Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Vous avez dû noter – peut-être avec un malin plaisir – où la réflexion des jours derniers nous conduits : si on veut sortir de la crise sans retomber dans une logique de croissance à tout crin, il faut que nous stoppions la fuite en avant permanente qui épuise la planète et qui débouche toujours à terme sur de la surproduction. Pour cela, il faut séparer la question des revenus qui nous sont nécessaires pour acheter des biens de consommation, de la question du travail. Il faut réexaminer le travail comme une question en soi, comme l’activité humaine nécessaire pour produire marchandises et services authentiques sans qu’elle soit automatiquement celle qui nous procure les revenus qui nous permettent de consommer.
Quand je dis marchandises et services « authentiques », je veux dire ceux que nous n’achetons pas simplement sous l’influence du « consumérisme », cette idéologie qui a été inventée pour repousser artificiellement les limites de la surproduction et qui n’est en réalité qu’un effort de propagande poussant à davantage de consommation et qui, dans la mesure où il réussit à nous persuader, permet que l’on produise plus qu’en son absence.
Séparer travail et revenus permet d’envisager les choses dans la perspective de l’An 2000 tel qu’on l’imaginait encore dans les années cinquante : où le travail, devenu rare dans un monde où la productivité croît grâce à l’automation, n’est pas une malédiction mais au contraire une bénédiction.
Ma démarche est différente de celle de Marx mais elle se situe au sein de la même tradition que la sienne, et ceci pour une raison très simple : parce que je considère comme sans grand intérêt la « science » économique qui a été produite après la mort de Marx, quand s’achève la tradition des économistes de l’âge d’Or de la pensée économique : le XVIIIe siècle, dont les théories sont d’inspiration sociologique plutôt que psychologique comme ce sera le cas ensuite, et dont le dernier grand représentant est David Ricardo.
C’est pourquoi j’ai voulu examiner ce qui diffère très exactement entre ce que j’ai écrit ces deux ou trois dernières années et ce qu’on trouve chez Marx. L’une des différences porte sur sa définition du capital – j’y reviendrai ultérieurement – et l’autre sur l’identité des grands groupes sociaux impliqués dans la production et dans la distribution
D’abord un rappel. Pour qu’une marchandise puisse être produite, des avances doivent être consenties, en argent, en matières premières, en outils, etc. auxquelles vient se combiner le travail humain. Une fois la marchandise produite, elle est vendue une première fois (sur un marché « primaire ») et la différence entre les avances et le prix de vente constitue un surplus : ce surplus est partagé dans un premier temps entre capitaliste et industriel, qui reçoivent, le premier, les intérêts et le second son profit et, dans un second temps, l’industriel redistribue le profit entre lui-même et ses salariés. Les termes de cette redistribution sont déterminés par les différents rapports de force entre les parties : rapport de force entre capitaliste et industriel dans un premier temps, rapport de force entre patron et salariés dans un second temps.
Marx distingue comme grands groupes impliqués dans les processus économiques, les capitalistes qui possèdent le capital et les prolétaires, qui louent leur force de travail. Je distingue de mon côté quatre groupes : 1) les salariés qui sont en gros ceux que Marx appelle les prolétaires, 2) les « capitalistes » de Marx se redistribuent pour moi en trois différents groupes : a) les marchands qui veillent à la distribution des marchandises et ponctionnent au passage un profit marchand, b) les dirigeants d’entreprise, ou industriels, ou entrepreneurs, qui touchent un bénéfice, qui est la part du surplus qui leur revient une fois payés les salaires de leurs salariés et versés les intérêts à ceux qui leur ont consenti des avances, qui constituent eux c) le groupe des investisseurs, ou actionnaires, ou « capitalistes » proprement dits.
Marx considère que le salaire des salariés constitue un élément du même ordre que les avances en argent ou en matières premières en provenance du « capitaliste » : il en fait, dans ses termes, l’un des « frais de production ». Il écrit dans « Travail salarié et capital », un texte rédigé en 1849 : « … ces frais de production consistent : 1) en matières premières et en instruments, c’est-à-dire en produits industriels dont la production a coûté un certain nombre de journées de travail, si bien qu’ils représentent un temps de travail déterminé ; 2) en travail immédiat qui n’a d’autre mesure que le temps. » (Marx 1849 : 210).
On peut répondre à cela que si les salaires font partie des frais de production, pourquoi ne pas considérer aussi comme frais de production les intérêts qui reviennent au capitaliste ou bien encore le bénéfice qui va à l’industriel ou « entrepreneur » ? Si c’était le cas, la notion de frais de production ne se justifierait plus puisque la somme des frais de production ne serait rien d’autre en réalité que le prix de vente de la marchandise sur son marché primaire, celui où – comme je l’ai rappelé – la marchandise, le produit fini, est vendu pour la première fois.
Or, cette manière différente d’envisager les « classes », les groupes constituant nos sociétés dans la production et la distribution, n’est pas sans conséquences : ce n’est pas du tout la même chose de considérer les salaires comme une des composantes des frais de production ou comme des sommes qui reviennent à l’une des trois parties en présence dans le partage du surplus. Chez Marx, les salaires sont un facteur objectif, un « donné », tout comme le prix des matières premières, alors que dans ma manière à moi d’aborder le problème, les sommes qui seront allouées comme salaires constituent une part du surplus, et leur montant reflète en réalité le rapport de force entre les salariés et leur patron.
Je dirais donc que chez Marx, les salaires sont « réifiés », et je veux dire par là qu’ils sont considérés comme une donnée objective au même titre que le coût des matières premières nécessaires à la production, alors que pour moi, ils constituent une part du surplus et leur montant se détermine en fonction d’un rapport de force.
Il me semble qu’il y a du coup une certaine radicalisation dans ma manière de voir les choses par rapport à celle de Marx, et qu’elle se révèle par le fait que les revendications des salariés pour obtenir une meilleure rémunération ont un sens dans le cadre tel que je le définis, puisqu’elles sont susceptibles de modifier le rapport de force entre leurs patrons, les dirigeants d’entreprises que sont les industriels ou « entrepreneurs », et ces salariés, alors que chez Marx, on ne voit pas pourquoi ces revendications pourraient faire une différence, les salaires ayant la même objectivité, la même « solidité » que le prix des matières premières par exemple.
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Karl Marx, Travail salarié et capital, [1849], Å’uvres de Karl Marx. Économie I, La Pléiade, Paris : Gallimard, 1965 : 199-229.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
180 réponses à “Où se situent les salariés ?”
Merci car c’est une critique pertinente de Marx, et qui a des implications déterminantes. D’autres ont exhumé des erreurs de Marx (parmi lesquels J. Bidet, pointant notamment la nécessité de garder la liberté de choisir entre économie dirigée et économie de marché).
Ceci dit pour qui considère la propriété de l’outil de production, il est logique dans un premier temps de parler de profit plutôt que de coût de fonctionnement, puisque le propriétaire ne considère pas son profit comme un coût pour l’entreprise.
Mais le profit est bel et bien un coût pour l’entreprise, d’ailleurs Aron avait tenté de chiffrer ce coût dans les « 18 leçons sur la société industrielle » …disant qu’il était modeste, bien sûr 🙂
Marx a aussi raté l’occasion de dire ce que je ne cesse de répéter à savoir que l’argent ne vaut que parce qu’il manque, et que l’argent est marchandise. Plutôt que de faire des romans sur les homards et sur Hegel, dans son chapitre 1 du capital. Evidemment son chapitre eut été plus court.
Le problème avec le travail, c’est qu’à l’époque de Marx et de l’industralisation des nations, le travail était la fierté, la force mais aussi un moyen de pression (par les grèves) des ouvriers et des classes moyennes sur les capitalistes, alors qu’aujourd’hui, à cause de la mondialisation, le travail est devenu un moyen de pression (de chantage) des « capitalistes » sur les ouvriers, classes moyennes et même les intellectuels (je ne vais plus revenir sur les origines : traité de Maastricht -Uruguay Round,… de ce désastre). C’est pour cela qu’un protectionnisme est nécessaire, tant qu’il n’y a pas d’équivalence des conditions de travail et des salaires avec les autres pays avec lesquels on fait du commerce.
Tiens, serait-ce le retour de Ricardo ? Du moins, faut-il le comprendre ainsi dans votre dernière phrase.
Dans la mesure où les théories de Ricardo (oeuvre-maîtresse : The principles of politic economy and taxation, 1817) ont servi de base à la politique économique de la Grande-Bretagne du 19ème siècle (Ricardo était pour le libre-échange et contre le protectionnisme) et étant donné la misère qui en a découlé (aussi bien en Grande-Bretagne que dans les colonies), je ne préconise en aucun cas le retour à ces principes. Dans la situation actuelle, je suis plutôt favorable à un protectionnisme au niveau des continents.
C’est bizarre mais à chaque proposition vraiment non utopique de « changement » me semble associée la mort du « droit de propriété ».
Ce serait pour de bon un changement de paradigme tellement grave qu’il ne s’envisage qu’après de très graves évènements mondiaux.
Pour le coup un nouvel ordre mondial succèderait à l’actuel.
@TArtar Sur la propriété
Je pense que cette question mériterait d’être creusée, à l’évidence. Mais où faut-il mettre le curseur, là encore, entre la propriété collective et la propriété individuelle, entre la connaissance publique et la propriété intellectuelle (sur ce dernier point je pense qu’il faudrait la supprimer, mais sans doute parce que je n’ai rien à perdre en la supprimant: si j’avais inventé le « fil à couper le beurre », et déposé un brevet dessus, j’y tiendrais sans doute).
Cordialement, Bruno Lemaire.
@BL
C’est amusant de voir comme vous produisez exactement la même « erreur » que Marx lorsqu’on aborde la question de la propriété.
Lorsqu’on parle de propriété collective dans une opposition (supposée) à la propriété privée, on parle en fait d’alternatives méthodologiques distinctes, mais fondées sur un postulat unique: L’existence de la propriété en tant que telle sans autre alternative (TINA?). Il me semble que lorsque Tartar évoque une « mort de la propriété », la chose peut aller bien au delà de la seule remise en cause de la propriété privée au bénéfice de la propriété collective, car ce transfert ne correspondrait jamais qu’au principe des vases communicants, c’est à dire à la dynamique d’un « fluide » au sein d’un système clos.
Toutefois vous semblez avoir une intuition sur le sujet en évoquant le cas de la propriété intellectuelle. Je vous suggère une piste de réflexion: Le monde du logiciel libre a dors et déjà posé les bases de la notion de « non-propriété » avec les licences dites « copyleft ». Succinctement, on y envisage que les idées n’appartiennent à personne et que par conséquent, tout un chacun soit à même de les développer selon ses propres attentes.
Un autre domaine auquel la notion de propriété pourrait (et devrait, sans aucun doute) être fortement remise en cause: L’environnement. Comme le dit le dicton, « nous n’héritons pas de la terre de nos aïeux, nous l’empruntons à nos enfants ».
Paul Jorion est cité dans cet article de Capital du 12/01:
En dépit des promesses du G20, n’importe qui peut encore ouvrir dans ces pays un fonds d’investissement ou une filiale bancaire et les faire fonctionner en dehors de toute réglementation. «En dehors des beaux discours, les chefs d’Etat et les banquiers centraux n’ont rien fait pour éviter la formation de nouvelles bulles», résume avec amertume l’économiste Paul Jorion, de l’université de Californie.
Plus loin….
En réservant, par exemple, les marchés de matières premières aux seuls négociants, industriels et autres spécialistes des secteurs concernés. «Il est tout de même aberrant qu’on autorise toujours les hedge funds à y semer la pagaille», s’irrite Paul Jorion.
In
http://www.capital.fr/enquetes/economie/au-secours-les-bulles-speculatives-reviennent-468898/(offset)/4
C’est bidon : je n’ai parlé à personne de Capital.
Si l’on s’intéresse à la genèse du surplus, il me semble qu’on oublie certains acteurs en ne prenant en compte que les 3 catégories de Paul:
– L’état (comme dit très justement par Fab) qui fournit des services (routes, formation des salariés, sécurité, etc.) et prélève sa part sous forme d’impôts et de taxes.
– Les fournisseurs, sans qui la transformation en marchandise ne pourrait avoir lieu et qui prélèvent également leur part.
– L’environnement à qui en dernier ressort on soustrait toujours quelque chose.
Tous ces acteurs prélèvent leur part sur ce qui est obtenu de la création et revente des marchandises, selon les rapports de force complexes qui les relient. J’inclue l’environnement car on voit que le rapport de force qu’on a toujours perçu très largement en la faveur des 5 premiers acteurs est en train de s’inverser à toute vitesse…
Notons que le surplus dans ce cas est plus défini comme le résultat obtenu par la mise en commun des ressources (temps de travail, argent, ressources écologiques et minières, services de la communauté, etc.) minoré par le coût de ces ressources. Ajouter l’environnement dans l’équation conduit certainement à un surplus négatif pour la plupart de nos activités actuelles. Le seul apport extérieur étant à priori l’énergie solaire et les rendements de conversion étant ce qu’ils sont, il n’est pas évident de dégager un surplus positif.
Maintenant, la question posée par Paul est plus centrée sur les salariés et plus particulièrement sur leurs revenus et leur mode d’attribution que sur la genèse du surplus.
D’où proviennent les revenus? De la répartition du surplus. Soit. Sur quels critères sont-ils attribués? Sur les rapport de force entre les 3 acteurs (6 si on rajoute les 3 dont je parle plus haut) à l’origine du surplus. Très bien.
Maintenant, sur quels critères ces revenus devraient-ils être attribués? On peut traduire cette question à mon sens par la question suivante: quels objectifs doivent poursuivre cette attribution?
– La survie du salarié par la satisfaction de ses besoins vitaux.
– L’accroissement de son bonheur (Une sorte de surplus du surplus, appliqué au seul salarié).
– L’homogénéisation de la distribution des capitaux.
– Le maintien d’une motivation forte à faire correctement son travail. Le bâton seul marche mal, il faut également la carotte!
Afin de répondre à ces différents objectifs, j’avais proposé dans un post précédent (là si je ne me trompe pas dans le lien… ) de lier les revenus d’un individu (ceci étant plus large que le seul salarié) aux facteurs suivant:
– Sa capacité à travailler (variable qui doit être dominante lorsqu’elle est proche ou égale à zéro)
– La valeur ajoutée par son travail (variable dominante lorsque la première est suffisamment élevée).
– Le coût de la vie dans son environnement.
– Le ratio entre le plus haut et le plus bas salaire dans son environnement (variable destinée à lisser la courbe et interdire les trop fortes disparités, dominante lorsque le revenu est très élevé ou très faible)
Cela me semble toujours d’actualité…
@Tchita qui propose, le 14 janvier 2010 à 14:31
« de lier les revenus d’un individu (ceci étant plus large que le seul salarié) aux facteurs suivant:
– Sa capacité à travailler (variable qui doit être dominante lorsqu’elle est proche ou égale à zéro)
– La valeur ajoutée par son travail (variable dominante lorsque la première est suffisamment élevée).
– Le coût de la vie dans son environnement.
– Le ratio entre le plus haut et le plus bas salaire »
Cette proposition a le mérite d’être concrète, et donc éventuellement testable, au moins dans une zone d’activités donnée (mesdames et messieurs les présidents de région, actuels ou futurs) , pensez-y.
Seul gros bémol: je ne comprends pas le point sur « sa capacité à travailler ». Explications bienvenues 😉
Bien à vous, B.L.
@ Bruno Lemaire
Le point qui concerne la capacité à travailler m’a été aimablement suggéré par une remarque de Dissonance (cf lien dans mon post précédent) car initialement je cherchais à quantifier la valeur ajoutée par les individus et à la relier à leurs revenus. Il m’indiquait qu’ainsi j’excluais tous les « non productifs », malades, handicapés, chômeurs, retraités de la distribution! Evident, certes, mais ça va mieux en le disant.
L’idée est donc de prendre en compte le fait qu’un individu qui ne peut apporter grand chose en terme de production de surplus à la société puisse lui aussi avoir le droit de vivre dignement!
Je rejoins là je pense votre idée d’un revenu minimum de dignité.
@BL
Tout est dans le lien proposé par Tchita – il renvoie à la discussion à l’origine de cette proposition – J’avais proposé de façon lapidaire de considérer la situation des 4 catégories sociales suivantes: Vieux, nourrisson, malade, chômeur, dans la perspective énoncée par Paul Jorion d’une dissociation entre travail et revenus.
Pour des raisons qui sont propres à chacune d’elles, ces catégories d’individus sont dans un état de productivité faible ou nulle, autrement dit elles sont dans l’incapacité de travailler. Tchita avait suggéré la consommation comme étant une productivité indirecte, cependant il faut y opposer le fait que celle-ci ne soit possible qu’en présence de revenus: Or si les revenus sont essentiellement conditionnés par le travail, de fait ces catégories fondées sur le postulat qu’elles ne travaillent pas les exclu fatalement du phénomène de consommation – Leur productivité directe ou indirecte reste alors faible ou nulle – un cercle vicieux en somme.
Évidemment ce raisonnement repose sur une vue de l’esprit dans laquelle on ne suppose pas de système de protection sociale préalable. Je dois d’ailleurs remercier Tchita de s’être prêté de si bonne grâce à cette petite réflexion.
@Tchita
Cf. paragraphe ci-dessus 🙂
Pour rebondir sur le dernier élément de votre contribution (http://www.pauljorion.com/blog/?p=5861#comment-47264) dont nous rediscutons ici, la question que vous soulevez d’un investissement initial de l’individu est effectivement épineuse, puisqu’elle renvoie à la question non moins problématique de l’égalité entre citoyens: Il ne faut pas oublier que cette dernière est réputée s’appliquer en droits, mais aussi en dignité. Ce second élément est trop souvent évacué du débat car très (trop?) complexe à mettre en œuvre.
Le constat est du même ordre que précédemment: Certains individus disposent de moyens (intellectuels ou matériels) préalables qu’ils peuvent alors investir, mais d’autres n’en disposent pas – ou, de façon plus nuancée, chacun ne dispose pas de moyens équivalents. En toute rigueur, il conviendrait alors, si l’on s’en tient à la notion d’égalité telle que définie dans la DDHC, qu’une telle disparité ne soit pas préjudiciable aux uns ou aux autres.
On devrait alors envisager un processus de « lissage » de cette disparité, à moins d’envisager purement et simplement de proscrire toute possibilité d’investir, mais cette alternative ne me paraît pas souhaitable pour la raison que vous avez évoqué si je ne m’abuse, d’un risque de nivellement par le bas de la qualité du travail.
>Dissonance
En effet, cette notion des moyens initiaux, physiques, intellectuels ou matériels est problématique.
Je n’avais pas inclus les moyens matériels investis (i.e. la fortune initiale de l’individu) car cela serait entériner le fait qu’on doive gagner de l’argent simplement parce qu’on en a déjà. Nous parlons là de salaire et pas des « intérêts » tels que définis par Paul. Sur ce dernier point le débat est loin d’être clôt, le coeur de nos problèmes actuels résidant dans la disproportion entre ces revenus du capital et de ceux qui n’en disposent pas. En tout état de cause, des mesures visant à redistribuer plus efficacement (notez que je ne parle pas de justice mais d’efficacité) le surplus ne feront pas l’impasse d’une modération des revenus du capital. L’interdiction des paris sur les prix me semble une piste des plus intéressantes, mais à voir si cela suffit.
Bref, je laisse l’aspect fortune personnelle de côté pour ce qui est de la définition du revenu de l’individu.
En ce qui concerne les disparités physiques, il existe déjà en France un système permettant d’évaluer le degré de handicap d’un individu. Il est certainement perfectible, mais sur le principe il me convient.
Restent les disparités intellectuelles autres que les handicaps (qui peuvent être traités comme les handicaps physiques quant à leur évaluation).
Là difficile de trouver un indicateur fiable. Le QI (hum…)? Le degré d’étude? J’imagine que l’investissement d’un individu qui passe ses plus belles années de jeunesse à étudier plutôt qu’à faire la fête doit être récompensée car sinon peu nombreux seraient ceux qui en prendraient le chemin. Si ce paramètre est tempéré par les autres cités plus haut, pourquoi pas? On trouve bien dans la plupart des grandes entreprises des grilles de salaire à l’embauche fonction de l’école dont sortent les nouveaux salariés.
Les droits de l’homme ne me semblent pas en opposition avec tout cela. L’égalité en dignité se traduirait à mon avis par une partie fixe du revenu égale pour tous sur laquelle viendrait se greffer d’autres rémunérations liés à tous ces autres facteurs. Est-il juste qu’un tétraplégique gagne moins qu’une personne qui travaille? Sans doute pas, mais je le répète, ce n’est pas la justice que je recherche ici, mais l’efficacité. La justice est que chacun puisse vivre dignement. Cela doit être pris en compte, mais ne saurait être le seul facteur pris en compte.
>Bruno Lemaire
J’ai lu votre proposition (assez rapidement je l’avoue) de RMD et Je la trouve effectivement intéressante. Toutefois, je serais curieux de savoir comment vous êtes parvenu à ce ratio d’un quart de la richesse nationale pour la contribution? Est ce valable pour tous les pays quels que soient leur niveau de développement et de popultion? J’ai un doute. Ca me semble tout de même très prometteur.
Franchement, Paul, je ne suis pas votre raisonnement (peut-être suis-je obtus…). En quoi Marx réifie-t-il les salariés? Parce qu’il les considère comme du capital « variable », en sus du capital « fixe » que constituent les matières premières, outillages et machines nécessaires à la production? Pour lui, dites-vous, cette situation des salariés est un « donné », une simple composante des frais de production. Mais ces salariés sont d’emblée engagés dans un rapport de force avec les actionnaires et les entrepreneurs: ces derniers s’efforcent de « trouver » des salariés sur le marché du travail; s’il y a pléthore de salariés, leur coût initial, pour le capitaliste, baissera d’autant plus qu’il lui sera possible de mettre les salariés en compétition les uns avec les autres. S’il y a pénurie de salariés, leur coût augmentera proportionnellement à la part de capital réservé à l’achat des matières premières, machines, etc. Il va sans dire que, dans la grande majorité des cas, le rapport de forces est défavorable aux salariés. Ce ne sont pas eux qui prennent les décisions, ils sont une « variable d’ajustement », ce que Marx avait bien perçu. Si cette variable est trop élevée, le capitaliste établira son usine ou les locaux de prestation de ses services dans un lieu où cette variable est minimisée. Je ne vois pas comment, dans le système capitaliste, il serait possible de contourner ce phénomène. Les délocalisations des entreprises dans des pays à main-d’oeuvre bon marché sont là pour le prouver.
Sur la question du « surplus » décomposé selon vous en intérêts (pour le capitaliste) et en profit (pour l’entrepreneur, après attribution aux salariés de la part qu’il est en mesure de minimiser en fonction du rapport de forces), je ne vois pas non plus comment ceci peut être évité dans le système capitaliste. L’activité de production ne vaut pour le capitaliste que si cette activité débouche sur un surplus. S’il n’y a pas de surplus, le capitaliste s’abstient de toute production. Son intérêt étant d’accumuler des intérêts (selon votre terminologie), il fait bien mieux de s’engager dans une « non-activité », par exemple, en augmentant son capital par la spéculation boursière directe ou par tout pari financier tel que celui de hedge funds, si celui-ci lui rapporte davantage qu’une entreprise de production. Que cela mène à l’effondrement de la société « productive » lui est indifférent tant qu’il peut entretenir l’illusion d’arrondir indéfiniment son pécule.
Il s’ensuit que le rapport de forces ne peut être favorable aux salariés que si ces derniers sont en mesure de « dicter leurs conditions » en toutes circonstances, par exemple en menaçant de priver l’entreprise de surplus en refusant de travailler. C’est d’ailleurs ce que font épisodiquement les salariés en se mettant en grève. Mais ce genre de lutte ne peut être que temporaire dans le système capitaliste. Le bien commun, si on le considère équivalent à l’optimisation du rapport de forces en faveur des salariés, ne peut par conséquent être servi que par une « dictature » de ceux-ci, ainsi que l’avait anticipé Marx et que ses disciples bolcheviques ont prétendu réaliser. La même problématique est exprimée par les tentatives d’autogestion des entreprises par les travailleurs, les sociétés coopératives de production, etc., toujours — jusqu’ici — à petite échelle, et sans grandes conséquences néfastes pour le système capitaliste global. Tant que la survie des salariés dépend de leur travail, et qu’ils ne décident pas de son organisation et de sa finalité, je ne vois pas comment il serait possible de faire en sorte que le rapport de forces leur soit favorable.
Que faire, alors? Déconnecter le travail du revenu? Mais, dans ce cas, d’où viendraient les moyens financiers permettant aux salariés de (sur)vivre sans travailler? [C’est notamment la question que je me pose au sujet des propositions de revenu universel faites par Bruno Lemaire.] A mon avis, il n’y a pas de solution à ce problème. Au mieux, dans de telles circonstances hypothétiques, nous en serions réduits à une sorte de « stase » sociale permanente: les individus en âge de travailler ne choisiraient vraisemblablement pas de le faire, et la société ne dégagerait aucun surplus permettant les investissements garants du futur. En revanche, s’il existait une autorité suprême capable de subvenir (je ne sais par quel subterfuge économique ou par quelle opération su saint-esprit) aux besoins fondamentaux de tous, on aurait tôt fait de constater la dislocation du système de solidarité entre les hommes. Quel intérêt auraient-ils à travailler s’ils trouvaient mieux à faire ailleurs? Le « Fais ce que voudras » de l’abbaye de Thélème me paraît en ce sens être une parfaite utopie.
Outre le fait que l’on doit contester avec véhémence la notion que l’on puisse se passer du travail de tous, puisqu’il reste énormément à faire pour parvenir à répondre aux besoins de base de l’ensemble des habitants de la planète (dont plus d’un milliard sont actuellement affamés), ne serait-ce que pour les amener, avec leur coopération et leur implication pleine et entière dans ce processus, à un niveau que nous jugeons acceptable, il me paraît incontournable que la société ainsi « laborieuse » doit constamment générer un « surplus social » afin de préserver ce niveau. C’est bien pour cette raison que l’idée de décroissance me semble être un non-sens. Non à la croissance anarchique et à la prolifération de « biens » de consommation dont nous n’avons que faire, assurément; mais oui, mille fois oui, à une nouvelle conception de la croissance (non capitaliste) permettant d’assurer la survie de tous dans des conditions acceptables et dignes. Je ne sache pas que cela soit réalisable autrement que par le travail, c’est à dire le « travail socialement nécessaire ».
Au vu de ce qui précède, je ne vois pas comment le transfert des salaires de la catégorie biens de production à celle du surplus constitue une radicalisation de l’idée de Marx.
P.S. J’avais déjà des difficultés à accepter la différenciation faite entre les intérêts des capitalistes et la part de « profit » des entrepreneurs dans votre représentation du système tant l’intérêt des uns et des autres, du moins sur le plan idéologique, me semblait quasiment identique. (Il est bien connu que la plupart des managers dépourvus de capital n’ont aujourd’hui qu’une idée en tête: pouvoir se mettre « à leur compte » et se hisser au niveau de leur employeur capitaliste… Ils comptent bien faire appel aux banques dans ce but, tout comme leurs patrons, d’ailleurs.) Mais ne voilà-t-il pas que vous introduisez une nouvelle catégorie, celle des marchands, qui, semble-t-il, ne se comporteraient pas eux-mêmes en capitalistes après avoir lancé leur affaire! Or, eux aussi auraient besoin de biens de production (salariés compris) pour la faire fructifier. En quoi les marchands se distinguent-ils vraiment des capitalistes engagés dans un processus de production? Par le fait qu’ils mettent la main à la pâte, qu’ils sont à la fois capitalistes ET entrepreneurs? Le problème est que cette double fonction est déjà exercée, dans le système capitaliste, par la majorité des capitalistes eux-mêmes.
[complément] … Le problème est que cette double fonction est déjà exercée, dans le système capitaliste, par la majorité des capitalistes eux-mêmes, via les conseils d’administration et les conseils de surveillance. Exemple: Olivier Giscard d’Estaing est directeur général et membre du directoire de Danone. Théoriquement, c’est un gestionnaire « non capitaliste ». Mais il siège dans toutes les commissions soumettant un rapport à l’aval des membres du conseil de surveillance. A ma connaissance, ses recommandations sont quasiment toujours suivies. En quoi a-t-il un intérêt distinct de celui de l’entité capitaliste Danone (qu’il reçoive des stock-options ou soit grassement rémunéré au niveau de son salaire fixe)?
@bruno lemaire
Autrement dit :
192 pays constatent que le même produit alpha se vend avec 192 prix de vente différents .
La production/distribution de cet alpha implique 192 coûts salariaux différents .
Quid du rapport entre ces coûts salariaux et revenus avant et après 192 impôts ?
L’exercice se fera avec matières premières , pétrole , tonne de blé , kwh , puis avec pain , voiture ou paire de chaussures ( Nike bien sûr )
@dag, et la TVA sociale
Bonne question;-)
Il ne s’agit pas de « gommer » toute différence dans les prix de revient, mais, tout en incitant les entreprises à moins délocaliser, à faire en sorte que, sur quelques dizaines d’années (une génération?) les plus grosses disparités sociales et environnementales se soient réduites. Cela signifiera peut être que le niveau de vie « moyen » des pays dit développés aura stagné pendant 25 ans, et que celui des pays émergents aura doublé, triplé, peut être plus encore.
Mais cela signifie aussi, sur le plan sociologique, qu’on envoie un signal fort. On ne peut pas faire n’importe quoi, que ce soit dans les pays « développés » comme dans les pays « émergents ».
Cela enverra aussi un signal aux capitalistes de tous les pays (qui, pour le moment, s’entendent à « tondre » les brebis ou les moutons qui les engraissent).
Renault préfère peut être qu’il y ait encore un certain pouvoir d’achat « populaire » en France que de produire en Turquie des voitures à moindre coût, mais qui ne seront plus achetables en France.. C’était le dilemme relevé par Henri Ford – et théorisé subrepticement par Keynes: si le loup (capitaliste) s’enrichit aux dépens de moutons, il souhaite que ces moutons soient suffisamment gras, au delà même de la simple « reproduction de la force de travail évoquée par K. Marx.
Sur le point précis que « dag » soulève à juste titre: bien sûr, il peut y avoir 192 prix de revient différents. Mais la mondialisation conduit à ce que les prix de vente – incluant les frais de transport et d’autres frais de « mise à disposition » ne soient pas si différents que cela. Pour « Nike », le marketing et les coûts intermédiaires représentent effectivement 90% du prix de vente: mais taxer les coûts salariaux de 300% pourrait permettre de fabriquer ces chaussures – si tant est qu’on veuille les acheter – en France.
Je ne dis pas que la TVA sociale est LA panacée, mais c’est une piste anti-délocalisations que je pense intéressante à creuser, au moins dans le secteur automobile (qui, avec ses différents sous-traitants, représente 10% de l’emploi salarié en France)
Bruno Lemaire.
Un peu triste à l’idée qu’on en soit encore à Marx, la production à l’époque si peu compliquée, la souffrance et la misère si développée faisait effectivement que l’on pouvait se poser sérieusement la question de la lutte des classes pour permettre à la classe ouvrière de pouvoir se nourrir et vivre décemment.
Mettre le travail et le revenu du capital en confrontation c’est ouvrir l’entreprise a une guerre interne totalement contraire à l’esprit de communauté qui doit régner dans une entreprise.
Les achats de produits semi finis sont si importants dans l’entreprise actuelle, par rapport à l’époque de Marx, que toutes ses théories sont mises à mal…
Lorsqu’il y a délocalisation, il y a les salaires qui entrent en jeu mais aussi les achats externes de produits semi-finis…
Lorsque l’on construit une maison, le salaire du maçon est important mais aussi le prix des parpaings entre en jeu et ce prix est fonction des salaires des autres entreprises, bref la délocalisation aspire la délocalisation tout simplement que le problème de l’industriel est de saturé son outil de production pour avoir le prix de revient le plus bas mais aussi d’avoir le prix de revient le plus bas pour tout simplement être concurrentiel…
A travers ces mots juste dire que bien évidemment, le salaire est un élément du poste des charges, rechercher le prix de revient le plus bas passe nécessairement par la recherche du poste salaire le plus bas, ce n’est que des mathématiques…
En fait ce qui est préoccupant dans la situation actuelle, c’est que tout le monde ne cotise pas correctement aux charges de la société…
La charge de l’état c’est son budget, les recettes sont des impots et c’est à ce niveau que se situe le problème de la société actuelle…
Les grandes entreprises échappent à l’impôt par les transferts internes et les paradis fiscaux, la non imposition des hauts salaires et hauts revenus par soucis de compétitions fiscales entre états fait que le système ne peut plus continuer ainsi…
Si les « capitalistes » prélèvent trop, l’imposition permet de rétablir l’équilibre et de retransférer aux démunis, on appelera ce revenu de transfert comme on veut …
En fait nous vivons en société et nous refusons d’en assumer notre propre part, voilà l’équation à résoudre, que chacun selon ses capacités participe à l’entretien de la société…
Ce me semble et compte tenu de la séparation et de la concurrence des états, on ne peut actuellement espérer trouver une solution de ce type, sans doute aurait-on pu essayer de faire cela en Europe, trop tard maintenant sans doute mais pas désespérer…
Sans doute aujourd’hui il serait bon que des théoriciens de la vie en société apparaissent et non des économistes du capitalisme et des entreprises… voilà ce sur quoi il serait bon de réfléchir, comment une société peut vivre en assurant à tous ses éléments des moyens de vivre corrects…
Curieusement c’est pas un si gros problème que cela, en France nous avons 3% de déficit depuis 30 ans sur PIB, cela correspond à l’intérêt de la dette, peut être déjà réfléchir à suspendre le paiement de la charge de la dette, ensuite ce n’est pas une somme si énorme, il est vrai que c’est 15à 16% du budget de l’état mais lorsque l’on voit et surtout ce que l’on pressent des détournements de grandes entreprises françaises, on se dit que ce n’est pas une tâche insurmontable…
Enfin et tjs sur ce sujet des économistes, Marx et Keynes, les autrichiens et tous ceux qui comptent et dont on cite les noms régulièrement ici, ils ont tous réfléchis à partir de la situation de l’europe et des USA, culture judéo chrétienne avec des états dont les forces étaient peu différentes et qui avaient les mêmes cultures, envies, rêves et espoirs…
Aujourd’hui un monstre est arrivé, la Chine, les comportements n’ont plus rien à voir avec ceux de l’europe du 19-20 ème siècle, les buts sont différents, les » jaunes » sont protectionnistes par essence, nous sommes libéraux, faire coexister un esprit libéral et ouvert face à un esprit fermé et déterminé….c’est du suicide
Ensuite il faut bien le reconnaitre et nous en sommes tous conscients, on ne peut multiplier la production de la terre par 3, nous étions 1 milliard à consommer le gâteau terre et avec les pays du BRIC on est désormais 3 milliards à vouloir ce gâteau, il me semble évident que la croissance n’est plus une vision réaliste de l’avenir, hors toutes les théories refléchissaient à la croissance ou comment l’entretenir et la maintenir, aujourd’hui c’est évident qu’on n’en est plus là…
Espérer que la Chine consomme demain comme nous est une espérance qui me désole, au delà de la crise et en parallèle se pose le problème de notre TERRE….
@Bourdon,
autant je suis complètement d’accord avec vous sur le fait qu’il est bien triste de s’en remettre aux manes des grands ancêtres, Ricardo, MArx, voire Keynes, autant je ne vous suis pas tout à fait sur le fait que s’en prendre aux « revenus non gagnés » – aux capitalistes – pourrait nuire à l’harmonie qui devrait régner dans une entreprise « performante ». Je crois que ce qui est essentiel pour un bon « esprit d’entreprise », c’est de se sentir reconnu, à la fois « humainement » et « finacièrement ». Je ne pense pas que ce soit le cas à la Société Générale, quand de simples collaborateurs voent ce que gagne un Bouton, j’ai failli écrire un presse-bouton.
Par ailleurs, autant je crois normal, voire, sain, qu’une entreprise essaye d’optimiser sa production, autant il n’est pas mal non plus qu’elle cherche à vendre: s’il n’y a plus d’acheteurs, c’est ennuyeux pour elle, même si ses prix sont serrés.
On pourrait évidemment imaginer une société dans laquelle 1% de la population gagnerait 99% des revenus globaux de la planète. Mais à moins que la production ne soit orientée « produits de luxe », il y aurait un « léger » problème de demande solvable. Si un secteur de biens « de consommation courante » existe, et représente 60% de la production finale, il faut bien que la « consommation populaire » puisse s’exercer.
Mais personne ne nie que le contexte est beaucoup plus complexe que celui entrevu par Marx, et je suis pour ma part persuadé que le concept « lutte de classes » est un peu vieillissant – m^me s’il reste d’actualité en France. Ce que je veux dire par là c’est que ce n’est pas en opposant patrons et ouvriers que l’on sortira de la crise actuelle, mais en diminuant le pouvoir des actionnaires, et en revalorisant le pouvoir d’achat « populaire » – ce qui ne signifie nullement , bien au contraire, de rémunérer aussi le « mérite » du travail (Rassurez vous, pour moi, je ne vois pas de mérite qui justifierait les rémunérations mirobolantes des traders ou autres golden boys, voire des Tiger Woods ou Federer, m^me si, dans ces derniers cas, c’est aussi lié à l’engouement populaire)
Bruno Lemaire.
S’il est une chose qui m’étonne toujours, c’est bien la capacité de certains de parler des erreurs, des insuffisances de Marx sans jamais le citer ou en ne citant que la vulgate de Staline.
En vrac, après lecture diagonale des commentaires précédents :
1/ Non, KM quand il parle du travail abstrait ne fait pas référence un homme (travailleur) statistiquement moyen, il fait très précisément référence à la force de travail évaluée (à qui le capital donne une valeur) abstraitement, c’est-à-dire sans aucune référence aux compétences et habiletés qui renvoient elles aux personnes en chair et en os. La statistique faite par le capital sur la valeur de la force de travail s’obtient pragmatiquement par la concurrence qui sur de vastes ensembles de salariés gomme tous les salaires surévalués et sousévalués pour aboutir à une valeur moyenne d’un temps moyen socialement nécessaire d’exercice d’une force de travail moyenne pour produire une marchandise donnée… mais personne n’est capable de la calculer a priori, elle ne s’obtient qu’a posteriori. KM y consacre des chapitres entiers et je viens d’en donner la formule développée pour couper court aux multiples raccourcis tous plus erronés les uns que les autres.
2/ Non, KM n’avait pas devant lui une situation économique plus simple qu’aujourd’hui… il avait parfaitement prolongé les diverses lois tendancielles du capitalisme de son temps qui souffrait des mêmes tares que celui d’aujourd’hui. Il ne faut pas confondre structure et échelle ! Oui évidemment le marché est plus globalisé que de son temps, mais déjà il notait que pour réduire le coût du capital variable « 3 coolies chinois pouvaient remplacer avantageusement un travailleur yankee » !
Par exemple au LIII, Section III, chap 15, KM note un résumé sur « les faits principaux de la production capitaliste :
1. Concentration des moyens de production en peu de mains ; ainsi ils cessent d’apparaître comme la propriété des ouvriers qui les utilisent directement et se transforment, au contraire, en puissances sociales de la production. Mais, d’abord, ils apparaissent comme propriété privée des capitalistes. Ceux-ci sont les trustees [syndics] de la société bourgeoise, mais ils empochent tous les fruits qui résultent de cette fonction.
2. Organisation du travail lui-même comme travail social : par la coopération, la division du travail et la liaison du travail et des sciences de la nature.
Dans les deux sens, le système de production capitaliste abolit la propriété privée et le travail privé, quoique sous des formes contradictoires.
3. Constitution du marché mondial.
Par rapport à la population, l’énorme force productive, qui se développe dans le cadre du mode de production capitaliste, et l’accroissement des valeurs-capital (pas seulement de leur substrat matériel), même s’il n’a pas lieu dans la même proportion, qui augmentent bien plus vite que la population, entrent en contradiction avec la base au profit de laquelle s’exerce cette énorme force productive et qui, relativement à l’accroissement de richesse, s’amenuise de plus en plus, et avec les conditions de mise en valeur de ce capital qui s’enfle sans cesse. D’où les crises. » Fin de citation.
En quoi ces faits principaux sont-ils erronés et insuffisants pour décrire la situation présente ?
Merci de me le signaler car je suis toujours disposé à comprendre mieux ces questions difficiles.
A propos de difficulté, il faut s’y prendre effectivement à plusieurs lectures pour comprendre la profondeur de la description qui est ainsi faite dans ces quelques lignes et dans le point 3. particulièrement, mais je crois que vouloir comprendre quelque chose à l’économie politique en commençant par dire que KM est un chien crevé qu’il faut laisser au bord de l’histoire n’est pas le bon chemin de la connaissance.
« Aujourd’hui un monstre est arrivé, la Chine, les comportements n’ont plus rien à voir avec ceux de l’europe du 19-20 ème siècle, les buts sont différents, les » jaunes » sont protectionnistes par essence, nous sommes libéraux, faire coexister un esprit libéral et ouvert face à un esprit fermé et déterminé….c’est du suicide. »
Peut-être, Bourdon, la Chine est protectionniste aujourd’hui, parce-que vouloir se hisser à égalité depuis rien entre libéraux… en suivant une stratégie libérale… est suicidaire.
D’ailleurs… nous, en ne pas voulant accepter un protectionnisme raisonnable… poursuivons notre course folle vers le mur d’une façon inexorable.
Un peu d’humour dans ce monde de brutes. Commentaire économique de 14 h. 53, sur un site boursier sérieux:
« Le nombre d’actifs américains effectuant une première demande d’allocation chômage a augmenté de manière inattendue la semaine dernière, mais la moyenne mobile sur quatre semaines est descendue à son plus bas niveau depuis août 2008, suggérant une amélioration des conditions du marché de l’emploi aux Etats-Unis »
Ce que je préfère, c’est l’adjectif « inattendue ».
Quelques flashes sur cette proposition de séparation revenu / »salaire au sens actuel »:
– les deux mots étant différents , il n’est pas illégitime de les considérer sans ménagement .
– à quels problèmes cherche-t-on solution ?
– quels problèmes créée-t-on potentiellement dans la nouvelle vision ?,
– dans cette hypothèse, que se passe-t-il pour le travailleur prolétaire si le bien ou service fabriqué ne peut être vendu même de façon primaire?Il a travaillé « pour la peau » ou bien le capitaliste dans sa grande générosité a-t-il » assuré » auprès d’un capitaliste assureur la production à venir ?
-la solidarité nationale en France est alimentée par nos impôts ( sur le revenu , TVA ,BIC taxes diverses sur entreprises , pas mal de taxes sur salaire, …j’en passe ) Qu’est ce que ça devient ? A l’heure où l’on réfléchit à une remise à plat de l’ensemble de la fiscalité , est ce que votre idée peut être le déclencheur d’autres idées sinon solutions en ce domaine . Nota lourd et d’actualité : le financement des retraites par répartition , par capitalisation ou mixte , est directement impacté par des évolutions aussi dérangeantes .
– je rejoins ceux qui mettraient volontiers à la table des acteurs , la puissance publique institutionnelle et les consommateurs en tant que « clients finaux » .
– Comme évoqué par Louise , la médication vaut -elle pour toutes les natures de biens et services ?
– A défaut de le réifier ne transforme -t-on pas en fait le prolétaire travailleur en capitaliste ( sous races au choix) ? Plus fort que la participation gaullienne !
– l’assiette des ressources nécessaires pour alimenter le RUS ( version Attali ?) reste à définir .
– Comment est calculé le RUS ? Est ce la somme du à chacun part égale et à chacun selon ses besoins ( précision besoin signifie pour moi, par exemple qu’un ménage ayant plusieurs enfants à plus de besoins qu’un ménage qui n’en n’a pas) . Définition de la part égale . Définition des besoins .
– Un état , une nation , voire une confédération peuvent ils instituer de façon solitaire une tel chambardement ? Qu’en dit le BIT ( si ça se trouve il y a déjà eu des cogitations gratte-culs dans ce cénacle ) ?Ce » projet » a -t-il une ambition et une condition sine qua non mondiales ?
Pierre Larrouturou donne un élément de réponse au titre « Où se situent les salariés ? »
Le taux de chomage est maintenu à un niveau *suffisant* élévé pour éviter que les salariés ne puissent utiliser la concurrence entre sociétés au niveau de salaire.
Du coup (P. Larorouturou le situe aux années reagan), la part du salaire dans le partage des bénéfices décroit depuis plusieurs dizaines d’années; et les salariés ont emprunté pour compenser cette baisse de salaire.
http://www.nouvellegauche.fr/blog/2009/09/29/comment-sortir-du-piege/
Hors sujet sauf si il s’agit d’un signe avant coureur de gros changement:
14 janvier 2010 – Grand émoi sur quelques sites US à la suite de la publication par la RAND Corporation, ce 10 janvier 2010, d’un rapport destiné à l’U.S. Army sur la création d’une “National Stability Police Force” (SPF), dont le but serait d’assurer le maintien de l’ordre dans certaines zones où la stabilité serait menacée – y compris aux USA. Il s’agirait évidemment que les forces armées, ou éventuellement des forces de sécurité privées sous contrat des militaires, jouassent un rôle de police et de maintien de l’ordre, avec toutes les tâches qui s’y rattachent. L’on réalise aussitôt tous les soupçons qui peuvent peser sur un tel programme…
Je me permet d’apporter quelques observations afin que le réflexion, souhaitée par Paul Jorion, puisse progresser y compris hors d’ornières fixées d’avance.
Le texte « Où se situent les salariés ? » repose sur certains postulats qui situent d’emblée la réflexion dans un certain type de système économique.
Exemple : « Pour qu’une marchandise puisse être produite, des avances doivent être consenties, en argent, en matières premières, en outils, etc. auxquelles vient se combiner le travail humain. »
Là on situe l’observation dans un contexte où un système financier fournisseur de crédit est en place.
Mais la production et les échanges pourraient fonctionner sans recours au crédit, sans reposer sur des avances.
Illustration :
Le « sauvage » vit dans « la nature » et il s’organise en chasseur : avec des lianes récupérés sur les arbres ils se fabrique des pièges avec lesquels il attrape les animaux.
Il ne consomme pas tout le produit de la chasse et il fournit le surplus en échange de paiement.
Avec les économies il acquiert les moyens matériels pour s’installer un enclos dans lequel il entreprend d’élever les animaux qu’il a attrapés. Le chasseur est devenu éleveur.
Il ne consomme pas toute la production de l’élevage et il fournit le surplus en échange de paiement.
Avec les économies il acquiert les moyens matériels pour s’installer une boucherie, puis une charcuterie, puis il organise la distribution de sa production.
Le chasseur est devenu éleveur, puis artisan ou industriel de transformation puis distributeur.
Il n’a jamais eu recours à « des avances ».
et comme le chasseur ne peut pas tout faire tout seul, il met toute sa famille au travail, puis il attrape quelques « ennemis » pour les réduire en esclavage et les faire travailler dans sa charcuterie; et de fil en aiguille, le chasseur a inventé le capitalisme;
Que cela te plaise ou non, george, l’auto-financement en entreprise, cela existe. De même que des petits qui, comme moi, n’ont jamais contracté la moindre dette en toute une vie. Dans le monde du travail de mes parents, le mépris (sinon le le dégoût) était total, envers les gens qui vivaient à crédit.
Jonathan, en pointant du doigt le fait incontournable, qu’une vie sans « avance » est possible, réduit à néant tous ces ergotages techniques sur « l’argent dette ».
Ou se situent les salariés ?
« On peut répondre à cela que si les salaires font partie des frais de production, pourquoi ne pas considérer aussi comme frais de production les intérêts qui reviennent au capitaliste ou bien encore le bénéfice qui va à l’industriel ou « entrepreneur »
@Paul :
Si l’on prend votre raisonnement au pied de la lettre en considérant que toute marchandise est le produit d’une avance : Un PDG du CAC40 pour justifier ses hauts revenus, n’a de choix que d’augmenter le coût des marchandises à destination du consommateur ou d’augmenter massivement sa production en supprimant le maximum de salariés par l’automatisation des tâches. Ou, s’il s’agit de « service à vendre » le PDG supprimera le maximum « d’entremetteurs» pour empocher ses marges. Le bénéfice, parce qu’il y’a concurrence, s’entretient toujours par la suppression du travail d’autrui.
Jeremy Rifkins dans un essai de la fin des années 90 « La fin du Travail » soulignait la naissance d’un nouveau paradigme dû à l’automatisation massive (conséquence dont nous n’avons pas encore idée à l’échelle d’une génération) : Soit le salarié a un boulot en phase d’automatisation non achevée parce que l’avance sur capital n’a pas été effectuée pour supprimer ce travail (et son revenu ira en s’abaissant), soit le salarié « col blanc » fait parti des cadres techniciens encore autorisés à consommer parce qu’ils ont en charge l’ingénierie technique ou financière du système.
En sus de la situation du salarié dans la production capitaliste, la question subsidiaire est : La politique peut-elle encadrer une société technicienne jusqu’au-boutiste ? La réponse est pour l’instant « non ! ». Les diplômes d’Etat qui sanctionnent notre éducation, mentionnent nos capacités et induisent nos futurs mérites sont par nature utilitaristes et définissent les deux catégories de salariés cités plus haut qui ne sont pas en symbiose : parce qu’à terme les uns ont pour tâche de supprimer les autres.
Ces histoires de délocalisations c’est bien joli, mais cela ne peut durer bien longtemps ou alors…
Supposons, toutes les entreprises sont délocalisées dans les pays émergents, donc baisse des revenus de la population des pays développés qui ne peuvent plus acheter donc à leur tour ils deviennent émergents tandis que les anciens émergents deviennent développés, donc redélocalisation dans les nouveaux émergents, baisse des revenus dans les nouveaux développés qui redeviennent émergents et les anciens développés devenus émergents redeviennent développés etc, etc……………
Ben oui c’est bien sur…
C’est d’ailleurs ce qui fait le bonheur des fortunes qui savent déménager ou vivre dans les paradis plus ou moins fiscaux pour apatrides.
Ces déplacements de leur propre richesse ou/et du malheur des Peuples ne les gêne pas.
C’est bizarre, je n’ai pas vu de mention de Fourier dans le forum.
C’est une utopie socialiste?
Je ne suis pas adepte hein.
Aperçu sous Wikipedia:
La répartition entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif se réalise équitablement grâce à l’existence d’intérêts croisés, du fait même de la participation de chaque individu à de nombreux groupes (effet du libre essor de la passion du changement, la papillonne). Les dividendes attribués au groupe sont ensuite répartis entre les individus qui le composent, en prenant bien soin de s’appuyer sur la cupidité en premier (accord direct), afin que la générosité (accord indirect) puisse s’exprimer ensuite. Sont ainsi constitués trois lots, 5 à 6/12e pour le travail, 4/12e pour le capital et 2 à 3/12e pour le talent (lot dont sont exclus les novices).
Les dividendes ainsi perçus viennent en positif sur le compte de chaque individu (et non de chaque famille, les enfants étant émancipés dès l’âge de 3 ans). Sur ce compte sont inscrits en négatif le revenu minimum annuel garanti à chacun dès l’âge de trois ans révolus, et le coût des biens et services qu’il a obtenus du phalanstère au cours de l’année (costumes, repas, autres fournitures et services …). Le solde positif n’est donc distribué qu’en fin d’année, et seulement à leur majorité pour les mineurs.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Fourier
» Le but d’une entreprise commerciale, c’est de faire des bénéfices. Elles ne sont pas là pour donner du travail, qui n’est qu’un moyen d’y parvenir. » nous dit Jusisan.
D’accord, mais à qui , parmi les membres de l’entreprise, vont les bénéfices ? Pas aux salariés aux salaires de plus en plus faibles et pas aux petits actionnaires, les plus nombreux, aux dividendes de plus en plus minables, qui font partie de cette entreprise mais qui voient de moins en moins la couleur de ces bénéfices . On dirait qu’il n’y a plus que l’équipe de direction qui empoche ces bénéfices toujours croissants sous la forme de primes et de bonus faramineux en plus des dividendes ( même minables) de leurs stocks options. Ce sont les salariés et les petits actionnaires qui n’ont aucun pouvoir décisionnaire qui se font pigeonner .
Une entreprise, ce n’est pas seulement une équipe de direction .
Ou bien on reconnait que les salariés et les actionnaires font partie de l’entreprise et on leur verse leur juste part des bénéfices .
Ou bien, la prise de conscience se faisant peu à peu, et la colère montant, ils vont finir par ne plus jouer le jeu, cesser le travail d’esclave et se barrer en retirant leur billes .
pour une fois,je ne suis pas en desaccord avec votre propos (la premiere fois depuis 30 mois!)
je suis surpris,est-ce moi,vous,nous?
il faut changer de paradigme car,de toute façon,l’automatisation,la robotisation,l’intelligence generale artificielle fera que 5% à 20% de personnes travailleront dans l’avenir (voir 1%)
bruno,le troll du non-profit
bonne année à tous
Tout cela existe déjà dans notre économie : il s’agit des coopératives qui ont l’avantage d’égaliser au mieux les rapports de forces entre les différents groupes tout en faisant partie de l’économie de marché.
à Damien,
Oui, mais à de très rares exceptions près, les coopératives ne fonctionnent pas bien, sauf pendant la période de construction. Ensuite, ce sont les moins-faisants qui prennent le dessus et la structure périclite.
@Fab qui s’interroge, et m’interroge, sur le « déni » de réalité en écrivant, le 14 janvier 2010 à 16:44
« Qu’entendez-vous exactement par « déni de réalité » ?
J’aimerais sincèrement savoir : d’une pour une raison personnelle ( 🙂 ), et de deux parce qu’à observer le monde tel qu’il est, tel que je le vois en tous cas, j’ai comme le sentiment que d’autres chemins peuvent également mener aux pires catastrophes 🙂 ! »
Déni de réalité, c’est affirmer, par exemple, que le seul régime politique qui puisse fonctionner, et qui l’a montré historiquement, c’est l’anarchisme. Ou c’est dire que la « démocratie » à la chinoise peut être un modèle pour les « démocraties » occidentales (je ne dis pas non plus que l’inverse est vrai.
En revanche, je suis tout à fait d’accord avec vous: si on ne fait rien, d’autres catastrophes peuvent très bien survenir, et vont survenir.
J’en profite aussi pour contester ce qu’écrit NingúnOtro pour s’opposer à l’instauration du Revenu Minimum de Dignité. Il écrit à le 14 janvier 2010 à 16:04 @ Mathieu
« Un revenu inconditionnel minimum à lui tout seul… ne ferait que garantir que les esclaves ne mouraient pas d’inanition, et cela aux frais de la communauté, tandis qu’autre-part rien de ce que fait l’impasse d’aujourd’hui ne change. Même pire… on éliminerait toute raison pour que quelque-chose change, »
Ce n’est peut être pas là un « déni de réalité », peut être même au contraire. Mais vouloir la politique du pire, être contre une amélioration certaine du contexte actuel, parce que cela empêcherait ul’avènement d’une nouvelle société, peut être « meilleure », mais beaucoup plus hypothétique me semble mettre la fin – peut être souhaitable – avant les moyens – très discutables eux.
Qu’on me comprenne bien: je ne veux pas réformer le capitalisme (ou plutôt le libéralisme) pour le « sauver »: ce que je cherche à faire, avec beaucoup d’autres, c’est de sauver les victimes, les exclus, les déshérités du système actuel. Je ne cherche pas en faire des « martyrs » pour une cause plus grande. Surtout que, assis devant mon clavier, ce serait bien facile.
Ne jouons donc pas aux apprentis sorciers: amendons ce qui est amendable. Ce n’est que si rien n’était amendable que nous n’aurions plus qu’une alternative: se résigner, ou tout faire sauter.
Cordialement, Bruno Lemaire.
Bruno Lemaire,
Merci.
Ma question est sérieuse, n’en déplaise à certains ( 🙂 ) : considérez-vous comme possible que ce soit votre vision qui constitue un « déni de réalité » ?
Vous parlez de la Chine. Moi aussi : http://www.pauljorion.com/blog/?p=6749#comment-49638
« When I was young, it seemed that life was so wonderful,
a miracle, oh it was beautiful, magical. » et la suite : http://www.youtube.com/watch?v=f6FDvH0b7II
Quant à l’école j’en avais marre d’un jeu, je m’en allais et point. Fini : je jouais à autre chose. Et s’il s’avérait que d’autres en avaient également assez de ce jeu, le jeu s’arrêtait et on passait à autre chose. C’était bien comme ça que ça se passait n’est-ce pas ?
J’ai le sentiment que le nombre de gens qui en ont marre du système actuel ne cesse d’augmenter. Et que les tentatives de se raccrocher au système sous prétexte de sécurité ne revient en fait qu’à repousser l’échéance…avec en prime l’effet de surprise qui elle, et là je vous rejoins, peut laisser la place aux pires catastrophes.
Pourquoi alors ne pas dès maintenant envisager un autre futur, puisque les remèdes qui sont proposés ça et là, s’ils venaient à être utilisés, signeraient l’arrêt de mort du système actuel, celui-ci ne vivant que par et pour les inégalités ?
« When I was young, it seemed that life was so wonderful,
a miracle, oh it was beautiful, magical. »
Que s’est-il passé ensuite ?
@ Bruno Lemaire
Je ne cherche point à faire des martyrs pour une cause plus grande, Bruno, je cherche des choses faisables dans les circonstances actuelles. Vous dites bien amendons ce qui est amendable, et je suis d’accord, mais si le but est de faire que le futur soit un meilleur lieu pour tous… il faut bien analyser ce qu’on changerait, qui cela bénéficierait… mais aussi qui paierait.
Sauf à trouver des moyens pour que les capitalistes et les rentiers contribuent de façon incontournable à la financiation de ce RIM, la charge exclusive reviendra au travailleurs gagnant plus que ce RIM par les impôts, et en dernier ressort quand les impôts ne suffiront pas sur la dette des états.
De ce point de vue, la chose n’enlève de la pression qu’au capitalistes. Alors, RMI, je suis pour, mais pas de n’importe quelle façon. Bien sur, si on ne fait pas appel au capital accumulé par les capitalistes pour le financer… il y aura moins d’opposition, et comme vous dites, ce sera plus « amendable ». Mais est-ce que cela sera pour autant plus juste?
Comparez avec le bail-out des banques. Certes, les financer était plus faisable, parce-que eux ils étaient carrément pour et les gouvernements n’ont pas eu peur de l’opposition des citoyens… mais est-ce que cela c’est avéré juste? Est-ce qu’ils disent merci? Est-ce que on peut leur demander quoi-que ce soit parce-que on les à aidés?
Je ne demande qu’a ne pas faire des bêtises juste parce-que prima facie elles semblent plus acceptables. Cela ne veut pas dire que je serais utopiste, que je veuille me résigner ou tout faire sauter. Maintenant que j’y pense… qu’est-ce que pour vous entrerait dans l’ordre du « tout faire sauter »? Je serais curieux de savoir ou vous placez cette limite.
D’autres chemins peuvent mener tout autant loin des catastrophes. Certes, ce n’est pas facile de les trouver, et bien sur, aucune des possibles alternatives ne contentera tout le monde par égal.
@ NingúnOtro
OK, je vois ce que vous craignez, et je suis d’accord avec vous: instaurer un revenu inconditionnel sur une base taxatoire qui épargne les 10% (5%?) les plus riches est contre-productif. J’avais en tête un système taxatoire autrement plus juste que ce que l’on rencontre en réalité dans nos sociétés.
Le néolibéralisme et la mondialisation ont débuté il y a trente ans avec le traité de Maastricht ; bien que des personnes comme Séguin , Pasqua… aient conseillé de voter « non » justement pour éviter tout ce qui nous tombe dessus maintenant, les Français se sont fait influencer par le marketing du « oui »….ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes….
http://www.dailymotion.com/video/x7hahj_georges-pompidou-1er-ministre-19670_news
Merci pour cette vidéo : le néolibéralisme ainsi que la mondialisation sont en effet « l’oeuvre » de la droite comme de la gauche .Ils y croient d’ailleurs toujours autant et, selon eux, il est trop tard pour faire marche arrière (ils ont peut-être raison). Je regrette seulement que les Français ne les aient pas stoppés au moment du vote du Traité de Maastricht.
Sur quoi se porte de plus en plus conditionnellement l’attention de l’homme moderne en société ?
sur la poitrine de la dame;
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/caissieres-contre-caisses-68134
exemple paradoxale
bruno
@Jérémie, sans trop réfléchir
1)L’amour et l’amitié
2)Les libertés
3)L’érudition
À condition d’un certain niveau de vie. Ou était-ce l’inverse?
« Soft spot » est génial 🙂 j’aime bien
Par ailleurs je voulais ajouter que nous ne sommes pas aliénés par le travail, mais par l’argent. Beaucoup ont manqué l’analyse de la monnaie, sauf Keynes mais y compris Mlle Weil, philosophe qui s’est faite ouvrière quelques temps. Le travail est aliénant, mais l’organisation sociale qui y même l’est encore davantage. Cette organisation repose sur la répartition de l’argent, qui ne tire sa valeur que de ce qu’il manque, de même qu’un siphon a besoin d’une dénivellation pour fonctionner.
« Le président du pouvoir d’achat » ne pouvait pas le faire, car il allait élever l’inflation en France, ce que ne tolère pas l’Europe. Or on n’a entendu personne avant l’élection même pas le célèbre Cohen (Daniel il me semble), dire que cela était impossible.
A lire vos commentaires, je comprends que je ne comprends rien : cf. mon propre propre commentaire supra que je croyais – naivement – pertinent (mais je suis loin du compte, de l’incantation ?).
Qu’est-ce que nous constatons aujourd’hui ? Le système continue comme avant et rien n’est fait pour le changer, ni par les partis politiques ni par les intellectuels, dont la plupart reprennent les mêmes habitudes qu’avant. En effet, les pays occidentaux continuent à investir et à prendre des bénéfices dans les pays BRIC, les travailleurs continuent à se faire exploiter chez eux et le chômage grimpe toujours chez nous. Alors, où se situent les salariés actuellement ? Tout en bas de l’échelle ! Allons-nous donc nous contenter de discussions intellectuelles stériles sur Marx, Ricardo, Adam Smith… pour étaler notre culture devant Paul voire même lui dispenser des conseils dans le but non avoué de se faire sa propre publicité ?
Même les dirigeants et capitalistes n’en demanderaient pas autant : ils seraient probablement comblés à la vue de petits moutons inoffensifs discutant vainement. Pour moi, ce blog vaut plus que ça ! Alors, si on s’occupait sérieusement des vrais problèmes qui se posent aujourd’hui ? Merci à tous.
Bonjour,
Je suis bien d’accord avec vous quand au fait que le salaire soit une part du surplus et non pas un coût de production. Je crois que c’est là que j’ai toujours eu un problème avec l’analyse marxiste et qu’on y retrouve toutes les erreurs de l’analyse hégélienne: les hommes instruments de l’histoire, suprématie de l’occident, de la technique capitaliste…Oui tout est lié notamment à cette réification des salaires et donc à la fonction des travailleurs eux-mêmes qui deviennent des instruments « objectifs » de l’histoire, histoire qui tracerait la voie vers un progrès matériel indéfini, quel cauchemard (le notre). Votre conception remet en cause le rapport de force au début même de l’activité de production, là où il s’agit de se demander pourquoi on produit et ce qu’on produit comme marchandises « authentiques » qui correspondent à des besoins et nécessités réelles. Le travailleur redevenant un acteur politique sur tous les plans de sa vie, y compris celui de la production. Merci
@Dissonance qui compare mon interrogation sur les droits de propriété à « l’erreur commise par Marx », en écrivant, le 14 janvier 2010 à 15:58
« C’est amusant de voir comme vous produisez exactement la même « erreur » que Marx lorsqu’on aborde la question de la propriété. »
Je ne sais pas, je n’ai pas écrit grand chose, je serais plus proudhonien et gesellien que marxien. Peu importe: lorsque j’ai écrit il y a quelque temps sur les logiciels libres (« free as a beer » ou plus « free » encore) je m’étais justement interrogé sur la propriété intellectuelle.
Je crois effectivement que la « connaissance » devrait appartenir à tout le monde, c’est à dire à personne. Mais il y a tellement de moyens de réduire l’accès à la connaissance que c’est plus facile à dire qu’à faire.
Par ailleurs, lorsque j’écris une chanson (à Dieu ne plaise) est-ce que j’ai des droits dessus. Et si j’écris un bouqui, ai-je des droits dessus. Si je construis une usine, ai-je des droits dessus. Et mes enfants. Je crois que la question mérite réflexion.
Cordialement, B.L.
Les prix des matières premières ne sont ils pas aussi peu solides, peu réifiés, en raison d’une incertitude de la valeur matérielle, capital physique incertain ? Dans ce cas je vais plus loin que Marx et Jorion.