« Reprise sans emplois »
Parmi les innovations linguistiques de 2009, je retiendrai l’expression de « reprise sans emplois » qui fut beaucoup utilisée. Que signifie une « reprise sans emplois », eh bien, comme ses termes l’indiquent : qu’on assiste à une reprise de l’économie sans que le chômage baisse pour autant.
Comment est-ce possible ? La reprise, c’est bien une reprise de la croissance, donc de la consommation, non ? Comment peut-on consommer plus avec moins d’emplois ? Ce n’est malheureusement pas possible. Sauf si le crédit remplaçait les revenus manquants. Mais on sait que ce ne fut pas le cas : les banques ne sont pas folles : celui qui n’a pas d’emploi ou qui pourrait perdre le sien demain est un mauvais risque.
Alors une « reprise sans emplois » n’est-ce pas simplement une reprise de la finance sans une reprise de l’économie ? Il y a eu un peu de ça en 2009 – quand on a eu tendance à confondre la Bourse avec l’économie, mais il y a autre chose. Au lieu de « reprise sans emplois », on a aussi entendu l’expression : « reprise purement statistique ». Ce que celle-ci veut dire est plus facile à comprendre : la reprise est dans les chiffres – mais uniquement dans les chiffres. Comment est-ce possible ? Grâce au restockage, par exemple, parce qu’une fois les stocks épuisés, il faut bien réassortir les étagères, même si les perspectives de ventes ne sont pas folichonnes. Ou à cause des chômeurs qui disparaissent de l’écran radar, parce qu’ils sont en fin de droit, ou sont découragés et ont cessé de chercher. A ce propos-là, il y a une autre expression qu’on a beaucoup entendue l’année dernière, c’est « correspondant à un réel… ». On a entendu pendant toute l’année aux États-Unis : « Un taux de chômage de 10% correspondant à un réel 17,5% » : les commentateurs prenaient l’habitude de corriger les chiffres officiels par les vrais.
Mais le vrai coupable avait un nom, un nom très compliqué peut-être, mais un nom : « corrigé des variations saisonnières ». On ajuste pour ne pas présenter des chiffres qui montent et qui descendent selon le saisons : parce que le bâtiment s’arrête quand il gèle et parce que les ramasseurs de fraises n’en cueillent que quand il y en a. D’où viennent ces chiffres ? Eh bien, des années précédentes, et si elles ont été bonnes, l’optimisme y est inscrit. Si 400.000 charpentiers ont repris le boulot au printemps les années précédentes on les suppose à tout hasard dans l’ajustement de la courbe cette année-ci. Et si la construction va mal et que les 400.000 ne se manifestent pas ? Ça ne fait rien : on corrigera avec les vrais chiffres – le mois prochain.
Et c’est pourquoi une autre rengaine de 2009 ce furent les bons chiffres de ce mois-ci, suivis des chiffres du mois précédent revus à la baisse. Est-ce que c’est grave, l’optimisme dans le présent et le pessimisme appliqué au passé ? C’est en tout cas meilleur pour le moral que le pessimisme dans le présent et l’optimisme appliqué au passé !
57 réponses à “BFM Radio, le lundi 4 janvier à 10h46”
« La Bourse de Paris rebondit malgré les chiffres de l’emploi US »
Même si ce sont des choses qui à force ne surprennent plus guère, cela reste agaçant.
« Il faut dire que le rapport sur l’emploi n’a pas réservé que de mauvaises surprises, puisque les chiffres de novembre ont été révisés pour faire apparaître 4.000 créations d’emplois, après 22 mois consécutifs de destructions de postes.
« Pour la première fois depuis 2 ans, l’économie américaine a créé des emplois, même si ce mouvement est symbolique sur un mois », a souligné Christian Parisot, économiste chez le courtier Aurel. »
Voilà donc la raison du rebond. A moins que ce soit l’oeuvre de la fameuse Plunge Protection Team…
Je suis en train de devenir un monomaniaque du chômage. Remarquez cela fait plus d’un an que je recherche du boulot avec un bac+8 moins des cacahouètes, j’ai donc le temps d’observer (et de m’énerver) la déconnexion entre l’activité boursière et l’économie réelle – même avec des chiffres manipulés… dont le but reste la paix civile… vu que la Bourse surjoue les bonnes nouvelles et fait mine de plonger avant de faire comme si de rien n’était quelques minutes plus tard en cas de mauvaise nouvelle… jusqu’au prochain cataclysme évidemment -, le suivisme peu gaullien de la bourse de Paris…;-)
http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=51c3a550afceed2b4647514c0c777102
Véritablement une reprise sans emploi. Du jamais vu depuis la fin des années 30 aux USA :
http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/etats-unis/201001/08/01-937274-e-u-perte-de-85-000-emplois-en-decembre.php
« Recul inattendu du marché de l’emploi aux Etats-Unis en décembre »
Ce que M. Parisot, économiste chez Aurel, ne dit pas : « le département du Travail a révisé à la baisse le chiffre d’octobre (127.000 suppressions au lieu de 111.000) et, au final, l’économie américaine a détruit 1.000 emplois de plus qu’annoncé auparavant sur la période octobre-novembre. »
http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2010-01-08/recul-inattendu-du-marche-de-l-emploi-aux-etats-unis-en-decembre/916/0/411715