Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Vous avez dû noter – peut-être avec un malin plaisir – où la réflexion des jours derniers nous conduits : si on veut sortir de la crise sans retomber dans une logique de croissance à tout crin, il faut que nous stoppions la fuite en avant permanente qui épuise la planète et qui débouche toujours à terme sur de la surproduction. Pour cela, il faut séparer la question des revenus qui nous sont nécessaires pour acheter des biens de consommation, de la question du travail. Il faut réexaminer le travail comme une question en soi, comme l’activité humaine nécessaire pour produire marchandises et services authentiques sans qu’elle soit automatiquement celle qui nous procure les revenus qui nous permettent de consommer.
Quand je dis marchandises et services « authentiques », je veux dire ceux que nous n’achetons pas simplement sous l’influence du « consumérisme », cette idéologie qui a été inventée pour repousser artificiellement les limites de la surproduction et qui n’est en réalité qu’un effort de propagande poussant à davantage de consommation et qui, dans la mesure où il réussit à nous persuader, permet que l’on produise plus qu’en son absence.
Séparer travail et revenus permet d’envisager les choses dans la perspective de l’An 2000 tel qu’on l’imaginait encore dans les années cinquante : où le travail, devenu rare dans un monde où la productivité croît grâce à l’automation, n’est pas une malédiction mais au contraire une bénédiction.
Ma démarche est différente de celle de Marx mais elle se situe au sein de la même tradition que la sienne, et ceci pour une raison très simple : parce que je considère comme sans grand intérêt la « science » économique qui a été produite après la mort de Marx, quand s’achève la tradition des économistes de l’âge d’Or de la pensée économique : le XVIIIe siècle, dont les théories sont d’inspiration sociologique plutôt que psychologique comme ce sera le cas ensuite, et dont le dernier grand représentant est David Ricardo.
C’est pourquoi j’ai voulu examiner ce qui diffère très exactement entre ce que j’ai écrit ces deux ou trois dernières années et ce qu’on trouve chez Marx. L’une des différences porte sur sa définition du capital – j’y reviendrai ultérieurement – et l’autre sur l’identité des grands groupes sociaux impliqués dans la production et dans la distribution
D’abord un rappel. Pour qu’une marchandise puisse être produite, des avances doivent être consenties, en argent, en matières premières, en outils, etc. auxquelles vient se combiner le travail humain. Une fois la marchandise produite, elle est vendue une première fois (sur un marché « primaire ») et la différence entre les avances et le prix de vente constitue un surplus : ce surplus est partagé dans un premier temps entre capitaliste et industriel, qui reçoivent, le premier, les intérêts et le second son profit et, dans un second temps, l’industriel redistribue le profit entre lui-même et ses salariés. Les termes de cette redistribution sont déterminés par les différents rapports de force entre les parties : rapport de force entre capitaliste et industriel dans un premier temps, rapport de force entre patron et salariés dans un second temps.
Marx distingue comme grands groupes impliqués dans les processus économiques, les capitalistes qui possèdent le capital et les prolétaires, qui louent leur force de travail. Je distingue de mon côté quatre groupes : 1) les salariés qui sont en gros ceux que Marx appelle les prolétaires, 2) les « capitalistes » de Marx se redistribuent pour moi en trois différents groupes : a) les marchands qui veillent à la distribution des marchandises et ponctionnent au passage un profit marchand, b) les dirigeants d’entreprise, ou industriels, ou entrepreneurs, qui touchent un bénéfice, qui est la part du surplus qui leur revient une fois payés les salaires de leurs salariés et versés les intérêts à ceux qui leur ont consenti des avances, qui constituent eux c) le groupe des investisseurs, ou actionnaires, ou « capitalistes » proprement dits.
Marx considère que le salaire des salariés constitue un élément du même ordre que les avances en argent ou en matières premières en provenance du « capitaliste » : il en fait, dans ses termes, l’un des « frais de production ». Il écrit dans « Travail salarié et capital », un texte rédigé en 1849 : « … ces frais de production consistent : 1) en matières premières et en instruments, c’est-à-dire en produits industriels dont la production a coûté un certain nombre de journées de travail, si bien qu’ils représentent un temps de travail déterminé ; 2) en travail immédiat qui n’a d’autre mesure que le temps. » (Marx 1849 : 210).
On peut répondre à cela que si les salaires font partie des frais de production, pourquoi ne pas considérer aussi comme frais de production les intérêts qui reviennent au capitaliste ou bien encore le bénéfice qui va à l’industriel ou « entrepreneur » ? Si c’était le cas, la notion de frais de production ne se justifierait plus puisque la somme des frais de production ne serait rien d’autre en réalité que le prix de vente de la marchandise sur son marché primaire, celui où – comme je l’ai rappelé – la marchandise, le produit fini, est vendu pour la première fois.
Or, cette manière différente d’envisager les « classes », les groupes constituant nos sociétés dans la production et la distribution, n’est pas sans conséquences : ce n’est pas du tout la même chose de considérer les salaires comme une des composantes des frais de production ou comme des sommes qui reviennent à l’une des trois parties en présence dans le partage du surplus. Chez Marx, les salaires sont un facteur objectif, un « donné », tout comme le prix des matières premières, alors que dans ma manière à moi d’aborder le problème, les sommes qui seront allouées comme salaires constituent une part du surplus, et leur montant reflète en réalité le rapport de force entre les salariés et leur patron.
Je dirais donc que chez Marx, les salaires sont « réifiés », et je veux dire par là qu’ils sont considérés comme une donnée objective au même titre que le coût des matières premières nécessaires à la production, alors que pour moi, ils constituent une part du surplus et leur montant se détermine en fonction d’un rapport de force.
Il me semble qu’il y a du coup une certaine radicalisation dans ma manière de voir les choses par rapport à celle de Marx, et qu’elle se révèle par le fait que les revendications des salariés pour obtenir une meilleure rémunération ont un sens dans le cadre tel que je le définis, puisqu’elles sont susceptibles de modifier le rapport de force entre leurs patrons, les dirigeants d’entreprises que sont les industriels ou « entrepreneurs », et ces salariés, alors que chez Marx, on ne voit pas pourquoi ces revendications pourraient faire une différence, les salaires ayant la même objectivité, la même « solidité » que le prix des matières premières par exemple.
–––––––––-
Karl Marx, Travail salarié et capital, [1849], Å’uvres de Karl Marx. Économie I, La Pléiade, Paris : Gallimard, 1965 : 199-229.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
180 réponses à “Où se situent les salariés ?”
« On peut répondre à cela que si les salaires font partie des frais de production, pourquoi ne pas considérer aussi comme frais de production les intérêts qui reviennent au capitaliste ou bien encore le bénéfice qui va à l’industriel ou « entrepreneur » ? Si c’était le cas, la notion de frais de production ne se justifierait plus puisque la somme des frais de production ne serait rien d’autre en réalité que le prix de vente de la marchandise sur son marché primaire, celui où – comme je l’ai rappelé – la marchandise, le produit fini, est vendu pour la première fois. »
Je trouve ce paragraphe extrêmement intéressant: Renverser à ce point l’idéologie actuellement en vogue n’est sans doute pas très réaliste j’en conviens, cependant j’aime cette idée qu’investisseurs et entrepreneurs pourraient également supporter ce « fardeau » (littéralement) que constitue la notion de « charge » pour l’entreprise.
De là, on pourrait imaginer une entreprise qui, conservant la démarche de recherche d’optimisation des coûts de production, la ferait assumer à ces catégories plutôt qu’aux salariés. Ceci dit pour reprendre ce concept qui vous est cher, la chose ne serait possible que dans le cadre d’un rapport de forces totalement inversé entre les salariés et le couple investisseurs/entrepreneurs.
Donc le « prix » d’une chose fabriquée doit tenir compte du coût des matières premières et le « surplus » attendu doit être évalué en fonction de ce que l’on veut partager entre le capitaliste, l’entrepreneur et les salariés.
Si j’ai bien compris….
Je ne veux pas trop me mêler de ce qui ne me dépasse ,mais dans l’état actuel de notre société je ne vois pas trop de différence entre la réification du salaire et la chosification du salarié (néo-esclavagisme).
Les salaires n’étant alors plus comptabilisés comme des charges, le bénéfice de l’entreprise s’en trouve majoré d’autant mais alors elle va payer plus d’impôts, le bénéfice après impôts sera donc partagé entre le capitaliste, l’entrepreneur et les salariés.
Ce qui serait juste, car après tout, sans les salariés, pas de production, comme on va finir par s’en apercevoir au train où vont les choses; et pas de vente non plus d’ailleurs.
A moins que nos chers dirigeants ne trouvent le moyen de nous faire travailler pour rien, après le travailler plus pour gagner plus, le travailler plus pour rien gagner !
Mais dans ce cas on en revient à : à qui vendre la production ?
Produire des choses avec des esclaves pour se les vendre entre capitalistes et entrepreneurs est-ce rentable ?
Mais comment ça se passe pour les services ?
Supposons que, légèrement dépassés par la venue de Théodore, vous fassiez appel à mes services pour un peu de ménage dans votre foyer.
Je suis donc mon propre entrepreneur? Au lieu d’être votre salariée ?
Ce qui veut dire que je fixe le prix de ma prestation en fonction de la somme que je veux me « partager » à moi-même ?
C’est l’auto-entreprise !
Je vois dans ce texte (introductif) bien plus une réinterprétation de Marx qu’autre chose. Pour être honnête, ce que je sais du monde ouvrier du XIXe siècle, je le dois bien plus à Zola qu’à Marx et je crois bien que les ouvriers étaient à l’époque payé à la journée (corrigez-moi si c’est faux), ce qui rend difficile tout rapport de force entre un monde ouvrier pas encore organisé (aucun syndicat, cela faisait que quelques décennies qu’en France le corporatisme avait été aboli) et les capitalistes qui étaient le plus souvent ces trois acteurs, que vous différenciez à juste titre.
Votre radicalité est certainement due à la radicalisation (qui a pu mené à des avancées sociales) des rapports dans le monde du travail dans un certain sens
« Crise financière : comment éviter l’explosion ? », par Pierre Larrouturou
Rien de nouveau ; Larrouturou répète avec une constance louable les mêmes choses. Il ne fait d’ailleurs pas de distinctions fines et salutaires entre salariés, marchands, dirigeants d’entreprise et actionnaires et ne parle que de part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises sans plus de détails. Il est cependant regrettable – navrant – que la voix de Larrouturou ait été aussi peu audible au sein du parti de gauche français majoritaire – où il était considéré comme un « iconoclaste », comprendre « pas sérieux » – car ce qu’elle affirme n’est pas vraiment révolutionnaire et tient plutôt du bon sens. Or, comme Paul Jorion aime à le souligner, tout est question de rapport de forces. Et sans le Parti Socialiste, aucun changement substantiel ne sera possible. Puisque le PS brille toujours par son manque de souffle et d’idées, il serait souhaitable qu’Europe Ecologie monte en puissance afin de modifier le rapport de forces et de pouvoir ainsi imposer quelques-unes de ses vues – en France d’abord. Il est permis d’être pessimiste…
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/13/crise-financiere-comment-eviter-l-explosion-par-pierre-larrouturou_1291024_3232.html
Parlant des salaires, vous dites « ……alors que pour moi, ils constituent une part du surplus et leur montant se détermine en fonction d’un rapport de force. »
C’est totalement vrai mais pas aussi schématique car il y a des « contre-réactions » qui viennent stabiliser ce système.
Système qui sans cela serait très instable, ainsi, le code du travail empêche le patron de fixer un salaire inférieur à ce que décide le pouvoir politique, soumis à son électorat, l’action plus ou moins efficace des syndicats.
L’autre « contre-réaction », plus difficile à gérer par les politiques, en raison de la mondialisation, est la délocalisation des entreprises vers des contrées où les salaires sont plus bas, et, en conséquence, la mise au chômage des salariés trop « coûteux ».
En revanche, le pouvoir politique applique une « contre-réaction » au niveau des salaires en empêchant une montée trop rapide par des mesures anti inflation, dés-indexation des salaires sur les prix, etc.
Il est clair que la somme algébrique de ces « contre-réactions » n’est pas nulle et qu’elle glisse plutôt à l’avantage du patronat.
Parce que vous êtes un ACTEUR RETICULAIRE, parce que vous préparer un livre de PROPOSITIONS, par ce que vous ne croyez pas aux UTOPIES, par ce que vous croyez que l’avenir doit être CO-CONSTRUIT et parce que votre article démontre une volonté de confrontation :
Il est fort heureux que vous traitiez du sujet travail !
Votre prédicat de base est : « il faut séparer la question des revenus qui nous sont nécessaires pour acheter des biens de consommation, de la question du travail. Il faut réexaminer le travail comme une question en soi, comme l’activité humaine nécessaire pour produire marchandises et services authentiques sans qu’elle soit automatiquement celle qui nous procure les revenus qui nous permettent de consommer. »
Pouvons nous intégrer à la réflexion / action les points suivants :
– ne pas limiter le travail à son objet originel (tripalium) et intégrer dans ce prédicat un objet de réalisation de l’individu (LE TRAVAIL EN TANT QU’OEUVRE : sociabilisation, réalisation de soi, oeuvre d’art, …)
– considérer que le défi qui attend l’humanité n’est pas seulement de trouver un nouveau modèle économico-financier mais un CHANGEMENT DE PARADIGME (rappel des « difficultés » dont nous avons à traiter sur une génération : finance, climat, globalisation, extrémisme religieux, bio-diversité, ressources énergétiques, ressources alimentaires)
– accepter que l’urgence de la situation et la connaissance de l’histoire humaine que nous pouvons en avoir requièrent des ACTIONS à COURT TERME sur un PLAN LOCAL pour influencer à moyen terme un niveau plus global.
En conséquence, pouvons nous envisager une ou deux actions majeures qui engendreraient UNE MODIFICATION INÉLUCTABLE DU PARADIGME ACTUEL, réalisable à court terme, et démocratiquement acceptable ?
Un de vos « commentateurs » a parlé modestement d’un idée qui pourrait être pertinente à approfondir : Revenu Minimum de Dignité (B. Lemaire). Certain l’envisage comme « Universel », d’autre comme « d’Existence », … Tout ceci est certes discutable tant sur sa définition que sur les droits et devoirs associés. Toutefois quelles seraient les externalités d’une telle action sur le bien être de la population, sur sa créativité, sa productivité, le travail dissimulé, la relation employeur / employé, le lien social, … et au final sur sa relation aux autres, à l’environnement, à l’Autre ?
Lorsque B. Lemaire imagine les moyens de financer (sur 3 ans !) une telle INNOVATION SOCIALE, ce dernier est relativement créatif et réaliste. Toutefois il reste les externalités liées à la santé mentale et spirituelle de la population : diminution du budget de la sécurité sociale et de celui de la justice, développement de nouvelle forme de solidarité, … qui apporteraient les financements complémentaires, nécessaires à sa réalisation…
Je ne vous ferai pas l’injonction d’aborder ce sujet, mais vous serez très reconnaissant de le faire.
Pour terminer je me permet de proposer à la lecture ou la relecture les 3 livres suivants :
– L’éthique d’Edgar Morin (qui traite en particulier de la complexité et de « l’écologie de l’action »)
– Les 3 cultures du développement humain de Jean-Baptiste de Foucault (qui développe l’idée d’un socle du développement humain autour de la vie matérielle, sociale et spirituelle)
– Notre existence a-t-elle un sens ? : Une enquête scientifique et philosophique de Jean Staune (qui ouvre la possibilité d’un rapprochement de nos connaissances rationnelles et des intuitions des grandes traditions religieuses)
Merci pour votre action !
Sur le fait de séparer travail, rémunération et activités humaines, j’avais commis il y a quelque temps (une douzaine d’années) un opuscule « de Karl Marx à Bill Gates: de nouvelles pistes pour les activités humaines » (disponible en copyleft sur: http://www.blemaire.com/siad2/Books/MarxChapitre1.pdf ) où j’abordais le thème décrit avec beaucoup de talent par Paul Jorion.
Sans vouloir à tout prix relancer l’idée de Revenu Universel (esquissé par d’illustres prédécesseurs il y a plus de 50 ans – en particulier par les défenseurs, au Canada, du Crédit Social, et en France par Duboin je crois, et dont j’ai parlé sur le site contre-feux), je crois nécessaire qu’une partie de la rémunération – ou plutôt du revenu – des personnes d’une communauté donnée – par exemple la France – soit distribuée sans lien avec le travail. En dehors des raisons purement économiques (« relance de la consommation populaire ») il y a des raisons « »éthiques » (pouvoir s’approprier une partie des richesses passées, sur lesquelles aucun « vivant » ne devrait avoir un droit particulier: c’est ce que certains appellent Dividende Social).
Par ailleurs, distinguer travail rémunéré et activités sociales, marchandes ou non, me semble là aussi essentiel pour la dignité de ceux qui, pour des raisons diverses, se retrouvent sans emploi (rémunéré).
Bien entendu, ces réflexions ne nous évitent pas de repenser un point qui peut apparaître purement « économique » à certains, à savoir la régulation monétaire: comment mettre la monnaie au service de l’économie et de l’intérêt collectif, au lieu que ce soit trop souvent l’inverse.
Bruno Lemaire.
Voilà les partisans du revenu minimum… garanti ? universel ? qu’importe, qui reviennent par la petite porte. Il me semblait que la notion de production immatérielle avait été définitivement balayée par la crise et que la perspective d’une création virtuelle de revenus avait été pulvérisée par la compréhension des conséquences dantesques d’une finance (et d’un modèle) elle aussi virtualisée.
Congruence : égalité parfaite de figures géométriques.
Car ce projet s’accorde tellement aux projets défendus par nos amis théoriciens du post-fascisme libertarien (Milton Friedman et plus comiquement par Alain Madelin et Christine Boutin) ! Il serait à ce point rentré dans les esprits le TINA à l’oeuvre depuis 30 ans que même d’anciens marxistes l’ont avalé comme un poison parfait, inodore et sans saveur. Les contorsions intellectuelles pour marier la carpe et le lapin noient les promoteurs du projet Négriste à ce point qu’ils iront jusqu’à défendre les saloperies du TCE en 2005. Changer de paradigme, je rêve !
En Asie, de très jeunes enfants meurent sous des monceaux de carcasses électroniques : ils allument des feux, chauffent les plastiques, les reniflent pour en distinguer les différents composants chimiques et ainsi les trier et les revendre. Alors, alors, si je reconnais bien être nombreux, ce n’est pas là une raison en soi pour vouloir beaucoup d’argent. Quelle production immatérielle enrichi ses artisans ? Marketing ? Bio-technologies ? Designer d’avions ou de machines à café en capsules ? Puiser ici pour redistribuer reste la meilleure façon de procéder pour que le capitalisme survive à lui-même. L’argent se produit devant un écran d’ordinateur où je puis réaliser mon « oeuvre », on n’en pense pas moins à Wall Street ou à la City, « oeuvre de Dieu » dit-on même…
@bdardail
« ne pas limiter le travail à son objet originel (tripalium) et intégrer dans ce prédicat un objet de réalisation de l’individu (LE TRAVAIL EN TANT QU’OEUVRE : sociabilisation, réalisation de soi, oeuvre d’art, …) »
Ce genre de proposition hegelienne (thème du travail émancipateur) est à la fois navrante et inexacte. En effet l’introduction d’une dimension morale au travail est tout à fait inappropriée: Le travail est fondamentalement a-moral, cf. la divergence – que j’ai déjà citée je crois – entre un personnel médical et un salarié de l’industrie de l’armement, par exemple.
La thèse de Hegel ne peut satisfaire au mieux que les permanents d’une centrale syndicale ou les « gourous » d’un service RH, à mon avis, c’est à dire des personnes n’ayant à peu près aucune notion de ce qu’est le travail dans ce qu’il a d’aliénant.
Les deux seuls éléments imputables sans l’ombre d’un doute au travail sont d’une part sa dimension douloureuse – le tripalium – et d’autre part son indubitable nécessité. Tout le reste n’a pour objet que de rendre « consommable » une pilule qui sinon paraîtrait très (trop?) amère à avaler.
@ Igniatius J. Reilly
Pouvez-vous expliciter ce que vous entendez par production immatérielle, et aussi son lien avec le revenu minimum (ou encore allocation universelle)? Je ne comprends pas votre post (à part que vous être contre 🙂
La plupart des pays européen octroie une allocation de chômage de longue durée qui est sans doute plus élevée que ce que les tenants de l’allocation universelle défendent. Etes-vous donc contre les allocations de chômage?
Une des points importants pour moi est essentiellement économique. Le système de chômage actuel qui n’octroie une allocation qu’en absence de travail incite ses bénéficiaires à ne pas travailler (pour ne pas perdre l’allocation de chômage). Alors qu’un revenu garanti / allocation universelle ne souffre pas de cet inconvénient.
Dissonance,
« Le travail est fondamentalement a-moral », « Les deux seuls éléments imputables sans l’ombre d’un doute au travail sont d’une part sa dimension douloureuse – le tripalium – et d’autre part son indubitable nécessité. »
Vous faites partie de l’ancienne école 🙂 et vous le savez, sinon pourquoi parler d’une « pilule qui sinon paraîtrait très (trop?) amère à avaler. »
@Fab
« Vous faites partie de l’ancienne école »
Possible, pourtant je ne suis pas si vieux que ça 🙂
« sinon pourquoi parler d’une pilule qui sinon paraîtrait très (trop?) amère à avaler. »
Du fait de mon expérience professionnelle, notamment dans l’agro-industrie, j’envisage assez mal l’idée qu’on puisse y associer une dimension « émancipatrice ». De ce que j’en connais, la maxime populaire « métro-boulot-dodo » convient bien mieux pour décrire la chose.
Par exemple, considérer « le travail en tant qu’œuvre » lorsqu’on passe entre 8 et 12 heures par jour à voir et entendre des boites de conserve défiler me semble être un projet relativement surréaliste: « La douce mélopée du fer blanc » et « le ballet enflammé des récipients appertisés » ne m’inspirent rien d’autre qu’un désir de fuir loin, et vite 🙂
@Dissonance
Votre approche est très intéressante, car elle est celle de beaucoup d’individu sur la planète.
Lorsque nous devons innover, pensez vous qu’il soit systématiquement nécessaire de s’appuyer sur les intellectuels du passé ?
N’est-il pas intéressant de penser par soi même, avec les contraintes et connaissances actuelles, en tentant de mettre de côté ses propres peurs ?
En occident, le travail (comme la relation que nous avons avec lui) n’a-t-il pas été suffisamment modifié, d’autant plus ces 20 dernières années, pour que nous réfléchissions différemment que vous le faites ?
Ne pouvez vous pas vous laisser pénétrer par une idée comme celle-ci :
Une nation dans laquelle chaque individu réparti sont temps entre 1-les travaux ou services d’intérêts généraux (production des biens et services essentiels) 2- participation à la citoyenneté et à la démocratie (formation, vie associative, discussion) 3- oeuvre personnelle / collective.
Ne pensez vous pas que le travail a évolué depuis les thèses auxquelles vous vous référés ? Peut-être connaissez vous l’emploi ouvrier marchand dans l’industrie. Mais intégrez vous la sphère associative, la sphère public, le travail intellectuel, l’action sociale, médicale, solidaire, … ?
Si nous devons construire un future ensemble, n’est-il pas nécessaire d’être dans la critique constructive plutôt que dans une démarche de stigmatisation et d’enfermement dans des courants idéologiques ?
La complexité de l’individu, de notre monde et de la situation actuelle requiert des efforts individuels d’ouverture.
Peut-être est-ce le mot travail qui a suscité une telle réaction. Alors utilisez la terminologie : activité humaine de production et de servuction (production de services) nécessaire à la vie collective et individuelle.
@bdardail
« Lorsque nous devons innover, pensez vous qu’il soit systématiquement nécessaire de s’appuyer sur les intellectuels du passé ?
N’est-il pas intéressant de penser par soi même, avec les contraintes et connaissances actuelles, en tentant de mettre de côté ses propres peurs ? »
Je ne saurai mieux dire. Ce que vous ne semblez pas intégrer dans cette vision quelque peu idyllique des choses est que certains travaux amputent l’individu de toute capacité, ou du moins de toute envie de « penser par soi-même ». Il semble que le caractère abrutissant de la répétition des tâches du travail à la chaîne vous échappe totalement. C’est bien dommage.
« En occident, le travail (comme la relation que nous avons avec lui) n’a-t-il pas été suffisamment modifié, d’autant plus ces 20 dernières années, pour que nous réfléchissions différemment que vous le faites ? »
Absolument pas. Le travail « à l’occidentale » a certes été « attendri » par l’automatisation de nombreux process, et « embelli » par certaines mesures d’ordre littéralement cosmétique, mais il n’en reste pas moins réellement abrutissant dans certains secteurs, notamment de l’industrie. Là où « l’open-space » et le « friday-wear » n’ont pas prise…
« Ne pouvez vous pas vous laisser pénétrer par une idée comme celle-ci :
Une nation dans laquelle chaque individu réparti sont temps entre 1-les travaux ou services d’intérêts généraux (production des biens et services essentiels) 2- participation à la citoyenneté et à la démocratie (formation, vie associative, discussion) 3- oeuvre personnelle / collective. »
Séquences desquelles il conviendrait en toute rigueur de retrancher temps de repos et de restauration, puis si l’on veut vraiment être tatillon, temps de ravitaillement – à moins de vivre à l’hôtel et de manger au restaurant chaque jour – temps de démarches administratives – je vous en épargne le détail – temps de vie familiale.
Ensuite, il convient de mentionner une donnée incontournable et indépassable: Une journée ne compte jamais que 24 heures. D’expérience, je peux ainsi vous assurer que vos points 2/ et 3/ peuvent aisément se retrouver réduits à la portion congrue (euphémisme), devant la nécessité impérieuse de satisfaire aux séquences que je viens d’expliciter.
« Ne pensez vous pas que le travail a évolué depuis les thèses auxquelles vous vous référés ? Peut-être connaissez vous l’emploi ouvrier marchand dans l’industrie. Mais intégrez vous la sphère associative, la sphère public, le travail intellectuel, l’action sociale, médicale, solidaire, … ? »
Je m’en réfère une fois de plus à la DDHC: » Tous les citoyens sont réputés égaux en droits et en dignité ». Si l’une des catégories sociales, celle que je décris, souffre de telles conditions que ce principe fondateur ne s’en trouve pas respecté, peu importe le nombre ou la qualité des autres catégories envisagées par ailleurs, cela suffit à permettre la remise en cause de ces conditions. La maxime de Coluche « les hommes sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres » est un trait d’ironie qui illustre assez bien le point de vue que je défends ici.
« Si nous devons construire un future ensemble, n’est-il pas nécessaire d’être dans la critique constructive plutôt que dans une démarche de stigmatisation et d’enfermement dans des courants idéologiques ? »
Peu m’importe le courant idéologique s’il recèle des éléments pertinents. De fait, l’appel à la référence hegelienne me semble nécessaire ici dans la mesure où il correspond parfaitement à la thèse que vous soutenez. Par ailleurs, contrairement à ce que vous suggérez je n’estime pas qu’une critique constructive ne puisse émerger que dans l’élaboration d’un consensus (mou?).
Il me semble au contraire que cette méthode a assez largement prouvé ses limites, notamment dans le dévoiement qu’on peut observer au sein d’un parti politique historiquement progressiste, mais qui a sombré ces dernières décennies dans une connivence relativement malsaine avec son homologue conservateur, et que je ne nommerai pas – allusion suffisamment explicite, non?
Le travail n’est pas plus a-moral que l’économie.
SI le travail peut être dit aliénant, et même anéantissant lorsqu’il permet tout juste la survie, c’est dans un contexte déterminé qui ressortit à des causes humaines, et ce d’autant plus aujourd’hui que l’humanité dispose potentiellement des moyens matériels et techniques de nourrir et d’assurer la subsistance de tous les humains. Le problème est donc avant tout un problème d’économie politique, économie politique qu’il s’agit de repenser dans son ensemble.
La proposition de revenu universel me semble intéressante si l’on souhaite justement donner au travail un contenu plus émancipateur.
Cette mesure en déliant le travail du revenu reconnaît d’abord le droit à tout humain d’être heureux et simplement d’exister du simple fait d’être né. Deuxièmement elle contribuerait à la constitution d’une économie contributive au lieu qu’elle soit comme aujourd’hui une économie basée sur la compétition.
S’il y a dans nos sociétés un tel chômage endémique cela tient non seulement au défaut originel d’un système, encore renforcé par les innovations techniques , mais c’est aussi parce que l’armée de réserve que constituent les chômeurs ou les précaires met en situation d’insécurité sociale le plus grand nombre des actifs, ce qui nous empêche de concevoir l’économie en dehors de toute cadre compétitif et aliénant. Nous devenons des consommateurs compulsifs jouets du marketing insinué dans pratiquement toutes les sphères de nos existences.
Si les humains pouvaient se libérer du souci de leur subsistance — s’adonnant alors à des activités diverses et variées plus ou moins utiles socialement — il n’est pas douteux que la valeur travail en tant que force de travail rémunéré perdrait beaucoup de son attractivité, ce qui inciterait à redéfinir les contenus et finalités du travail productif. Les techniques elles-mêmes sont configurées en fonction du type d’économie dans lesquelles elles s’insèrent, ainsi les techniques actuelles — éphémères et segmentées — sont développées d’abord pour répondre à des impératifs de croissance et seulement ensuite, si c’est le cas, à des impératifs sociaux.
Bien entendu sur cette problématique revenu / travail se greffe la problématique de la concentration du capital, car on doit pouvoir assurer le financement des ces revenus. De nouvelles règles du jeu économique doivent donc conditionner la mise en place d’un tel revenu universel. Les préconisations de Paul me semblent en être un le préréquisit indispensable.
Les banques qui témoignent devant le congrès s’excusent d’avoir mis en danger l’existence même du système financier dans sa forme actuelle. Ils affirment qu’ils ont fait des erreurs et qu’ils ont sous-estimé le risque.
Ils affirment aussi que nous devrions comprendre qu’ils ont droit à leurs bonis cette année grâce à leur bonne performance financière (le gouvernement et la Fed ont déployé plus de 2 000$ milliards pour les supporter et les aider depuis un peu plus d’un an).
Ils veulent continuer ce mode de rémunération pour conserver et attirer le talent (ceux qui ont mis le système en danger)
Et on tente de nous faire croire qu’il faut laisser ces banquiers et courtiers continuer leur sale besogne car sinon, le système sera en danger. C’est vraiment rire du monde. Ne faisons pas le ménage car nous risquons d’étouffer dans la poussière ainsi soulevée. Ne disons pas la vérité à la population pour que les gens puissent prendre leur décision avec la même information que ces « insiders » car le « peuple » va paniquer. On nous sert la même histoire depuis 1996 : pas de ménage dans les excès, les fraudes et les spéculations car ça pourrait créer ou empirer une récession. C’est absolument ridicule.
http://www.lesaffaires.com/blogues/paul-dontigny/on-s-excuse-d-avoir-brise-le-systeme–est-ce-qu-on-peut-continuer-la-/508596
[…] This post was mentioned on Twitter by betapolitique.fr, luxembourg news, albertoxic europe, news channel, ropi and others. ropi said: Où se situent les salariés ?: http://url4.eu/17lZx […]
le problème posé est celui de la variable d’ajustement; comme nous le savons, elle se fait toujours au niveau des salariés, mais jamais au sommet de la hiérarchie, comme on va bientôt le constater avec les bonus;
or, c’est une anomalie profonde ;
@auspitz georges
Au lieu des 3 groupes « capitalistes », « entrepreneurs » et « salariés » dont l’on a souvent parlé ici, certains commentateurs suggéraient « d’avaler » les capitalistes pour partie dans chacun de ces deux groupes (était-ce la fameuse participation gaulliste, « tous travailleurs, tous capitalistes », je ne sais).
Pour ma part, bien qu’ayant lu Marx dans le texte 😉 (4 années de ma longue vie y ont été presque entièrement consacrées – ce qui n’est ni une preuve d’intelligence, ni de compétence: disons que j’ai beaucoup lu, depuis les Grundrisse jusqu’au livres posthumes du Capital) je n’ai jamais pensé que la doctrine de lutte de classes était ce qu’il fallait retenir en premier de l’oeuvre considérable de MArx. Pour moi, Marx est l’un des premiers, peut être un des seuls, à avoir pensé « dynamique », et pas « statique », déséquilibres et non équilibre.
Cela étant dit, je pense qu’actuellement la lutte est bien plus entre « capitalistes » et « entreprises » qu’entre « capitalistes » et « prolétaires ».
Plus précisément, et même si les hauts dirigeants des grandes entreprises sont plus « capitalistes » (cf stock options) qu’entrepreneurs, je pense que c’est contre les « revenus non gagnés » qu’il faut à tout prix lutter.
Si je n’avais tant horreur des slogans réducteurs, j’écrirais volontiers « entrepreneurs et prolétaires, m^me combat », contre les rentes de situation de toute sorte, contre ces « revenus non gagnés » et pourtant appropriés par tous ceux qui s’efforcent d’utiliser la « pseudo-concurrence » à leur bénéfice unique.
Bruno Lemaire.
PS. Bien entendu, les hauts dirigeants, ceux qui se prétendent entrepreneurs mais qui sont bien plus « capitalistes » feront tout, comme l’écrit Georges A., pour lutter contre un « ajustement » qui se ferait à leur détriment. Alors, pouvons nous aller jusqu’à réclamer un « encadrement » des rémunérations « raisonnables », de 1 à 20 (au lieu de 1 à 100 parfois: 700 euros mensuels vs 70 000 euros mensuels – et pour certains, je suis sans doute loin du compte)
« Séparer travail et revenus », dites vous.
Et vous pensez que c’est avec une mesure aussi « petite » (je suis d’humeur courtoise, aujourd’hui…) que l’interdiction des paris sur l’évolution des prix des matières premières qu’on va y arriver ?
Vous vous dites opposé à l’utopie, par principe. A moi, l’utopie me semble être la moindre des positions que l’on puisse prendre. La politique (la vraie, pas le simulacre actuel), c’est le fait de définir dans quel monde nous voulons vivre. Non pas en fonction du monde tel qu’il est, mais en fonction de ce que nous *voulons* qu’il soit.
Pourrais-je faire remarquer que l’augmentation continue et inéluctable de la productivité fera que, quand les pays en voie de développement seront à niveau (disparition des esclaves bon marché), il n’y aura simplement plus de travail autre que de contrôle ? La séparation deviendra alors inévitable. Chez nous, on en a déjà les prémices, avec les multiples aides conditionnelles. Bientôt, ces aides deviendront inconditionnelles. Ce sera alors la fin de l’humanité, si l’utopie ne vient pas à la rescousse pour museler le chien fou de la dominance sociale.
@Betov
Si je reprends une définition possible de l’utopie, la vôtre:
« La politique (la vraie, pas le simulacre actuel), c’est le fait de définir dans quel monde nous voulons vivre. Non pas en fonction du monde tel qu’il est, mais en fonction de ce que nous *voulons* qu’il soit. »
je pense, je l’écris très courtoisement, puisque je me mets dans le m^me état d’esprit que vous-même, que le « déni de réalité » peut conduire aux pires catastrophes.
Vous avez tout à fait raison de partir de ce qui est souhaitable (j’avais d’ailleurs beaucoup apprécié votrre commentaire sur les maisons « écologiques » et « économes d’énergie », ou vous aviez fait remarqué que si on partait de l’objectif écologique et non de l’objectif de « bénéfice maximum », on obtiendrait des résultats surprenants).
Mais il convient aussi de tenir compte de ce qui est possible: et pour cela, quel meilleur moyen que celui d’essayer de tracer le chemin – et donc d’évoquer des solutions concrètes – pour partir du contexte actuel pour arriver à ce que vous jugez, ou ce que la société actuelle jugerait, souhaitable.
Dans le cas contraire, le « déni de réalité », (que j’avais déjà soulevé quand vous parliez de « l’anarchisme » comme LA solution) je me répète, ne peut que conduire à une catastrophe.
Bien cordialement, Bruno Lemaire
Est-il possible de « tenir compte de ce qui est possible », à l’heure où les faits démontrent qu’il n’est même pas concevable de fermer les paradis fiscaux, où de faire avancer d’autres propositions mineures ?
Partant du réel… *rien* n’est possible. La moindre des réformettes sera combattue avec l’énergie du désespoir par les possédants, et ce n’est évidemment pas de réformettes qu’il s’agit.
Pour la « catastrophe », soyez certain qu’elle n’a pas besoin d’une utopie pour se manifester. Nous allons l’avoir avec l’instauration du revenu inconditionnel, sans plafonnement des fortunes personnelles: Rien n’indique que l’on puisse voir un changement des mentalités qui ferait qu’on ne considérerait pas un homme possédant 15 milliards, non comme un people qui peut se répandre à la télé, mais comme un criminel de fait.
Le meilleur papier que j’ai vu, ici, était celui sur la mythologie du mérite. C’est bien de *mythologie* qu’il s’agit. En particulier de celle qui hiérarchise les positions sur des bases sans consistance: La posture sociale, clairement visible, ici même, dans l’amour de la référence culturelle. Moi, pour qui l’histoire de la littérature se termine avec Marie de France (XII ème siècle), et pour qui la renaissance fut une catastrophe majeure dans l’histoire de l’art, comprenez que je parte d’ailleurs que du « possible ».
Pouvez-vous expliciter les raisons de votre aversion à un revenu inconditionnel? J’ai pas mal lu sur le sujet et j’ai trouvé les arguments « pour » largement plus convaincants que les arguments « contre ». Mais je suis toujours avide de nouveaux arguments dans un sens ou dans l’autre! Un lien ou un copier-coller me convient parfaitement.
Mathieu, j’ai toujours été *favorable* à un revenu inconditionnel, comme relevant de l’évidence même. Ce contre quoi je m’insurge, c’est l’établissement d’un revenu inconditionnel *AVANT* le plafonnement des fortunes personnelles. Cette aberration produira inévitablement la fin de l’humanité, par le truchement d’une société à deux vitesses, dans laquelle les dominés n’auront plus de raison de se révolter.
Quand je vois les jeunes gens dans la société française, je me dis qu’on n’en est pas si loin: La révolte fait déjà défaut actuellement.
J’aime la proposition de Mélenchon (de 1 à 20…). Malheureusement, je ne compte pas sur lui pour l’appliquer. Sans compter que les salaires, seuls, ne sont pas le problème.
@ Mathieu
Un revenu inconditionnel minimum à lui tout seul… ne ferait que garantir que les esclaves ne mouriraient pas d’inanition, et cela aux frais de la communauté, tandis qu’autre-part rien de ce que fait l’impasse d’aujourd’hui ne change. Même pire… on éliminerait toute raison pour que quelque-chose change, puisque plus personne ne mourirait et on éliminerait l’infraction au plus basique des droits de l’homme comme élément causeur de révoltes. Avec d’autres mots… le revenu inconditionnel minimum ne ferait que dorer un blason pseudo-moral inexistant du non-système capitaliste. Pouvoir se nourrir et se loger 1 fois juste avec ce qu’on nous « concède gracieusement »… n’est qu’un lot de consolation (et même pas désintéressé, puisque la seule chose poursuivie est d’assurer l’existence d’une clientèle captive -les morts ne consomment pas-), et n’empêche pas que une fois accordé (par exemple à un moment ou le RIM est en proportion de 1 à 10 vis à vis d’un salaire moyen) ensuite cette proportion évolue à pire (le rimiste pourra toujour se nourrir et se loger, même si dans le temps la qualité de la bouffe et du logement décroitra surement, pendant que la proportion entre le RIM qu’il perçoit et le salaire moyen des travailleurs évolue vers beaucoup pire, et envers les cadres et les capitalistes classiques elle devient stratosférique).
Est-ce que nous voulons accepter ce piège de plein gré?
Bruno LEMAIRE,
Qu’entendez-vous exactement par « déni de réalité » ?
J’aimerais sincèrement savoir : d’une pour une raison personnelle ( 🙂 ), et de deux parce qu’à observer le monde tel qu’il est, tel que je le vois en tous cas, j’ai comme le sentiment que d’autres chemins peuvent également mener aux pires catastrophes 🙂 !
Merci
est-il réellement tellement déraisonnable de demander aux entreprises françaises de donner du travaille aux salariés français ? à quoi sert une entreprise ?
dans le Figaro :
Délocalisation : pression maximale sur Renault
http://www.lefigaro.fr/societes/2010/01/14/04015-20100114ARTFIG00008-delocalisation-pression-maximale-sur-renault-.php
Le but d’une entreprise commerciale, c’est de faire des bénéfices. Elles ne sont pas là pour donner du travail, qui n’est qu’un moyen d’y parvenir.
Concernant Renault, elle est coutumière du fait:
« La décision de fermer Renault Vilvorde est irrévocable » – Louis SCHWEITZER, 1997
@auspitz georges
Comme certains commentateurs l’ont déjà indiqué, bien sûr, le rôle d’une entreprise, quelle qu’elle soit, est prioritairement de ne pas vendre à perte, c’est à dire de dépasser au moins sont point mort, point mort qui peut dépendre du nombre de produits – ou de services -qu’elle arrive à vendre en situation concurrentielle.
si Renault n’arrive pas à produire avec des prix de revient qui lui conviennent (on pourrait sans doute exiger la plus grande transparence sur ces coûts de revient, ceci ne serait pas « anormal », bien au contraire), deux solutions pour l’inciter à ne pas délocaliser (en dehors des gros yeux de l’Etat, qui sont de moins en moins efficaces)
1) Subventionner Renault : solution que je juge détestable, car à court terme: d’ailleurs les exemples historiques ont le plus souvent montré que c’était un marché de dupes.
2) Instaurer une TVA sociale, en considérant dans ce cas que la Turquie fait partie d’une liste « grise » (salaires trop bas, conditions de travail ne respectant ni la santé des salariés, ni l’environnement, etc.). Là encore, c’est une décision politique: la France est-elle capable d’engager un bras de fer avec l’Europe, et peut être avec l’OMC, sur ce sujet, quitte à avancer qu’elle peut quitter la zone euro si elle n’obtient pas satisfaction, je ne sais.
Mais un tel problème se présente déjà à la plupart des pays de la zone euro. Vont-ils essayer de sortir de la crise actuelle en tirant à hue et à dia, ou vont-ils essayer d’avoir une posture commune. L’avenir le dira.
B.L.
Concernant les groupes impliqués dans les processus économiques, si on se demande « qui maîtrise quoi », la décomposition de Paul Jorion apparaît plus « naturelle ».
Des problèmes se posent, on l’a vu, voire mis en évidence sur ce blog, lorsque les investisseurs parviennent à contrôler les entrepreneurs.
En ligne je crois avec le début du billet, on pourrait aussi identifier un cinquième groupe – les consommateurs – essentiellement composé de salariés (modèle Fordiste), dont le sort est en train de se jouer, au moins dans nos contrées.
Il ne s’agit pour vous, ainsi que pour Marx, que d’une façon d’envisager une réalité propre à l’époque de chacun.
@ Paul Jorion
Maintenant qu’on ne considère plus l’économie comme une science, la discussion franchit un seuil qualitatif. Votre billet aborde directement certains aspects de la nature du capitalisme comme mode de production. Je réponds à cet extrait : « On peut répondre à cela que si les salaires font partie des frais de production, pourquoi ne pas considérer aussi comme frais de production les intérêts qui reviennent au capitaliste ou bien encore le bénéfice qui va à l’industriel ou « entrepreneur » ? Si c’était le cas, la notion de frais de production ne se justifierait plus puisque la somme des frais de production ne serait rien d’autre en réalité que le prix de vente de la marchandise sur son marché primaire, celui où – comme je l’ai rappelé – la marchandise, le produit fini, est vendu pour la première fois. », dites-vous.
A la différence des économistes, pour lesquels l’existence même de la richesse ou de la plus-value ne fait pas problème, Marx s’enquiert de la manière dont elle est engendrée. Selon lui, la génèse de la richesse, ou de la plus-value, correspond à A-M-A’, autrement dit il faut distinguer deux temps logiques (qui peuvent évidemment être simultanés) : A-M, l’argent se transforme en marchandise (par l’opération du travail salarié), puis M-A’, la marchandise se transforme en argent (par la consommation mercantile). Or A-M mobilise les frais de production, à savoir les avances que constituent les salaires, mais aussi, ne l’oubliez pas !, l’achat de l’appareil de production et son usage (les machines, les infrastructures productives, etc.), d’où la distinction entre capital constant et capital variable. L’appareil de production et son usage est fondamental chez Marx, il l’agent même de l’automation, et par là il a un effet double, l’un sur les avances salariales puisqu’il est facteur de baisse du temps de travail général nécessaire et l’autre sur le prix de vente dans le marché concurrentiel. Autrement dit, utilisé à une certaine intensité, il fait baisser A et hausser A’ : cet agent, l’appareil de production, permet de multiplier les pains, de produire plus, plus vite et moins cher ; au fond il permet d’intensifier la chaîne A-M-A’.
Or, Marx cherchant aussi à comprendre comment le capitalisme peut durer distingue, dans la différence A’ – A, ce qui reviendra à la production, c’est-à-dire ce qui sera « réifié » (assez heureuse expression, mais peut-être piégeuse) dans le A d’un nouveau cycle de production, de ce qui restera suspendu et voué au destin de la circulation sans production, c’est-à-dire ce que vous désignez par « les intérêts qui reviennent au capitaliste » et « le bénéfice qui va à l’industriel ». C’est pourquoi il ne confond pas les deux. Plus la proportion de A’ – A est importante, plus le capitalisme est voué à l’aléatoire et aux paris sur son propre avenir.
Pour Marx que untel soit industriel, banquier, rentier, petit commerçant est relativement secondaire, sinon pour l’aspect politico-historique : tous auront à s’adapter au rôle imposé par le devenir du mode de production lui-même. C’est pourquoi la variable humaine principale oppose, d’un côté, les producteurs, c’est-à-dire les artisans, paysans, pêcheurs, etc. devenus salariés (qui s’avèrent prolétaires dans la mesure où ils se constituent comme classe sociale), sans l’effort desquels l’appareil de production n’est pas même mis en oeuvre, et, de l’autre côté, les groupes sociaux dont l’existence repose sur ce fonctionnement mais qui n’en sont pas acteur. A ce titre on pourrait bien remarquer que cette catégorie, qui fut appelée « la bourgeoisie », « les capitalistes », voire « les classes moyennes » est très vague ; mais le problème n’est pas sociologique : elle fonctionne comme une anticatégorie du devenir historique, son fonctionnement est plus important que son identité. En capitalisme, les producteurs sont les salariés : ceux dont le temps est transformé en argent.
Très bon.
Pour Marx le salaire entre dans les frais de production signifie que c’est ainsi factuellement (la variable d’ajustement, le chomâge…), cela ne signifie pas, comme le pense M.P.Jorion que K. Marx ne comprenne pas cette situation comme un rapport entre les classes, rapport de classe car l’économie politique dans sa totalité est un rapport de classe.
il n’y a aucune différence entre achat/vente de la force de travail et luttes des classes. Penser à la contradiction entre : travail nécessaire/ sur-travail, seul le travail nécessaire est payé (correspond à la reproduction de la force de travail), le sur-travail c’est la plus-value que les possédants de partagent sous la forme de « profit ».
Pour un capitaliste particulier le must est seulement du sur-travail, pas de travail nécessaire, bien entendu on comprend en quoi cela est contradictoire.
Pour l’affaire des vrais ou faux besoins, cela ne fait pas de sens : les besoins sont tous produits socialement. il y a bien sûr des besoins vitaux, mais ceux-ci eux-mêmes sont satisfaits, ou non, de manière sociale. La question est typiquement une fausse question car le mode de production actuel ne vise ni à créer des besoins ni à les satisfaire (ceci est accidentel, en quelque sorte), le mode de production capitaliste vise à sa propre existence dans la séparation en classes, il vise à l’auto-présupposition, à l’automatisme de sa reproduction obligatoirement contradictoire.
Finalement, on déconstruisant la démarche analytique de Marx, vous mettez à jour (c’est mon hypothèse) sa propre intériorisation de la vision du monde dominante, c’est-à-dire celle des possédants, autrement dit de la place privilégiée du Capital par rapport au Travail. Il me semble alors, qu’à sa façon et très certainement malgré lui, Marx a produit une théorie justificatrice de l’exploitation de l’un par l’autre.
Je n’ai pas déconstruit, mais simplement rappelé le contexte. Que la valeur d’échange l’ait emporté sur l’usage est un phénomène que Marx regrette et explicite, mais ne justifie pas. Est-ce que Aroun Tazieff justifie les volcans ? Marx aurait-il dû affirmer que le bonheur existait sur Terre pour ne pas justifier le malheur ? Ce serait confondre l’incantation et la pensée critique.
Schizosophie, je crois que c’est à moi que FabCH s’adresse, et je lui réponds « Oui », et c’est pour cela que je parle de « radicalisation » : en considérant les salaires comme « frais de production », Marx reprend à son compte la représentation « bourgeoise » du processus de production.
J’avais déjà eu l’occasion il y a quelques années de lui faire un reproche similaire à propos de la formation des prix : s’il ne comprend pas l’explication d’Aristote, c’est parce qu’il préfère une représentation « bourgeoise » en termes pseudo-physiques, à celle très politique d’Aristote, en termes de rapport de force entre acheteur et vendeur, en termes de « statut réciproque ».
@ FabCH
A la lecture de la réponse de M. Jorion, considérez la première phrase de ma contribution de 11 h 15 comme motivée par un malentendu.
Le reste est assez général pour valoir à l’intention de tous ceux qui répondent « oui » à l’assertion selon laquelle Marx justifie l’exploitation, qu’il ne fait pourtant qu’expliciter et qu’il combat radicalement avec les armes de la critique, quand ce n’est avec la critique des armes.
@Paul Jorion
Au fond, vous affirmez que ce que vaut un salarié sur le marché de l’emploi comme ce que vaut un bien n’est pas plus fonction de la rareté de la compétence que de la rareté du produit ?
« l’industriel redistribue le profit entre lui-même et ses salariés » : n’oublions pas dans notre société la part qui lui revient, à la société !
Prendre en compte cette part, non négligeable convenons-en, amène une nouvelle fois la politique et sa manière d’appréhender le capitalisme au centre de la réflexion. L’activité capitaliste n’existe que par et pour les inégalités : les supprimer c’est le tuer, c’est une drogue à accoutumance. Le politique donc accepte le capitalisme et ses nécessaires dérives, nécessaires à sa survie je le répète, parce que bien évidemment il assure une cohésion sociale, c’est le rôle premier du politique, sur lequel il est toujours jugé en premier.
Changer la donne, c’est prendre le risque de détruire cette cohésion, en ce sens que le capitalisme n’y survivrait pas. Et le politique, SANS SOLUTION DE RECHANGE, sans nouveau paradigme diront certains, ne peut prendre ce risque. Sauf en Chine, par exemple, où les solutions à une décohésion sociale sont toutes prêtes 🙂 !
Tout ça pour dire qu’il faudrait peut-être se pencher sur des solutions de remplacement…et/ou envisager un glissement vers une démocratie à la chinoise. Et si celles-ci apparaissent comme utopiques – a priori -, qui peut dire qu’avec un petit toilettage elles ne feront pas l’affaire ?
@ Paul Jorion
Vous écrivez :
« Quand je dis marchandises et services « authentiques », je veux dire ceux que nous n’achetons pas simplement sous l’influence du « consumérisme », cette idéologie qui a été inventée pour repousser artificiellement les limites de la surproduction et qui n’est en réalité qu’un effort de propagande poussant à davantage de consommation et qui, dans la mesure où il réussit à nous persuader, permet que l’on produise plus qu’en son absence. »
Je suis toujours très étonné de constater que ni les partis écologistes, ni les socialistes, ni les autres partis de gauche ne semblent émettre de propositions concernant la publicité. En tous cas, s’ils en font, cela ne semble vraiment pas être l’une de leurs priorités. C’est largement elle, la pub, pourtant, qui n’arrête pas de nous persuader que pour être heureux, il faut acquérir, il faut consommer, c’est largement elle qui crée en nous une impression de manque chronique et qui nous convainc de pratiquer le mode de vie non soutenable, non durable qui est le nôtre, eu égard à la raréfaction des ressources naturelles et eu égard à la pollution et au saccage de la nature qu’elle entraîne. Je pense qu’il faudrait se battre pour qu’on en arrive à terme à l’interdiction pure et simple de la pub, en commençant par sa taxation progressivement de plus en plus élevée.
Concernant la travail, il s’agit largement d’une construction sociale. Pour rappel, Jean-Pierre Vernant explique que pour le « travail » tel que nous l’entendons, il n’y a par exemple pas de mot spécifique dans la Grèce antique (il y en a quatre ou cinq termes différents qui se partagent le champ sémantique de ce que nous appelons « travail »). Chez nous le « travail » s’oppose (entre autres) au « loisir ». Il est entendu que loisir peut rimer avec plaisir mais que travail implique efforts, souffrance : on n’est pas au boulot pour « s’amuser ». Ce qui autorise à imposer des cadences infernales, des conditions de travail épouvantables, etc. Il me semble que c’est la une dichotomie (travail/loisir) qu’il y aurait lieu de remettre en question. Cela n’aurait sans doute eu aucun sens de demander à un Yanomami ou à un Tahitien : « ce que tu fais là maintenant, est-ce du travail ou du loisir ? ». Et c’était peut-être mieux comme ça…. (A cet égard on peut relire la délicieuse pièce de Giraudoux, Suppément au voyage de Cook)…
Un tahitien aurait répondu sans hésitation, la société traditionnelle y était esclavagiste…Pour les yanomanis je ne me prononce pas…
J’ai fréquenté des Yanomanis dans l’Etat de Rondonia au Brésil, des gens très civilisés, extrêmement attachants et qui ne pratiquent pas du tout l’esclavagisme.
Bonjour à tous.
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/13/crise-financiere-comment-eviter-l-explosion-par-pierre-larrouturou_1291024_3232.html
« Les Etats-Unis ne sont pas une exception : dans l’ensemble des 15 pays les plus riches de l’OCDE, la part des salaires représentait 67 % du PIB en 1982. Elle ne représente plus que 57 %. »
En dehors de l’aspect « poids des salaires », le fait que la réalité de la situation apparaîsse de façon de plus en plus fréquente et dans des médias de masse montre que le jeu de dupes est de moins en moins possible.
Verywell, excuses-moi d’avoir remis ce lien mais ton texte ne reprenait pas le titre ni un extrait.
Bon, sinon, vu la situation de cercle vicieux obtenu, les salaires n’auront pas le temps d’être comprimés car c’est l’hyper-inflation qui va les dégommer. Et dégommer les rentiers, ce qui est mieux.
Ceci ne devra pas nous empêcher, par ailleurs, d’adopter un nouveau sport olympique de dégommage de riches.
Sur la valeur travail (valeur en perdition face à la valeur rentier…) il serait peut-être intéressant de jeter un oeil du coté de Maslof, non?
Et de se rendre compte que la propriété est au même niveau que le travail.
Force est de constater que la vision marxienne est à l’oeuvre dans nos économies :
Les entreprises (les grosses surtout) considèrent leurs employés comme une variable d’ajustement, comme une charge à compresser le plus possible. Aujourd’hui des sociétés comme Nike ou Levi’s ne produisent plus rien. Elles ont recours à des entrepreneurs locaux dans les pays en développement. Ces entrepreneurs exploitent la population locale. C’est bien pratique pour Nike et consorts car ce n’est pas de leur faute mais celle des entrepreneurs en cas de problème.
La production des biens n’est plus une activité clé dans les entreprises. Rappelez-vous le rêve de Serge Tchuruk, ancien patron d’Alcatel qui a liquidé des dizaines de milliers d’emplois pour concrétiser son rêve d’une entreprise sans usines.
Jusqu’à présent, les grandes firmes maintiennent dans les pays développés des bataillons de salariés hautement qualifiés qui se consacrent au marketing, à la stratégie commerciale, à la R&D, etc.
Mais pour combien de temps encore ?
Il y a déjà 10 ans, Microsoft employait une part considérable de sa masse salariale avec des contrats précaires. Et seul un noyau dur d’ingénieurs et de responsables divers profitaient d’une distribution équitable des revenus.
Aujourd’hui, Alcatel (décidément) sous-traite une part de sa R&D à l’étranger. Puisque les pays à bas coûts sont capables de produire des biens de plus en plus complexes, l’étape suivante est naturellement la délocalisation des emplois les mieux qualifiés vers ces pays qui forment maintenant des gens compétents dans tous les domaines. Nous ne sommes qu’au début de cette tendance émergente. Bientôt, Nike pourra dessiner ses modèles de chaussure et concevoir ses publicités avec des gens employés temporairement, travaillant dans des pays à bas coûts. Le taux de marge ne fera qu’augmenter et c’est bien l’objectif de toutes les grandes firmes.
Il faut rétablir les droits des salariés et réduire la capacité des entreprises à faire ce qu’elles veulent.
Il n’y a même plus de rapport de force car les entreprises ont entièrement gagné (sauf dans des domaines spécifiques comme le trading à haute fréquence par exemple).
Effectivement Homard.
R&D démanageront aussi c’est inéluctable.
Il ne restera que les « services » à la mode URSS.
Seule solution refermer les frontières.
Il est bien tard…
Attendez, les 5 milliards d’être humains qui vivent en-dehors de l’OCDE ont bien droit à une vie plus confortable. Comme notre planète Terre est limitée, cela va peut-être vouloir dire que nous allons devoir limiter notre consommation et notre confort.
Je ne dis pas que la répartition des richesses est juste au sein des pays riches (elle ne l’est absolument pas), mais elle est en tout cas injuste au niveau mondial. Votre post et celui de Tartar suggèrent que l’ennemi est entre autre en Chine, Inde,… (« fermer ses frontières »). Le problème est plutôt en France, USA, etc…, au niveau des élites.
Ce n’est pas la » vision marxienne qui est à l’oeuvre dans nos économies »,(idéalisme) mais :
Nos économies fonctionnent bien comme les analyses matérialistes de K.Marx et F. Engels le montrent :
l’économie c’est la luttes des classes( dialectique…).
D’autre part la « déconnexion entre travail et revenu », genre fordien, ou post-fordien, d’inspiration social- démocrate ou social-keynésien, ou pourquoi pas? gaulliste de gauche social… n’est plus possible tel que aujourd’hui, car il faut considérer le moment et les pays ou zones géographiques qui ont connu ce type de « redistribution », en face de ceux qui ne l’ont pas connu (Tiers-monde, Chine…), l’état protecteur et redistributeur, « providence » n’a eu que peu de réalité pour une majorité d’êtres humains. L’état providence pour zones providentiellement privilégiées.
Une autre forme de disjonction du salaire par rapport au revenu : le crédit ! et c’est ce qui passé pour le déclenchement de la crise dite des « subprimes », car il me semble bien que les défauts de paiements de ses crédits proviennent de cette disjonction entre revenus réels et salariaux.
Les classes sont deux: vendeurs de la force de travail, salariés, d’un côté face à acheteurs de cette force parce que possédant les moyens de la production, capitalistes.
Je crois que M.P.Jorion confond classes et catégories socio-professionelles, ou sociologiques, les banquiers et les entrepreneurs, sont des » bisness men », des patrons, des capitalistes car ils possèdent bien le capital et ont besoin d’acheter de la marchandise travail dont sont porteur les salariés qui eux, ne peuvent survivre qu’en vendant leur force-temps de travail. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de conflit possible entre les différents composants de la classe possédante, loin de là, comme de la même façon dans la classe salariée( ou prolétaire), les différents « segments » sont en concurrence entre eux, et TOUS, patrons et prolétaires sont en concurrence entre eux : La guerre de tous contre tous (K. MARX)
Je ne comprends sans doute pas très bien le dernier paragraphe de ce billet, ni de quelle radicalisation il est question.
De fait les luttes salariales sont…monnaie courante dans le mouvement ouvrier, et d’ailleurs cette crise est une crise de la relation salariale essentiellement ( Cf. pourquoi le crédit s’est substitué au salaire), et il y aura des surprises de ce côté-là.
J’étais étonné de ne pas voir aborder sur ce blog la question des salaires, je suis heureux de voir que cela appartient au passé…
Il faut se pencher plus sur: la périodisation du mode de production capitaliste : domination formelle/domination réelle( pour Théorie Communiste : Subsomption formelle…) et sa relation avec le Programmatisme (affirmation du prolétariat, socialisation…), la décomposition du programme (crise et restructuration capitaliste des années70-80) avec son corolaire d’impossibilité d’affirmation prolétarienne, affirmation du travail comme organisant la société.
Actuellement les luttes salariales sont en relatif essor pour les zones « périphériques », Algérie, Zambie,etc… mais également Inde ou Chine.
Ces luttes pour le salaire ou pour le revenu ( retraites, allocations…) s’attaquent à la relation salariale elle-même, il est difficile de prévoir ce qui en sortira, en tout cas les luttes pour le salaire vont devenir centrales.
Mathieu,
vous avez raison de dire que les populations pauvres ont droit à une vie plus confortable.
C’est ce qu’ont vendu les multinationales en délocalisant massivement et en abandonnant la production. C’était un mensonge, nous le savons maintenant.
Dès que les salariés des usines d’Indonésie, du Vietnam et d’ailleurs, réclament des hausses de salaires, on leur répond non et on menace de partir dans le pays voisin. Les gouvernements sont impuissants et ne prélèvent même pas de taxes pour compenser ces bas salaires. Nous sommes loin du deal gagnant-gagnant…
C’est pour cela que je dis qu’il faut limiter la liberté d’action des grandes firmes. Liberté rendue possible par 30 ans de dérégulation.
A Paul Jorion,
Vous reprenez dans cet article des thèses que vous développez règuliérement et qui me paraissent intéressantes, notamment l’opposition entre l’intérêt des salariés (la grande masse, si on y inclus les travailleurs indépendants, les artisans, les agriculteurs et les chômeurs) et l’intérêt des groupes qui possèdent le capital (l’argent), qui recoivent le revenu du capital et ceux qui dirigent les grandes entreprises qui produisent et distribuent les marchandises modernes dont la plupart sont mises sur le marché non pour leur valeur d’usage mais pour leur valeur d’échange, et au premier plan de ces marchandises, il faut voir l’argent, à la fois « matière première » et produit.
Il ne faut pas oublier dans ce vaste panorama les publicistes, médiatiques et autres politiques qui font fonctionner le système.
Je pense que pourtant il n’existe que deux classes pures : les prolétaires, ceux qui n’ont aucun pouvoir sur leur vie et de l’autre la sainte alliance des propriétaires et de ceux qu’ils stipendient.
L’argent, devenu la marchandise vedette de notre époque, est de ce fait au centre de tous les affrontements et le fait qu’il soit concentré là où il ne devrait pas être s’il était un équivalent et non une marchandise.
Je crois qu’il faut non seulement lutter pour que les paris soient interdits sur le cours des matières premières ou la valeur supposée des entreprises mais aussi que l’argent ne puisse pas être prété moyennant intérêt.
Cela, avec toutes les conséquences que cela entraîne, ressemble bien à un épisode ultime de la lutte des classes.
A ma connaissance, aucun parti ou homme politique n’a eu le courage de proposer des réformes de fond allant dans le sens de ce que préconise Paul Jorion.
Ne sommes-nous pas condamnés à attendre le geste final de la Chine qui agit à la manière des rétrovirus, utilisant à son profit les enzymes de son hôte pour son développement et tuant au final l’organisme entier!
« Je pense que pourtant il n’existe que deux classes pures : les prolétaires, ceux qui n’ont aucun pouvoir sur leur vie et de l’autre la sainte alliance des propriétaires et de ceux qu’ils stipendient. »
Nulle pureté dans les classes. Les prolétaires ne sont pas ceux qu »i n’ont aucun pouvoir sur leur vie », ils sont ceux qui ne possèdent que leur force de travail, la vie c’est autre chose, les capitalistes ne sont pas moins aliénés, ils sont cette classe qui exploite et possède de quoi exploiter.
« Cela, avec toutes les conséquences que cela entraîne, ressemble bien à un épisode ultime de la lutte des classes »
En plein dans le mille ! Certainement un « nouveau cycle de luttes » (Théorie communiste N°22 Du Capital restructuré à sa crise; la perspective communisatrice ; Revendiquer pour le salaire :Février 2009)
Une fois que la question de la séparation des revenus et du travail est (bien) posée, d’autres interrogations inévitablement surgissent .Pour ma part j’en distinguerais trois principales :
1.Sur quoi doit s’appuyer le revenu (qu’on l’appelle Revenu Minimum de Dignité ou Revenu Social Garanti…) si ce n’est pas le travail individuel (c’est la question de ce qui fait valeur) ?
2.Quelle peut être la source de ces revenus redistribués sachant qu’ils ne peuvent venir d’une taxation du travail productif (et donc de la consommation) puisque ce dernier n’est plus capable de générer suffisamment de salaires (c’est la question de la forme prise par la valorisation)?
3.Comment intègre t’on dans cette évolution cette évidence qui émerge, i-e le fait que ceux qui produisent sont ceux qui consomment, ceux qui vendent sont ceux qui achètent et qu’il n’y a pas deux mondes indépendants mais des individus interdépendants (c’est la question des équilibres des valorisations) ?
@BAB64 sur le RMD (Revenu Minimum de Dignité).
Je vais essayer de répondre en quelques lignes, pour éviter de m’autoréférencer trop souvent (mais mes billets sont copylefts, vous pouvez donc les utiliser comme il vous plaira, si l’idée est bonne, peu importe sdon auteur comme je l’ai dit à Etienne). Je rappelle quand même le lien :
http://www.blemaire.com/PDF/A%20nouveau%20sur%20le%20RMD%20ou%20le%20RAC.pdf
Pour moi, le RMD est accordé à tout individu d’une certaine communauté, il correspond au 1/4 des richesses produites par la communauté en question, net d’impôts. Si la richesse globale augmente, le RMD augmente. Si plus personne ne produit, il n’y a plus de RMD. Dans le cas de la France de 2008, j’avais estimé le RMD à 630 euros mensuels, nets d’impôts (en tenant compte d’une population de 65 millions d’individus)
Ce RMD peut être instauré quelque soit le contexte socio-économique, anarchiste, communiste, libéral, il ne dit rien sur la façon de produire les richesses, il propose simplement que le 1/4 de ces richesses produites soit distribué automatiquement à chaque individu de la communauté concernée.
Pour son financement, j’avais évoqué plusieurs pistes.
1) La plus simple (pour les calculs en tout cas): imposer tous les autres revenus à 33% (ce qui permet d’obtenir les 25% annoncés, pour deux qui seraient brouillés avec la règle de trois)
2) Une autre piste serait de créer une monnaie complémentaire (fondante ou non, à voir) pour financer tout ou partie de ce RMD
3) Une piste un peu plus récente serait de reprendre l’idée du petit grand emprunt, mais, là encore, au lieu de lancer un emprunt rikiki avec un taux d’intérêt important, serait d’émettre l’équivalent de quelques milliards par mois, pendant 2 ans, pour financer le lancement de ce RMD: émission monétaire, sans intérêt, mais interdite par le point 104 du traité de Maastricht, devenu le point 123 je crois, dans le traité de Lisbonne.
Ce n’est bien sûr qu’une réponse partielle à un vaste débat, qui avait donné lieu à quelques échanges sur le site public: « contre-feux », ainsi que sur des listes de diffusion privées liées à la question monétaire.
Bien cordialement, Bruno Lemaire.
BAB64, Les consommateurs ne sont pas les travailleurs. Nous consommons tous, mais nous ne travaillons pas tous (moins de 1 sur 2). Prélever sur le travail n’est pas équivalent à prélever sur la consommation. L’assiette des prélèvements sur la conso est beaucoup plus large, et en conséquence beaucoup plus tolérable. D’autre part le prélèvement sur le travail nous pénalise vis à vis de nos échanges. Le principe de l’exception culturelle utilise le principe du prélèvement sur la consommation pour financer la création. On pourrait transposer ce principe pour financer les besoins sociaux. Je rejoins Bruno Lemaire sur ce point en faveur de ce qui a pris le nom de TVA sociale dans le débat.
http://solidariteliberale.hautetfort.com/archive/2007/06/29/tva-sociale.html
Pourquoi on ne considère pas comme frais les intérêts des actionnaires ? La différence tient à la propriété.
Le salarié peut être considéré comme un fournisseur, il est rémunéré comme on rémunère un service.
L’actionnaire, lui, est propriétaire. Les dividendes qu’il touche sont simplement les revenus de ce qui lui appartient. Il ne fournit aucun service.
Exemple : si je possède une machine à pain, le pain qu’elle fabrique me revient parce que je possède la machine (et je peux payer quelqu’un pour actionner la machine, c’est un frais pour service rendu).
La seule solution logique pour sortir de ce dilemme est d’abolir la propriété et de la remplacer par la location (location du capital si besoin d’investissements). Une entreprise ne devrait appartenir qu’à elle même, et être ainsi au service de la société, non pas de ses propriétaires.
@ quentin
Ce que vous dites est vrai pour ce qui est des actionnaires secondaires, ceux qui ont racheté les actions après leur émissions à un investisseur qui a participé à une augmentation de capital. En revanche, ce premier actionnaire a lui été rémunéré tout le temps qu’il possédait ses actions par son dividende pour la mise à disposition de la société d’argent tout à fait réel.
En ce sens les dividendes versés sont bien la rémunération d’un service. Tout change en revanche pour les actionnaires car eux n’apportent rien à l’entreprise.
La solution logique consiste donc non pas dans ce cas dans l’abolition de la propriété mais dans l’interdiction de la rémunération par revente des actions à un prix supérieur à celui d’achat. En d’autres termes, en l’interdiction du paris sur les prix sur les marchés secondaires…
Je voulais bien sûr dire Tout change en revanche pour les actionnaires secondaires (qui rachètent au premier les actions) car eux n’apportent rien à l’entreprise.
Je ne suis pas tout a fait d’accord.
Si l’investissement initial était un service (la mise à disposition d’une somme d’argent) ce serait un crédit. Le montant du service ne dépendrait pas de l’activité de l’entreprise, ni de ses bénéfice : prêter de l’argent, c’est prêter de l’argent.
Mais l’actionnariat n’est pas le crédit. C’est l’achat d’une part de l’entreprise. Le fait que les dividendes dépendent des bénéfices de l’entreprise vient de là. Ils sont reversés à ceux à qui appartient l’entreprise, comme le résultat de ce que produit ce capital qu’ils ont acheté.
Si le capital au lieu d’être acheté était loué, il n’y aurait de fait aucun pari possible sur sa valeur, puisque il ne pourrait pas être revendu (aucune plus-value possible en faisant une location). Toute plus-value reviendrait à l’entreprise.
Plus de détails ici : http://ungraindesable.blogspot.com/2009/11/les-principes-du-communisme-liberale-13.html
Vous bouclez la boucle BAB64, ou plutôt, vous posez les questions qui permettent de comprendre qu’elle est impossible à boucler.
Vous mettez les pieds dans cette zone trouble ou les dogmes ultra-libéraux sont dilués dans la culture marxiste. Comme une équation sans solution, la tentative de faire tenir ce projet debout résume le seul enjeu intellectuel de l’entreprise. En termes politiques, c’est un jeu dangereux qui oeuvre à la banalisation du capitalisme en l’intégrant définitivement aux réflexions qui prétendent vouloir le dépasser. Sacré tour de force : le capitalisme devient l’utopie positive !
@ Igniatius J. Reilly qui dit , le 14 janvier 2010 à 11:30
« Voilà les partisans du revenu minimum… garanti ? universel ? qu’importe, qui reviennent par la petite porte. »
Je ne sais pas si c’est par la petite porte (celle du blog de Paul Jorion je présume), mais cela n’a jamais été mon habitude, j’écris ce que je pense, quand je trouve un œil , un clavier, ou une souris susceptibles de d’y faire attention.
Mais ce n’est pas le plus important.
J’avoue que j’ai un peu de mal à voir le côté prétendument « diabolique » (car pro-fasciste, pro-capitalisme pro « tout que Ignatius a bien le droit de rejeter »: nous ne sommes pas encore dans un contexte totalitaire : par ailleurs étant moi-ême antifasciste, anti-communiste, anti-capitaliste, cela ne me gênerait pas vraiment) du Revenu Minimum de Dignité: que chaque individu puisse s’approprier le 1/4 de toute la richesse communautaire produit à un moment donné me semble assez peu fascisant.
MAis je suis sûr qu’Etienne va nous apporter un éclairage nouveau sur la question.
Mais si son éventuelle argumentation repose sur le fait que des gens qu’il n’aime pas – et encore une fois, c’est son droit – ont soutenu, paraît-il, exactement ce que je soutiens dans la proposition du Revenu Minimum de Dignité, je ne jugerais pas une telle position très convaincante.
Si Hitler, Staline, Pôl Pôt, Castro, Franco – ou leurs partisans actuels – me disent que le ciel est bleu, dois-je en conclure que le ciel est gris, ou orageux?
Essayons donc d’éviter les amalgames, cela peut permettre d’avancer des idées, ou de les rejeter si elles ne sont pas porteuses d’espoir.
Cordialement, Bruno Lemaire
Paul,
En fait, il y a consommateurs et con-sommateurs.
Pour trouver les pigeons du second poste, il y a la pub.
Puis, il y a pour « compenser » le travailler plus, pour gagner plus ».
Marx n’y fait rien à l’affaire. C’est bien plus une question intimiste. « Croire ou ne pas croire », presque.
J’aime l’histoire comme référence aux conneries qui sont passées, mais après il faut s’assoir devant son mémoire et regarder où son les problèmes.
Cela touche à la psychologie ou à la sociologie.
J’ai des copains français, qui vivent parfaitement avec un minimex. Minimex qui n’est en fait qu’un rabotage artificiel et statistique d’un minimum tout à fait subjectif.
Capitaliser, n’est pas un problème.
Ce qui l’est c’est chercher à comptabiliser en appuyant sur un des plateau de la balance et en se foutant pas mal de l’autre côté.
Aujourd’hui, on peut pratiquement tout produire. La question est dans quel but et avec quel effet secondaire.
Il me semble que votre argumentation s’appuie sur l’idée :
« Il faut réexaminer le travail comme une question en soi, comme l’activité humaine nécessaire pour produire marchandises et services authentiques sans qu’elle soit automatiquement celle qui nous procure les revenus qui nous permettent de consommer. »
Dans le mode capitaliste de production, il est impossible de séparer réellement production et circulation. L’investissement en capital pour produire des marchandises ne peut être retrouvé (avec la survaleur) que par la vente au cours de la circulation des marchandises. Les salariés sont pris dans ce mouvement et ne peuvent s’en abstraire sauf à inventer des formes nouvelles de production qui ne fassent plus appel aux capitaux financiers, à but lucratif en particulier, et où « les producteurs associés seraient propriétaires des moyens de production » (KM).
Mais là où le problème de fond est posé, c’est quand vous dites qu’il faut examiner le « travail comme une question en soi », (formulation très proche de « travail en soi »…). Or avec le mode capitaliste, le travail est clivé en travail concret (celui que vous avez en vue, qui conduit à des marchandises « authentiques », j’entends valeurs d’usage réellement utiles) et un travail abstrait dont nul salarié ne peut fixer la valeur, par définition elle ne dépend que du « temps socialement nécessaire » pour produire une marchandise donnée, et sur laquelle il n’a aucun pouvoir (grandeur statistique dépendant de l’état des forces de production et de l’organisation de la production à une époque donnée). Ce travail abstrait, comme vous le savez ne dépend ni l’habileté ni des compétences individuelles, il est justement abstrait de toutes ses composantes concrètes ! Il n’est que la valeur d’un temps de travail socialement nécessaire.
Conséquence de la remise en question de cette distinction fondamentale ? Elle est double : d’un côté elle nous fait sortir du mode de production capitaliste, et la théorie de celui-ci sera fausse, d’un autre côté cela nous fait découvrir qu’une utopie est imaginable où le travail concret serait seul socialement nécessaire et pris en compte… (KM utilise de temps en temps cette utopie pour montrer que justement si les choses sont comment elles sont, ce n’est pas éternel et qu’elles pourraient être autrement.)
@JeanNimes
Votre connaissance des termes marxistes, en particulier sur le travail concret et abstrait, est impressionnante.
Quoiqu’il en soit, et c’est peut être là où je me distingue le plus de l’analyse de Marx, je crois de moins en moins en l’homme statistiquement moyen (c’était peut être vrai, sur le plan économique du temps de Marx, et de Taylor, – cf les Temps Modernes de C. Chaplin) quand on cherchait à transformer un homme en machine « ce qu’un singe savant aurait pu faire », tel était l’objectif à demi avoué par les spécialistes de l’organisation scientifique du travail.
Cela n’a jamais été vrai sur le plan simplement « humain » (j’ai failli dire « spirituel », mais ce terme est trop connoté), et heureusement. Je crois trop à l’individu, même s’il est brimé, exploité, manipulé – mais « libre » encore et toujours, en dépit des tonnes de contraintes qui peuvent s’abattre sur lui –
Aussi, si, pour faire une vraie révolution, il faut considérer l’homme comme « statistiquement moyen », cela ne sera jamais mon point de vue: trop de régimes dictatoriaux ont émergés en raisonnant sur l’homme « moyen ».
Ce n’est pas du tout pour justifier que l’homme exploite l’homme, et je crois de plus en plus à une mesure politique qui limiterait l’éventail des rémunérations, toutes les rémunérations, de façon transparente. Mais ramener le travail à un « travail moyen », et l’individu à un « individu moyen », non
Cordialement, Bruno Lemaire.
Dès que je vois le mot « utopie », je sors mon revolver, Dit Bruno Lemaire. 🙂
@ Betov :
Certes , mais cordialement .
« Les salariés sont pris dans ce mouvement et ne peuvent s’en abstraire sauf à inventer des formes nouvelles de production qui ne fassent plus appel aux capitaux financiers, à but lucratif en particulier, et où « les producteurs associés seraient propriétaires des moyens de production » (KM). »
Faut pas seulement inventer des formes nouvelles de production (aux faits, il en existe déjà pas mal), il faut surtout un circuit alternatif pour valoriser cette production et l’échanger. Cela ne sert à rien de simplement produire d’une façon alternative, si ultérieurement cette production va avoir « une valeur monétaire » pour être échangé… parce-que alors on reste dans le même pétrin qu’aujourd’hui… si ceux qui ont accumulé des signes de « valeur monétaire » dans le passé peuvent acheter cette production, comment valoriser 1 mois de sueur productif en signes monétaires et qu’est-ce que cela peut vous acheter, quand peu importe la valeur que vous donniez à ce mois de sueur n’importe quel des accumulateurs existants peut « l’acheter » sans se décoiffer en ne laissant rien pour les autres du fait de ses réserves monétaires (virtuelles et fraudulentes)?
On voit ce que peuvent faire des milliards qu’on sort d’on ne sait pas bien ou, sauf qu’ils pèseront lourds sur l’endettement des états dans l’avenir.
La crise du travailleur libre
…/…
L’achat global de la force de travail.
La force de travail est considérée comme propriété du capital, non seulement formellement( le travailleur a toujours appartenu à toute la classe capitaliste avant d’appartenir à tel ou tel capitaliste), mais réellement en ce que le capital paie sa reproduction individuelle en en dehors même de sa consommation immédiate qui pour chaque force de travail n’est que la manifestation de sa définition en tant que fraction, simple part aliquote, de cette force de travail générale déjà propriété du capital….Inversement, la force de travail directement en activité, consommée productivement, voit son travail nécessaire lui revenir en fraction individuelle, défini, non pas les besoins exclusifs de sa propre reproduction, mais en tant que fraction de la force de travail générale( représentant la totalité du travail nécessaire), fraction du travail nécessaire global.Il tend a y avoir péréquation entre revenu du travail et revenu d’inactivité et institutionnellemnt contagion entre les deux.
T.C. N°22 Ch. Revendiquer pour le salaire Février 2009
Bruno Lemaire, loin de moi l’intention de vous qualifier de « pro-fasciste », mes propos ne s’adressait pas à vous naturellement, ni à quiconque sur ce blog. Je regrette si vous les avez entendus ainsi.
J’appelais « post-fasciste » l’idéologie libertarienne à l’oeuvre depuis près de 30 ans. On faisait autrefois des individus de la chair à canon. Les individus d’aujourd’hui, civilisation oblige, se sont mué en chair à marchands (ou chair à banquiers, choisissez, les deux me vont.) Voilà la seule comparaison que je me suis permise. Pour le reste, je ne retire rien. Pas plus que je n’y suis pour quelque chose dans le fait que Milton Friedman le premier intègre le revenu universel au sein de ses folles propositions. Je m’alerte seulement de certaines convergences de vue.
La distinction qui permet de faire la part de choses entre les libertariens et tenants de l’allocation universelle est la suivante:
liberté formelle (chère aux libertariens): c’est une liberté uniquement contractuelle, juridique. Tout homme est libre de poser des choix, de signer des contrats, et doit les assumer. Pour un libertarien, si toutes les transactions sont valides (toutes les parties concernées ont toujours donné leur assentiment) alors les résultat est « juste ». Le problème principal avec cette position, c’est que vous pouvez très bien être libre formellement, mais pas du tout en pratique. Si vous ne possédez rien, et que votre seule possibilité de subsistance est d’accepter un travail dégradant pour des cacahuètes, vous allez l’accepter. Pour un libertarien il n’y a rien de choquant à cela: personne ne vous a « contraint » à accepter, donc c’est « juste ».
liberté réelle: votre liberté réelle est, grosso modo, l’éventail des actions que vous pouvez réellement poser. La liberté réelle augmente avec les attributs suivants: une bonne santé, des moyens de subsistance relativement garantis, la confiance en soi, l’éducation, l’intégration à un réseau social, etc…On peut concevoir qu’une société « juste » est une société qui garantit à chacun de ses membres une liberté réelle élevée, et ce de manière inconditionnelle. Un revenu garanti est certainement une bon moyen d’y arriver (en partie), entre autre parce que cela permet à chacun des bénéficiaires de décider pour lui-même dans quelle domaine exercer sa « liberté réelle ».
(Cette distinction liberté formelle/liberté réelle a été introduite par Philippe Van Parijs.)
On comprend bien que le capitalisme n’a aucun problème avec la liberté réelle, du moment que le rapport de force ne soit pas en faveur des salariés! Par contre une grande liberté réelle pour tous va clairement à l’encontre des intérêts d’une petite classe de possédants.
non, cher Ignatius, je n’ai pas pris cela pour moi, rassurez-vous. Je m’inquiétais simplement du fait que, parfois, on pouvait passer à côté d’une idée peut être bonne parce que des « sales » individus l’avaient émises pour des raisons pas toujours avouables.
En prenant de l’âge, je pense qu’il faut se méfier de plus en plus de « la fin justifie les moyens »: il ne peut y avoir de bonnes fins (du moins dans le domaine humain) si les moyens utilisés ne sont pas avouables. On est passé d’un environnement économique où l’on mettait volontiers l’accent sur les moyens à un contexte où on met plutôt l’accent sur la fin (j’ai vécu cela en tant que consultant en management, et j’ai même, hélas, théorisé cette pratique par le seul ouvrage qui a rencontré quelque succès « gagner dans l’incertain »).
C’est bien pour cela que je mets tant l’accent sur la transparence, à la fois des fins et des moyens, et que je tente, pas toujours adroitement, de valider la proposition d’un Revenu Minimum de Dignité (je tiens beaucoup à ce dernier mot « Dignité », plus encore qu’à « Existence », employé souvent dans d’autres propositions)
Très cordialement,
Bruno Lemaire.