La finance ne s’auto-policera pas

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Ton vieux copain Michel

Selon un article du New York Times, les banques américaines (Goldman Sachs, JP Morgan), toujours elles, seraient responsables de l’aggravation de la dette grecque. Elles auraient consenti des prêts sous forme de produits dérivés sophistiqués afin que les dettes n’apparaissent pas dans la comptabilité nationale et que les échéances soient reportées… aux calendes grecques. En échange, la Grèce aurait gagé les revenus futurs de son trafic aéroportuaire et autoroutier et même les revenus de sa loterie nationale. Incroyable !

Oui, les banques se spécialisent dans le « loophole », la faille dans le système, et vont vendre les moyens qu’elles inventent pour détourner les règles en vigueur aux gouvernements (quand ces règles sont supranationales), comme ici la Grèce, mais surtout aux entreprises et aux particuliers. Mais il n’y a pas que les banques ! Il s’agit là aussi d’une spécialité des grandes firmes comptables : qui a oublié les démêlés en 2005 de KPMG avec la justice américaine pour avoir vendu des « packages » d’évasion fiscale fondés sur des « firmes » créées spécialement pour rassembler les pertes subies par d’autres ?

Deux leçons à tirer de cela :

Primo, on ne peut pas compter sur le milieu des affaires pour s’auto-policer, le concept lui est étranger : il va là où il y a de l’argent à faire, quitte à enfoncer ensuite pour cela – comme dans le cas de la Grèce – celui à qui il vient de « rendre service » en échange d’une somme coquette.

Secundo, les réglementations particulières contiennent toujours des failles, que quelqu’un payé pour les trouver et pour découvrir ensuite le moyen de les contourner, trouverera facilement. C’est pourquoi les grands principes d’une « moralisation » de la finance, comme l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix ne doivent pas être introduits à l’aide de réglementations ad hoc mais faire partie des articles d’une constitution pour l’économie.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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77 réponses à “La finance ne s’auto-policera pas”

  1. Avatar de Pablo

    Dans ce cas, l’analyse de Marx est toujours valable.

    Les gens/corporations travaillent pour preserver leurs droits, acquis, « richesses » au profit de la societe.
    Exemple: J’utilise un conseiller fiscale pour payer moins d’impot, je vais voir le notaire pour pouvoir avoir un processus d’heritage moins couteux.

    Les personnes/entites legales trouveront toujours des moyens de preserver leur richesse en depends des autres, vis a vis la societe. Le desequilibre des richesses assure l’accumulation de richesse.

    Une constitution de l’economie est necessaire ainsi que la lutte des paradis fiscaux est necessaire.

  2. Avatar de André
    André

    Paul,

    Vous écrivez que «  »les réglementations particulières contiennent toujours des failles, que quelqu’un payé pour les trouver et découvrir ensuite le moyen de les contourner, trouvrera facilement. C’est pourquoi les grands principes d’une « moralisation » de la finance, comme l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix ne doivent pas être introduits à l’aide de réglementations ad hoc mais faire partie des articles d’une constitution pour l’économie. «  »

    Je suis entièrement d’accord avec votre projet de constitution pour l’économie, contenant les grands principes devant la régir. Mais, comme c’est le cas pour n’importe quelle constitution, ces grands principes devront nécessairement faire l’objet de mesures d’exécution particulières qui contiendront malheusement toujours des failles, exploitables par ceux qui voudont se soustraire à l’application de ces mesures. Tel est le sort de toute loi : souvenez-vous de que qu’en disait Platon dans « Le politique » (294 a-b).

    Qui supplée aux lacunes de toute loi ? Le juge, bien sûr : c’est le principe même de l’équité ! C’est pourquoi votre projet de constitution pour l’économie devrait contenir une disposition prévoyant la création d’une juridiction spéciale (tant pénale que civile) chargée de veiller au respect de la constitution et de ses mesures d’exécution. Le législateur intégrerait, dans la loi, les leçons de la jurisprudence de cette juridiction, au fur et à mesure de son développement, et s’en inspirerait pour, autant que faire ce peut, anticiper les « dé(con)tournements » futurs et leur « couper l’herbe sous les pieds », car il n’y a à cet égard rien de fatal.

    1. Avatar de Fab
      Fab

      Tout à fait,

      Un peu comme les organes de l’ONU qui font respecter les droits de l’homme, de la Chine à l’Iran en passant par Israel.

  3. Avatar de laurence
    laurence

    Bonjour à tous 😀 ravie de vous retrouver!

    @François78

    OUI oui oui !
    On est plus fort à deux que seul etc…
    Je n’ai découvert le blog de Monsieur Jorion qu’il y a peu de temps (jusque là, sans être totalement dupe, je ne me doutais pas de l’ampleur de ce…, de cette… supra-supercherie ingnoble -je reste polie- sur base de laquelle nous vivions).

    Mais vous avez l’air plus aguerri que moi.
    Je suis partante.
    Ca serait chouette qu’on soit nombreux !!!

    Si vous voulez bien communiquer vos références pour les documents à envoyer…

    Non seulement on voit ‘les renards dans le poulailler et les loups dans la bergerie’ 😀 mais on voit aussi ce qu’ils fricotent et ils sont invités à dégager comme le disait roma ,avec beaucoup de poésie, hier.

    Merci François78 je me sentais un peu dans le désert.

  4. Avatar de laurence
    laurence

    ps: j’ai bien conscience de la modestie de cette ‘action’ mais -rien- je ne sais pas (?) si c’est mieux??

    Si il y en a qui pensent que ‘statégiquement’ c’ est maladroit ou autre, dites-le, n’hésitez pas, hein…

  5. Avatar de Paskov
    Paskov

    Apparement « ils » ont ecrit le scenario grec du debut a la fin.
    http://www.lesechos.fr/info/finance/020365945542.htm

  6. Avatar de claude roche
    claude roche

    @ PJ
    J’aurai bien aimé répondre en temps et en heure, mais j’étais auprès de mes vieux parents (une priorité)
    Vous avez raison de pointer la nécessité d’une constitution pour l’économie, mais il ne faut pas entretenir de confusion à ce propos.
    Une constution ce n’est pas une loi, autrement dit ce n’est pas un ensemble de textes qu’il suffirait de rédiger, et de faire voter pour qu’ils soient appliqués . Cela c’est la vision américaine : le texte a été rédigé par les fondateurs et toutes les lois doivent en découler

    Dans la vision européenne la constitution est l’aboutissement d’un long débat et d’un consensus sur ses fondemants : en France ce consensus a mis tout le XVIIIème pour se créer (et les  » élites » se réclamaient des Lumières bien avant 89) . Une constitution pour l’économie ne peut être que l’aboutissement d’un tel débat où sont interrogés les fondements de nos « anciennes « institutions . Qu’est-ce qui est valide , qu’est-ce qui faut changer ?
    Aujourd’hui un tel débat est encore balbutiant .. c’est sur ce débat qu’il faut miser
    amicalement

  7. Avatar de VB
    VB

    Bonjour,

    @ Claude Roche,

    Oui, sans compter qu’une constitution pour l’économie n’a pas de sens, je vous renvoie en cela aux remarques très pertinentes d’Antoine Y. Une constitution ne porte pas sur un objet ou sur un autre : elle est chargé d’organiser les fondements d’une vie en société. Un point c’est tout.
    En revanche, il n’est pas douteux que les dérives actuelles, d’origines et de finalités financières, du capitalisme mettent en évidence la nécessité de revoir les modalités d’organisation de la vie en société que nous connaissons.

    Cordialement,

    1. Avatar de claude roche
      claude roche

      @ VB
      excusez moi, j’ai un peu de mal avec le blog en ce moment car j’ai moins de temps et je, ne peux pas tout suivre
      ( pS attention de facto le blog risque de devenir l’apanage de ceux qui « ont le temps »)
      je ne comprends pas bien la distinction que vous faites
      amicalement

  8. Avatar de Jean-Luce Morlie

    @Claude Roche

    « Une constitution pour l’économie » n’est pas une constitution « à part », il s’agit simplement de prendre en compte ce qui a été laissé de côté ou manqué par les mouvements constitutionnalistes antérieurs.

    Avec votre aide, ajustons le vocabulaire. Dans la continuité des mouvements constitutionnalistes du 18e, il s’agit d’ajouter / ou d’amender des principes constitutionnels généraux à partir desquels régler l’économie. Les réglementations respectent les principes, mais sont susceptibles d’évoluer, alors que les principes sont faits pour durer, inchangés le plus longtemps possible ; le tout « fonctionnant d’ensemble » il n’est pas illégitime, je crois, de parler de régulation.

    Pratiquement, nous pourrions nous attaquer au noyau de principes économiques tels que les crises nous enseignent à les dégager et ensuite, vérifier si les principes constitutionnels généraux sont en cohérence avec les nouveaux, et (éventuellement) modifier les anciens qu’en pensez-vous ?

    (Cette page date de quelques mois, voudriez-vous y ajouter quelques liens ou références ? )

    1. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Cette question n’est pas juridique, c’est une question de démocratie. Démocratie active qui doit intégrer l’économie politique comme une de ses dimensions fondamentales. Tant que nous penserons constitution politique séparément de constitution économique cela ne nous conduira à rien : l’objectif est une constitution qui organise un véritable fonctionnement démocratique des institutions et qui n’établisse pas des domaines de non droit réservés à certains (le droit d’exploiter son semblable, par exemple, qui devrait être interdit si l’on considère à juste titre que ce droit est le droit d’être un parasite, de vivre en parasite).

      Remarque : le préambule de la constitution de 1946, repris en 1958, considéré comme partie intégrante de la constitution française par le Conseil constitutionnel depuis 1971, inclut de manière explicite l’économie et définit entre autres une politique de plein emploi, la nationalisation des moyens de production qui sont détenus de manière monopoliste ou oligarchique et une solidarité collective pour que ceux qui sont privés d’emploi ou âgés puissent vivre dignement.

      Personnellement, je trouve cela déjà pas mal comme embryon d’économie politique constitutionnelle… cela le serait encore mieux si c’était appliqué et respecté : ce qui montre que le problème des injustices et des malversations économiques et financières est ailleurs, dans le rapport de forces imposé par les tenants du capitalisme.

      Le capitalisme n’est pas mort, il faut le tuer. (Je me sens catonien !)

    2. Avatar de claude roche
      claude roche

      @ JL M.
      sur le fond nous sommes d’accord. S’entendre sur les termes est important, mais c’est difficile ( je ne vous suis pas sur le mot « régulation » parce que cela ne renvoie pas pour moi à un principe mais à une application)
      Plus encore OK sur le « ensemble ».
      Voilà comment je vois les choses : je note d’une part que le marché est une réalité institutionnalisée et je renvoie à M Weber qui en a fort bien décrit l’esprit. Ces règles économiques étaient fondés sur l’idée de JUSTICE commutative ( la justice commutative veut qu’il y ait égalité en droits au coeur des transactions économiques et s’oppose à la justice DISTRIBUTIVE qui organise la distribution des revenus, ce qui est toujours source de corruption)
      ). Ces principes , je pense, ont « marché » tant que l’économie était dominé par le matériel, le point d’orgue étant les 30 glorieuses. Ils marchent de moins en moins maintenant que l’économie devient immatérielle. Le problème de la finance n’est pas tant que les gens s’enrichissent (tant mieux pour eux), mais que la Justice disparaît : il y a enrichissement sans cause. Et comme le dit J Locke : la justice et la vérité sont le fondement de la société. Mais il ne s’agit que d’un symptome : la même absence d’objectivité s’immisce partout dans l’économie de l’IMMATERIEL et avec elle l’absence de lien entre la contribution à la société et la rétribution ( je suis comme Sarko : beaucoup plus choqué par le salaires des footballeurs que par celui des traders de BNP : la preuve , allez dans les quarties nord de Marseille et dites qu’il faut baisser les salaires des joueurs de foot , vous allez vous faire lyncher)
      A mon sens c’est cela le dérèglement majeur de nos sociétés .
      Je vais même plus loin, je pense – comme PJ – que si l’OCCIDENT est incapable d’y apporter une solution dans le siècle il y laissera la peau littéralement . Et je fais plus confiance à L’Europe qu’aux USA dans cette affaire
      Par contre je crains comme la peste tous les discours sur l’opposition des pauvres et des riches.
      Regardez pour vous en convaincre l’évolution de l’ex-LCR que je connais bien : après avoir ressuscité le regrétté MOU de Pierre DAC, les voilà qu’ils font l’article de l’Islam . C’est loin d’être anecdoctique.
      amicalement

    3. Avatar de Jean-Luce Morlie

      @ C.Roche

      Nous aurons la possibilité d’accorder le vocabulaire en avançant. Sur les termes « règles », « régulation ». Dans l’ enthousiasme des débuts n’étant en rien constitutionnaliste, j’empruntais au vocabulaire « cybernétique ». C’était un peu l’optique de la « première cybernétique » observant les principes sur lesquels la nature régule les équilibres naturels pour (en gros et sans les sortir d’un chapeau, tirer des règles pemettant de construire des systèmes sociaux plus stables.

      §

      Vous attribuer le dérèglement actuel de « l’économie » à l’émergeance de l’immatériel dans le jeu antérieurement bien réglé d’une justice commutative et prenez l’exemple de l’opposition « salaires » à la Sarko / « salaires » joueurs de l’OM ; vous terminez en attirant l’attention sur la position de l’ex LRC relativement à l’islamisme.

      Je crois en effet qu’il serait éclairant de parcourir processus historique qui conduit du traité des deux gouvernements jusqu’aux salaires Sarko /OM ; contrairement à vous, je fais l’hypothèse que le dérapage « immatériel » est déjà inscrit dans les premières phases d’institutionnalisation de l’économie, ce serait l’occasion d’évaluer la pertinence de l’article 1 d’ECCE

      Toute forme d’organisation économique doit viser à l’émancipation des individus; aucune forme économique ne peut concourir à la domination d’un groupe ou d’une personne sur un autre groupe ou une autre personne .

      Le mot essentiel de cet article est, à mon avis, domination : en gros « il ne faudrait pas qu’on nous raconte des histoires », l’économie doit être réglée pour remplir et faire bouillir la marmite, puis pour reprendre l’expression de Paul Jorion pour « aller vers les étoiles ». Surtout, elle ne doit pas servir de « faux nez » à l’asservissement des uns par les autres, au nom de « règles » de l’économie. L’économie ne doit pas servir de cheval de Troie pour bazarder l’équilibre entre liberté égalité et fraternité au profit de quelques-uns. Avec votre aide, nous pourrons peut être relire Locke et mouvement constitutionnalise dans ce sens. Peut-être découvrirons-nous ce qui sur ce point n’a pas marché dès le départ, jusqu’à nous conduire dans le mur.

      Relativement à la position de Besancenot sur « la Burqua », je ne vois pas comment nous allons remonter « productivement » à Locke, sauf a emprunter le cheminement de Sloterdicjk (Colère et temps 2007) dans la généalogie des figures de la colère et du ressentiment en occident. Néanmoins, dans l’état actuel de saturation des écosystèmes par nos aberrations économiques mortifères, une constitution pour l’économie ne peut éviter la question du « renoncement à Prométhée » Cette importante question est , je crois , sous-jacente à l’option de la décroissance (cf. ma récente « réponse » à Fuljisan « décolonisons l’imaginaire de l’escargot ») .

      A+

    4. Avatar de claude roche
      claude roche

      @JL Morlie
      Merci mille fois de votre réponse. Je pense en effet que c’est un angle d’attaque. Relire les anciens (il n’y a pas que Locke, mais c’est celui que je connais le mieux), sous l’angle d’attaque que vous prenez : la domination était à l’époque une de leurs préoocupations. Puis voir ce que l’on a fait et les trous que cela a créé.
      Je suis à votre disposition ( modulo le temps qui me manque actuellement, mais cela devrait se tasser)
      Sur Besancenot c’est à la fois une pique et un rappel à Marx. Avec la disparition des principes du mouvement ouvrier .. il y a une dérive des mouvements radicaux vers l’opposition entre les pauvres et les riches , qui historiquement est d’origine catholique en Europe. Sauf qu’aujourd’hui le catholicisme est moribond : et il n’y a que l’Islam pour récupérer la chose . Ne jouons pas avec le feu
      amicalement

  9. Avatar de jean-luce morlie

    @ jeanNimes

    « Une constitution pour l’économie » n’est pas une constitution « à part », il s’agit simplement de prendre en compte ce qui a été laissé de côté ou manqué par les mouvements constitutionnalistes antérieurs.

    Comme l’indique la suite du post: « ce qui a été laissé de côté ou manqué du coté de l »économie … »

    A+

  10. Avatar de laurence
    laurence

    @ Messieurs VB, J-L Morlie,J.Nîmes et C.Roche,

    ces précisions sont infiniment précieuses…
    J’espère qu’elles nous serviront un jour prochain…

    Merci de tout coeur.

  11. Avatar de JeanNimes
    JeanNimes

    à jean-luce morlie

    Alors nous sommes d’accord sur la forme, il faut aller au fond !

    De plus en plus, il me paraît que la coupure entre le but non lucratif et le but lucratif doit être étanche, et que tout franchissement doit être interdit.

    Je trouve ainsi intolérable des situations comme celle qui est en train de se créer (façon de parler, car elle est volontairement créée, évidemment) pour la publicité de France Télévisions, cf.

    Voilà ce que doit impérativement énoncer la constitution d’un pays démocratique, au lieu de cette tartuferie de concurrence libre et non faussée.

    La concurrence c’est le moyen pour le capitalisme de s’imposer dans tous les secteurs de la société.

    Faut-il le redire ? Le capitalisme n’est pas mort, il faut le tuer.

  12. Avatar de fujisan

    – Qu’est-ce que tu en dis, toi, de leur société ? demanda Rasseneur à Souvarine.
    Celui-ci, qui grattait tendrement la tête de Pologne, souffla un jet de fumée, en murmurant de son air tranquille :
    – Encore des bêtises !

    Émile Zola – Germinal

  13. Avatar de Jean-Luce Morlie

    @ JeanNimes
    @tous

    Sur la séparation du lucratif et du non lucratif, quel est le principe englobant, est-ce la gratuité, est-ce le don ?

    Le capitalisme se tue tout seul, et je ne sais pas ce qu’il faut mettre à la place, mais je me méfierais si d’aucuns me disaient ce qu’il faut faire : « c’est ça ». Je me méfie encore plus de ce qui se déjà se prépare à le remplacer.

    Par contre, je crois que nous pouvons réfléchir sur l’échec du capitalisme et dégager les principes permettant de rendre impossible la répétition de certaines erreurs. Il s’agit, je crois, de présenter une utopie structurante qui puisse servir de référence lorsqu’il s’agira de contrecarrer sans cesse l’émergence, hors du chaos, de nouvelles formes de domination.

    La séparation du lucratif et du non lucratif est à mon avis une forme « réglementaire » parfois utile parfois inutile. Selon mon approche « a priori » de que devrait être une constitution, nous devrions explorer le « principe de gratuité » et interroger l’apport de l’anthropologie maussienne à l’inscription d’une constitution pour l’économie dans le processus de la nature prenant conscience d’elle-même. Jacques Attali, à qui nous devons, je suppose -c’est plus fort que moi – d’avoir relevé la nécessaire interdépendance entre liberté égalité et fraternité (cf. Fraternité) offrait déjà une très belle réflexion sur la gratuité (cf. La voie humaine) et présentait des propositions – plutôt neuves – (faisant preuve d’imagination sociologique) et qui peuvent alimenter notre réflexion en amont sur les principes que nous cherchons à établir.

    1. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Attention !!!

      Deux débats qui ne doivent pas être confondus :

      1/ But lucratif (BL) / but non lucratif (BNL)
      2/ Gratuité / Marchand

      Il n’y a pas de rapport direct entre ces deux débats et surtout rabattre le second sur le premier empêche d’envisager toute évolution ou sortie du capitalisme.

      En effet : il existe aujourd’hui de multiples formes d’activités à BNL qui sont marchandes et ne sont pas gratuites.

      La première opposition est entre activités qui visent un profit privé et activités qui ne visent pas un profit même si elles font des bénéfices, ceux-ci retournent à la collectivité et servent à l’investissement ou à soutenir d’autres activités.

      Personnellement, je préfère des solutions à péréquations tarifaires (ou de ressources) qui permettent des aménagements de territoires harmonieux et des choix démocratiques sur les allocations de ressources.
      Ceci n’exclut pas des tranches de consommation gratuite si cela est possible (par exemple les X premiers mètres cubes d’eau dans une régie communale de distribution, les suivants étant payés à un tarif qui peut lui aussi varier selon les revenus, etc.).
      Les bénéfices éventuels sur la distribution d’eau vont être affectés, selon une décision démocratique, soit à la pérennisation de l’approvisionnement, à l’amélioration de la distribution, à l’augmentation des tranches gratuites, à l’augmentation des salaires des employés ou encore reversés à la collectivité locale pour d’autres emplois.
      Mais en aucun cas à des actionnaires par le biais de dividendes !

      Ne vouloir discuter que de l’opposition gratuité / marchand gomme bien entendu le profit et c’est pour cela qu’une forte pression de l’idéologie dominante tente de ne faire envisager le problème que selon cet axe.

      Pour réfléchir sur ces questions, je préfère m’appuyer sur des pratiques concrètes qui ont été mises en oeuvre et qui existent un peu partout dans le monde, il n’y a rien d’utopique là-dedans.
      Ce qui manque c’est seulement la volonté politique de s’engager résolument.
      Si l’on ne dit pas les formes, les principes sur lesquels doit s’appuyer la société que nous voulons, le risque est alors grand qu’il se produise n’importe quoi, et il n’y a aucune raison a priori pour que ce n’importe quoi soit bénéfique !

      Le capitalisme n’est toujours pas mort et il faut le tuer, en lui enlevant progressivement toutes ses dents !

  14. Avatar de laurence
    laurence

    @ Jean-Luc Morlie !!

    Ce que vous dites, redites-le encore et encore, je vous en prie !!
    A la suite d’autres billets, d’autres articles, chaque fois que cela sera possible…

    Peut-être vous écouteront-ils, vous.

    Je pense qu’il est temps de réfléchir à ce que NOUS voulons, cette, fois avant qu’ON ne nous l’impose…
    On me dit que je vais trop vite, que ce blog est un ‘site d’observation’, qu’il faut d’abord bien tout comprendre de ce que nous venons de traverser, PIRE :

    que les CHOSES se joueront AILLEURS en d’autres TEMPS !!

    Dites-leur, vous, que nous avons une chance incroyable avec le blog de Monsieur Jorion de pouvoir tenter d’élaborer comme vous le dites une UTUPIE
    STRUCTURANTE.

    A moi, ils disent que je suis la démarche est prétentieuse…

    DITES-LEUR !!

  15. Avatar de laurence
    laurence

    @ JeanNîmes,

    bonjour,

    j’espère de tout coeur que vous aurez l’occasion, dans d’autres billets, articles de revenir sur l’importance d’envisager ‘les formes et les principes sur lesquels doit s’appuyer la société que nous voulons’….

    Merci

  16. Avatar de Lisztfr
    Lisztfr

    Concrètement comment fonctionnerait une économie fondée sur le don ?

    Dans une usine, le ouvriers fabriqueraient des voitures et les mettraient à disposition, plutôt on leur passeraient des commandes, des « voeux » disons. Les ouvriers pourraient en échange, ou même sans échange, émettre des commandes à n’importe qui dans la société, disons quand-même que le minimum requis serait de produire quelque chose…

    Le don m’a assez fasciné, sur le net, l’échange de fichier, l’échange de logiciels libres de sorte que lorsque je rentrais dans un magasin je trouvais assez mesquin et arriéré qu’on exige de moi un payement… Ah vous y tenez tellement à votre menue monnaie, c’est pas possible. Etonné que je ne puisse pas me servir gratuitement de petits gâteaux, alors que sur le net je mettais à disposition gratuitement bien sûr ! mon travail.

    Ce qui apparait aussi c’est que c’est la partie gratuite du travail qui est son fondement. Le travail est un acte de générosité, personne ne travaille uniquement pour la rémunération. On travail pour la reconnaissance, la vraie, non celle qui est synonyme de salaire, d’émolument. Ou pour partager une vie avec des collègues etc. Ceci dépasse depuis toujours le cadre de l’acte égoiste. L’egoisme n’a lieu QUE sur les marchés.

    Souvent, voire toujours, le bourgeois (caricature) transpose son propre égoisme à la société entière, il jette sottement ses qualités aux autres (Molière) : ex : les nantis, ex les chômeurs qui ne pensent qu’à gruger, qui n’ont pas de vie de famille, qui calculent comment escroquer lé sécu, etc. Ces raisonnement psychopathes sont inventés par des psychopathes de droite, je suis désolé de le dire.

    Bref l’économie idéale fondée sur le don je ne suis pas loin d’approuver, c’est une utopie qui pourrait se passer de centralisme, où chaque acteur créerait dans son coin et échangerait avec les autres, l’usine X avec la ferme Y, etc.

    De cette utopie, la contrainte serait absente. La contrainte de travailler… la grande question est de savoir si ça marche, ou si des comportement là encore égoistes finieraient par produire l’arrêt de l’activité…

    1. Avatar de Jean-Luce Morlie

      @Lisztfr

      Toute l’économie ne serait pas « non marchande », mais il faut inverser la vapeur : recréer « des commons ».

      Pour quelques mots sur l’actualité anthropologique du don et de la gratuité ( triple obligation de donner et rendre, mais aussi d’accepter), voir par exemple cette video d’ Edgard Morin

      Plus généralement, consulter le site du Mauss .

    2. Avatar de fujisan

      @Lisztfr
      Le don comme principe organisateur

      En tout, la motivation du profit échoue à motiver un comportement altruiste, parce qu’il n’est pas réciproque. Et c’est un comportement altruiste qui augmente le capital social de la société. Dans un système de dons, nous pouvons tous être endettés envers chacun, mais s’endetter nous rend tous plus riches, et non plus pauvres.

      Le troc comme principe organisateur

      Les dons sont magnifiques, bien sûr, mais parfois nous voudrions quelque chose de spécifique, et sommes prêts à travailler avec d’autres pour l’obtenir, sans recours à l’argent, bien sûr. C’est là le principe de base du troc. En général, vous troquez quelque chose dont vous avez le moins d’utilité (l’une des nombreuses choses que vous pouvez offrir) contre quelque chose dont vous avez plus d’utilité (quelque chose que vous désirez).

      Les économistes vous diront que le troc est inefficace, car il exige la «coïncidence des besoins» : si A veut troquer X contre Y, il ou elle doit trouver B qui veut troquer Y contre X. En réalité, la plupart de ceux que j’ai rencontrés ne veulent pas troquer X contre Y, ou Y contre X. En fait, ils veulent troquer ce qu’ils peuvent offrir contre tout un ensemble de choses qu’ils désirent.

      @JLM
      http://jcbonsai.free.fr/cc/OrlovConfDublin/#20
      😉

  17. Avatar de laurence
    laurence

    @ Lisztfr,

    toutes les propositions sont les bienvenues!

  18. Avatar de Jean-Luce Morlie

    @JeanNimes

    Maintenant que ça ne va pas être trop dur, je veux bien « le » pousser un peu .

    Personnellement j’ai besoin d’une utopie structurante , parce que si je me contente de « ce qui est » et de « ce qui se prépare », je déprime et depuis quelque temps j’ai peur, mais vers quoi vont basculer « les classes moyennes européennes » ? Faut-il pousser sans savoir au moins la direction dans laquelle aller ?

    Cela dit, vous avez raison de distinguer BNL et gratuité au sens strict (il y a au moins une part de « gratuité morale » dans la BNL), mais je ne saisis pas en quoi cette confusion « empêcherait toute sortie du capitalisme » ?

    A+

    1. Avatar de claude roche
      claude roche

      @ Jean luc Morlie
      Comme disait le pape « n’ayez pas peur  » ( je ne suis pas catho, vous l’aurez deviné !) . Si vous aviez comme moi goûté au mur de verre des intellectuels de toutes obédiences pendant des déceniies ( car il n’y a pas que les économistes=!) , combattu seul leur sophistique irresponsable , vous ne seriez pas pessimiste : le simple fait de parler ainsi sur un blog est déjà une avancée considérable .
      Les idées justes, une fois qu’elles sont bien formulées sont généralement inérrêtables ( bien sûr le plsu dur est bien les formuler)
      amicalement

  19. Avatar de laurence
    laurence

    @Jean-Luc Morlie,JeanNîmes et ClaudeRoche,

    il me semble qu’il ne faut VRAIMENT PAS SOUS-ESTIMER ce BESOIN d’UTOPIE STUCTURANTE.

    Formuler des IDEES, c’est bien de cela qu’il s’agit. IL FAUT LES FORMULER !!
    Tant qu’elles ne sont pas FORMULEES, nous errons > pessimisme et peur.

    >> paralysie. Sentiment d’être une victime impuissante etc…

    Il y a un BESOIN IMPERIEUX que des idées soient FORMULEES pour savoir vers quoi nous allons >> que mettre en place pour y arriver….

  20. Avatar de louise
    louise

    @laurence et les autres

    Nous sommes une tribu d’australopithèques (ou ce que vous voudrez), notre territoire est devenu désertique et ne peut plus nous nourrir que de plus en plus parcimonieusement.
    Que faisons nous ?

    Nous faisons des sacrifices aux dieux pour qu’ils nous envoient à manger ?
    (humains les sacrifices, tant qu’à faire, ça fait des bouches de moins à nourrir)
    (en fait pour certains c’est ce qui se passe aujourd’hui)

    Nous attendons la fin en réduisant les portions pour que ça dure le plus longtemps possible ?
    (en fait pour certains cela a déjà commencé)

    Nous prenons nos cliques et nos claques et allons à l’aventure ?
    (en se disant toutefois que la prochaine fois nous ferons attention à ne pas dégrader notre environnement)

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  1. @ Hervey Et nous, que venons-nous cultiver ici, à l’ombre de notre hôte qui entre dans le vieil âge ?

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