Billet invité.
Nos démocraties modernes sont filles des Lumières, dit-on souvent avec raison. La raison, justement, était invoquée avec ferveur par les penseurs de l’époque comme la panacée face à l’obscurantisme. Nos structures sociales modernes sont toutes peu ou prou subordonnées à cette idée simple : les individus et les peuples, à condition d’être convenablement éduqués, sont tous accessibles à la raison, sensibles à ses arguments, susceptibles d’en tirer l’amour pour ce système qui les élève et les responsabilise, finalement à même d’en devenir les plus ardents défenseurs.
Naturellement, nos Diderot, Montesquieu et autres grands penseurs n’étaient pas naïfs. Ils savaient que l’homme étant ce qu’il est, certaines conditions étaient nécessaires pour maintenir un système démocratique. Montesquieu érigeait la vertu en véritable socle de la république. Elle était pour lui synonyme d’amour de la république, de l’égalité, de la frugalité enfin. Développant son propos, il arrive au principe fondateur de la séparation des pouvoirs, aujourd’hui si mis à mal. Le subtil équilibre nécessaire à la prospérité de la démocratie est ainsi tissé, décrit, analysé. Nos institutions actuelles en sont la traduction plus ou moins fidèle.
Pourtant, quelque chose a mal tourné. L’équilibre aujourd’hui est rompu, l’égalité foulée aux pieds, la frugalité ignorée, l’amour de la république ânonnée ad nauseam pour mieux être vidée de son sens. Nous assistons sur ce blog à une chronique de ce délitement, jour après jour. Paul Jorion et François Leclerc en décortiquent les différentes phases. On peut cependant se demander ce qui a rendu les mécanismes de défense de nos sociétés inopérants, la cause première qui fit dérailler la belle mécanique de nos ancêtres. Où l’appel à la raison a-t-il failli ?
Dans un billet récent, Paul Jorion nous a régalés d’un panorama non exhaustif de sa carrière, expliquant comment on devient « l’anthropologue de la crise ». L’un des passages les plus commentés concernait ses expériences à la lisière du club très fermé des « décideurs » dans les différentes entreprises où il a pu travailler :
Les décideurs aiment caractériser le critère d’appartenance à leur club en termes de compétence, mon expérience de dix-huit ans m’a cependant convaincu que ce critère était en réalité d’un autre ordre : la tolérance personnelle à la fraude.
S’ensuit une description saisissante de diverses fraudes et malversations découvertes par Paul et qui toutes entraînèrent son licenciement. Les gens au pouvoir n’aiment pas les empêcheurs de trafiquer en rond et ont les moyens de les écarter… Au-delà du simple constat de la corruption généralisée qui règne chez les « décideurs », il pose de façon intéressante la question de l’accession à cette nomenklatura. D’après son expérience les impétrants sont ainsi « testés », leur capacité à supporter, puis à participer à la fraude devenant condition sine qua non à leur ascension.
Ce renversement de perspective m’a particulièrement frappé. Au lieu de considérer la capacité de corruption du pouvoir, il indique plutôt qu’il faut pour y accéder déjà présenter une prédisposition à la corruption, voire aux comportements sociopathes.
En effet, posé en termes d’avantage compétitif, le comportement sociopathe est incontestablement un atout majeur. L’indifférence (mais pas l’incompréhension) vis-à-vis des émotions et des droits des autres, l’absence de culpabilité, sont de puissants moteurs pour s’imposer ! Lorsqu’elles se trouvent mêlées à une certaine intelligence, ces caractéristiques font d’un tel individu quelqu’un de redoutablement bien armé pour grimper dans la hiérarchie.
Il est donc logique de trouver en haut de la pyramide sociale une proportion non négligeable d’individus présentant ces travers. Nul besoin de faire appel à quelque délirante théorie du complot pour cela. Il suffit d’observer que ces individus sont les mieux adaptés à la conquête du pouvoir ! Ils ne forment pas pour autant un ensemble cohérent, une société poursuivant un but commun, mais présentent une homogénéité de caractère, individualistes forcenés, prêts à tout pour accroître leur domination.
Que se passe-t-il lorsqu’une concentration suffisante de tels déviants accède aux commandes ? C’est là qu’intervient le mécanisme décrit par Paul. Etant en position de choisir leurs pairs, les déviants vont naturellement incliner soit vers des individus « normaux » mais qu’ils pourront contrôler ou corrompre, soit à défaut vers des individus de leur espèce. Dans ce dernier cas, ils introduisent certes un concurrent, mais au moins jouent-ils au même jeu : s’accaparer les ressources, les honneurs et le pouvoir. Un individu conscient de leur nature et qui chercherait le bien commun serait autrement plus dangereux pour eux ! La disparition des profils « normaux »des postes de pouvoir consistera donc un objectif commun naturel, sans même qu’il existe une concertation de leur part.
Quid de l’exercice du pouvoir à proprement parler ? Les qualités nécessaires au bon exercice du pouvoir étant distinctes et même radicalement opposées à celles leur ayant permis d’y parvenir, ils détournent à leur profit les outils dévolus normalement au bien commun. La recherche du bien commun est une notion sans intérêt pour eux et ne servira que de couverture à l’accaparement des richesses de ce monde. On observe donc un transfert de plus en plus rapide des biens sociaux vers une minorité d’individus.
C’est une constante dans toutes les sociétés (et pas uniquement les démocraties) car liée à la nature de l’homme plus qu’à celle des sociétés en question. Elles courent ainsi quasi-inéluctablement vers leur effondrement. Après la catastrophe on incrimine telle ou telle idéologie, telle ou telle tendance politique, mais au final, n’est-ce pas un comportement humain qui est à la base de tout ? Par exemple, l’incapacité des systèmes communistes à empêcher la formation de telles « élites » perverties n’a-t-elle pas joué un rôle dans leur chute ? Le gâchis des luttes intestines, le détournement à des fins personnelles des instruments de l’État n’y sont ils pour rien ? Certes, on peut trouver de nombreuses autres failles dans les sociétés basées sur le communisme, mais oublier l’existence de la perversion de certains humains ne représente-t-il pas une erreur fondamentale ?
L’effondrement d’un système est un phénomène complexe, qu’on ne peut faire remonter à une seule cause initiale. Toutefois, ne tenons-nous pas là une paille dans la belle construction de nos ancêtres ? La raison et l’humanisme n’ayant pas prise sur les individus qui forment nos élites, un système qui prend ces valeurs pour fondements ne peut perdurer. Il me semble donc qu’il nous faut nous prémunir contre ce risque, sans quoi toute construction sociale que nous pourrions inventer connaîtra le même funeste sort.
Ne devrions-nous pas travailler là dessus en préalable à tout projet de société ?
Comment éviter que les sociopathes soient les mieux adaptés aux postes de pouvoir?
Comment immuniser nos systèmes politiques, économiques et sociaux à ce cancer redoutable ?
Envisager le problème sous cet angle a une conséquence des plus heureuses : si le pouvoir corrompt tout le monde, il n’y a pas de solution, aucun système n’est à l’épreuve de ce vice de fabrication. Si en revanche il attire de façon privilégiée les individus corrompus, mais qu’un individu normal peut conserver le sens du bien commun en exerçant ce pouvoir, alors il nous sera peut-être possible de séparer le bon grain de l’ivraie en amont et garder un espoir pour l’avenir !
144 réponses à “Pouvoir et corruption, par Tchita”
La perversité fondamentale de ces individus n’empêche pas l’intelligence et le savoir faire. Dans le monde des multinationales et dans la politique le profil du « tueur » est bien souvent celui qui est respecté de ses pairs et craint de ses subordonnés.
C’est la soif inextinguible d’encore « plus » de pouvoir qui les amène à prendre des risques insensés dont l’échec constitue une faille systémique.
Vérifier que ce profil existe est aisé quand il s’exprime dans l’exercice du pouvoir. Mais comment le déceler dans son ascension, quand ces futurs « tueurs » ne sont encore reconnus que comme « ambitieux » ?
Ou comment éviter que les postes de pouvoir soient adaptés aux sociopathes ?
Séparer le bon grain de l’ivraie, Mr Jorion.? oui ce serait plus que nécessire et même vital pour la démocratie. Mais voilà, le problème de l’humanité c’est qu’il y a des hommes et que même au confin des origines de cette humaninité, la corruption avait dèjà commencé, Cain n’a-t-pas vendu son frère contre un plat de « lentilles »? Telle est la génèse de notre histoire de l’humanité!!!! Et pour moi qui suis athé vous imaginez ce que je pense de la classe politique en particulier qui dirige la classe financière en finale.
Caïn a tué son frère.
Joseph a été vendu par sa famille.
J’ai oublié les noms. Mais il s’agissait de vendre un droit d’ainesse pour un plat de lentilles.
Vous avez ces éléments dans le désordre.
Les lentilles c’est Esaü qui a vendu son droit d’ainesse contre un plat de lentilles
Merci Louise.
« Séparer le bon grain de l’ivraie »
Voila une expression qui sous des dehors bibliques plein de bonnes intentions (les mêmes qui pavent l’enfer), porte en lui la semence d’une idée terrible : l’extraction de la mauvaise herbe.
Idée qui a menée des milliers d’hommes aux camps de rééducation, de reconditionnement, voir d’extermination.
Même si le raisonnement de l’auteur à propos d’une sélection naturelle des profils les plus durs et pas forcément des plus compétents (à me moins que, comme le souligne Paul, ce soit là leur « compétence » ?) est très juste et nécessaire, les conclusions que l’on peut en tirer peuvent s’avérer dangereuses. Sur un terrain aussi glissant, le débat peut facilement échapper des mains de personnes biens avisées, pour passer entre celles de personnes qui le sont beaucoup moins, en particulier de personnes haineuses.
Comme le dit l’auteur, le travail doit plus porter sur une redéfinition des règles du jeu, afin que les critères de sélection naturelle des décideurs soient des critères de reconnaissance de l’aptitude à la bonne gouvernance, que sur la mise en place de mécanismes de mise à l’écart de soi-disant « Sociopathes » ou autres « déviants ».
Ne perdons pas le Nord.
Dans le texte original, « séparer le bon grain de l’ivraie » se fait au moment de la moisson. Il est hors de question de le faire avant car cela pourrait abîmer un bon grain. Au moment de la moisson, le bon grain est mis dans le grenier et l’ivraie est brûlée.
Mon interprétation est que le bon grain et l’ivraie doivent vivre côte-à-côte. Le moment de la moisson est la mort. Le bon grain va au paradis et l’ivraie en enfer. Il faut des ouvriers pour cette moisson. Je ne vois pas comment interpréter ces derniers.
Dans le texte original, il n’y a ni camp de concentration, ni rééducation. Ils sont exclus par l’idée que le bon grain et l’ivraie doivent cohabiter.
On économiserait un temps fou si on cessait de parler d’individus quand on décrit des phénomènes sociaux collectifs dans lesquels les caractéristiques individuelles jouent si peu. Comment un système sociopathe pourrait-il tolérer autre chose qu’un fonctionnement sociopathe ? Dans un système pyramidal, les parties basses sont écrasées par les parties plus hautes.
Avec l’idée de députation, on peut à la rigueur penser à une représentation sans privilèges. Mais dans notre société, il n’y a plus aucune ambiguïté. L’inégalité s’oppose logiquement à la liberté politique. Notre système monarchique, autoritaire et inégalitaire, est une concession faite par les forces républicaines, libérales, égalitaires et universelles, à la nécessité de l’unité nationale.
Nous pouvons être jugé, et privé de liberté, par des jurés tirés au sort. Pourquoi ne pas faire de même pour ceux qui nous gouvernent?
Pourquoi pas ? Cela n’aurait rien d’absurde, et cela a été, autrefois, l’usage pour désigner l’exécutif au sein de la Generalitat de Catalunya, chez mes voisins d’outre-Pyrénées. L’important est que les représentés puissent facilement retirer son mandat au représentant dès lors qu’ils n’ont plus confiance en lui.
Le principe du tirage au sort pour les fonctions publiques était même au coeur de la démocratie Athénienne…
En politique, par exemple, se posent les problèmes de la « carrière politique », de la rémunération, des cumuls de mandats, de la représentation de toutes les catégories socio-professionnelles
http://www.assemblee-nationale.fr/13/tribun/xml/cat_soc_prof.asp
des retraites des élus, etc….
Merci Tchita pour cette merveilleuse réflexion!
Je m’interroge depuis longtemps sur l’application à long terme et à grande échelle du système zapatiste.
Votre constat est indubitable. Et je vous suis … jusqu’à la dernière moitié du dernier paragraphe.
Le mieux est l’ennemi du bien, certes! Mais quand même!
Le pouvoir est une chose, l’argent en est une autre, ne se peut-on penser la séparation non pas de l’église et de l’état, ni peut-être non plus celle de la séparation du marché et de l’état, mais quelque chose qui décourageraient les cupides de l’ambition de tenir les rennes du pouvoir ??? …
peut-être que si les peuples votaient les budgets ?? …
puisque finalement, c’est bien à la mesure de la concentration des richesses, l’extase de quelques uns, que la paupérisation du plus grand nombre, d’où la stase de l’économie, prospère, se développe, puis s’emballe jusqu’à la crise …
(ce n’est pas non plus aussi simple,
puisque par exemple, les nouvelles connaissances ouvrent de nouveaux marchés, ne nous a-t-on point cette dernière décénie, entreprit de nous vendre les ondes de notre propre ciel ??? ..
cependant qu’aujourd’hui, toujours sur ce sujet de l’air, bien qu’elle s’opérerait dans le sens contraire, n’est-il point dans l’air de nous facturer une taxe carbone ??? ..)
Enfin baste, de ma place, je ne vois pas que la crise soit finie, et j’en dirais même plus, comme c’est toujours la grande braderie, je ne vois vraiment pas comment cela pourrait s’avérer tel que ce qui nous en est médiatiquement prétendu, c-a-d de bonne augure …
je ne suis pas non plus si pessimiste, mais …
@Cécile
« si les peuples votaient les budgets ? »
Le gouverneur de Californie, il y a un an ou deux, a soumis au vote populaire un projet de budget visant à réduire le déficit de cet Etat. Il me semble que « le peuple » a voté contre l’augmentation des impôts, d’où la réduction drastique actuelle des services publics et sociaux. Mais ma mémoire est peut être défaillante. En outre, je n’en sais que ce que les médias d’ici en ont dit….. La réalité est sans doute plus compexe (comment a été menée la campagne ? quels étaient les termes exact du projet ? quelles alternatives ?)
Excellent billet, merci 🙂
Je ne suis pas d’accord en revanche sur une partie de la conclusion: « si le pouvoir corrompt tout le monde, il n’y a pas de solution, aucun système n’est à l’épreuve de ce vice de fabrication. »
Je mettrais un bémol car si le pouvoir corrompt tout le monde, mais sur la durée, alors une des solutions est de limiter la durée de l’exercice du pouvoir.
Des interrogations intéressantes sur cette fameuse nature humaine en société. La société corrompt-elle l’Homme si pure de Rousseau à l’état de nature, et serait ce alors la cause » naturelle » de telles dérives ?
Je ne crois pas personnellement que l’essentiel ici se trouve dans l’approfondissement de cette réflexion sur l’individu, avec une approche quasi-manichéenne de la chose entre les prétendants au pouvoir, mauvais par nature qu’il faudrait corriger, et les autres dociles, gentils, exclus du pouvoir qu’il faudrait promouvoir en leur annihilant toute tentation corruptive. Je crois même cette approche stigmatisante plus dangereuse que salvatrice.
Tout comme le bon fonctionnement d’une société juste et démocratique ne peut pas reposer qu’essentiellement sur des valeurs morales et son déclin sur leurs faillites, supposées ou non.
J’ai le sentiment en vous lisant que vous souhaiteriez trouver une manière de pérenniser un système » viable « , « immunisé » de toute corruption.
Seulement, un système pérenne a t’il la capacité de se préserver de la corruption et de l’exaspération de pouvoirs de ses classes dirigeantes et les plus puissantes ?
Il est normal que tout système tend à chercher une stabilité par ses institutions, us et culture de gouvernement.
Mais comme le disait ce cher Jefferson, véritable visionnaire, il est à craindre ainsi que le déchainement des forces réactionnaires viendrait s’y engouffrer pour y faire triompher les travers de la nature humaine, des corporations et de l’individualisme. » Whether one generation of men has a right to bind another « .
Dès qu’une systémique se met en place, elle aura consciemment et inconsciemment pour but de se préserver par tous les outils qu’elle aura à sa disposition.
L’un des plus efficaces d’entre eux est ce que j’appelle la culture de l’Ignorance Constitutionnalisée. Il s’agit de faire comprendre dès l’école que le système est tel qu’il est, et qu’il ne peut être fondamentalement changé dans ses institutions car celles-ci scellent la base nécessaire au développement de leur » savoir » et de leur bien être.
Aucune remise en cause ou interrogation sur le contrat social n’est possible, car elles sont le plus souvent délibérément, ou inconsciemment pour les plus candides, non étudiées. (à l’exception des formations en droit constitutionnel bien entendu).
La raison accessible à tous est alors aussi fantasmagorique que celle de la concurrence pure et parfaite de nos chers inquisiteurs économiques à la tête de l’UE.
Mais pour autant, comme vous le dites si bien dans votre premier paragraphe, cela n’empêche pas que « les individus et les peuples » ne finissent pas » susceptibles d’en tirer l’amour pour ce système qui les élève et les responsabilise, finalement à même d’en devenir les plus ardents défenseurs. »
Je ne crois pas qu’un système véritablement démocratique a vocation à être maintenu dans la durée, cela ne fait pas parti de sa nature.
C’est également oublier la théorie de l’anacyclose de Polybe.
Doit on alors craindre un effondrement du système institutionnel dans son ensemble si celui-ci s’avère une résultante naturelle de tout système ?
L’avènement de la Prospérité amène t’il au début du délitement d’une Société ?
La Démocratie, est elle alors l’apanage d’une société frugale et vertueuse par des principes moraux puissants comme l’étaient des sociétés comme celle du Massachusetts de John Adams ?
Le billet de Paul Jorion ne m’avais pas du tout étonné : Même à petite échelle, dans un village, ou quand on intègre n’importe quelle structure, la question vous est posée presque systématiquement :
Voulez vous en croquer avec nous ?
Et la question suivante se pose donc ici : Avec qui allons réformer ? (une façon de penser).
Le dernier entretien d’embauche que j’ai passé, la DRH m’a demandé si les boites pour lesquelles j’avais travaillé respectaient la loi et les normes, je lui ai répondu aucune (c’est la vérité), sauf une entreprise publique, mais les normes et lois sont plus arrangeantes pour elle.
Elle m’a demandé si ça me dérangeait et j’ai hésité à lui répondre non, car c’était un mensonge, mais je savais que si je voulais bosser, il fallait que j’accepte de fermer les yeux. Cette boite bien entendu ne respectais pas la loi. Je me suis bien gardé de lui dire qu’il m’était pratiquement impossible de respecter quelqu’un (même une entreprise) qui n’avait pas de respect.
Développer la connaissance de ces mécanismes peut aider dans cette tentative de sélection de chefs plus « vertueux ». Christophe Dejours, dans « souffrance en France », parle de banalisation du mal. Qu’est ce qui fait que la plupart de gens s’accomodent de cette situation. La peur d’exclusion du groupe est un bout d’explication. L’ignorance en est un autre. L’idée de ne pas porter atteinte à l’intégrité rassurante d’un groupe aussi. Dans les années 70, l’ergonomie était à la mode et un de ses volets traitait des conditions de travail en profondeur, donnant ainsi un certain pouvoir aux exécutants. Ergonomie, aujourd’hui ne signifie plus rien de ce point de vue.
Je ne suis pas certain que la « tolérance personnelle à la fraude » soit l’apanage des plus hauts dirigeants. De même, l’homme n’est pas foncièrement « mauvais ». J’observe que c’est toujours l’autre qui est « déviant » ou corrompu.
Je ne fais pas partie de la catégorie des cadres dirigeants, mais j’ose espérer que les « pervertis » ne représentent pas la majorité des individus qui la composent.
Je ne suis même pas certain que l’homme en général réalise à quel point il participe à ce système de croissance néfaste. Non, il préfère le critiquer comme s’il n’était pas impliqué. Mais je pense que nous sommes tous, de près ou de loin, impliqués (au moins dans les pays dits développés).
Nous avons tous été plus ou moins « formatés » et conditionnés pour avancer aveuglément au sein d’une société où nous trouvions notre compte quelque part… jusqu’au jour où la crise a mis en lumière les dérèglements du système états-uniens basé sur le surrendettement. Et puis (stupeurs et tremblements), nous avons découvert que nous étions mouillés (le plus souvent à notre insu).
Je pense « qu’un individu normal peut conserver le sens du bien commun en exerçant le pouvoir », c’est même un devoir. Certains y parviennent, refusant de dire « mais que veux-tu, c’est comme ça ! ». Commençons par réformer le système pour en supprimer ses aberrations les plus visibles.
« De même, l’homme n’est pas foncièrement « mauvais ». »
De quel « homme » parlez-vous ?
J’avais déjà évoqué ici la réflexion d’un psychologue (ou psychiatre), spécialiste des tueurs en série (c’est lui qui est à l’origine d’un test permettant d’évaluer si une personnalité est psychopathe) et qui avait dit que si il n’avait pas pu travailler dans les prisons, il aurait pu exercer son art dans les conseils d’administration.
Il disait aussi qu’il y avait 2 sortes de psychopathes : les violents (qui se retrouvent en prison) et les non violents, parfaitement insérés dans la société.
Donc, je suis tout à fait en phase avec le sens de ce billet, cela rencontre exactement mon analyse des choses.
La question est donc : comment neutraliser ce % de la population que sont les psychopathes et les empêcher d’accéder au pouvoir ?
Ce psy s’appelle Robert Hare
Il y a un papier ici qui parle de lui
http://www.fastcompany.com/magazine/96/open_boss.html
Saluons donc les exceptions à la règle. Il n’est pas douteux qu’elles existent. J’en connais aussi.
Mais ce billet reste très pertinent : il y a un mécanisme sociologique à l’oeuvre, qui sélectionne dans les structures de pouvoir ceux pour qui l’intérêt public compte le moins.
On peut même dire que ce mécanisme a produit une sorte de morale perverse, qui conduit à affirmer que l’égoïsme est bon en soi, puisqu’il est le moteur du dynamisme, lequel conditionne le succès, qui est en définitive le seul critère qui vaille. On se fait élire, ouvertement, sur ce socle idéologique « décomplexé »…
L’ultra libéralisme économique prétend que l’égoïsme est efficace. Il se forme aussi, sous nos yeux, une idéologie qui suggère qu’il est même moral.
Les comportements évoqués ici et dans l’article de Paul Jorion rappellent beaucoup les livres d’Alexandre Zinoviev, qui décrivait lui la société de l’URSS finissante. C’est dommage que cet auteur soit maintenant complètement oublié.
Totalement d’accord.
Un peu manichéen, c’est vrai, et il serait trop simple que la solution soit dans le repérage d’un certain type de caractère, souvent d’ailleurs non-encore révélé à beaucoup de ces individus eux même. Et qu’est-ce que l’honnêteté absolue dans ce cas ?
Cela dit, la sélection par les circonstances existe. Elle s’appelle la sélection naturelle, et donc pour une autre sélection, changez les circonstances.
Si politique, économique appellent tant au secret, c’est bien parce que celui-ci sert au mieux la défense de privilèges.
Prenez vos semblables gros méchants, et exposez toutes leurs actions quotidiennes à la lumière. Ca m’étonnerait qu’ils ne deviennent pas presque tous extrêmement vertueux, sauf à se suffire de vivre par des idées non-influencées, fruit de leur esprit sclérosé.
« C’est une constante dans toutes les sociétés (et pas uniquement les démocraties) car liée à la nature de l’homme plus qu’à celle des sociétés en question. […] Certes, on peut trouver de nombreuses autres failles dans les sociétés basées sur le communisme, mais oublier l’existence de la perversion de certains humains ne représente-t-il pas une erreur fondamentale ? »
On en revient toujours à cette question centrale de la nature de l’Homme! Si ce n’est pas une question anthropologique, alors je n’y comprends rien à l’anthropologie…Ce qui me ramène à un commentaire que j’avais déjà fait en citant A.Orlean: il n’y a pas de théorie économique sans hypothèse anthropologique.
Par ailleurs, penser que certains humains manifesteraient une perversion particulière dont d’autres seraient exempts me semble perpétrer une erreur récurrente consistant à expliquer nos malheurs par la faute des autres; personne ne peut s’absoudre de quelque péché que ce soit car nous sommes faits de la même pâte (nature humaine). Certes certains seront plus pervers que d’autres, mais la question me parait plutôt être: qu’est ce qui les pousse à la perversion ?
Dans le film « Tanguy » cela se passe en France, l’enfant est un tyran tant qu’il fait une thèse sur l’émergence du concept de subjectivité en Chine. Il ne s’en sort qu’en épousant une chinoise et en partant à Pékin pour fonder une famille.
Dans le film « Spanglish » Cela se passe aux USA, C’est une mère américaine qui tyrannise son entourage, et la servante hispanique (dont l’époux est tombé amoureux) finit par être chassée bien qu’elle soit aimée par le père (elle est donc attirante), et elle perd son boulot.
Le dénouement varie selon la langue maternelle.
L’intérêt du blog de Paul Jorion vient du fait qu’il est intraduisible !
La langue maternelle, permet ou ne permet pas le dénouement … car dans certains cas elle permet par le signe, l’apparition d’un signifiant qui coupe, sectionne la ou il faut pour que cela se passe bien … car la seule recherche d’une signification stérilise toute communication. Seul le sens (au sens premier de direction) est fertile.
Vive la nation des fromages !
Bonjour,
Pour moi, tous ceux qui recherchent toujours plus de pouvoir ou d’argent sont des gens immatures et resteront des arriérés mentaux dont le développement intellectuel est incomplet.
Avec le peu de temps qui nous est imparti sur cette planète, il y a certainement beaucoup mieux à faire.
Cordialement.
Quelques remarques pour compléter ce billet très bien venu :
– Les carrières politiques : si quidam « entre en politique », et réussit à se faire élire, il y a de fortes chances pour que vous voyez ensuite la tête de quidam à la télé jusqu’à la fin de vos jours! Et ceci, dans une large mesure, quoi qu’il fasse et quoi que vous votiez…
– Les sociopathes chassent aussi en meute. Le noyautage des structures (partis, syndicats, associations…) est une plaie trop bien illustrée en France en ce moment.
Soyons concrets : Dans le cadre de la démocratie par délégation, il y a des mesures immédiates, en amont, auxquelles la classe politique, dans son ensemble, a toujours résisté bec et ongles, mais qui seraient à la portée d’un référendum d’initiative populaire :
1 – Mandat unique strict, de durée raisonnable pour ne pas nuire à l’efficacité.
2 – Non cumul strict.
Et une petite originalité, sans doute critiquable, mais qui pourrait un peu favoriser la vertu :
3 – Vote d’évaluation systématique en fin de mandat.
3 – Vote d’évaluation systématique chaque année de la mandature, sur présentation d’un bilan d’exercice (législatif, exécutif)
Marc,
Les quelques règles que vous énoncez ont été adoptées par les partis écologistes au début des années 1980. Elles ont permis du bon travail par des fous (nommés idéalistes) pendant une bonne vingtaine d’années. Aujourd’hui, au nom de l’efficacité, ces règles commencent à être adoucies ou abandonnées. Il faudra peut-être que se recrée une nouvelle mouvance pour que ces règles soient remises au goût du jour (dans les institutions religieuses, cela se fait régulièrement au nom de réformes qui tendent au retour vers la pureté des origines).
Sans rien inventer (cela se retrouve un peu en désordre dans les 109 réactions que j’ai lues), nous pouvons donc dire qu’il faut non pas vouloir changer les individus mais mettre en place quelques règles qui écartent les personnalités malades et destructrices:
– interdiction du cumul des mandats;
– limitation dans le temps de la durée du mandat et surtout limitation des reconductions possibles;
– recherche et élimination des conflits d’intérêts (depuis le népotisme jusqu’au contrats passés avec les copains/coquins);
– transparence maximale de la prise de décision (compte rendus par des personnes extérieures, limitation des lieux à huis-clos);
– existence d’une presse indépendante et critique non muselée par les pouvoirs d’argent et la pub.
Ce sont des règles que l’on peut instaurer progressivement, aussi bien dans les conseils d’administration des entreprises privées que dans les assemblées publiques de la démocratie représentative ou dans les lieux de décision des associations.
Pour la démocratie représentative, il reste aussi la très bonne vieille alternance du pouvoir qui empêche les magouilleurs de mettre en place leur système (cela prend du temps de trouver les corruptibles et des les corrompre…). Mais cela, cela reste du ressort de l’électeur qui oublie trop souvent le pouvoir dont il dispose…
@Tchita
Vous posez une très bonne question, qui tranche avec les traditionnelles analyses menées en termes d’intérêts sociaux et qui me semblent totalement dépassées.
Elle est d’autant plus intéressante qu’elle renoue avec la tradition de la philosophie politique européenne : car c’est effectivement ce thème de la corruption des gouvernants qui a permis ( ou été la cause de ) la construction des institutions républicaines et/ou libérales (c’est la même chose). C’est effectivement ainsi qu’il convient de procédér : reprendre le débat Là où « nos ancêtres » l’ont laissé , avec succès .. à l’époque. Pour cela et ne pouvant faire une contribution plus avancée avant un moment, je voudrais noter deux points
– cette question de la corruption est plus faiblement traitée dans la tradition française ( Voltaire, Diderot) que dans les pays du Nord pour des raisons religieuses : la pensée française de l’époque a quand même « zappé » la réforme et l’apport du protestantisme, lequel s’est crée contre la corruption de l’Eglise
– de plus il ne faut pas oublier que les institutions occidentales font de la corruptibilité de l’homme une donnée de base , et qu’elles sont organisées pour y faire face , et le fait est qu’en matière politique , elles y ont réussi .
Pourquoi donc ce sentiment de perte de l’intérêt général 😕 je crois plutôt qu’il faut chercher du côté de l’espace public et du rôle qu’y joue la communication moderne : l’élu est désormais un professionnel de la campagne électorale , et cela devient contradictoire avec le fait ed gouverner
En ce qui concerne la vie professionnelle, la chose est plsu compliquée : la corruption accompagne en fait la dérive des outils de mesure économique plus qu’elle ne l’explique, mais je reviendrai sur ce point un autre jour
amitiés et encore bravo
Bravo pour cette réflexion. Vous dites:
[]on incrimine telle ou telle idéologie, telle ou telle tendance politique, mais au final, n’est-ce pas un comportement humain qui est à la base de tout ?
Krishnamurti (De l’éducation) aurait pu répondre:
«C’est parce que nous sommes si desséchés nous-mêmes, si vides et sans amour que nous avons permis aux gouvernements de s’emparer de l’éducation de nos enfants et de la direction de nos vies.»
Merci pour ce texte qui me donne l’occasion d’évoquer ceci :
Samedi, je suis allé à une conférence à laquelle était projeté un film documentaire sur l’aventure humaine qu’avait constitué la construction de maisons de « castors » dans les années 50, dans les environs d’Angoulême/Grand-Pontouvre en Charente.
Après la seconde guerre mondiale, et pour faire face aux besoins urgents de logements, les « castors » ont proposé un système d’autoconstruction coopérative dans lequel des familles se rassemblaient (surtout les hommes) et unissaient leur force de travail après leur semaine de labeur, (le samedi, le dimanche et pendant les congés sur une durée de 5 à 8 ans) pour construire leurs maisons.
Selon les villes où ce système a pu se mettre en place, le fonctionnement a connu plus ou moins de succès, l’énergie, la solidarité et l’esprit de coopération ne résistant pas toujours à l’épreuve du temps.
Dans l’exemple qui a été présenté , j’ai été marqué par le fait que l’ensemble des personnes interviewées, et qui étaient le plus souvent d’origine sociale modeste (ouvriers, cheminots, etc..), étaient unanimes pour dire que si le chantier auquel ils avaient participé avait été mené jusqu’au bout, c’est que le chef du chantier, lui aussi castor, avait eu un comportement exemplaire.
Il avait pu ainsi conserver l’autorité et le respect de chacun.
En effet, celui-ci, ingénieur des travaux public de l’Etat, s’était attribué sa propre maison le dernier.
Il me semble que cet Exemple (avec un grand « E ») soit à méditer dans un monde qui a perdu tout sens de l’honneur.
Excellent exemple d’une alternative réaliste, qui a sans doute ses défauts.
Cela fait quelques temps que ce système de « castors » m’est revenu à l’esprit car il était pratiqué également dans ma région dans les années 60. A ce jour je pense qu’il se pratique encore mais sous une forme moins structurée entre individus en réseaux (copains, collègues). Les 35h00 encouragent ce type de fonctionnement, le chômage y contraint mais aussi tout simplement la rentabilité personnelle.
En comparant des parcours professionnels différents concrets, on peut se demander quelle est la meilleure trajectoire :
. consacrer toute son énergie à son job avec à l’arrivée un résultat moyen car vous contribuer un maximum à la collecte de l’impôt
. travailler en 3 tiers : 1/3 salarié pour assurer des besoins incontournables (couverture sociale, retraite minimum, salaire modeste), 1/3 pour travailler pour soi ou des amis, 1/3 loisirs. Ainsi pour l’habitat par exemple on peut acheter les fondations avec un emprunt minimum, outils & matériaux petit à petit et travailler pour soi et/ou ses amis et ainsi capitaliser pour son propre compte.
Seule une justice sociale & fiscale infaillibles dans une société solidaire est déterminante dans notre choix objectif.
En termes d’efficacité globale et d’intérêt général j’ai une préférence pour la première trajectoire, mais ?
Avez-vous vu ces films sur (ou avec) les Amish où on voit l’ensemble de la communauté construire une maison pour l’un d’eux en une ou deux journées? Et les femmes sont bien présentes, et aussi actives que les mecs, pas pour planter les clous mais pour nourrir, abreuver et câliner ces grands gamins qui en plus s’amusent come des fous…
Merci pour ce pertinent commentaire faisant suite à celui de Paul Jorion :
« Les décideurs aiment caractériser le critère d’appartenance à leur club en termes de compétence, mon expérience de dix-huit ans m’a cependant convaincu que ce critère était en réalité d’un autre ordre : la tolérance personnelle à la fraude. »
Cela me rappelle une anecdote : des membres de ma famille, embrigadés dans la secte de « Raël », ont du, pour gravir des échelons de responsabilité importants au sein de cette secte, passer ce qu’ils nomment dans leur jargon le « test de Satan » : dans une certaine mise en scène, des guides leur révèlent que leur « prophète Raël » est un imposteur. Choc assuré pour ces croyants enthousiastes et naïfs. Généralement, ils maintiennent leur indéfectible foi (le coût psychologique et affectif serait autrement trop douloureux) et les voilà bientôt rassurés : tout cela n’était qu’une blague, une épreuve pour tester leur foi… Les voilà désormais « blindés » face à l’adversité des détracteurs, et les plus tolérants aux combines grimperont logiquement le plus haut dans la hiérarchie…
Tchita parle de comportements sociopathes : dans une secte, les comportements pathologiques, notamment du gourou en chef, sont légion… On ne peut bien sûr pas comparer le fonctionnement du pouvoir dans une secte et en démocratie ou au sein d’une grande entreprise, ou encore au sein d’une famille, d’une « mafia » quelconque, mais d’intéressants parallèles et réflexions peuvent toujours jaillir de l’observation de tous leurs dysfonctionnements : soumission à un leader, à une idéologie, acceptation non-dite et refoulée de situations innaceptables par une certaine forme de pression ou violence psychologique, expulsion ou exclusion discrète (ou auto-expulsion) des membres trop indépendants d’esprit, trop critiques ou trop… honnêtes !
Il y a, dans le partage entre « copains » d’un gain financier extorqué un plaisir bien particulier, une exultation, comparable à ce que procure le gain à un jeu d’argent.
Les émissions de télé montrant les gesticulations hurlantes de ceux « qui ont gagné » banalisent ces comportements.
C’est très humain, tout simplement, et c’est pourquoi il ne sera pas facile de répandre « la capacité de résistance à la corruption ».
Il y faudrait des années d’éducation civique…Terme qui sonne aujourd’hui comme la dernière des ringardises.
@ tchita
les psychothérapeutes ont « obligation » d’être en « contrôle » (cad : remettre en question « leurs méthodes » de travail (pour le dire vite) avec un tiers « compétent »).
le modèle de « l’analyse institutionnelle » appliqué au monde de la finance et de la politique me semblerait un prototype intéressant de ce que pourrait être une organisation sociale qui régule « au préalable » l’investissement éventuellement « pathologique » d’ individus appartenant à un groupe auquel est confié de lourdes responsabilités collectives.
comme vous le remarquerez dans d’autres commentaires que j’ai pu « commettre » avant içi, il me semble impossible de ne plus intégrer les facteurs psychologiques (humains , si vous voulez) dans l’organisation des superstructures sociales , comme on l’a fait jusqu’à présent , hélas au détriment de « presque » tous.
A Marc Peltier et Claude Roche
Dès l’apparition de l’Etat (cf Pierre Clastre) il ya corruption puisque ce dernier est résultat d’un coup d’Etat fondant l’Etat lui même. C’est la raison pour laquelle notre démocratie est à revoir fondamentalement: il n’existe pas un intérêt général que l’on pourrait approcher par des élections…qui de fait font émerger une profession, celle du « marchand d’intérêt général ».
C’est la raison pour laquelle il faut au minimum mettre en avant les propositions de Marc Peltier: mandat unique dans l’espace et dans le temps. Maintenant il faudrait aussi réfléchir à la logique du tirage au sort qui permet des solutions et pose sans doute de nouveaux problèmes. Je suis de plus en plus intéressé par ces questions dans le cadre de ce que Paul Jorion appelle une constitution pour l’économie.
La république délègue une partie de sa Justice au Juré Populaire, tiré au sort. Pourquoi ne pas mettre se principe pour notre représentation politique (art de conduire les affaires du pays et de se projeter dans l’avenir) par tirage au
sort sous le regard bienveillant d’un comité des sages (magistrats).
Quelle belle façon de remettre du corps social à notre République.
le problème posé au niveau anthropologique, il faut encore essayer de le poser en termes politiques, voire juridiques.
Comme l’avait déjà très bien compris Aristote la démocratie a une fâcheuse tendance à se transformer en tyrannie, et, on observe aisément le sournois déplacement assis sur une propagande efficace (la dictature est un « régime où tous les pouvoirs sont réunis dans les mains d’une seule personne » (Larousse). Que cela corresponde à la réalité présente n’est plus à démontrer: gouvernement fantoche, parlement à la botte -et/ou on peut légiférer par décret ou même avant son vote-, pouvoir judiciaire apprivoisé -affaire de l’accident de scooter du successeur désigné Jean, suppression du juges d’instruction-, mainmise sur les médias grand public.)
Où est le problème? pourquoi les limites imaginées par les théoriciens de la démocratie classique ne marchent pas?
amha,1) c’est un problème de « représentation politique »: on élit des représentant que ne représentent qu’eux-mêmes, la souveraineté déléguée, est perdue; 2) un pb de manipulation de l’information, et encore plus de manipulation du système de valeurs qui sont sous-entendus par la pub ou par les exemples proposés à l’individu par les médias et l’éducation (qui vire au dressage de la maternelle au grands écoles).
Cette « crise de la représentation politique » est analysée par la science politique (hors grandes écoles) depuis au moins 30 ans, ayant bien vu que l’ élection de représentants ne garanti en rien la démocratie: le pouvoir délégué n’appartient malheureusement plus au peuple; le bipartisme (ou ce qui y tend) revient à bonnet blanc et blanc bonnet, le suffrage universel ne fait que mobiliser des masses d’indifférents qui votent essentiellement pour celui qu’ils voient plus souvent à la télé, ou celui (ou celle) qui passe mieux, qu’importe le contenu de son discours, l’image frappe plus que le logos (qui demande l’effort de raisonnement).
La seule solution qui me semble aujourd’hui envisageable est celle explorée par Hannah Arendt: la démocratie directe (« la crise de la culture » ou « essai sur la revolution »).
A son époque (elle est morte en 75) c’était pratiquement inexploitable, mais aujourd’hui avec internet, il est pratiquement possible d’envisager un système sans parlement, sans représentation, de votation directe des lois par le peuple: le parlement pourrait se transformer dans une assemblée consultative de techniciens préposés à la rédaction des lois, mais pas à la décision.
J’imagine que tout le monde ne pourrait pas s’occuper d’étudier toutes les lois, et que donc chacun ne s’occuperait que des lois qui le concernent et pour lesquelles il serait qualifié et son jugement pertinent. Un système de ce type serait donc fondé sur l’auto-sélection (chacun vote les lois qui l’intéressent selon son propre jugement), et moins sensible à la propagande, car chaque votant serait plus compétent dans son secteur.
C’est bien évidemment un système à ré-élaborer de fond en comble, mais je ne vois pas d’autre moyen de sauver la démocratie qui se délite en oligarchie et s’autodétruit devant nos yeux.
Au début dans la guerre des étoiles le sénateur Palpatine se présente comme un très habile sénateur humaniste pour la République, et envers la très jeune Reine de Naboo, mais c’est hélas après que les choses se gâtent et une fois mis au pouvoir, rassurons les petits Dark Sidious n’est qu’un personnage de pure fiction cinématographique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Palpatine
Je me demande de quelle manière s’y prendra le prochain, qu’il soit d’ailleurs plus ou moins capitaliste ou socialiste, que ne dirait-on pas aux gens de nos jours pour obtenir de nouveau le pouvoir d’agir comme bon nous semble sur autrui sur les habitants de la terre.
Viva Tchita !
François parle du système zapatiste, voici un prolongement.
Saratoga dit « L’un des plus efficaces d’entre eux est ce que j’appelle la culture de l’Ignorance Constitutionnalisée. Il s’agit de faire comprendre dès l’école que le système est tel qu’il est, et qu’il ne peut être fondamentalement changé dans ses institutions car celles-ci scellent la base nécessaire au développement de leur » savoir » et de leur bien être. » : d’accord.
Cela dit, votre article, Tchita, sent bon l’espoir car il élargit les perspectives : il nous pousse à ne plus regarder uniquement l’aspect économique de la crise actuelle. C’est une bonne chose.
« Ne devrions-nous pas travailler là dessus en préalable à tout projet de société ? » : SI.
« Comment éviter que les sociopathes soient les mieux adaptés aux postes de pouvoir? », « Comment immuniser nos systèmes politiques, économiques et sociaux à ce cancer redoutable ? » : le lien que j’ai mis sur Ghandi ouvre une voie à cette réflexion que j’aimerais voire se poursuivre.
A suivre donc.
En marge, humour quand tu nous tiens : ce matin, les infos de France Inter à 7h00, dans l’ordre : l’annonce sur Total, ses intentions de licencier en France et son chiffre d’affaire, suivie de la visite du président du Turkménistan à l’Elysée, avec entre autres commentaires le non(total…)-respect des droits de l’homme dans ce pays aux richesses (gaz il me semble) énormément convoitées 🙂 ! A tous les coups c’est Total qui va remporter le marché : « la France » ayant assuré qu’elle serait ferme sur cette question des droits de l’homme, l’expérience et les résultats (financiers et droits-de-l’hommistes 🙂 ) de Total en Birmanie la mettent en pôle position !!!
@Tchita
« Comment immuniser nos systèmes politiques, économiques et sociaux à ce cancer redoutable ? »
Un bout de la solution vient de l’utopie, soit un changement de paradigme pour chasser l’intérêt :
1/ Aucune économie productiviste basée sur l’exploitation d’une énergie non renouvelable ne peut préserver une classe de capitaliste si l’énergie exploitée et partagée par tous devient libre, abondante et gratuite.
2/ Aucune forme de monnaie qui légitime le cumul des intérêts destinée à une classe de capitaliste ne peut résister à l’adoption d’une énergie libre, gratuite et partagée par tous. Parce que l’énergie est un pré-requis indispensable à toutes productions de richesses et à son corollaire, la monnaie.
3/ Alors, aucun système économique basé sur l’exploitation du salaire d’autrui contribuant à produire quantité de marchandises et de services aux coûts sans cesse croissants (à cause du cumul des intérêts), ne pourra résister à la propagation de cette nouvelle énergie.
4/ Aucune forme de gouvernance ou de gouvernement ne peut prétendre s’institutionnaliser et perdurer s’il fait l’économie d’une recherche sur les lois de la nature : Il existe une énergie libre, abondante et gratuite qui régit les lois du cosmos. De part sa nature, cette énergie n’est plus appréciable par un coût libellé en euros ou dollars et devient incompatible avec la création d’un intérêt destiné à quelques uns au détriment de tous. Comment raréfier ce qui est abondant ? En restant capitaliste !
5/ Aucune forme de démocratie ne peut survivre sans l’énergie nécessaire à la création de biens matériels et de services pour rendre la vie des citoyens plus heureuse et supportable. La création de l’intérêt monétaire lors de l’exploitation d’une énergie abondante et renouvelable s’apparenterait à du vol. Les capitalistes ont besoin d’une énergie non renouvelable sinon ils auraient d’ores et déjà disparus.
Je fait une petite digression…
En VALEUR :
1) Production = salaires + profits
Explication : la production ne peut qu’être absorbée par les salaires et les profits, pour reprendre ces termes du partage de la VA. Une partie des salaires va à l’impôt, mais l’Etat reverse à l’économie intérieure, peut-on espérer.
Avant la crise, nous avions :
2) Production = salaires + profits + *emprunts*
L’emprunt étant nécessaire puisque sinon, il ne reste pour absorber la production que la masse salariale en gros, diminuée de l’épargne, le profit étant essentiellement thésaurisé ou allant vers la spéculation…
Quelle est la part du cout salarial actuellement dans la valeur produite ? 60 % en moyenne ?
Pourquoi ce calcul ? pour estimer la vitesse de la chute de l’économie.
J’estime donc, à la louche, très grossièrement, qu’au maximum 50% de ce qui est produit peut-être effectivement absorbé par le marché, en faisant abstraction des derniers plans d’aide publique à la consommation.
En dehors d’une aide publique massive, chaque année les entreprises pourraient en théorie se débarrasser de 50% de leurs salariés. Lorsqu’il n’y aura plus d’aide sous forme d’argent publique pris sur la dette des Etats, je ne vois pas comment contredire cette estimation.
Je rajouterais:
Production = salaires + profits + Cout environnemental