Passant sur Amazon.fr, j’ai trouvé pour mon livre un seul commentaire, disant ceci : « Paul Jorion se mêle de problématiques qui le dépassent visiblement. L’inspiration première de Jorion semble être les Mots et les Choses. Je conseille donc plutôt de lire directement ce dernier ouvrage. »
Comme il n’y a pas de droit de réponse sur Amazon.fr mais qu’il existe la possibilité d’afficher une vidéo, j’ai eu recours à Seesmic pour tourner une petite vidéo explicative.
61 réponses à “Comment la vérité et la réalité furent inventées – présentation de l’auteur”
Testis unus ,testis nullus.
Et c’est reparti avec les pages roses du dictionnaire Larousse.
Pour ceux qui ne maîtrisent pas le latin, voici une traduction toute personnelle de Pierre Desproges que l’on trouvera dans les pages roses de son Dictionnaire superflu :
«Testis unus, testis nullus : on ne va pas bien loin avec une seule couille.»
Le train de ses sarcasmes devrait patiner sur les rails de votre indifférence…
Métaphore ferroviaire…
Foucault montre il me semble, comment les choses se sont peu à peu détachées de mots, qui à l’origine contenaient certaines définitions de la chose. Le mot n’était pas arbitraire mais lié à l’essence de la chose. Travailler sur le mot était avoir accès à la chose elle-même, synecdote ?
Les mots non comme outils mais comme révélation, en ce sens faire l’exégèse était essentiel, l’empirisme secondaire…
Comme Piotr je ne suis pas persuadé qu’il soit nécessaire de répondre à ce genre d’invectives qui reposent littéralement sur un non-argumentaire. Ces trois phrases qui vous ont fait réagir sont notoirement creuses à mon avis.
Vous auriez choisi de traiter un sujet qui vous dépasse de loin ? Mais n’est-ce pas le lot commun de tout penseur ou philosophe ? L’appel à une référence culturelle pour tenter de rabaisser votre propre travail me paraît procéder de l’argument d’autorité typique, c’est à dire un argument qui fait l’économie d’un raisonnement pour être constitué, ce qui correspond en fait parfaitement à l’image de la coquille vide.
Vous avez ce travers fort gênant de dynamiter les lignes de « l’académisme pépère » selon lequel chaque discipline est gentiment rangée dans son tiroir hermétique. Il n’est alors pas étonnant que des gens totalement imprégnés de ce mode de pensée soient terriblement incommodés par votre démarche.
Tout à fait d’accord avec vous.
En même temps, il s’agit du seul commentaire sur le site de ce distributeur et l’agacement est donc compréhensible.
Que ceux qui ont apprécié l’ouvrage s’expriment – de façon nuancée certes !
Sauf que en quelques phrases lapidaires et anonymes .M.Jorion subit potentiellement un véritable préjudice…
C’est le principe de ses dépréciations (en ligne) qui est en cause…
Ce sont les jeux du cirque:pouce pointé vers le bas,dans le cas présent un malheureux pouce.
Quitte à me contredire.
@Piotr
Véritable préjudice?
J’estime qu’une telle critique ne sert qu’à prêcher des convaincus, et que ceux-ci ne seraient de toute façon pas voué à prendre mieux connaissance du contenu de ce livre, quelles que soient les circonstances.
Paul,
J’ai mis mon propre commentaire (succinct) sur amazon.fr pour répondre à ce mgmz, qui ne manque pas de culot. Parler d’ »imposture intellectuelle » à l’égard de votre livre relève de la pire mauvaise foi. Ca ne m’étonnerait pas que l’auteur en soi un universitaire dépité!
« Je conseille donc plutôt… » : mal barré le conseil…
@ Les liaisons dangereuses
Je ne saurai trop vous engager à ne pas vous comparer avec les mots et les choses de Foucault. En effet et c’est très rare pour ce genre d’ouvrages, mais on peut affirmer que ce texte est faux. Pourquoi ?
1/ D’une part le propos de Foucault est de contester la thèse – pourtant centrale dans notre culture – selon laquelle la modernité est venue de la représentation mathématique du monde . Précisement de constester qu’il y ait dans notre culture une influence structurante de Descartes et Newton. Ainsi il va oser affirmer “ sous les mots vides (sic) .. d’influence cartésienne, les historiens rangent la tentation de rendre la nature calculable »
Vous dites exactement le contraire dans votre travail : selon Foucault votre thèse est « vide de sens »
2/ de plus ,FOUCAULT va s’appuyer sur un objet particulier pour démontrer cette thèse et cet objet est … l’histoire du concept de monnaie.(comme on se retrouve !) Et on peut se rendre compte qu’il va faire un contre sens majeur sur .. justement l’idéée que vous défendez : savoir la spécificité de la fonction de gage.
3/ Mais pire que ce contre sens : il y a une troisième différence entre vous et ez Foucault c’est … que Foucault n’a pas lu les auteurs centraux sur lesquels il s’appuie . C’est ce que j’ai remarqué en travaillant les mots et les choses . Marcel GAUCHET a fait le même constat dans son « travail sur l’histoire de la folie » ( et ce constat était connu dans le petit milieu des philôsophes « de mon temps » )
Comme vous le savez votre théorie de la monnaie est très proche de celle que défendait Locke au XVIIème (. Locke est proche de Newton). Aussi je me permets de renvoyer le lecteur au dernier paragraphe d’un article que j’ai écrit sur la pensée économique de Locke et où je traite de ceux dont SCHUMPETER qui n’ont pas compris son enjeu. Au premier chef d’entre eux .. FOUCAULT (qui n’est pas l’idole de l’amérique pour rien)
Voici ce que j’écrivais
… Foucault fera d’abord de la question de la représentation un élément clé de sa lecture des auteurs antérieurs à la période libérale, y voyant même la clé de leur unité en tant que courant de pensée. Dans ce sens il acceptera la caractérisation de “ mercantiliste ” que reprennent Blaug et Schumpeter; mais dans ce sens seulement, car il interprétera leurs écrits comme étant marqués par une analogie fondamentale entre logique et échange : chez eux, dit-il la monnaie a cette caractéristique essentielle de représenter directement les richesses comme le signe le signifié dans une proposition ; plus encore c’est cette position logique de la notion de monnaie qui peut éclairer leurs propositions “ théoriques ” à ce sujet : “ [pour les mercantilistes] c’est parce que l’or est monnaie qu’il est précieux, pas l’inverse” p 187.
Il s’en déduit une image très précise du mercantilisme, celle d’un courant de pensée ayant transcrit l’épistémé de son époque dans le champ auparavant opaque de l’analyse économique : “ Le mercantilisme apparaît comme le lent effort pour mettre la réflexion sur les prix et la monnaie dans le droit fil de l’analyse des représentations. ” p 192
Cette interprétation, on l’aura noté s’oppose à la vision traditionnelle selon laquelle les mercantilistes auraient survalorisé l’or. Foucault sera d’ailleurs très clair sur ce point, montrant que tous les auteurs de cette époque, métallistes et anti-métallistes s’accordaient sur ce qu’est pour lui l’enjeu réel : le mode de représentation joué par la monnaie. Tous les auteurs et donc en particulier Locke dont il n’ignore pas, pourtant, sa caractérisation de la monnaie comme gage (i.e réserve de valeur) :“ Dire [avec Locke] que la monnaie est un gage, c’est dire qu’elle est un jeton reçu de consentement commun… elle vaut ce contre quoi elle est échangée… tout comme dans la représentation un signe doit ramener à la pensée qu’il représente ” p 194
Et c’est de ce point de vue qu’il interprète l’opposition entre Smith et Locke.
Car la fonction de Smith et c’est le deuxième temps de l’approche de Foucault, sera de déplacer cet angle d’analyse – dont on peut aisément monter les limites – au travers de la notion de travail ou plus exactement son caractère structurant pour l’analyse économique.
Foucault n’ignore pas en effet que la valorisation du travail n’est pas nouvelle au siècle de Smith, mais ce qui est nouveau, et pour lui signe du bouleversement de la période libérale “ moderne ”, c’est le statut logique que Smith accorde au travail. Il emploiera le mot de “ transcendantal ” signifiant par là qu’il s’agit d’une catégorie de type scientifique au sens d’un outil intellectuel pour comprendre la réalité “ A Smith [fait] un décalage essentiel [il] distingue la raison de l’échange …et la raison de l’échangeable ”. p237
Ce faisant et ce sera là sa conclusion, Smith ouvre le champ de la science économique (économie politique), science économique qui aurait dépassé les apories mercantilistes et fait corps à son début avec la pensée libérale.
Remarque : cette interprétation de Foucault possède un enjeu philosophiquee que l’on a rarement souligné. En effet l’objectif de “ Les mots et les choses ”, était en grande partie de contester la lecture dominante que l’on faisait de l’histoire de la pensée moderne, en déniant à la construction de la physique newtonienne et, à travers elle, à la pensée de Descartes, le rôle structurant de la pensée scientifique. Ce que dit Foucault à ce sujet est sans ambiguïté : “ sous les mots vides (sic) .. d’influence cartésienne, les historiens rangent la tentation de rendre la nature calculable ”p70.
C’est si vrai que les deux disciplines scientifiques de référence de “ Les mots et les choses“ sont l’économie politique et la biologie à l’extérieur donc du parallèle entre physique et économie politique sur lequel tournait l’essentiel des interprétations.
L’importance de la notion pseudo-kantienne de “ transcendantal externe ” se lit dans ce contexte. En qualifiant ainsi le concept “ classique ” de travail, et en le posant comme modèle de la pensée scientifique moderne, Foucault veut signifier que la construction de la pensée scientifique n’a pas réellement intégré la dimension cartésienne – et au-delà, kantienne – de la mesure (qui renvoie à l’espace et au temps comme formes de l’intuition sensible). Ce qui ouvre la voie, naturellement, à l’oubli de toute la tradition philosophique des XVIII ème et XIX ème siècles.
Nous attirons l’attention du lecteur – de ce fait – sur l’importance paradoxale de l’interprétation de la pensée de Locke et de son débat avec Smith dans ce contexte. Celle-ci joue en effet la fonction d’une clé de voûte soutenant tout l’édifice. Que l’interprétation de Foucault s’effondre sur ce seul point et c’est le coeur de sa contestation du “ moment ” cartésien qui s’effondre (même si sa lecture épistémologique de la pensée monétaire pré-classique nous semble plus judicieuse que celle de Hekscher).
C’est donc loin d’être un hasard si Foucault a commis un tel contre-sens sur l’interprétation de Locke.
amicalement
Vous auriez pu éventuellement juste évoquer l’utilisation de l’hystérésis par Foucault.
Soit, comme je le fais tous les jours, la recherche de la vérité par les différences.
Je n’ai rien compris.
C’est tout.
Répondre est une perte totale de temps qui de plus donne du crédit à quelqu’un qui n’en a peut-être aucun.
Conservez votre profil sympathique et ne répondez pas à ce type de commentaire, ce sera bcp plus judicieux.
Toto club des pessimistes.
Je ne l’ai pas lu encore.
Mais sur ce thème, l’idée que la vérité a une histoire (corrélée à celle du « sujet » et donc à celle de la manière dont nous nous comprenons nous mêmes), Foucault s’inspire explicitement de Heidegger, et je trouve ta démarche très similaire également, en tout cas dans le projet.
Vous verrez vous finirez par vous réconcilier ^^’
@Paul
Une chose est sûre, l’establishment ne vous apprécie guère…
Mais finalement qu’est ce qu’on en a à f…
Oui, j’allais oublier…
Monsieur Jorion. L’éventuelle « crédibilité » d’un site purement commercial…
Franchement…
Je n’ai pas la panoplie d’injures suffisantes pour décrire ce qu’ils m’inspirent. De plus, évitons de nous abaisser à leur niveau.
Je précise le tir pour :
1) éviter de faire comme un ami polytechnicien qui critiquait tout azimut convaincu de sa supériorité. (notes, il n’était pas si con mais a gâché bêtement son potentiel)
2) le commercial est une chose contre laquelle chacun doit lutter, et manque de chance, de plus en plus…
Je retiens donc la réflexion d’un ouvrier auquel j’ai toujours naturellement serré la main, comme tous les ouvriers que j’ai pu croiser, et qui m’a dit un jour : « Oui, tu as raison. Mais toi, tu sais comment on bosse. »
Putain, cette médaille vaut bien plus que beaucoup d’autres…
Perso, vérité et réalité, c’est un peut comme masse monaitaire et crédit. Si ont refuse l’un ont refuse l’autre.
Un peu bizarre que ce soit le SEUL « commentaire-client » visible, non?
(je viens de vérifier, il n’y a que celui-ci, et apparemment pas d’endroit où « cliquer » pour donner un autre avis, il doit falloir acheter le livre chez eux pour accéder aux commentaires, je suppose…)
Je comprends cette manière d’intervenir. Peut-être blessé et énervé qu’un quidam, prescripteur dérisoire, marque son territoire de compétence en distribuant les bons et les mauvais points ; sur un travail auquel vous tenez et auquel vous consacrez du temps.
Site commercial ou pas, le seul propos disponible était débile ; autant le corriger.
Et cette espèce de jalousie qui se manifeste, parfois, par exemple sur votre dernier papier dans Le Monde autour de Keynes ; « notre écono-anthropologue », un “notre” d’une ironie familière qui signe aussi bien le mépris, “écono” résonnant avec “déconner” – le reste à l’avenant.
« Il y a des temps où l’on doit distribuer le mépris avec parcimonie à cause du grand nombre de nécessiteux. »
Amen.
« L’invective ne déshonore que son auteur » (Confucius, cité dans L’Héritage de Rantanplan 🙂 )
Et rappeler Confucius pour un taoïsant, même un pour taoïsant pyrrhonien, c’est un coup à faire sursauter Etiemble dans sa tombe!
Tant que j’y suis, Monsieur Jorion, si vous me permettez, que pensez-vous de l’instauration d’une sorte de « revenu universel » (à définir bien entendu) ?
Je suis souvent sidéré d’entendre ses opposants employer à peu près les mêmes termes que ceux employés par des goguenards à l’époque de l’instauration des congés payés…
Ne pensez-vous pas que cela va de pair avec une société plus apaisée ou chacun pourrait choisir de vivre plus ou moins comme bon lui semble ?
Merci et bonne soirée à tous
@ taitaquin
« Tant que j’y suis, Monsieur Jorion, si vous me permettez, que pensez-vous de l’instauration d’une sorte de « revenu universel » (à définir bien entendu) ? »
Cela fait longtemps que j’y pense.
Transformer notre pays pour le faire passer du statu de pays développé (ou plus exactement poubelle remplie) au statu de pays civilisé me semble la chose la plus urgente à réaliser.
Ceci dit, ca ne dérange pas du tout notre ministre de dépenser 5 milliards d’Euro de plus sur les 11 nécessaires (boursorama) pour palier à l’incompétence des dirigeants d’Airbus et assurer le développement de nos airbus de guerre destinés à civiliser le monde.
Tout ça pour dire que ce n’est pas près d’être mis en place chez nous. Consommons, consommons, consommons et éradiquons ceux qui ne pensent pas comme nous (si Obama est d’accord). Voilà le secret de nos élites
Bah, il est evident que les philosophes « authentiques », i.e. Canto-Sperber et l’inteligentsia normalienne, meprise du fond du coeur Paul Jorion. Il suffit d’un etudiant un peu influencable pour lacher des commentaires sur Amazon (je n’imagine pas que quiconque ait du temps a perdre si ce n’est un etudiant a ce faire, vu la masse de merdouille mediatique a assassiner en priorite!).
Un dithyrambe aussi insignifiant du même sur l’ouvrage de Quentin Meillassoux, « Après la finitude : Essai sur la nécessité de la contingence » – qui a certainement des qualités. Q. Meillassoux est actuellement agrégé-répétiteur à l’ENS.
Etudiant servile, tu es démasqué!
En parlant de philosophes, ce serait pas mal d’avoir Michel ONFRAY sur ce blog… Peut-être y est-t-il d’ailleurs…. Avez-vous des contacts avec lui Paul ?
hey Paul
des soucis ?
ça ne vous ressemble pas vraiment de prendre ainsi pour argent comptant un commentaire quidam sur un site commercial et de vous donner la peine de répondre
la technique ‘blanche colombe crapeau baveux’ recommandée si élégamment par Moz serait sans doute aussi appropriée
« La vérité si je mens » ou « en vérité je vous le dis ».
bonsoir M. Jorion
je vous ai connu grâce à votre livre qui prédisait la fin du capitalisme américain
rigoureux et clair
je me coltine avec « la vérité et la réalité inventées ou du moins construites », pour moi qui ne suis ni philosophe ni épistémologiste, ni historien des sciences, et « même pas anthropologue »
les fulgurances tels le rapprochement des catégorèmes, les catégories et le complexe jungien,le système étoilé par réticulation associative, j’en souhaite beaucoup à vos détracteurs, .
la pensée est féconde par la magie de l’enfantement d’un nouveau jugement à partir de deux autres, tout le problème est dans la qualité de l’adhésion aux prémisses- indémontrables mais plus ou moins socialement crues, c’est foucaldien, ça?
L’auteur du commentaire en question n’a manifestement pas lu le livre. C’est tellement facile de lire un résumé de livre et y après y avoir vaguement décelé une analogie avec des problématiques existantes, en inférer qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil.
Au mieux ce genre d’attitude dénote une grande paresse intellectuelle, au pire de la malveillance, ce qui semble être le cas vu le ton péremptoire employé par le commentateur.
Paul, ne vous en inquiétez pas outre mesure, votre livre est excellent aussi bien sur le fond que sur la forme, il va trouver son public. Seulement il ne se lit pas en une nuit, il faudra un peu de temps avant que d’autres commentaires, le bouche à oreille et les citations, les recensions qui en sont faites, produisent leurs meilleurs effets.
En quelques mots je dirais que c’est un livre très dense, pluri-disciplinaire et même trans-disciplinaire. La problématique y est bien posée et ouvre un vaste espace de réflexion, de la philosophie à la science en passant par l’anthropologie et même la psychanalyse. Autant dire que les spécialistes des diverses disciplines convoquées pourront y trouver du grain à moudre, non seulement pour questionner les résultats de leurs propres disciplines, ce qui est déjà beaucoup, mais aussi et surtout pour dépasser le cadre étroit de leurs champ d’étude respectifs afin d’interroger les fondements culturels de la connaissance et leurs implications, y compris politiques, et par extension économiques — à cause de la question de la modélisation — même s’il n’en est pas question dans le livre.
Ainsi, par exemple, à l’heure où la Chine monte en puissance, prend une place de plus en plus grande dans la « communauté » internationale, et nous fait douter de nous-mêmes, le retour Aristote ouvre de nouvelles perspectives : l’influence d’Aristote été telle que sa logique en est venue à constituer notre sens commun, mais nous avons pour la plupart d’entre nous perdu de vue les principes sur lesquels elle se fondait, en particulier celui d’asymétrie que Paul explicite de façon remarquable en faisant appel à l’anthropologie notamment en établissant un rapport entre raison et sentiment, deux notions qui sont si souvent opposées.
Paul ne parle pas d’éthique dans son ouvrage, mais cette philosophie des sciences a manifestement une résonance éthique dans la mesure où elle touche à notre rapport au monde et donc à notre façon de nous comprendre dans la collectivité et l’histoire des humains, pour la transmission des connaissances et des savoirs, et ce que nous en faisons. En premier lieu parce que le réel — la chose en soi ou réalité métaphysique — est remis à sa place, celle de l’inconnaissable, ce qui permet justement de replacer toute modélisation à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter : celle relative à l’objectivation de phénomènes humains et physiques situés dans le temps et l’espace et qui émanent des esprits de ceux qui les conçoivent, après quoi il reste à les valider ou les invalider selon des procédures rigoureuses ceci pour leur accorder une concordance avec une réalité empirique déjà existante ou encore à mettre en oeuvre si le monde possible qui est visé n’existe pas encore.
La position est on le voit anti-dogmatique tout en ouvrant la porte des possibles à l’heure où pourrait poindre un certain découragement vu la tournure des évènements. Cette façon d’envisager la connaissance a aussi l’immense avantage de permettre de trouver un terrain d’entente entre matérialistes et religieux non dogmatiques s’il en est, en ce lieu où religieux et matérialistes reconnaissent au réel sa part d’irréductible, ce qu’Aristote nommait l’être en tant qu’être. La pensée lacanienne est très certainement aussi passée par là, quand on sait l’importance qu’elle revêt pour Paul.
Pierre-Yves,
Si les lecteurs consacraient le même temps pour lire que l’auteur pour l’écrire, nous avancerions peut-être moins vite mais plus efficacement.
Le problème réside dans la profusion et dans le manque de (bons) vulgarisateur de la pensée.
On arrive très vite dans la spécialisation. On crée des experts, mais des experts qui ne savent plus faire une extrapolation qui joindrait des différentes disciplines entre elles.
Les véritables généralistes qui ont une vue d’ensemble à 360°, connaissez-vous quelques noms?
On ne lit plus qu’en diagonale de nos jours. On croit qu’on a compris mais on manque de l’environnement, la culture que l’auteur a approché en écrivant.
Cela n’a rien avoir avec l’éthique. Trans-disciplinaire? Là, le livre de Jorion m’intéresse. Que la Chine vous fasse douter de vous-mêmes, ça c’est le début de la sagesse. Regardez comment ils travaillent, comment ils pensent. Je l’ai décrit dans l’Avant d’après ( http://vanrinsg.hautetfort.com/archive/2006/06/22/recompenser-ou-seulement-retribuer.html ). J’ai beaucoup lu sur la Chine avant de m’imprégner de leurs différences. Je n’irai jamais en Chine pour vérifier. Je n’aime pas la douche écossaise, mais, en analysant les forces des autres on découvre ses propres faiblesses.
Cela n’a rien à voir avec l’éthique si l’on considère que l’éthique n’a aucun lien avec la connaissance comme par exemple lorsque l’on parle de moraliser le capitalisme sans prendre la peine de le repenser et que l’on compte par conséquent sur la seule bonne volonté des individus pris un à un pour le transformer. Penser la connaissance comme le fait Paul c’est ouvrir, élargir le champ du possible pour l’initiative individuelle et collective.
La Chine a des choses a nous apprendre, j’en suis d’accord.
Mais ce que je voulais dire c’est que si Paul évoque la Chine, la pensée chinoise, c’est pour mieux appréhender la spécificité de la « logique » aristotélicienne, sa « linguistique », dont l’ensemble de règles destinées à produire des syllogismes corrects et vrais permet d’établir un rapport de l’individuel au collectif, du particulier à l’universel, liant ainsi les choses de façon asymétrique, ce qui a pour conséquence le renouvellement de leur contenu, définition, catégorisation. C’est donc une pensée des commencements et des fins, individuelles et collectives. Elle a ainsi une visée doublement éthique et politique à l’horizon d’un espace démocratique, celui où l’on délibère à propos de propositions concernant l’état de la Cité et/ou du monde (humain et naturel) et ce qu’il convient d’y faire.
Comme le précise Paul la logique propositionnelle d’Aristote ne récuse pas la cause finale pour se contenter d’une explication purement déterministe du monde qui ne retient que la seule cause efficiente, ce que font les logiciens positivistes du cercle de Vienne.
Par comparaison la pensée chinoise traditionnelle raisonne par symétries car ne s’y établit pas de distinction logique entre modèle et réalité : il n’y a qu’une seule entité indivise, et c’est l’univers immanent en perpétuel changement. Il n’y existe pas cette notion de redoublement du monde, ou virtualisation (puissance ⇢ acte), que l’on trouve dans tout le système d’Aristote et qui permet l’accès aux mondes possibles.
Il s’agit dans le contexte culturel chinois d’appréhender des changements en manipulant un réseau symbolique qui établit des correspondances substantielles entre des réalités qui sont pour nous très hétérogènes, par exemple en établissant à travers le temps et l’espace des correspondances entre le monde naturel et le monde des affaires humaines, ou entre ce qui relève du domaine familial et ce qui relève du domaine politique (l’empire) . Pour expliquer le phénomène Paul ne fait pas pour autant de la pensée chinoise une pensée inapte à l’intelligibilité du monde, au contraire, puisqu’il rappelle que cette pensée se fait fort d’appréhender les métamorphoses. Ce mode de pensée symétrique, explique-t-il, procède simplement d’une faculté qui n’est autre que celle, naturelle, du fonctionnement habituel de notre mémoire, laquelle fonctionne par association d’idées selon un principe d’organisation de nos affects, mis en évidence par Freud avec sa notion de complexe.
Le commentateur a l’air de beaucoup apprecier Bruno Latour, cf sa remarque sur « Nous n’avons jamais été modernes : Essai d’anthropologie symétrique ».
Paul aurait il une opinion sur les tyravaux de cet auteur?
Dans les Mots et les choses, Foucault fait une analyse des Ménines de Velasquez.
Or Les Ménines, tableau ô combien essentiel de la peinture espagnole, a été repris par tous grands peintres d’inspiration espagnole, notamment Picasso qui en a fait une version Cubiste, mais auss Dali qui en a réalisé une version personnelle, intitulée « Twist dans le studio de Velasquez ».
Question:
Pour faire de l’Anthropologie, est-ce qu’il vous pratiquer le twist ?
Paul bonjour,
Merci d’avoir essayer d’expliquer et de justifier votre manière de pensée.
J’ai également l’esprit analyste, numérique. On m’a même « accusé » d’écrire comme je programmais dans le temps.
http://vanrinsg.hautetfort.com/archive/2008/11/20/ecrire-en-style-analogique-ou-en-numerique.html
Et c’est vrai il y a deux mondes en présence: celui de la science, de l’esprit et celui que l’on peut limiter au niveau du coeur.
Pour moi, le coeur c’est une pompe. Point.
Je ne connaissais pas le théorème de Geudet et je vais effacer cette lacune immédiatement.
Je ne sais si vous avez lu le « Pendule de Foucault » d’Umberto Ecco.
Son érudition dépasse le commun des mortels.
J’ai du m’accrocher pour arriver au bout. Qu’ai-je retenu? Là la réponse est imprécise.
Tout cela pour dire que l’érudition doit servir à quelque chose.
La métaphysique, je ne suis pas un fan. J’aime le tangible.
J’ai eu un prof de maths qui m’a fait aimer les maths par son usage du concret lié aux équations.
Enfant, j’ai été foudroyé par le fait que quelqu’un ait pris la peine de compter qu’un cube avait six faces, douze arêtes, et huit coins. Par la suite, j’ai toujours eu le plus grand mépris pour la connaissance.
Betov,
Et vous faites quoi dans la vie? Rentier?
Génie universel… et c’est très dur. 🙂
@ L’enfoiré
Ce n’est pas une activité rentier. C’est un état qui permet de choisir son activité sans tenir compte du caractère rentable(financièrement) de ce que l’on fait. S’occuper de ses enfants, de ses parents ou de ses amis n’est pas rentable financièrement (quoi que), mais il n’y a rien de plus utile. Aller jouer au golf l’est beaucoup moins.
oh … le cube c’est pas du tout que ça : c’est aussi un carré qui a changé de dimension en prenant de la hauteur.
A l’origine simplement des points qui prolifèrent du néant en trajectoires linéaire pour nous plaire. Puis une combine de lignes en surface exceptionellement carrées. Le cube réalise le comble de l’exception dans ses trois dimensions égales.
Jamais trois sans plus. Ce cube n’est pas intemporel: il partage nos quatres dimensions sensibles … et plus si affinités car il est éternel. Oh diable l’idée … Et vlan: ces dimensions sont élastiques ! Jusqu’au retour au point original … le trou noir des dimensions ?
En réalité il n’y a jamais eu aucun cube existant: c’est juste une idée pratique pour ces rangements qui nous limitent. Le cube ne nous survivra pas, c’est nous qui sommes cubiques.
J’oubliais, en tant qu’anthropologue, pourriez-vous justifier vos paroles au sujet du Moyen-Age, que vous placez au même niveau que la Renaissance?
Internet d’une façon très générale est un lieu curieux où tout semble permis
Je compris l’agecement et le sentiment d’injustice de Paul JORION de voir en quelques phrases non argumentées un travail construit, étayé, intéressant et enrichissant.
Nous ne pouvons pas dire non que le site AMAZON soit un lieu culturel de haut niveau : c’est un site marchand (ce n’est pas péjoratif) et donner son avis de cette façon montre un seul souci : pas celui d’informer mais de nuire. Et il est certain que cela fait mouche.
En même temps : auprès de qui cela fera mouche ? Auprès de lecteurs potentiels qui ne connaissent pas Paul JORION et/ou qui n’auront pas la curiosité d’en savoir plus sur le projet de son livre (avant de prendre la décision de l’acheter ou de s’en dispenser).
On peut le regretter : on regrette les gens sans conscience. Mais dès lors que les portes sont ouvertes à tous, on sait, même si cela fait mal, que ce genre de comportement sera inévitable.
Il faut se rendre alors sur le site AMAZON et apporter la contradiction. Il faudrait qu’elle soit raisonnée (si elle est excessive cela fera plus de mal que de bien). Il faudrait qu’elle soit abondante : pas forcément bavarde mais multiple. Ce sera le meilleur service à rendre à un ouvrage pareil.
A toutes fins utiles, précisons tout de même que ce bouquin que je suis en train de lire est d’une part assez difficile, de par sa matière même, qu’il ne s’adresse donc qu’à une frange de lecteurs…courageux et un tant soit peu… instruits, intéressés et motivés et que, enfin, on ne peut prétendre toucher le grand public avec un tel livre.
Cela dit, nous baignons dans une diarrhée livresque assez navrante ou le pire l’emporte de loin. par ailleurs, je ne saurais blamer Mr Jorion de vouloir défendre son « enfant » quand, d’une phrase, il se fait descendre en flamme comme à la guerre.
Salutations
Cincinatus
Bien que n’ayant pas encore lu le livre de Paul Jorion, et compte tenu de la fulgurance de l’actualité/opportunité sur le web, je me permet d’exposer mon approche autodidacte du problème vérité-réalité de peur d’arriver trop tard et hors sujet si j’attends.
Pour illustrer un développement de logiciel informatique de gestion, j’ai été amené a repenser les outils d’enregistrement-traitement des informations que l’on me demandait de gérer. La première a été le temps; j’ai constaté que les usages de notation des dates étaient différents selon les pays, nous ne vivions pas la même journée en France, au Maghreb, en Israël, en chine, etc. Or le présent était le présent dans tous les pays. J’ai donc décidé d’utiliser pour mes traitements internes une représentation du temps indépendante de celle que l’usager utilise, et donc de reconstituer pour son usage, sur son écran, sa notation habituelle à l’aide de ma propre structure de stockage-traitement.
Puis j’ai eu a traiter des problèmes géographiques, là aussi on m’a proposé un outil de stockage-traitement couramment utilisé qui est la longitude-latitude. Mais j’ai hélas constaté que cette représentation du monde m’interdisait d’utiliser des outils simples que l’on m’avait appris comme le théorème de Pythagore, en effet, 1 degré de longitude n’est que rarement égal a 1 degré de latitude, ce qui complique singulièrement les calculs de surfaces.
Pour expliquer tout cela a mes utilisateurs, j’ai imaginé une petite fable : le vaisseau spatial.
Un jour, un vaisseau spatial surgit des entrailles de la terre et disparait dans l’espace. Premier témoin qu’avez vous vu? Tout, monsieur le commissaire, j’étais là!! Devant mes yeux la terre s’ouvre et sort une boule de feu qui monte et disparait dans les nuages. Deuxième témoin? Oui, j’ai tout vu, entre deux nuages, un vaisseau carré. Troisième témoin: J’ étais plus a l’ouest, et il est passé juste au dessus de moi, un triangle parfait.
Quel est donc ce vaisseau, se demande le commissaire, qui est a la fois un cercle, un carré et un triangle.
Racontant ma fable a des amis universitaires, je leur demandais quelle référence consulter pour consolider mon histoire; quelle exégèse, depuis 2000 ans de réflexion, les hommes avaient pu imaginer et décrire a ce propos..
ça ressemble a la caverne, me dit-on.
Bien, je consulte Platon. Mais je ne suis pas du tout satisfait.
Platon propose au lecteur un exemple ou il n’existe qu’une image de la réalité, je retourne voir mes amis et ils me parlent alors des aveugles et de l’éléphant. Effectivement la problématique est bien là, une réalité et, dans ce cas 6 images différentes de cette unique réalité. C’est déjà mieux que chez Platon, ou, qui plus est, ses exégètes insistent sur le coté biunivoque de la relation réalité-image.
De plus, je suis très gêné par la présentation de la position du lecteur: qu’est-ce qu’ils sont cons ces prisonniers de la caverne, je sais bien, moi, lecteur que ces ombres ne sont qu’apparence, qu’est-ce qu’ils sont cons ces aveugles de ne pas savoir ce que moi je sais qu’un éléphant est.
Je préfère une fable ou le lecteur soit dans la caverne, ou aveugle, pour qu’il soit plus en empathie avec le problème.
Puis en approfondissant la réflexion, je suis arrivé a la conclusion que l’image, qui est la vérité des gens de la caverne, peut être bien supérieure-pratique-efficace que la réalité.
J’ai été opéré par des chirurgiens qui m’ont enlevé une tumeur dans le ventre, pour cela, il n’ont utilisé que les images de petites caméras introduites dans des trocarts plantés dans le ventre, ils appellent cela la cœlioscopie, et je préfère l’usage de l’image que les 25 centimètres de cicatrices que j’aurais eu s’ils avaient accédé a la réalité de ma tumeur. Mon voisin de chambre était contrôleur aérien a Athis Mons, et il me disait que l’image de l’avion sur son écran radar ne pouvait pas être remplacée par un observateur qui serait monté sur le toit pour essayer de voir un avion au dessus de Lille ou de Clermont-Ferrand. Pour lui, la réalité était inaccessible, seule l’image sur son radar était vraie.
Et en revenant sur ma fable (vaisseau spatial), je me suis mis a regretter que (dans la fable) la vérité existe, c’est a dire qu’il existe un objet matériel simple dont l’ombre portée sur 3 pans orthogonaux deux a deux soit un cercle, un carré, un triangle, et j’ai écris une nouvelle fable dans laquelle les ombres sont la tête d’Anubis, la tête d’Horus et une foret. L’intérêt est que l’objet physique qui génère ces 3 ombres est indescriptible (trop compliqué) et de plus multiple (une infinité d’objets peuvent répondre a la question). La conclusion est que la réalité n’a pas de sens, seules les ombres portées sont signifiantes, ceux sont elles la vérité des gens qui les voient, comme pour mes logiciels qui disent que nous sommes en 2010 a un parisien, et en 5770 a tel aviv et en 1431 dans le monde arabe, la réalité est unique, mais la vérité (demander la date a qqun dans la rue) est différente selon chaque caverne.
Toutes ces réflexions, faciles au demeurant, me mettent devant un grand vide: depuis 2500 ans, tous les profs que nous salarions pour enseigner platon n’ont pas été foutus de faire ce peu d’exégèse et se sont contentés de répéter la fable dans son acception la plus stricte. Si l’on se pose la question -qu’est ce que les salariés de la philosophie connaissent a la philosophie, j’ai bien peur qu’il faille répondre qu’ils en sont au niveau zéro.. ou plutôt -2500.
C’est la première fois que je devine un léger accent belge dans une de vos vidéos 🙂
Signe sans doute d’un énervement, très compréhensible au vu de la critique.