Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Vous avez dû noter – peut-être avec un malin plaisir – où la réflexion des jours derniers nous conduits : si on veut sortir de la crise sans retomber dans une logique de croissance à tout crin, il faut que nous stoppions la fuite en avant permanente qui épuise la planète et qui débouche toujours à terme sur de la surproduction. Pour cela, il faut séparer la question des revenus qui nous sont nécessaires pour acheter des biens de consommation, de la question du travail. Il faut réexaminer le travail comme une question en soi, comme l’activité humaine nécessaire pour produire marchandises et services authentiques sans qu’elle soit automatiquement celle qui nous procure les revenus qui nous permettent de consommer.
Quand je dis marchandises et services « authentiques », je veux dire ceux que nous n’achetons pas simplement sous l’influence du « consumérisme », cette idéologie qui a été inventée pour repousser artificiellement les limites de la surproduction et qui n’est en réalité qu’un effort de propagande poussant à davantage de consommation et qui, dans la mesure où il réussit à nous persuader, permet que l’on produise plus qu’en son absence.
Séparer travail et revenus permet d’envisager les choses dans la perspective de l’An 2000 tel qu’on l’imaginait encore dans les années cinquante : où le travail, devenu rare dans un monde où la productivité croît grâce à l’automation, n’est pas une malédiction mais au contraire une bénédiction.
Ma démarche est différente de celle de Marx mais elle se situe au sein de la même tradition que la sienne, et ceci pour une raison très simple : parce que je considère comme sans grand intérêt la « science » économique qui a été produite après la mort de Marx, quand s’achève la tradition des économistes de l’âge d’Or de la pensée économique : le XVIIIe siècle, dont les théories sont d’inspiration sociologique plutôt que psychologique comme ce sera le cas ensuite, et dont le dernier grand représentant est David Ricardo.
C’est pourquoi j’ai voulu examiner ce qui diffère très exactement entre ce que j’ai écrit ces deux ou trois dernières années et ce qu’on trouve chez Marx. L’une des différences porte sur sa définition du capital – j’y reviendrai ultérieurement – et l’autre sur l’identité des grands groupes sociaux impliqués dans la production et dans la distribution
D’abord un rappel. Pour qu’une marchandise puisse être produite, des avances doivent être consenties, en argent, en matières premières, en outils, etc. auxquelles vient se combiner le travail humain. Une fois la marchandise produite, elle est vendue une première fois (sur un marché « primaire ») et la différence entre les avances et le prix de vente constitue un surplus : ce surplus est partagé dans un premier temps entre capitaliste et industriel, qui reçoivent, le premier, les intérêts et le second son profit et, dans un second temps, l’industriel redistribue le profit entre lui-même et ses salariés. Les termes de cette redistribution sont déterminés par les différents rapports de force entre les parties : rapport de force entre capitaliste et industriel dans un premier temps, rapport de force entre patron et salariés dans un second temps.
Marx distingue comme grands groupes impliqués dans les processus économiques, les capitalistes qui possèdent le capital et les prolétaires, qui louent leur force de travail. Je distingue de mon côté quatre groupes : 1) les salariés qui sont en gros ceux que Marx appelle les prolétaires, 2) les « capitalistes » de Marx se redistribuent pour moi en trois différents groupes : a) les marchands qui veillent à la distribution des marchandises et ponctionnent au passage un profit marchand, b) les dirigeants d’entreprise, ou industriels, ou entrepreneurs, qui touchent un bénéfice, qui est la part du surplus qui leur revient une fois payés les salaires de leurs salariés et versés les intérêts à ceux qui leur ont consenti des avances, qui constituent eux c) le groupe des investisseurs, ou actionnaires, ou « capitalistes » proprement dits.
Marx considère que le salaire des salariés constitue un élément du même ordre que les avances en argent ou en matières premières en provenance du « capitaliste » : il en fait, dans ses termes, l’un des « frais de production ». Il écrit dans « Travail salarié et capital », un texte rédigé en 1849 : « … ces frais de production consistent : 1) en matières premières et en instruments, c’est-à-dire en produits industriels dont la production a coûté un certain nombre de journées de travail, si bien qu’ils représentent un temps de travail déterminé ; 2) en travail immédiat qui n’a d’autre mesure que le temps. » (Marx 1849 : 210).
On peut répondre à cela que si les salaires font partie des frais de production, pourquoi ne pas considérer aussi comme frais de production les intérêts qui reviennent au capitaliste ou bien encore le bénéfice qui va à l’industriel ou « entrepreneur » ? Si c’était le cas, la notion de frais de production ne se justifierait plus puisque la somme des frais de production ne serait rien d’autre en réalité que le prix de vente de la marchandise sur son marché primaire, celui où – comme je l’ai rappelé – la marchandise, le produit fini, est vendu pour la première fois.
Or, cette manière différente d’envisager les « classes », les groupes constituant nos sociétés dans la production et la distribution, n’est pas sans conséquences : ce n’est pas du tout la même chose de considérer les salaires comme une des composantes des frais de production ou comme des sommes qui reviennent à l’une des trois parties en présence dans le partage du surplus. Chez Marx, les salaires sont un facteur objectif, un « donné », tout comme le prix des matières premières, alors que dans ma manière à moi d’aborder le problème, les sommes qui seront allouées comme salaires constituent une part du surplus, et leur montant reflète en réalité le rapport de force entre les salariés et leur patron.
Je dirais donc que chez Marx, les salaires sont « réifiés », et je veux dire par là qu’ils sont considérés comme une donnée objective au même titre que le coût des matières premières nécessaires à la production, alors que pour moi, ils constituent une part du surplus et leur montant se détermine en fonction d’un rapport de force.
Il me semble qu’il y a du coup une certaine radicalisation dans ma manière de voir les choses par rapport à celle de Marx, et qu’elle se révèle par le fait que les revendications des salariés pour obtenir une meilleure rémunération ont un sens dans le cadre tel que je le définis, puisqu’elles sont susceptibles de modifier le rapport de force entre leurs patrons, les dirigeants d’entreprises que sont les industriels ou « entrepreneurs », et ces salariés, alors que chez Marx, on ne voit pas pourquoi ces revendications pourraient faire une différence, les salaires ayant la même objectivité, la même « solidité » que le prix des matières premières par exemple.
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Karl Marx, Travail salarié et capital, [1849], Å’uvres de Karl Marx. Économie I, La Pléiade, Paris : Gallimard, 1965 : 199-229.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
180 réponses à “Où se situent les salariés ?”
@ Bruno lemaire
Mais qu’est ce que vous avez tous avec cette histoire de « dignité »? Dignité ceci. Dignité cela. Au mieux du politiquement correct, au pire un instrument d’oppression permettant de présenter sous un jour acceptable des propositions fondées sur des croyances religieuses bien déterminées (des discussions de bioéthique aux limites qu’on met aux « sexualités alternatives », en passant par la pornographie et le jeu vidéo). La dignité ça ne veut RIEN dire. Ceux qui sont hostiles à l’avortement le sont « au nom de la dignité humaine ». Et ceux qui sont « pro-life » également.
Historiquement, en droit, le concept de « dignité » est venu récemment remplacer celui de « bonne moeurs » et de « bon père de famille » parce que ces derniers n’étaient plus acceptables dans une société plurielle comme la nôtre. Mais ce n’est qu’un « habit ». La dignité est muette.
Ne faite pas l’aumône bon sang. Ce n’est certainement pas « au nom de la dignité » que les citoyens peuvent mutuellement s’accorder un « revenu minimum ». Même « minimum » n’a rien à faire là. Avec l’idée de « minimum » et de « dignité (humaine) » on a vraiment le minimum du minimum issu d’une réduction de la figure du « citoyen » à celle de « l’individu » (considéré alors comme un substrat bio-psychologique)! Le minimum ne doit pas être fixé en fonction de critères biologiques (cout de la satisfaction de certains besoins fondamentaux), mais en fonction de l’idée de coopération sociale, des termes qui l’organisent, et du surplus qu’elle dégage. Il y a un abîme entre ces deux représentations. Cet abîme sépare justement la justification anarcho-capitaliste du « revenu minimal garanti » de la justification « démocratique » de cette même idée.
Inutile de dire qu’au final le résultat n’est absolument pas le même en terme de montant alloué!
Il y a suffiamment d’arguments politiques (Rawls, Van Parijs) et économiques (Jorion: l’homogénéisation de la répartiqtion du capital afin qu’il soit là où on en a besoin) qui justifient cette proposition pour qu’on donne l’impression qu’il s’agit d’une « aide », ce qu’elle n’est absolument pas. Choisissez bien vos termes.
Sinon c’est un billet stimulant Paul.
« les revendications des salariés pour obtenir une meilleure rémunération ont un sens dans le cadre tel que je le définis, puisqu’elles sont susceptibles de modifier le rapport de force entre leurs patrons, les dirigeants d’entreprises que sont les industriels ou « entrepreneurs », et ces salariés, alors que chez Marx, on ne voit pas pourquoi ces revendications pourraient faire une différence, » : la différence est notable, certes, mais le propre des rapports de force est d’exister dans la réalité, une réalité qui bouge sous l’impulsion d’un nombre incalculable de facteurs, et indépendamment des théories. Aujourd’hui, le rapport de forces est tellement en faveur des entrepreneurs que les salariés doivent mendier du travail. Si un jour quelque chose pointe à l’horizon qui puisse le changer, ce ne sera sûrement pas un point de théorie, aussi important soit-il.
« Si un jour quelque chose pointe à l’horizon qui puisse le changer, ce ne sera sûrement pas un point de théorie, aussi important soit-il. » : oui ben, aujourd’hui, je ne viendrais pas dire que ce n’est qu’un point de théorie, mais un point de théorie d’une importance extrême, même si le rapport de force ne va pas changer d’ici peu. En effet, pour partager la propriété d’une chose, il faut qu’elle soit a priori considérée comme relevant de la propriété collective. C’est bien le cas du revenu du travail qui dépend, de façon inextricable, de l’activité de l’entrepreneur et de celle des salariés. Si l’on considère qu’il est juste que le premier en tire finalement un profit, l’on doit considérer, de la même façon, qu’il est juste que le salarié en tire de quoi vivre dignement, ce qui ramène à étudier ensemble : le coût de la vie, (imposé par le mode de vie bourgeois), le temps de travail, et le potentiel de travail disponible sur le marché. Très compliqué tout ça.
Enfin un financier qui l’ouvre et sort des vérités ,écoutez les comentateurs médusés (ils viennent de redescendre sur terre)
http://www.rmc.fr/podcast/podcast.php?id=36
écoutez les premières 20 minutes,c’est pas mal.
RMC : 14/01 – Après le cauchemar du séisme, l’aide humanitaire commence à arriver à Haïti
– Face-à-face E.Besson/M. Le Pen ce soir à la TV, les journalistes SNJ-CGT y sont opposés : Le service public cède-t-il à la tentation du « tout spectaculaire » ?
– « Le buzz des Grandes » : 3 enfants de Harkis manifestent depuis 8 mois devant l’Assemblée et demandent à l’Etat de reconnaître sa responsabilité dans le massacre de leurs aînés !
Tiens, ce post a attise ma curiosite. Et, la, (surprise?….hummm), ce financier en question n’est autre que Marc Fiorentino !
Celui qu’on se coltine tous les 2 mois dans « C dans l’air »…
Milles excuses à vous Fabien F , 🙂
Oui j’oubliais.
Il faut que tu lises Poulanzas. Il a essayait, à partir de Foucault et de Arendt, de refonder la théorie des classes de Marx pour qu’elle puisse rendre compte de la complexité de nos sociétés « post »-industrielles.
Je ne l’ai pas lu mais tu y trouverais peut-être 2 ou 3 idées.
http://blog.monolecte.fr/post/2010/01/14/L-imposture-humanitaire
autre exemple paradoxale
bruno
Salut la compagnie des têtes pensantes,
abonné sans payer (j’ai honte tout seul) l’opus du jour me fait aplaudir des deux mains (!!!ahahah), frapper des pieds et faire sonner les cloches. Je lis une bande dessinée, je regarde une série américaine en parcourant les commentaires.
Personnellement, il me semble que avec les capitalistes (scindés en trois sous groupe d’INEGALE valeure sociale, … il y en a qui devrait être mis à « pénitence »); eh bien il me semblerais necessaire de scinder aussi les travailleurs en sous groupes plus ou moins sensible à la main mise du trio « capitaliste-entrepreneur-marchand ».
L’autoentreprise vraiment libérale, un salaire universel associé à un service communautaire obligatoire pour son versement, permetterait surement de libérer les travailleurs de production du joug du trio CEM, mais qui paiera, d’où va venir le financement ? tout cela c’est du rêve, une jolie bande dessinée d’un monde à la disneyland.
Il faut d’abord commencer par demander aux CEM de bien vouloir respecter trés poliment la « vox populi », et de mettre au pas ces gens là qui ratissent les idéaux de toutes nos pauvres humanités pensantes.
A ce stade, je serais dans l’avenir trés interessé par ce que va produire Mr Barnier nouveau commissaire Européen.
Cordialement
Il manque une classe ou un groupe social dans l’analyse de P.JORION : les bureaucrates. Chez Marx, la fonction publique ponctionne sur la plus-value produite par les productifs; c’est qq chose qui est d’ailleurs totalement occulté par les partis de gauche, puisque les bureaucrates est leur coeur de cible et leur principale clientèle. Mais la ponction opérée par la classe bureaucratique est , en France, par exemple, infiniment plus importante que celle opérée par les capitalistes eux-mêmes. En quoi la classe bureaucratique est-elle « improductive ». En ce qu’elle coûte beaucoup plus que le service qu’elle procure; aucune entreprise privée ne résisterait a un tel traitement. C’est d’ailleurs, la disparition de la notion de coût qui fut l’une des causes de l’effondrement du « socialisme scientifique »(sic).
Bon, Jimmy, au moins on sait qu’il est plus simple de repartir des fondements et de ne pas se casser la tête dans des raffinements complexes… alors soyons simples.
KM a énoncé une loi du mode de production capitaliste, en disant bien qu’elle n’était vraie que dans ce mode-là : le capitalisme ne considère comme « travailleur productif » que celui qui produit de la survaleur (on disait anciennement de la plus-value).
Tous les autres, pour un capitaliste, ne sont que des sangsues qui viennent pomper « sa » survaleur. Mais il est obligé de les tolérer car ils l’aident à compter sa survaleur et ses marchandises, ils l’aident à entretenir une police/justice/armée, et les bureaucrates qui vont avec, pour contrôler les salariés qui tenteraient de ne pas respecter la liberté d’exploiter la survaleur en paix, enfin il lui faut bien payer les publicitaires/marketing pour vendre ses marchandises (faut-il énumérer les garde-chiourmes, pardon , les petits-chefs, les DRH, les syndicats-maison, les nervis et les jaunes quand les salariés ne veulent plus produire la survaleur au même tarif ?) et les idéologues (Alain Minc, Jacques Attali,…) plus ou moins complices pour bien raconter aux salariés qu’il n’existe pas de survaleur, seulement des bénéfices « normaux » qui « payent les efforts, combien grands, de ce capitaliste qui arrive même à gagner de l’argent en dormant parce qu’il ne cesse jamais de travailler contrairement aux salariés qui ne font jamais plus que 8 h, quand ils ne sont pas au chômage pour se la couler douce.
En résumé, KM considère qu’il y a la classe de ceux qui exploitent la survaleur (et la répartissent à leur convenance) et celle de ceux qui la produisent. Point barre, c’est simple, non ?
Sinon, on en arrive à cette idée merveilleuse de la trirépartition (divine, probablement) du « bénéfice » entre les salariés, les dirigeants et les actionnaires… toute ressemblance avec les discours sur la participation, les salariés-actionnaires/propriétaires-hypothéqués ou ceux de Sarkozy récemment ne sont que pure coïncidence évidemment.
Ainsi, il n’y a plus de lutte des classes, puisqu’il y en a trois et non plus deux comme le voyait ce malheureux KM, empêtré dans les errements de l’hégélianisme (mais où vont-ils chercher ça ??? les nouveaux philosophes, vous croyez ?)
JeanNimes
en quoi le passage de 2 à 3 fait-il disparaitre la lutte des classes ?
si on trouvait 5 groupes, ça changerait quoi ?
pourquoi y a-t-il autant de partis politiques ? il suffirait d’en avoir deux ;
auspitz georges
Très simple toujours, sans être simpliste !
La lutte des classes fondamentales dans le mode de production capitaliste est déterminée par le rapport entre le capitaliste qui achète la force de travail du salarié. Dans ce rapport, ils sont deux, nécessaires et suffisants.
KM analyse en détail (des centaines de pages) comment le mode capitaliste fait disparaître l’importance décisive des rentiers fonciers par exemple, ou encore comment des groupes sociaux divers sont progressivement déclassés, paupérisés, par la dépossession de leurs outils de travail, etc. Tous ces combats se situent dans le cadre de la prise de pouvoir du capitaliste sur l’ensemble de la société par la maîtrise de l’appareil de production, des modalités concrètes de la division du travail, de l’Etat, des structures idéologiques, etc.
Introduire une classe « nécessaire » de plus dans la lutte en question, c’est masquer le fondement même de cette lutte spécifique dans le mode de production capitaliste. Au temps de KM, les salariés mensualisés n’étaient qu’une petite part des emplois industriels, eux-mêmes extrêmement limités face à la masse de l’emploi agricole (journaliers, métayers…). Aujourd’hui 90 % de la population active des pays développés sont salariés, mensualisés, on peut donc considérer que le processus de prolétarisation que KM avait prévu dans la logique du capitalisme est quasiment achevé.
Ainsi, nous sommes dans la forme développée du mode de production capitaliste : très petit nombre de possesseurs (réels) des moyens de production et quasi totalité de la population dépendante de ces capitalistes. Les groupes sociaux divers sont donc à situer par rapport à ce rapport social fondamental : les uns sont plus proches des capitalistes (ils sont leurs auxiliaires, comme je l’ai évoqué dans mon commentaire précédent) et d’autres sont exclus de classe prolétaire parce que le capital n’en a plus besoin (ou qu’il s’en sert pour peser sur les prolétaires : augmenter la concurrence pour baisser les salaires, faire peur par la menace d’être « exclus »).
Fait d’ailleurs partie de la lutte des classes de faire reconnaître que les chômeurs sont des « privés d’emploi » par le capitalisme, que les exclus sont des prolétaires, aussi et d’abord, parce que privés des moyens de subsistance nécessaires dans le niveau atteint par le développement de notre société et de ses forces productives…
(La fameuse loi tendancielle de la paupérisation : rapport contradictoire entre la volonté du capitalisme de réduire les coûts du capital variable, donc des salaires, de précariser/flexibiliser, voire de supprimer l’emploi des salariés et la nécessité d’employer des salariés pour extraire la survaleur de leur travail (seule source de la survaleur !)… Ceci impliquant aussi une intensification du travail, donc de la productivité, une déqualification du travail et une suppression des postes… Le cercle est vicieux pour le capitaliste et pour les salariés : nécessité de dépasser cette contradiction si nous ne voulons pas crever sur une planète désertique.)
En résumé, il n’y a pas de tiers entre capitalistes et salariés. Mais il y a des groupes sociaux éventuellement concurrentiels dans chaque classe… le capitalisme sait parfaitement en jouer : les oppositions dans ses rangs sont vite résolues mais il sait diviser l’adversaire en créant des divisions artificielles (FO inventée par la CIA pour contrer l’influence de la CGT après la guerre et bien d’autres manipulations passant par les syndicats-maisons et aboutissant à l’UIMM finançant tous ceux qui voulaient bien se coucher devant le patronat, etc.). Oui un seul syndicat serait utile s’il rassemblait l’ensemble des salariés pour renverser le rapport capital-travail et le dépasser ! Idem pour les partis politiques… mais la réalité est telle que la prise de conscience de la position de la classe ouvrière/salariée par elle-même n’est que partielle et progressive : la diversité des partis et des mouvements sociaux reflète cette diversité de la prise de conscience.
Introduire artificiellement des classes supplémentaires ne fait que retarder la nécessaire prise de conscience et le rassemblement politico-syndical nécessaire pour dépasser le capitalisme. Tel est le message toujours vrai du Manifeste communiste !
A propos du RMD proposé par B. Lemaire
Je suis d’accord pour un revenu minimum universel ou de dignité peu importe son nom.
Mais il faudrait en même temps délivrer les personnes prisonnières des banques, à cause de leurs crédits par exemple.
Surtout si pour financer ce RMD il est mis en place une monnaie parallèle ; je ne crois pas que les banques accepteraient cette nouvelle monnaie et ce ne serait de toute façon pas souhaitable.
Il faut absolument éviter que les sommes allouées à ce RMD se retrouvent dans les banques par l’intermédiaire des crédits en cours car elles n’en ressortiraient pas !
Et, pour une famille, si elle peut vivre avec le RMD en monnaie parallèle, elle ne peut rembourser ses crédits si les parents ont perdu leur emploi.
Est-ce que le différentiel entre les gens qui s’arrèteront de travailler et ceux qui en auront un besoin urgent sera adéquat?
Et viendra-t-il assez rapidement pour éviter les drames du surendettement?
La monnaie parallèle se heurte aussi à d’autres difficultés, est-ce que je pourrait payer l’électricité, l’eau, le gaz, le téléphone avec cette monnaie?
Le fait qu’elle ne soit disponible que par le biais d’une carte me gène aussi : pour moi il ne s’agit pas de monnaie dans ce cas là, elle ne sezra pas dans mon porte-monnaie donc elle ne m’appartiendra pas.
Je ne crois pas que le RMD soit défini pour lutter contre le désendettement. C’est un vrai problème auquel il faut apporter une autre solution.
Quoique, à long terme, j’imagine que si les besoins vitaux d’une population sont contentés, l’obligation de contracter un prêt à la consommation au premier accident de la vie (chômage, divorce, etc.) s’amenuise sérieusement. Reste la tentation du prêt à la consommation, mais là honnêtement je ne vois qu’une seule soltuion: leur interdiction pure et simple. On ne doit pas prévoir un système permettant de vivre au dessus de nos moyens! Prêter pour investir, oui, mais prêter pour changer son niveau de vie, non!
En ce qui concerne la monnaie parallèle, j’avoue ne pas trop en voir non plus l’intérêt. Tel quel ça me semble surtout provenir de la difficulté à financer le dispositif en question, tout de même très cher d’après Bruno Lemaire.
Je crois que le problème de ce financement provient en partie de ce que ce RMD vient s’ajouter au salaire déjà gagné par ceux qui en ont déjà un. Personnellement, je crois qu’il faudrait le voir simplement comme une ligne de plus sur la feuille de paie, sans que ça en change le montant au bout du bout si vous gagnez déjà plus que le RMD. Je crains que dans la négative, on se retrouve avec un phénomène similaire à celui qui a suivi l’instauration des APL: une augmentation des loyers car les bailleurs savaient que le pouvoir d’achat avait augmenté, donc pouvaient le capter sans problème!
C’est d’ailleurs dans l’état le principal problème du RMD à mon sens: son effet inflationniste. Si on veut l’éviter, il ne faut pas le considérer comme un complément de rémunération, mais comme une part pleine et entière de cette rémunération qui doit par ailleurs être réévaluée selon de nouveaux critères tels ceux que je définis dans un post un peu plus haut.
Mr Jorion:
serait-il imaginable que le travail soit rémunéré au temps et non à la tache ? je m’explique:
on Payerait l’heure de travail et non le travail, évidemment l’heure de travail d’un avocat serait voisine de l’heure de travail d’un plombier que celui ci soit en France ou en pologne…
L’heure de travail d’un footbaleur de Madrid ou d’un trader de Londres serait ainsi voisine de l’heure de travail d’un avocat allemand ou d’un arcitecte italien ou d’une caissiere du géant casino ou d’un ouvier de Luxembourg, et aussi voisine de l’heure d’un exploitant agricole de la Beauce ou du vigneron de Sauterne et voisine du planteur de riz de Hanoi ou du recolteur du cacao de libreville ou de l’éleveur de chèvre du burkina…
Moi je trouverais cela très bien. 1 heure de travail ici = 1 heure de travail la bas…
Ainsi en plus certain se rendrait compte que leur travail ne vaut pas si cher que cela.
Il y a un principe rarement contesté qui est que celui qui a plus de talent doit gagner plus. Je ne sais pas si ce principe est vraiment morale. Si on a « un don » ce n’est pas du fait de notre effort, par définition, c’est de la chance, donc pourquoi on gagnerait plus? Je pense que ça ne peut être morale que pour celui qui croit en Dieu et qui croit que c’est lui qui distribue les dons selon que nous soyons bon ou mauvais selon ses critères. Même l’ensemble de la gauche a renoncé à l’égalité au profit d’une « inégalité juste ». Mais peut on remonter à la bifurcation?
Intéressante proposition, mais permettez moi de vous opposer ces quelques arguments:
– Si faire 10 ans d’étude supplémentaires pour être médecin plutôt qu’OS ne rapporte rien de plus que la connaissance et la responsabilité de vies humaines (merci du cadeau…), qui voudra devenir médecin?
– Si l’avocat luxembourgeois gagne la même chose que le cantonnier polonais, comment l’avocat va t il s’acheter à manger? Les différences de niveau de vie au sein même de l’union européenne sont trop importants pour cela, sans parler du garagiste congolais…
– Enfin -et surtout- comment maintenez vous la motivation à faire correctement le travail en ne payant qu’à l’heure? Comment empêcher que votre plombier ne mette 3h à remplacer votre robinet au lieu de 1h?
Ceci étant, je suis d’accord avec le constat: certains surévaluent de beaucoup la valeur de leur travail. Pourquoi? Parce qu’ils le peuvent!
Pour le cas où ça vous aurait échapper , la tendance est à payer le travail salarié ( prolétaire) à l’heure ( reste à savoir ce qu’est une heure de travail et qui tient la pointeuse ) , et le travail » profession libérale » à l’acte , la tâche ; ça n’est pas le fruit du hasard et vous trouverez plus facilement un tueur payé à l’acte qu’à l’heure si vous voulez vous débarrassez de votre belle-mère .
@ Paul Jorion
Vous écrivez :
« Je dirais donc que chez Marx, les salaires sont « réifiés », et je veux dire par là qu’ils sont considérés comme une donnée objective au même titre que le coût des matières premières nécessaires à la production, alors que pour moi, ils constituent une part du surplus et leur montant se détermine en fonction d’un rapport de force. »
Comment s’organise ce rapport de force, sous quelle forme et quels sont les éléments à disposition pour l’exercer ? Plus en amont qu’est-ce que le « surplus » et d’où vient-il en fait ? Et question première à laquelle, je n’ai jamais pu apporter de réponse claire et évidente : qu’est-ce que le travail qui selon vous nous permettent de produire des marchandises et services « authentiques » ? Enfin que veut dire « authentiques » dans votre idée ?
Je sais beaucoup de questions en quelques lignes mais sans du concret je reste au point mort.
@ vincent
« ..Plus en amont qu’est-ce que le « surplus » et d’où vient-il en fait »
Au-delà l’intuition thermodynamique du « surplus », est-il possible de partir d’une conception purement sociale, à mon avis plus intéressante parce qu’évolutive ?
Le surplus peut-il être défini comme l’accroissement de marchandises disponibles pour la satisfaction des besoins entre deux cycles de production T1 et T2 ; le niveau de satisfaction atteint en T1 étant reporté comme étalon pour la fin du cycle T2. À niveau égal de « besoins satisfaits », nous rejoignons la notion « d’épargne » introduite plus haut dans le raisonnement de jonathan.j 10 :07. Soulignons un point important : l’épargne réalisée à la fin du cycle T2 peut être transformée en temps libre en T3.
À titre heuristique, pouvons-nous faire tourner le modèle sous l’hypothèse d’une masse monétaire constante et examiner, sous cet angle, le destin des classes sociales axiomatiques du système de Paul. Les marchandises facilement produites diminueraient-elles de prix, tandis que l’épargne monétaire se reporterait sur des biens plus rares et désirables. Comment évolueraient les inégalités de départ entre propriétaires de ressources ? Le choix du temps libéré est-il à terme « égalisateur » des différences fortunes initiales, mais aussi, est-il encore possible d’accumuler des pôles de fortunes nouveaux permettant le gaspillage somptuaire vraisemblablement nécessaire nécessaire au maintien de la civilisation .
{marchandises et services « authentiques », je veux dire ceux que nous n’achetons pas simplement sous l’influence du « consumérisme »}
ce n’est certainement ni Nike ni Alcatel ni Renault
on pourrait presque définir l’inauthentique par ce qui est délocalisable
autrefois, les pays de cette rive de la Méditerranée importaient des OS pour construire des autoroutes et alimenter les chaînes de montage Peugeot, maintenant, médecins et ingénieurs étrangers sans papiers ou avec les remplacent (immigration choisie) et à un coût dérisoire pour le même service que les autochtones.
Il existe des projets de construction de maisons de retraite pour vieux allemands en Roumanie ou au Maroc pour des Français… services authentiques ?
Le surplus , lors de la vente de la fameuse M est déterminé par la possibilité de la commercialisation, or tout est dans le système de la persuasion pour faire transformer l’inessentiel -voire le toxique- en besoin.
Produire , ce n’est rien, c’est vendre qui est le tout. Ce n’est pas un hasard que les ‘meilleurs’ éléments scolaires se destinent aux carrières commerciales et ont déserté les carrières scientifiques pures
Nous sommes submergés par des M inutiles.
Notre humanité doit se confronter à cela.
Et imposer que cessent ces débauches d’objets qui transforment la planète en cimetière de fripes, voitures et chaussures.
Le travail au niveau planétaire doit être pensé dans ce référentiel-là. (économie dirigiste, planifiée oh quelle horreur ! mais alors laisser faire et aller !)
À ceux qui réclament aujourd’hui des frontières pour la délocalisation, où étaient-ils quand les industries du Nord ont systématiquement détruit des économies du Sud inondées leurs produits manufacturés ???
Vous parlez de prix de matières premières comme une donnée « objective » :
Or leur prix est d’une part manipulé par les spéculateurs, d’une part et d’autre part résulte lui-même d’un rapport de forces le plus souvent entre le Nord et le Sud : les millions de morts au Congo cette dernière décennie pour le coltan et le diamant, cela nous dit quelque chose, je ne parle même pas du pétrole..
Je ne comprends pas bien comment faire penser le salaire non comme frais de production mais comme surplus à redistribuer change quoique que ce soit dans la nature des revendications salariales- ce qui a été l’activité principale des feu-syndicats tout au long du 20ième siècle . Majorer les salaires a constitué le cadre idéologique qui ne voyait pas autre chose comme échappée au capitalisme que sa perpétuation avec le maintien d’une classe ouvrière un peu mieux rémunérée et un peu plus consommatrice. L’idéal marxiste était-est l’abolition du capitalisme et donc du prolétariat avant même la disparition de la classe des capitalistes.
Produire autre chose ET autrement, utopie minimale.
Bonne question « questeur » !
Tout le problème est alors de déterminer la valeur de cette heure de travail moyen… je vous propose 0,25 €, comme en Corée du Nord, comme cela on est sûr que les capitalistes auront assez d’argent pour nous (dans tous les pays) payer toutes ces heures moyennes.
Il y a aussi un autre problème, c’est le prix des marchandises que l’on doit acheter pour vivre (reproduire sa force de travail comme le dit cet inénarrable KM !) : environ 4 € par jour c’est quand même 4 fois ce dont disposait (avant le tremblement de terre) un Haïtien moyen, on peut donc penser que nous pourrions manger un peu mieux que des galettes d’argile.
Il y a alors un autre problème, le rendement de l’heure de travail moyen quand on n’a mangé que quelques galettes d’argile améliorées n’est plus exactement le même… et ce ne serait pas juste qu’on la paye au même tarif… je sens comme un cercle vertueux de décroissance qui s’installe là.
Sur le Revenu Minimum de Dignité, ou d’Existence ou sur le Dividende Social
@Louise, Tchita, à ceux qui sont pour le concept, à ceux qui seraient pour avec d’autres modalités, à ceux qui seraient pour avec un autre nom, à ceux qui sont contre.
Pour moi la Dignité Humaine n’est ni « ringarde », ni « politiquemen correcte » ou « incorrecte », c’est un concept que je pense profondément humaniste. Si certains y voient une tentative de récupération, de droite, ou de gauche, ou d’ailleurs, c’est dommage.
Maintenant, en ce qui concerne les modalités, je conviens avec Louise qu’il faut asseoir son financement sur l’ensemble des revenus, et non seulement des rémunérations liées à la production des biens et services du moment.
Je pense aussi qu’il faut aussi s’attaquer au problème de l’endetttement (j’avais déjà évoqué ce point pour le cas des états).
Pour les particuliers, dans une première étape, on pourrait imaginer que les intérêts de remboursement soeint supprimés (ou simplement égaux au taux de croissance – voisin de zéro ou négatif en 2010 – modifié par le taux d’inflation).
Le RMD, ou le dividende social (concept que je ne connaissais pas lorsque j’ai écrit en 1996 sur le RMD) n’est pas un revenu d’assistance: il est en effet dû à toute personne d’une communauté donnée, du SDF au banquier le plus riche (je sais, cela fait bizarre, mais pour moi c’est la seule façon de dire que toute personne appartient à la m^me communauté, et que ce n’est donc pas un pb d’assistance).
En espérant avoir levé quelques interrogations, bien cordialement, Bruno Lemaire.
PS. Il y a évidemment des raisons économiques à un tel RMD, je tiens à rassurer ceux qui ne mettraient cette proposition « que » sur le plan éthique, quoique …
vie et mort des entreprises, loin des projecteurs des médias; ça n’intéresse personne, en dehors de ceux qui y travaillaient, dirigeants compris; surement trop petites pour ne pas faire la faillite ;
Marché Libre : le « flop » des retraits, l’augmentation des radiations pour liquidation judiciaire 14/01/2010 15:35
https://www.cabourse.credit-agricole.fr/netfinca-titres/servlet/com.netfinca.frontcr.news.NewsPage?key=8328562
nb : il ne s’agit là que d’entreprises cotées; pour les autres ….
La place du salarié ne se résume pas à son « salaire » … c’est, me semble-t-il une prémisse fondamentale qui biaise demblé la réflexion. C’est un peu comme demander si la nature profonde de l’homme est le bien ou le mal, on suppose déjà une réponse (par exemple le Bouddhisme ne parle pas de ces notions, et son aboutissement est tout autre).
Bref, a vrai dire, je ne sais trop par quoi remplacer. Travailleur (travailleuse, on vous ment on vous spolie … lol) ???
L’idée c’est justement de ne pas réduire le débat au salaire, mais plutôt de l’étendre à la rétribution.
La rétribution, dans le modèle Fordien dépasse largement le salaire. Ce qui en fait tout l’intérêt.
Mais nous pourrions même aller au delà du Fordisme, en proposant un modèle d’activité ou il serait beaucoup plus facile a tout un chacun de participer a la production du bien qu’il souhaite obtenir sur le modèle Fordien. Tu veux un ordinateur, et bien tu passe 6 mois, 1 an, quelque jours, a travailler pour l’entreprise qui le fabrique. Tu veux un tapis, et bien tu va bosser a l’usine des tapis, etc… Du coup, la rétribution devient plus importante que le salaire. Et si le salaire baisse, peu importe puisque au final, ca signifie la baisse du coup de l’objet, et donc, en fait, il faudra moins travailler, et donc, le temps passé à travailler pour obtenir reste le même ! Puisque au final, ce qui compte n’est pas tant la somme d’argent gagnée, mais le temps passé a travailler pour obtenir ce que l’on convoite. La boucle est bouclée.
Généraliser le compromis fordien, dans la mesure du possible (tout le monde ne peut pas s’adapter a toutes les tâches, mais tout le monde peut surement participer à presque toutes les entreprises).
Ca changerait totalement le rapport de force, puisque, quasiment, dans l’idéal, il n’y en aurait plus.
Ca changerai le rapport aux objets, au consumérisme et même au salaire, ou au capital. Il n’y aurait plus d’intérêt (ou du moins une tendance a la réduction) a la concurrence acharnée.
A l’inverse, le modèle du Taylorisme s’est imposé comme principe d’aliénation de l’humain. La spécialisation à outrance nous rends fou, nous déconnecte des réalités.
Je verrais bien aussi un compris qui s’appuierait sur le revenu universel. On pourrait par exemple imaginer une société ou une certaine partie de notre temps (disons peut-être 1/10 de l’année) serait consacrée a du travail pour la collectivité, qui nous donnerait droit a un salaire identique assurant la subsistance. Le reste du temps serait « libre ». Donc en fait, un mélange de communisme ET de libéralisme. Une société communiste a temps partiel et libéraliste, ou les ambitieux peuvent obtenir plus, sans pour autant mettre en danger les autres. Évidement, ce ne serait pas forcément facile à mettre en oeuvre. La encore l’intérêt immédiat que je vois a devoir faire un travail « collectif » un certain temps dans l’année, c’est que même les big boss de Godman Sachs ou autre devraient aller au champs, batir de leur mains ou ramasser des ordures de temps à autre … (selon leurs capacités) ca les remettrai un peu face au réalités … lol
@Ybabel,
je trouve votre idée passionnante. C’est original, c’est « digne » (avec tous les guillemets qu’il faut pour ne choquer personne), c’est donc à creuser. Je oéponds d’enthousiasme, sans avoir du tout réfléchi à sa « faisabilité ». Mais voilà un beau sujet de réflexion, qui peut, de plus, se concrétiser assez rapidement par des expériences « locales » sur des zones d’activité ou des bssins d’emplois ou de non-emplois, hélas.
Bravo pour cette idée, cordialement, Bruno Lemaire.
PS. D’ailleurs, que l’idée soir originale ou non (il y aura toujours des esprits chagrins et cultivés qui diront que machin l’a inventé au douzième siècle) elle est très intéressante. « Actifs potentiels » de tous les pays, unissez vous 😉
Très bonne approche!
Dans le fond, ce que vous cherchez… c’est éliminer les intermédiaires qui ponctionnent une grandissante partie de la plus-value généré dans le procès de production. Vous y arrivez en organisant que le consommateur final se paie soi-même directement par l’obtention du produit fabriqué. Exit les intermédiaires, et exit l’argent comme étape interposé, en éliminant les dommages collatéraux de l’accumulation de celle-ci et des abus suite à la possibilité de créer cet argent (par quelques-uns) sans créer de la richesse réelle équivalente, l’utilisant ensuite pour ponctionner la richesse réellement produite par d’autres.
Ce n’est pas tant le travail – cette activité que nous avons de commune avec les animaux – que la division du travail cette division du travail qui est entièrement dans les mains du capitaliste. Cette division que l’entrepreneur et le commerçant se gardent bien au chaud. Aujourd’hui ceux-ci ont libérés l’esprit emprisonné dans le travail borné que l’humanité connaissait à des degrés divers depuis sa naissance . Tout prouve – la dernière crise en témoigne – qu’ils ont libérés des forces pratiques que seules l’ensemble de la société peut gérer . Pourtant cela n’a rien d’automatique l’humanité peut tout aussi bien laisser les maitres de ce monde jouer avec le bien commun.
@ Bruno
Votre exemple du paradoxe de la caisse et de la caissière nous fait aboutir à un paradoxe qui n’en est pas un : la machine supprimant les emplois les plus pénibles, les humains vont perdre des emplois et l’entreprise (ou du moins les membres de sa direction) empocheront la part des salaires et des charges non versés à laquelle on soustrait une fois pour toutes le coût de l’achat et de l’entretien de la machine .
Or, si les membres de la direction de l’entreprise pouvaient être moins avides et ne pas chercher à en tirer profit égoïstement, ils pourraient répartit tout l’emploi qui reste, moins pénible, plus agréable , entre tous leurs employés, y compris les anciennes caissières. Au lieu de faire travailler des journées entières ceux qui restent et de condamner au chômage , à l’inactivité forcée et à la misère, ceux dont l’emploi pénible n’existe plus , ils pourraient conserver l’ensemble du personnel qui travaillerait quelques heures de moins pour un salaire équivalent . Mais pour cela cette équipe de direction renoncerait à empocher primes et bonus supplémentaires de l’argent économisé sur les salaires et les charges des caissières licenciées.
Comme ils ne renonceront jamais volontairement à un gain personnel supplémentaire, la loi doit le leur imposer :
Toute entreprise qui remplace son personnel par des machines doit le conserver en l’affectant à d’autres tâches , les gains de productivité étant affectés à alléger le travail de tous sans diminution de salaire.
Toute entreprise qui délocalise sa production doit conserver sur place son ancien personnel au même salaire qu’avant en l’affectant à des tâches plus gratifiantes.
Sinon, amende dix fois supérieure aux profits .
Si ces beaux seigneurs ne veulent pas entendre raison, seules des lois et des amendes dissuasives peuvent les convaincre.
2 lois toutes simples .
Si la logique de l’entreprise, y compris celle des banques, n’avait pas été basée sur les gains insensés de la petite équipe de direction et la pauvreté pour les autres , on n’en serait pas là . Seule la loi peut inverser le courant . Si la volonté politique des gouvernements semble être de ménager les gains insensés des dirigeants, les citoyens peuvent imposer le changement : ils sont les plus nombreux et , comme on dit, « le client est roi « . Du jour au lendemain les citoyens peuvent s’arrêter de consommer et retirer leur salaire ou leur allocation de la banque le premier jour de son versement .
Les banques assèchent les finances publiques en faisant des ponts d’or aux traders gagnants, ceux-là même qui plongent l’occident dans le marasme . Si l’on m’avait dit qu’un jour, au lieu de récompenser les meilleurs étudiants et les employés les plus sérieux , les banques couvriraient d’or des joueurs de casino et que les études les plus valorisées seraient un jour le sport-spectacle et le poker, j’aurais éclaté de rire !
La prise de conscience populaire des responsables de la crise semble progresser, c’est un premier pas.
A mon sens, le solution à ce problème est bien plus de modifier les « propriétaires » de l’entreprise. Pour le moment, le modèle standard est, qu’entre les capitalistes, les dirigeants et les employés, l’entreprise appartient aux gros capitalistes. En effet, ce sont eux qui se retrouvent au conseil d’administration, qui nomment les dirigeants, et qui décident des grosses orientations (stratégie, délocalisations, etc…).
Or, pourquoi une entreprise appartiendrait-elle de facto à ceux qui apportent le capital, plutôt que qu’à ceux qui dirigent l’entreprise, ou à ceux qui y travaillent? Il n’y a aucune fatalité ou loi naturelle à cela. L’argument classique qui est de dire que les capitalistes prennent le plus gros risque puisque leur rémunération n’est pas garantie ne tient pas: la raison pour laquelle ce risque n’en est pas un c’est parce qu’ils ont déjà trop d’argent, qu’ils n’ont pas « besoin » de cet argent. Le risque est alors facile à prendre. Pour le salarié qui peine à nouer les deux bouts en fin de mois, il n’est évidemment pas possible de prendre un risque.
C’est bien plutôt le résultat d’un rapport de force, qu’une affaire de « risque ».
Une solution est clairement d’imposer par exemple que, plus la taille de l’entreprise augmente, plus la proportion de sièges du conseil d’administration dévolue aux employés augmente. Cela changerait *radicalement* la donne.
flashs suite :
– qu’est ce qu’un agriculteur et une politique agricole dans le nouveau schema ( tous les régimes-systèmes se sont peu ou prou cassé les dents sur ce domaine basique ). Comment y fonctionne l’économie agricole ?
– les services d’intérêt général ( SIG , fonction publique et services publics en termes franco-français) y sont-ils analysés comme la production , éventuellement avec plus -value par les biens qu’elle conserve ou favorise dans une approche de style « nouvelle définition du PIB » , de l’Etat-Capitaliste ? Comment sont considérées les dépenses de fonctionnement mais aussi d’investissement de l’ Etat ( ou des collectivités locales ) ? Quid de la compétition capitalisme d’Etat et capitalisme privé ?
– Qui valorise ? Qui tient les comptes ? qui les contrôle ?
– ne pas tenter ( quant à faire ) d’imaginer un monde SANS capital , n’est ce pas tomber dans la même « imprégnation » que celle dont il est fait grief à Marx ?
– Quid de la déstabilisation des syndicats contenue en puissance dans le schema proposé ? Quelles nouvelles légitimité et puissance en définitive ?( nota : on observera ces jours ci la propension de NS à se féliciter de la responsabilité des syndicats . Soit dit en passant , moi aussi , mais depuis plus longtemps ) .
– l’éventuel succès de cette proposition ne tiendrait-il pas davantage au soulagement d’un capital privé (qui sent monter la révolte sociale) qui trouverait là un nouveau terrain de jeu lui permettant de sauver les meubles et de continuer à jouer , plutôt qu’à l’enthousiasme des » prolétaires-salariés » naturellement plus enclins à « un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras » ?
@Mathieu 15 janvier 2010 à 18:08
« Une solution est clairement d’imposer par exemple que, plus la taille de l’entreprise augmente, plus la proportion de sièges du conseil d’administration dévolue aux employés augmente. Cela changerait *radicalement* la donne. »
C’est ce qui se pratique en Allemagne, dans les entreprises de plus de 2000 salariés. C’est la cogestion au niveau du conseil de surveillance (Aufsichtsrat). Pendant longtemps, durant les Trente Glorieuses, des grèves ont ainsi été évitées … les salaires augmentant rapidement, bien plus rapidement qu’en France. Mais dans le contexte de la mondialisation (‘globalisation’, pour parler framéricain), ni les salariés, ni les actionnaires n’ont plus de marge d’action. Ils décident donc tous ensemble, bien sagement, des délocalisations partielles, qui permettront au noyau allemand de survivre à la concurrence. Cela n’a pas empêché le chômage d’augmenter massivement comme en France.
Actuellement, le Mittelstand (PME) qui est le coeur de la richesse économique allemande survit essentiellement grâce au chômage partiel (jusqu’à 2 ans), qui coûte des milliards à l’Etat. Avec l’avantage de conserver active une main-d’oeuvre hautement qualifiée et que l’on respecte. Mais qu’adviendra-t-il si la crise continue ?
En somme, je ne vois pas comment la cogestion dans le système mondial actuel pourra changer vraiment la vie de tous. Les solutions à trouver sont d’un autre ordre, et se trouvent peut-être parmi celles qui sont proposées sur ce blog – que je lis avec ferveur et reconnaissance.
Mmmmh…Etes-vous sûr de ce que vous écrivez? Il me semble que souvent, des entreprises rentables délocalisent pour l’être encore plus, mais donc au profit uniquement des actionnaires. Les employés n’accepteraient évidemment jamais cela.
Paul Jorion écrit :
« Il faut réexaminer le travail comme une question en soi, comme l’activité humaine nécessaire pour produire marchandises et services authentiques sans qu’elle soit automatiquement celle qui nous procure les revenus qui nous permettent de consommer. »
En relisant les commentaires sur ce billet, il me semble que le point crucial soulevé est résumé dans cette phrase.
Aujourd’hui la production des marchandises et services « authentiques » est assurée par la rémunération du travail (et c’est un progrès par rapport à l’esclavage !), rémunération qui procure les revenus nécessaires à leur consommation. Tant que ces revenus suffisent à absorber les marchandises, il y a couplage entre travail et revenus. Lorsque ce n’est plus le cas comme aujourd’hui, sous les coups de butoir de l’informatisation et des dérégulations, le découplage s’opère.
On est donc historiquement passé d’un régime ou la production est assurée par contrainte sociale (au sens large) à un régime où elle est assurée par la promesse de satisfaire des désirs en sus des besoins (Fordisme et consumérisme). Ce système a commencé à dérailler avec deux caractéristiques :
-production de plus en plus importante de marchandises et services « non authentiques » pour préserver la rentabilité du capital et la masse des salaires distribués (le Fordisme poussé dans ses extrémités)
-développement de l’industrie des « services » financiers comme nouveaux moteurs du profit pour le capital, comme béquille à la chute de rentabilité des capitaux investis en production et comme source de génération de masse salariale à partir de plus values sur du capital fictif.
On pressent donc que le caractère « d’authenticité » des marchandises et services produites par le travail a été progressivement abandonné pour maintenir artificiellement le couplage travail-salaires. Autrement dit, si chacun se contentait de ce dont il a vraiment besoin, il y a longtemps que nos rues seraient envahies de SDF et le taux de « working poors » explosif.
Comme le propose l’un des commentateurs, pourquoi alors ne pas réintroduire de la contrainte sociale pour assurer la production de ces marchandises « authentiques » et consacrer un découplage partiel travail-revenu (découplage partiel obtenu également par l’introduction d’un RMD sous une autre forme) ? Pourquoi pas, (et j’adhère à l’objectif humaniste visé), mais j’ai quand même l’impression qu’on réintroduit ainsi une solution partielle et anachronique.
Je crois plutôt que nous nous acheminons vers un assèchement progressif des revenus du travail lié à la transformation des matières dites premières au profit de la valorisation de la ressource primaire (du fait même de sa raréfaction), quelle soit métal, fossile, terre agricole, eau…Et là les rapports de force risquent d’être complètement bouleversés car il ne s’agit plus de nous partager le travail, il s’agit de nous partager les ressources de la Terre (supposées illimitées jusqu’à présent). Nous entrons dans un monde fini et nous n’en réalisons pas encore toutes les conséquences.
RAYMOND ARON,
« 18 leçons sur la société industrielle », folio essais, p 115 :
« Une question se pose encore à propos de l’exploitation et du surplus de valeur. Que représente, dans une économie capitaliste moderne, du type de l’économie américaine, le surplus de valeur qui va aux capitalistes ?
J’ai relevé pour vous une statistique de la répartition des dépenses totales des sociétés capitalistes américaines, en 1953. Sur le total, les salaires représentent 76,9 %; 12,4 % vont à l’Etat, sous forme d’impôts; 5,2 % sont réinvestis directement dans l’entreprise, et il reste 5,5 % pour les actionnaires.
Dans une société capitaliste développée, la proportion des profits distribués aux actionnaires est dérisoire etc… »
Pourquoi ce % est-il si faible ?
1) la concurrence ;
2) la pression syndicale…
Est-il si faible ? Les salaires ne sont-ils pas dans les banques ? Et les banques n’investissent-elles pas pendant que le salarié ne dépense pas son salaire ?
Dans les années 1950, on était en plein boom économique d’après-guerre : baby-boom, 30 glorieuses… Les entreprises étant demandeuses d’emplois, les travailleurs pouvaient encore réclamer des augmentations ou chercher un travail mieux payé. Bref, le rapport de force travailleurs – entreprises était plus favorable aux travailleurs qui avaient encore leur mot à dire.
Voir aussi : http://homepages.gac.edu/~jcullip/workexamples/mea.html
flashs suite 2 :
– Les « salariés » se plaignent régulièrement que leur travail n’est pas « reconnu » . Pensent-ils toujours à une reconnaissance par l’argent ? Le seul mode de reconnaissance d’un « travail » est-il l’argent ? ( nota : c’est une interrogation qui accompagnerait plutôt la vision proposée). On connaît déjà une expérimentation de salariés acceptant d’être « mal » payés si leur travail bénéficie d’une reconnaissance réelle : les fonctionnaires quand ils assument l’essence de leur fonction . D’oùl’importance de la lisibilité sur la légitimité des SIG pour ne pas finir de désespérer celles et ceux qui offrent leurs bras et leurs têtes pour tisser et conserver du lien social .
– la « vision Jorion » avance que la séparation entre travail et revenu est la condition de la recherche d’équilibre entre production et consommation , qui doit nous permettre d’échapper à la folie de la surproduction ( et donc peut être la surconsommation ) à tout prix .
En gros (et pour répondre à longue distance à Louise ) il s’agirait de ne plus rémunérer le travail salarial humain (autrement que par une hypothétique plus value , le « surplus ») pour éviter la surproduction , avec à la clé la garantie qu’il n’est pas nécessaire de » travailler » pour avoir « de quoi vivre » .
Je crois que finalement j’adhère complètement au concept ,dans la mesure où il apporte également une réponse réelle à ce que l’on peut appeler des comportements déviants d’acharnement au travail pour » gagner sa vie » . Les routiers qui font 70 heures au volant par semaine ( moins vrai en France mais pas forcément grâce à leurs propres syndicats maisons), les marchands de tabac que, soit disant, on étrangle quand le prix des cigarettes augmente , les employés de banque qui violent leur âme sur le dos des analphabètes , les employés de plateforme télèphonique qui violent votre tranquillité à domicile , les fasts foods qui distribuent la maladie à crédit , …bref tous ceux qui prétendent quand quand on leur fait comprendre que ça suffit : « je sais bien , mais que voulez vous il faut que je gagne ma vie … » , à tous ceux là , j’aurais joie et soulagement de répondre : « arrête ton char ou je te casse la figure . Tu a de quoi vivre sans ça . »( nota : j’en ai parfois l’envie sans même ce parachute).
– j’ai craint un instant que le résultat de la proposition puisse être de transformer tous les « salariés-prolétaires » en capitalistes ou du moins profession libérale ( auto-entrepreneur ?) . En fait les profession libérale demandent toutes des avances ou arrhes au « client », à l’instant même où son nom est porté sur un dossier . Finalement « profession libérale » serait encore plus sioux que capitaliste , avec malgré tout le handicap qu’en cas de faillite le règlement est beaucoup moins favorable . Mais Nicolas Sarkozy , toujours attentif à la douleur du prolétariat , songe parait-il, après le paquet fiscal ,à une évolution de la règlementation pour les ennuis desdites professions libérales ,dans ce genre de circonstances.
Le salarié prolétaire , chômeur par nécessité de sauver la planète, devra se contenter du RUS .
@ Bruno lemaire
Bien sûr que le concept de « dignité humaine » est humaniste. Le problème n’est pas là. Le problème est que le choix de cette expression implique l’argumentation la plus FAIBLE en faveur de ce que vous défendez. Fondez vous sur le « citoyen », qui est une construction normative, plutôt que sur celle d »‘homme ». On peut reformuler ainsi: il n’y a pas nécessairement conflit entre les droits de ‘l homme et ceux du citoyen. Mais il est clair que ceux du citoyens sont bien plus étendus. Et donc qu’on ne gagne rien à utiliser la terminologie libertarienne qui sert de support aux « droits de l’individu en tant qu’individu ». C’est essentiellement une question de rigueur argumentative, de clarté conceptuelle et de stratégie pure également.
« Homme », ça n’est certainement pas synonyme de « personne », d’ »individu », de « sujet » ou encore de « citoyen » (la seule qui soit une construction normative per se). L’utilisation de chacun de ces termes a des implications normatives fortes qui contraignent l’argumentation dès lors qu’il s’agit de spécifier ce qu’il est permis de faire ou de ne pas faire (de l’allocation universelle de ressources à l’interdiction des paris sur la fluctuation des prix…). Le concept de dignité renvoie traditionnellement à la catégorie « homme », celui de souveraineté à celui de « citoyen ».
Si vous choisissez une base argumentative liée à la dignité, non seulement vous vous exposez à des objection dures quand il s’agira d’en préciser et le contenu et ce qu’on peut en déduire (critique du paralogisme naturaliste), mais en plus de ça vous ouvrirez la voie à des argumentaires libertariens.
La suite de l’argument libertarien s’exprimera comme suit: « chacun ayant été doté d’une dotation initiale égale », alors le seul principe de justice désormais est « de chacun comme ils choisissent à chacun comme ils sont choisis » (et ce sera le seul argument qu’ils pourront avancer contre une éventuelle interdiction des paris sur la fluctuation des prix, une fois prouvé qu’ils ne peuvent plus s’appuyer sur l’argument de l’efficience économique). ce qui signifie qu’ils s’en serviront comme un argument pour rejeter ex post tous les mécanismes de justice distributive/sociale ultérieurs!
Et vous leur offrez un boulevard avec votre concept de « dignité (humaine) » qui sera traduite par « dignité de la personne » puis par « droit de l’individu en tant qu’individu ».
Et à ce moment là, on pourra dire que vous aurez vous même fourni, sur le plan argumentatif, la corde qui aura servi à vous pendre.
Je n’aurais pas fait cette remarque si votre propos avait eu pour objet la définition des termes du rapport entre revenu et travail au niveau mondial, ou alors au plan strictement national de problèmes de bioéthiques n’impliquant aucune base contractualiste. Les choses seraient, en effet, très différentes.
Pour vous réconcilier , je vous rappelle la déclaration des droits de l’homme et du citoyen .
Cher AntoineY,
je ne suis pas sûr de bien vous comprendre, même s’il me semble que voulez m’éviter de me pendre à ma propre corde – et je vous en remercie – mais je ne suis pas sûr que ce soit encore possible (je parle de ma pendaison).
Pour moi, l’homme, plus précisément l’être humain, est le concept fondamental dans ma démarche, un concept absolu, au dessus donc de toute autre désignation, y compris celle de citoyen. Bien entendu, tout être humain virt en communauté, et c’est dans ses rapports à l’autre, dans ses rapports aux autres, qu’il peut se sentir, ou non, complètement reconnu en tant qu’être humain.Mais je veux bien admettre comme équivalent d’être humain la notion de « personne » (dans le vrai sens du mot, bien sûr)
D’où le terme Revenu Minimum de Dignité plutôt que Revenu d’Existence, voire de Dividende Social. Mais le mot n’est pas la chose, et m^me si les symboles sont importants, je défends plus le fait que chaque être humain puisse s’approprier, du fait m^me de son appartenance à une communauté donnée, un revenu minimum, que la locution elle-même. J’ai ainsi signé une pétition pour le Revenu d’Existence, même si ce n’est pas tout à fait ce que je souhaite.
Par ailleurs, pourquoi faire référence à une communauté, et non au monde entier pourrait-on m’objecter?. Pourquoi le RMD d’un français serait-il supérieur au revenu d’un malgache?
Il n’y a aucune raison a priori, et l’on peut espérer que dans quelques dizaines d’années, ce ne sera plus le cas.
Mais au delà des objectifs lointains, je pense qu’il faut partir de ce qui est faisable. Quand on dit que 40 milliards d’euros suffiraient pour que tout être humain ait accès à l’eau potable, cela ne signifie pas que cet accès sera égal. Alors, faut-il se résoudre à ne rien faire, ou attendre qu’il y ait la m^me possibilité d’égalité à l’eau pour faire quelque chose? Je ne crois pas.
En ce qui concerne la ‘dotation initiale égale’, je ne suis pas sûr de comprendre où vous voulez en venir.
J’ai déjà dit par ailleurs, je pense, que les chances des êtres humains n’étaient pas « égales », que leurs « compétences » étaient diverses, et qu’il pouvait y avoir une non-égalité initiale, et qu’il fallait éviter que cette non-égalité initiale soit renforcée par la société.
Mais m^me si notre ami Betov me reprochera sans doute de rejeter toute utopie – ce qui n’est pas tout à fait exact, avec ou sans courtoisie – je ne crois pas à une égalité sociale dans les faits: on peut chercher à s’en rapprocher, bien sûr. Et une façon de le faire est de reconnaître que chacun d’entre nous est différent, et qu’il est vain de vouloir les comparer: on peut tenter de diminuer les écarts dans les niveaux de vie, dans les pouvoirs d’achat, dans les diverses rémunérations, les « êtres humains » resteront différents, et c’est heureux je pense.
Quant au fait de rattacher mes propos, et mon approche « humaniste » à la proposition de Paul Jorion sur « l’interdiction des paris sur la fluctuation des prix », j’avoue que je m’y perds un peu. Je pense que, dans les deux cas, il s’agit d’une position politique avant m^me d’être économique, et que seule le « politique » pourrait l’imposer. Et j’ai la faiblesse de penser qu’il doit être plus simple, au niveau d’un seul pays, d’imposer le RMD que d’interdire des paris sur la fluctuation des prix. A moins, bien sûr, de supprimer les marchés boursiers, ce qui serait certes radical 😉
Cordialement, Bruno Lemaire.
@Antoine Y et son soupçon de « paralogisme naturaliste ».
Après avoir vérifié le sens de cette locution savante, j’avoue que je ne comprends pas cette accusation. En quoi ma proposition de Revenu Minimum de Dignité, qui met l’homme au premier rang, peut-elle être illogique.
Je n’énonce pas un fait, en disant de plus que c’est « normatif ».
On peut très bien ne pas mettre l’homme au centre des ses préoccupations: sans doute faudrait-il revenir sur une approche différente de l’humanisme, que mon contradicteur ne suggère pourtant pas. Cela ne me gêne pas non plus que l’on me trouve illogique, mais je ne comprends pas ce reproche, c’est tout.
Ce qui serait bien plus grave, évidemment, c’est si l’on me prouvait que l’instauration du Revenu Minimum de Dignité était contradictoire avec mon souhait « humaniste » des sortir les exclus de leur situation, tout en ayant un impact plutôt positif sur la situation économique générale. Ce que j’ai lu sur ce blog ne m’a pas convaincu de mon éventuelle erreur.
Suggestions et critiques bienvenues, évidemment.
Bruno Lemaire.
Je vais mettre mon petit grain de sel habituel… dans la discussion entre Bruno Lemaire et AntoineY.
1/ Oui il y a une différente radicale entre le concept « l’homme » et ceux de citoyen ou de personne.
« L’homme » est une abstraction vide, en dehors de la dénomination de l’espèce humaine. Il n’existe pas des « l’homme »s.
2/ La personne fait référence à la base historique de formation et de développement (production et reproduction) des êtres humains. Bien entendu, il y faut un support bio-physio-neuro-psychologique. La personne est munie d’une personnalité qui est un système vivant, lui-même évolutif dans le temps (individuel et historique), formé par les rapports sociaux d’une époque donnée… (Oui, je sais, ce n’est pas aussi simple que l’opposition nature-culture !)
3/ Quant au citoyen, c’est bien entendu celui qui a une part de la souveraineté dans la république. Concept nouveau, proprement révolutionnaire, introduit par la Révolution, celle que le monde entier connaît et comprend souvent si mal… d’autant plus que nous avons un gouvernement qui préfère parler d’identité (biométrique, qui renvoie au support énoncé ci-dessus) plus que de citoyens non seulement responsables mais souverains parce que partie du peuple, souverain itou.
Les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avaient bien perçu que citoyen ne suffisait pas (définition juridique) mais que « l’homme » non plus !
KM est passé par là avec ses thèses sur Feuerbach et a mis un peu d’ordre dans tout ça !
On lui en voudra beaucoup du côté des idéalistes, positivistes et autres matérialistes vulgaires !
@JeanNimes surl’homme en tant qu’abstraction
L’homme en tant qu’abstraction, qui ne serait pas une personne dites vous? J’avoue que je comprends pas. Pour moi il n’y a rien de plus général, et de plus concret qu’un être humain. Vision trop humaine sans doute.
Que les thèses de Marx sur Feuerbach soient intéressantes, je n’en doute pas. Mais, pour moi, m^me les pensées complexes peuvent s’exprimer avec des mots simples, compréhensibles de tous. Beaucoup se plaignent à juste titre, sur ce forum, des « élites » auto-proclamées à l’arrogance insupportable qui étalent leurs richesses de façon scandaleuse, voire obscène.
Mais utiliser des mots réservés à un jargon de spécialistes – comme le « paralogisme naturaliste » ou le support « bio-physio-neuro-psychologique » pour exprimer un désaccord avec des idées qui pourraient être compréhensibles par tous me semble relever de la même démarche. Quant à reprendre la distinction « culture-nature » pour critiquer telle ou telle position me semble « irrelevant ». Ou alors il faudrait montrer où une telle distinction a pu apparaître dans mes propositions.
Nous avons bien sûr tous nos manies et nos tics de langage, et il en est sûrement de m^me pour moi. J’essaierai donc d’être plus clair dans mes propositions et mes explications, surtout lorsqu’il s’agira d’idées que je crois à la fois importantes et fécondes, pour l’être humain que je suis, ainsi que pour tous ceux qui auraient l’occasion d’en discuter, aussi simplement et profondément que possible.
Bien cordialement, Bruno Lemaire.
à Bruno Lemaire
Je suis allé un peu vite, sûrement, dans un domaine qui n’est pas celui de l’économie politique et j’ai fait des références à des débats plus communs en d’autres lieux… Mais ils ne sont pas sans pertinence ici aussi à mon avis.
Je précise donc les points qui vous ont paru obscurs dans mon commentaire.
1/ Tout d’abord « l’homme » que j’ai écrit volontairement de cette façon pour montrer que, dans certains discours/écrits, il est fait référence à ce que j’appelle une abstraction vide. En effet, on trouve cette expression dans diverses locutions avec des sens très différents : « l’homme » opposé à « l’animal », « l’homme » dénomination de l’espèce Homo sapiens, « l’homme » opposé à « la femme », « l’homme » distinct du citoyen, « l’homme » à l’image de Dieu… j’en passe certaines d’autres comme « l’homme » dans les droits de « l’homme » qui se transforment en droits humains dans la déclaration universelle.
Tout ceci pour montrer que cette expression est passe-partout et n’est en rien un concept, en dehors de son usage comme équivalent de l’espèce Homo sapiens. Donc quand on l’utilise, on manipule une catégorie aux multiples ambiguïtés ce qui n’est pas sans conséquences dans certains discours.
Je n’ai pas écrit que la personne ou un citoyen n’était pas un homme/une femme (membre de l’espèce humaine) mais que le CONCEPT de personne ou de citoyen n’était pas identique à celui de « l’homme ». Distinguer les sens des mots pour former des concepts est à mon sens la moindre des choses à établir quand on veut suivre une démarche scientifique… ce n’est pas parce que l’atome a été pensé « insécable » (et il l’est réellement dans les réactions chimiques) que nous ne le savons pas aussi composé (tel qu’il apparaît dans les réactions nucléaires).
(Remarque : « l’homme » n’est pas équivalent à « être humain » en général, sauf quand il désigne l’espèce humaine.)
2/ Paralogisme naturaliste, ce n’est pas moi qui l’ai utilisé ! Mais j’ai vérifié dans cette page, car je n’en étais pas sûr ! J’en suis bien capable dans une envolée lyrique ! En effet le problème qui est posé par « l’homme au centre de tout » c’est l’utilisation d’une expression ambiguë, comme dit précédemment, et que donc on ne sait pas ce que cela veut dire précisément. J’évacue l’idée simplette que vous soutiendrez la thèse machiste que l’être humain masculin est le plus important !
Mais plus directement à propos de l’économie politique, voulez-vous dire que la différence entre le capitaliste et le prolétaire est sans importance puisque ce qui compte c’est « l’homme » ? Ou que tout doit être évalué à partir de la position centrale de « l’homme » ? Et là je reste perplexe : quel homme ?, de quelle époque ? de quel pays ? de quelle compétence ? de quelle moralité ? etc. etc. L’abstraction « l’homme » ne m’aide en rien pour résoudre ces questions et les multiples contradictions qui les traversent. L’être humain est-il immuable ? Hors histoire ? Seulement déterminé par ses gènes ? Que sais-je ?
(Je crois que j’utilise des mots de tous les jours, mais il est clair que pour s’y retrouver, il nous faut élaborer des catégories et des concepts plus complexes.)
L’expression « paralogisme naturaliste » visait très précisément cette confusion introduite par la « dignité » référée à « l’homme », en effet tout un courant philosophico-scientifique tente de mettre au centre de tout la « nature » humaine (que personne n’est parvenu à définir clairement) et de développer des raisonnements apparemment logiques sur cette base fausse. Je militerais volontiers pour la dignité de la personne (humaine) mais pas pour celle de « l’homme ». Et ce n’est une argutie philosophique : la personne déborde et de loin ce qu’on entend en général par « l’homme » qui au final se résume au corps des individus biologiques et à ses besoins très primaires de respiration, de soif et de faim…
3/ J’en viens donc à mon expression « support « bio-physio-neuro-psychologique » » ! Là j’admets que j’ai cédé à la provocation ! Et je vous remercie de le relever…
En fait après les explications ci-dessus (qu’il faudrait développer encore davantage…), il vient que si la personne est un concept plus large que celui d’homme, il faudrait dire deux choses : a/ en quoi cette largeur consiste ; b/ quel rapport avec le corps qui paraît quand même indispensable à l’être humain ?
a/ la personne est un concept à la fois historique, juridique, social qui intègre donc l’histoire de la personne (histoire personnelle, familiale et collective), qui fait que l’être humain existe quelques semaines avant de naître, qu’il a des volontés après sa mort, qu’il reste un être humain même s’il est tétraplégique ou dans le coma, amputé de divers organes ou avec des organes greffés, etc. Il est clair qu’on ne peut réduire la personne à un humain, ici et maintenant, muni de tous ses attributs physiques et de conscience !
La personne s’inscrit donc dans un ensemble de rapports sociaux qui lui donne sa forme, qui la structure. La personne n’existe pas en dehors des rapports sociaux réels qui agissent sur elle : il faudrait en effet imaginer un humain capable de se développer, de devenir humain au plein sens du terme, tout seul sur une île déserte !
b/ Si la base de la personne est l’ensemble des rapports sociaux, il faut bien un support matériel « bio-physio-neuro-psychologique » capable de lui permettre d’exister matériellement au monde (attention : base n’est pas support, un puzzle a un support en carton découpé, mais sa base est l’image qui occupe le recto !). D’où toute une série de contradictions complexes entre le développement de ce support (au fil des âges de la vie, il évolue, il a des capacités différentes…) et celui de la personne dont le développement n’est pas seulement lié à ce support mais le déborde même puisqu’il vient radicalement du dehors du corps biologique. Voilà de nombreuses discussions en perspective !
Mais ceci permet d’introduire les contradictions entre temps personnel et temps collectif, entre les limites individuelles (temporelles et spatiales) et l’illimité (en tout cas au regard de l’individu) de l’histoire de l’humanité, des sociétés, de la dispersion géographique et du patrimoine culturel. Tout autant que celle entre la façon dont le corps dans son évolution agit sur la personne et dont la personne agit sur le corps en retour.
Voilà qui ouvre de vrais débats, sur des concepts plus précis qui permettent de poser autrement de multiples faux débats sans solution comme celui de nature-culture qui laisserait penser que l’une déterminerait l’autre (soit naturalisme : les gènes en se développant créent la personne ! soit culturalisme : l’essentiel est dans la culture, le corps n’est qu’un artéfact secondaire, soit relativisme : les deux à 50/50 ou 80/20 !) et au passage le conscient et l’inconscient, le cerveau et le corps, la personne et la personnalité.
Bien que nous soyons sur un blog qui mêle économie, anthropologie, philosophie et sciences cognitives, je n’ose allonger ce commentaire.
M. Jorion,
Si Marx inclu les salaires comme des frais de production, c’est parce qu’il considère que dans la société capitaliste, la force de travail est une marchandise, qui est vendue et achetée comme telle. Le fait d’avoir à vendre sa force de travail pour avoir un revenu implique que le prolétaire doit vendre une grande partie de sa vie. Le temps qu’il passe à travailler ne lui appartient pas, il est consommé par le capitaliste. Le salaire est l’achat d’une marchandise essentielle à la production, c’est donc un frais de production. Ni la rente, ni le profit ne sont essentiels à la production, ce sont des ponctions faites par les classes dominantes sur le surproduit social. Mettre les deux types de revenus (salaires et rente/profit) sur le même pied n’a selon moi rien de radical, c’est ni plus ni moins que la légitimation de cette ponction opérée sur la production par les classes dominantes.
Chez Marx aussi il y a une lutte pour la distribution du produit social (ça fait partie de la lutte des classes, et Marx documente cette lutte dans le Capital, cf les chapitres sur la journée de travail), mais son cadre d’analyse d’admet aucunement la légitimité de classes qui ponctionnent les richesses sans participer à leur création.
Marx s’est encore trompé sur la question du travail. Le travailleur n’est pas une marchandise c’est à dire quelquechose de prestigieux mais quelqu’un qui se nourrit de marchandises. Ainsi le travailleur est contraint à rechercher de l’argent pour sa subsistance et son patron peut ainsi plus facilement calculer ses coûts .
La lutte des travailleurs consistent essentiellement à ce que les coûts des marchandises nécessaire à ses besoins n’augmentent pas et non à marchander une mythique « force de travail ». D’ailleurs la réponse de l’entrepreneur a ses revendications n’est pas de descendre directement son salaire – sauf cas exceptionnels – mais de jouer sur les prix des marchandises. Ainsi pourquoi inventer un fantôme de force de travail alors que plus simplement ce sont les marchandises dont ils se nourrit qui permettent les calculs de coûts.
Je vais essayer de ne pas être hors-sujet dans ce débat extrèmement intéressant qui pose le problème des mesures économiques à venir.
Les expériences de déconnexion du revenu et du travail ont été nombreuses dans le passé et sont même encore en cours pour certaines. Au risque de faire du mauvais esprit je citerai ( sans rire)…Cuba et la Corée du Nord.
Le sujet est une des principales questions des anarchistes et socialistes lorsqu’ils furent en situation de pouvoir politique comme dans la Russie des années 17, 18. En fait sans solutions théoriques ou pratique autre qu’incantations, euphémismes, recours au Saint Esprit prolétarien et populaire.
Les expériences de type soviétiques n’ont pas toujours été des catastrophes. Dans les années 30 l’économie dirigée stalinienne parvient à un relatif équilibre, les approvisionnement sont meilleurs.
La déconnexion du revenu et du travail n’est pas totale, mais l’oisiveté et le vagabondage sont interdit, en fait tout le monde a un travail ( un poste en fait). Il y a salaire mais c’est en fait une revenu qui transite par l »entreprise qui détient le pouvoir exceptionnel d’amende et de mise à pied sans salaire.
Ce qui est illustré par ces expériences c’est la grande misère de l’économétrie et de la statistique d’inspiration marxiste.
Mais c’est avant tout le problème de la productivité qui se pose et qui se posera dans tout type d’expérience de ce genre.
La dessus je ne vois pas d’esquisse de solution.
Je renvoie à Alexandre Zinoviev. Non seulement aux « Hauteurs Béantes » ( Travail réel et travail illusoire) mais à l’ensemble de son oeuvre et de son parcours politique qui n’est pas un basculement nationaliste, il assume les enjeus impérialistes et géopolitiques en cours sur le très long terme : son opposition à l’intervention en Serbie.
Pour ma part, j’irais un peu plus loin encore que Marx ou que Paul : dans une économie de marché pure, il n’y a pas de prix « donné » ni de « valeur » des choses, pas plus pour les salaires que pour les matières premières. La notion de prix n’acquière une réalité qu’au moment où la transaction est réalisée. Le prix est une mesure du rapport de force entre les parties au moment où la transaction a lieu.
L’eau dont je dispose est une matière première que je peux vous vendre bien cher si je sais que vous avez de l’argent et un grand besoin de cette eau.
Plus loin ? Il me semble que c’est identique à ce qu’on trouve dans mes articles sur le sujet, rassemblés dans mon manuscrit Le Prix. Quelle différence voyez-vous avec ce que je dis ?
Cela est bien dit, il y du bon sens, mais on omet une chose importante: la volonté d’exercer du pouvoir sur d’autres pour concentrer ou monopoliser des profits.
Bertrand Russell a bien décrit ce phénomène universel, omniprésent et ineffacable dans son ouvrage « Power: A New Social Analysis » paru en 1938. A mon avis, on peut parler d’une forme de pulsion.
Je vois mal comment une rélation équitable ou approximativement équitable entre salarié, son produit et le marché peut être possible sans prendre en considération les relations du pouvoir au sein du corps social en vue d’une nouvelle structuration de celui-ci – cela me parait utopique.
En revanche, je vois aux USA des petits mouvement se créer, des gens qui pratiquent le « downshifting » pour échapper au totalitarisme de la consommation. Il y a un nombre croissant de gens qui refusent de se conformer au schéma classique pratiqué jusqu’à présent aux USA: exploitation de la planète sans se soucier des conséquences d’une part, et de cultiver une espèce de servitude du citoyen dans un système économique à cages dorées (ou pas), d’autre part.