Billet invité.
Personne n’a été étonné d’apprendre que, parmi les créditeurs étrangers, les banques britanniques étaient les plus exposées à Dubaï World, le conglomérat d’Etat qui s’est avéré incapable de payer ses dettes, tant la folie des grandeurs de l’émirat du Golfe et la mégalomanie des banquiers anglais et écossais semblaient parfaitement correspondre, outre évidemment leurs intérêts communs bien compris. En revanche, on a pu apprendre avec intérêt qu’environ 100 000 britanniques vivaient à Dubaï – la communauté occidentale la plus importante –, et que toute une armada de professionnels utiles (banquiers, traders, avocats, comptables, consultants, négociants, etc.) exerceraient là-bas ses talents, en conformité donc avec le profil économique de ce minuscule territoire. D’ailleurs, le voyage à Dubaï était presque devenu une étape obligée du cursus honorum des financiers, une expérience fructueuse dans l’apprentissage des Wilhelm Meister de la banque.
Cette relation spéciale entre Dubaï et le Royaume-Uni n’a rien d’étonnant, elle est emblématique d’une homologie de fond entre les deux pays : car, finalement, la société féodale de Dubaï – avec sa minorité de millionnaires (les nationaux), sa majorité de quasi-esclaves (les immigrés indiens, pakistanais, bangladais, etc.), et les expatriés occidentaux en adjuvants des premiers – représente l’idéal type de la société britannique, structurée entre l’élite des « méritants » (fortunés), la masse des « non-méritants » (responsables de leur pauvreté) et le groupe social éduqué dédié à l’encadrement. D’ailleurs, comment ne pas voir dans Dubaï le fantasme de la City, son rêve secret – le rêve d’un centre d’affaires à l’état pur, débarrassé des contraintes de la démocratie et de l’Etat social ?
On ne sait trop comment Dubaï – un pays qui par son histoire et sa culture diffère tant du Royaume-Uni – justifie idéologiquement son régime hiérarchique et inégalitaire, mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure les nombreux Occidentaux qui se rendent chaque année dans l’émirat (expatriés, voyageurs d’affaires, touristes, etc.), tant eux-mêmes sont déjà parfaitement accoutumés dans leur propre pays à un ordre hiérarchique et font preuve d’une tolérance remarquable (et stupéfiante à bien des égards) envers les inégalités sociales. Mais il faut dire que nous disposons chez nous d’un fétiche tout-puissant pour expliquer les différences de revenus, un concept magique capable de justifier à la fois la richesse et la pauvreté : le « mérite ». Grâce à lui en effet, s’opère cette transsubstantiation étonnante par laquelle le riche est recyclé en « méritant » et le pauvre en « non-méritant ».
Le grand problème des riches a toujours été de légitimer leur fortune – et de se légitimer eux-mêmes par la même occasion. Il y a bien eu une époque où la richesse était signe de l’élection divine, mais malheureusement entre-temps Dieu est mort. L’idéal serait que les riches et le reste de l’humanité n’appartiennent pas à la même espèce, car ainsi la différence sociale serait inscrite dans l’ordre de la nature. Dans son roman publié en 1895, The Time Machine, H. G. Wells imaginait que dans un futur très lointain l’humanité se séparait en deux types humains distincts, avec d’un côté la classe dominante engendrant les Elois, un peuple paisible et harmonieux, et, de l’autre, les classes prolétaires donnant naissance aux Morlocks, des êtres dégénérés vivant sous terre. Nous n’en sommes pas encore là, il est vrai, mais notons tout de même que, du point de vue physique, les riches et les pauvres se ressemblent de moins en moins : l’accès privilégié à une alimentation de qualité, à l’information diététique et médicale, à la chirurgie esthétique, réparatrice (greffes d’organe, prothèses de toute sorte, etc.) et bientôt bionique, à un environnement écologiquement sain, aux infrastructures sportives et de loisirs, etc., permet aux personnes fortunées d’entretenir au mieux leur organisme, de repousser leurs limites physiologiques et biologiques, et en définitive d’exhiber un corps différent de celui des hordes de Morlocks obèses et souffreteux qui hantent les bas-fonds urbains.
Du point de vue moral, l’idéologie du mérite apporte quant à elle une justification aux inégalités de revenu avec une économie de moyens (si l’on peut dire) exceptionnelle : le riche est riche parce qu’il le mérite (par son talent, ses qualités remarquables), le pauvre est pauvre parce qu’il ne mérite pas d’être riche (symétriquement : à cause de son manque de talent, de qualité remarquable). D’ailleurs, le mot « riche » lui-même tombe peu à peu en désuétude : celui qui l’emploie est immédiatement soupçonné d’être un odieux marxiste qui n’a rien compris à l’évolution de la société. On lui préfère le doux vocable de « talent », plaisante synecdoque par laquelle l’upper class a pris l’habitude de se désigner : à chaque fois par exemple qu’on évoque une hausse des impôts pour les haut revenus, quelle est la réaction outragée et unanime de tout ce que le pays compte de gros portefeuilles ? « Les talents vont fuir le pays. »
C’est ainsi que la porte-parole des l’Association des banquiers britanniques (British Bankers’ Association) commentait récemment l’une des mesures fiscales envisagées dans le pré-budget 2010 du gouvernement Brown (en l’occurrence, la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu – 60 % au-delà de 500 000 £ par an) : « Our concern has been and will remain around the competitiveness and attractiveness of the City, and whether tax moves or other action on remuneration or employment would be something that would chase talent out of the City, and whether it would discourage businesses and talent from locating here. » On remarquera en passant que la conjonction business-talent est particulièrement présente dans le discours d’autolégitimation des financiers, banquiers, traders, etc., à croire que le génie humain a déserté toutes les autres professions. D’ailleurs, tant qu’on y est, pourquoi ne pas créer – sur le modèle des « sans-emploi », des « sans-abri », des « sans-papiers », etc. – une catégorie spéciale pour désigner ces inadaptés sociaux d’un genre nouveau : les « sans-talent » ?
Cette insistance à mettre en avant son prétendu mérite par la classe dominante est bien sûr indispensable pour donner une apparence de raison aux inégalités sociales dans un système démocratique. Accumulation primitive, structure du capital, classe de loisir, reproduction sociale, etc., toutes ces choses-là sont bien ardues et bien désagréables pour des oreilles sensibles, surtout quand on a en réserve de beaux spécimens de self-made-man à présenter à l’opinion. De plus, le mérite, c’est une qualité personnelle beaucoup plus gratifiante à faire valoir que, par exemple, la cupidité, le cynisme ou l’absence de scrupules. En ce qui nous concerne, cependant, on préférerait quand même qu’on nous explicite les présupposés philosophiques, sociologiques, anthropologiques, etc., de cette filiation talent-richesse – et autrement qu’en pontifiant imperturbablement sur la « nature humaine ». Après tout, pourquoi le talent ne se suffit-il pas à lui-même ? Pourquoi faut-il le récompenser ? Et s’il faut le récompenser, pourquoi par de l’argent ? Et s’il faut le récompenser par de l’argent, pourquoi par des sommes dix fois, cent fois, mille fois supérieures au revenu commun ?
Le mérite est aujourd’hui ce qui fonde – au Royaume-Uni, en France et ailleurs – la légitimité des régimes d’apartheid social dans lesquelles nous vivons. L’idéal de justice en a été transformé : une société juste n’est plus une société où les besoins de tous sont satisfaits, mais une société où les mérites de chacun sont reconnus. Il en découle que la lutte collective pour la justice n’est plus une lutte pour que tous aient accès aux mêmes biens et services, mais une lutte pour que les mérites de chacun soient universellement reconnus et rémunérés comme tels, et peu importe alors que l’un n’ait (quasiment) rien et l’autre (presque) tout – ce qui rend problématique, on en conviendra, l’aspect « collectif » de ladite lutte. A tous les étages de la société, chacun en vient donc à défendre son petit bout de mérite contre ceux incapables de le reconnaître ou de le reconnaître à sa juste valeur (financière), c’est-à-dire finalement contre tout le monde – combat âpre, acharné, frustrant, surtout quand on a autour de soi tant d’exemples de réussites imméritées ! Il faut jour après jour prouver son talent, impitoyablement, prouver qu’il est supérieur à celui de son voisin, de son collègue, de son confrère, etc. –, la concurrence étant bien sûr le corrélat fonctionnel de l’idéologie du mérite.
Parfois, ainsi, on arrive à un revenu conséquent – ou même pas conséquent, d’ailleurs, juste à quelques encablures du Smic. Que faire, alors, avec cet argent péniblement gagné ? Partir en vacances, en voyage – à Dubaï par exemple, pour vivre quelques jours comme un millionnaire. You’re worth it ! Vous le valez bien ! Surtout maintenant que les prix sont cassés, avec la crise : 1000 £ la semaine, ce n’est pas si cher pour un hôtel quatre étoiles avec restaurants, piscines, spa, fitness center, etc. Pourquoi aurait-on mauvaise conscience de se faire servir par des domestiques philippins dont on a confisqué le passeport ? N’ont-ils pas la chance de travailler ? Ne font-ils pas vivre dix personnes à Manille avec leur salaire ? Ne sont-ils pas des privilégiés, eux aussi, n’ont-ils pas ce qu’ils méritent ?
120 réponses à “Dubaï et la City : considérations inopportunes sur la richesse et le mérite, par Emmanuel Quilgars”
Eh bien, justement, « talent » signifiait à l’origine « argent », « or », c.a.d., Monnaie de compte équivalent à un talent d’or ou d’argent, « talent » étant une mesure de poids grecque de 20 à 27 kg!
Talent>mérite est un usage métaphorique.
N’en déplaise aux quelques esprits chagrins qui n’arrivent pas à reconnaître un pur diamant parmi les viles pierres, je trouve ce texte de Emmanuel Quilgars absolument admirable d’analyse…et de simplicité.
J’ai commencé à le faire connaître autour de moi.
La fameuse « upper class » use et abuse des tête à queue sémantiques; les mots changent de sens et deviennent inopérants pour décrire et comprendre le monde. Pire, ils prennent rapidement une signification inverse à celle communément admise il y a encore peu de temps. La régression devient réforme, la fraude fiscale se mue en optimisation, les paradis fiscaux se déguisent en finance off-shore… Bonne année malgré tout.
Gilbert « gibus » Wiederkehr
Novlangue
http://fr.wikipedia.org/wiki/Novlangue
« La ferme des animaux » de Georges Orwell est aussi instructif que son fameux 1984.
@ Emmanuel Quilgars :
Votre billet est excellent.
Votre réflexion sur le mérite m’a fait songer au livre de Pierre Clastre « la société contre l’Etat » : L’Etre humain n’a pas toujours été cet homo economicus qui justifie son niveau de vie indécent par l’idéologie du mérite et l’oubli de la morale :
« Il n’y a rien, dans le fonctionnement économique d’une société primitive, d’une société sans État, rien qui permette l’introduction de la différence entre plus riches et plus pauvres, car personne n’y éprouve le désir baroque de faire, posséder, paraître plus que son voisin. La capacité, égale chez tous, de satisfaire les besoins matériels, et l’échange des biens et services, qui empêche constamment l’accumulation privée des biens, rendent tout simplement impossible l’éclosion d’un tel désir, désir de possession qui est en fait désir de pouvoir. La société primitive, première société d’abondance, ne laisse aucune place au désir de surabondance » (p. 174).
Il fallait que la politique et l’économie passent au rang de « sciences » pour justifier la surabondance que l’on octroie à certains au titre de leurs « mérites », mérites établis et reconnus par la science dite « économique » qui justifie la débauche de luxe à Dubai, au milieu du désert !
Combien de talents écrasés par l’obligation de se couler dans un moule ? Je continue à croire, persiste et signe, que seul le fait de briser le lien entre travail et salaire permettra de faire éclore les talents. Car le salaire, c’est pour celui qui se coule dans le moule. On ne reçoit de salaire que de la part d’une société qui existe déjà. Pour l’autre, celui qui a une idée originale non encore matérialisée, soit il baisse la tête et rentre dans le moule, soit il essaie de concrétiser son rêve, mais alors le danger est grand de se voir priver de ressources. La seule solution est le revenu inconditionnel d’existence. ce qui n’empêche pas, une fois l’activité ou la société créée, de percevoir d’autres revenus. Il n’est pas question d’imposer un revenu, mais d’assurer un revenu pour tout le monde. Le problème de notre société, est qu’il manque quelque chose pour « amorcer la pompe » de la création libre.
« Combien de talents écrasés par l’obligation de se couler dans un moule ? »
Beaucoup trop,
Pourquoi tant de grisaille de nos jours ?
Pourquoi les petits n’ont plus d’ailes aussi à force de se couler dans le moule ?
Par l’obligation progressive d’un plus grand conditionnel de vie les choses vont bientôt devenir infernales.
» Et l’on n’entendra plus chez toi les sons des joueurs de harpe, des musiciens, des joueurs de flûte et des joueurs de trompette, on ne trouvera plus chez toi aucun artisan d’un métier quelconque, on n’entendra plus chez toi le bruit de la meule »
Car quelle grande civilisation dans notre histoire est encore comparable à la notre si fière et si superbe ?
@auspitz georges et à tous ceux qui penseraient, à tort ou à juste titre, que je lis mal les commentaires de ce blog
En résumé:
je pense que trop souvent, on récompense des « mérites » inexistants, et je suis donc d’accord sur l’auteur du billet invité sur ce blog par Paul.
Je suggérais simplement des mesures pour « encadrer » ou « réguler » le monde réel dans lequel nous évoluons, plutôt que d’attendre un monde meilleur.
Je ne suis pas contre les utopies, m^me si, à mon âge, je crains de ne pas les vois se réaliser de mon vivant (même si, presque par définition, une utopie ne peut jampais se réaliser, au contraire d’un projet, aurait peut être dit PAul Jorion).
Je préfère les projets, que j’espère voir réalisés, de mon vivant ou du celui de mes enfants (en ayant 5, cela me motive 😉 )
D’où mes pistes de solution.
Mais je veux bien admettre que je lis vite, et sans doute trop vite, les nombreux commentaires, sur ce blog ou ailleurs.
Qu’il me soit donc pardonné mes éventuelles bévues – que j’espère de bonne foi – et mes inexactitudes et imprécisions.
Cordialement,
Bruno Lemaire.
faute avouée est toujours pardonnée;
En tout cas quelle charge contre l’Empire de sa Gracieuse Majesté, l’Empire Brutannique !
Tous les commentaires sont intéressants mais j’ai particulièrement apprécié celui de Joseph C. sur les gueux et celui de Jaycib à propos de Darwin et de la récupération tendancieuse de ses travaux.
Quand on voit que même l’attribution d’un prix Nobel nous laisse perplexe, mais vraiment vers quoi allons-nous nous tourner pour respirer un peu d’air pur ?
Des réflexions en provenance de gens de bonne volonté peuvent-elles avoir un réel impact ? Oui sans doute en leur accordant un temps suffisant,
mais entre-temps pourrons-nous repousser toutes les catastrophes qui nous guettent ?
La parution de ce blog en d’autres langues serait une excellente chose : mais quel travail !
Un handicap de plus pour permettre aux hommes de bonne volonté de s’unir.
Bon dimanche à tous.
L’écart entre les riches et les pauvres est aujourd’hui le même que sous l’ère Victorienne. En trente années, les gouvernements successifs Britanniques ont effacé un siècle de progrès social. Encore un petit peu et cela sera à nouveau l’heure féodale. Les bons sujets de sa gracieuse majesté (elle quémande une augmentation de sa liste civile) seront-ils en capacité de se soulever ? La révolution anglaise a-t-elle eu lieue ? Les « Nivellers » écrasés sous Cromwell portaient-ils un projet révolutionnaire ?
Le lien ci-dessous n’est pas très exaustif, mais il existe de nombreux livres sur le sujet.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Niveleurs
Pour la révolution en Angleterre, cela risque d’être fort difficile. C’est le pays au monde où il y a le plus grand nombre de caméra de vidéosurveillance, les lois liberticides en forte recrudescence et ne parlons pas des loi anti syndicales. Bonne chance à eux.
Toutes choses égales par ailleurs, les constructions de Dubaï sont assez extraordinaires
http://www.lefigaro.fr/photos/2009/08/05/01013-20090805DIMWWW00228-burj-dubai-la-plus-haute-tour-du-monde-en-images.php
Dubaï est un cas typique et ce n’est pas la première fois que la mondialisation entraîne des effets pervers pour un pays. On peut ainsi se souvenir d’un empire au 19ème siècle « où le soleil ne se couchait jamais »… Des bateaux amenaient des matières premières (minerais..) des pays « sous –développés » qui étaient transformées dans les usines des pays « développés » en produits, qui servaient à construire des chemins de fer, ponts, autoroutes … Les populations étaient exploitées, non seulement dans les pays « sous-développés » (mines, agriculture..) mais aussi dans les pays « développés » (mines de charbon, usines…).Toute la richesse ne profitait qu’à une élite… On ne peut pourtant pas dire qu’elle était plus méritante ou talentueuse…
De même, à notre époque, ce qui est demandé pour obtenir des postes à responsabilités bien payés, ce ne sont pas tellement des talents ou des mérites, mais plutôt un bon carnet d’adresses et la capacité de servir le « système »….
Et que dire des partis (Labor…) qui ont combattu les excès et les abus des classes dominantes au début du 20ième siècle, alors que depuis 20 ans, ils participent à la mise en place d’un système qui renforce les inégalités et les injustices….
Bien résumé… j’ajouterais qu’un jour où l’autre on dira même que le mérite est génétique !
1- Je ne voudrais pas m’acharner sur les « papysquicoûtentjusqu’à 100ans » , mais pourquoi ne pas évoquer , outre Dubaï et nos ennemis héréditaires, les français qui vont « optimiser » leur retraite ( ou tout bêtement leurs revenus) au Maroc ou ailleurs ?
2- Peut on mettre la notion de » mérite » , sauf à déterminer le » bon » et le » mauvai » comme le cholestérol , en pâture unique ?
Si l’on admet que l’équilibre social passe par une pondération acceptée par tous , des éléments de l’équation :
Equilibre = (a) à chacun part égale +(b) à chacun selon ses » mérites » + (c) à chacun selon ses besoins ,
ne faut il pas parler ensemble d’égalité , de mérite et de besoins ?
Reste à savoir si on est d’accord sur la composition de l’équation , et si (a)+(b)+(c)=1
Comme il est beau ce texte, comme il est fondateur….
NON, NON et encore NON.
Ce texte comporte en son sein les germes de dictatures pires encore que celles qu’il entend dénoncer.
Refuser de fonder (au moins partiellement) la démocratie sur le mérite c’est la tuer et je ne me sens pas pour cet aspect de notre société une âme d’assassin.
« Le grand problème des riches a toujours été de légitimer leur fortune – et de se légitimer eux-mêmes par la même occasion. »
FAUX : Les riches ne se préoccupent pas de légitimer leur fortune. Les riches sont riches et font tout ce qui est possible pour le rester, se justifier c’est déjà perdre pied.
» Il y a bien eu une époque où la richesse était signe de l’élection divine, mais malheureusement entre-temps Dieu est mort. »
FAUX : Dieu n’est moribond qu’en Occident. La foi islamique, entr’autre, se porte très bien partout dans le monde, à Dubaï aussi.
PETITION de PRINCIPE :
« Du point de vue moral, l’idéologie du mérite apporte quant à elle une justification aux inégalités de revenu avec une économie de moyens (si l’on peut dire) exceptionnelle : le riche est riche parce qu’il le mérite (par son talent, ses qualités remarquables), le pauvre est pauvre parce qu’il ne mérite pas d’être riche (symétriquement : à cause de son manque de talent, de qualité remarquable). D’ailleurs, le mot « riche » lui-même tombe peu à peu en désuétude : celui qui l’emploie est immédiatement soupçonné d’être un odieux marxiste qui n’a rien compris à l’évolution de la société. On lui préfère le doux vocable de « talent « .
Manuel Resende dit :
3 janvier 2010 à 13:34
Eh bien, justement, « talent » signifiait à l’origine « argent », « or », c.a.d., Monnaie de compte équivalent à un talent d’or ou d’argent, « talent » étant une mesure de poids grecque de 20 à 27 kg!
Talent>mérite est un usage métaphorique.
* * *
« Le mérite est aujourd’hui ce qui fonde – au Royaume-Uni, en France et ailleurs – la légitimité des régimes d’apartheid social dans lesquelles nous vivons. L’idéal de justice en a été transformé : une société juste n’est plus une société où les besoins de tous sont satisfaits, mais une société où les mérites de chacun sont reconnus.
INTELLECTUELLEMENT MALHONNETE :
Les besoins de tous ne sont pas les mêmes, commençons par limiter ces besoins aux besoins de la survie dans la dignité.
Il est heureux que les mérites divers et différents des uns et des autres puissent être reconnus, ne pas en tenir compte c’est tout simplement nier la diversité, entrainer à un conformisme social pire encore que celui ambiant. C’est la porte ouverte aux totalitarismes les plus odieux.
« Entendons-nous sur l’égalité; car, si la liberté est le sommet, l’égalité est la base. L’égalité, citoyens, ce n’est pas toute la végétation à niveau, une société de grands brins d’herbe et de petits chênes; un voisinage de jalousies s’entre-châtrant; c’est, civilement, toutes les aptitudes ayant la même ouverture; politiquement, tous les votes ayant le même poids; religieusement, toutes les consciences ayant le même droit. Victor Hugo. Les misérables V.
« la lutte collective pour la justice n’est plus une lutte pour que tous aient accès aux mêmes biens et services, mais une lutte pour que les mérites de chacun soient universellement reconnus et rémunérés comme tels »
D’abord cela a t’il jamais été formulé comme tel ?{ En plus le côté présompteux de l’universalité (pire que la mondialisation
déjà repoussante par tant d’aspects)}.
Ensuite si l’on doit s’accorder pour pour que chacun ait accès aux services de base, cad la survie dans la dignité , le surplus c’est le mérite, le talent, l’effort qui doivent y conduire. Toujours je refuserai la négation d’un individualisme raisonnable qui s’appelle personnalité.
Je vous renvoie un peu plus haut.
http://www.pauljorion.com/blog/?p=6388#comment-47535
@Eomenos :
« Refuser de fonder (au moins partiellement) la démocratie sur le mérite c’est la tuer et je ne me sens pas pour cet aspect de notre société une âme d’assassin. »
Vous confondez l’idéologie du mérite (diplômes reconnus par le législateur) et compétences.
Exemple : Lorsqu’un PDG d’un groupe du CAC40 se voit rétribuer en millions d’euros pour appliquer une théorie libérale dite « scientifique » (délocalisation des moyens de productions de l’entreprise pour in fine perdre ses compétences, les célèbres SARL sans usine) on le paye au mérite pour l’application de cette théorie financière, il a été formé pour ça, comme ses pairs . Puis comme c’est toujours à la fin de la foire que l’on compte les bouses on se rends compte que l’entreprise ne vaut plus rien : On a payé très cher un PDG du CAC40 parce que la théorie économique l’exigeait, son mérite a été calculé scientifiquement en argent sonnant et trébuchant, sa compétence par contre était nulle, les dégâts qu’il a créé sont aussi dommageable pour la démocratie puisque mérite et compétence ne sont pas synonyme.
Je ne sais pas s’il est opportun de vous décorer tout de suite de l’ordre du mérite ? Vous savez, les internautes sont difficiles ici.
Si vous voulez tous bien relire la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (ou le prémbule à notre constitution), vous verrez que nos anciens avaient déjà bien repéré et mis ensemble toutes les notions de besoins et de mérite . Quant à l’égalité ,et c’est l’immense « talent ou mérite » de ce texte merveilleux , elle était PROCLAMEE en droits ET en devoirs .
Trop de pseudo-citoyens n’ont retenu que les droits en oubliant qu’ils étaient soumis à devoir .
De ce point de vue Etienne Chouard a raison de rappeler que la règle du jeu c’est la constitution . Je me distingue de lui sur la façon de la réécrire de façon plus explicite . Il y faudra sans doute s’exprimer sur la place refusée au marché , sur la place de la cité dans la nature , sur la limte toujours constestée entre liberté individuelle et Loi collective ( encore que sur ce dernier point , la formulation « ma liberté s’arrçte là où commence celle de(s) l’autre(s) », garde toute sa pertinence aux applications numériques près) . Ce qui me rassure , c’est que ce sont typiquement les thèmes mis en exergue par ce qu’il est convenu d’appeler » la crise » .
@ Bertrand,
Il n’y a pas de compétences sans mérite, le moindre étant de les avoirs acquises.
Quand à les mettre en oeuvre ne jamais oublier que « science sans conscience n’est que ruine (de l’âme ou de l’homme comme vous voudrez car intrinsèquement c’est du pareil au même).
Contrairement à ce que l’on veut aujourd’hui faire entendre, le mérite n’est pas la récompense de la soumission.
Le mérite n’est pas une récompense mais l’attitude qui est susceptible de l’engendrer. Le mérite n’existe pas sans l’effort et/ou le talent. Et en aucun cas le mérite ne saurait être assimilé à la chance.
« Dieu est mort ». Comment ? Nous l’avons domestiqué.
Et la croyance que nous nous sommes trouvée en remplacement, nous essayons aujourd’hui de la domestiquer. Mais c’est dans sa nature d’être indomptable : elle ne vit que par les inégalités et la surconsommation-destruction de notre environnement. La domestiquer c’est la tuer. Pourquoi, donc, perdre notre temps à essayer de la domestiquer alors qu’il serait si simple et beaucoup plus rapide de s’en débarrasser…de la remplacer ? Nous avons tous dans notre coeur le dégoût de ce système : il est chez nous occidentaux plus enfoui simplement parce que nous subissons cette croyance depuis plus longtemps. Prenons la peine d’écouter notre coeur, d’écouter ces « philippins » du monde entier. Observons comment nous nous considérons, comment nous considérons nos semblables et les autres espèces vivantes !!! Nous avons tous nos propres esclaves, nos colonies, nos pays sous-développés que nous maintenons en l’état pour maintenir notre niveau de vie (parce que nous le méritons ?), nos élevages intensifs de viande de merde nourrie avec de la merde, etc. : notre attitude vis à vis du vivant, de notre environnement montre simplement la déshumanisation vers laquelle nous a tirés ce nouveau Dieu.
Et vous voudriez lui laisser une chance de se racheter ?
Paul a soulevé des questions, que ne nous y attardons pas ? :
» Et si nous nous réveillons un matin dans un monde sans argent ? »
» Et si l’on reprenait la question dans l’autre sens ? En partant plutôt du fait qu’il faudrait que les gens soient heureux. Et en déduisant tout le reste à partir de là : le travail, l’argent, etc. Juste pour voir ! »
» Il n’y est lui [l’argent] pour rien, c’est notre système de société qui est à revoir. »
Allez, au travail, vils croyants 🙂 !
Excellente contribution. On peut penser que le substrat protestant des pays anglo-saxons explique en partie cette appétence pour le néolibéralisme et ses dogmes comme le fait remarquer lucky. En dehors de ça, c’est un billet très clair et une analyse à la fois simple et juste qui oriente le débat vers la philosophie politique.
Sur le mérité individuel comme justification des inégalités sociales, voir
+ « «Bonus et primes : le (résistible) chantage des « compétents » de Frédéric Lordon sur son blog du Monde diplomatique
+ et http://www.inegalites.fr/spip.php?article251
Excellent billet. Bravo !
C’est aussi ce que l’on dit aux enfants en France : de bien travailler à l’école, de faire les classes préparatoires, puis de réussir le concours d’une grande école (pour faire partie de l’élite) et obtenir un job bien payé et intéressant. Tout ceci grâce à leur mérite. Les autres, eux, ne méritent que du mépris. Beaucoup y croient et deviennent de bons serviteurs du système quitte à y sacrifier leur vie. Qu’ importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse ! Qui mérite de passer à côté de sa vie ?
Je devine que si vous avez eu des enfants vous ne les avez pas encouragés à travailler correctement à l’école, les avez encouragés à se déscolariser dès que possible et à aller vivre leur bohême comme il l’entendaient, car ceci est évidemment le meilleur moyen d’en faire des individus responsables (au moins d’eux mêmes) et épanouis.
« à travailler correctement à l’école » oui mais pour l’épanouissement personnel, pas pour servir certains et un système injuste, dans un but d’émancipation par l’instruction. Le débouché professionnel vient alors naturellement. Mais vous travestissez mes propos car vous adhérez sans doute à cet élistisme stupide qui fait passer la réussite avant la réussite de sa vie ou vous pensez au si on a l’une on aura automatiquement l’autre.
Sur le site du Figaro, j’ai relevé ce commentaire d’un internanute anonyme (encore un anonyme !) à propos de l’inauguration de la tour Burj Dubaï :
Historiquement, on relève une CORRELATION (lien) très nette entre l’inauguration des gratte-ciels « les plus hauts du monde » et les plus graves crises économiques des 100 dernières années. La raison en est bien simple. Leur construction est souvent décidée au top d’une bulle spéculative, et – après 2 à 4 ans de construction – leur inauguration a souvent lieu en pleine crise.
A titre d’exemple, l’Empire State Building fut inauguré le 1er mai 1931 au début de la Grande Dépression des années Trente (avec 2 autres gratte-ciels de New York). Il conserva le titre de plus haut building du monde à travers les Trente Glorieuses d’après-guerre, jusqu’à la crise de 1973.
Le World Trade Center fut inauguré en Avril 1973, juste six mois avant le premier choc pétrolier (déclenché par l’offensive égyptienne et syrienne contre Israël en Octobre 1973).
Le titre lui fut ravi peu après en 1974 par la Sears Tower de Chicago, qui conserva le titre jusqu’en 2004, année de l?inauguration de la tour Taipei à Taiwan (une exception notable, car il n’y avait pas de crise cette année-là). Par contre l?inauguration en 1998 à Kuala Lumpur en Malaisie des Tours Pétronas eut bien lieu en pleine crise asiatique. Enfin, le titre fut acquis par Burj Dubaï en Novembre 2009, c’est-à-dire quelques semaines après la déroute financière de Dubaï.
On attrape pas le monde avec du vinaigre il faut pour cela des gens bien formatés, diplômés, qualifiés, précieux, beaucoup de divertissement aussi, construire de plus grandes tours içi ou là comme Babel autrefois ou dans l’antiquité avec la Grèce, seule vision possible du réel, du progrès, de l’autre, de l’homme, de la société, de l’histoire, la leur …
On a cru mieux faire aussi en rasant hier et en mettant partout en place des démocraties comme on voit mieux ce que cela donne ensuite, pitoyable monde moderne et qui se vante encore aujourd’hui d’avoir mieux fait et pensé, décidément ce monde court tout droit à la catastrophe avec je ne sais quelle autre calamité de plus, orgueil de l’homme oblige vouloir aller jusqu’au bout.
Oui Dieu est peut-être mort pour beaucoup de modernes, mais ce monde est devenu aussi complétement fou et insensé comme il ne durera pas non plus éternellement.
Mais pourquoi donc l’homme moderne éprouve-t-il de plus en plus la peur de mourir à tout cela ?
Ce que dit Juan, ou d’autres, sur la difficile équation:
mérite+besoin+égalité est évidemment fondamental.
La « résolution » de cette équation se complique du fait qu’en dehors de l’égalité (simple à définir, impossible à appliquer), le mérite comme les besoins sont fort difficiles à évaluer et/ou à mesurer objectivement.
C’est justement à la société ou communauté considérée de définir ce qui est acceptable globalement pour la part qui revient au mérite, pour la part qui revient aux besoins, et pour la part simplement « égalitaire »
Par ailleurs, j’ai lu quelque part que certains s’élèvent contre LA théorie économique parce qu’elle calcule la juste part qui devrait revenir aux dirigeants du CAC 40, « juste part » qui est évidemment scandaleuse, en particulier lorsque les entreprises concernées sont en déficit.
Je tiens à rassurer ce critique, ou, au contraire, à l’ennuyer encore plus. Il n’y a pas de théorie économique – il peut y en avoir plusieurs, hélas – car il n’y a pas de science économique. La plupart des rémunérations des hauts dirigeants n’ont rien à voir avec un quelconque « mérite économique », car il n’existe pas vraiment un « marché » pour ces dirigeants, tout au plus un réseau de connivences et d’accointances.
Il en va tout différemment pour les dirigeants de petites et de moyennes entreprises, ainsi que pour les simples artisans, bien sûr.
Donc, si vous lisez quelque part sous la plume d’un « économiste » que les 7 ou 8 millions d’indemnité de tel ou tel PDG sont méritées, vous pouvez éventuellement, de rage ou de courroux, brûler (virtuellement, of course) cet « expert », mais n’en déduisez pas que c’est LA théorie économique qu’il faut jeter: la science économique reste à construire , comme sans doute la plupart des sciences dites « humaines ».
Cordialement,
Bruno Lemaire.
Rien à ajouter. Si en plus vous êtes économiste, j’ai presque envie de pleurer de joie. 🙂
Rien de nouveau sous le soleil de l’ordure. Relisez Zola…
Rien non plus a part l’acceptation crasse du système de domination des hommes par les hommes.
Il faut peut-être dire que sociologiquement, ce blog doit attirer bon nombre de « cadres » dont la fonction première est de mettre en place la domination des riches et de la faire respecter. Chacun a les larbins qu’il peut.
Alors, leur expliquer que ce qu’ils font c’est du cynisme, de la cupidité, etc… La fréquentation de ce blog va baisser c’est sur. Pas touche!
Les réfractaires à la remise en question de la notion de mérite sont sans doute ceux qui considèrent qu’ils en ont fait preuve, notamment dans leur vie professionnelle, mais pourquoi pas en dehors également. Il n’y aurait rien de surprenant là dedans. Il s’agirait en fait ni plus ni moins que d’un cas typique de dissonance cognitive, si je ne m’abuse.
On pourrait même envisager – selon cette théorie – que les plus réfractaires soient ceux qui estiment avoir consenti le plus d’efforts pour adhérer à ce concept. En l’occurrence ce qui se sont le plus attachés à être méritant – ce qui est quasiment un raisonnement circulaire dans la mesure où, comme je l’évoquais précédemment, la notion de mérite confine en soi à celle de sacrifice: On consent des efforts – on se sacrifie donc – pour devenir méritant, autrement dit pour apparaître aux yeux de la société comme sacrifié. Cette apparence étant ensuite « rétribuée » par l’obtention d’un certain statut social, avec les avantages – plus ou moins concrets – qui en découlent: Salaire, reconnaissance, etc.
La remise en cause de l’idée même du mérite peut être insoutenable également comme vous le suggérez, parce que sa conséquence directe supposée soit la remise en cause des privilèges (*) qui l’accompagnent.
Pour remédier à cela, une suggestion: Relire ou revoir « Fight CLub », une fois de plus.
(*) La notion de privilège est très française, car intimement liée à notre histoire révolutionnaire. C’est un motif d’incompréhension majeur avec la société anglo-saxonne notamment. On peut y voir une explication (peut-être pas la seule, ni même la meilleure) au fait que la réussite soit estimée de manière globalement positive aux États-Unis, tandis qu’elle soit souvent la source de suspicions en France. Il subsiste toujours chez nous ce doute que les avantages acquis ne soient pas le fruit du mérite de l’individu, mais de quelque manœuvre moins glorieuse. Or quand interroge le fondement même du mérite, on suspend la seule justification admise de tels avantages.
Hello Dissonance. Nous parlons à tout le monde ici, y compris à des gens qui viennent tenter de savoir ou placer leurs investissements. L’aspect social, lutte des classes, etc… doit leur échapper un peu. La pertinence des analyses concernant le mérite est liée à la position de ceux qui l’expriment. En clair, ce ne sont pas les zélateurs d’un système qui vont le dénoncer. Autre exemple de ce type, ce ne sont pas les séides des anglo-saxons qui vont vanter la volonté d’indépendance Française. Etc…
à Roland
..pas le temps de lire tout …
donc mais si depuis Zola, il y a internet, le portable ….
bref plein d’inventions qui accélèrent …. qui catalysent ….
donc …….
Donc?
Le système d’exploitation de l’homme par l’homme s’est modernisé, a supprimé les niches de liberté (petits boulots, travail au noir), a obligé même le smicard a avoir un compte en banque, des assurances, etc…
Des inventions qui accélèrent quoi? La circulation de l’information, a l’usage des privilégiés. Les autres ont juste gagné des aliénations en plus (au fait vous oubliez la sacro-sainte bagnole dans votre énoncé technologique). Cécile, je ne vois pas ce que vous voulez dire. Développez votre pensée, nous ne pouvons pas la deviner.
Je suis beaucoup intervenu sur ce texte car il est des valeurs auxquelles je tiens et que pied à pied, pouce par pouce je défendrai.
D’abord un constat :
La majorité des intervenants est élogieuse pour le texte qui entre autre chose, dénonce la récupération de la notion de mérite pour la transformer en outil d’oppression populaire et de régression sociale. En d’autres termes le titre d’un livre (le mérite contre la justice) très en vogue dont on aurait pu espérer que M. Quilgars renseigne les coordonnées (Marie Duru-Bellat, Paris, Presses de sciences Po, collection nouveaux débats, septembre 2009). Mme Duru est prof de sociologie à Sciences Po et chercheur à l’observatoire sociologique du changement.
Ce livre s’inscrit dans une mouvance comparable à celle de la critique par les intermittants du spectacle de l’intervention du Professeur Alain Renaut (Titulaire de la chaire de philosophie politique et éthique à la Sorbonne) fin 2008 et qui traitait de l’égalité des chances.
Une critique qui tapait fort dès le début, extraits :
» Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des chances, données à tous les français de prouver leur aptitude à servir. Seuls le travail et le talent redeviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n’atteindra un français du fait de ses origines sociales, à la seule condition qu’il s’intègre dans la France nouvelle et qu’il lui apporte un concours sans réserve. »
Philippe Pétain, message au peuple francais du 11 octobre 1940.
Le thème de la critique étant à la grosse louche (l’égalité vaut mieux que l’égalité des chances qui une notion restreinte et biaisée de l’égalité). Voir l’intégralité dans « Le sabot N°4 » Rennes -Mars 2009.
Quoiqu’il en soit et pour revenir la thèse de mérite contre justice dans le texte publié sur le blog de PJ, il eut été préférable de traiter du mérite et ses limites…
C’est ce qu’à fait Yves MICHAUD (Philosophe, directeur de l’Université de tous les Savoirs (UTLS) en publiant en août 2009
son livre intitulé « qu’est-ce que le mérite » Bourin editeur.
Plus ancien mais tout aussi intéressant « Le mérite et la République- Essai sur la société des Emules » de Olivier Ihl, Directeur de l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, paru chez Gallimard en octobre 2007.
Voici donc pour ceux qui veulent faire l’effort, du grain à moudre en matière de réflexion.
Selon moi, pour faire bref la thèse de l’apartheid social est choquant et malsain parce qu’excessif, le « mérite » d’un individu
présente deux aspects personnels, l’un est le fait de l’individu, c’est la somme de ses efforts, de son talent; l’autre tout aussi personnel est le fait de la société, de son milieu.
C’est la raison pour laquelle le bénéfice de l’activité d’un individu ne saurait lui-être intégralement attribué, il y aura nécessairement une part pour la collectivité.
Raisonnement (de droite) intéressant, mais qui ignore l’éthologie humaine. Ce qui caractérise la dominance sociale, par rapport à la dominance naturelle, c’est justement le fait le fait que le mérite n’intervient pratiquement plus dans le choix de ses dominants. Et la multiplicité des exemples est telle que je vais m’abstenir d’en ébaucher une liste.
« le « mérite » d’un individu présente deux aspects personnels, l’un est le fait de l’individu, c’est la somme de ses efforts, de son talent; l’autre tout aussi personnel est le fait de la société, de son milieu. »
Quelle est réellement la part du mérite individuel?
A-t’on déjà vu un homme abandonné tout bébé dans les bois qui se serait forgé tout seul une éducation? Si ce n’est pas le cas, c’est que tout mérite personnel est déjà socialisé. A partir de là, comment détermine-t-on ce qui est l’apport de la société et ce qui est l’apport personnel (lui-même déjà une conséquence de la socialisation)?
Merci pour toutes ces références intéressantes – qui m’étaient jusqu’à ce jour totalement inconnues.
Du reste, pour comprendre la Grande-Bretagne d’aujourd’hui (pour se restreindre à ce seul pays), on pourrait tout aussi bien se limiter aux classiques des grands auteurs anglais : l’ouvrage de Wells déjà cité, mais aussi bien sûr les textes de Huxley et d’Orwell – par exemple, le Orwell de « Dans la dèche à Paris et à Londres », où il narre ses pérégrinations de vagabond dans ces deux villes au début des années 30. J’aime bien la conclusion du livre :
« Je tiens toutefois à souligner deux ou trois choses que m’a définitivement enseignées mon expérience de la pauvreté. Jamais plus je ne considérerai tous les chemineaux comme des vauriens et des poivrots, jamais plus je ne m’attendrai à ce qu’un mendiant me témoigne sa gratitude lorsque je lui aurai glissé une pièce, jamais plus je ne m’étonnerai que les chômeurs manquent d’énergie. Jamais plus je ne verserai la moindre obole à l’Armée du Salut, ni ne mettrai mes habits en gage, ni ne refuserai un prospectus qu’on me tend, ni ne m’attablerai en salivant par avance dans un grand restaurant. Ceci pour commencer. »
@Heomenos. Vous dites : » le « mérite » d’un individ présente deux aspects personnels, l’un est le fait de l’individu, c’est la somme de ses efforts, de son talent; l’autre tout aussi personnel est le fait de la société, de son milieu.
C’est la raison pour laquelle le bénéfice de l’activité d’un individu ne saurait lui-être intégralement attribué, il y aura nécessairement une part pour la collectivité »
Prenez le cas de Bill Gates.
Tout jeune, sur une planche installée dans le garage de la maison de ses parents, il construit, avec quelques copains, un ordinateur = son propre travail + celui de ses copains + celui de ses parents (éducation, achat d’une maison, du matériel…) + travail d’un nombre indéterminé de scientiques et de techniciens, connus et inconnus, en vie et morts (il y a peu et il y a (très) longtemps).
Ensuite, il ouvre sa boite pour construire ses ordinateurs (et tous les équipements qui les accompagnent), les commercialiser, les améliorer etc… et ce, jusqu’à aujourdhui = AU SEIN DE LA BOITE, son propre travail + le travail de ses collaborateurs les plus proches (informaticiens, commerciaux …) + le travail des ouvriers (sans lesquels Gates n’aurait pas son ordinateur) + le travail d’un grand nombre d’autres personnes (réparateur de l’ordinateur de Gates, sans lequel il ne pourrait pas travailler) , secrétaires, cuisiniers (sans lesquels Gates serait contraint à ingurgiter de la mal-bouffe), nettoyeuses (sans lesquelles Gates travaillerait dans un bureau crasseux) etc… et… +, EN DEHORS DE LA BOITE, travail des utilisateurs de ses produits qui, par leurs conseils ou leurs plaintes, permettent de les améliorer + travail de ses concurrents + encore en fois, travail d’un nombre indéterminé de scientiques et de techniciens, connus et inconnus, en vie et morts (il y a peu et il y a (très) longtemps).
Et au bout du compte ?? Gates se retrouve à la tête de la plus grande (ou d’une des plus grandes) fortune du monde! Vous seriez très fort si vous pouviez « calculer » la part de cette fortune qui revient au travail, mérite, talent … PERSONNELS de Gates ET de ses parents (de son milieu, comme vous dites ?)… et si vous le pouviez, elle serait modeste (pour ne pas dire moins).
Un ouvrier anglais, vers 1850, a donné une magnifique définition de « capital » = du travail accumulé. On pourrait gloser, interminablement : du travail accumulé par des générations et des génétations d’hommes et de femmes, vivantes et mortes, connus et anonymes, talentueux et pas, riches et pauvres …. ce qui fait qu’un capital est toujours un capital SOCIAL dont les « fruits » devraient être équitablement répartis (le mieux, de 1 à 20) entre tous les travailleurs ayant contribué à sa formation. Et à la fin, quand ce capital est vendu, le prix de cette vente devrait revenir à la collectivité entière.
@ Betov,
Où dans mes interventions avez vous été pêché que je reléguaisla notion de mérite aux orties ?
Quand à distinguer aujourd’hui sur cette seule base droite et gauche politique, je vous souhaite bien du plaisir.
Je me demande parfois si je parle français… 🙁
@ Eomenos
C’est plutôt le degré zéro du grain à moudre… qui d’ailleurs repompe souvent allègrement sans le dire et sans la hauteur de vue ni la précision de l’analyse (coupage de cheveux non pas en quatre mais en huit sur cette question brulante aux US) la référence qui suit:
LA référence au XXe siècle sur la question:
L’immense débat qui opposa Nozick à Rawls sur la question de la possession des talents et de ses implications, dont on trouve un résumé dans un excellent ouvrage de Von Parijs, maint fois recommandé sur ce blog. Résumé qui ne dispense pas d’aller faire un tour dans les articles/ouvrages concernés.
Au passage, un des tours de force majeurs de la pensée de Rawls est d’avoir réussi à refonder une conception politique de la justice en s’abstenant exprès de mobiliser l’idée de « mérite » en la remplaçant par celle « d’attentes légitimes », ce qui implique bien sûr de préciser le/les critère d’appréciation de cette légitimité, et qui, in fine, aboutit chez lui à l’idée de « partage social de la responsabilité ».
Vous trouverez surement sur le web des références/articles/éléments du débat plus précis.
« L’égalité des chances » ca ne veut rien dire: il y en a n versions, de la « brute luck view » à des versions plus sophistiquées comme celles de Rawls, toutes chargées d’implications concrètes distinctes (particulièrement saillante pour les personnes atteintes d’un handicap).
Pour une autre manière d’envisager le problème de l’articulation « mérite »/ »justice », je vous conseille de preter attention à « Spheres de Justice » de Walzer, et à la théorie des échanges bloqués en général.
Enfin, le fait de critiquer l’opinion d’un autre en mettant une variante de ses propos dans la bouche d’une personne dont l’image est négative (Pétain) est la marque d’un manque de respect total à l’égard des lecteurs. C’est de la manipulation pure et simple (on joue sur l’affectif qui ne devrait pas être mobilisé de cette façon dans une discussion argumentée). Ce blog, je crois, rejette l’argument d’autorité, et il rejette également son contraire.
Revenons sur mérite et richesse , en remarquant que ces deux mots peuvent renvoyer à des notions basiques , très « terre à terre » qu’à des notions qui sont de l’ordre de la morale ( ils ont » valeur » en commun qui est déjà un mot étrange et à plusieurs têtes come l’hydre de Lerne ).
D’un côté il y a un individu ( ou un groupe) qui manisfeste un effort , un travail , une exigence , pourquoi pas une pratique morale ou de devoir , qui produisent des choses , ou des concepts .
De l’autre un réservoir à richesses qui peuvent être matérielles ou pas .
Le « mérite » tel que je le conçois est en fait la mesure de la « récompense » qui sera accordée à l’individu ou au groupe pour sa » prestation » . Cette récompense est puisée dans le réservoir à richesse .
Les bons points à élucider me semblent alors être :
– qui mesure ? avec quelles unités ?
– en quoi les richesses accumulées ou créées font elles sens commun ( pas si « commun » que ça donc , en fait)
– en quoi les efforts et prestations de l’individu ou du groupe font ils sens ?
Nos aînés révolutionnaires avaient écrit que la balance était » l’utilité sociale » . L’utilité sociale » mérite » peut être d’être réinventée . C’est la vocation du débat politique .
Pourvu qu’on lui donne du … sens et que les votes soient l’occasion d’enrichir la balance , plutôt que de s’étriper sur ce qu’il y a dans chacun des deux plateaux .
Alors les paysans , la classe ouvrière , les ingénieurs , les enseignants , les chercheurs , les vrais artistes retrouveront le sentiment que leur travail n’est pas méprisé par les tenants des gains en bourse , du casino monètaire ou spéculatif , ou des amuseus publics sportifs ou pas .
La balance doit être corrigée sinon changée .
Sur la méritocratie et les moyens de l’utiliser, ou de la combattre.
Bonjour,
les divers commentateurs auxquels je veux m’adresser sont tellement nombreux, et d’opinions tellement différentes (même si l’anti « méritocratie » me semble nettement dominante) que je vais juste formuler un commentaire d’ordre général, en espérant quelque indulgence si je dois en choquer certains.
D’abord, une lapalissade: nous sommes tous bourrés d’a-priori, d’idéologie plus ou moins consciente, moi le premier bien sûr, et la grande difficulté est de s’efforcer d’échanger des points de vue en séparant ce qui est « partial » de ce qui est un peu plus objectif.
C’est pour cela que, quand j’y pense – pas assez souvent, certes – j’essaye de partir des faits, lorsqu’ils sont plus ou moins indiscutables.
Le premier fait, c’est que l’on fait très souvent appel au mérite pour expliquer- je ne dis pas encore « justifier » – telle ou telle situation ou « inégalité » de revenu et de situation: je n’ai pas besoin de me creuser la tête pour trouver des exemples archi-connus,tels Bouton, Madoff, Woods, Zidane, Jobs, Gates, Dell.
Le deuxième fait, c’est qu’il n’existe – à ma connaissance – aucun étalon « objectif », « scientifique », pour évaluer le mérite.
Comment faire alors ?
Certains vont évaluer « ex post » ce mérite par la réussite financière (c’est donc tautologique). D’autres vont nier ce mérite (ce n’est pas davantage scientifique) en l’attribuant à la chance, ou à la naissance dans un milieu privilégié, ou …
D’autres enfin, c’est assez souvent le cas en France, vont assimiler le « mérite » aux diplômes que possèdent les différents « méritants ».
La seule position raisonnable, me semble t-il, est donc de considérer que si le « mérite » existe – ce que je crois personnellement – il faut faire en sorte que , dans une société qui se veut plus juste et plus humaine que la société dans laquelle nous vivons actuellement, ce mérite subjectif ne soit pas la seule « clé de répartition » de la richesse nationale , sachant, comme l’ont dit certains, que la richesse nationale est grandement due à des générations passées dont les générations actuelles ne peuvent tirer aucun « mérite », subjectif ou objectif.
Même si je me vante parfois d’avoir eu comme grand grand oncle le grand mathématicien Henri Poincaré, je n’en ai aucun « mérite ». Si j’étais l’arrière petit fils d’un Rockfeller, je n’en aurais non plus aucun « mérite ».
En fait, comme l’a écrit un peu différemment Paul Jorion, le problème central de toute société, en plus de positionner aussi finement que possible le curseur entre individualisme et collectivité, entre marché et état (que l’on soit libéral de droite ou libéral de gauche changera sans doute un peu la position du curseur, mais le choix doit cependant être fait), et enfin, et peut être surtout, entre revenus « du mérite », revenus « égalitaires » et revenus « besoins de base ».
Je ne vais pas ressortir pour la nième fois mon projet d’un Revenu Minimum de Dignité, mais je voudrais, pour conclure, rappeler que la répartition de la richesse nationale – du « gâteau national » – dépend partiellement de ceux qui décident de la production de ce gâteau, partiellement aussi de ceux qui produisent ce gâteau, et enfin de ceux qui consomment, ou ont envie, de consommer ce gâteau.
Séparer complètement, comme le suggèrent peut être certains , la question du niveau et de la composition du gâteau national de la question de la répartition est sûrement erroné. Mais, de même, laisser au marché et au seul « mérite » le soin de décider de la répartition du gâteau, voire de sa composition, est au moins aussi fallacieux.
Bien cordialement, Bruno Lemaire
Une première façon d’étalonner la balance( mais je redouterais qu’on se contente de corriger la balance sans dire » à quoi » elle sert ) c’est de définir les bornes extrèmes de façon absolue ou relative ( rapport maximal entre revenu minimal lié au mérite et revenu maximal lié au mérite) . Certains partis ou mouvements l’évoquent d’ailleurs assez souvent . En clair on parle de fourchette des revenus ( ne pas s’arrêter aux salaires) et de fiscalité .
Une autre règle utile et sans doute nécessaire est de décrèter que nul individu ou groupe ne peut détenir un patrimoine-capital- richesse égal ou supérieur à celui de la puissance publique dans le territoire de laquelle il exerce ( en attendant des critères mondiaux ?) .On sait bien en effet que l’on commence à avoir une chance sérieuse de faire » sauter la banque » quand on est aussi riche qu’elle .
La limite devrait sans doute être d’ailleurs une fraction de ce « trésor » public .
Il y a sans doute des personnes au SNUI ou dans le corps des inspecteurs des finances , qui ont des choses intéressantes à proposer sur les billets traitant de richesses , argent , capital , patrimoine , mérite .Ou , au moins ,des éléments chiffrés de cadrage .
Limites et contraintes « anti-abus » et « méritocratie »
@juan nessy,
oui, je serais assez d’accord sur le fait de mettre des limites ou des contraintes en suivant les pistes que vous indiquez.
Ce sont effectivement des limites relatives à la collectivité ou à la communauté considérée (écarts de rémunérations, capitalisation, etc.) Mais il sera encore plus difficile de limiter le pouvoir. Enfin, procédons par étapes; si on peut déjà obtenir la transparence sur l’ensemble des revenus d’une collectivité donnée, on aura beaucoup progressé.
Cordialement,
Bruno.
Un aperçu et jugement ( assez court) sur la fiscalité d »après crise « :
http://www.snui.fr/gen/cp/dp/dp2009/plf_2010_151009.pdf
Sur les taxes « intelligentes »
J’apprécie beaucoup ce qui devrait pourtant être du simple bon sens, dans le document signalé par juan nessy (commentaires du projet de loi de finances):
Pour qu’une taxe soit efficace, le contribuable-consommateur doit avoir le choix : en l’absence
d’alternative, le contribuable est captif et l’effet de la taxe est nul sur l’environnement. Ainsi, s’il
accepte de changer de comportement et de laisser sa voiture au garage, encore faut-il qu’il puisse se
déplacer, ne serait-ce que pour aller à son travail, ce qui suppose que les infrastructures de transports
publics soient de qualité et aient un maillage territorial très fin.
Je pense que c’est à partir de tels constats ou remarques « de bon sens » qu’une réflexion collective pourrait s’engager.
Cordialement,
Bruno Lemaire.
À Emmanuel Quilgars
Très bien vu! Vos remarques pointent bien les attitudes qui président à la situation à laquelle nous sommes globalement confrontés dans le monde. Ceci souligne parfaitement la divergence patente entre les discours insipides et les attitudes. Attitudes maintnant soumises, enfin, aux faits qui renvoient à ce qu’il y a dans les têtes des décisionnaires tous rôles confondus. Des faits d’autant plus cruels qu’ils s’étalent, de plus en plus visibles et palpables. Encore une fois l’on constate ici la marque économique, d’une économie devenue hyper financiarisée, d’abord progressivement, insensible, puis généralisée, c’est à dire la marque de la pensée protestante, façon typiquement anglo-saxonne, qui a déteint partout y compris dans nombre de générations. Bien sûr, ces générations n’en ont donc plus conscience (ce qui est différent que si l’on disait n’ont – pas – conscience), ce qui donne tout à fait le « sens » où ont « évolué » les mentalités. C’est cela qui est le plus déterminant et le plus dur à assumer.
Je répète encore que cette « marque » d’économie financiarisée généralisée est partie historiquement de l’Angleterre pays « pionnier » de la démocratie dite moderne. Car l’Angleterre, tout en intégrant la première la révolution industrielle moteur d’origine de son hégémonie financière, put « se payer » la démocratie en faisant suer le burnous durant les temps historiques où son immense empire colonial lui rapportait encore beaucoup de revenus. L’Angleterre, premier pays « démocratique moderne » et ceci, grâce à son empire colonial, ce qui lui permit de devenir le commanditaire « incontournable » du monde entier; voici donc la base anglo-saxonne de ce qui est devenu le « modèle » du monde dit « moderne ». Là dessus l’Angleterre s’enticha de faire la « leçon » de démocratie au monde entier, suivie par les États-Unis aujourd’hui, avec les conséquences inalculables que l’on sait dans tout le Moyen Orient élargi.
Ceci signifie que ce type de démocratie est vérolé à la base car, au delà des cols blancs et des discours d’idéologies libérales, on constate que ce libéralisme n’est pas libéral du tout, il est seulement entouré des pires pièges. Rien n’est moins démocratique que l’argent et son traitement. Nous le constatons à nos frais et à nos dépens, alors que lorsqu’on s’y opposait légitimement, avec arguments à l’appui, l’on nous envoyait promener de façon méprisante et « définitive ».
Enfin si cet axe Londres (City)–New-York (Wall-Street) pouvait enfin voler en éclats, pour autant qu’il ne soit pas remplacé par une mainmise chinoise par exemple, ce serait autant de possibilité d’exercer enfin, sans sourde adversité redoutable, une économie et un système financier sain. Mais, attention, il pourrait y avoir aussi encore pire, c’est à dire un pouvoir financier complètement apatride, non souché nulle part, qui joue les nations ou les puissances les unes contre les autres (exemple la Chine contre les États-Unis) de façon à ce qu’elles s’autodétruisent « toutes seules » (vive le commerce mondialisé n’est-ce pas?), laissant la place libre à un pouvoir cette fois complètement mondialisé car mondialiste et « libre » de toute contrainte… N’est-ce pas là ce que fut l’essence de la politique mondiale historique de l’Angleterre? Sapons partout les pays et les sociétés et nous « interviendrons après »…
Cette politique perverse à la longue aura marginalisé l’économie ou le Capitalisme dit Rhénan au quasi seul profit de l’économie ou Capitalisme financier Anglo-saxon. C’est très regrettable et très préjudiciable, car le capitalisme Rhénan comporte des expériences et des bans d’essais très variés et riches de promesses diverse où la société productrice devient un acteur majeur, tout l’inverse de réunions plus ou moins secrètes de cols blancs financiers (même assassins financiers, lire John Perkins) qui allaient faire germer les guerres mondiales, mais guerres déclarées par d’autres, brutaux et imbéciles à souhait, et dont les chutes inéluctables dans le sang et les cendres, laissaient le « champ libre » pour une réorganisation du monde favorable en tout point aux maîtres de l’argent de part et d’autre de l’Atlantique. Nous y sommes en plein.
Espérons que les riverains de l’océan Pacifique désormais acteurs principaux e l’échiquier actuel mondial, ne trahiront jamais jusqu’au bout son nom si beau de ce magnifique océan.
Bruno Lemaire le 3 janvier à 12:36
« »Il existe, selon moi, une place juste pour l’argent, qui est d’en revenir à ceux qui créent la richesse dont il est le reflet. » »
Bruno Lemaire relève cette phrase écrite par Paul Jorion relue il y a quelques instants dans une citation de Paul. Je me permets respectueusement de signaler à Paul que si cette assertion est juste, et bien dans les faits, l’argent n’est nullement un reflet des richesses produites.
Car le pouvoir d’achat de la majorité des acheteurs potentiels est amputé par la rémunération des actionnaires du capital invecti, ce qui forme une cascades de ponctions bancaires supportées en grande majorité par les producteurs qui ne peuvent acheter tous ce dont ils ont légitimement besoin à la base; sauf à s’endetter s’ils sont solvables proportionnellement à leur petit niveau, et la ponction bancaire sera plus cruelle encore.
Plus cruel dis-je est aussi le fait des intérêts et frais variés perçus par les banques qui font le crédit qu’il faudra donc leurs verser en plus du remboursement du capital emprunté –> y compris le « temps », aussi bref soit-il mais c’est un temps – cumulé et permanent – dans le mouvement général des monnaies scripturales bancaires (1) où la banque
– n’a pas, ou pas encore, la contrepartie – correspondant au fameux euro sonnant et trébuchant de « départ » ayant permi le numéro de trapèze. Ce « moment » permanent (magie des bilans bancaires) toujours suspendu comme le serait une nacelle accrochée sous l’énorme bulle ou ballon financier, nacelle bondée de monde et qui peut tomber comme un caillou d’un « moment » à l’autre… et cela se passe sans monnaie BC?? Mais l’État est bienveillant avec les banques, ne voit-on pas que ça à présent? Mais l’État n’est pas bienveillant du tout avec les producteurs qui ont donc contre eux: et les banques et l’État. La combinatoire que j’ai toujours dénoncé.
(1) comme la cumulation des moments cynétiques, pour prendre cette image analogique de la physique
Rumbo, si vous aussi lisiez « L’argent, mode d’emploi », vous sauriez que
n’est pas un argument qui puisse être utilisé comme une réfutation de mes thèses.
Bonjour,
Excellent texte et très intéressants commentaires. Lecteur assidu de ContreInfo.info où j’ai découvert Paul Jorion, je suis bien heureux de me retrouver à la source depuis quelques jours et de bénéficier en plus de ce genre de texte d’invité.