Le rôle de la Federal Reserve Bank of New York dans le sauvetage d’AIG

J’ai l’intention de commenter les dépositions hier à la commission Oversight and Government Reform du Congrès américain. Je lis en ce moment l’ensemble des documents et je visionne la vidéo de la séance.

Mise à jour (I) : Il me faudra encore plusieurs heures pour avoir lu, vu et écouté ce qui fut écrit et dit hier. Une chose est déjà claire cependant, c’est la réponse que l’on peut donner à celui d’entre vous que me demandait : « Pourquoi parle-t-on tant des Etats-Unis ? » : par-delà le fait évident que la crise est née là et qu’il existe là encore le carburant qui pourra continuer à l’alimenter (sous la forme d’une crise qui persiste dans l’immobilier résidentiel, une autre crise qui est en train de se dessiner dans l’immobilier commercial, et la crise de la dette publique américaine), il y a le fait que l’information est disponible – même si c’est avec retard : lorsque le même degré de transparence sera atteint en Europe, il sera possible pour ceux qui comme nous analysons les faits, de parler davantage de notre propre continent.

Mise à jour (II) : On demande à tous ces braves gens : « Est-ce que vous avez délibérément favorisé Goldman Sachs ? » Et ils répondent : « Non », et je crois qu’ils sont de bonne foi, parce que la question qu’il faudrait leur poser, c’est : « Avez-vous inconsciemment favorisé Goldman Sachs ? », et là, la réponse serait évidemment : « Oui ».

Mais on ne peut pas bien entendu poser cette question : « Avez-vous inconsciemment favorisé Goldman Sachs ? » parce que personne n’a accès à ses motivations inconscientes, sauf à les avoir découvertes comme analysand dans le processus de l’analyse. Et c’est cela qui est si révélateur dans ce processus de reconstitution à l’identique du système failli de la finance par les financiers : il n’est même pas nécessaire qu’il y ait là une intention délibérée, les automatismes suffisent bien. Durkheim parlait dans ces cas-là de « social intériorisé » : quand un processus relève du « social intériorisé », il n’est même plus nécessaire qu’il soit soumis à réglementation, il vient naturellement : on dit qu’il « va sans dire ».

Le seul moment d’hésitation que j’ai noté jusqu’ici (je n’ai encore visionné que les deux premières personnes interrogées : Geithner et Paulson, le Secrétaire au Trésor actuel et son prédécesseur), c’est quand un parlementaire demande à Paulson : « Est-ce que quelqu’un a seulement pensé qu’on aurait pu offrir à Goldman Sachs moins que le pair (100 % de la somme due) ? » C’est la première fois qu’un des témoins est pris à contrepied. Il est interloqué et son hésitation ne peut signifier qu’une seule chose : la réalisation par lui que, effectivement, personne n’y a même pensé.

Mise à jour (III) Il y a encore deux témoignages écrits que je voudrais lire. Je vous reviens ensuite.

Mise à jour (IV) Je poursuis l’enquête. Ça se corse mais voici un indice que l’on trouve dans le premier paragraphe d’
Un assureur bien tranquille, le billet que j’écrivais le 16 mars de l’année dernière :

Les chiffres publiés par AIG et le nom des contreparties bénéficiaires des fonds qui lui furent versés par les autorités américaines pour le tirer d’affaire sont intéressants à plus d’un titre. Ils nous montrent que les Credit–Default Swaps (CDS) ne constituaient peut–être pas sa seule exposition majeure et que l’emprunt d’instruments de dette constitue avec 43,7 milliards de dollars perdus un poste presque aussi important que les 49,5 milliards perdus sur les CDS.

Mise à jour (V) Une autre centaine de pages plus tard, et ma conclusion consiste à confirmer la thèse que j’émets dans ma Mise à jour (II) : « tous ces braves gens ont favorisé Goldman Sachs inconsciemment, parce que c’était le réflexe qui leur venait naturellement ». À ajouter comme détails supplémentaires (trouvés dans How Paulson’s People Colluded With Goldman to Destroy AIG And Get A Backdoor Bailout par David Fiderer) : qu’une autre issue que celle qui fut choisie aurait pu faire douter de la pertinence de certaines décisions prises par Paulson à l’époque où il dirigeait Goldman Sachs (le poste qu’il occupait avant de devenir Secrétaire au Trésor), que Dan Jester qui ne défendit que mollement – au nom de Paulson – l’approche alternative consistant à obtenir des détenteurs de CDS une réduction des sommes dues, était un ancien de Goldman Sachs, et que la personne qui sembla à tout le monde la plus apte à remplacer de manière impromptue le P-DG d’AIG était lui aussi un ancien de Goldman Sachs.

Comme je l’ai dit hier dans Le temps qu’il fait : gouvernement, régulateur, Goldman Sachs, tout cela ne constitue aux États-Unis qu’un grand club. Stephen Friedman (l’homme qui achetait des actions de Goldman Sachs alors qu’en tant que régulateur il prenait des décisions favorisant cette firme), le dit bien mieux que moi dans sa déposition devant le Congrès (je cite de mémoire) : « Quand on a réussi sa carrière dans la banque, il vient un moment où il semble normal de faire quelque chose pour son pays. C’est une chose que tout le monde comprenait dans le temps ».

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53 réponses à “Le rôle de la Federal Reserve Bank of New York dans le sauvetage d’AIG”

  1. Avatar de Pierre Charland
    Pierre Charland

    Ouf, la reprise……Je suis présentement en Floride, je vous assure que la reprise n’est pas encore au rendez-vous. Les centre-d’achats sont pas mal moins remplis que les dernières années et pour ce qui est de l’immobilier, eh bien, dans mon entourage, Boynton Beach, Delray, il y a des complexes immobiliers complètement vides. Ce sont de nouvelles constructions de trois à quatre cents unités. Tu passe le soir, tu ne vois que les éclairages des passages ouverts. Ce n’est pas bon signe. Ce n’est pas demain la veille que ces immeubles vont être remplis…..

    1. Avatar de yvan
      yvan

      Merci de confirmer le fait que les US ne peuvent plus acceuillir plus de 500 blessés d’Haïti pour raison financière.
      C’est beau, tout de même, un empire agonisant.

      Dire maintenant comment réagira une bête blessée dans son orgueil et ses « valeurs » les plus profondes…???
      Les Chinois font bien de s’armer.

  2. Avatar de Verywell
    Verywell

    Paulson Says U.S. Was ‘Close’ to Financial Collapse

    Bel exercice de sentimentalisme, d’auto-satisfaction et de léchage.

  3. Avatar de charles
    charles

    Suite AIG:  » AIG Bail-out flat out illlega »l ? http://market-ticker.denninger.net/archives/1931-EXPLOSIVE-AIG-Bailout-Flat-Out-Illegal.html
    : « Geithner and Bernanke: Laundering Money Through an Illegal Trust? »: ‘This afternoon on Secure Freedom Radio we announced a breaking news story concerning the Administration’s ongoing cover-up of AIG financial wrong-doing. In an interview with David Yerushalmi, senior litigator on the Murray v. Geithner et al lawsuit, we expose possible fraud, money-laundering and criminal activity… »

    http://biggovernment.com/fgaffney/2010/02/02/geithner-and-bernanke-laundering-money-through-an-illegal-trust/

  4. Avatar de charles
    charles

    « The Times Story On Goldman’s Role in AIG’s Downfall Is More Damning When Placed In Context » by David Fiderer 08.02

    http://www.huffingtonpost.com/david-fiderer/the-times-story-on-goldma_b_454135.html

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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