Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Certains d’entre vous ont immédiatement compris ce que j’essayais de faire dans le billet précédent Où se situent les salariés, d’autres pas du tout. Je précise à l’intention de ces derniers : 1) qu’il n’y a aucun rapport entre cette discussion et une interdiction des paris sur les fluctuations de prix ; 2) qu’elle s’insère plutôt dans une réflexion sur revenus et travail, et dans le cadre encore plus général déjà esquissé dans Ce qu’il advient de l’argent qu’on gagne, à savoir « Comment faire coïncider production et consommation dans un monde où le travail est devenu une denrée rare ? »
Je découvre à cette occasion qu’il y a plusieurs avantages à comparer les arguments que je développe petit à petit avec ceux de Marx : 1) je me situe comme lui dans une perspective de « critique de l’économie politique », plutôt que de « science » économique, 2) ce qu’il a dit sur ces sujets est très familier à certains d’entre vous. Du coup, toute la discussion vient se loger dans un cadre qui me semble extrêmement fécond : critiquer la pensée de Marx, non pas en l’ignorant avec un sourire gêné, comme l’a fait depuis cent cinquante ans, la « science » économique, mais en la prenant au sérieux et en découvrant éventuellement de quelle manière elle est encore prisonnière de cette perspective bourgeoise qu’elle visait pourtant à dénoncer. Comme je l’ai dit hier dans un commentaire :
… en considérant les salaires comme « frais de production », Marx reprend à son compte la représentation « bourgeoise » du processus de production.
J’avais déjà eu l’occasion il y a quelques années de lui faire un reproche similaire à propos de la formation des prix : s’il ne comprend pas l’explication d’Aristote, c’est parce qu’il préfère une représentation « bourgeoise » en termes pseudo-physiques, à celle très politique d’Aristote, en termes de rapport de force entre acheteur et vendeur : en termes de « statut réciproque ».
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
83 réponses à “Pourquoi dialoguer avec Marx ?”
@ Paul
« critiquer la pensée de Marx, non pas en l’ignorant avec un sourire gêné, comme l’a fait depuis cent cinquante ans, la « science » économique »
J’ai fréquenté une fac de « sciences-éco » à Grenoble dirigée par le Pr De Bernis, fervent défenseur du marxisme et dénonciateur des ravages du colonialisme. Inoubliable.
N’est-il pas prérérable de taxer fortement la spéculation plutôt que l’interdire? Si on la taxe, à supposer que ce soit possible, l’argent ira à l’Etat, qui pourra ainsi le redistribuer d’une manière ou d’une autre afin d’augmenter le pouvoir d’achat, notamment celui des classes les moins favorisées. A l’inverse, si la spéculation est interdite, l’argent en « déshérence », ira sans doute s’investir dans la production de biens (et sans doute aussi dans la consommation somptuaire) et par conséquent nous n’obtiendrons pas l’objectif recherché, c.a.d. rétablir l’équilibre entre production et consommation.
Tant pour la taxer comme pour l’interdire… il faut que les sommes impliquées ne trouvent pas refuge hors de notre portée. Soit… un gouvernement mondial susceptible d’aller la ou il le faut avec des garanties, … soit des zones limitées sous contrôle « autarciques » en ce qui concerne les capitaux (et autres), isolés par un protectionnisme ciblé… entourés de zone franche.
Autrement, je ne sais pas si l’on peut dire que l’objectif recherché est « rétablir l’équilibre entre production et consommation ». Cela peut être une priorité pour certains, ou une conséquence collatérale dans l’achèvement d’un but plus vaste.
Je serais d’accord avec ceci si la distribution des richesses étaient relativement équitable.
A partir du moment où la distribution des richesses est très inégale, « taxer » revient à « autoriser pour les riches ». OK, il y a peut-être un effet d’e second ordre qui rééquilibre par la taxe cette distribution inégale. Mais à moins que la taxe ne soit *très*, ce n’est que du second ordre. Et si la taxe est suffisamment élevée, autant interdire. C’est plus simple.
Merci encore pour ce blog passionnant.
J’ai une ressource intéressante à vous faire partager: un podcast de NPR la radio publique américaine
avec une discussion d’économistes autour des prévisions 2010 pour l’économie des US (en anglais bien sur)
http://wamu.org/programs/dr/10/01/06.php#29279
Je trouve que cette émission met bien en perspective les différents points de vues et le poids de l’idéologie et des lobby
Pour Marx, en régime capitaliste, la domination du capitaliste sur le prolétaire est écrasante si bien que la part salariale tend vers le minimum qui correspond à la capacité de reproduction du travail fourni par le salarié. Il n’envisage donc pas ce rapport de force comme une variable, comme vous le faites.
Peut-être ceux qui n’ont pas « immédiatement compris ce que vous avez essayé de faire dans le billet précédent » (…), ont-ils immédiatement compris que tout ensemble et ou sous-ensemble d’un tableau social peut être divisé en deux, à l’infini, rendant la perception du tout de plus en plus compliquée, sans rien apporter au tableau.
Je vais encore choquer, mais je suis tout à fait d’accord avec vous: Marx est un critique bourgeois. 🙂
J’ai compris ça quand j’avais 16 ans, et la démonstration définitive en est simplissime: Un homme qui écrit un mètre vingt en linéaire de papier bible, est un homme qui n’a rien à dire.
Simplesanstete, je n’aime pas le style « Jean-Pierre Voyer ». Je manque sans doute quelque chose, puisque tu prends la peine de le signaler. Mais je ne supporte pas les styles ampoulés, l’absence de d’organisation visible, le fait qu’on ne sache jamais si c’est lui qui parle ou quelqu’un d’autre, s’il fait de l’humour ou non, … les grossièretés pré-pubères, etc…
Quand aux pédanteries ridicules au sujet de Marx… Non. Merci quand même. 😉
@Paul :
« C’est parce qu’il (Karl) préfère une représentation « bourgeoise » en termes pseudo-physiques, à celle très politique d’Aristote, en termes de rapport de force entre acheteur et vendeur : en termes de « statut réciproque ».
Autrement dit, vous cherchez à requalifier juridiquement les deux agents économiques « acheteur » et « vendeur » dans une démocratie RADICALE. Et ceci n’est possible que dans un cadre politique strict, soit une constitution pour l’économie. L’ « Erreur » des marxistes aura été d’imaginer que le rapport de force entre ces deux agents s’effectuait selon un agenda prévisible (« scientifique ») que l’on pouvait moduler par effet de levier en centralisant l’économie, soit en limitant le libre-arbitre de l’acheteur et du vendeur.
Même si je vous lis depuis presque un an, je trouve que vos prédictions et analyses divergent de plus en plus du chemin de l’économie mondiale ou occidentale.
Divorce ou rattrapage prochain?
Tiens, amusant…
Excusez-moi, Yann, mais je préfère maintenant quelqu’un qui analyse des faits, se penche sur les grandes théories de l’économie et nous force à réfléchir dessus pour en voir tous les aspects, dégage des grandes lignes qui nous permettent d’éviter de nous revautrer par la suite,…
Que d’essayer de lire un avenir tel une voyante ou un « analyste » financier qui :
1) ont des données qui sont pour la plupart fausses
2) ne peut plus réellement appréhender tous les mouvements d’ailes de papillons mondiaux
3) va prêcher pour sa paroisse car il est forcément payé par quelqu’un
4) n’est jamais à l’abri d’une décision d’un politique qui se lèvera de bonne ou mauvaise humeur un matin. (fonction de son épouse la veille au soir éventuellement)
Mais bon… je vous sens inquiet sur l’avenir, là, non?
Et bien, si je peux vous rassurer : nous l’avons devant nous. Et c’est la seule certitude si on a envie de le regarder en face.
@ Yann
Tant que la « Bête » peut piocher dans nos caisses, sa capacité de nuisance demeure même si elle se meurt.
Elle a aussi du mal à lâcher sa place au soleil.
Un de ses objectifs était de tenir jusqu’à 2010 pour pouvoir s’attribuer les bonus que l’on sait. Une sorte de curée.
Maintenant, le temps des confidences va arriver, inéluctablement : voyez la dernière annonce de la Société Générale (François Leclerc avait me semble-t-il depuis longtemps annoncé ce petit problème pour cette banque et pour 3 ou 4 autres, qui restent plus timides sans doute).
Et puis, à part un « maintien boursier » artificiel, avez-vous vu une « reprise » de l’emploi, des salaires, du désendettement, de la croissance, … ? Bref ! Une reprise des choses vraies ?
Même si je suis parfaitement d’accord avec les propos lus sur ce blog (et sur la chronique agora) et même si j’avais une petite attente jubilatoire à voir les fautifs (banquiers, financiers, politiques, etc.) payer pour 30 ans d’exactions caractérisées, je constate que rien de tout cela n’est arrivé.
Comme par miracle, les pertes ont été transformées en gains. Les riches sont toujours riches (sinon plus). Les politiques sont toujours aussi corrompus et peureux. La finance mène la danse avec de l’argent multiplié par milliards.
Un peu comme si, au bout de trente ans à virtuellement s’enrichir, les financiers avaient tous ensemble demandé aux États une cristallisation de leurs gains, en fourguant leurs reconnaissance de dettes pourries aux banques centrales en échange d’argent frais gratuit.
Et là, les États semble se mettre tous ensemble d’accord pour oublier cet échange, pour l’effacer, pour remettre les compteurs à zéro ou presque et faire supporter ce presque aux con-citoyens de base.
Tout en laissant ceux qui auront réussi ce grand casse, le plus grand que l’humanité ait connue, leur retourner l’ascenseur plus tard, dans quelques années, sur les plages de quelques paradis fiscaux.
Le lien entre travail et salaire est un peu comme la blessure inguérissable du roi Amfortas, dans la légende de Perceval (Perceval ou Parsifal suivant l’origine diverse de la légende). Parfois on en souffre, parfois on est soulagé mais cela ne dure pas, car la blessure s’ouvre à nouveau.
Ceux qui ont un travail et gagnent bien leur vie (comme on dit), n’en souffrent pas, sauf le jour où il y a une maladie, la boîte ferme, ou autre catastrophe. Parfois même, pour les plus chanceux, la blessure ne fait pas mal, car les circonstances de la vie leur étaient favorables , mais la blessure est bien là.
Rompre le lien entre travail et salaire, c’est rompre le lien de la nécessité. C’est faire du travail humain une véritable plus value.
Le revenu inconditionnel d’existence, puisé dans le PIB du pays, permet d’accomplir cela.
Si. Si, Alfe. La blessure du roi pécheur est guérissable. Il suffit que quelqu’un pose la bonne question. Malheureusement, la question relève plus des pré-socratiques, que de l’Aristote cher à Paul Jorion. Raison pour laquelle Perceval ne peut la poser.
C’est bien une question de… « bonne question » (pas la même, certes…).
Nous appelons les Etats à porter plainte contre les banques
pour prise illégitime d’intérêts sur la monnaie.
Une loi doit garantir le contrôle public des banques, pour une monnaie sans intérêts.
Autrefois, toute monnaie papier correspondait à une quantité équivalente d’or dans les banques.
Pour ce service de gardiennage de l’or, les clients donnaient des intérêts au banquier.
La monnaie n’est plus convertible en or ET POURTANT, les banquiers prennent encore des intérêts.
Ce faux monnayage provoque des crises mondiales d’endettement.
Endettés, les Etats réduisent les services publics, les entreprises font faillite
« Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n’hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents.» Maurice Allais, prix Nobel d’économie.
On ne met pas de timbre sur un courrier électronique, MAIS ALORS…
Pourquoi payer des intérêts sur la monnaie électronique ?
Quelque soit le support, la monnaie revêt des chiffres et des lettres réglementant les échanges « acheteurs-vendeurs. »
Supports et transports virtuels rendent gratuits monnaies et courriers dématérialisés. Or et papier deviennent inutiles.
La monnaie électronique est une grande invention. Sans elle, nos échanges seraient très difficiles. Pourquoi ?
Parce que l’or des banques ne correspond qu’à 1 % des biens et services circulant sur la planète sur une année !
Les banques privées créent 92% de la monnaie en circulation…sur ordinateur
Cette monnaie est électronique, des chiffres et des lettres créés sur écran, ex nihilo (sans équivalent or).
Les billets en papier, les pièces en métal vulgaire ne représentent que 8% de la monnaie en circulation.
.
Les intérêts ? Un péage illégitime sur les échanges, ce qui élimine massivement les petits producteurs.
Les banquiers facilitent les crédits pour des gadgets ou des armes très rentables pour leurs actionnaires.
Mais répondant à des besoins vitaux, des petites productions disparaissent par refus de crédit bancaire.
En moyenne, 33% d’un prix payé par le consommateur correspond aux intérêts répercutés par les investisseurs.
En moyenne, nous travaillons, le tiers de notre temps pour des lignes d’écritures sur ordinateur.
Ce qui coûte cher, c’est le temps perdu à travailler gratuitement pour les banquiers et les financiers.
D’un côté, on doit travailler pour payer les intérêts, de l’autre, les machines nous libèrent du travail.
Cette contradiction reflète une crise de civilisation qui exige l’abolition des intérêts sur l’argent.
Pareils à des fonctionnaires interdits d’enrichissement personnel, les banquiers devraient servir l’intérêt général.
Ils ne seraient plus payés en fonction d’un pourcentage pris sur les richesses produites par les clients
Les banquiers seraient payés en fonction de leur travail : création monétaire, ouverture et suivi des dossiers.
Aux USA, de 1861 à 1865, Lincoln fit chuter la pauvreté en imposant la monnaie sans intérêts.
Libérées du poids des intérêts (la dette), des régions sortiront de la misère, des productions locales renaîtront
L’endettement des particuliers, des entreprises et des Etats disparaîtra.
Les services publics se développeront en fonction du remplacement des hommes par les machines.
Cette loi pour la fin de l’endettement par les intérêts est une première étape d’une absolue nécessité.
C’est le point de départ de la construction d’une économie respectueuse des êtres humains et de la planète.
Libérons La Monnaie (Nantes-Le Pellerin) http://www.liberonslamonnaie.blogspot.com/
PREMIERS SIGNATAIRES
Alain Vidal (économiste émancipé), Ernest Barreau (retraité du bâtiment), Rémy Drouet, (ajusteur retraité) Annie Mothes (enseignante), Isabelle Antoine (enseignante), Annette Hamon (éducatrice spécialisée), Claude Ravaud (Auteur compositeur interprète). 23/02/09
PETITION
Je soussigné(e), appelle les Etats à porter plainte contre les banques pour prise illégitime d’intérêts sur la monnaie. Une loi doit garantir le contrôle public des banques pour une monnaie sans intérêts, une monnaie d’intérêt général.
Signature, cliquez sur le lien ci-dessous :
http://www.petitionduweb.com/PLAINTE_CONTRE_LES_BANQUES__-3283.html
Pour être informés, inscrivez-vous sur notre liste de diffusion, écrivez nous à: vidal.mothes@wanadoo.fr
« Pourquoi dialoguer avec Marx ? »
Votre démarche est positive car elle consiste souvent à aller voir le meilleur qu’il y a dans l’autre, comme avec Marx par exemple mais je m’interroge quand même,
Oui pourquoi vouloir souvent dialoguer avec la même personne à une table ? N’y aurait-il donc pas d’autres manières de nos jours de faire le bien en société ? Et si le fait de vouloir souvent prendre appui de penser et de réflexion sur le vocabulaire de Marx pour mieux en analyser la crise, ne nous permettait pas toujours paradoxalement de mieux saisir le sens des événements de la vie et de l’histoire autrement, d’en voir par exemple les autres aspects d’une autre manière car au début c’est toujours beau et merveilleux si ça se trouve faute de mieux par défaut et par dépit Karl Marx captive et séduit encore pas mal de monde de nos jours surtout au regard de la crise du capitalisme,
qui n’est pas prêt de s’arranger non plus, non dans ma pauvreté et ma difficulté actuelle je préfère encore me détourner de ses écrits oui sa voie et ses écrits sont encore beaucoup trop facile à suivre pour le plus grand nombre,
mais encore pourquoi les descendants de Marx ne veulent toujours pas venir manger et boire à ma propre table je pue de la gueule ou quoi, hein Dédé qu’en penses-tu toi au coin du bar ?
Je me demande d’ailleurs si Karl Marx nous a vraiment bien rapproché de l’autre en société je peux bien sur me tromper …
Où se situent les salariés, en termes de rapport de force entre acheteur et vendeur de force de travail ?
Du quantitatif objectif au qualitatif subjectif:
ELENA (pas Anella) – un fichier national Allemand des « mauvais salariés »
Ce qui ressemble à un mauvais rêve, ou disons-le franchement, à un cauchemar, est la réalité : un fichier national qui recense le temps de grève de tous les salariés d’Allemagne, la légitimité ou non-légitimité d’une grève, les rappels à l’ordre à l’égard des employés, des temps de lock-out et, accrochez-vous, les raisons d’un licenciement (faute grave, refus de suivi d’ordre, inadaptation, pas à la hauteur etc.). C’est le fichier des « bons » et des « mauvais » salariés. Il est important de savoir (surtout pour un employeur) si un postulant a un jour dans sa vie participé à une grève estimée « non légitime ». Pas de ceux-là dans notre entreprise ! Théoriquement, l’entreprise n’a pas accès à ces données hautement confidentielles. Théoriquement. Et théoriquement, une démocratie digne de ce nom n’a pas besoin d’un tel fichier.
La suite :
http://allemagne-et-plus.a18t.net/?p=655
Le revers de la médaille…
Mettez entre les mains de l’humanité un outil tel que l’informatique (net compris) qui en est à ses balbutiements et vous obtenez tous les extrèmes.
A la fois une fantastique capacité d’information et de stockage. Avec toute la richesse que peuvent nous apporter des vues différentes, des connaissances dont il ne s’agit même plus de les engranger, mais d’y voir la « valeur ajoutée »..
Et cette même capacité utilisée par un pouvoir appelé « liberalisme » (élitiste) qui face au contre-pouvoir organise sa défense face à l’adversaire grandissant.
Ceci dit, on retrouve exactement les informations du même type dans les fichiers des renseignements généraux.
Dont 83% des fiches contiennent au moins une erreur…
Mais ce sont les deux revers d’une même médaille.
@Pierre: j’écris un peu plus bas que les grosses boîtes sont des dictatures, je n’avais pas encore lu votre commentaire. Je vais me ramasser un point Godwin mais tant pis: hier on fichait les Juifs car on leur imputait tous les maux de la société, donc que celle-ci n’était pas assez performante à cause d’eux. Aujourd’hui ce sont les salariés, avec des motifs du même acabit. Moralité: nos démocraties peuvent se vanter d’être des démocraties précisément parce qu’elles délèguent à leurs entreprises « libres, privées et concurrentielles », (responsables ? ça, c’est une autre histoire dont on ne parle jamais), le soin de maintenir la dictature. D’où l’intérêt, soit dit en passant, de toujours parler des « dissidents » Chinois, bien enfoncer le clou sur le « fait » que la Chine serait une dictature mais pas l’Europe. Pas de dissident, chez nous, donc pas de dictature.
… en considérant les salaires comme « frais de production »….
Dans une société de services il est très difficile de considérer les salaires comme frais de production…
Il est certain que Marx a porté l’économie a un degré tel qu’elle en devient ridicule.C’est d’ailleurs une grossière erreur de penser que Marx critique l’économie alors qu’ au contraire il l’a place au centre des proccupations humaines. Marx critiique seulment l’économie politique c’est à dire les idées que se font des idéologues savants sur cette triste réalité.
Heureusement le monde est bien différent de ce que décrit Marx ce qui hante les hommes n’est pas la rareté comme les économistes l’affirment mais la richesse. P. Jorion a raison defaire le distingo entre la sciences economique et l’économie politique ou la différence entre la chose – que les anglais distinguent comme Economy – d’avec les idées sur cette chose soit ou Economics.
Je conseille à Paul Jorion la lecture de l’oeuvre aussi originale que puissante de Jean-Pierre Voyer qui depuis trente ans et dans le silence le plus total poursuit la critique la plus intransigeante et la plus novatrice non pas simplement de Marx mais de l’utilitarisme anglais que celui-ci parachève. Cette lecture pourrait grandement l’aider dans ses recherches tout aussi courageuses bien qu’un peu plus connues.
http://pagesperso-orange.fr/leuven/rapport.htm#page_118
http://pagesperso-orange.fr/leuven/
Je remercie M. Paul Jorion pour cette lettre de recadrage à l’intention des amateurs de ski hors pistes.
Je recherche sur A Ma Zone,un Aristote pour les nuls ,un Marx sans peine,sans compter (Alfe) qui m’oblige à acheter l’intégrale de Parsifal et ayant murement réfléchi à tout ça, je reviens dès que possible vous donner mon sentiment sur le degré d’embourgeoisement des uns et des autres.Ajoutez un smiley pour faire passer l’irrévérence.
Chacun suit sa voie mon cher ami
L’approche anthropologique permet d’établir la description d’un système.
Après on peut toujours discuter sur les points de détail en proposant d’autres interprétations de certains faits observés.
Mais si le système a des dysfonctionnements tels qu’on voudrait non pas faire des retouches mineures mais changer le système en profondeur, alors il faut sortir du cadre des discussions sur « quelle est l’interprétation correcte » des éléments du système.
Le piège de l’approche anthropologique est qu’on est enfermé dans le système que l’on étudie c’est à dire le système fournit lui-même le axes de référence.
C’est ainsi que, comme je l’ai signalé dans le commentaire sur le texte « Où se situent les salariés ? », la recherche des solutions est malheureusement développée à partir de certains postulats qui situent d’emblée la réflexion dans un certain type de système économique.
Exemple dans le texte « Où se situent les salariés ? » : « Pour qu’une marchandise puisse être produite, des avances doivent être consenties, en argent, en matières premières, en outils, etc. auxquelles vient se combiner le travail humain. »
Cette phrase situe l’observation dans un contexte où un système financier fournisseur de crédit est en place et est incontournable (« des avances doivent être consenties »). Mais on peut très bien imaginer un système économique – capitaliste ou pas – où la pratique du crédit serait inconnue (ou bannie).
Ceci est ma première remarque.
Ma deuxième remarque est que si on se libère des axes de référence qu’impose le système, alors un nombre infini d’autres systèmes apparaissent comme autant d’alternatives envisageables.
Je vais donner une parmi les nombreuses réponses possibles à la question posée « Comment faire coïncider production et consommation dans un monde où le travail est devenu une denrée rare ? ». En vérité j’estime que le cœur du problème n’est pas dans la recherche de faire « coïncider production et consommation ». L’important est dans la deuxième partie de la question et je vais en priorité donner l’esquisse d’un système économique qui permettrait à tous de survivre dans un « monde où le travail est devenu une denrée rare ».
Il faut clairement instaurer deux pôles ou domaines d’activité économique et sociale : l’un public, étatique et l’autre privé, capitaliste.
On laisse fonctionner le pôle ou domaine capitaliste selon ses règles mais en lui imposant les contraintes qui limites ses activités selon les contraintes écologiques, stratégiques etc.
On développe le domaine étatique qui a pour objectif de fournir l’ensembles de ce qui est considéré comme étant nécessaire à la satisfaction des besoins de base (produits et services) des citoyens : la nourriture de base, l’habillement de base, l’hygiène de base, la santé (les hôpitaux), la justice, le logement, les transports en commun, l’énergie, l’eau, etc. La liste des besoins de base doit pouvoir évoluer dans le temps.
Remarque : en vérité un début de domaine étatique a déjà existé en France et dans d’autres pays « capitalistes » (énergie (EDF, GDF), santé (hôpitaux publics), etc.) mais il a été démantelé sous la pression des lobbies mondialistes libre échangistes.
Par ailleurs dans ce système bipolaire on supprime tous les impôts et cotisations diverses. Une taxe unique est instaurée qui prélève sur les activités du domaine capitaliste : ça pourrait être une taxe de type TVA ou bien une taxe de type Tobin etc. Cette taxe doit être très élevée : 40 % ou 60 % ou 80 % – à voir…
Cette taxe prélevée sur les échanges faits par le domaine capitaliste servirait à financer les activités du domaine étatique.
Avec l’automatisation, la robotisation, l’informatisation etc. le système économique a besoin de moins en moins d’intervenants humains pour fournir ce qui est nécessaire à la satisfaction des besoins de base de la population.
Personne ne serait obligé de participé aux activités économiques du domaine étatique ou du domaine capitaliste. Mais le système inciterait les citoyens qui le souhaitent à rejoindre les rangs des « productifs étatiques » en leur offrant des bonus auxquels ils auraient droit pendant qu’ils exercent un métier au sein du domaine étatique : les logements mieux situés ou plus grands etc. Ceux qui trouvent intéressant de se réaliser dans le contexte de la compétition capitaliste seraient libres d’y exercer une activité tout en continuant à bénéficier de leur quota de satisfaction des besoins de base comme chaque citoyen.
Dans ce système proposé ci-dessus il n’y a pas de « chômeurs », c’est à dire pas de gens qui n’ont pas de moyens de vivre, qui pour obtenir ces moyes de vivre sont prêts à s’astreindre à un « travail » mais qui pourtant ne trouvent pas ce « travail ».
Dans un tels système, même dans « un monde où le travail est devenu une denrée rare », faire coïncider production et consommation DES BIENS ET DES SERVICES DE BASE est garanti par le pôle étatique. Les biens et les services superflus, produits par le pôle capitaliste, seront-ils en équilibre « production = consommation » ? Je laisse d’autre commentateurs développer des arguments …
A la question qui selon moins est devenue primordiale « Comment survivre dans un monde où le travail est devenu une denrée rare ? » voici donc une réponse en quelques phrases qu’on pourrait compléter jusqu’à aboutir à la description d’un système cohérent, viable.
Mais ce n’est qu’une parmi un grand nombre de réponses qu’il est possible de suggérer.
Votre commentaire est à creuser,
Il suggère dans l’un de ses points la simplification et le regroupement des choses, dès lors on y verrait peut-être un peu plus clair, il est vrai que plus personne ne s’y retrouve de nos jours.
Hélas plus les choses s’aggravent et plus un plus grand conditionnel de vie se met peu à peu en place dans nos sociétés, chantage à la norme pour chaque tête de bétail de plus pourvu que cela n’aille pas trop loin quand même.
« Comment survivre dans un monde où le travail est devenu une denrée rare ? »
Affirmer que le travail est devenu une denrée rare, c’est limiter singulièrement son champ de vision. Etant donné qu’il existe une ou, plutôt, « plusieurs » myriade(s) de tâches à accomplir pour subvenir aux besoins alimentaires élémentaires d’environ un milliard et demi de personnes dans le monde (+/- un milliard d’affamés plus +/- 500 millions de sous-alimentés), on ne peut que constater l’européo- ou, plus précisément, l’occidentalo-centrisme de la réflexion. Si le travail est peut-être devenu une denrée rare en Occident, ce n’est certainement pas le cas dans plusieurs régions du monde où il n’existe que très peu de salariés (en proportion de la population régionale totale), car ces régions ne font pas vraiment partie du « marché de l’emploi » (capitaliste) planétaire.
Ex. Bangladesh, Afrique sahélienne, corne de l’Afrique, Congo ex-belge (RDC), un bonne partie de l’Amazonie, Philippines (du fait du morcellement du territoire), Chine, Inde, et j’en passe.
Une chose me paraît claire: il existe évidemment un problème de revenu, mais le problème du DEFICIT en travail de développement, d’amendement, de remédiation et de réhabilitation du monde n’est pas moindre.
En écho à votre quatrième paragraphe , n’est ce pas Karl Marx qui est crédité d’avoir dit que » l’humanité ne se pose que les problèmes qu’elle sait résoudre » ?
« 1) qu’il n’y a aucun rapport entre cette discussion et une interdiction des paris sur les fluctuations de prix ; 2) qu’elle s’insère plutôt dans une réflexion sur revenus et travail »
Il me semble pourtant que, précisément, l’interdiction des paris sur les variations de prix ait des implications non négligeables sur le rapport revenus/travail. Une conséquence, et non des moindres, pourrait s’énoncer ainsi: On ne peut plus « faire d’argent avec l’argent ». Ce qui revient à dire que l’interdiction des paris sur les variations des prix mette en péril la notion de rente. Or, si d’une part on met un terme à la possibilité de rente, et que par ailleurs on dissocie revenus et travail, cela signifie qu’il n’existe plus de source connue aux revenus. Non?
Un léger complément d’info sur le salariat dans un pays « communiste »… :
http://blog.mondediplo.net/2010-01-12-Derriere-les-records-chinois
Marx doit se retourner dans sa tombe…
Mais bon : finalement, c’est nous qui avons montré le mauvais exemple, non?
Considérer les salaires comme résultant d’un partage du surplus présuppose que ce surplus appartient collectivement aux entrepreneurs et salariés. Or, aujourd’hui comme toujours, l’entrepreneur ayant l’initiative et le salarié n’étant pas contraint de participer, (application du principe de liberté en démocratie), rien ne justifie cette collectivisation de la propriété du surplus. L’entrepreneur en est le seul propriétaire, (même si l’on n’est pas d’accord). Libre à lui de considérer qu’il est contraint d’acheter du travail sur le marché, donc d’estimer que SON surplus est diminué du coût de SA main d’oeuvre.
Pour qu’il en aille autrement, il faut substituer au principe de propriété, (qui donne tous les droits aux propriétaires), un principe de responsabilité qui définirait les droits, des propriétaires comme des nons propriétaires, en fonction de leurs responsabilités.
Pas d’accord avec la dernière phrase car, dans le fond, ce n’est pas une question de droit mais de fait. Les grosses boîtes sont de véritables dictatures où le droit ne joue qu’un rôle hypocrite. Il est indéniable que les entrepreneurs ne pourraient pas faire un cent de bénéfice sans les salariés, mais il est indéniable aussi que les seconds, infiniment plus nombreux, ne peuvent décider de rien, sinon de subir le dictat des premiers ou de se faire eux-mêmes « entrepreneurs ».
Votre point de vue me semble essentiellement juridique, fondé sur le droit de propriété. C’est un argument formel. Mais comme vous le dites l’entrepreneur décide après coup de ce qu’il donne en salaire, ce qu’il garde pour lui. Il faut qu’il y ait d’abord eu vente des marchandises, etc. Il ne peut déterminer a priori la redistribution des revenus. Il n’y a pas donc par exemple de plus value a priori en tout cas je le vois comme ca. Il y a bien une situation de rapport de force où travailleurs, entrepreneurs et capitalistes se partagent le surplus, ce qui est généré par le processus de production
@Karl: « Il y a bien une situation de rapport de force où travailleurs, entrepreneurs et capitalistes se partagent le surplus, ce qui est généré par le processus de production » : oui, parce que le « surplus » dégagé par l’activité économique résulte du fonctionnement de l’ensemble de la société, pas seulement des entrepreneurs ou des capitalistes. Mais non car, de facto, ce « surplus » est aux mains des entrepreneurs : ce sont eux qui font le partage, et à leur guise. « se partager » suppose un accord mutuel entre les parties. On peut date l’avènement d’un tel accord au jour où les poules auront des dents. 🙂
« une lecture marxiste de la crise » Natixis/Artus
http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=51136
Un peu hors sujet (mais de temps en temps, ça peut ne pas faire de mal)
Quand après ma journée de travail salarié je vais dans mon jardin planter des patates, est-ce que j’effectue un travail ?
J’ai plutôt tendance à penser que je dépense des calories pour produire des calories qui me permettront de travailler à replanter l’année suivante d’autres calories. Et ainsi de suite, ainsi va la survie.
Un ouvrier dépense des calories à produire des objets manufacturés vendus par d’autres que lui en échange d’un salaire qui lui permet d’acheter sa dose de calories à quelqu’un d’autre qui en produit plus que ce que ses besoins nécessitent.
Il est loin, hélas, le temps des jardins ouvriers. Une renaissance de la production alimentaire familiale ne serait pas superflue dans ces temps d’horizon bien sombre pour les plus démunis de nos sociétés.
Voilà le genre de questions que l’on se pose quand on ne spécifie pas de quel travail il s’agit !
Du même coup on revient à une économie politique pré-marxiste… et on ne peut plus rien comprendre au capitalisme d’aujourd’hui.
Il y a deux formes de travail :
1/ le travail concret, celui qui produit une valeur d’usage, qui dépend de votre habileté et de votre vitesse de travail, etc.
2/ le travail abstrait, celui qui produit de la survaleur pour le capitaliste qui verse le salaire en échange de votre force de travail. Ce travail est abstrait parce qu’il ne tient pas compte de la valeur d’usage, de votre sueur et de vos compétences : il en fait abstraction au profit de la seule survaleur qu’il produit.
Alors en reformulant votre question , elle devient « Quand après ma journée de travail [abstrait, où j’ai produit x survaleur pour mon patron] salarié [ le patron ne me paie que x/y en salaire] je vais dans mon jardin planter des patates, est-ce que j’effectue un travail [concret, où je transpire mais qui ne donne aucune survaleur à mon patron, mais où je vais pouvoir manger des valeurs d’usage, euh des salades ! ] ? »
Vous constaterez que ce n’est pas la même chose et que croire qu’un calcul thermodynamique va vous donner la valeur de la survaleur qu’exploite le capitaliste c’est tout simplement du réductionnisme paralogique [réductionnisme : croire que tout peut se ramener à la physique, matérialisme vulgaire, beurk ! et paralogique : parce qu’on applique des lois à un domaine où elles ne peuvent pas s’appliquer sauf à considérer qu’une analogie est suffisante… essayez de brancher un moteur électrique sur votre robinet d’eau et vous constaterez de visu qu’un réseau d’eau n’est pas un réseau électrique, malgré l’analogie qui traîne dans tous les manuels !]
Il semblerait que votre analogie vise à déconnecter travail concret et abstrait. or, ils ne le sont pas, mais en relation, ne serait-ce que par la médiation de celui qui, force de travail, effectue un travail, concret ou abstrait qui va,aussi bien, lui fournir les calories nécessaires à sa survie – à l’entretien de sa force de travail.
La question précédente sur les salades me semble très pertinente. Mais je confesse – c’est comme cela qu’on dit ? – ne pas vous suivre dans votre approche marxisante (?) de la question
En commentaire au billet précédent « Où se situent les salariés ? », j’avais rappelé le contexte dans lequel Marx considère le salaire, mais aussi, vous l’oubliez M. Jorion, l’appareil de production. Or le lien, dialectique, entre les deux tisse une critique fondamentale de l’économie politique, autrement dit de l’économie, en tant qu’elle n’est rien d’autre que la manière bourgeoise de penser, et même d’agir. Ce contexte est la chaîne A-M-A’. Je renvoie au Capital, Livre I, 2e section « La transformation de l’argent en capital », chapitre IV, « La formule générale du capital ». Pour les fainéants, je dévoile tout de suite le secret : le capital repose sur le travail en tant qu’il n’est rétribué que selon le temps de travail moyen nécessaire. C’est rien moins que « l’abolition définitive du salariat » qui est visée (voir l’adresse de 1864 rédigée par Karl Marx à l’Association internationale des travailleurs).
La relation avec Aristote, que Marx qualifie « de grand penseur qui a analysé le premier la forme de la valeur », est tout à fait explicite dans le Capital. Je renvoie au chaptre I, 1re section, au passage sur la forme de la valeur, « troisième particularité de la forme équivalent ». Marx décrit les limites de l’analyse déployée dans L’Ethique à Nicomaque (V, V, 16) en citant la fin du développement, ainsi traduit par Voilquin aux éditions Flammarion : »Et qu’on fît des échanges avant l’emploi de la monnaie, c’est bien évident ; peu importe que l’échange porte sur 5 lits contre une maison ou contre tout objet correspondant, en valeur, à 5 lits ». Quel est cette limite ? Elle réside en ce que s’il est vrai que la monnaie rend tout commensurable avec n’importe quoi, cette vérité repose sur le travail humain. Si Aristote ne le comprend pas, selon Marx, c’est que « la société grecque reposait sur le travail des esclaves et avait pour base naturelle l’inégalité des hommes et de leurs force de travail » alors que « l’idée d’égalité » n’avait pas encore « acquis la ténacité d’un préjugé populaire », il a fallu quelques révolutions pour cela. « Ce que montre le génie d’Aristote, c’est qu’il a découvert dans l’expression de la valeur de la marchandise un rapport d’égalité. L’état particulier de la société dans laquelle il vivait l’a seul empêché de trouver quel était le contenu réel de ce rapport » (les citations de Marx reprennent, ici, la traduction de Joseph Roy)
Résumons-nous après ces fastidueuses, mais précises, indications bibliographiques. Marx ne préfère pas une représentation bourgeoise, (il veut la renverser et aussi renverser la réalité bourgeoise et ses conditions de possibilités, à savoir le rapport salarial), il vit dans une société où domine la bourgeoisie par le règne de la valeur d’échange à l’égard des producteurs. Il n’a pas plus choisi son temps qu’Aristote ni que quiconque. Aristote est tout à fait utile pour décrire les contradictions d’ordre monétaire, en un sens, déjà, la chrématistique décrivait la tendance critique de toute économie. Mais une critique radicale de la spéculation monétaire, la dénonciation de l’injustice (on pourrait même créer le néologisme d’ »injustesse » pour caractériser le biais éthique de toute monnaie) inhérente à la forme de la valeur ne peut que demeurer formelle. C’est précisément en considérant l’économie politique du point de vue de la monnaie ou de la forme de la valeur que l’on adopte « la représentation « bourgeoise », mais c’est en creusant cette forme que l’on parvient à sa réalité génétique.
Sans doute dépassera-t-on Marx et considérera-t-on à son tour sa conception comme formelle (ce qu’il espère certainement), mais certainement pas en régressant dans le formalisme. Cela dit les discussions sont bien plus fertiles dès lors que l’on ne considère plus l’économie comme une science, qu’on ne confond plus système capitaliste et mode de production capitaliste et qu’on aborde les polarités du surtravail et du travail nécessaire, du capital constant et du capital variable, et même qu’on en arrive à interroger la nature de la notion de prolétariat. Il se peut même bien que, ce faisant, on déborde la discipline de l’économie politique. Mais pour l’heure, nous en sommes encore à la situation que décrivait Marx en 1867 : « L’économie politique classique touche de près le véritable état des choses sans jamais se le formuler consciemment. Et cela lui sera impossible tant qu’elle n’aura pas dépouillé sa vieille peau bourgeoise ». (cette fois, je vous laisse chercher la source de la citation)
Bonjour schizosophie,
Je ne suis pas certain d’être juste ou à la hauteur dans mes arguments mais comme à chaque fois que l’on répond en marxiste dans le texte j’ai précisément l’impression de me recevoir la dépouille de la vieille peau bourgeoise dans la figure. Vous parler de quantitatif surtravail et travail, mais un de mes problèmse avec Marx est aussi l’absence de considération pour le qualitatif: que fait-on au juste. Et ce problème me parait essentiel, parcerque c’est en ne se posant pas la question qu’on laisse d’avance le champs libre aux détenteurs de capitaux: le mode de production capitaliste est indissociable du capitalisme. A mon sens le travail d’une démocratie sociale authentique est d’atténuer les effets pervers du mode de production lui-même: l’épuisement des ressources naturelles et humaines. C’est pour ne pas avoir pris en considération plus profondément les problèmes d’écologie que la pensée marxiste s’est laissé dépasser parcequ’on décrit aujourd’hui comme les limites de la planète ou de l’exploitation du vivant. On voit notamment aujourd’hui la nécessité de façons de produire qui soient moins productive (question de la nature, du qualitatif) en agriculture mais plus respectueuse du sol, de l’environnement et moins économe en énergie fossile, en oubliant pas le gros problème des variétés génétiquement modifiées. La question de la formulation n’est pas anodine, parcequ’en reprennant les formules marxistes capital constant, capital variable par exemple, en considérant ces deux termes, on se refuse d’avance à toucher, à remettre en cause ce qui est décrit comme « objectif », indépassable, le capital constant ce dieu inviolable des capitalistes. C’est pour ça que j’apprécie la présentation de Paul Jorion de la production/revenus générés comme un surplus parcequ’elle se représente les êtres humains comme ils sont, comme des tribus qui se disputent les ressources, sans tenir compte des diverses aliénations civilisantes et considérantes auxquelles tout le monde sacrifie pour paraître un honnête homme, notamment pour ce qui est du respect de la propriété, du capital… Certaines prétentions scientifiques de l’analyse marxiste rejoignent celles de l’économie bourgeoise en ce sens qu’elles sont retardataires: elles acceptent le réel et donc un certain rapport de force entre l’humanité et les moyens que les possédants se donnent pour la domestiquer. Je ne suis pas pour accepter le réel des dominants, même si c’est Marx qui me présente les plats.
Enfin j’espère avoir pu exprimer clairement ma pensée.
@ Karl
Vous avez tout à fait raison concernant la polarité entre qualitatif et quantitatif. C’est même une préoccupation majeure de Marx. Mais contrairement à ce que des lectures trop imprégnées du monde où règne le quantitatif font apparaître, Marx est précisément du côté du qualitatif. « Comme valeurs d’usage, les marchandises sont avant tout de qualité différente ; comme valeurs d’échange, elles ne peuvent être que de différentes quantités » (Capital, chap. I, 1re section) C’est ainsi qu’il dépasse, ou approfondit, le registre de la monnaie ou des échanges pour comprendre le travail et ses contraintes qualitatives comme source, et s’il découvre le temps de travail moyen nécessaire comme mesure universelle, c’est parce que c’est ainsi que fonctionne le capitalisme et le rapport salarial.
A propos d’écologie : « La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit la richesse : la terre et le travailleur. » (Capital 4e section, chap. XV) S’il ne se préoccupait pas « des limites de la planète », il se préoccupait déjà du tarissement des minerais et de la destruction de la fertilité des champs voués aux exploitations industrielles.
Presque pas mieux que schizosophie !
Un point important quand même pour parvenir à tordre le cou de cette idée que KM n’a rien compris à Aristote !
KM considère que le grand Aristote a produit une distinction cruciale entre valeur d’usage et valeur d’échange, mais qu’il lui manque quelque chose puisque les économistes classiques qui se sont appuyés sur lui ont dit des bêtises…
C’est le concept de « valeur », « valeur simple », « valeur tout court » tel qu’il l’utilise dans les premiers chapitres du Capital.
KM affirme qu’il y a trois types de valeur :
*valeur d’usage (concrète, celle qui est produite par le travail concret et qui sert à satisfaire les besoins humains quels qu’ils soient, matériels ou non – je le rappelle pour ceux qui croient que KM ne pense qu’aux biens matériels parce qu’il est matérialiste !) ,
* valeur d’échange : celle qui est donnée par le rapport de l’offre et de la demande sur le marché (et bien d’autres choses)
* et valeur : celle que la marchandise prend en incorporant la valeur du temps de travail (abstrait) socialement nécessaire à la production de celle-ci.
KM va écrire quelques milliers de page pour décrire les rapports complexes entre ces trois valeurs, sachant que la valeur d’échange (dont la manifestation concrète est le prix exprimé en monnaie) vient au-devant et masque la valeur tout court qui est celle sur laquelle le capitaliste extrait la survaleur par l’exploitation de la force de travail des salariés « libres » (libérés par le mode capitaliste des liens féodaux et « libres », pour subsister, de vendre leur force de travail sur un « marché » dont ils ne maîtrisent ni l’offre ni la demande).
Opposer travail-revenu, revient à effectuer une double réduction (qui ouvre la boîte de Pandore, que certains commentaires n’ont pas manqué de vider !) :
1/ la contradiction travail abstrait/travail concret devient « le travail » et donc disparaît au passage la survaleur exploitée par le capitaliste, une paille dans le débat…
2/ la contradiction profit/salaire devient « le revenu » et donc encore disparaît au passage la survaleur dont les salariés pourraient profiter eux-aussi ! Ce ne serait vrai que dans un mode de production abolissant le rapport capital-travail salarié.
Ainsi à mon avis on ne peut critiquer les insuffisances-erreurs de KM en se plaçant d’un point de vue de Sirius (je veux dire en utopie !) : KM prend soin de dire plusieurs fois dans le Capital « dans un autre mode de production, par exemple celui où les producteurs librement associés seraient propriétaires des moyens de production » alors… telle conséquence, telle distinction aurait/n’aurait pas lieu.
Remarque au passage : ce n’est pas parce que KM évoque un mode de production de ce type qu’il énonce celui qui va advenir ! C’est seulement une hypothèse d’école pour faire comprendre qu’il n’y a pas de fatalité « naturelle » (comme le croit Claude Roche par exemple) aux « lois » du capitalisme que KM énonce : les lois sont « naturelles » au mode de production capitaliste tant que la classe des prolétaires n’en prend pas conscience et ne lutte pas consciemment contre elles. Où l’on voit l’importance de la bataille des idées qui peuvent faire avancer ou freiner cette prise de conscience et donc le mouvement réel de dépassement du capitalisme.
C’est ainsi que je lis KM et sans tout savoir dans le détail, il me semble que l’essentiel y est.
@ dialoguer avec Marx : certes , mais sur le terrain de la philosophie
Je regrette de ne pouvoir ciontribuer à ce débat pour des raisons professionnelles. Et je voudrais dire que PJ a effectiovement raison d’insiter sur la nécessité de dialoguer avec les grands auteurs. Marx en est un . Mais je pense que le débat est actuellement un peu court, des deux côtés
Tel qu’il est parti , le dialogue avec Marx va droit à l’impasse car les interventions, font totalement abstraction de la manière dont Marx construit ses concepts. Ou pour le dire autrement, on se lim:ite au sens direct des propositions telles qu’on les lit, sans voir qu’elles n’ont de sens que par rapport à un parti pris qu’il importe de rappeler
Rappelons alors que Marx part d’une ontologie Naturaliste ( le rapport de l’homme à la nature) . Et c’est dans le cadre de cette ontologie, qu’il considère que la base de l’analyse doit être un présupposé historique ( la logique des rapports de production et des forces productives). Marx parle ici de production matérielle car cela découle de toute sa critique de HEGEL : il n’y a donc pas plus radicalement matérialiste que Marx en économie.
Or c’est ce point , ce matérialisme , qui est aujourd’hui en question car nous sommes dans une économie TRES FORTEMENT dématérialisée. Cela veut dire que le travail aujourd’hui est très largement un travail intellectuel qui – du temps de Marx – était réservé aux artistes , universitaires, et inventeurs.
Partant de là la question que l’on doit poser à MARX est d’abord la suivante : est-ce que ses théories sur le travail sont transposables dans cet univers économique. Il suffit alors d’ouvrir le capital à sa première ligne : « le monde économique se présente sous la forme d’une immense accumulation de marchandises » pour se rendre compte que la réponse est NON . Pour le paraphraser, le monde d’aujourd’hui se présente sous une forme croissante de SERVICES et de transactions sur des « biens » immatériels »: y compris au sein des entreprises dans le rapport du capital au travail). Le travail est immatériel Il ne faut alors pas être un grand philosophe pour voir que tout l’ensemble de la construction de Marx s’effondre alors du fait de son ontologie naturaliste .
Bien sûr en écrivant cela je sais que je ne fais pas plaisir à ceux – hélas nombreux en France – Pour qui Marx ne doit pas être interrogé : j’ai fait partie d’un groupe de recherche CNRS explicitement marxiste et je sais de quoi je parle
Ni à ceux qui espèrent que Marx leur fournira un point d’appui face à la crise.
Mais ils se trompent : ce n’est pas parce que le sens direct de certaines propositiions de Marx semble pertinent qu’elles sont actuelles ( à ce compte là on réhabilite tous les économistes)
Il y a d’ailleurs une démonstration par l’absurde . Marx est l’économiste le plus connu au monde ( PJ : votre position sur « 150 ans de silence » est intenable – mon groupe de recherche est là pour en témoigner ) : si Marx fournissait des outils pour permettre de vraiment comprendre la crise cela se saurait depuis longtemps…. sauf à accuser des centaines de millers de spécialistes de mentir consciemment ce qui est là aussi intenable
Cordialement
PS Je ne peux pas approfondir ce point ,ici, mais je rappelle que cette question du naturalisme est bien sûr la véritable origine de la crise actuelle de la pensée économique, mais on ne trouvera pas d’auteurs l’ayant défendue sur le plan ONTOLOGIQUE comme le fait Marx
Début de de la première phrase du Capital : « La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme… », même dans un hypothétique « sens » non « direct des propositions telles qu’on les lit » cela doit vouloir dire autre chose que « le monde économique se présente sous la forme d’… » pour qui lit la matière de ce qui est écrit, que cette matière soit de l’encre ou du pixel. A moins de croire qu’il en va des mots comme de tout dans le capitalisme, à savoir que n’importe quel mot vaut plus ou moins n’importe quel autre.
@les traductions sont variables monsieur !
« Der Reichthum der Gesellschaften, in welchen kapitalistische Produktionsweise herrscht, erscheint als eine… » pour revenir à la source matérielle du texte, ce que s’efforcent de rendre les traducteurs. Sans cet effort, on ne parlerait tout simplement pas de la même chose.
@ Claude Roche
Il est certain que le matérialisme de Marx ne constitue pas la partie la plus convaincante de sa critique de la philosophie hégélienne. La dégénérescence de la thèse de « la conscience comme reflet passif de la matière », dans la « dialectique de la nature » de Engels, qui culmine dans le très faible Matérialisme et empiriocriticisme (Lénine) a déjà été observée, vous le savez sans doute, il y a longtemps par Lukács (Histoire et conscience de classe), Korsch (Marxisme et philosophie), Pannekoek (Lénine philosophe), etc. : loin de dépasser Hegel, on retombe loin en arrière, même avant Kant… Les mêmes ont observé tout ce qu’il y avait de riche dans la critique, pour le coup hégélienne, de l’aliénation et de la réification (l’argent, le capital, une marchandise ne sont pas « une chose mais un rapport social entre personnes déguisé en chose ») ; et qui est finalement incompatible avec le matérialisme.
Mais indépendamment du contenu même de la théorie marxiste, vos deux arguments semblent, en l’état – j’ai noté que vous disiez manquer de temps – , un peu faibles…
1) La thèse de la dématérialisation du travail est une antienne libérale qu’on aurait tort de répéter sans examen. Ne serait-ce que parce que beaucoup de ceux qui l’ont crue en ont notoirement fait les frais : depuis Alcatel qui voulait devenir une industrie sans usine, et qui en est revenue, jusqu’à Enron, producteur d’énergie au départ, puis courtier, puis entreprise de spéculation pure et simple, et qui en a péri pour finir. Ce n’est pas parce que les ouvriers (et les employés) sont devenus invisibles pour la conscience moderne, et pour quelle raison ?, qu’ils n’existent pas. Il faudrait tout de même produire les chiffres de la proportion de la production matérielle/immatérielle dans la production mondiale pour pouvoir soutenir votre affirmation.
2) Quand bien même, en quoi un service, qui suppose tout aussi bien d’être produit, distribué et échangé, ne serait pas une marchandise, cette « chose suprasensible bien que sensible »? Et peut-être même la marchandise par excellence, la marchandise qui fait vendre toutes les autres marchandises ? En quoi le processus qui aura caractérisé le XXème siècle et par lequel littéralement tout ce qui fait la vie sociale aura tendu à être démembré et transmuté « immatériellement » pour se voir attribuer un prix ne peut pas être qualifié de « marchandisation » ?
Quiconque a lu un peu de théologie a constaté qu’il n’y était généralement pas question de Jésus, de ses valeurs, de son message, etc., mais de tout-à-fait autre chose, qui peut d’ailleurs être intéressant et/ou intelligent. Pareillement pour quiconque a lu un peu de littérature « marxiste ». Il y est surtout question de l’époque, leur époque, des problèmes qui s’y posaient ; la théologie ou la marxologie ne constituant que le cadre mental autorisé, le langage possible pour les exprimer à ce moment historique-là. Pour autant, la proportion de mensonges et de falsifications délibérés en marxologie n’a pas été minime ou insignifiante, comme vous semblez le suggérer et comme cela peut l’être pour quantité d’auteurs « classiques », puisqu’il s’agissait cette fois de justifier idéologiquement un État bureaucratique à partir d’une théorie qui, par exemple, laissait sans doute prise à la bureaucratisation (cf. les critiques de Bakounine), mais qui était aussi fermement critique de la bureaucratie (justement dans la critique de l’État hégélien).
Pour prendre en exemple un auteur moins polémique, vous savez bien que si le volume de la littérature érudite autour des écrits de Platon ne cesse d’augmenter d’années en années, 2500 ans plus tard – pour s’en tenir à une simple constatation matérielle ( 😉 ) – ce n’est pas parce que les commentateurs antiques, ou renaissants, étaient des menteurs et des falsificateurs, mais parce que ses écrits sont suffisamment riches pour permettre de reposer à nouveaux frais de nouvelles questions, pour l’époque et à partir de l’époque.
Et ne faites-vous pas la même chose avec Locke ?…
Justement parce qu’il a « réussi », ou a eu l’air de réussir, le marxisme ne peut être occulté : qu’ont trouvé tous ces gens, et pas seulement ces nombreux commentateurs intéressés ou pas, dans ces écrits ? Accuseriez-vous des centaines de milliers de spécialistes d’imbécillité aveugle ?
Qu’on puisse le lire sans exclusive, et enfin le critiquer sans risquer l’oukase ou la Sibérie, voilà au moins ce que l’on aura gagné par la fin de « l’expérience soviétique ». Qu’on doive le faire, parce qu’il aura été tributaire des valeurs de son temps et en fait aussi contaminé les théories les plus libérales du nôtre, c’est ce qu’il me semble entreprend de faire Paul, sans exclusive je le répète.
Décidément Claude Roche, je ne pourrais pas être d’accord avec une telle mécompréhension de KM !
La matérialisme n’est pas une thèse philosophique qui énonce qu’il n’existe que des choses matérielles !
Le matérialisme énonce que la matière et les relations pratiques entre les hommes sont la base explicative de toutes réalités, y compris des IDEES (les majuscules sont de moi, pour montrer mon agacement !).
Que je sache les relations pratiques entre les hommes peuvent être abstraites… mais elles sont quand même une partie de la base explicative matérialiste. Les idées sont abstraites ou concrètes et trouvent leur base explicative dans la matière et dans les rapports sociaux : les contradictions entre la base et les idées, les contradictions dans la base (capital-salariat) font cette richesse de la pensée, du devenir matériel des humains et de leurs idées.
Que les informations, les données soient dématérialisées cela n’en fait pas des Idées platoniciennes, cela en fait des courants électriques, des électrons en mouvement, des différences de potentiels et des courants magnétiques, toutes choses parfaitement matérielles ! Qui ne prennent un sens (abstrait) que par la lecture qu’en fait le cerveau humain éduqué !
A jouer sur le sens de mots, on n’aide personne à comprendre le monde, l’économie politique encore moins.
claude roche dit :
« Partant de là la question que l’on doit poser à MARX est d’abord la suivante : est-ce que ses théories sur le travail sont transposables dans cet univers économique. Il suffit alors d’ouvrir le capital à sa première ligne : « le monde économique se présente sous la forme d’une immense accumulation de marchandises » pour se rendre compte que la réponse est NON . Pour le paraphraser, le monde d’aujourd’hui se présente sous une forme croissante de SERVICES et de transactions sur des « biens » immatériels »: y compris au sein des entreprises dans le rapport du capital au travail). Le travail est immatériel Il ne faut alors pas être un grand philosophe pour voir que tout l’ensemble de la construction de Marx s’effondre alors du fait de son ontologie naturaliste . »
Pour l’instant les échanges mondiales (15 000 MdD en 2006) portaient pour environ 80% sur les marchandises et 20% de services marchands.
Il est clair que nous ne pouvons pas reprendre tels quels les théories de Smith, Ricardo et Marx au sujet de la valeur des services car pour eux ils’agissait essentiellement de services rendus à la personne (butler, servante etc)
Mais on peut retenir le principe que seul un objetqui permet de stocker de la valeur dans la durée peut avoir une valeur d’échange.Et évidemment les classiques n’excluaient nullement le travail du cerveaux de la catégorie origine de valeur
« le monde économique se présente sous la forme d’une immense accumulation de marchandises » pour se rendre compte que la réponse est NON . Pour le paraphraser, le monde d’aujourd’hui se présente sous une forme croissante de SERVICES et de transactions sur des « biens » immatériels »
En quoi les services ne seraient-ils pas des marchandises ?
S’il faut simplement se référer à la solidité de la chose pour décréter qu’elle est, ou non, une marchandise, on comprend mal, alors, pourquoi Marx aurait énoncé la notion de force de travail-marchandise.
Il me semble, à moi, que la marchandise est d’abord un rapport social, ce qui permet de comprendre que dans cet « échange » d’un bien ou d’un service contre de l’argent, c’est toujours celui qui paye qui est le dindon – mais il est vrai que je n’ai pas travaillé au CNRS.
http://poj.peeters-leuven.be/content.php?url=issue&journal_code=RPL&issue=2&vol=102
Revue Philosophique de Louvain
Volume 102, issue 2, Mai 2004
Introduction: Qu’est-ce qu’une société libre? Qu’est-ce qu’une citoyenneté libératrice? Ce qui reste de l’horizon marxiste – ARNSPERGER, Christian
Reconstruire le « Capital » pour reconstruire la théorie de la société moderne – BIDET, Jacques
Comment renouveler la critique de l’économie politique? Une démarche « pro-constructive » au delà de Marx – ARNSPERGER, Christian
Que pouvons-nous reprendre de la méthode de Marx pour définir un critère d’exploitation – LIVET, Pierre
…
Si ça peu aider…
@meri Bidet était dans mon groupe de recherche : en 20 ans il a été incapable de répondre à mon travail qu’il connaît et a même publié !
« Pourquoi dialoguer avec Marx ? »
Et Bien déjà parce qu’il avait raison et cela bien longtemps avant les autres. Alors c’est très bien de chercher à le dédiaboliser.
D’ailleurs ceux qui ont cherché à le diaboliser, ne sont ils pas les mêmes que ceux qui sont en train de nous mettre dans la panade. C’est en tous les cas les mêmes théories.
Mais pourquoi diaboliser Marx encore Aujourd’hui ????
Avait-il découvert quelque chose de si terrible ????
Et si oui qu’est ce qu’il avait découvert qu’est ce qu’il a écrit pour avoir été mis au banc de l’humanité pendant plus de 100 ans.
Je ne parle pas des conséquences ou plutôt des événements dont on dira qu’il en est responsable.
mais alors vous parlez de quoi ?
@ Paul Jorion
Me sentant quelque peu visé par votre affirmation selon laquelle certains d’entre nous ne vous ont « pas du tout compris », j’ai essayé de mettre un peu d’ordre dans mon esprit. Après réflexion, je persiste à penser que votre tentative de dépassement de Marx en refusant son approche « bourgeoise » et sa réification subséquente des salariés n’est pas aussi radicale que vous semblez le croire. Si l’on peut critiquer la démarche statique de Marx et lui trouver tel ou tel défaut structurel, comme en témoigne sa notion du prolétariat comme « donné » physique, je ne vois pas en quoi votre report de la considération de celui-ci à un stade ultérieur — déterminé par le surplus dégagé au niveau du prix de vente, fruit du « rapport de force », d’abord, si je vous suis bien, entre vendeur et acheteur, et ensuite entre les diverses parties prenantes de l’entreprise (investisseurs capitalistes — y compris les marchands, pardon! –, entrepreneurs ou managers, et salariés) recevant leur part de surplus, change véritablement la donne. Il est même permis de se demander si la réification de la masse des salariés chez Marx n’est pas remplacée par votre propre réification, non moins « bourgeoise », des relations entre lesdites parties prenantes. Si je ne m’abuse, les catégories auxquelles elles appartiennent sont comme figées, et, par conséquent, incontournables.
Evidemment, en un certain sens, ces catégories existeront toujours. Les investisseurs, qu’ils soient privés (libéralisme) ou publics (étatisme), resteront la source des capitaux, l’entreprise aura toujours besoin de managers sachant organiser la production, des marchands seront toujours sollicités pour mettre en vente les produits de l’entreprise sur le marché, et enfin, la main-d’oeuvre fera toujours le « travail » de production. Il n’en reste pas moins que si ces catégories ne sont pas sérieusement interrogées quant à leur « essence », au bout du compte on n’aura pas progressé d’un pas. Car les investisseurs feront toujours le pari de la rentabilité, après un certain temps de réalisation, de leur mise de fonds initiale, les managers feront un pari du même ordre conditionnant l’existence de leur « profit », et les salariés ne travailleront jamais que dans l’espoir d’obtenir un revenu de leur travail. Dans ces conditions, peu importe que, par quelque artifice comptable (ou philosophique?), on reporte les frais engagés par les investisseurs du temps T (frais de production, intérêts et profits éventuels, masse salariale) où ils entrent véritablement en jeu, à un temps T+1 où ils seraient matérialisés comme composantes du « surplus » éventuellement généré.
De toutes ces catégories, seule celle des capitalistes est « libre ». Elle peut choisir d’investir et éventuellement de cesser d’investir si le retour sur investissement s’avère, à ses yeux, insuffisant, et les autres parties prenantes dépendent de cette décision. Pour que cette liberté soit partagée, il faudrait que les entrepreneurs et surtout les salariés s’approprient celle des capitalistes, ou, dans le meilleur des cas, que ces derniers acceptent par bonté d’âme de la partager. Dans un monde idéal, cela est peut-être concevable, mais alors il faudrait que se produise une sacrée révolution (a minima: des consciences)! Je ne sache pas que vous en formiez clairement le voeu. Il y a peut-être là une espérance secrète de votre part, mais je n’en ai pas personnellement été informé, en tout cas!
Il s’ensuit que, alors que Marx, bille en tête, prend le parti d’une telle révolution, fût-ce au prix de présupposés et d’erreurs de perception imputables à sa méthode « bourgeoise », vous préservez les catégories susnommées dans leur rôle respectif, sans doute par irénisme et par horreur de ce qui est advenu de la révolution d’octobre. On sent à plein nez l’influence de Bernstein (personne respectable, et même admirable par bien des côtés car il est allé jusqu’au bout de ses convictions, y compris face à une Allemagne guerrière). C’est peut-être une coïncidence… mais j’en doute.
Pour en revenir à nos moutons, tout dépendrait donc du rapport de force entre les catégories engagées dans le processus de production (et de consommation), et de lui seul, le modèle étant celui de la relation entre acheteur et vendeur? Imagine-t-on ce qu’il adviendrait des capitalistes (retrait de leurs billes), des entrepreneurs (démission) et des salariés (révolte), si ce rapport de force était défavorable? Qui garantirait la stabilité des prix puisque le rapport de force serait mouvant?
Sur la question de la séparation entre travail (devenu bénédiction) et revenu, je ne vois pas par quelles richesses ce dernier pourrait être gagé. S’il existe d’autres sources de revenu que le surplus généré par les entreprises productives, j’aimerais bien les connaître.
@schizosophie
Sans vouloir entrer dans une polémique stérile par rapport à l’oeuvre de Marx, je me range plutôt du côté de la critique libertaire qui met davantage en avant l’importance des relations sociales avant celles du mode de production lui-même dans le sens où le mode de production est le résultat direct des relations sociales et non l’inverse. Mettre le mode de production lui-même en avant c’est mettre en avant un impensé, la chose brute, un rapport de force consommé dans la chose, la marchandise, alors que partir des relations sociales c’est partir du sujet (l’homme), riche de toutes les contradictions sociales quant à ce mode de production et d’existence. En assumant clairement la subjectivité relative au mode de production, on se donne la possibilité de penser le monde ainsi que la possibilité sociale de le changer. Si le monde du travail est défait aujourd’hui face à la toute puissance des spéculateurs, c’est aussi parceque le système a réussi à déstructurer les relations sociales au point où il est devenu impossible pour la plupart de les penser, de les concevoir. Cette déstructuration est l’oeuvre de la marchandise qui s’impose de plus en plus comme un impensé, avec comme soutient les justifications d’experts en tout genre qui nous disent pourquoi il est juste que le monde tourne comme il le fait. Je vois mal comment aujourd’hui que la pensée critique est au fond du trou (dans la société), on puisse la réssusciter par le recours à cet impensé qu’est la marchandise, ce pur rapport de force gagné par les possédants. Ce que j’apprécie dans la présentation des revenus comme surplus est que cela met en évidence les groupes sociaux qui s’approprient la production voir l’appareil de production lui-même selon leur propres nécessités et non pas celle d’un rapport de domination consommé. Autrement dit il y a dans l’approche sociale du système économique quelque chose en plus que dans l’approche économique (constatative) c’est l’energie que les individus mettent ou peuvent mettre pour modifier l’organisation de la production. Cette énergie n’est présente dans aucun bilan des revenus et ne peut l’être. L’approche économique et sa part marxiste part d’un cadre restreint, objectif, calculé au plus juste et renvoie chaque individu à sa propre part calculée et donc en définitive le renvoie bien sagement à sa place. J’y vois une des raisons pour laquelle le marxisme s’est si bien prêté à toutes ses dérives bureaucratiques.
@(K)arl
Votre intervention est très dense et mériterait certainement un commentaire plus riche que celui qui va suivre. Avant de commencer je tiens à préciser quelque chose quant à la forme de mes interventions dans le présent billet qui n’est sans doute pas évidente pour tous les lecteurs. Si j’ai cité Marx à tire-larigot ce n’est pas pour balancer des vérités à la manière dont un témoin de Jehovah balancerait des psaumes. Il y a trois raisons à cela. La première est que je veux, avec d’autres dont JeanNimes, Communisation et sans doute vous-même, contribuer à traverser quelques interprétations (d’ailleurs pas seulement contemporaines, certaines étant rémanantes depuis 150 ans) qui font écran au texte lui-même. La deuxième étant ma détermination pour que tous considèrent les enjeux mis en oeuvre dans la volonté de « dialoguer avec Marx » afin qu’il devienne évident que ceux-ci ne sont pas mondains mais qu’il s’agirait de dépasser le mode de production capitaliste par l’abolition définitive du salariat. La troisième étant que la relation entre Marx et Aristote peut être très fructueuse pour autant qu’on en inverse la perspective proposée par M. Jorion. Il s’agirait non pas de voir Marx au travers d’Aristote, mais plutôt de voir Marx comme Marx voit Aristote, et à cet égard l’usage que Marx fait d’Aristote dans le Capital nous permet de comprendre comment une pensée peut en dépasser une autre tout en la creusant.
J’en viens à votre intervention en deux temps : d’abord une critique ensuite une réflexion.
A la fin de votre intervention, à propos du Marx objectif et calculateur, vous vous trompez, mais c’est une confusion on ne peut plus répandue. Marx n’est ni un comptable, ni un économiste, ni un zélateur du mode de production capitaliste qu’il ne critique pas comme un « critique de la critique critique » dont il se gausse dans l’Idéologie allemande. Il critique fondamentalement l’économie politique qui sert au capitalisme d’idéologie, disons de religion laïque ou de transcendance dictatoriale de la mesure et il combat le rapport salarial dont il veut l’abolition. C’est pourquoi il ne cherche pas, entre la valeur du temps de travail moyen nécessaire et celle du surtravail, une mesure qui serait un point d’équilibre et ferait tenir le système. Ce point d’équilibre est l’arlésienne des économistes lecteurs de Marx, et des marxistes comme des capitalistes assumés. A cet égard vous avez bien raison de rappeler « les dérives bureaucratiques », mais précisément ces dérives sont l’oeuvre de ceux qui ne veulent ni l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes ni l’abolition définitive du salariat. Elles sont aussi celles des syndicats institutionnalisés qui se contentent d’exiger une juste rétribution. Mais, ce point d’équilibre n’existe pas et c’est la raison fondamentale des crises. Le capitalisme est substantiellement critique, il vit à crédit, gloutonne le vivant pour se rééquilibrer en avançant comme une folle mécanique toujours en voie d’amplification. D’où sa modernisation morbide. Et Marx sait bien que ce point n’existe pas, il montre une contradiction, qui est la faille perpétuelle de ce mode production, laquelle le persuade qu’il s’agirait d’en sortir. Certes l’enjeu est dramatique : « socialisme ou barbarie ». Il est vrai que ce qui s’est appelé socialisme ou communisme fut une barbarie, mais cela avait le point d’équilibre inexistant comme point de fuite. Marx en critique d’ailleurs les prémisses, sinon toutes, dans Le Programme de Gotha et d’Erfurt.
La relation que vous mettez en place entre mode de production et subjectivité est très intéressante. Mais il me semble qu’elle est interférée par une persistance des lectures althussériennes, lesquelles, au gré d’un scientisme assez peu scientifique, ont exagéré la polarité sujet/objet. Le sujet dont parle Marx, lorsqu’il s’agit des producteurs, est à la fois un sujet assujetti, un sujet libre et sujet affranchi (mais seulement potentiellement). Plus précisément, il est assujetti en tant que sa liberté n’est que celle de vendre sa force de travail, ou de crever. Il est autrement assujetti que le serf ou l’esclave (et pas forcément plus libre sous tous les rapports, au moins certains esclaves étaient affranchis et le serf disposait parfois de ses moyens de production et de son temps, mais de plus en plus rarement jusqu’à devenir paysan puis salarié ou chômeur), mais au moins est-il, en droit, un individu. En droit mais pas en fait, ou si peu. Pour réaliser ce droit, il lui faut s’affranchir des conditions sociales qui l’aliène. Mais ces conditions sociales ne sont ni strictement économiques ni strictement objectives, elles dépendent des différentes formes d’assujettissement opérée par le règne de la valeur d’échange et de la capacité de chacun à ne pas se comporter comme une marchandise, ce qui est possible et réel jusqu’à un certain point. A cet égard, il s’est bien produit un dépassement de l’analyse de Marx. Mais ce fut un dépassement qui prolongea son analyse. C’est le thème de « la réification », repris de l’analyse marxienne du « fétichisme de la marchandise » qu’il s’agirait de mettre en question. Et là, nous débordons en effet le cadre de l’économie politique. Mais n’allons pas trop vite, pour le déborder, d’abord il faut le parcourir dans sa totalité.
Je ne crois pas que la pensée soit tellement « au fond du trou (dans la société) », après tout n’affleure-t-elle pas sur ce blog (qui certes n’est qu’un blog), lorsqu’on s’en donne la peine ?
Je ne sais pas s’il faut dialoguer avec Marx , mais parmi sa production immense , parfois confuse (passage du socialisme au communisme?), parfois contradictoire (le parti représente-t-il le prolétariat ou est il déjà l’embryon de la prise de pouvoir de l’Etat – cf rupture avec Bakounine ), il est un fondement primaire qui est aujourd’hui à mon sens totalement ébranlé : selon Marx le prolétariat prend conscience de son exploitation …et de son rôle historique , quand il se rend comte que le capital n’existe que par l’exploitation de la force de travail . Le capital est repéré comme dépendant de la » classe ouvrière » ( notons au passage qu’aujourd’hui , si le prolétariat s’accroit , la classe ouvrière disparait , les classes moyennes et même un peu plus se prolétarisent aussi , les grands bourgeois sont les traders , les amuseurs publics, les marchands de prothèses de toutes natures y compris génètiques , numériques ou de vidéosurveillance …).
Pour moi c’est bien ce postulat de base qui est pris en défaut aujouird’hui : le capital n’a plus besoin ( ou presque) de la classe ouvrière et de son travail pour prospèrer .
Et je n’ai pas encore la certitude que l’évolution travail/revenu proposée par Paul Jorion ne soit pas plus une façon de redonner du sens au capitalisme que du bon temps au prolétariat .
Pour le coup Paul Jorion serait l’illustration que , ayant participé de la classe économique dirigeante , il s’en serait approprié sans s’en rendre compte l’idéologie , que Marx taxait d’idéologie bourgeoise , cette idéologie bourgeoise justifiant ses intérêts de classe et de monopole en « produisant » un système culturel global qui préserve toujours ceux ci . C’était la critique de l’idéalisme et de l’illusion » version Karl .
Je reste donc avec deux interrogations avec Marx :
1- le capital n’a plus besoin du travail ouvrier ( celui ci n’a plus barre sur lui )
2- j’ai besoin d’une idéologie qui ne soit pas « bourgeoise » , mais d’une idéologie quand même .
Ces deux questions m’intéressent et sont à mon sens, profondes. Alors je vais tenter de préciser comment je les entends :
1/ Je crois que KM a écrit deux mille pages pour expliquer comment le capitalisme est pris dans une tenaille de fer : d’un côté il ne peut exploiter la survaleur que s’il a des salariés (plus il en a, plus il peut extraire de la survaleur), de l’autre plus il a de salariés, plus cela lui coûte cher (prélèvement sur le profit, je rappelle que profit est différent de survaleur).
Ainsi KM décrit le capitaliste partagé entre thésaurisation et avance de son capital pour le faire circuler (le capitalisme ne peut gagner d’argent que s’il fait circuler son capital).
KM décrit aussi comment le rêve du capitaliste c’est de produire de l’argent sans le risquer dans la production et la marchandise car il peut ne pas retrouver sa mise initiale majorée.
Ce sont les fameuses équations A-M-A’ avec A’ = A + delta A, soit A’ > A, sinon le capitaliste garde son argent et ne produit aucune marchandise (M) et l’autre qui est le fantasme du capitaliste : A-A’, l’argent produit plus d’argent tout seul.
Les économistes bourgeois vulgaires qu’on entend tous les jours dans les médias disent « création de valeur à la bourse ».
Attention ! KM montre que c’est une illusion totale, A’ n’est pas A + intérêts sans que quelque part il y ait des salariés qui produisent de la survaleur. (Au passage, je confirme qu’il y aurait une grave erreur que de mettre au compte de KM la dénonciation qu’il fait du fonctionnement « inhumain » du capitalisme en supposant qu’il est d’accord avec ça ! Il n’a cessé de dire qu’il fallait connaître la bête pour parvenir à la tuer.)
Ce qui fait une bonne transition pour la deuxième question (plus complexe).
2/ KM s’est battu de 1844 à sa mort à propos de l’idéologie et des représentations (pour ceux que cela intéresse, ils peuvent se reporter au livre d’Isabelle Garo : « Marx, une critique de la philosophie » où elle montre les diverses étapes et les renversements que produit KM pour arriver à une compréhension plus scientifique de ces notions qui n’ont donc pas le même sens ni la même portée quand les lit dans le jeune Marx, celui de la maturité et celui de la fin de sa vie.)
Ainsi, je me sers de ce travail d’Isabelle Garo (qui est la responsable de la publication en français -enfin – de l’ensemble de l’oeuvre de KM) pour dire que, oui, nous ne pouvons pas nous débarrasser d’un coup de l’idéologie (comme on le ferait d’une théorie erronée par une autre démontrée) et que nos représentations sont toujours dépendantes de notre époque et que pourtant par travail théorique, réflexion et analyse des faits concrets, il est possible de se détacher au moins partiellement des représentations qui sont directement induites par les rapports sociaux dans lesquels on se forme.
La science est bien entendu un élément décisif pour parvenir à nous détacher des formes phénoménales (apparentes) des choses et pour trouver les rapports profonds et contradictoires (donc abstraits) de la réalité, pour en rendre compte par du « pensé concret ».
Le mouvement critique est donc partagé en plusieurs phases : fausse abstraction qui nous fait croire que « la rose est une fleur » pour trouver en fait que « la rose est l’organe reproducteur du rosier » et donc que la rose apparaît à un moment donné avec des formes qui évoluent, et qui entrent en rapport avec le pollen d’autres roses transporté par des insectes… etc., dans la vie du rosier pour en permettre la reproduction : nous arrivons là au pensé concret qui nous rapproche de la réalité singulière de tel rosier dont il va falloir encore expliquer le développement au fil des années, en tel lieu sous tel climat, sans oublier la taille de l’horticulteur, etc.
Alors, il me semble clair que nous ne pourrons pas dire que nous n’avons pas de représentations en partie dépendantes de la réalité des rapports sociaux et donc du mode production actuel.
Toutefois dans l’effort d’en avoir une représentation la plus juste possible nous pouvons faire surgir une compréhension de la réalité qui nous permette de dépasser cette réalité : c’est le fameux « mouvement communiste comme changement réel de l’état des choses par dépassement du capitalisme… »
(Cette pensée profondément matérialiste, dialectique et historique lève un grand nombre des contradictions de Hegel… ne nous ramène pas avant lui… et surtout permet de comprendre pourquoi Althusser qui cherchait à récrire Marx sans faire appel à la dialectique est passé à côté des aspects les plus aigus de la pensée marxienne.)
@Jean Nîmes :
Bien que vos deux développements me paraissent un peu académiques ( mais Scizosophie rappellerait avec raison que lorsqu’on se recommande d’un auteur il faut bien le connaître et ne pas le trahir ), je crois les avoir compris .
Mon propos n’était pas de mettre Marx en accusation ( j’en serais bien capable tant son oeuvre est riche et fondamentale et mes propres prises de têtes trop épisodiques) , mais simplement , à mon petit niveau , d’exprimer en quoi ce que je connais de ses principaux écrits , ce que j’ai pu voir ce qu’en ont fait ceux qui s’inspiraient de lui ( souvent en trompe-l’oeil), et surtout , ce que je perçois de la « crise » en cours en interrogation de ses analyses , me laissent en souffrance d’avenir .
Karl Marx a été sans doute le premier ( et peut être à ce jour le seul à ce jour) à tenter , même si ça n’était pas son objectif conscient et affiché , une compatibilité entre la notion de démocratie (même si ça passe par une phase de dictature du prolétariat) et la notion de marché ( On me pardonnera marché au lieu de Capital , car contrairement à Paul Jorion , je ne dissocie pas complètement Capital , économie de libre échange , et libéralisme ) : sa réponse a nom : Communisme .
Celui ci ayant échoué ( les puristes accuseront les praticiens de Lénine à Mao – mais Mao a-t-il échoué?) , j’ai besoin ( pas vous ?) d’une utopie , d’une idéologie , ou même pour faire plaisir à Karl d’une théorie scientifique ou d’un matérialisme économique ( M’en fous !) qui n’abandonnent pas la place au seul marché comme c’est en cours et qui nous conduit à la déchéance humaine ( ou citoyenne , m’en fous !) .
Je cherche la « Force » à opposer au marché pour que la démocratie ( le bon temps individuel et /car collectif ) reprenne le pouvoir , car cette force n’est plus selon moi dans le prolétariat qui peut tout à fait se trouver bien ( peu de temps) d’une dictature .
On a lu ici des propositions sur les réseaux courts , les réseaux d’échanges gratuits , des formes ( vagues) de protectionnisme , sur la gouvernance mondiale , sur la monnaie , sur l’Europe et son apport historique , sur le rôle des Etats , sur l’identité nationale , sur les initiatives citoyennes , sur….
Tout ça ne forme pas encore une machine lisible , donc formant projet politique ni par sa cohérence ni par les niveaux territoriaux .
Alors oui , ça vaut la peine de trouver un fils à Karl Marx .
OOps ! lire : « … j’en serais bien INcapable …. »
… en considérant les salaires comme « frais de production », Marx reprend à son compte la représentation « bourgeoise » du processus de production
Cette critique serait à mon avis justifié si par ailleurs Marx ne considérait pas que les salaires ne rémunèrent qu’une partie du travail(ou plusprécisément de l’emploi de la force du travail)
Dire que les salaires font partie des frais de production est un simple constat factuel.Avec d’autres couts il faut les déduire de la somme des valeurs crées lors du processus de production pour calculer le profit.
Mais dire que lorsqu’on a réglé ces salaires on a payé la totalité de la mise à disposition de la force de travail et que ce qui reste de valeur a réaliser après déduction des salaires et de la consommation du capital constant constitue la juste rémération du capital et/ou du capitaliste, c’est cela la vision bourgeoise du proces
Réponse à schizosophie 15 janvier 2010 à 19:29
[Je vous prie de noter que le mot « valeur » n’est jamais employé dans cette traduction particulièrement élégante de Bodéus. À mon humble avis, employer le mot valeur dans une traduction d’Aristote est un anachronisme. Même remarque pour le mot « besoins ».
Marx se trompe complètement, Aristote n’a jamais traité de « la valeur ». C’est d’ailleurs ce que pense Paul Jorion. Ce concept est un invention moderne due à Smith me semble–t-il (qui disait d’ailleurs « valeur échangeable » et non pas « valeur d’échange ». Pour Turgot, « prix » et « valeur » sont encore des mots équivalents. JPV]
Aristote
Ethique à Nicomaque,V, 9
Aristote, Ethique à Nicomaque,
trad. Richard Bodéüs, Flammarion, 2004
9. La justice dans les transactions.
9.1. La justice n’est pas simple réciprocité.
Certains par ailleurs sont d’avis que c’est la réciprocité tout simplement qui constitue la justice. Ainsi prétendaient les Pythagoriciens, puisque leur définition identifiait simplement ce qui est juste et ce qui rend à autrui ce qu’on en a reçu.
Or l’idée de réciprocité ne s’accorde avec la définition du juste ni dans le cas de la justice distributive ni dans le cas de la justice corrective, bien qu’on veuille encore faire témoigner en ce sens la conception de la justice selon Rhadamanthe : » Si l’on subit ce qu’on a fait, la justice trouvera son compte » Dans bien des circonstances en effet ce principe est en désaccord avec la justice : par exemple, si c’est le détenteur d’une magistrature qui a frappé, il ne doit pas être frappé en retour et, si l’on a frappé un magistrat, on ne doit pas être seulement frappé mais encore châtié. De plus, la différence entre l’acte commis de plein gré et celui qui ne l’est pas importe beaucoup.
9.2. La réciprocité proportionnelle : ciment de la Cité.
Mais il reste que, dans les associations qui sont faites pour les échanges, la cohésion tient à ce genre de justice, même si la réciprocité veut qu’on rende en proportion et non selon le principe d’égalité.
C’est en effet parce qu’on retourne en proportion de ce qu’on reçoit que la Cité se maintient. Tantôt, en effet, les citoyens cherchent à faire payer le mal, sans quoi ils paraissent avoir une attitude d’esclaves ; tantôt, ils cherchent à rétribuer le bien, sans quoi il n’est pas entre eux de transaction possible. Or c’est la transaction qui les fait demeurer ensemble.
C’est précisément pourquoi ils érigent un sanctuaire des Grâces bien en vue de tous, de façon à susciter la rétribution, parce que celle-ci est le propre de la reconnaissance. On doit en effet offrir ses services en retour à celui qui nous a fait une grâce et réciproquement prendre l’initiative de gestes gracieux.
9.3. Comment échanger proportionnellement ?
D’autre part, ce qui fait l’échange proportionnel, c’est la conjonction de termes diamétralement opposés : mettons un bâtisseur A, un cordonnier B, une maison C et une chaussure D, il faut donc que le bâtisseur [A] reçoive du cordonnier [B] son travail à lui [D] et qu’il lui donne en retour le sien [C].
Par conséquent, si tout d’abord se constate l’égalité proportionnelle des choses et qu’ensuite la réciprocité se réalise, la justice dont on parle sera accomplie. Sinon, l’égalité disparaît et il n’y a plus de partenaires. Rien n’empêche en effet le travail de l’un des partenaires d’être supérieur à celui de l’autre. Il faut donc les rendre égaux.
9.4. La monnaie rend les biens échangés commensurables.
Or c’est vrai aussi dans le cas des autres métiers. Ils seraient en effet supprimés depuis longtemps si ce que le producteur produit en quantité et en qualité n’était pas précisément ce dont le bénéficiaire éprouve le besoin en quantité et en qualité. Car ce n’est pas entre deux médecins que se forme une association d’échange, mais entre un médecin et un agriculteur, c’est-à-dire, plus généralement, entre des personnes différentes et qui ne sont pas égales, mais qu’il faut mettre sur pied d’égalité.
C’est pourquoi il faut que soient en quelque façon commensurables toutes les choses qui s’échangent. Et c’est à cela qu’est venue servir la monnaie, qui devient une sorte de moyen terme, puisqu’elle constitue la mesure de tout. Si bien que, évaluant aussi l’excès et le défaut, elle permet alors d’établir combien de chaussures équivalent à une maison ou à de la nourriture.
Or le rapport du bâtisseur au cordonnier doit être tel nombre de chaussures pour une maison ou de la nourriture, car sinon, il n’y aura pas d’échange ni d’association entre eux. Et il n’y en aura pas si les choses échangées ne sont pas égales d’une certaine . façon. Il faut donc qu’un certain étalon permette de tout mesurer, comme on vient de le dire plus haut.
9.5. Le besoin : véritable étalon des échanges.
Mais cet étalon, en vérité, c’est le besoin, lequel assure la cohésion de tout dans la communauté. Car si l’on n’avait pas de besoin ou que celui-ci n’était pas semblablement partagé, ou bien il n’y aurait pas d’échange dans le premier cas ou bien dans le second, il ne serait pas ce qu’il est.
La monnaie d’ailleurs est devenue une sorte de substitut du besoin, à titre conventionnel. Et c’est pour cela qu’elle porte ce nom de » monnaie » [en grec : nomisma], parce qu’elle tient, non pas à la nature, mais à la loi [en grec : nomos] et qu’il ne tient qu’à nous d’en changer et de la retirer de l’usage.
9.6. L’égalisation doit précéder l’échange.
Il y aura donc réciprocité dès l’instant où les choses [C et D] auront été rendues égales, de telle sorte que ce qu’est l’agriculteur [A] au cordonnier [B] soit ce qu’est le travail du cordonnier [D] au travail de l’agriculteur [C]. Cependant, il ne faut pas mettre les choses sous forme de proportion après que les personnes ont procédé à l’échange, sinon les deux excès se trouveront dans le second extrême ; il faut le faire quand elles sont en possession de leurs biens propres. Ainsi elles sont à égalité et elles entrent en relation parce que cette égalité-là peut leur être appliquée : l’agriculteur est A, la nourriture C, le cordonnier B et son travail égalisé D. Et si, dans ces conditions, la réciprocité n’était pas possible, il n’y aurait pas d’association.
9.7. Les besoins, la monnaie et la stabilité des échanges.
D’autre part, ce qui montre que le besoin assure la cohésion comme une sorte d’unité, c’est que si les partenaires n’ont pas besoin l’un de l’autre, si tous les deux ou l’un des deux n’éprouvent pas de besoin, il n’y a pas alors d’échanges entre eux comme il y en a quand quelqu’un demande ce qu’on a personnellement, par exemple du vin, en nous accordant une exportation de blé. Il faut donc créer ici une égalité.
D’autre part, pour l’échange futur, dans l’hypothèse où maintenant l’on n’a besoin de rien, l’assurance d’avoir ce dont on aura besoin le cas échéant se trouve dans la monnaie qui est une sorte de garantie à notre disposition, car on doit, si l’on apporte de l’argent, pouvoir en retirer quelque chose.
Certes, la monnaie subit aussi la même fluctuation que les besoins. Elle n’a pas en effet toujours un égal pouvoir d’achat. Mais malgré tout, elle tend à plus de stabilité. C’est pourquoi tout doit avoir un prix établi, car c’est la condition pour qu’il y ait toujours possibilité d’échange et, partant, d’association.
La monnaie donc constitue une sorte d’étalon qui rend les choses commensurables et les met à égalité. Sans échange en effet, il n’y aurait pas d’association, ni d’échange sans égalisation, ni d’égalisation sans mesure commune.
9.8. Convention monétaire et troc.
À la vérité donc, il est impossible de rendre les choses commensurables vu qu’elles sont tellement différentes, mais en fonction du besoin, on peut y arriver de façon satisfaisante. Aussi doit-on disposer d’une certaine unité qui soit fixée par hypothèse (d’où l’appellation de monnaie), car c’est elle qui rend tout commensurable. Tout peut en effet se mesurer en monnaie : si une maison correspond à A, dix mines à B et un lit à C, A est la moitié de B si la maison est évaluée à cinq mines, autrement dit, il est égal à cinq mines, tandis que le lit, c’est-à-dire C, est la dixième partie de B. On voit pourtant combien il faut de lits pour égaler une maison, c’est-à-dire cinq. Or de toute évidence, c’est ainsi que l’échange s’opérait avant l’existence de la monnaie car il n’y a aucune différence entre échanger cinq lits contre une maison et offrir pour elle le prix de cinq lits.
Il y a vraiment de quoi être admiratif de la façon dont Aristote pense ensemble le besoin, l’échange et la justice.
Si Aristote revenait parmi nous, après qu’on lui eût expliqué les quelques sophistications supplémentaires de l’actuelle économie et finance, il n’aurait pas eu grand mal à diagnostiquer le mal qui ronge notre monde en crise à la lumière des concepts économiques fondamentaux qu’il a posé .
Tout d’abord le besoin qui est au fondement des échanges économiques a une origine sociale : si nous avons besoin des choses c’est parce que d’autres font ce que nous ne faisons pas nous-mêmes. Exit donc l’homo oeconomicus des besoins individuels générés hors de tout contexte social. Aristote précise d’ailleurs que le besoin fluctue. L’étalon des échanges ce sont donc les besoins. Le rôle de la monnaie est de permettre de rendre les choses échangées commensurables. Comme l’avait vu Paul, la monnaie n’est donc pas premièrement une réserve de valeur. L’argent ne représente pas une valeur, mais renvoie primitivement à l’évaluation de besoins, par définition, sociaux.
Le principe sur lequel fonctionne l’échange c’est la réciprocité, autrement dit la nécessité de chacun des acteurs économiques d’être en capacité de pouvoir échanger ce qu’il a avec ce que d’autres n’ont pas et réciproquement. Le point important dans tout le raisonnement d’Aristote étant que l’égalisation doit précéder les échanges. Or aujourd’hui si l’on observe le fonctionnement réel de l’économie, on s’aperçoit que les échanges produisent des inégalités immenses et surtout que ces inégalité sont en réalité produites par une impossibilité massive des échanges.
En toute hypothèse c’est qu’il n’y a pas eu d’égalisation avant les échanges. Qu’y a-t-il de commensurable en effet entre ce que produit le travail d’un salarié moyen et le travail d’un trader ou d’un patron du cac 40 ? Pratiquement rien. Il n’y a pas de bases matérielles pour établir un lien de proportionnalité quelconque entre le besoin du salarié moyen et le besoin du trader ou du grand patron du CAC 40. Le trader vend-t-il sur un marché ce qu’il a « produit » , en échange de ce que produit le travailleur salarié moyen de sorte que leurs produits dont ils avaient originellement la possession ont permis d’assouvir dans la même proportion les besoins respectifs des deux parties ? Evidemment non.
A rebours des théories qui fond de la marchandisation à outrance des liens sociaux la source du mal qui ronge nos sociétés, Aristote, et Paul Jorion à sa suite, pensent qu’au contraire c’est parce qu’il n’y a pas suffisamment de marché de biens et services commensurables en termes de besoin qu’il n’y a pas de justice.
AInsi je comprends mieux à présent le raisonnement de Paul qui consiste à délier la question du travail de celle du revenu. Le problème ne se situe pas au niveau de la rétribution d’une activité salariée mais, en amont, au niveau de l’échangeabilité des biens et /ou services produits. Logiquement le salaire n’est plus alors un frais de production comme le pensait Marx pour lequel le salaire traduit un lien objectif entre marchandise et salarié notamment au travers de la mesure d’un temps de travail pour produire la marchandise. Le salaire c’est seulement le prix qu’on paie sur un marché du travail. Marx dé-socialise la notion de besoin en faisant de la marchandise une pure abstraction. De même il pose les prémisses d’une organisation scientifique du travail qui lie travail et marchandise. C’est le rapport social qui pourtant produit cette abstraction et non les contraintes technico-temporelles qui président à la fabrication des objets.
S »il n’y a pas de base matérielle et sociale pour établir une réciprocité c’est qu’il n’y a pas d’égalisation possible entre le travail du travailleur (salarié) moyen et le travail du trader ou de patron du CAC 40. Sur aucun marché ce que produit le travailleur salarié ne peut équivaloir à ce que « produit » le trader. Il faut donc penser des produits et services qui répondent à de réels besoins, et qui soient échangeables parce que d’abord ils sont réciproques.
Aristote ne parlait pas d’écologie pourtant son économie politique implique nécessairement la prise en compte de celle-ci cela parce qu’il ne peut y avoir de réciprocité proportionnelle dans les échanges si ces échanges ne sont pas accessibles au plus grand nombre dans la Cité, ce qui constitue « le ciment de la cité ». Bien entendu Aristote excluait de sa réflexion les esclaves, car celle-ci visait les citoyens libres et égaux, il nous suffit alors de rectifier et d’étendre le champ d’application de sa réflexion à tous les humains de notre terre.
@ J-P Voyer
Vous soulevez un véritable problème de traduction, mais vous en induisez de fausses conclusions quant au raisonnement de Marx.
C’est Voilquin qui traduit par « en valeur », ce qui, certes, peut introduire une déplorable confusion tant est polysémique la notion de valeur. Mais elle est due à mon possible mauvais choix du traducteur de Aristote, pas à Marx.
Marx parle d’égalité entre les choses et de principe d’équivalence en citant Aristote. En français, par Jules Roy, cela donne « 5 lits = 1 maison » « ne diffèrent pas » de » 5 lits = tant et tant d’argent. » L’original de Marx donne ceci :
« 5 Polster = 1 Haus » (« Κλίναι Ï€Îντε αντί οικίας »)
« unterscheidet sich nicht » von:
« 5 Polster = so und so viel Geld »
(« Κλίναι Ï€Îντε αντί…όσου αί Ï€Îντε κλίναι »)
Marx ne se trompe pas à propos d’Aristote. Aristote « traite de la valeur » en un sens bien précis, il s’agit de commensurabilité et de support de valeur, pour lui : la monnaie. C’est précisément parce que Arisote ne traite pas de « la valeur » comme une substance fétiche qu’il intéresse Marx. La question sous-jacente est : comment tout peut-il être équivalent à n’importe quoi ? Et le problème tient à l’évolution historique de cette forme équivalent. Marx affirme que Aristote a compris quelque chose d’important à propos de la forme de la valeur, et soyons précis, de la forme équivalent, qui tient au rôle de la monnaie. Marx cite Aristote à propos de la forme équivalent pour signaler qu’il met en question la notion de commensurabilité et découvre la monnaie comme support de valeur (ce qui a tout de même à voir avec « la valeur »). Lorsqu’il y a confusion entre valeur et support de valeur, lorsque le support prend ou perd de la valeur, il y a instabilité, voire crise, monétaire. Mais ce n’est pas ce problème, la chrematistique, connu depuis belle lurette, et réhabilité par M. Jorion avec son projet d’ »interdiction des paris sur les fluctuation des prix », que Marx aborde. Marx cite les égalités avancées par Aristote à propos de « 5 lits = » au passage de son étude sur la forme valeur (pas sur la valeur) pour élucider le leurre que constitue la valeur d’échange et faire ressortir le support de valeur plus réel que la monnaie sur lequel s’appuie le mode de production capitaliste. Ce support c’est le temps de travail moyen nécessaire.
Son analyse va si loin qu’elle affecte même la valeur d’usage du travail, rétribuée par l’utilisation du temps comme unité de mesure. Si d’un côté la valeur d’usage du travail est utilisée comme une valeur dans le rapport salarial, donc dans le contexte économique qui existe, et impose aux producteurs l’état de marchandises qui valorisent les autres ; elle est, d’un autre côté, un usage sans valeur, autrement dit une instance d’ordre qualitatif à laquelle les considérations quantitatives imposent ses contraintes mais dont il pourrait être possible de s’affranchir. C’est ainsi que le travail est tout sauf libre dans le mode de production capitaliste, mais que cette aliénation n’est pas fatale.
Quant à la manière dont Marx use des notions de « valeur d’échange » ou de « valeur d’usage », il est évident que Marx ne les crée pas, il les reprend effectivement des économistes classiques (Smith, Ricardo, notamment, mais aussi bien d’autres) qu’il critique : des centaines de renvois dans le texte et en notes l’attestent. Que ces économistes classiques aient été influencés par la chrematistique d’Aristote n’est pas non plus un secret ni un malheur, mais contrairement à Marx, ils n’en prolongent pas le raisonnement, ce qui implique une critique de la mesure, et donc de la commensurabilité, et une dialectique entre les notions de quantité et de qualité qui dépasse la relation entre les choses.