meilleure de l’annèe!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    Une ordonnance qui vient abroger un article du code civil, ce code prévaut sur tout les autres, donc jusqu’à l’ordonnance du 8 Janvier 2009, les paris sur la fluctuation des prix auraient pu être condannés par un tribunal Français et faire jurisprudence.

    Merci Mr Alain Gauvin de nous ouvrir les yeux.

    La goutte d’eau qui fera débordé le vase, mais ils nous prennent pour des abrutis.

    1. Avatar de scaringella
      scaringella

      Le plus grave c’est que des juristes fiscalistes et autres connaissaient l’illegalite des pratiques financiere depuis bien longtemps, le parquet, les procureurs et autres aussi. Et donc la justice en france ??????????

  11. Avatar de Crapaud Rouge

    J’avais déjà capté le commentaire qui citait cet article de loi, mais pas pigé sa logique. Il est clair que, devant le désastre financier, un petit malin s’est dit qu’il fallait dare-dare boucher ce trou législatif. Mais attention: aucune loi ne pouvant être rétro-active, certains pourraient mettre en avant l’exception de jeu pour ne pas payer leurs dettes.

  12. Avatar de yvan
    yvan

    Hhmm…
    Albin, ça remonte à plus longtemps…

    Je viens de faire un tour sur Légifrance…

    Recherche de mot clef : dol.
    Le dol était très présent dans le code Napoléon qui protégeait de façon très efficace le client ou acheteur. En effet, le dol est tout ce qui caractérise la tromperie commerciale.
    (on constate ainsi que les acheteurs américains sont beaucoup plus agressifs que les Français, car, n’étant pas protégés, ils doivent se « défendre » plus)

    Résultat : il reste 2 articles citant le dol dans le code du commerce, l’énorme majorité d’articles qui le citent sont dans le code civil…

    Mais… n’oublions surtout jamais qu’un candidat futur président de la France avait bien annoncé qu’il allait dépénaliser le droit des affaires.
    C’est fait.

  13. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    Faut-il en comprendre que le capitalisme est devenu méchant, en France, seulement depuis le 8 janvier 2009 et qu’il suffirait d’abroger la méchanceté nommée L. 211-35 du Code monétaire et financier pour, radicalement, « s’en sortir sans sortir » ?

    1. Avatar de krym
      krym

      Abrogeons la méchanceté.

    2. Avatar de GAUVIN ALAIN

      Si vous lisez bien mon article, vous noterez que je ne prône pas pour la suppression du fameux article L. 211-35 du CMF. Je n’exprime pas mon opinion sur la spéculation, sur son utilité ou sa dangeroristé. Avant de la défendre ou de la condamner, encore conviendrait-il dela définir, en droit: bonne chance!

      L’objet de mon article n’était que de mettre en lumière la contradiction consciente (malhonnêteté) ou inconsciente (incompétence) de nos Politiques. Les intentions exprimées par nos Politiques au sujet de la spéculationrévèlent cette contradiction. Et vous verrez, avec les CDS, cette contradiction est encore plus flagrante. Elle ferait rougir de honte n’importe quel d’entre nous; la politique semble être un bon bouclier contre la honte.

      Bien à vous,

    3. Avatar de schizosophie
      schizosophie

      @ Alain Gauvin
      J’avais bien compris que votre position était encore plus timorée que celle de Paul Jorion. Je m’adressais à l’intérêt que ce dernier portait à votre article et qu’il exprimait ainsi : « Il suffirait donc en France d’abroger cet article L. 211-35 du Code monétaire et financier pour interdire les paris sur les fluctuations de prix. » en caractères gras. Ma réaction est liée au fait que sa proposition d’interdiction des paris sur les fluctuations des prix, souvent réitérée sur ce blog, semble sa proposition politique majeure, l’avant-garde de son projet de constitution pour (!) l’économie.

      Or elle est d’une naïveté confondante : comment voudriez-vous que le mode de production capitaliste (fondée sur l’exploitation via la domination de la valeur d’échange sur l’usage par la rétribution de la productivité indexée sur le temps de travail) n’engendre pas l’agiotage, la spéculation, rien d’étonnant à ce qu’elle soit légalisée, quitte à ce que cela se fasse au nom de sa limitation ?

      Il est dans la nature du capitalisme de maximiser la valeur durant le temps où sa valorisation réelle est suspendue, celui de la circulation monétaire non productive, c’est-à-dire tant qu’elle n’est pas encore revenue à la production ; d’où les intérêts, l’usure, les crédits, les prêts promettant une valeur surévaluée plus tard, et la possibilité des « paris ». Certes cette survalorisation fondée sur la non-productivité repose sur un pari sur l’avenir, lequel consiste en la relance ultérieure de la productivité, et est une forme d’interférence, de dopage, mais cela est nécessaire à cette relance espérée et nul ne peut anticiper le degré de survaleur nécessaire à cette relance. C’est pourquoi le capitalisme spécule, à tous les sens du terme et par tous les moyens pratiques possibles, il espère la relance de l’exploitation quitte à produire du plus rentable, du plus destructeur, du plus éphémère. Vivant à crédit, et ce dans des proportions inconnaissables, la crise lui est consubtantielle. Espérer le capitalisme sans paris, et même sans bourse, revient à croire en une Licorne sans corne ou que les politiciens ne soient pas hypocrites.

      En Inde, par exemple, on échange plus avantageusement, pour le touriste, des euros en roupies au coin de la rue que dans une banque, et la personne qui vous a fourni vos roupies les revend à la banque, en suivant le cours des devises, laquelle lui cède la différence. Que ce genre de pratique (tout a fait acceptable pour le touriste comme pour son intermédiaire agent bancaire au noir, tant les euros de l’un valent de roupies de l’autre et tant le rapport entre l’euro et la roupie fluctue) soit advenue l’alpha et l’oméga de l’économie mondiale et ait accouché d’une situation où les Etats (Grèce, Islande, etc.) eux-mêmes sont devenues des marchandises n’est qu’un effet légal et codifié de la domination de la valeur d’échange. L’indignation morale ne fait rien à l’affaire, et les affairistes s’en gaussent.

      C’est pourquoi, à mon tour, je me gausse de la naïveté avec laquelle d’aucuns prétendraient renverser l’histoire en changeant simplement les lois, a fortiori lorsqu’on prétend que l’abrogation d’une seule suffirait. On pourra toujours me rétorquer, à raison, que mes contributions sont négatives dans ce blog eu égard aux convictions qu’il dévoile au fur et à mesure de son histoire, mais la négation n’est pas sans potentiel épistémologique. D’ailleurs ce blog est ouvert à la discussion, et donc à la critique.

    4. Avatar de GAUVIN ALAIN

      Personnellement, je trouve votre position et votre vision des choses intéressantes, et pas forcément négatives. Certes, je ne vois aucune proposition constructive dans ce que vous dites, mais votre appréciation de la situation mérite intérêt.

      Ne dîtes pas que ma position sur la spéculation est « plus timorée que celle de Paul Jorion »: je ne l’ai toujours pas exprimée. J’aurais très bien pu le faire, par mon article. Je ne l’ai pas fait car tel n’était pas le sujet de cet article dont l’objet – déjà ambitieux, je trouve – était de mettre en lumière l’hypocrisie ou l’incompétence de nos Politiques. Je suis juriste, avocat dans le domaine des marchés de capitaux (et je connais donc parfaitement les produits et la spéculation dont on parle) ; je n’en suis pas moins citoyen et, à ce titre, j’en ai parfois ras le bol que nos politiques nous fassent prendre des vessies pour des lanternes.

      Bien cordialement,

  14. Avatar de Crapaud Rouge

    « Il suffirait donc en France d’abroger cet article L. 211-35 du Code monétaire et financier pour interdire les paris sur les fluctuations de prix. » : vous feriez un piètre juriste, monsieur Jorion, car je viens de lire les deux références citées en rouge, et n’y trouve rien qui légalise les paris sur les fluctuations de prix. La disparition du L. 211-35 interdirait simplement, à quelqu’un qui aurait gagné ce genre de pari, de mener une action en justice pour obtenir le paiement qui lui est dû par le perdant. Ou plutôt, mais ça revient au même, le perdant pourrait se prévaloir qu’il s’agit d’un pari, et donc qu’il n’est pas tenu de payer devant la loi. Etant entendu que, devant un revolver braqué sur la tempe, il concèdera que celui-ci a force de loi…

    1. Avatar de Flo
      Flo

      @ Crapaud rouge

      « La disparition du L. 211-35 interdirait simplement, à quelqu’un qui aurait gagné ce genre de pari, de mener une action en justice pour obtenir le paiement qui lui est dû par le perdant. Ou plutôt, mais ça revient au même, le perdant pourrait se prévaloir qu’il s’agit d’un pari, et donc qu’il n’est pas tenu de payer devant la loi. »

      Je m’excuse si je ne comprends pas bien, mais vous dites le contraire de votre conclusion.
      Vous dites qu’abroger cet article feraient que les protagonistes ne pourraient plus en appeler à la loi.
      -> Donc la loi ne reconnaitrait plus leur pari.
      Si cela ne les rend pas leurs transactions à proprement parler illégales, cela les rend cependant nulles et non avenues au regard de la loi.

      Je me trompe ?

    2. Avatar de Paul Jorion

      Mon raisonnement était identique à celui de Flo.

    3. Avatar de l'albatros
      l’albatros

      Crapaud Rouge a raison : il faudrait faire davantage c’est-à-dire faire en sorte que ceux qui pratiquent de tels jeux risquent la prison ferme.

    4. Avatar de Crapaud Rouge

      @Flo et Paul: « Si cela ne les rend pas leurs transactions à proprement parler illégales, cela les rend cependant nulles et non avenues au regard de la loi. Je me trompe ? » : voilà qui me semble tout à fait juste, mais c’est une erreur d’en déduire que cela constitue une interdiction des paris. Une vraie interdiction permettrait des poursuites judiciaires contre les parieurs, qu’ils soient gagnant ou perdant. Cela dit, l’abrogation du L. 211-35 irait dans le bon sens puisque les gagnants des paris perdraient toute garantie juridique d’être payés… 🙂

    5. Avatar de zébu
      zébu

      @ Crapaud Rouge :
      Je ne sais pas si l’exemple est valable mais prenons le cas de Icesave (d’ailleurs, les islandais vont partir au référendum), qui fit faillite. Le RU et la Hollande réclament un dédommagement des islandais quant à cette faillite. Si on peut dire qu’on est bien sur un ‘pari’ (financier) et que le dit article n’est pas abrogé, cela signifie que le RU et la Hollande peuvent juridiquement intenter un procès aux islandais, malgré le ‘pari’ financier. Dans le cas inverse, ils ne pourraient pas.
      Est-ce bien ça ou non ?

  15. Avatar de Flo
    Flo

    Bonjour,

    Ca tombe bien ce post, parce que je venais marauder ici avec dans la tête un petit sujet vidéo de Backchich TV que je viens de voir !!

    Sujet qui concerne la suppression des chambres régionales des comptes (ça concerne les affaires financières et le contrôle des deniers publics).
    Qui avaient toute latitude pour décider d’elles-mêmes de leurs travaux de contrôle. Et qui vont être remplacés par des chambres inter-régionales qui, elles, ne seront plus autonomes.
    Voir le sujet ici http://desourcesure.com/bakchichtv/2010/01/corruption_anticor_et_a_cri.php

    Ca me fait penser au projet de notre président, que j’ai déjà abordé ici en demandant si quelqu’un savait où ça en était, « d’assouplir » la criminalité en col blanc (on peut lier cela avec le projet de supprimer le juge d’instruction).

    C’est dingue votre post quand même. Janvier 2009 !

    En fait, je me dis que Henri Guaino vient ici s’abreuver de supers idées pour écrire les discours de M. Sarkozy et inspirer les tribunes des grands journaux avec Angela Merkel, sur la nécessaire régulation financière.

    Mais que le pouvoir a bâti une cloison imperméable entre les discours et les mots, et les actions concrètes.
    Y’a comme un truc schizophrène …

    1. Avatar de Moi
      Moi

      Faut pas confondre la schizophrénie et l’hypocrisie. Dans la schizophrénie, on pense deux choses dans la même tête. Ici, on dit une chose et on en pense (on fait) une autre. Ils sont pas malades, ils sont filous.

    2. Avatar de scaringella
      scaringella

      La schizophrenie c’est 2 PERSONNES (AU MOINS …) dans la meme tete. Des choses nous en avons tous plein la tete. Ce qui caraterise nos gvnmts c’est plutot la PARANOIA.

  16. Avatar de Bernard Samson
    Bernard Samson

    « Mais il faudrait d’abord comprendre pourquoi la légalité de ces paris financiers a été « verrouillée » en janvier 2009. »
    Pour moi, c’est évident : les détenteurs de « dettes de jeu » financières en ont eu besoin pour pouvoir se les faire payer, grâce à l’argent de l’état.
    Supposons que l’article 1965 ait été invoqué pour ne pas payer. Que ce serait-il passé? L’un dans l’autre, le nombre de joueurs n’étant pas énorme et les paris souvent croisés, les créances des uns et des autres se seraient plus ou moins compensées. Mais il y aurait eu quelques perdants. Alors que là, tous les acteurs du jeu ont été gagnants, grâce à l’argent apporté de l’extérieur par des non-joueurs : les contribuables.
    Nous vivons une époque formidable.

  17. Avatar de JFF

    Cher Monsieur Jorion, suivant depuis près de 2 ans ces évolutions financières et économiques et d’autres anomalies depuis fort longtemps, je suis de plus en plus convaincu qu’il y a simplement une volonté, une lâcheté, une compromission, pour laisser les pouvoirs, les enrichcissements se concentrer dans les mains de quelques uns. Cela dans quasi tous les domaines. Je crois plus simplement que l’article n’a rien de saugrenu mais qu’il vient là pour couvrir en France, dans l’urgence, des pratiques interdites tout simplement.
    Le simple citoyen ne ferait qu’une part infime de ce que certains s’autorisent dans les hautes sphères des pouvoirs politique, financiers et économiques, pour des intérêts privés, de gauche comme de droite, il serait immédiatement emprisonné et jugé.

    1. Avatar de diesel
      diesel

      On a l’impression en effet que ces dernières décennies pouvoirs et richesses se concentrent de plus en plus.
      De nombreux articles parus dans les journaux ces dernières années semblent le confirmer.
      Pourquoi ?
      Il est tout de même difficile de n’accuser que la méchanceté et la cupidité, qui ont toujours existé et existeront toujours, et ne devraient donc pas être les seules responsables.
      Il y a certainement un phénomène structurel à la base de cette concentration.
      Lequel ? A priori le même que toujours.

    2. Avatar de J.Gorban
      J.Gorban

      @ diesel

      tout simplement les digues sont rompues et les élites n’ont plus peur du péril rouge.

      alors nous revenons au bon vieux temps de l’accaparement des richesses par une minorité.

      la privatisation maffieuse effectuée en Russie a été le summum de la réussite capitaliste ; mais dans nos démocraties , les élites ont beaucoup de travail car nos anciens avaient réussi à arracher un peu aux bourgeoisies occidentales.

      Faut il rappeler que de tout temps les possedants ont criés à la spoliation : si l’on reprenait les discours patronaux du XIX ème siècle que ce soit sur la diminution du temps de travail, de l’interdiction du travail des enfants, des congés , …… on serait surpris de voir que ce sont les mêmes arguments que ceux que l’on nous rabache à longueur de temps à propos des charges ( en fait notre salaire différé ! ), des retraites , …. : ça va tuer l’esprit d’initiative, faire fuir les richesse, …….

      le peuple ne veut que vivre dignement, les élites vomissent le peuple digne et lui préfèrent le peuple rabaissé.

    3. Avatar de Moi
      Moi

      « tout simplement les digues sont rompues et les élites n’ont plus peur du péril rouge. »

      Tout à fait. C’est bien cela. Ils n’ont plus rien en face pour les calmer un peu alors ils se gavent.

    4. Avatar de JFF

      Ce que je retiens de ces échanges, c’est qu’après avoir fait la révolution en France, s’étant débarrassés des privilèges de la noblesse et des rois, ayant établis les droits de l’homme et du citoyen, les marchands, les financiers, qui maitrisent l’économie, se sont réservés des privilèges de remplacement de telles sorte que celui qui a l’argent, les moyens d’agir sur l économie, d’influencer les cours, puisse faire fructifier ses avoirs sans nécessité de produire, de transformer ou même de commercer. Ce privilège se transmet donc et s’amplifie avec le développement de l’économie, de la mondialisation.
      Les personnes qui ont assez d’argent, confié à des institutions financières puissantes, capable d’influencer l’économie, de jouer sur les cours, peuvent donc vivre comme des rois, des nobles, sans rien avoir à faire d’autre que de vivre de leurs intérêts au détriment bien évidemment de ceux qui font l’économie, utile à la société.
      Comment a-t-on pu accepter que de telles règles soient admises dans nos lois, bien loin de l’esprit des droits de l’homme et du citoyen ? La fièvre de la révolution était certainement tombée et le pouvoir était aux mains des hommes de pouvoir, des marchands, des financiers.

      Une question à poser à nos hommes politiques d’aujourd’hui : Quel est l’intérêt pour nos économies, pour nos sociétés, de ces règles qui permettent de s’enrichir sans rien faire d’autre que de spéculer simplement en influençant les cours ? La dérive est à son comble.

      Merci de ces éclairages « éblouissants ».

  18. Avatar de Hervey

    Quelle belle république!
    Il faudrait préciser le point de tricot. Que dit notre verte experte sur le sujet?

    1. Avatar de louise
      louise

      Point mousse.
      (vert mousse !)
      🙂

    2. Avatar de louise
      louise

      Toutes les mailles sont tricotées à l’endroit.
      Mais on peut aussi les tricoter toutes à l’envers !
      Le résultat est le même.
      🙂

  19. Avatar de Julien Alexandre
    Julien Alexandre

    L’ordonnance L.211-35 fait partie du projet de réforme du droit des instruments financiers qui résulte pour l’essentiel des recommandations du Haut comité de place créé en juillet 2007 à l’initiative de Christine Lagarde.

    Le projet de réforme visait de façon globale à améliorer la lisibilité et à renforcer l’attractivité du droit des instruments financiers : on peut dire que c’est gagné.

    Les travaux du Haut Comité de place, qui ont parfois fait l’objet de consultations publiques qui n’ont pas rencontré un succès immense comme on peut l’imaginer vu la complexité des sujets traités, ont débuté en janvier 2008. Les dispositions qui ont mené à l’ordonnance L.211-35 en janvier 2009 étaient en discussion depuis juillet 2008, soit 2 mois avant la chute de Lehman Brothers.

    Il est intéressant de relever la composition du Haut comité de place :

    Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi
    Baudouin Prot, président de la Fédération bancaire française
    Philippe Tibi, président de l’Association française des entreprises d’investissement
    Bertrand Delanoë, maire de Paris
    Jean-Martin Folz, président de l’Association française des entreprises privées
    Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Île-de-France
    Philippe Jurgensen, président de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles
    Paul-Henri de la Porte du Theil, président de l’Association française de gestion
    Didier Martin, associé du cabinet Bredin-Prat
    Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d’assurance
    Gérard Mestrallet, président de l’association Paris-Europlace
    Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France
    Laurence Parisot, présidente du Mouvement des entreprises de France
    Erik Pointillard, président de l’Institut pour l’éducation financière du public
    Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers
    Jean-François Théodore, président d’Euronext
    Jean Laurent, président du pôle « Finance Innovation », co-secrétaire du Haut Comité de Place
    Ramon Fernandez, directeur général du Trésor et de la politique économique, co-secrétaire du Haut Comité de Place

    1. Avatar de Pierre
      Pierre

      Beaucoup « savaient » en juillet 2008, moi aussi, (c’est tout vous dire, vu mon niveau en »science économique »), alors les gouvernants gouvernent, et les gouvernés suivent et la ferment en attendant « la reprise ».
      La démocratie a toujours un temps de retard sur l’histoire. Nous les « petits joueurs » ceux que d’aucun nomment les « idiots utiles » n’avons visiblement pas digérées et intégrées certaines règles juridiques nées a la fin du XIX éme sciècle…..
      Notre conscience économique se résume à l’apprentissage du Monopoly. Nous nous ennuyons parce que nous ne pouvons plus jouer et qu’il ne nous reste plus que le pocker , le loto sportif, ou le rot mignon avant les restos du cœur….

  20. Avatar de jeannot14
    jeannot14

    J’ai pris mon code civil 2004, article 1965 jurisprudence sur opération de bourse:
    CIV: 19 DECEMBRE 1939 les parties ne peuvent opposer l’exeption de jeu lorsque des opérations sur effets ou marchandises ont pris la forme de marché à terme.

    Renvoi sur code monétaire ord N° 2000-1223 du 14 décembre 2000…………nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent d’opérations à terme, se prévaloir de l’article 1965 du code civil, lors même que ses opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence.

    L’ordonnance de 2009 est une redite.

    1. Avatar de Paul Jorion

      2009 ne serait donc qu’un « lifting » de 1939.

    2. Avatar de Julien Alexandre
      Julien Alexandre

      Même pas!!!!

      Cela date de 1885 : Loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme

    3. Avatar de Paul Jorion

      Ce qu’il devient alors essentiel de déterminer, c’est quand intervient le « lors même qu’ils se résoudraient par le paiement d’une simple différence » puisque les négociants peuvent eux livrer ou réceptionner la marchandise : seuls les spéculateurs « payent une simple différence ».

    4. Avatar de Julien Alexandre
      Julien Alexandre

      On peut certainement trouver des éléments de réponse d’époque dans cet ouvrage difficile à se procurer.

      Mais même sans cela, il n’est pas difficile d’imaginer que les moeurs précoces de la CBOT (Chicago board of trade) dès 1848 se soient vu rapidement transposées de l’autre côté de l’atlantique, créant de fait la nécessité pour le législateur d’adapter le droit français pour accommoder la « modernité » qui voulait alors qu’on autorise les spéculateurs à apporter de la liquidité sur des marchés à terme où ils étaient dans l’incapacité de prendre livraison des marchandises sur lesquelles portaient leurs paris.

    5. Avatar de ALBIN
      ALBIN

      Il y a une grande différence de taille.
      Dans le passé, la vente ou l’achat à terme portait sur une matière première !

    6. Avatar de Crapaud Rouge

      Peut-être faudrait-il simplement faire remplacer ce « lors même qu’ils se résoudraient par le paiement d’une simple différence » par « sauf s’ils se résolvent par le paiement d’une simple différence » qui est donc le cas du spéculateur. J’ai l’impression que l’abrogation pure et simple de tout l’article conduirait à supprimer l’existence légale des « marchés à terme » et des « contrats financiers », puisque l’on pourrait toujours en appeler à l’exception de jeu.

    7. Avatar de Julien Alexandre
      Julien Alexandre

      Un exemple de contre-proposition, plutôt que d’abrogation du L.211-35, pour instituer l’interdiction de pari sur les fluctuations de prix :

      « Les opérations à terme sont reconnues licites par le législateur, mais l’exception de jeu au sens de l’article 1965 du code civil est opposable si, dans l’intention commune et originaire des parties, ces opérations ne devaient avoir qu’un caractère fictif en ce sens qu’il aurait été entendu expressément ou tacitement qu’elles ne seraient pas susceptibles d’exécution effective, mais qu’elles se résoudraient par un simple paiement des différences entre le cours des valeurs au moment du marché et le cours de ces valeurs à l’échéance du terme. »

    8. Avatar de Crapaud Rouge

      « paiement d’une simple différence » : il faut saluer le génie du législateur qui a trouvé une expression très vague, propre à inclure tous les cas puisqu’elle ne dit rien des termes entre lesquels la différence est supposée, et en même temps très précise car, en pratique, il est facile de vérifier si une quantité donnée résulte ou non d’une différence entre des termes.

    9. Avatar de Crapaud Rouge

      Sur le fond, il n’y aurait que 2 lettres à changer: exclure le cas du spéculateur pour qu’il ne soit plus protégé par la loi, au lieu de l’y inclure.

    10. Avatar de André
      André

      @Crapaud Rouge : 4 mars 2010 à 23:50

      « Lors même » veut dire « même au cas où », « même si ».

    11. Avatar de jeannot14
      jeannot14

      Je reviens, après m’être renseigné auprès de juristes mais aucun d’eux ne veut m’affirmer ni même infirmer ma question suivante;

      D’un coté, le code civil, encandrant les « civilités de Mr tout le monde » c’est à dire le citoyen « citoyennant » en dehors de son activité professionnel.

      De l’autre, le professionnel de la finance, citoyen en dehors de ses heures de travail mais comme il travaille 24/24, ne doit rendre des comptes de son activité qu’au regard du code monétaire, spécialement taillé sur mesure pour ne pas être géné aux entournures.

      En conséquence de quoi, il arrive même que les lois du civil et des spécialisés (commerce,monnétaire…) soient en contradiction.

      Juridiquement pour le citoyen « citoyennant » le code civil a le dernier mot.

    12. Avatar de Alexandria
      Alexandria

      J’arrive bien tard… J’espère cependant que ce lien peut être utile à l’un de vous ; il s’agit du livre mentionné par Julien Alexandre, 4 mars 2010 à 23:39 : il y en a un exemplaire (abordable) sur AbeBooks (7 mars à 17 h 45).

  21. Avatar de Pierre
    Pierre

    Bravo Paul; voilà un superbe lièvre!
    Combien d’hommes politiques, de députés, de sénateurs, d’économistes, de juristes, de journalistes, de citoyens connaissent cette obscure ordonnance et sa portée?
    Quelques initiés.
    Qu’est-ce que le gouvernement d’une démocratie parlementaire qui gouverne par ordonnance sur des sujets aussi sensibles?
    Une dictature « soft ».

    Qu’est-ce qu’un complot « obscène » (question saugrenue, Paul, je sais)?
    Dictionnaire: – Résolution concertée de commettre une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. et matérialisée par un ou plusieurs actes. Par extension, projet plus ou moins répréhensible d’une action menée en commun et secrètement.

  22. Avatar de alfe
    alfe

    Au début on pouvait penser que la crise était le fait d’incompétence. Maintenant, on peut se demander si l’équipage ne pousse pas volontairement le bateau dans les récifs…
    A qui profite le crime ? A qui pourrait profiter une explosion sociale ?? A suivre

  23. Avatar de Hentarbleiz
    Hentarbleiz

    Pour des intérêts géopolitiques on peut imaginer ce genre de décision. La guerre économique est belle et bien réelle, et l’atteinte à la finance peut alors être considérée comme une volonté de sabotage des armes.

    Cet article protège les armes, au détriment du civil, qui devient dès lors dommage collatéral. « Dès lors qu’un adversaire utilise un canon, je ne vais pas prendre un couteau… » Je pense que c’est la base de toute protection financière. C’est horrible, mais bon… La guerre est toujours horrible…

  24. Avatar de liervol
    liervol

    Qui était le numéro 1 de paris (produits dérivés ) en France et dans les premières places mondiales ? La société générale

  25. Avatar de HERAN
    HERAN

    En clair, si je comprends bien, l’article 1965 du code civil signifie que les jeux, les paris d’argent entre personnes privées sont interdits en France (sauf s’ils sont contrôlés par l’Etat commes les casinos ou la Française des jeux )

    Par contre l’article L211-35 de l’ordonnance 2009-15 du 8 janvier 2009 précise que cet article 1965 ne peut être invoqué pour s’opposer aux obligations prises dans le cadre de contrats financiers comme par exemple les produits dérivés.

    La légalisation des paris d’argent sur la fluctuaction des prix, c’est çà la modernisation des instruments financiers !!!

    L’activité juridique de la technostructure politico-financière française paraît donc fonctionner en circuit fermé, au gré des intérêts des établissements financiers .

    1. Avatar de Eliot
      Eliot

      @Heran

      L’article 1965 dispose que nul ne peut saisir la justice pour exiger l’exécution d’une créance dans le cas ou celle-ci serait né d’un pari ; en d’autre terme, il ne nait aucune obligations d’un pari.

      Cet article n’interdit pas en lui-même le pari, il n’est simplement pas reconnu par la loi française, c’est la règle. L’ordonnance n°2009-15 du 8 janvier 2009 ajoute une exception, elle reconnait la validé d’une obligation né d’un contrat financier même si « les opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence », c’est à dire d’une différence entre des termes.

      La conséquence est la reconnaissance juridique des obligations issues des paris sur la fluctuation des cours.

      Voilà !

    2. Avatar de GAUVIN ALAIN

      Deux précisions que je me permets de renouveler.

      1. Article 1965 du Code Civil est une façon hypocrite d’interdire les paris. L’interdiction n’est certes pas expressément énoncée. Mais le fait d’interdire toute action pour réclamer ce que l’on a gagné ou le remboursement de ce qu’on a perdu revient à priver d’effet le pari. Donc, pas d’interdiction expresse du pari, pas plus de nullité au sens juridique, juste une inopposabilité des obligations qui résultent du pari, ce qui revient à peu près au même, de façon plus insidieuse. C’est ce qu’on appelle « l’exception de jeu ».

      2. Il faut cesser de dire que l’article du Code Monétaire et Financier que je cite dans l’article découle de l’Ordonnance de janvier 2009. C’est FAUX. Cette dérogation financière à l’exception de jeu est bien antérieure.

      Bien cordialement,

  26. Avatar de André
    André

    SUITE DE MON COMMENTAIRE DE 20:8

    En droit belge, il existe une disposition équivalente à l’article L211-35. Il s’agit de l’article 32 de la loi du 02/08/2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers :« L’article 1965 du Code civil n’est pas applicable aux transactions sur instruments financiers qui sont réalisées sur un marché réglementé ou sur tout autre marché d’instruments financiers désigné par le Roi sur avis de la CBFA, à l’intervention d’un intermédiaire qualifié ou avec un tel intermédiaire comme contrepartie, même si ces transactions sont liquidées par le paiement de la différence du prix ».

    L’abrogation, par l’article 131 de cette même loi, de Arrêté Royal n° 71 du 30 novembre 1939 réglementant les bourses et marchés à terme sur marchandises et denrées, la profession des courtiers et intermédiaires s’occupant de ces marchés et le régime de l’exception de jeu, s’explique donc parfaitement : cet AR rendait applicable l’article 1965 aux susdites transactions.

    Comme quoi les droits français et belge se ressemblent fort ; de plus le droit belge a 7 ans d’avance sur le droit français.

    Je vais examiner les travaux parlementaires pour connaitre les motifs de cet article 32.

  27. Avatar de Jean Michel
    Jean Michel

    Cette question juridique est évidemment importante et le concours de juristes spécialisés serait effectivement le bienvenu. Mais, si je peux me permettre, elle souligne aussi l’une des faiblesses de l’argumentation de Paul en faveur d’une constitution pour l’économie. Je dis bien faiblesse de l’argumentation, des considérants si l’on veut. En effet, que dit Paul ? Voir par exemple le début de ce billet d’avril 2009 :

    Lorsque je défends l’idée d’une « constitution pour l’économie », j’explique que quand la démocratie s’est mise en place, elle s’est arrêtée au bord de l’économie, laissant celle-ci dans un « état de nature » au sens hobbesien du terme, c’est-à-dire où l’homme est un loup pour l’homme. Les événements actuels soulignent la nécessité de sauver l’économie de la loi de la jungle qui y règne en la faisant rentrer dans le giron de la démocratie, ce qui ne peut se faire qu’en la dotant – elle et la finance qui constitue son système sanguin – d’une constitution.

    Or l’économie et son fonctionnement n’ont bien entendu rien d’un état de nature. Ils ne l’ont jamais été. Voir par exemple Moses Finley ou Paul Veynes sur l’économie antique. Ils sont depuis toujours encadrés et même largement créés, en tant qu’institutions au sens de Mauss (la monnaie en est une), par le droit, par un système juridique qui se transforme au cours de l’histoire. La « constitution » pour l’économie, d’une certaine manière, existe déjà dans les codes, du code civil définissant le droit des obligations et des contrats au code monétaire et financier dont il est question ici (les contrats étant conclu dans un environnement juridique déjà institué : « tout n’est pas contractuel dans le contrat », disait déjà Durkheim dans La division du travail social). La question, comme l’avait compris un Walter Lippmann, n’est pas d’étendre l’emprise du droit par une nouvelle constitution qui ferait passer (enfin) l’économie de la nature (de la jungle, des loups) à la culture (démocratique). La question est de modifier le droit. Et c’est là peut-être que l’on retrouve la méthode « chirurgicale » chère à Paul.

    1. Avatar de Julien Alexandre
      Julien Alexandre

      D’accord sur le fond, mais je pense que la formule de « Constitution pour l’économie » a davantage à voir avec le pouvoir d’évocation symbolique qu’elle confère à une proposition qui pourrait évidemment prendre une forme « intégrée » aux outils institutionnels actuels plutôt que pleinement différenciée.

    2. Avatar de Pierre-Yves D.
      Pierre-Yves D.

      La faiblesse de la critique qui est adressée à Paul à propos de la constitution c’est qu’elle entérine une conception figée de l’humanité. Or, dès lors que l’on considère que l’humanité est toujours à construire, qu’elle a donc une histoire dans sa formation même, il devient pertinent de considérer qu’un état antérieur ou actuel de l’économie est en deça de ce que l’humanité peut espérer pour elle-même.

      Bien entendu que l’économie a toujours supposé des institutions. Mais cela ne fait que déplacer le problème car qu’est-ce qui empêcherait de considérer les dites institutions comme relevant d’un état de nature si on les compare à ce qui pourrait être et qui donc par définition n’existe pas encore ?

      L’approche de Paul relève d’une anthropologie que j’appellerais dynamique et prospective par opposition à une anthropologie fonctionaliste, qui en définitive justifie l’état existant passé et/ou présent.

      La science ne doit-elle s’occuper que de ce qui est, ou bien doit-elle aussi s’intéresser à ce qui pourrait être amélioré à partir de l’existant ? Autrement dit, peut-on faire de la science sans faire de philosophie ?

    3. Avatar de zébu
      zébu

      @ P. Jorion :
      Un élément qui m’a ‘sauté’ aux yeux néanmoins dans cette ordonnance et un élément qui a son importance me semble-t-il : l’indexation.
      Autant la ‘modernisation’ (entendre ‘libéralisation’ ou ‘dérégulation’ ou ‘absence de contrôles’, etc…) ne m’a surprise, surtout provenant d’une ancienne directrice d’un des plus grands cabinet d’avocat américain (dont un des bon client est par ailleurs Mosanto), autant il m’a semblé qu’une partie était intéressante à examiner. C’est la partie du Code monétaire que modifie l’ordonnance, celle des règles d’usage de la monnaie, section 1, l’indexation.

      Si vous regardez bien, 3 articles sont modifiés ou créés.

      2 autres l’ont été avant, sur l’indexation du SMIC (art. L112-4) et sur l’indexation des prix sur le SMIC (L112-2, de la loi de modernisation de 2008).

      Le L112-3 indexe certains placements financiers et les loyers sur les prix (ce qui explique pourquoi votre taux d’intérêt du Livret A ou votre PEL est maintenant décidé non plus annuellement mais trimestriellement par le ministère des finances).
      Le L112-1 rappelle l’interdiction de l’indexation automatique des prix SAUF (modification de l’ordonnance) pour les articles le permettant.

      Mis le plus intéressant est à venir, l’art. L112-3-1 qui, lui, est le seul de cette section à AVOIR ETE CREE par l’ordonnance, ce qui signifie que in fine, cet article est bien l’objet véritable de cette ordonnance pour cette section, les autres articles pré-existants et n’étant que modifiés !!

      « Nonobstant toute disposition législative contraire, l’indexation des titres de créance et des contrats financiers mentionnés respectivement au 2 du II et au III de l’article L. 211-1 est libre. »

      LIBRE. INDEXATION LIBRE.

      Une ‘explication’ en est donnée par la MINEFE :
      « Ces limitations apparaissent obsolètes dans un contexte où les établissements de crédit ou
      entreprises d’investissement étrangers peuvent recourir aux indices de leur choix, tant pour les
      titres de créance que pour les instruments financiers à terme. Elles risquent en outre d’inciter
      les prestataires français à avoir recours à des contrats de droit étranger. Il est donc proposé de
      supprimer cet encadrement. »

      Où l’obsolescence devient la pierre angulaire de toute pensée économique (sans compter la bien connue fuite des ‘prestataires français’) …

      En clair, les dits titres de créances négociables peuvent choisir de s’indexer sur n’importe quel type de support, monétaire ou non, du moment que la BDF en ait reçu la définition d’émission.
      Y compris sur des ‘spreads’ de taux d’intérêt d’obligations (comme les CDS ?) mais aussi sur des différentiels entre monnaie.
      Certaines collectivités locales en ont fait les frais, don la plus connue est celle du Conseil Général de Seine Saint Denis où le Président, Claude Bartellone, a décidé fin 2009 de porter plainte contre NATIXIS pour ‘abus de confiance’ (en gros) : c’était ce type de ‘véhicule’ …
      http://www.moneyweek.fr/20091011036/conseils/economies/dettes-villes-france-emprunt-toxique-taux-variables-maires-fautifs/

      Nonobstant la responsabilité des édiles, il reste que ce genre d’indexation est la porte ouverte à toutes les spéculations possibles et imaginables, du fait même que l’indexation (le référentiel choisi) devient LIBRE.
      Comme la spéculation.

      Merci qui ?
      Merci Christine !!

      NB : et tout ça date du 24 juillet 2008, comme le montre le document de la MINEFE, qui propose justement de créer cet article L112-3-1 ‘spécialement’. Moins de deux mois plus tard, Lehman Brothers faisait faillite. Mais Northern Rock avait déjà été nationalisé le 17 février 2008.
      On ne me fera pas croire qu’on ne savait pas.

    4. Avatar de Moi
      Moi

      « dès lors que l’on considère que l’humanité est toujours à construire, qu’elle a donc une histoire dans sa formation même, il devient pertinent de considérer qu’un état antérieur ou actuel de l’économie est en deça de ce que l’humanité peut espérer pour elle-même. »

      A ce compte, on ne sort jamais de l’état de nature puisque c’est un synonyme de l’état présent ou antérieur. Soit vous considérez alors que la constitution pour l’économie est le terme de l’évolution des organisations sociales, soit cette métaphore de l’état de nature est scientifiquement irrecevable (ce que je pense et j’ai déjà dit). L’état de nature n’a jamais existé, cette métaphore n’a qu’une valeur stratégique (sophistique) et cache le fait que tout état social est le fruit d’un rapport de forces. La démocratie tout autant qu’une autre organisation (libérale, monarchique, etc).
      Par ailleurs, on peut aussi remarquer qu’avant la modernité, les organisations sociales se justifiaient précisément par leur naturalité (monarchie de droit divin, etc). C’est pourquoi les forces progressistes ont sorti de leur chapeau cette idée que la nature était mauvaise et bonne l’artificialité (le constructivisme dirait Hayek). En réalité, il n’y a pas d’état naturel, ou plutôt le constructivisme est l’état naturel des organisations sociales humaines. Ce débat nature-culture est purement idéologique et son apparition peut être précisément daté.

    5. Avatar de Martine Mounier
      Martine Mounier

      @Jean Michel

      Nous savons tous que l’état de nature est un mythe. Si l’expression est si souvent employée pour qualifier la finance, elle doit plutôt être entendue comme synonyme d’une économie apolitique s’octroyant le droit de ne pas être discutée comme un bien commun. En somme, le problème de votre remarque, c’est que vous confondez les codes et la démocratie.

    6. Avatar de Jean Michel
      Jean Michel

      @Martine Mounier
      Mais la démocratie est aussi du code (constitution justement, code électoral…), même si elle n’est sans doute pas que ça.
      Quant à l’état de nature, j’entends bien que c’est un mythe, mythe qui a servi aux XVIIe et XVIIIe siècles à critiquer les anciens régimes. Mais une question est alors de savoir si les philosophes de l’état de nature croyaient vraiment à leur mythe. Une autre question est de repérer le danger d’un tel mythe. Car je ne suis pas sûr que « nous sachions tous » que c’est un mythe. D’autant moins qu’au XIXe siècle, le mythe est devenu un dogme : celui d’une économie naturelle, décrite par la « science » économique, qu’il s’agissait de protéger des « ingérences » de l’Etat. Donc il n’y a rien à y changer. Il faut « laisser faire, laisser passer ». Dénoncer le mythe, rappeler le caractère juridique de la propriété comme des contrats, des entreprises, des marchés, etc. c’est justement se donner les moyens de changer les choses.

    7. Avatar de Pierre-Yves D.
      Pierre-Yves D.

      moi,

      je n’ai pas dit que la constitution pour l’économie devait être le terme d’une évolution puisque dans mon raisonnement il n’y a pas de limites a priori à cette évolution.

      Paul s’en est déjà expliqué, cet état de nature c’est une expérience de pensée. C’est un miroir que l’humanité se tend à elle-même pour se voir sous un jour nouveau de sorte qu’elle pense et agisse autrement qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors, si bien qu’elle en arrive à inventer des institutions inédites qui lui permette d’évoluer. IL est donc réducteur de ramener l’état de nature dont il est question ici à la métaphore ou au mythe.

      En passant, précisions que Hobbes ne faisait pas non plus de l’état de nature un stade spécifique de l’humanité ce qui serait une contradiction dans les termes. L’humanité est ou n’est pas. L’idée d’une humanité animale n’aurait aucun sens. Il s’agit simplement par cette fable qu’invente Hobbes de faire la critique d’une humanité historiquement violente pour parfaire celle-ci au moyen d’une institution politique, en l’occurrence celle de l’Etat souverain. La préoccupation essentielle de Hobbes est politico-morale. Vous y voyez un procédé rhétorique. Mais alors quelle puissance une telle rhétorique capable de contester efficacement l’absolutisme de droit divin ! Où en serions nous si des Hobbes, des Rousseau n’avaient pas eu leurs concepts. Ces concepts ont vaincu parce qu’ils énonçaient une nouvelle vérité, en tant qu’ils étaient une critique pertinente d’une société politique existante. Hobbes en lieu et place de l’état naturel d’origine divine invente l’état culturel en se servant de la nature comme d’un repoussoir ! Un tour de force intellectuel. Après Machiavel et quelques autres, Hobbes fait entrer l’humanité dans une histoire dont il est le seul maître.

      Vous y voyez un sophisme alors qu’en réalité c’est simplement un moyen que la raison humaine a trouvé pour dépasser un état présent ou antérieur jugé insatisfaisant. On peut y voir une question de rapport de forces, ce qui s’avère, mais ce rapport de force ne vise pas la force pour elle-même mais un but supérieur, qui n’est autre qu’une nouvelle définition du bien commun, et ce à l’horizon d’une histoire de l’humanité. C’est clairement l’affirmation d’une valeur, il serait donc vain de chercher dans cette visée un fondement scientifique, au sens positiviste du terme.

      Vous dites : « En réalité, il n’y a pas d’état naturel, ou plutôt le constructivisme est l’état naturel des organisations sociales humaines. » C’est exactement cela.

      Vous précisez que cette idée d’état de nature est datée historiquement. Rien à redire à cela non plus.
      Comme j’ai essayé de l’expliquer, ce n’est pas le problème, puisque les concepts qu’invente l’humanité participent de son invention en tant qu’humanité, humanité donc par définition inachevée et donc évolutive.

      L’erreur des positivistes est de considérer tout ce qui comporte une idée de finalité comme soustrait au champ de la réflexion scientifique. Or vérités et réalités ne sont pas données une fois pour toutes, mais ont bien une histoire.

      J’avoue que j’ai quelque difficulté à comprendre pourquoi pour certains scientifiques ou personnes qui se réclament de la science une vision historique des choses puisse être opposée à la science.

    8. Avatar de Martine Mounier
      Martine Mounier

      @Jean-Michel

      Votre dernier commentaire me donne le sentiment que nous disons la même chose. J’avoue du coup ne pas bien comprendre la logique de votre première critique. Votre interrogation mériterait peut-être d’être plus claire.

    9. Avatar de Moi
      Moi

      @Pierre-Yves: « C’est un miroir que l’humanité se tend à elle-même pour se voir sous un jour nouveau de sorte qu’elle pense et agisse autrement qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors, si bien qu’elle en arrive à inventer des institutions inédites qui lui permette d’évoluer. »

      C’est la définition que je donne au mythe.

    10. Avatar de Pierre-Yves D.
      Pierre-Yves D.

      Moi,

      Ce n’est pas du mythe mais le rôle de l’imagination dans l’élaboration des concepts.
      Aucune réflexion ne peut être menée sans qu’intervienne le travail de l’imagination.

      Or le raisonnement sans imagination ce n’est plus de la réflexion mais l’application routinière des principes de la logique. Il s’agit alors de faire des déductions sans jamais sortir du cadre que l’on s’est imparti. On prend alors le modèle pour la réalité empirique sans se demander si les prémisses de nos raisonnements ne déterminent pas les réalités que l’on cherche à objectiver. La science évolue avec l’invention de nouveaux paradigmes, paradigmes qui constituent autant de ruptures dans nos visions du monde. Or peut-on concevoir ces paradigmes sans que n’intervienne le travail de l’imagination ou pour le dire autrement de l’association libre des idées qui constitue le fonctionnement naturel de notre mémoire ? Autant dire qu’il y a de l’affect, du sensible à l’origine de toute conceptualisation, même si ensuite on y met bon ordre pour faire précisément de la science ou de la philosophie.

      Philosophie et politique n’énoncent pas des vérités sur le même plan que celui de la science, mais il ne s’agit pas moins de vérités paradigmatiques à cette différence près que les paradigme portent d’abord sur la question des valeurs, celles que l’on accorde à nos actions, actions que l’on considère elles-même en fonction de critères que l’on se donne pour déterminer en quoi consiste le vivre ensemble.

      Le politique comme la science concerne une expérience mais dans le cas du politique cette expérience nous engage. Par contre — et ici philosophie et politique trouvent leur lien avec la science, les réflexions qui sont menées quant à ce que doit être notre action individuelle ou collective, y compris donc s’agissant de l’histoire encore à venir, tiennent compte des données et résultats de la science. En tant qu’humains nous appartenons à une nature physique et biologique sans laquelle nous ne pourrions agir et dont la compréhension et l’explication informent notre agir.

  28. Avatar de Lambert Francis
    Lambert Francis

    Chaque crise est l’occasion de renforcer l’oligarchie financière : voici le rappel de LTCM (qui sera suivi d’Enron, etc.)
    LTCM utilisait un modèle financier élaboré par des prix Nobel d’économie de 1997: les américains Scholes & Merton. La FED avait déjà du refinancer massivement $4.6 billion « perdus » en 4 mois !

    – LTCM used fatally flawed VaR risk models.
    – LTCM used too much leverage.
    – LTCM transacted in unregulated over-the-counter derivatives instead of exchange traded derivatives.
    So risk models needed to be changed, or abandoned. Leverage had to be slashed. Derivatives had to be traded on exchanges or cleared through clearinghouses. Regulatory oversight needed to be ramped up…
    The government did just the opposite. Glass-Steagall was repealed in 1999,
    so that banks could become hedge funds.
    The U.S., in effect stared near-catastrophe in the eye, with LTCM, and decided to double down. »
    by Tyler Durden http://www.zerohedge.com/

    La FED et les gouvernements font chaque fois exactement l’inverse de ce qui est favorable à la Nation et ses citoyens !

  29. Avatar de Vince
    Vince

    Si la loi change, eh bien les capitaux iront ailleurs… L’interdiction doit être mondiale, ou elle n’aura que peu d’intérêt. Non ? Seul un organisme mondial pourrait intervenir, à ce niveau-là. Le FMI par exemple ? Ne riez pas au fond, merci. Mais alors les capitaux chercheront d’autre lieux, d’autres marchés… A mon humble avis, les fameuses « dark pools » doivent être considérées comme des alternatives à la finance mondiale en cas de règlementation plus « restrictive »… Même si cela peut faire sourire, ça serait déjà un début, non ? Mais encore faudrait-il controler l’activité de chaque plateforme de transactions, avec les moyens appropriés.

    Bon courage !

    1. Avatar de daniel
      daniel

      Le chantage au départ a une réponse simple: qu’ils partent faire ailleurs leurs déprédations ! Pourquoi garder une catastophe en puissance? Nous devons nous interroger sur ce qui « les » fera fuir ! Et rappelons-nous qu’ il y a une armée de bonne volonté disposée a agir selon le bien commun; lui faire de la place est un objectif valable… Commençons à agir dans notre zone d’action.

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta