Billet invité.
Il y a encore trois ans, cette question aurait semblé absurde. Depuis la fin des années 80, on savait – ou on croyait savoir – que la stabilisation des prix n’était pas une bonne idée. David Newbery et Joseph Stiglitz l’avaient démontré dès 1981 dans un livre, qui reste aujourd’hui encore une référence majeure. Les faits semblaient confirmer la théorie puisque, au cours des années suivantes, les dispositifs de stabilisation des prix internationaux des matières premières étaient abandonnés.
Selon la doctrine alors en vigueur, la stabilisation des prix présenterait deux défauts majeurs. D’une part, elle empêcherait les prix de jouer leur rôle de signal informant producteurs, commerçants et consommateurs sur la rareté des biens, guidant ainsi leurs comportements de production et d’échange. D’autre part, en déconnectant l’évolution des prix de celle de la production, elle priverait les producteurs de la compensation du risque-récolte par le risque-prix (quand les récoltes sont mauvaises les prix sont élevés).
La solution au problème de l’instabilité des prix agricoles a donc été recherchée dans les instruments privés de couverture des risques (marchés à terme, options), dont certains prédisaient un développement sans précédent. S’agissant des produits alimentaires dans les pays en développement, le dispositif était complété par l’aide d’urgence, déclenchée en période de crise et ciblée vers les populations vulnérables.
Cette doctrine semblait tellement bien établie que le thème de la stabilisation des prix a été abandonné par la recherche pendant plus de 20 ans. Aujourd’hui, elle est pourtant remise en question.
En effet, le boom attendu des instruments de couverture des risques ne s’est pas produit, malgré les initiatives visant à en promouvoir l’utilisation par les producteurs et les commerçants.
En outre, les crises des années 2000 ont fait naître des doutes. La crise de 2005 au Sahel a révélé que l’aide d’urgence n’était pas parvenue à enrayer la dégradation de la situation nutritionnelle des ménages vulnérables. Celle de 2008 sur les marchés internationaux – et les émeutes urbaines qu’elle a engendrées dans une quarantaine de pays en développement – ont rappelé que l’instabilité des prix pouvait avoir de graves conséquences sur la sécurité alimentaire et la stabilité politique.
Enfin, il a été reconnu que l’instabilité des prix avait des effets sur la capacité des agricultures à se moderniser, une modernisation qui, selon la Banque Mondiale (Rapport sur le développement dans le monde de 2008), est une étape obligée du développement économique. En effet, la modernisation des exploitations agricoles et des marchés repose sur les investissements des producteurs et des commerçants. Or, ceux-ci, averses au risque, n’investissent que si les prix ne sont pas trop instables.
Les instruments de gestion des risques, qu’ils soient privés (marchés à terme) ou publics (aide alimentaire), se sont ainsi révélés insuffisants pour protéger les consommateurs et les producteurs de l’instabilité des prix. Avec pour conséquences des problèmes d’accès à la nourriture et des révolutions vertes en panne.
Faut-il briser le tabou et stabiliser les prix ? A y regarder de près, les arguments avancés contre la stabilisation des prix sont discutables. En effet, dans les situations d’instabilité « endogène » – c’est-à-dire lorsque l’instabilité des prix est engendrée par les mouvements de spéculation et de panique (comme cela a été en partie le cas lors de la crise de 2008), les prix induisent les agents économiques en erreur. Alors, la stabilisation permettrait aux prix de mieux refléter la rareté ou l’abondance des biens. Dans les situations où l’instabilité est « importée » des marchés internationaux (comme cela a aussi été le cas en 2008), le prix au sein des pays en développement dépend du prix international et du taux de change, et non des récoltes du pays. Il n’y a alors pas de compensation entre le risque-prix et le risque-récolte. Par ailleurs, lorsque les prix sont liés aux récoltes, ceci joue contre les producteurs déficitaires : c’est lorsque la récolte est mauvaise (et que les prix sont élevés) que ces producteurs doivent acheter davantage pour nourrir leur famille. Or, dans certains pays, une forte proportion des producteurs sont déficitaires (environ 60 % au Kenya, en Éthiopie et dans les pays du Sahel).
C’est pourquoi nous recommandons une stabilisation des prix alimentaires protégeant à la fois les producteurs – facilitant ainsi les révolutions vertes- et les consommateurs. Ce qui n’implique pas l’abandon des instruments de gestion des risques.
Certains experts ont proposé de stabiliser les prix des produits alimentaires sur les marchés internationaux. Ceci ne suffirait pas à stabiliser les prix alimentaires au sein des pays en développement. En effet, ces prix dépendent aussi du coût du fret et des taux de change qui, pour certains pays, sont instables. En outre, certains produits locaux – cruciaux pour la sécurité alimentaire des populations et dont le prix est souvent instable (mil, manioc) – n’entretiennent aucune relation avec les marchés internationaux. Il semble donc préférable de stabiliser les prix à l’échelle nationale ou régionale.
Comment faire ? Il n’existe pas d’instrument miracle, la solution devra être recherchée dans une combinaison d’instruments imparfaits. Il n’existe pas non plus de solution universelle, les instruments pertinents dépendent du contexte, notamment des causes de l’instabilité des prix. Enfin, une action de l’Etat semble nécessaire dans tous les cas, y compris pour favoriser l’émergence des instruments basés sur le marché.
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Pour en savoir plus :
Franck Galtier, La nécessaire intervention publique pour stabiliser les prix
Franck Galtier, Comment gérer la stabilité des prix alimentaires dans les pays en développement
25 réponses à “Faut-il aider les pays en développement à stabiliser les prix des produits alimentaires ? par Franck Galtier”
La spéculation sur les matières agricoles par ceux qui n’ont rien à y faire est probablement plus létale que le traffic d’armes. Les premières réponses sont dans la nouvelle constitution pour l’économie (ECCE).
Je ne comprend pas de quoi on parle. Pourquoi ce qui est naturellement variable devrait-il être stabilisé ? Pourquoi prendre comme exemples des pays qui ont vocation de victimes, tant que la Chine ne les a pas mis à niveau ?
Toujours ce vieux phantasme OGM-iste selon lequel il y aurait pénurie alimentaire ? Que je sache, les seuls pays qui peuvent être victimes de famines sont ceux qui ont subit les ravages du colonialisme, ou pire (comme l’Egypte), de l’américanisme.
Le seul problème qui puisse exister en matière agricole est la régulation de la surproduction, qui est nécessaire (mais insuffisante…) pour permettre aux producteurs d’être correctement rémunérés. On vient d’en avoir une illustration explosive, dans l’union européenne, avec le refus des cotas laitiers, et avec l’insulte faite aux producteurs, en leur « déversant » 😉 une subvention de plus (!!!), dans le seul but de briser un mouvement de protestation.
Toujours à propos de Chine et de son influence croissante en Afrique, le développement de l’agriculture ne bénéficie pas seulement à la Chine, mais également aux pays d’origines, non seulement en production agricole brute, mais également en qualification de main d’oeuvre, en infrastructures, et en hausses salariales. Toutes choses qui auraient été totalement impensable sous le joug occidental.
Plutôt que de regarder à l’ouest un monde de fous qui s’effondre, en vous demandant « quoi faire pour le sauver ? », vous feriez mieux de regarder de l’autre côté, les gens raisonnables qui agissent. Pendant que les Etats Unis continuent leurs guerres à l’ensemble de la planète, le monde a basculé:
http://www.michelcollon.info/index.php?view=article&catid=6&id=2510&option=com_content&Itemid=11
La seule bonne nouvelle, pour l’ensemble du monde, est qu’il est probablement trop tard, pour que les Etats Unis, puissent faire la guerre à la Chine, ou même, à l’Iran, même si le geste d’un malade mental est toujours imprévisible.
(Obama remporte une grande victoire « démocratique »: Il exile Zélaya en Dominique).
A propos de la stabilisation des prix alimentaires …
La dite stabilisation deviendra d’elle même une réalité lorsque nous cesserons d’utiliser l’indépendance alimentaire des pays, comme un moyen de pression pour obtenir des contrats juteux pour les matières premières qu’il possèdent.
N’oublions pas que la première chose que fait un colonisateur, est de nourrir les colonisés afin de créer une dépendance à de nouveaux aliments et en leur faisant perdre leur savoir faire en terme agricole.
Paul, votre remarque me pose deux problèmes.
1) Je suppose que vous voulez dire « utiliser la *dépendance* alimentaire des pays », et non « l’indépendance » (?).
2) « la première chose ». Je ne sais quel exemple vous avez en tête, mais l’action colonisatrice (sans parler des intentions humanistes des origines, vite oubliées), a toujours été basée sur le trio diabolique: Le militaire, le médecin, et le curé, toujours actifs de nos jours. Le premier pour détruire le guerrier, le second et le troisième pour détruire le shaman. Débarrassée de ces deux piliers (éthique et spirituel), la prédation pouvait agir d’autant plus librement qu’il s’agissait d’une éthique et une spiritualité extrêmement faible.
Ce n’est que bien plus tard, que la sur-production agro-industrielle occidentale s’est déversée sur les soumis pour détruire leurs économies de subsistances locales. Ensuite, sur les ravages occidentaux, arrivent les chinois. En dépit de ce que tente de nous faire croire notre système de propagande, l’arrivée des chinois n’est pas une colonisation telle qu’on l’entend. Elle présente un aspect tout à fait nouveau et incompréhensible pour un occidental: L’honnêteté. Quand la chine s’intéresse à un pays, c’est, bien sûr, en premier lieu, pour ses intérêts propres, et elle ne le masque pas avec des organisations criminelles, genre ONG droits-de-l’hommiste. Elle le fait avec *négociation*. « Nous voulons ceci ou cela. Que voulez-vous en échange ? ». Il s’avère que les exemples dont j’ai eu connaissance, ne montrent pas que beaucoup de responsables aient répondus: « Nous voulons être corrompus ». La Chine n’essaye pas d’influer sur les gouvernements. Elle « travaille » avec ce qu’elle trouve. Et cela, c’est réellement inédit.
@ Betov
Pour la dépendance alimentaire, je pensais à l’afrique et aussi à l’inde, et de manière générale :
– à la stratégie de déstabilisation de toute capacité auto-suffisance, le but étant bien sur d’installer à la place un « commerce en dollar » dont à terme les prix et les contrats se négocient hors du pays producteur et ceci pour récupérer la plus-value par l’astuce que la matière première devienne le dollar et que le produit vendu soit un produit dérivé (la matière première devenant un quelconque sous-jascent)
En ce qui concerne votre remarque:
« il est probablement trop tard, pour que les Etats Unis, puissent faire la guerre à la Chine, ou même, à l’Iran »
d’abord ce que vous espérez est loin d’être sûr, et puis s’ils ne sont pas idiots, ils feront comme d’habitude en sorte que quelqu’un d’autre la fasse à leur place, mais j’espère que j’ai tort.
De toute façon, en Afrique, c’est les russes qui iront, mais pas pour la guerre, pour l’exploitation minière lorsque les états africains reprendront possession de leur sous-sol grâce au fait que le commerce avec la chine leur remettra hors du système de corruption actuel des dirigeants avec l’occident, et lorsque les pays producteurs de pétrole arabes se rallieront au nouveau consortium mondial des matières premières créé par le bric, pour sortir du dollar.
Qu’on leur donne de la brioche.
Betov dit :
29 janvier 2010 à 16:36
(Obama remporte une grande victoire « démocratique »: Il exile Zélaya en Dominique).
On voit ici qu’en déplaçant un projecteur, perçant pour cette fois le rideau de fumée quasi général, apparaît dans toute sa sinistre réalité la DUPLICITÉ de la direction américaine, donc d’Obama, quant à Madame Hilary Clinton, c’est la routine, vu pour qui elle « travaille ».
Cette « petite » actualité concernant le Honduras est un échantillon de la « grande » concernant les « attitudes » et les coups bas des services spéciaux américains qui, selon les circonstances, n’ont pas perdu leurs capacités de nuisance. Après Haiti, presque gobée, après sa quasi destruction physique due au séisme, voici le Honduras, pour des raisons politiques et stratégiques redevenu pion de la CIA (disons ainsi pour faure court mais vrai). Il y a la crise majeure dans le monde, certes, mais sachons bien lire quand-même ce « détournement » du Honduras, ce qui signifie tout de même que, quoiqu’il arrive, les forces mondialistes délétères « veillent au grain »…
(….)
Certes, Barack Obama avait immédiatement condamné le coup d’Etat. Mais, au même moment, sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, avait proposé en coulisse une médiation favorable aux putschistes, à savoir la création d’un gouvernement d’union nationale, qui aurait garanti le retour de M. Zelaya à la présidence, mais à la condition qu’il n’exerçât plus réellement le pouvoir… En outre, peut avant le putsch, l’ambassadeur des Etats-Unis au Honduras avait été remplacé par Hugo Llorens, déjà en charge des affaires andines en 2002, c’est-à-dire à l’époque du coup d’État contre H. Chavez… Des signes qui ne trompent pas.
Ainsi, le temps est passé. Et le mandat du président Zelaya a pris fin, ce 27 janvier.
Renverser une démocratie et ruiner les espoirs de tout un peuple. Cela, yes, he can
« In the councils of government, we must guard against the acquisition of unwarranted influence, whether sought or unsought, by the military-industrial complex. The potential for the disastrous rise of misplaced power exists and will persist. We must never let the weight of this combination endanger our liberties or democratic processes. We should take nothing for granted. »
http://en.wikisource.org/wiki/Military-Industrial_Complex_Speech
Presque 50 ans. Pas une ride qu’Oil of Olaz pourrait effacer … Hormis le terme’ industrial’ que l’on pourrait remplacer par ‘financial’.
Et la solution :
« Only an alert and knowledgeable citizenry can compel the proper meshing of the huge industrial and military machinery of defense with our peaceful methods and goals, so that security and liberty may prosper together. »
D’accord avec Betov.
Le vrai problème est que les occidentaux ont détruit l’agriculture vivrière au profit d’une monoculture à leur avantage, soumise aux aléas des spéculations mondiales (café, cacao, banane, soja, huile de palme, etc.)
Merci Betov pour le lien de l’article publié sur le site de Michel Collon.
Bonjour M. Galtier,
Vous écrivez « Enfin, il a été reconnu que l’instabilité des prix avait des effets sur la capacité des agricultures à se moderniser, une modernisation qui, selon la Banque Mondiale, est une étape obligée du développement économique. En effet, la modernisation des exploitations agricoles et des marchés repose sur les investissements des producteurs et des commerçants. Or, ceux-ci, averses au risque, n’investissent que si les prix ne sont pas trop instables. »
Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par ce mot « moderniser » ?
Bonjour Flo,
La modernisation renvoie à l’augmentation de la productivité, c’est à dire produire plus avec moins de ressources (terre, eau…). C’est là une condition pour rendre les pays africains moins dépendant des importations mais aussi (à l’échelle des familles) permettre à moins de producteurs d’être déficitaires. On estime qu’au Sahel, en Ethiopie oiu au Kenya, environ 60% des producteurs ne produisent pas assez pour satisfaire les besoins de leur famille. C’est aussi une condition pour augmenter les revenus dans les campagnes et pour faire baisser les prix des aliments dans les villes, ce qui est nécessaire au développement économique (lorsque les ménages dépensent la moitié de leur revenu aux dépenses alimentaires, ceci limite considérablement la possibilité de développement des autres secteurs de l’économie).
« Depuis la fin des années xxxx, on savait – ou on croyait savoir – que xxxx n’était pas une bonne idée. Mr A et Mr B l’avaient démontré dès xxxx dans un livre, qui reste aujourd’hui encore une référence majeure. Les faits semblaient confirmer la théorie …
Effectivement aujourd’hui comme hier on peut démontrer tout ou son contraire pour justifier une posture ou une politique. Ces démonstrations sont bien sûr la plus part du temps sans fondements et invérifiables.
Alors à quoi servent elles ? Elles servent généralement à mettre en évidence des « problèmes » et à promouvoir les « solutions » qui vont être mises en place, et à expliquer ensuite pourquoi malheureusement ces solutions n’ont pas résolues le problème posé.
Généralement l’application de la dite solution génère suffisamment de nouveaux problèmes théoriques ou réels préparant la phase suivante.
L’important est de montrer que votre proposition sera la « solution » du problème. ( du moins au début…)
Ma solution ?
ajouter la mention en bas de ces publications
» ceci est une publicité financée par X au profit Y dans le but de promouvoir les intérêts de Z »
lobbying , lobbying …
On peut effectivement voir des intérêts cachés derrière toutes les idées. Pour ma part, il me semble que le mécanisme joue aussi dans l’autre sens: les idées affectent la perception des intérêts des uns et des autres. L’idée qu’il ne fallait pas stabiliser les prix me semble plutôt avoir était portée par l’idéologie libérale qui est devenue dominante dans les années 80 plutôt que par des intérêts privés. Même pour les spéculateurs, les matières premières agricoles comptent peanuts par rapports aux produits financiers ou aux minerais… A qui profiterait la stabilisation des prix? Aux producteurs et aux consommateurs des pays en développement sans doute mais ceux-ci ne sont pas organisés en lobbies pour défendre leurs intérêts sur la scéne internationale…
ï¼ Franck Galtier,
Je crois comme d’autres ici, que vous ne vous attaquez pas au bon problème.
Le commerce international des denrées agricoles est une hypocrisie, doublée d’une escroquerie.
L’agriculture est ce qui vient en premier quand il est question de bouffer tous les jours. C’est donc le premier des enjeux stratégiques pour chaque pays. Un pays qui dépend d’un autre ou des autres pour sa subsistance alimentaire, n’a plus la moindre indépendance. Mais me direz-vous, qu’est-ce que la nation de nos jours ?
Bien sûr qu’il est plus facile de produire sous les tropiques humides ( pour cause d’eau et de soleil ), que dans la plaine de la Beauce ( par exemple, et pour rester fier comme un français un peu neuneu ), ne le saviez-vous pas ?
Il se trouve, que comme pour le pétrole, il y a des réserves d’humus ou limons, qui ont été accumulées sur une certaine épaisseur dans des territoires sous climat tempéré, et ce qu’on appelle les greniers à blé, sont des endroits où on tirent abusivement sur ces réserves.
Or, à la futur grande surprise de ceux qui tiennent les marchés internationaux de ces denrées, il y a des limites dans l’exploitation de ces zones, et que quand celles-ci seront atteintes, ça va balancer un grand coup de pied à bien des certitudes.
Le marché international des produits alimentaires, de plus ( ne nous y trompons pas ) régi par la finance à aspiration de finance comme les autres, est avant tout un immense danger.
Autonomie alimentaire des nations d’abord. Echange de produits alimentaires ensuite, et accessoirement.
Si le produit agricole n’est qu’un produit, on cherchera toujours à pénétrer le marché des autres … sans parler de ce que ça apporte à grailler. Non pas que ce soit systématiquement dangereux d’un point de vu sanitaire ( quoique ), mais je doute qu’un Mozambicain se tapant une fois tous les deux jours, et c’est tout, du maïs Monsanto, Pioneer ou Syngenta, arrivé par l’aide humanitaire, dût avoir les mots « un bon gueuleton » à son vocabulaire.
La logique et l’idéal de l’organisation du commerce mondial, c’est bien de faire manger le plus de monde possible de cette manière. Allez, pour être bon, pas une fois tous les deux jours … deux fois par jour, même si c’est en bouillie, en purée, ou en cube, manière de varier !
Le problème de l’instabilité des prix alimentaires (et notamment des céréales) est avant tout un problème local. Qule prix reçoit un producteur africain lorsqu’il vend quelques sacs de mil ou de maïs? Quel prix payent une ménagère des villes africaines losqu’elle achète quelques mesures de riz ou de maïs? Les marchés internationaux peuvent effectivement avoir des effets au sein des pays en développement mais le vrai problème se pose au niveau local des producteurs et des consommateurs des pays en développement. Est-ce que l’instabilité des prix reçu et payés par les producteurs et les consommateurs africains est un vrai problème ou pas? Pour beaucoup de famille rurales, la vente de céréales est la principale source de revenu. Pour beaucoup de familles urbaines, c’est une dépense qui représente 20 à 40% de leur revenu…
Le problème de la stabilité de tous prix dépasse le niveau agricole. Le problème de stabilité de pouvoir d’achat, déjà en ce qui concerne le »vital », est majeur, tout simplement. Et partout.
Vous parlez de l’Afrique ? On y retrouve aussi l’exode rural, l’abandon des cultures vivrières. Le tentatives d’adoption d’une agriculture comme elle se pratique sous climat tempéré, bref, tout ce qui faut pour continuer à poser des difficultés aux populations locales.
Ceci se transforme en, des conséquences locales, pour une cause extérieure.
Imposer par des lois, une stabilité des prix n’est pas le moyen le plus efficace de régler quoi que ce soit.
Régler le problème, c’est par la décolonisation, et l’autonomie réelle, et ça, ce n’est pas sur le court terme bien sûr, et j’attends ceux qui viendraient me raconter que la décolonisation a déjà eu lieu.
Les africains seraient-ils capables de régler ces problèmes en famille ou faut-il les aider à penser ou à agir ? Le trouble majeur est bien que tout est fait pour aller dans cet autre sens.
On n’a d’ailleurs toujours pas réussi à régler ceci où que ce soit, donc impossible de donner des leçons.
Stabilité des sociétés ? Tout commence par la forme que va prendre l’éducation. Alors que se passe t-il à l’école, à commencer par nos écoles, sans mentionner les HEC dont tous les anciens élèves que je rencontre me font attraper des fou-rires lorsqu’ils m’expliquent le monde et l’économie, fût-elle estampillée : « équilibrée ».
« La Chine sera la clé du marché mondial des matières premières en 2010 »
(Très inquiétant pour les amateurs de thé : son prix a augmenté de 33 % en 2009 et augmentera de 41 % en 2010 !! – même si dans certaines boutiques chinoises du quartier parisien de Belleville le prix du Lung Ching -un très bon thé vert chinois- n’est passé que de 5€20 à 5€50 les 200 gr en 2009)
« Autonomie alimentaire des nations d’abord. Echange de produits alimentaires ensuite, et accessoirement. »
Je dirais même plus, autonomie individuelle ou collective à petite échelle, échange de moyens de production en technicité ou en idées.
Un lien très interressant
http://ploutopia.over-blog.com/article-ode-a-l-agriculture-locale-vivriere-et-biologique-43427456.html
Excellent texte. Et, naturellement, l’instabilité crée s’applique à tous les « prix » de quoique soit sur terre…
Mais… réfléchissons. Si stabilité il y avait, un financier ne pourrait utiliser l’économie réelle… Il faut ainsi détruire pour … reconstruire en ayant BESOIN de ses « services ».
La prise en otage durera-t’elle encore longtemps…???
La tiers-mondialisation avance néanmoins très très bien :
Le projet de budget de l’Etat de New York se traduirait par le licenciement de 19000 fonctionnaires dont 8500 professeurs, 3150 policiers, 1050 pompiers – Mardi, la ville a décidé de fermer 20 écoles, 500 soupes populaires et 15 maisons de retraites (Epoch Times)
Ainsi, après avoir détruit la classe moyenne, les US ne peuvent même plus assister et faire l’aumône aux pauvres…
Mais bon… en dessous de 100 millions, que vaut -on ? franchement ?
François Galtier aborde la question agricole/alimentaire en « économiste ».
La conséquence directe en est une dépolitisation de la question ainsi qu’une déhistoricisation qui ouvrent à toutes les confusions théoriques.
Il me semble que sur ce blog, ce genre de production n’a plus lieu d’être : combien de fois a-t-il été rappelé par Paul Jorion que rien ne pouvait être fait si l’on ne partait pas d’analyses « d’économie politique » ?
On peut voir les choses à plusieurs niveaux.
L’un d’eux porte précisément sur la portée « politique » de ce que disent les économistes. Pendant 25 ans, l’idée de stabiliser les prix a été tabou et les recherches sur ce thème abandonnées. Très concrêtement, depuis la fin des années 80 les bailleurs de fonds refusent de financer des stocks de stabilisation dans les pays en développement tandis que d’autres mesures stabilisatrices (comme les taxes variables sur les importations) sont interdites à l’OMC. Les débats entre économistes ne sont donc pas purement techniques…
Pour le reste, un des messages principaux du texte est précisément qu’il n’existe pas de solution universelle, que la performance des différentes politiques dépend du contexte (y compris des rapport de force au sein des pays).
Qui a vu « We feed the world » ?
Je suis d’accord avec l’idée qu’il ne faut pas jouer avec l’alimentation. C’est ce que mon éducation a tenté de m’inculquer. Si une politique conduit à affamer des populations et à les déposséder des moyens de se débrouiller, c’est qu’elle est à revoir.
Stabiliser les prix, mais comme disait Paul Jorion à propos du protectionnisme : ce n’est pas une solution en amont !
🙂