A propos de la critique de « L’argent, mode d’emploi » par Jean-Marie Harribey dans Alternatives Economiques : « De quoi l’argent est-il le nom ? », nous avons eu la correspondance suivante, que nous avons tous deux accepté de rendre publique à l’invitation d’Alain Caillé.
Correspondance Harribey – Jorion (10 décembre 2009)
Harribey : L’intérêt est toujours un prélèvement sur le fruit du travail productif, plus précisément une portion du surplus engendré par celui-ci. Vous réhabilitez d’une certaine manière l’économie politique et Marx. Est-ce le cas ?
Jorion : Oui. Dans la note aux pages 95 et 96 de « L’argent, mode d’emploi », je situe ma démarche par rapport à Quesnay et Marx.
H : Vous critiquez Keynes pour qui l’intérêt est le prix de l’arbitrage entre placement et thésaurisation et non pas entre placement et consommation. Pourquoi lui reprocher de voir dans l’intérêt « une prime de risque (…), dimension qui domine dans le crédit à la consommation » (p. 105), ou lui faire grief d’ignorer la répartition du revenu global ?
J : Je ne pense pas nier la dimension prime de risque. Je décompose quelque part le coupon en 1) coût du financement, 2) frais de gestion, 3) prime de risque et 4) marge bancaire. Ce que je reproche à Keynes, c’est d’ignorer, comme la plupart des économistes depuis le XIXe siècle, le fait que les intérêts sont l’une des composantes résultant de la redistribution du surplus.
H : Pourquoi la fonction de réserve de valeur de la monnaie « ne lui est-elle pas constitutive » mais « n’apparaît que parce que l’argent stagne là où il existe en trop grande quantité pour être utilisé » (p. 285). L’incertitude radicale soulignée par Keynes n’existe donc pas ?
J : Effectivement, la qualité de l’argent d’être marchandise spécialisée dans l’échange est à mon sens sa propriété essentielle ; celle d’être une réserve de valeur est à mes yeux une de ses qualités accidentelles. Ce n’est pas l’incertitude, à mon sens, qui est rétribuée mais le risque effectif. Keynes me semble influencé ici par la qualité très « bayésienne », très « subjectiviste », de ses travaux sur la théorie des probabilités.
H : Le billet de 100 € que j’ai en poche n’a pas le même statut que les 100 € déposés sur un compte dans une banque ordinaire. L’un est de la vraie monnaie selon vous, la somme inscrite à mon crédit ne l’est pas car elle n’est qu’une reconnaissance de dette de la banque envers moi, dont je ne peux me prévaloir que si celle-ci n’a pas utilisé ailleurs mon dépôt. Mais le billet banque centrale est lui aussi une reconnaissance de dette de la banque centrale, et il n’est pas vrai que la banque ordinaire peut me priver de l’utilisation de mon dépôt pour le prêter à une autre. Le billet et le dépôt ne sont ni plus ni moins l’un que l’autre exempts de conditions : la principale étant d’ailleurs, pour fonctionner comme monnaie inaltérée, d’avoir en face d’eux des marchandises à acheter, immédiatement ou plus tard.
J : « Le billet banque centrale est lui aussi une reconnaissance de dette de la banque centrale ». Je ne lis là qu’une métaphore – qui émerge historiquement comme on le sait, au milieu du XIXe siècle – et qui était plausible à l’époque du métallisme : on peut se faire échanger son billet pour une certaine quantité d’or en banque centrale, mais à mon sens – et comme je l’explique dans « L’argent, mode d’emploi » – le métallisme repose sur un malentendu quant à la nature de l’argent, que sa doublure par un métal précieux constituant son gage est nécessaire. En fait l’argent ne peut pas fonctionner sans la garantie d’un État (qui poursuit les faux-monnayeurs, etc.) et du coup la doublure-gage n’est en réalité jamais nécessaire. On a attiré mon attention récemment sur le fait que je reproduis là un raisonnement qui se trouve déjà chez Locke.
H : Ce ne sont pas les crédits qui font les dépôts mais l’inverse pour vous. Plus encore, les banques prêtent à d’autres les dépôts effectués par leurs clients. « Dans leur pratique quotidienne, les banques commerciales prêtent à certains de leurs clients l’argent que d’autres déposent sur leurs comptes courants. Les sommes figurant sur ces comptes n’en restent pas moins disponibles aux déposants. Cette double utilisation est possible du fait que les banques s’organisent à partir de la constatation faite par elles que les sommes déposées sur un compte courant y restent en général un certain temps, dont elles peuvent tenir compte, et que tous les déposants ne réclameront pas simultanément l’ensemble des sommes qu’ils ont déposées. » (p. 131) Tandis que, plus loin, vous affirmez que ces sommes « ne peuvent pas être mobilisées simultanément » (p. 143).
J : Oui : il y a « double utilisation » : comme reconnaissance de dette pour l’un et comme argent pour l’autre. Ce qui permet la double utilisation, c’est le fait qu’il n’y ait pas double utilisation comme « argent ». Une double utilisation comme argent, c’est ce que j’appelle « double mobilisation », celle-là n’est pas possible : « ne peuvent pas être mobilisées simultanément ».
H : L’économie capitaliste est une économie mue par la logique de l’accumulation du capital. Or l’accumulation n’est possible que si le système bancaire anticipe par le crédit l’accroissement de la production qui résultera de l’investissement.
J : Il n’y a pas pour moi de « logique de l’accumulation du capital » : celui qui a de l’argent en trop le prête, il ne réclame pas d’intérêts en compensation de la privation qu’il subit : il n’est privé en aucune manière puisqu’il n’a pas d’usage alternatif (rentable – par opposition à la thésaurisation) pour cet argent que de le prêter. Il le prête parce qu’il sait qu’il sera utilisé comme « avances » et que cet usage lui donnera accès à une part du surplus qui sera créé grâce à ces avances.
Pour moi, il n’y a pas d’anticipation : il n’y aurait anticipation que s’il y avait création monétaire ex-nihilo par les banques commerciales. Ou, si l’on veut, l’anticipation est banale : anticipation du remboursement du principal et anticipation du paiement des intérêts. D’une certaine manière, c’est là la beauté de la chose : que le système fonctionne parfaitement sans qu’il y ait la moindre anticipation quant à l’accroissement de la production.
H : Pourquoi ne différenciez-vous pas, d’un côté, le prêt consenti par l’individu A à l’individu B d’une somme dont A ne disposera pas durant toute la durée du prêt, et, de l’autre, le prêt consenti par une banque à B, qui ne privera A de quoi que ce soit ?
J : Je ne suis pas sûr de comprendre la question : pendant la durée du prêt il y a deux parties : l’une dispose de l’argent et l’autre de la reconnaissance de dette qui entérine « l’absence » de l’argent ou si vous préférez, sa « privation ». Que l’une de ces deux parties soit une banque ne change rien. Bien sûr une banque, étant une personne morale, ne ressent pas de privation, mais je ne pense pas que ce soit ce que vous voulez dire. Bien sûr si la banque créait l’argent qu’elle prête, il n’y aurait pas pour elle de « privation » mais vous savez que je rejette cette hypothèse.
H : Vous pouvez objecter que la création monétaire est le fait de la seule banque centrale. Mais lorsque les banques ordinaires se refinancent auprès de la banque centrale, le mécanisme est le même que celui qui s’opère à l’échelon inférieur : la banque centrale ouvre une ligne de crédit aux banques ordinaires ou bien prend en pension des titres.
J : « La banque centrale ouvre une ligne de crédit aux banques ordinaires ou bien prend en pension des titres ». Oui, tout à fait mais ce mécanisme n’est pas le même qu’à l’échelon supérieur : la prise en pension est un échange à titre provisoire (si la banque veut récupérer ses titres, il faut qu’elle rende les fonds empruntés), quant à la ligne de crédit, elle met des fonds à disposition en échange d’une reconnaissance de dette du même montant. Ce que j’appelle le « principe de conservation des quantités » est parfaitement respecté : il n’y pas eu création monétaire à proprement parler – à l’inverse de ce qui se passe lorsque la banque centrale crée de la monnaie (avec impact sur M0).
H : Votre thèse n’entre-t-elle pas en résonance avec celle de l’épargne préalable nécessaire à l’investissement, donc néo-classique ?
J : Pas nécessairement « épargne préalable » mais en tout cas hétérogénéité dans la distribution de l’argent, avec du coup certains agents économiques ayant de l’argent « en trop » et d’autres « en trop peu », nécessitant pour la production – et dans certains cas pour la consommation – leur mise en relation.
H : Vous sous-entendez que la monnaie a été inventée parce que le troc « présente des limitations » (p. 73), a contrario de l’anthropologie et des travaux contemporains sur la monnaie. Cela m’a surpris.
J : Comme je l’indique, la thèse anthropologique à laquelle je souscris est celle de l’argent inventé par un État pour permettre la collecte d’un impôt. Mais vous pensez peut-être à d’autres conjectures posées par des anthropologues. Ceci dit, dans « L’argent, mode d’emploi », je ne me situe pas dans une perspective anthropologique, je pose – comme un politologue plutôt – un « état de nature » et un « état de culture », qui sont tous deux des fictions à la Hobbes ou à la Rousseau mais qui permettent des expérimentations mentales, comme le fait le physicien, sur un « avant » et un « après », dans un souci didactique essentiellement.
H : Vous discréditez le verbe « considérer » alors que vous aviez affiché auparavant votre conviction que la monnaie était acceptée pour la confiance qui lui est accordée : « parce que tout le monde le fait » dites-vous p. 70. Qu’est-ce donc que cette confiance sinon de la considération ?
J : « Parce que tout le monde le fait », c’est si vous voulez une praxéologie, c’est un mimétisme qui ne suppose même pas nécessairement de représentations. Cela ne nécessite pas une opération mentale du type : « Est-ce un bon calcul ? » Je sais que l’homo oeconomicus est censé se poser ce genre de questions en permanence, mais pour ce que j’ai pu en observer, seuls les hommes d’affaires procèdent ainsi. Dans un précédent livre : « « La crise. Des subprimes au séisme financier planétaire » (Fayard 2008), je tente d’opérationnaliser la notion de « confiance » (p. 175 -182) en la remplaçant par un algorithme. Cela fait partie de mes efforts en vue d’éliminer l’« individualisme méthodologique », qui me paraît le principal obstacle pour que l’économie puisse devenir une science objective comme les autres.
Quant à « considérer », il me semble que j’en parle uniquement dans mon commentaire d’une phrase extraite d’un article d’Allais, pour dire que ce que deux agents « considèrent » comme étant le cas est sans impact sur la mécanique effective des flux économiques, en en particulier sur la conservation des quantités.
Correspondance Harribey – Jorion (11 décembre 2009)
Harribey : Merci pour vos réponses. De manière générale, je suis content de ce dialogue, mais, si vos réponses sont cohérentes entre elles, elles me laissent dubitatif car vous affirmez (les banques ne créent pas de monnaie) mais les analogies et contes ne peuvent tenir lieu de démonstration.
De plus, je suis très surpris de deux choses : la conception de la monnaie aux antipodes des conceptions « sociales » de la monnaie qui ont considérablement renouvelé l’approche traditionnelle, et puis le refus de voir dans le capitalisme une logique d’accumulation. Sur ce dernier point, on peut démontrer pour le coup que la croissance n’est pas possible sans création monétaire, comme l’ont montré tous les « circuitistes », qu’il soient marxiens, keynésiens, kaleckiens ou post-keynésiens.
Jorion : Oui vous avez raison : le dernier, historiquement, par rapport à qui je n’ai aucun mal à me situer est Ricardo. Tout ce qui vient ensuite, à mon sens, est contaminé d’individualisme méthodologique. Je viens de la sociologie et de l’anthropologie et tout « psychologisme » m’est méthodologiquement inacceptable. J’ajouterai qu’ayant été formé à la psychanalyse, si je devais adopter un psychologisme sur des questions économiques (je le fais brièvement dans « L’argent, mode d’emploi »), ce serait celui-là, et non la psychologie anglo-saxonne du milieu du XIXe siècle qui imprègne toute le science économique depuis lors. C’est pour cela que quand je vois une critique de mon livre en forme de parallèle entre Locke et ce que je fais, je me dis : « Formidable ! Tu n’as pas entièrement échoué ».
Quant aux « analogies et contes », vous le savez, j’ai travaillé dix-huit ans dans la banque et dix ans en particulier dans l’industrie du crédit comme spécialiste du pricing et de la validation des modèles, je pourrais écrire un traité sur les prêts hypothécaires et leur titrisation où je ne recourrais pas à l’analogie ou à la métaphore, mais je m’adresserais à un nombre de personnes très restreint. Pour le public à qui je veux m’adresser avec « L’argent, mode d’emploi », ces choses-là, c’est vrai, sont beaucoup trop complexes. Aussi, quand je démonte le mécanisme de la titrisation, les chiffres sont là dans les tableaux pour celui qui veut suivre le raisonnement pas à pas, mais je distrais l’attention du lecteur qui sauterait les pages parce qu’il y voit des chiffres, en évoquant les flonflons du Grand-Duché de Gérolstein. Quand Nagel et Newman expliquent la démonstration du deuxième théorème de Gödel en livre de poche, ils recourent eux aussi à l’analogie à certains endroits. Il est impossible de faire autrement.
112 réponses à “À propos de « De quoi l’argent est-il le nom ? »”
Substance et apparence de l’argent, ou du débat Harribey-Jorion.
J’avais tenté, avant la parution de ce billet, de décoder l’argumentation principale de Harribey contre la position de Paul Jorion sur l’argent-monnaie (cf http://www.pauljorion.com/blog/?p=6480#comment-48043)
Le billet débat ci-dessus précise certains autres points, tout en faisant décerner par l’économiste d’Attac un satisfecit de « marxien » à notre ami Paul – ce qui n’est sûrement pas le plus important, bien sûr.
Je voudrai seulement revenir sur un point, celui des dépôts.
Lorsqu’ils se font en billets, on peut imaginer, effectivement, que si ces billets sont reprêtés, un problème de liquidité peut se présenter. Pour que, dans cette optique, il n’y ait jamais de problème de liquidité, jamais de « cash crash », il faudrait que les sommes prêtées « liquides » soient toujours moins nombreuses que les sommes « liquides » déposées, ou, plus précisément, que le solde sommes déposées en liquide moins sommes prêtées en liquide soit toujours (c’est à dire à tout moment) positif. En d’autre termes, que l’épargne « liquide » soit toujours positive.
Je ne suis pas sûr que ce soit le cas (en dehors bien sûr des contextes de panique bancaire), mais j’ai du mal à en cerner toutes les conséquences. Faut-il relier cela au marketing de certaines banques qui se prétendent « sans cash », c’est à dire qu’elles ne travailleraient que dans le « virtuel »?. Affaire à suivre peut-être.
Cordialement,
Bruno Lemaire.
La valeur attribuée à l’argent est le résultat d’une croyance partagée, voire même d’une superstition. Une superstition à laquelle le corps social décide, pour des raisons de commodité, d’accorder une valeur particulière (la fiction que le chiffre figurant sur le signe est une valeur tangible). Cette valeur ne peut être reconnue par la totalité du corps social que si elle est sanctifiée par un pouvoir (en général l’Etat et sa banque centrale) ayant une forte capacité de coercition. La nature de l’argent est d’être le résultat d’une croyance. L’apparence mystérieuse de cette nature provient aussi de ce qu’à cette superstition sociale on a rajouté une « superstructure » interprétative de l’argent, qui se veut rationnelle et donc prévisible, alors que sa nature est bien celle d’un objet surgit de l’imaginaire. La coexistence de ces deux composantes à priori incompatibles donne à l’argent son allure énigmatique.
« il n’y aurait anticipation que s’il y avait création monétaire ex-nihilo par les banques commerciales ». Oui. Suite à un prêt fait par une banque à un entrepreneur, il n’y a pas de création monétaire à partir de rien par les banques commerciales, seule la banque centrale a ce pouvoir. Mais la banque commerciale a le pouvoir d’obliger la banque centrale à créer de la monnaie BC : tout agent économique a le droit d’utiliser sa monnaie fiduciaire sous forme de billets banque centrale (obligeant la banque commerciale à emprunter cette monnaie à la BC par les mécanismes que vous évoquez), ce qui revient sans doute au même qu’une création ex nihilo par les banques commerciales (mesure correctrice : en France, au-delà de certains seuls, le paiement par espèces est interdit).
La valeur sociale de l’argent.
Que l’argent ait une fonction, un rôle, ou une valeur sociale est évident. Qu’il corresponde, de fait, de droit, ou de fait et de droit à une reconnaissance l’est aussi.
La question que l’on peut se poser, en dehors des trois fonctions classiques – et peu remises en cause – de la monnaie, à savoir:
moyen de paiement,
unité de compte,
réserve de valeur,
est de savoir comment cet argent-monnaie « social » peut réellement être le mieux mis au service de la communauté.
Même en supposant que le véritable argent ne provient que de la véritable épargne, le problème n’est pas résolu pour autant. Certes, on peut tâcher d’éviter le « cash crash », voire le « credit crunch » (peut être plus grave encore).
Mais comment diminuer le poids grandissant du secteur banco-financier, diminuer voire supprimer les « revenus non gagnés », et remettre la production au service des besoins de l’humanité, en minimisant les externalités négatives?
Là encore, vaste programme.
Cordialement,
Bruno Lemaire.
@Bruno Lemaire
Boukovski a raison concernant la superstition, et la seule question valable est de se demander d’où provient sa valeur. Vous ne commencez pas à parlez de Dieu ou de n’importe quoi sans vous demander de quoi il est fait. Le rôle social de quoi ? le mot ne défini pas la chose, de quoi vient sa valeur ?
Il ne pourra jamais faire autre chose que de manquer ! donc le mettre au service de ceux qui n’en ont pas, oui bonne idée.
@Boukovki
Belle prose, mais la nature de l’argent n’est pas entièrement imaginaire, sinon on ne pourrait pas le réguler. On ne régule pas les songes, « the things dreams are made of » (Faucon Maltais). L’argent n’est pas mystérieux en fait, sauf pour le naifs, et les romanciers.
Il est clair parce que je le décide, pour des raison éthiques de pouvoir d’action personnel, et collectif;
Il est clair dans les logiques d’offres et demande;
Par contre l’on peut se demander si ce qui est trop clair n’éblouit pas, et n’effraye pas. Vous/Nous êtes tous effrayés par la clarté, et préférez voir des demi-songes vaporeux indécis et évanescents, indiscernables. Un objet mystérieux est séduisant, une clarté est effrayante; L’imaginaire vous plait, le réel vous effraie, le symbolique vous tient en respect.
Je veux de la lumière, de la clarté, du soleil. De l’évidence. Rousseau ne voulait pas réfléchir sa morale, il voulait une immédiateté de l’action morale, il en est de même ici. L’argent est ce que je dis, la réalité sera ce que nous en faisons ! il y en a assez de subir réel, mystères et autres fariboles. Pour paraphraser Hegel, ce qui est rationnel est réel, et Was wirklich ist das ist vernunftig, ce qui est réellement est rationnel. Et ce que nous faisons sera réel.
Non monsieur, la coercition exercée par l’argent ne résulte pas d’une croyance partagée, mais d’un savoir partagé, d’une connaissance partagée. Ce n’est pas la même chose.
JP Voyer
@ Lisztfr
Peut-être que sa valeur vient de ce que l’argent fait un lien entre tous. C’est la société dans son ensemble qui donne vie à cette chimère utile, non les financiers et les banquiers.
Pour faire écho à votre discution avec Lisztfr :
Pour moi il est clair qu’aujourd’hui l’argent n’a pas de valeur intrinsèque, il n’a que la valeur subjective autour de laquelle tout le monde s’accorde, il suffit de regarder les variations entre les différentes devises mondiales pour s’en convaincre.
«H : Pourquoi ne différenciez-vous pas, d’un côté, le prêt consenti par l’individu A à l’individu B d’une somme dont A ne disposera pas durant toute la durée du prêt, et, de l’autre, le prêt consenti par une banque à B, qui ne privera A de quoi que ce soit ?»
Je trouve cette question très intéressante.
Je ne suis pas certaine de la comprendre moi non plus, mais je trouve terriblement intéressant le fait que Jean-Marie Harribey distingue ce que Paul Jorion ne différencie pas. J’ai même tendance à croire que ce qui se cache derrière cette drôle de question est au centre de l’incompréhension entre Jorion et, pour faire court, les autres.
Sinon : dialogue rapide, intelligent, vif, respectueux, dense mais vivant… Qu’une chose à ajouter : merci.
Harribey ne comprend pas que A est réellement privé de son argent. S’il dépose 1 million sur son compte épargne, il ne pourra le retirer immédiatement. Le délai est de minimum 48h au-delà d’une certaine somme (assez minime) pour que la banque rende l’argent. Ce délai permet à la banque de récolter les fonds et ainsi avoir du temps pour parer à un éventuel bank run (si tous les clients viennent retirer leur argent en même temps, la banque va juste augmenter le délai autant que possible).
Ce qui donne l’illusion à A qu’il n’est pas privé de son argent, c’est le fait que les banques s’échangent entre elles des reconnaissances de dettes (les sommes comptabilisées sur les comptes des clients). A achète des marchandises avec sa carte bleue et croit ainsi disposer de son argent. Il n’en est rien car il ne paye pas avec son argent mais avec une reconnaissance de dette de sa banque.
Les victimes de faillites bancaires sont là pour témoigner que A est privé de son argent durant la durée du dépôt et peut ne jamais le récupérer. A quoi servirait la garantie de l’Etat sur les dépôts (à hauteur de 100 mille euros seulement), si A n’était pas privé de son argent? Cette garantie signifie « si A ne peut récupérer son argent, l’Etat lui rendra à hauteur de 100 mille euros de ses fonds prêtés à la banque en dépôt et perdus ».
Excellente petite réponse Moi !
A cet effet, j’ai encore en mémoire la tête de mon banquier quand j’ai retiré en liquide une somme conséquente de mon compte courant. Pour le délai ça se comprend, avec les casses et la lois qui nous empêche de payer en liquide, le besoin de liquidité est quasi inexistant, donc pas de nécessité d’en avoir sur place. Un DAB donnant en moyenne 40 euros de billets de banque y suffit amplement. Ce qui ne cessent de me surprendre en revanche, c’est que tous les billets retirés comme ceux d’un DAB sont impeccables, neufs !
Sa tête aussi lorsque vous achetez cash un appartement en lui demandant un chèque de banque qui va finir dans la poche d’une autre banque, celle de la vendeuse. Ben oui c’est que les retraits importants et les payements cash faut les refinancer ! Je n’ai jamais compris l’intérêt de payer à crédit quand on pouvait payer cash, sauf mon banquier qui comprenant bien le sien vous y incite en vous faisant passer pour une vraie buse de ne pas le faire.
@Martine Mounier
Je vous conseille de relire la partie « Prêt et ligne de crédit » p 159-166. En particulier la différence entre établissements qui se livrent à l’intermédiation monétaire ou non.
@PJ
Il me semble qu’une erreur s’est glissée p 163:
« Dans ce cas, la banque peut se contenter de débiter un compte en actif et d’en créditer un autre au sein de sa propre comptabilité, tout en maintenant le montant du prêt initial en passif. »
Il me semble que PJ a interverti actif (créance de la banque sur l’emprunteur) et passif (dépôts à vue = dette de la banque envers les déposants).
Je dirais aussi « à l’actif » et « au passif » plutôt que « en actif/passif ».
Pour les prêts, la banque s’est substituée au déposant: il y a novation. Le déposant perd son droit de prêter en échange d’un droit de disposition et d’un droit de protection (si l’emprunteur fait défaut, c’est la banque qui raque et non le déposant). M. Harribey ignore ce qu’est la novation.
JP Voyer
Ce qui m’intéresse dans l’échange présent c’est de voir pourquoi quelqu’un ne comprends pas. Ainsi lorsque Paul Jorion pointe du doigts la psychologie anglo-saxonne du milieu du XIXe siècle pour rappeler qu’elle a imprégné toute la science économique depuis lors, je trouve que nous faisons un grand pas dans l’analyse de certaines résistances.
H : Vous discréditez le verbe « considérer » alors que vous aviez affiché auparavant votre conviction que la monnaie était acceptée pour la confiance qui lui est accordée : « parce que tout le monde le fait » dites-vous p. 70. Qu’est-ce donc que cette confiance sinon de la considération ?
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Et qu’est-ce que cette confiance au sens transcendantal, des conditions de son existence ?
Il n’existe pas d’autres lois dans notre économie que celles-ci (O&D), à chaque fois que vous ne retombez pas sur l’offre et la demande, c’est cuit. De même si en éthologie, rien ne vous parait procurer un avantage dans la compétition inter ou intra spécifique, c’est cuit.
Par conséquent, la « considération » est-elle en rapporte avec l’offre et la demande … ?
La monnaie est très facile à comprendre, elle doit manquer, la réside sa valeur, et la confiance qu’on y met. La confiance, c’est être sûr qu’elle continuera de manquer. Cette condition est suffisante…
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H : L’économie capitaliste est une économie mue par la logique de l’accumulation du capital. Or l’accumulation n’est possible que si le système bancaire anticipe par le crédit l’accroissement de la production qui résultera de l’investissement.
Pourquoi ? Les banques anticipent tout, sauf leur faillite. Etrange capacité d’anticipation.
Tout ceci est secondaire. L’OCDE ne s’intéresse qu’à l’inflation, au NAIRU, ou à son acolyte concernant les salaires, NAWRU. Les banques centrales anticipent le crédit en fonction de l’inflation qui en résultera, c’est pourquoi croissance et création monétaire, ou taux de crédit sont liés, comme le montre Stiglitz dans « la grande désillusion ». Les grands organismes de gestion tel l’OCDE ne s’occupent que du taux de l’inflation, ni de l’investissement, ni de la production, de la croissance, uniquement pour en mesurer les conséquence quand à l’inflation.
Bonsoir,
Bon y a pas mal de temps que je lis le blog de Paul Jorion, De quoi l’argent est-il le nom ? Je n’en sais toujours rien. Je fais forçer mes petites neurones comme des diables, et je ne sais toujours pas. Plus je lis, moins je sais. Faut m’aider les gars, y a des pointures ici, faut aider les gros débiles dans mon genre.
Effort, hannnnn ! hannnnnn ! psuiiiiiiit. On reprend, fonction mémoire :
Je me souviens, tout petit, on m’avait offert une tirelire. Un cochon tout rose. Je me souviens de pièces aussi argentées et jaunes, souvent des jaunes d’ailleurs dont on me dit qu’elles peuvent me permettre d’acheter des bonbons chez le boulanger. J’avais remarqué que ma mère donnait souvent des pièces et du papier imprimé aux gens qui avaient des maisons pleins de marchandises en échange de ce qu’elle prenait. J’ai fais le lien et j’étais très content d’avoir une tirelire, surtout d’avoir des pièces à mettre dedans. J’adorais les petites pièces parce qu’on m’en donnait plus. Bête que j’étais. Sans trop savoir pourquoi on m’avait dit qu’il fallait en mettre plein dedans, ne pas les dépenser tout de suite et qu’ainsi j’aurais un plus gros bonbon à la fin.
En grandissant, j’ai pris goût aux billets ayant enfin compris que ce n’est pas tant la quantité mais la valeur faciale qui importait.
Depuis j’ai continué ainsi. Je n’ai plus de tirelire mais un compte en banque. On ne me le donne plus pour m’éduquer, je le « gagne » en me levant chaque matin pour aller faire des tas de trucs qui je dois le dire me font souvent mal à l’estomac et à la tête et ce faisant me font beaucoup dormir pour récupérer.
Cependant j’en suis toujours là les gars, à regarder une petit cochon se remplir et se vider afin de soit disant avoir un gros bonbon. Suis je le seul à voir que l’argent c’est simplement ce qu’on m’a appris faire ? Alors dette pas dette vrai pas vrai, y a personne qui a une solution pour éviter les maux d’estomacs et les maux de têtes ? 😉
Ceci me rappelle une histoire qui se passa au fin fond de la Pologne, lorsqu’une petite fille voulu s’acheter quelques bonbons, au kiosque du coin (les kiosque vendent tout, revues, tickets, tabac, etc)… mais elle n’avait pas d’argent, sa mère étant partie, elle prit un billet de monopoly et essaya de le colorier avec un feutre vert, puis s’en vint au kiosque… la femme la regarda en souriant, puis demanda si elle n’avait pas de l’argent normal 😉
Cette petite fille a étudié l’économie plus tard…
J’adore les économiste qui ont suent tout perdre, vos restez mon préféré Mrs Jorion.
L’argent c’est le nom de quoi, alors là ça commence à chauffer !!!
Il me sembe, en effet, indispensable et EVIDENT de constater que le billet est bien une dotation de la part de la banque centrale. Ce n’est en aucune façon une dette, justement. C’est une grandeur positive impossible à négativer.
La BC en émet en fonction des besoins de l’économie, repérés à travers la demande que font les agents à leurs banques de se procurer de la monnaie liquide.
Les banques ont une préférence pour l’usage des DAB, car cela est plus pratique pour elles et leur coûte moins cher.
Pour autant que l’usage des comptes courants s’étend, la circulation des billets et pièces a tendance à diminuer, sans jamais disparaître totalement, bien sûr.
Il n’empêche, ce qui prouve bien suffisamment que les banques ne peuvent ni veulent ni doivent « créer de la monnaie via le crédit », c’est le fait que ce qui fait demande sur le marché ce sont les seuls revenus, cest-à-dire les sommes qui « reviennent » à l’agent périodiquement.
Si les signes monétaires pouvaient faire demande simultanément pour le même objet, nous aurions de forts mouvements d’inflation, c’est-à-dire des hausses de prix jusqu’à ce que l’ajustement des prix rétablisse le fait que le signe monétaire fait demande d’une transaction à la fois et, de ce fait, seulement successivement d’une chose puis d’une autre.
Ce qui peut aussi se dire que la monnaie passe de main en main.
Pour les banques, c’est comme pour le particulier, le rôle des banques est celui de mettre en relation ceux qui prêtent (les épargnants) et ceux qui empruntent.
Prêter les dépôts sur les DAV est possible justement parce que les banques savent,statistiquement, qu’une bonne partie des DAV, toujours créditrice pour son titulaire, fonctionne bien comme une épargne peu ou pas rémunérée, est donc sousutilisée par son titulaire. Et la banque, cherchant à rentabiliser ses dépôts, prête ces sommes à d’autres.
Pour ce qui est de la thésaurisation, elle est consentie par les BC en créant des billets supplémentaires à qui fait la demande, via les banques. Mais tous les retraits liquides de la banque diminuent d’autant les sommes disponibles en banque pour des prêts.
Il s’agit, là, bien d’un pouvoir d’achat gelé qui pourrait dégeler (fondre?) d’un coup, moyennant quoi, oui, nous aurions des phénomènes d’inflation forte potentiellement.Car, justement, les sommes thésaurisées ne sont pas de l’épargne en banque, déjà en usage par l’emprunteur, mais de la monnaie supplémentaire, temporairement hors usage et créé, sans doute, en rapport avec le fait que certaines créances ne sont pas recouvrables autrement que par une « monétisation » consentie par la BC – sans réelle contrepartie!
Quand des titres sans valeur marchande (sans prix) ou des actifs toxiques sont pris en pension par la BC qu’est-ce d’autre que l’émission de monnaie centrale supplémentaire sans réelle contrepartie?
Heureusement, pourrait-on dire, que cette monnaie liquide supplémentaire n’apparâît pas comme acheteuse en sus de la demande liée aux revenus; sinon, l’inflation serait assez violente.
Sur la monnaie fondante et son éventuelle utilisation.
Imaginons la petite histoire suivante:
La monnaie fiduciaire actuelle est tout d’un coup remplacée par une monnaie fondante, qui perdrait, disons 1% tous les 4 mois, ou, plus précisément (évitons les calculs d’intérêts composés qui amusent les utilisateurs d’Excel et qui terrorisent nos chères têtes blondes, ou brunes) 1/4 de % par mois.
Ne parlons pas ici de monnaie scripturale, qui, pour l’opinion majoritaire des commentateurs de ce blog, ne mérite pas le nom de monnaie, tout au plus de « reconnaissance de dette » plus ou moins privée, ou plus ou moins garantie, peu importe ici.
Les épargnants acceptent, par esprit civique, ou pour faire plaisir à Johannes, ou parce que c’est obligatoire, ou parce qu’ils ont lu l’ordre économique naturel de Gesell (dont je conseille vivement la lecture) de transformer leurs euros « anciens billets » en euros « fondants », seule monnaie qui a maintenant cours légal.
(juste avant cette mesure, délit d’initié, je vais m’empresser, avant les autres, de convertir mon DAV, rempli de reconnaissances de dettes de la banque en ma faveur, en marchandises, blé, sucre, ordinateur, voitures – on ne sait jamais. En fait, je ne le ferai pas, un soupcçon d’honneteté, d’esprit civique, ou de peur du gendarme m’en empêchant)).
Nous avons donc, par exemple, 10 milliards d’euros « fondants » dans les poches de nos non encore consommateurs (je ne sais s’il faut les appeler épargnants), une offre possible donc de 10 milliards fondants. En face, des sur-consommateurs, qui aimeraient bien disposer de ces 10 milliards fondants pour dépenser davantage.
Ma question est la suivante: pourquoi les épargnants potentiels vont-ils déposer leurs économies fondantes à la banque, ou auprès d’une institution financière non bancaire, en perdant ainsi 1/4 de % de leur épargne par mois?
Quel taux d’intérêt faudrait-il leur servir, et en quelle monnaie, pour qu’ils acceptent de faire cela, et de permettre ainsi aux sur-consommateurs de consommer, et ainsi de permettre de boucler le circuit économique réel : production = consommation, pour éviter toute crise de sur-production, ou de sous-consommation.
Bien cordialement,
Bruno Lemaire
PS. En fait, quelque soient les qualités d’une monnaie fondante, je pense qu’elle ne peut être utilisée que comme monnaie complémentaire, à plus ou moins grande échelle. Mais n’ayant pas la science infuse, je peux être complètement à côté de la plaque, et mon point de vue peut fort bien changer. Je connais les expériences françaises – pas très récentes -de monnaie fondante, et quelques exemples étrangers, mais cela ne suffit sûrement pas pour avoir un jugement définitif et justifiable « scientifiquement ». Par ailleurs, je serai ravi de me tromper sur ce point d’une « »monnaie fondante seulement monnaie complémentaire ».
@ Bruno Lemaire
Comprenez-vous que le plan est d’empêcher l’épargne?
L’épargnant parfois nommé rentier ou fourmi est un ennemi de classe.
Il refuse de consommer des biens matériels inutiles.
C’est un asocial.
Petit rappel (inutile ?) pour Bruno et Tartar : dans l’esprit de Gesell, l’épargne est sauvegardée de la fonte puisque c’est l’intermédiaire de gestion privée, la banque, qui se charge de remettre immédiatement en circuit, moyennant frais de gestion et non d’intérêts, les sommes remises à sa disposition par le déposant épargnant. Sous peine pour la banque de devoir assumer cette fonte.
Ce qui devrait rassurer Tartar qui pense que l’on doit dépenser à tout va (vous n’avez sûrement pas lu Gesell) pour « rincer » cet « excédent » monétaire. A t-il jamais observé que nos écolos politiques s’acharnent à vanter les mérites des produits économes en énergie mais coûteux en réalisation technique ? Le mieux contre le plus ne vous a t-il donc jamais affleuré l’esprit ?
@PJorion
« est contaminé d’individualisme méthodologique… »
je vous trouve très discret sur cette expression qui mériterait un développement.
« …ayant été formé à la psychanalyse, si je devais adopter un psychologisme sur des questions économiques (je le fais brièvement dans « L’argent, mode d’emploi »), ce serait celui-là… »
que ne le faites-vous dés maintenant , car cela devient urgent…..en effet préconiser l’arret de la spéculation sur les prix (ce à quoi je pourrais adhérer) demande tout d’abord de considérer ++++ qu’un prix est déjà une spéculation sur une valeur ++++ , donc fait intervenir tout un tas de mécanismes psychologiques (Boukovsky y fait référence plus haut) en amont…. »préconiser… » ne serait là ainsi qu’une nouvelle mesure en aval…donc sans trop d’effet…
pour ma part , je ne parlerais pas de « psychologisme » , mais de subjectivisme….
dénier que l’essentiel du travail de l’argent est subjectif (pourtant ,il me semble que le père Lacan a été fort prolixe à ce propos …..) est , peut-être ,inconsciemment ne pas avoir trop « envie » de s’y intéresser vraiment…
bon , désolé , je suis comme d’habitude bien maladroit…
cordialement
Effectivement, la qualité de l’argent d’être marchandise spécialisée dans l’échange est à mon sens sa propriété essentielle:
La monnaie sert bien à sceller et conclure un contrat, c’est donc bien un moyen juridique et non une marchandise ou on l’entend au sens large et comme beaucoup voudrait le faire admettre. On ne peut pas traiter la monnaie en dehors du cadre juridique et politique. Une fois admis cette réalité, on peut se poser des questions sur la légitimité de la BCE et des banques privées et leurs fonctionnements.
Argent et reconnaissance de dette, hum!
« Moi » écrit dans sa critique de l’économiste d’Attac:
Ce qui donne l’illusion à A qu’il n’est pas privé de son argent, c’est le fait que les banques s’échangent entre elles des reconnaissances de dettes (les sommes comptabilisées sur les comptes des clients). A achète des marchandises avec sa carte bleue et croit ainsi disposer de son argent. Il n’en est rien car il ne paye pas avec son argent mais avec une reconnaissance de dette de sa banque.
Même si je n’aime pas trop cette expression, mise à toutes les sauces: « tout de passe comme si » la reconnaissance de dettes évoquée tenait lieu et place d’argent, au moins dans sa fonction « moyen de paiement ». Je crois que du point de vue de A, c’est déjà pas mal.
Cordialement,
Bruno Lemaire
Tant que les choses vont bien, pour A il n’y a pas de différence (perception subjective). C’est quand sa banque a des difficultés que A comprend la différence objective. Exemple qui est arrivé l’année dernière à un ami dont la banque était Kaupthing: sa carte bleue et ses virements sont refusés (alors que Kaupthing lui dit qu’ils ont été effectués) parce que les autres banques refusent les reconnaissances de dettes de sa banque, il va alors essayer de retirer du cash à sa banque mais elle est fermée, c’est trop tard, il a tout perdu et il n’a plus qu’à espérer la garantie de l’Etat et une reprise éventuelle de la banque par une autre (qui arriveront 3 mois plus tard, en attendant il a survécu de l’aide de sa famille).
La dette ne tient pas lieu et place d’argent. La dette confère à l’emprunteur un droit de tirage sur la banque. De ce fait l’emprunteur paye avec l’argent de la banque en tirant sur la banque avec un chèque ou un virement. F. Gréa le dit : l’emprunteur dispose de l’argent de la banque comme si c’était le sien. Le principal étant que, de toute façon, il s’agit de véritable argent et non de dette ou de créance.
Je suis tout à fait d’accord avec moi, pardon: avec Moi. C’est d’ailleurs peut-être à cause de ça que la BNP me fait payer les retraits DAB effectués chez les autres banques. En effet, si je retire 100 euros à la SG, celle-ci me les paye cash, ensuite elle va frapper à la porte de la BNP lui tenant ce langage : « vous m’devez 100 euros ! ». Dans ce schéma, il y a facture présentée par la SG à la BNP, et celle-ci la paie parce qu’elle a une reconnaissance de dettes envers moi. Mais cette dernière ne tient pas du tout lieu de « moyen de paiement » : elle motive le paiement mais ne le constitue pas.
@moi
Je serais assez intéressé de connaître le détail de ce que vous appeler « garantie des dépôts » : lois, décrets, organismes de garantie… Je connais le FGD (Fond de Garantie des Dépôts), et à ma connaissance, ce fond n’est pas solvable, mais je peux me tromper.
La garantie des dépôts est valable en « temps de paix » bancaire quand une seule banque fait faillite.
Une seule…ou 2?
C’est 70000 euros (avec un S) par cpte et non 100.
Aussi drôle que le FDIC US…
Je pense que je n’en sais pas plus que vous. Je sais que l’Etat français garantit à hauteur de 100 mille euros et il doit y avoir un fonds de garantie qui n’a évidemment pas assez d’argent pour rembourser tout le monde en cas de faillites en cascade (comme cela a failli arriver en septembre 2008).
@Moi
Puisque vous parlez de Kaupthing, j’en déduis que vous êtes belge. Comme moi 😉
En France: 70 000 €; en Belgique: 100 000 €; aux USA: 250 000 $
Ces fonds de garantie sont insuffisants pour couvrir tous les dépôts, ni même les dépôts d’une grande banque. Mais bon, il faut bien maintenir un semblant confiance dans le système bancaire.
@fujisan: oui, moi belge. 🙂 (d’où ma confusion sur le montant de la garantie)
De la perception, objective ou subjective, de la valeur de la monnaie et de la reconnaissance de dette.
@moi
Je ne sais pas ce qu’est une perception objective, je pensais que toute perception, même basée sur des faits objectifs, était subjective.
Mais n’ayant pas de compétences spéciales en psychologie (en dehors du fait que j’ai du en développer un peu « sur le terrain » vis à vis de mes enfants, de mes collaborateurs, et enfin de mes étudiants – dont aucun ne m’a lynché, m^me si je le méritais peut être) je ne vais donc pas m’étendre sur ce point, d’une différence objective ou subjective d’une perception
Mais quand « moi » écrit: Tant que les choses vont bien, pour A il n’y a pas de différence (perception subjective). C’est quand sa banque a des difficultés que A comprend la différence objective., je m’interroge quelque peu.
Au cours des siècles, il peut arriver que la monnaie – gagée (pas nécessairement « garantie », quel que soit le sens de ce mot) sur la confiance – perde de sa valeur. Ce fut vrai pour l’or, ce fut vrai des assignats, ce fut vrai du Deutschmark, de fut vrai à peu près de toutes les monnaies.
Dans le cas que vous soulevez – et qui est évidemment scandaleux, et très dommageable pour votre ami – nous parlons d’un phénomène différent, bien que partiellement lié, celui d’une crise de liquidité (« cash crash », ou « cash crunch » suivant les auteurs et leur degré de pédantisme).
En d’autres termes, vis à vis d’un circuit bancaire particulier – celui de Kauthing par exemple – ou d’un circuit bancaire général (l’ensemble des banques françaises par exemple, ce qui n’est jamais encore arrivé dans l’époque moderne), à un instant t donné, il y a plus de personnes qui viennent retirer leurs économies « liquides » – les billets de banque – ce peut aussi être des emprunteurs nouveaux, mais on va éliminer ce cas, pour simplifier) que de personnes qui en ont déposé.
Cela ne prouve pas que les reconnaissances de dettes étaient « bidon », ou uniquement « subjectives » – ni le contraire d’ailleurs. Cela prouve simplement que les ratios de liquidité envisagés par la banque Machin, ou par l’ensemble des banques de la zone Truc, étaient insuffisants pour faire face à un retrait massif d’argent (en liquide: les « retraits », par construction, étant nécessairement liquides).
Cela ne prouve pas non plus que la banque a prêté plusieurs fois – sous forme de reconnaissance de dettes – le même euro-billet. Cela prouve simplement que, à un moment donné, la demande en billets est supérieure au stock existant – soit pour une banque donnée, soit pour l’ensemble des banques. Soit la Banque Centrale vient au secours du système, en émettant de la monnaie centrale, soit elle ne vient pas à son secours.
En général, quand il faut « sauver » le système d’une crise de liquidité (qui ne s’est pas produite en France depuis très très longtemps) la Banque Centrale émet des billets supplémentaires.
Dans le cas plus fréquent d’un « crash » plus limité, à une seule banque par exemple, la Banque centrale laisse parfois la banque faire faillite, tout en envoyant des signaux forts au reste du système, en l’assurant par exemple qu’elle garantit les dépôts (liquides ou solides) jusqu’à 70000 euros.
Bruno Lemaire.
« Je ne sais pas ce qu’est une perception objective, je pensais que toute perception, même basée sur des faits objectifs, était subjective. »
Je n’ai pas employé les termes « perception objective ». Je dis que du point de vue de A (perception subjective, un pléonasme certes) il n’y a pas de différences tant que les choses vont bien. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de différence objective. On peut évidemment rentrer dans un débat sur la réalité de l’objectivité, le « tout est relatif », etc., mais je pense que ce n’est pas le propos ici. L’essentiel est que d’un certain point de vue il n’y a pas de différence, d’un autre point de vue et dans d’autres circonstances, il y a bien une différence entre la monnaie que A emploie pour acheter des marchandises avec sa carte bleue et l’argent qu’il croit avoir en banque.
« Cela ne prouve pas que les reconnaissances de dettes étaient « bidon », ou uniquement « subjectives » »
Je n’ai pas dis que les reconnaissances de dettes étaient bidon. Je ne vois même pas ce que ça peut vouloir dire. Une reconnaissance de dette peut être remboursée ou pas, c’est tout.
J’ai dit que ce n’était pas de l’argent, contrairement à la perception de A. Et donc ces reconnaissances de dettes sont refusables si de l’autre côté on pense qu’elles ne seront jamais payées en argent. Et ce fut le cas avec la Kaupthing, un versement qui était intervenu deux jours avant la date de la faillite est resté bloqué entre la Kaupthing et l’autre banque, ceci je suppose parce que l’autre banque avait eu vent des difficultés de Kaupthing (peut-être n’avait-elle pu solder la compensation journalière du jour précédent ou un truc dans le genre).
« Cela ne prouve pas non plus que la banque a prêté plusieurs fois – sous forme de reconnaissance de dettes – le même euro-billet. »
Jamais dis ça non plus. 🙂
Au vu de ce que vous dites, je ne vois d’ailleurs pas de différence de conception avec ce que je dis.
Bonsoir M. Le Professeur Lemaire (c’est affectueux n’y voyait pas du dédain !)
Si je vous comprends bien, qu’est-ce qui empêche fondementalement la banque centrale d’assurer 100% des dépôt en cash bien palpable moyennement un délai d’impression, ce qui rassurerait les clients. Après tout si mon compte en banque est bien du vrai pognon, ce n’est qu’une question matériel et de temps pour remettre au client l’intégralité de son compte en billets de banque. Pourquoi cela n’est pas envisagé sous cet angle afin d’éviter les bank rush et la peur panique en cas de faillite bancaire ? En gros ça serait, nous imprimerons autant de billets que nécessaire pour rendre à césar ce qui est à césar (césar c’est moi en l’occurence…).
@moi
il y a quelques temps de cela vous n’étiez pas vraiment convaincu que les banques ne puissent pas créer la monnaie, j’ai l’impression que ça va mieux aujourd’hui, c’est sans doute après la lecture de l’argent mode d’emploi.
« Sur ce dernier point, on peut démontrer pour le coup que la croissance n’est pas possible sans création monétaire, comme l’ont montré tous les « circuitistes », qu’il soient marxiens, keynésiens, kaleckiens ou post-keynésiens. »
Cette phrase, péremptoire et lapidaire, me laisse perplexe. J’y vois dans cette posture un enfermement mental assez typique. Bien qu’il ne définit pas la notion de « croissance », j’imagine qu’il la perçoit comme l’accumulation toujours plus grande de biens marchands, autrement dit une définition inscrite dans un cadre capitaliste restreint. Pourtant, depuis au moins le néolithisme, on peut parler de croissance au sens général bien que cela ne soit pas enserré par une sphère marchande et monétaire. Au reste, l’attention exclusive portée par les économistes sur l’univers marchand au détriment de l’univers non marchand (autoproduction, autoconsommatino, troc, etc.) constitue un biais dans l’analyse du lien entre création monétaire et croissance (notion qui me semble combiner accumulation de capital et processus de marchandisation de toutes les activités sociales). En effet, que mesure-t-on quand on parle de croissance (par la mesure du PIB par exemple) ? Uniquement des activités sociales sujettes à la marchandisation. Que vous fassiez vos propres outils et développiez un champ agricole pour l’échanger avec vos voisins et amis par exemple, tout cela n’entrera jamais dans ces statistiques. On pourrait étendre à l’envi ce genre d’exemple (bénévolat, tâches ménagères, etc.).
Bref, au-delà d’une critique sur le rapport à l’idée de croissance, une telle affirmation dénote à la fois d’un fétichisme quantitatif et d’une réduction de la pensée sur la production matérielle des sociétés. Il me semble qu’à partir de sociétés non monétaires (ou si peu), l’extension de la sphère marchande n’a pu se faire qu’en lien avec la création monétaire, c’est un truisme et ne me paraît rien prouver de pertinent.
Vous avez bien raison de sortir du cadre, M. Jorion, bien raison !
Les principales leçons que je retiens à propos de la distinction que Paul Jorion entend faire entre argent (billets et pièces ou plus généralement la monnaie de banque centrale) et reconnaissances de dette (dépôts en banque, épargne…):
– les différents risques qui y sont attachés.
– l’argent ne produit/coûte pas d’intérêts au contraire d’une reconnaissance de dette.
Utiliser le terme « reconnaissance de dette » plutôt que « dépôt », n’est d’ailleurs pas anodin car cela insiste sur cette notion de risque. Retirer de l’esprit du public qu’un dépôt en banque est la même chose que l’argent, alors que le risque n’est pas le même.
Ceci dit, l’argent sous forme billets et pièces n’est pas sans risques non plus. On peut se faire voler ou le perdre. Les banques sont aussi des « coffre-fort » pour éviter ces risques (mais devoir en prendre d’autres!). Sans oublier les limites légales de paiement en espèces ni les facilités de moyens de paiement scriptural que les banque offrent: chèques, virements, CB…
Je comprends que l’outil de dimension créancière devrait aider à mesurer la fragilité du système bancaire. Mais, on peut s’interroger sur le principe de conservation des quantités (monnaie de banque centrale) quand on sait que les BC innondent d’argent, font tourner la planche à billets à toute vitesse, dès que les besoins s’en font sentir.
On peut aussi s’interroger sur la quasi-autonomie que se sont accordées les méga-banques. Vu les grandes parts de marché qu’elles couvrent, elles tournent presque en circuit fermé, quasi sans « fuites ». Vu les ratios de solvabilité et de réserve ridiculement faibles, les BC n’ont pas grand contrôle sur elles.
On peut aussi s’interroger sur les acteurs qui sont à l’origine, la cause de la création monétaire (de BC). Vu la quasi-autonomie des méga-banques, il me paraît que les BC n’ont d’autre choix que de suivre a posteriori le mouvement initié par les méga-banques et leurs emprunteurs afin de satifaire aux règles très laxistes de solvabilité et de réserves.
Décidément, trop de questions restent ouvertes.
Mais à ce moment là pourquoi ne pas utiliser comme tout le monde – je veux parler des banques et des économistes – l’expression » monnaie fiduciaire » pour « l’argent », et « monnaie scripturale » pour les « reconnaissances de dettes » ?
@Toute Neuve
Paul Jorion se place souvent (toujours ?) du côté de l’emprunteur quand il est question de crédit/dette. Ainsi, le capital devient « l’argent dont on a besoin mais qu’on a pas », de l’argent « en trop peu », un dépôt en banque devient « une dette de la banque »… Il nous montre l’autre côté du miroir du crédit/dette car l’un ne va pas sans l’autre. Ce faisant, il nous rapelle sans cesse que l’emprunteur doit trouver l’argent pour rembourser capital et intérêts, qu’il n’y a pas de boîte noire magique qui le fait fructifier, mais des personnes en chair et en os qui doivent se casser la tête pour arriver à combler les fins de mois, des entreprises qui doivent se courrir derrière leur clients pour se faire payer et rembourser leurs emprunts, des banques qui doivent se casser la tête pour trouver les liquidités (en monnaie de BC)…
Les économistes et financiers qui nous parlent de monnaie scripturale, dépôts, placements, capital qui fructifie… regardent, eux, du côté de ceux qui possèdent de l’argent « en trop » qui est placé pour fructifier on ne sait trop comment. Ils n’ont sans doute jamais dû se casser la tête pour rembourser capital et intérêts étant sans doute trop grassement payés…
Steve Keen :
http://www.debtdeflation.com/blogs/
My expectation is that, some time during 2010, the disconnect between the financial markets’ euphoric expectations and the hard reality of a deleveraging private sector will bring the optimism of both “born again Keynesian” neoclassical economists and the markets to an end. Growth will not resume once the stimulus packages are removed, since deleveraging will then assert itself in the absence of government stimulus. Falling debt will subtract from growth, as it once added to it, and unemployment will start to rise again.
Harribey: « Si l’on comprend bien, le multiplicateur de crédit est une démultiplication, ce qui tombe sous le sens, mais ne correspond pas à une création ! » Harribey oublie que l’argent circule, qu’il passe ou non par la case « prêt ». La même quantité peut être prêtée plusieurs fois puisque les emprunteurs ne thésaurisent pas l’argent qu’ils empruntent : ils le dépensent. Donc il repasse tôt ou tard par la case « banque », qui peut le prêter à nouveau, même si entre temps il a changé 50 fois de propriétaire.
Je me demande si quelques contradictions ne pourraient pas être levées en utilisant une remarque incidente de Celui-dont-il ne-faut-pas-prononcer-le-nom, au risque de n’être pas lu… En effet, dans une zone peu lue et peu exploitée (LIII, ch.25) il dit ceci :
« L’analyse approfondie du système de crédit et des instruments qu’il se forge (monnaie de crédit, etc.) n’entre pas dans notre plan… Ce faisant nous n’aurons affaire qu’aux crédits commercial et bancaire en général. Le rapport existant entre le développement de ces derniers et celui du crédit public reste en dehors de notre propos. »
Il donne ensuite un rapide résumé des diverses fonctions de l’argent et il continue par :
« Avec le développement du commerce et du mode de production capitaliste qui produit uniquement pour la circulation, cette base naturelle du système de crédit se trouve élargie, généralisée et perfectionnée. En gros, l’argent fonctionne seulement ici comme moyen de paiement, ce qui veut dire que la marchandise n’est pas vendue contre de l’argent, mais contre une promesse écrite de paiement à une date déterminée. »
Après avoir rappelé que ces promesses écrites sont des traites, il termine par :
« Tout comme ces avances réciproques entre producteurs et commerçants constituent la base véritable du crédit, leur instrument de circulation, la traite constitue la base de la monnaie de crédit proprement dite, billets de banque [ne pas confondre avec la monnaie-papier], etc. Ces derniers ne reposent pas sur la circulation d’argent, qu’il s’agisse d’argent métallique ou de papier-monnaie d’Etat, mais sur la circulation des traites. »
Et sans recopier tout ce chapitre sur le « Crédit et le capital fictif » hautement instructif, cette entrée en matière :
« L’autre aspect du système de crédit est lié au développement du commerce de l’argent, développement qui , dans la production capitaliste, va évidemment de pair avec le développement du commerce des marchandises… Une banque représente, d’une part, la centralisation du capital-argent des prêteurs, de l’autre la centralisation des emprunteurs. Son profit provient généralement de ce qu’elle emprunte à un taux d’intérêt plus bas que celui auquel elle prête. »
La banque de proximité, telle qu’elle s’est développée depuis l’obligation faite aux entreprises de payer les salaires par chèque ou virement, n’entre plus concrètement dans ce schéma puisque le service qu’elle rend est de dématérialiser l’argent pour en réduire la circulation sous forme métallique ou de monnaie-papier.
Le problème qui vient alors est d’une part la confusion entre dépôt à vue et épargne, et d’autre part entre déposant et prêteur. La banque pour se payer des frais de gestion des dépôts à vue s’autorise (légalement ou non, je ne suis pas arrivé à trouver nulle part ce qu’en dit la loi en France) à prêter cet argent comme s’il appartenait à des prêteurs volontaires ou à ses fonds propres.
Il est clair que ces confusions permettent toutes les manipulations implicites sur l’argent déposé à la banque.
Comme la vitesse de circulation est artificiellement ralentie (dates de valeur par exemple), la banque a là encore une occasion de profit par des prêts de court terme très avantageux (même mécanisme que la grande distribution qui fait l’essentiel de son bénéfice sur le délai entre encaissement des ventes et paiement différé aux producteurs, chaque enseigne ayant une banque propre pour parfaire le circuit !).
Imaginez les montants qui transitent par les banques quand en plus des salaires, les pensions et retraites sont versées ou les allocations et les remboursements sécurité sociale… le tout stagnant quelques jours en dépôt à vue !
« La banque pour se payer des frais de gestion des dépôts à vue s’autorise (légalement ou non, je ne suis pas arrivé à trouver nulle part ce qu’en dit la loi en France) à prêter cet argent comme s’il appartenait à des prêteurs volontaires ou à ses fonds propres. »
Voir la BCE ou la Banque de France:
Dit autrement, quand vous déposez 100 € sur votre dépôt à vue, la banque peut ne mettre en réserve que 2€ et prêter jusqu’à 98€. Mais il y a aussi d’autres limitations sur les prêts qu’elle accorde (ratio de solvabilité Bâle II)
Je ne suis pas sûr que les dates de valeur sont encore d’application. De toutes façons, ça ne changait rien pour les liquidités disponibles pour la baque, juste pour le calcul des intérêts des clients avec parfois de grosses surprises genre découvert fictif sur lequels on vous décomptait des intérêts abusifs uniquement à cause des dates valeur.
Les délais de paiement que s’accordent (ou plutôt imposent) la grande distribution, les grandes entreprises, (mais aussi l’Etat!), cela leur donne des liquités gratuites, leur évitant de devoir emprunter ou tirer sur leur ligne de crédit. Mais ce n’ext pas extensible à l’infini, ce n’est qu’un volume +- fixe de liquidités.
Merci de ces précisions.
Ah ! enfin un économiste dans mon camp : le mystérieux auteur du Livre III ! À moins qu’il ne s’agisse – comme dans mon cas – que d’un « critique de l’économie politique ».
De quoi l’argent est-il fait bonne question, que Marx soit contaminé par l’individualisme méthodologique me parle et un développement de la question m’intéresserait…
Mais ces derniers temps en réfléchissant à l’arrogance aparament vaine des banquiers, je me suis posé la question. je me suis dit tout bêtement que la valeur de l’argent venait de ce qu’il permet de faire, acheter (approche sociologique). Mais acheter qu’est-ce? C’est utiliser le salaire qu’on a reçu après avoir été exploité par un patron et le raisonnement financier des actionnaires. Acheter est l’acte (social) qui reste après avoir été frustré par le temps et l’énergie passée à travailler. Le pouvoir tient à la frustration, le besoin de compenser ce qu’on a pris d’un côté en s’accaparant d’une partie de ce qui a été produit par la suite. Les banques avec leur taux d’intérêts jouent un rôle secondaire, mais vital pour les possédants: maintenir le rapport de force en faveur de ceux-ci en ponctionnant sur le travail (paul jorion). Comme cela ce n’est pas trop facile et ça frustre, donc ça crée de la valeur c’est à dire la nécessité de renforcer le lien salarial, le pouvoir des entreprises, la validité de ce qu’elles produisent même si ça n’en vaut pas la peine. En fait au final il faut quand même bien passer par la production, même si les banquiers refusent de voir ce fait et croient que l’ont peu renforcer la valeur de l’argent par le seul jeu de l’intérêt. Aujourd’hui le monde des possédants se décillent progressivement les yeux: oui il va bien falloir composer avec les non possédants pour changer le monde. Mais il n’est pas sûr qu’ils s’y résolvent.
L’argent est le prénom du capital.
Voyez-vous venir le cours forcé de l’argent-dette (dit « monnaie scripturale ») ?
Bonsoir à tous,
Je voudrais connaître l’avis de Paul (et de ceux qui sont, comme lui, de l’avis que la monnaie scripturale n’est pas « comme de l’argent ») sur les règles suivantes du droit positif, applicables en France aujourd’hui (source : DGCCRF :
Donc, selon la loi française, les billets de banque sont carrément interdits au-delà d’une somme finalement modeste (3 000 € pour les non commerçants, 1 100 € pour les commerçants), et la monnaie scripturale est donc souvent la seule monnaie légale : le cas des salaires est spectaculaire et ne représente pas vraiment une exception marginale, en termes de volume, dans l’ensemble des échanges, puisque les salariés représentent plus de 90 % de la population active.
Pour ma part, je vois dans cette législation les signes d’une évolution vers le cours forcé de la monnaie scripturale que j’évoquais dans un récent message.
Il y en a d’autres.
Votre avis ?
Amicalement.
Étienne.
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« Je dis d’abord, écrit Machiavel, que cette légèreté dont les historiens accusent la multitude est aussi le défaut des hommes pris individuellement, et plus particulièrement celui des princes ; car quiconque n’est pas retenu par le frein des lois commettra les mêmes fautes qu’une multitude déchaînée ; il y a des milliers de princes, on compte le nombre des bons et des sages….
Je conclus donc contre l’opinion commune qui veut que le peuple, lorsqu’il domine, soit léger, inconstant, ingrat, et je soutiens que ces défauts ne sont pas plus le fait des peuples que celui des princes…
Ajoutons que les villes où les peuples gouvernent font d’étonnants progrès en peu de temps… cette différence ne peut naître que de la supériorité du gouvernement d’un peuple sur celui d’un prince. »
Machiavel.
Source : Discours sur la première décade de Tite-Live,
Chapitre XIX : « sagesse du peuple. La multitude est plus sage et plus constante qu’un prince. »
Texte cité par Gérard Mairet, dans une note (p. 202) du « Contrat Social » de Rousseau (Poche).
Pour le texte intégral, j’ai trouvé une autre source de cette thèse de Machiavel, sur Internet : http://classiques.uqac.ca/classiques/machiavel_nicolas/discours_titelive/discours_titelive.rtf (page 60), où la traduction est sensiblement différente.
___________________
C’est en tous cas là un beau cadeau aux banques. Ces mesures écartent sensiblement le danger d’un bank run et obligent les gens à leur prêter leur argent. Par contre, je ne sais pas si on peut parler d’évolution vers le cours forcé de la monnaie scripturale parce que la monnaie BC, ce n’est pas uniquement les espèces. Si je ne dis pas une bêtise, il y a les comptes des banques privées auprès de la BC qui sont de la monnaie scripturale et pourtant du véritable argent. Je ne pense pas que l’Etat laissera un jour à d’autres le soin de « battre monnaie », il y va de sa survie.
L’argent-dette (dit « monnaie scripturale »), Non, ce sont des choses différentes : l’argent-dette n’existe pas, la « monnaie scripturale » existe, ce sont les inscriptions relatives aux opérations monétaires.
Tu auras d’ailleurs noté que ni l’une ni l’autre expression n’est utilisée dans les textes légaux que tu cites.
Les traductions de G. Mairet, en général, sont un peu orientées par/orientent les recherches qui lui sont propres. En particulier sa thèse selon laquelle la « souveraineté » n’est rien d’autre que la formule (au sens physico-chimique du terme) de subsomption du multiple à l’Un.
Et ici c’est sans doute un peu le cas.
Bonjour Antoine,
Merci pour cette information nuancée.
Pourriez-vous développer un peu, s’il vous plaît, car je voudrais être sûr de vous avoir bien compris.
Amicalement.
Étienne.
De quoi l’argent est-il le nom ?
Je lis de moins en moins les commentaires : ça devient de plus en plus compliqué à assimiler et le recours à des auteurs considérés comme nécessairement connus de tous n’arrange pas la chose ! Atchoum Peter.
Après le nom de la rose, le nom de l’argent.
L’argent est le nom de ce qui nous occupe.
Sûrement que nous n’en faisons pas la meilleure utilisation, que nous n’en comprenons pas toutes les ficelles comme il faut, mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi on ne remet pas tout simplement, excusez du peu, son utilisation en question. La seule explication convaincante qui me vienne, c’est que l’argent est avant tout politique. Normal me direz-vous, puisque c’est ce qui nous occupe. Plus précisément donc, c’est le fait de ne pas remettre en cause son utilisation qui est politique : nous n’avons pas d’autre solution à proposer, et le politique qui nous représente ne peut pas se permettre de prendre le risque de l’initiative : ce n’est certainement pas pour ça que nous l’avons élu, mais plutôt pour garantir notre sécurité. Et nous ne risquons pas de voir des propositions de nouvelles façons de vivre en société tant qu’on laissera l’élite de ce jeu de Monopoly prendre les décisions politiques, après vous Etienne, et tant que l’élite intellectuelle ne poussera pas dans le sens de cette réflexion : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».
Ça surprend hein ! Alors peut-être dans un premier temps serait-il possible de n’envisager, c’est d’ailleurs ce que « réclame » une très grande partie de la population mondiale, que l’argent ne soit plus le but d’une vie.
C’est possible : c’est une question d’éducation. Qui ici en son for intérieur, ne le souhaite pas au moins pour ses enfants ?
Problème : si la mise en avant de ce sentiment n’est pas institutionnalisée, celui qui ne se plie pas au jeu reste à la traîne et prend le risque de se placer et surtout de placer ses enfants dans la position du perdant, du loser, ce qui convenons-en, n’est pas la meilleure perspective que l’on puisse offrir à sa descendance. Et donc…ça continue encore et encore.
Bien à vous.
« Ça ne peut pas faire de mal d’enlever une verrue à un cancéreux en phase terminale ».
« En vaccinant contre la grippe porcine ou la grippe aviaire on ne règle pas le problème de la surproduction de viande dans des conditions horribles qui montrent notre perte d’humanité ou d’humanisme ».
Institutionnaliser un sentiment ? Hou la la !
» Il y a des lois qui comportent tellement de contradictions et d’obscurités qu’elles en deviennent humainement supportables » .
Cela fait plusieurs contributions que je vois passer (y compris de ma part) où les personnes s’interrogent sur l’utilité réelle de l’argent. Je ne parle pas de l’utilité dans le monde tel qu’il est foutu, je parle de son utilité tout court hors de tout autre contexte que la vie des êtres humains sur Terre.
A chaque fois, je vois ces questionnements rabroués par une pirouette,une fin de non recevoir, pas même l’ombre d’une réflexion.
Paul a posé la question une fois sur BFM. Je ne sais pas exactement quel but il poursuivais dans cette question, peut-être ne souhaite-t-il pas développer. Ce que je retiens c’est qu’il disait que la réaction des gens à cette proposition était de l’ordre de la fin d’un cauchemar. C’est exactement ce que je ressens.
Je me souviens m’être posé la question tout petit. Pourquoi avons nous besoin d’argent? Sans doute est-ce une question normal quand on est enfant et qu’on se l’est à peu prêt tous posée.
Et puis j’ai arrêté de me la poser, j’ai travaillé, beaucoup …. J’ai arrêté aussi pendant longtemps de me poser trop de questions… Pas les moyens (intellectuels ou de résistance psychique à ces questions) , pas le temps, pas l’énergie…. J’ai le sentiment que je suis loin d’être le seul à avoir arrêté de me poser trop de questions.
Et puis je me suis remis à m’en poser… De toutes sortes. Depuis, je suis passionné par toutes ces questions. Elles me mettent en danger, c’est certain, mais je veux continuer. Alors du coup, je ne m’interdis aucune question.
Et j’avoue, que celle que je me posais tout petit est revenue.
Pourquoi avons-nous besoin de l’argent pour fonctionner en société ?
A Paul et à tous.
Puisqu’il semble que je ne sois pas le seul à me la poser cette question, que diriez-vous d’utiliser notre intelligence collective sur ce sujet? Mais vraiment. Pas en s’arrêtant à des trucs du genre :
Et qui viendra « torcher mon cul quand je serai sénile », je ne fais là que reproduire un commentaire vu ici.
Moi, j’ai envie de répondre que sur cette planète, il y a forcément des gens pour qui c’est un plaisir et un engagement que de prendre soin des personnes âgés (des gens qui ont peut-être choisit d’autres voies plus lucratives parce qu’ils ont les « pieds sur terre » comme on dit), par ailleurs, avec du temps dégagé, le mieux et le moins culpabilisant serait que nous nous occupions nous même de nos parents, et pas en étant contraints par la vie de les « placer » dans des institutions où le niveau de revenu conditionne trop souvent le niveau de soin. On ferait de toutes façons mieux que la méritocratie et le marché (je vois pas comment ce pourrait être pire en cette matière particulière).
Alors, à tous, dites moi simplement si pour vous cette question ne mérite même pas d’être posée et qu’on y « perde son temps », mais dites le moi de façon argumentée un minimum s’il vous plaît. Pour ma part, je continue de me la poser, c’est juste que tout seul, j’ai peu de chances d’aller très loin sur la question.
oups, désolé pour les quelques fautes. j’ai relu, mais un peu trop vite.
Je m’étais aussi posé cette question , beaucoup plus jeune ( vers 1975 ), et j’avais porté en annotation sur un bouquin de math (!) les assocations d’idées que cela m’inspirait . Je l’ai retrouvé entre René Dumont et un vieux Corneille . Je vous livre tout brut mes délires de l’époque sur l’argent :
Mesure de « valeur »
Moyen d’échange
Réserve de « richesse »
Moyen d’acquérir de la puissance
Support du rêve
trace moderne de « l’alchimie » ( transmutation )
désir de « sécurité »
relai de « la mère nourricière » ( Gaïa ?)
outil de travail ou compensation névrotique ?
Le gagnant du « gros lot »=?
Mécénat , riche , société =?
« Commerce » , mot étrange .
argent pilier de l’entreprise = perte d’autonomie individuelle.
l’argent » romantique » ( je ne sais plus retrouver ce que j’avais en tête avec ça !)
argent et le « collectionneur » , référence psychanalytique , caractère anal , goût de l’ordre , amour des entités abstraites rassurantes.
argent et brasseur d’affaires /le capitalisme populaire est un leurre . Moyen de satisfaire ses capacités ?
argent et double jeu . trafic d’influence .les vols « autorisés » ./ » Un homme malhonnête ne peut se sentir honnête que dans un système social crapuleux » .
argent et criminel .
Débrouillez vous avec ça ! C’est moins structuré que la conversation entre Jorion et Harribey , mais ça m’a laissé dans le même mal de tête .
Tout au plus , 35 ans après , quand je m’oblige à tenter de trouver une seule réponse à l’interrogation , je me risque à avancer que pour moi , l’argent , au sens le plus flou , c’est notre façon d’homo sapiens d’échapper à la peur de souffrir ( plus que la peur de mourir que l’on est bien incapable de regarder en face en permanence ) , en tentant de nous emparer ,en le matérialisant , de ce truc bizarre ,angoissant et incontournable qu’on appele le temps .
L’argent , c’est du temps bien plus que le contraire . Du bon temps de préférence .
Assurez ( comment?) le bon temps de chacun et l’argent n’a plus d’utilité .
C’est dire s’il y a des bifurcations à inventer avant de le renvoyer aux cavernes ( pas dit d’ailleurs que , Platon ou pas , il n’y était déjà pas sous une forme » préhistorique » )!
juan nessy,
C’est vrai que les mots sont importants.
Je ne pensais pas à institutionnaliser ce sentiment, lorsque j’ai écrit « si la mise en avant de ce sentiment n’est pas institutionnalisée » je pensais à institutionnaliser la réflexion sur ce sentiment, de ne pas l’écarter de la pire manière qui puisse être : l’ignorer.
@Vincent
L’argent, comme « représentation » de la richesse est beaucoup plus manipulable que la richesse en soi… et ceux qui tirent leurs avantages du fait qu’ils se soient spécialisés dans la manipulation de cette représentation ne sont pas prêts d’y renoncer. Une des raisons les plus logiques, il ne faut même pas être méchant pour le comprendre, est que tant qu’on ne peut pas imposer cette contrainte à tout le monde par égal… ceux qui renonceraient volontiers ou seraient forcés de renoncer perdraient de la compétitivité vis-à-vis de ceux qui ne se trouveraient pas privés du recours aux tricheries.
En plus, depuis que l’argent existe ils n’ont pas arrêté d’accumuler des avantages en trichant… si on remet en question l’argent maintenant, non seulement ils ne pourraient plus tricher, mais ils risqueraient de se faire passer par la guillotine pour ce qu’ils ont accumulé de tricheries et les effets pernicieux que celles-ci ont eu, si ce n’est qu’ils se verraient obligés de retourner beaucoup des ressources qu’ils ont thésaurises.
Pas de bonnes perspectives quand ils se trouvent toujours dans une course folle dont ils pensent que leur survie en dépends.
Vincent WALLON,
🙂
Très sensible à votre message.
Vous avez raison : le monde des adultes vu avec des yeux d’enfant, c’est effrayant, ça met en danger, ça grignote jour après jour la résistance (et l’équilibre) psychique. Pourquoi ? Parce que la nausée reste, qui vient à chaque fois que l’on voit les horreurs et les injustices qui bouleversent les enfants.
« Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tellement d’importance ! »…Aucune…jamais…à suivre 🙂
Bien à vous
@Paul Jorion
Je perçois bien votre ironie, sinon votre humour du 7 janvier à 10 h 40 en ce qu’il se réfère à des discussions concernant un récent billet BFM à propos de « effacer son nom ».
JeanNimes en citant « Avec le développement du commerce et du mode de production capitaliste qui produit uniquement pour la circulation, cette base naturelle du système de crédit se trouve élargie, généralisée et perfectionnée. » rappelle la tendance historique du capitalisme et par là même, l’inanité de la volonté abstraite qui consisterait seulement à vouloir en éviter les abus.
Dès lors, pourquoi ne s’agirait-il « que d’un critique de l’économie » et pas simplement « d’un critique de l’économie politique » ? Ce n’est pas une moindre chose. Si vous parlez de « camps » il faut choisir non pas une posture mais un point de vue et une perspective : économiste ou bien critique (fondamental) de l’économie politique ? Le premier se veut analyste, voire mécanicien, de l’économie ; le second veut le renversement des relations sociales qu’elle induit et qui la prolongent. L’enjeu n’est pas mondain, il s’agit du monde réel.
Si , à défaut de « renverser » les relations sociales on pouvait déjà les pousser ( même avec de nouveaux paradigmes renversants) vers un équilibre qui tienne mieux compte de la réalité des choses et de la dignité de chacun , on n’aurait pas perdu son temps .
ça peut me faire ranger dans le » camp » des réformistes . Je préfèrerais être catalogué dans le camp des terre à terre ( qui regardent toujours plus haut , salut Le marin ) .
@juan nessy
La position réformiste que vous assumez est claire. Mais le problème ne se pose pas en termes de plus ou moins. On ne peut pas être plus ou moins contre sans être aussi plus ou moins pour. Quant au « terre à terre », il faudrait au moins une révolution pour adopter, par exemple, le programme réaliste de Gérard Filoche, l’inspecteur du travail. Le réformisme n’est pas moins utopique que la nécessité révolutionnaire.
Je ne vise pas le positionnement idéologique de chacun, mais le voile idéologique commun ; je cherche à enlever les lunettes économistes que presque tout le monde s’impose dès qu’il s’agit de Marx, ce qui est un comble s’agissant du volontaire critique de l’économie politique. Marx dévoile, met à jour, les tendances des mécanismes du mode production capitaliste en quoi consiste l’économie (et c’est pourquoi celle-ci est « politique ») pour prévoir ses évolutions et jauger son assise sociale afin de rendre l’initiative à ceux qu’ils utilisent. Ce n’est pas important pour des raisons d’érudition. Cela l’est parce que ce voile, auquel la grande majorité des marxistes ont contribué, empêche la pensée de se libérer et les perspectives de se faire jour. C’est à ce propos qu’il s’agit de « camps ».
Je comprends mieux votre propos .
Je ne me sens pas économiste selon votre sentiment dans mes propos . Je crois même avoir écrit que je ne me sentais pas d’attaque ( il n’y a pas d’allusion…) pour structurer un projet ou une envie de vivre autour des seuls concepts de Paul Jorion , même complètés de ceux d’Etienne Chouard . Je ne suis donc pas dans ce camp là ( je n’ai d’ailleurs pas l’impression que c’en est un revendiqué ).
» Marx dévoile …..de se faire jour » :
– « mode de production capitaliste en quoi consiste l’économie » : je rappelle sans relâche que pour moi l’économie ne se résoud pas à la production sur un mode capitaliste , mais qu’elle est consubstantielle au politique . En limitant la critique à Marx et à cet aspect , est ce que vous ne vous mettez pas paradoxalement dans le camp des « économistes » ?
– je me suis un peu perdu dans le voile et le dévoile , Marx et les marxistes , mais si je vous interprète bien , nous devons être d’accord .
PS : c’est vrai que le réformisme peut être aussi une utopie , comme la révolution . C’est pourquoi j’essaie de me sentir mieux avec le terme de terre à terre , c’est à dire de relations directes avec mes semblables , simples citoyens ou compagnons d’engagements plus structurés et temporels .
A props à quoi pensez vous en évocant » plus ou moins » pour ou contre .
J’avais plutot le sentiment de mettre en option :
1- « annule et remplace la machine »
avec ,
2- » implante , supprime , change des pièces principales de la machine pendant les heures de maintenance »
J’ai longtemps préféré la première méthode avant de m’apercevoir qu’elle ne faisait le bonheur que de ceux qui étaient déjà planqués ( à deux ou trois « sacrifiés » près) et/ou en créant de « nouveaux riches ».
J’en suis alors venu à préférer la seconde ,car , à l’usage , elle m’a paru plus sure ( qualitativement et quantitativement) pour ceux qui étaient appelés à revenir dans la course , et plus dure ( qualitativement et quantitativement pur ceux qui abusaient de privilèges dans l’état antérieur . Elle est par contre assez exigeante car elle nécessite ténacité ,responsabilité assumée , critique externe et onction démocratique.
C’est plus long et chiant , mais largement plus efficace et durable .
Mais si ça foire , on peut en revenir à l’option 1 .
@ Vincent Wallon
L’argent devrait être la valeur d’usage de l’échange. Mais la valeur d’échange l’a emporté sur l’usage. Pour autant, un monde sans argent est éminemment désirable et possible. La plupart du temps l’humanité vécut sans argent, ou du moins avec un usage de l’argent rendu à sa simple fonction d’intermédiaire entre des marchandises. Jusqu’à ce que le temps de travail en devint une…, puis virtuellement toutes choses y compris les entreprises. Cela dit, l’enjeu est bien celui que vous désignez : le temps contre l’argent.
Monsieur Jorion
Comment articulez vous votre vision du système bancaire et monétaire avec la proposition d’une couverture intégrale des dépôts d’Ireving Fischer ?
j’extrait d’un livre que j’ai sous les yeux..
Pas de chance, mon message a sans doute été noyé et je n’ai pas eu de réponse…
@Juan Nessy
En écrivant « La position réformiste que vous assumez est claire. Mais le problème ne se pose pas en termes de plus ou moins. On ne peut pas être plus ou moins contre sans être aussi plus ou moins pour. » Je veux simplement dire qu’on ne peut pas « pousser vers un équilibre » du mode de production, ni « revenir à l’option 1 », car cet équilibre n’existe pas. Le capitalisme, vivant à crédit, spéculant sur son avenir ne perdure qu’en accelérant. D’un mot, je dirai qu’il est transformiste, et glouton par nature.
Le réformisme est une des illusions qu’il génère : du simple fait qu’il considère le mode de production capitaliste comme un système, il ne peut qu’échouer s’il va contre les tendances historiques du mode de production capitaliste, et au mieux rester à l’état de sympathique voeu pieu ; ou bien réussir, mais en allant dans le sens de ces tendances. Tant qu’on se situe dans des changements en termes de degré et pas en termes de nature, on reste prisonier de ces tendances ou impuissant envers elles.
Changer de mode de production implique d’aller résolument et consciemment à l’encontre de ses tendances. C’est pourquoi, selon Marx, les politiques ou les économistes ne peuvent agir qu’en tant qu’administrateurs des intérêts des propriétaires des valeurs d’échange les plus destructeurs de ce qu’il reste ou se génère de désir et de vie, ils sont ce que j’appelle les mécaniciens.
J’ai beaucoup de sympathie pour quelqu’un comme Gérard Filoche, pour ses luttes quotidiennes et légales aux côtés des salariés ; mais, je le répète, même son programme, très équilibré d’un capitalisme humain, d’ailleurs pas même relayé par une quelconque gauche, qui tiendrait in abstracto sur ses pieds, ne pourrait être appliqué sans révolution (ce que Filoche ne propose pas comme moyen d’accès). Salvador Allende est mort pour avoir concrètement tenté à peu près aussi peu de changement, Thomas Sankara ou Patrice Lumumba pour un peu plus mais dans des contextes où le capitalisme se résume au pillage des ressources.
Une révolution ne consiste pas en la substitution d’un système par un autre, mais en la disparition définitive de tout système et en son dépassement par des formes d’organisation sans représentation politique ni économique spécialisée. Elle n’est pas plus utopique, car elle prend le problème à sa racine. Cela dit, elle générerait des problèmes, mais d’une toute autre nature, et dont nous avons peu l’expérience.
Je crois que j’ai compris la logique sinon la pertinence de votre raisonnement .
Je ne résumerai pas en ce qui me concerne un système politique (ou économique ) à « un système de production » , comme vous le faîtes arbitrairement et de façon très réductrice . Comme , il me semble l’ont fait et le font encore l’UMP et le PS .
C’est beaucoup plus ,à mes yeux ,le vecteur actif de l’expression démocratique par un peuple de ses désirs pour « survivre et vivre , dans les meilleures conditions matérielles , psychologiques et relationnelles posibles , pour atteindre une étoile comune ». Ce qui est bien autre chose que « la production ».
Ce » vecteur » , c’est aussi ce que j’ai appelé » la machine » telle que nous l’a léguée l’histoire .
Les « périodes de maintenance » , ce sont les élections.
Je n’ai pas compris grand chose à votre dernier paragraphe , qui me fait le même effet qu’une prophètie de Raël .( ou du pape , ou des incas , ou de mahomet , ou d’élie ,ou de heidegger ….)
Si ,par contre ,dans votre monde futur, vous niez la représentation politique , nous ne sommes plus du tout dans le même camp , et je ne souhaite surtout pas de ce monde pour moi et mes descendants .
Par contre , quand je vois Nicolas Sarkozy tenter de sauver Eric Besson ( et lui avec) en élargissant le » débat sur l’identité nationale » à un débat sur « un nouveau capitalisme » , continuant à substituer les débats de café du commerce , à l’expresion politique sur des sujets gravissimes traduite par le choix de nouvelles équipes , je crains encore plus que vous que les modifications , non seulement ne portent pas sur le principal , mais qu’elles ne soient qu’une gesticulation de maître d’hôtel qui veut le rester à tout prix .
Cette gouvernance confondue avec une représentation théâtrale sans fond , me consterne
Quand la conviction se limite aux talents de récupération des hommes de l’ombre , il n’y a rien à espèrer .
@Vincent/césar,
je cite votre commentaire, écrit il y a un jour, pour faciliter la compréhension de ma réponse:
Si je vous comprends bien, qu’est-ce qui empêche fondamentalement la banque centrale d’assurer 100% des dépôts en cash bien palpable moyennement un délai d’impression, ce qui rassurerait les clients. Après tout si mon compte en banque est bien du vrai pognon, ce n’est qu’une question matériel et de temps pour remettre au client l’intégralité de son compte en billets de banque. Pourquoi cela n’est pas envisagé sous cet angle afin d’éviter les bank rush et la peur panique en cas de faillite bancaire ? En gros ça serait, nous imprimerons autant de billets que nécessaire pour rendre à césar ce qui est à césar (césar c’est moi en l’occurence…).
Hum, il y a deux façons de vous répondre;
1) Si la seule « vraie » monnaie est constituée par les billets, une solution consisterait à éviter que la monnaie scripturale ne soit émise en supplément. Pour cela, on pourrait obliger les banques à ne jamais prêter – c’est à dire à ne jamais émettre des reconnaissances de dettes « payables (en billets) à vue – au delà de leur « stock » global de billets.
2)Si la monnaie « scripturale » est considérée comme une vraie monnaie, il y a deux façons d’éviter les « cash crunchs » ou les crises de liquidité.
a) faire ce que vous semblez suggérer: en cas de début de panique, faire tourner la planche à billets: inconvénient, le fait de savoir que cela va se produire de façon automatique déclencherait 2 mouvements: a1) des prêts inconsidérés de la part des banquiers, sachant qu’ils ne risquent jamais la banqueroute (même si c’est rare actuellement, cela peut quand même arriver) a2) une inflation galopante
b) faire ce que suggère Robertson (qui se ramène au cas 1, comme je l’avais suggéré il y a quelques mois dans un échange privé avec Paul Jorion), à savoir décréter un ratio de liquidité de 100 (ce qui, de facto, revient à confondre monnaie-billets et monnaie scripturale, supprimant tout débat ou interrogation sur la question).
Pour ma part, je ne suis pour aucune de ces solutions, mais j’ai déjà parlé de mes « solutions » par ailleurs, le fil rouge de ces solutions portant sur l’encadrement du taux d’intérêt: mais la question reste posée.
En espérant avoir répondu à l’interrogation de Vincent,
bien cordialement, Bruno Lemaire
Merci d’avoir pris de votre temps pour me répondre Bruno,
Je ne sais pas trop ce qu’est la « vraie » monnaie, il y en a tellement de part le monde, et je ne sais pas du tout comment fonctionne ce monde. Non, je ne le sais pas, et je ne sais pas comment l’apprécier cette façon dont tourne le monde. Bref !
Mais concernant votre réponse sur ce point là (je copie) m’interpelle :
« a) faire ce que vous semblez suggérer: en cas de début de panique, faire tourner la planche à billets: inconvénient, le fait de savoir que cela va se produire de façon automatique déclencherait 2 mouvements: a1) des prêts inconsidérés de la part des banquiers, sachant qu’ils ne risquent jamais la banqueroute (même si c’est rare actuellement, cela peut quand même arriver) a2) une inflation galopante »
Sur votre point a1) je ne vois pas en quoi les prêts qu’elles font sont plus considérés à ce jour et cette réaction que vous leur prêtez ne changerait pas la donne sur ce fait il me semble. Et ça reste une spéculation, à quoi bon prêter à tout va si rien ne revient, ni capital, ni intérêt dans de telles conditions ?
Mais surtout votre point a2) sur l’inflation galopante me laisse perplexe, je m’étais fait la même réflexion mais sans pouvoir la confirmer. Pourquoi transformer des comptes courants ou d’épargne privés particulier ou entreprises en billets de banque engendrerait de l’inflation ? Puisque ces sommes existent déjà strictement sous cette forme là (comptes courants…) sans créer cette inflation galopante. En quoi disposer de 30 000 euros en liquide sous votre matelas change votre comportement par rapport à les avoir sur un compte en banque ? Je ne capte pas le processus.
Sans vouloir abuser de votre temps, je vous serais reconnaissant d’éclairer ma lanterne (je ne vous garantie pas de comprendre…)
Vincent
L’argent, c’est les classes : pas d’argent sans classe!
Salutations
Oui … dans un monde qui classe par l’argent .
Ave !
@Juan Nessy
Veuillez avoir la politesse de me lire avant de me répondre. Où avez-lu, dans mes messages « système de production », quand j’oppose la compréhension du capitalisme soit comme système, soit comme mode de production ? Ne croyez-vous pas que « vivre et survivre » sont contradictoires ? Quelle « machine » vous a légué l’histoire ? Comment peut-elle être aussi un « vecteur » ? Surtout ne me répondez pas à ces questions. Vos propos m’apparaissent délirants. J’ai perdu mon temps à répondre à votre question.
Sachez, par ailleurs qu’il y a déjà eu des révolutions, cela vous permettra peut-être de comprendre quelque chose au paragraphe que vous dites n’avoir pas compris.
Je vous laisse à Raël et aux représentants politiques dont vous parlez si bien dans votre message suivant.
Comme j’ai apparemment surestimé mes capacités d’expression , je m’abstiendrai donc dorénavant de plaider à votre tribunal . Juste mon testament :
Pour les révolutions , ça m’avait complètement échappé ….
Je ne dis pas « vivre et survivre » , je dis ( après et avec pas mal d’autres ) en le mettant dans l’ordre : survivre et vivre ; ça n’est pas contradictoire , c’est difficile .
Votre question aurait été plus claire si vous l’aviez exprimée aussi succintement que cet échange vous l’a finalement fait écrire : le capitalisme est il un système et/ou un simple mode de production . Je me garderai d’y répondre puisque c’est interdit . Mais j’avais moi même un peu tendu une perche dans cette direction en demandant comment dénommer l’ensemble capitalisme , « economie de marché » , libéralisme . Sans véritables réponses , alors que je n’avais interdit à personne de répondre .
Excusez moi de vous avoir peut être fait perdre votre temps (votre argent ?) si ,par extraordinaire, vous êtes arrivé au bout de ce court billet .
Ne vous ennuyez pas trop avec vous même .