Billet invité.
PREMIERES PENTES D’UNE RUDE MONTEE
Un suivi de l’actualité des sous-crises grecque et islandaise permet de mieux apprécier les tâtonnements actuels des gouvernements européens, dans leurs premières tentatives de reprendre l’initiative, dans le cadre de la réduction des déficits publics qu’ils tentent d’engager. De comprendre en quoi ils annoncent, de manière encore imprécise, la suite des événements dans tous les pays européens. Car si les situations et les cas sont très dissemblables, c’est la même chose qui va être mesurée tout au long de l’année dans laquelle nous venons de nous engager.
Ce qui est déjà acquis, concernant ces deux pays, c’est qu’en dépit des martiales déclarations que l’on peut continuer d’entendre ici ou là, des compromis plus ou moins sévères devraient à terme intervenir. Tout un chemin reste cependant à accomplir, afin que les rapports de force soient établis et qu’ils puissent être passés.
Après que de premières voix se soient fait entendre dès hier, appelant la Grande-Bretagne et les Pays-Bas à la clémence vis à vis de la petite Islande, d’autres signaux encourageants sont apparus. Une conversation avec David Milliband, le ministre britannique des affaires étrangères, rapportée par son homologue Islandais Össur Skarphedinsson, selon laquelle la Grande Bretagne continue de soutenir la candidature de l’Islande à l’Union européenne. La confirmation de la prudence du FMI, qui a engagé une consultation de ses membres à propos du déblocage de la dernière tranche de son prêt, laissant une porte ouverte. Une première réaction favorable de Jonas Gahr Stoere, le ministre norvégien des affaires étrangères, affirmant l’intention de son pays de poursuivre la mise en oeuvre d’un prêt des pays nordiques de 1,78 milliards d’euros, dans le cadre de la première étape d’une tournée engagée dans ces pays par Steingrimur Sigfusson, le ministre Islandais des finances.
La date du référendum par lequel les Islandais vont être amenés à se prononcer n’est pas encore fixée, il est pour l’instant envisagé début mars. Un délai qui, une fois fixé, devra être respecté pour trouver un compromis entre les parties et éviter ainsi qu’une consultation populaire n’aboutisse purement et simplement à un rejet de l’accord gouvernemental actuel. Le principe du remboursement sera conservé, ses modalités seront très certainement fortement assouplies : c’est en tout cas ce qui peut être anticipé.
De l’autre côté de l’Europe, en Grèce, une partie différente est en train de se jouer, dont l’enjeu est en réalité le même : éviter que des débordements populaires ne viennent encore amoindrir les marges de manoeuvre très étroites des gouvernements. Le gouvernement grec continue d’être soumis à une pression maximum afin de mettre sur pied, avant de le présenter fin du mois à Bruxelles, un plan d’austérité pluriannuel radical, en vue de progressivement résorber le déficit de l’Etat. Hier, la présidence espagnole de l’Union européenne avait exclu tout sauvetage financier du pays par d’autres pays. Aujourd’hui, Georges Papaconstantinou, le ministre des finances grec a prononcé son acte de contrition en déclarant au journal financier italien Il Sole 24 Ore : « Nous n’avons pas demandé et nous ne nous attendons à aucune aide de la part de la BCE ou d’un Etat membre de l’UE. » Une délégation d’experts de la Communauté européenne et de la BCE viennent de terminer à Athènes une tournée des ministères, qui les a successivement menés à celui des finances, de l’économie, de la défense, de l’emploi et protection sociale et de la santé, afin d’énoncer les mesures d’économie dont il est attendu qu’elles soient prises. La liste est en soi éloquente du large éventail présumé de celles-ci.
La Grèce est devenue pour un temps le labo de l’Europe. C’est là que va être expérimenté un plan intitulé « programme de stabilité et de croissance », qui est destiné à faire école, à n’en pas douter. Une expérimentation grande nature s’engage, destinée à éclairer les gouvernements, dont les leçons générales pourront être tirées et les mesures particulières adaptées à chaque pays. Afin qu’aucune échappatoire ne soit possible pour le gouvernement grec, celui-ci va être mis quasiment sous tutelle, sans le dire. Il est prévu que, dès le mois prochain, la copie du plan d’austérité rendue puis avalisé par Bruxelles, des missions d’experts se succéderont régulièrement à Athènes afin de superviser son application.
La rigueur de ce qui se prépare ne doit cependant pas masquer qu’un soutien financier devra in fine être apporté au gouvernement grec, qui sera alors justifié par les efforts qu’il aura lui-même engagé. C’est en ce sens qu’un compromis est là aussi inévitable, une fois que la position du curseur délimitant l’ampleur des efforts que les Grecs vont devoir accomplir sera tranché par leur mentor européen.
Dans les deux cas qui nous occupent, l’effort financier principal reposera néanmoins, même si une certaine souplesse y est mise et des délais accordés, sur les épaules des contribuables et des citoyens. Ce qui est recherché, c’est la tension maximum qui va pouvoir être donnée à la corde sans qu’elle ne se rompe. Tout cela fera ensuite jurisprudence, espèrent ceux qui voudraient l’évaluer au mieux, grâce à la force de l’exemple. Rien n’est moins garanti, des marches arrières sont à prévoir, comme la situation islandaise est en train de nous le montrer.
72 réponses à “L’actualité de la crise: premières pentes d’une rude montée, par François Leclerc”
Je viens de tomber (nez à nez) sur un article qui vient d’être mis en ligne à 20h00 sur le site du Monde et signé par Edgar Morin :
« Eloge de la métamorphose ».
Question posée : désintégration ou métamorphose ?
Réponse : le probable est la désintégration, le possible mais improbable est la métamorphose, ouf, on a une chance.
Tout est à repenser, tout est à recommencer.
C’est déjà en cours sans qu’on le sache.
Il faut développer une conscience de « terre-patrie ».
5 raisons d’espérer : Le surgissement de l’improbable, les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l’humanité, Les vertus de la crise + les vertus du péril, l’aspiration multimillénaire de l’humanité à l’harmonie
Enfin l’harmonie toujours recherchée, vive Mozart.
Aujourd’hui, la cause est sans équivoque, sublime : il s’agit de sauver l’humanité.
Je le rejoins et renchéri : la seule guerre qui mérite d’être menée est celle pour la survie de l’humanité, la planète elle s’en sortira, elle en a vu d’autres et saura se regénérer, ce n’est qu’une question de temps.
Ce billet tombe à pic pour me redonner de l’espoir qui fait vivre car cet AM j’avais lu un résumé du bouquin de Bruno Tetrais, maître de recherche à la FRS « le marché noir de la bombe » (tribulations sur le nucléaire iranien) ainsi que quelques articles sur l’Afghanistan.
Espoir, espoir, espoir et au boulôt, tous ensemble, collectivement.
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/09/eloge-de-la-metamorphose-par-edgar-morin_1289625_3232.html
Morin écrit : « feedback négatif » alors qu’il veut dire « feedback positif ».
Excellent point de vue d’Edgar Morin
Mais à l’attention de Paul Jorion… je pense que le contexte montre bien que le processus est un « feed-back » dont les effets sont de plus en plus négatifs.
Voir le livre de Paul (« La crise du capitalisme américain »), dans lequel il explique la différence entre « rétroaction négative » et « rétroaction positive ».
C’est de la sodomisation de diptères… pas besoin de lire le livre de Paul jorion, suffit de lire wikipedia !. Bon, la rétroaction (feedback « positif ») a un effet négatif … c’est ce qu’explique Morin.
Il y a quand même quelque chose qui m’étonne dans les récits que l’on fait de la crise, la faillite de l’Islande et de la Grèce… Il est bien entendu que la situation est grave, que la dette va permettre aux restrictions budgétaires de s’appliquer ce qui amènera la nécessité d’augmenter les impôts des citoyens et des contribuables. Je sais bien que la plupart savent de quoi il retourne, sans le dire, mais à force de ne pas dire les choses clairement ne risque-t-on pas une sorte de naturalisation d’un état de fait?
Et donc cette question: quels contribuables et quels citoyens seront amenés à payer le plus, et dans quelle mesure inégalitaire? N’y a-t-il pas lieu de revendiquer une évaluation du patrimoine global des plus riches, ceux à qui l’économie a le plus réussi, ceux qui se sont gobergés de profit au son des licenciements boursiers pour ensuite leur appliquer un impôt de sauvetage à la hauteur des nécessités?
Ceci n’a pas grand chose à voir avec le sujet du billet de François Leclerc, mais je viens de tomber dessus (via le Huffington Post) ce matin:
http://www.nytimes.com/2010/01/10/opinion/10rich.html
Frank Rich, l’une des plumes les plus connues du New York Times, abonde tellement dans le sens des constatations de Paul Jorion et de François qu’il me semble valoir la peine d’être lu en ces temps de disette intellectuelle outre-Atlantique…
Cf., entre autres choses, le paragraphe suivant (en anglais, évidemment):
« The White House’s chief economic hand, Lawrence Summers, has repeatedly announced that “everybody agrees that the recession is over” – which is technically true from an economist’s perspective and certainly true on Wall Street, where bailed-out banks are reporting record profits and bonuses. The contrary voices of Americans who have lost pay, jobs, homes and savings are either patronized or drowned out entirely by a political system where the banking lobby rules in both parties and the revolving door between finance and government never stops spinning. »
Bonne année à tous avec mes voeux d’une meilleure régulation et controles pour 2010.
Réunis au sein du Comité de Bale,nos « régulateurs » ont un objectif:nettoyer les fonds dits propres de nos banques.La BRI a donné trois mois aux banques pour s’exécuter.Les fonds propres qui étaient le 30/06/2009(« Tiers One ») de 8% des actifs à risque vont chuter autour des 4% légaux.Par quel artifice comptable nos banques vont lessiver et blanchir leurs actifs à risque?
Pour être complet et systématique, pour trouver des solutions et reprendre ce que j’ai dit dans des commentaires précédents, pourquoi ne pas: 1) Interdire les paris sur les prix (Paul jorion) et nationaliser l’ensemble du système banquaire international (frederic lordon)
2)Etablir des impôts (avec plein de variété et d’invention) sur les plus riches (Jacobin)
Les idées qui se présentent sous la forme la plus concise ne sont pas nécessairement applicables (outre la volonté politique).
@toute neuve
Oui oui je sais mais ne nous laissons pas abattre. De toute façon il faudra bien finir pas vouloir en finir avec l’inégalitarisme indécent de ce système. Je pense qu’il ne faut pas laisser certaines injustices se naturaliser, notamment l’injustice qui passe par l’inégalité devant l’impôt qui fait partie intégrante du système de la non-accumulation du capital (Paul jorion) entre les mains de quelques uns. Enfin j’évolue avec les catégories conceptuelles auxquelles j’ai accès. Je ne suis pas économiste.
Si les banques ou les établissements financiers, tous ensemble, décidaient de comptabiliser les fonds qu’elles détiennent à leur valeur réelle, c’est à dire proche du zéro absolu, ce serait la reconnaissance de la faillite totale.
Il y a bien longtemps que les banques ne prêtent pas leurs fonds propres.
Quand aux fonds qu’elles détiennent, si ce sont ceux de leurs clients, ce ne sont pas les leurs. Donc, Louise, vous voulez dire que les fonds de leurs clients (nous toutes et tous) ne valent rien ?
A Toute Neuve
Mais qu’ont fait les banques de nos fonds?
Vous croyez qu’elles les ont rangés dans un coin, en attendant que nous les leur demandions?
Si cela était tout le monde pourrait ensemble et comme un seul homme demander la restitution immédiate et totale de ces fonds.
Sans que cela ne cause aucun problème.
Essayons, pour voir….