Billet invité.
Cher Monsieur Jorion,
Votre question « Pourquoi les économistes n’ont-ils pas prévu la crise ? » est très pertinente. La réponse pourquoi vous l’avez prévue : « parce que j’étais employé au cœur-même de l’industrie où cette crise avait son origine : c’est-à-dire dans l’immobilier résidentiel américain » n’est bien sûr pas une réponse complète à la question posée.
Pour ma part, je répondrais à cette question de la façon suivante : les économistes n’ont pas prévu la crise parce qu’ils ne connaissaient pas la réalité économique du fait qu’ils se plongent soit dans les modèles abstraits mathématiques (orthodoxie), soit dans les raisonnements également abstraits (hétérodoxie). Comme Paul Krugman le faisait remarquer, « la profession de la discipline économique s’est égarée parce que les économistes, en tant que groupe, ont pris faussement pour vérité la beauté habillée dans des impressionnantes apparences mathématiques » (New York Times, le 6 septembre 2009, ma traduction). Pour prévoir la crise, il fallait connaitre – comme c’était votre cas – les détails du fonctionnement du système, mais la tradition établie de la discipline économique déteste les détails, parce qu’elle se fonde sur des simplifications. La vérité dans le domaine socio-économico-politique ne peut se révéler qu’à partir des études des détails que vous maitrisez parfaitement. Une partie importante des textes de vos ouvrages sont des descriptions. Les analyses que vous faites partent de ces descriptions assez détaillées des pratiques, c’est-à-dire des règles qui sont suivies par les acteurs et leurs croyances appuyant ces règles. Les économistes sont obsédés par l’utilisation des notions/concepts créés à l’intérieur de leur communauté. La plupart de ces notions sont des notions a priori dont la création n’était basée sur aucune recherche basée sur les faits. Par exemple, Schumpeter indiquait que les notions fondamentales introduites par Keynes « n’étaient établies sur aucune antécédent de recherche factuelle » (History of Economic Analysis, 1954, p.42). Dans votre analyse vous n’étiez pas gêné par la nécessité de vous baser sur des notions/concepts a priori ; votre analyse était ancrée dans vos descriptions. On peut dire que dans vos textes l’analyse accompagne les descriptions. Les économistes sont convaincus que, sans ce type de notions, aucune recherche n’est possible car ces notions servent de « lunettes » pour voir la réalité économique, mais en vérité elles créent des obstacles pour la compréhension de cette réalité. Les économistes détestent les descriptions, surtout lorsqu’elles sont détaillées, et ils les considèrent comme absolument inadmissibles dans les textes dits « scientifiques ». C’est pour cela que les économistes sont impuissants à comprendre et prévoir quoi que ce soit.
Marx a partagé avec ses adversaires idéologiques (l’école classique de l’économie politique) l’approche de recherche basée sur les simplifications et abstractions. De cette façon il a contribué à l’établissement de la néfaste tradition mentionnée ci-dessus de la discipline économique. La méthodologie qu’il a utilisée en rédigeant Le Capital se résume dans sa célèbre phrase : « L’analyse des formes économiques ne peut, en outre, s’aider ni du microscope, ni d’aucun réactif chimique. Il faut les remplacer par la force d’abstraction » (Le Capital, Livre I, PUF, 1993, p. 4). Marx était pris dans les visions scholastiques de son temps en partageant avec John Stuart Mill la conviction de l’impossibilité de l’approche expérimentale dans le domaine économique (Idem). Comme les autres représentants de l’école classique, il croyait profondément dans l’existence des « lois naturelles » dans le domaine économique. Le Capital de Marx est une œuvre dans une grande mesure scholastique visant à « prouver » l’existence de l’exploitation de la classe ouvrière par la bourgeoisie et non pas à chercher les rouages du fonctionnement du système pour les changer de façon constructive et non pas destructive. Comme Schmoller le soulignait à plusieurs reprises, les « lois naturelles » de la vie économique n’existent pas. En croyant aux lois naturelles, Marx ne comprenait pas les sources des régularités dans la vie sociale : les règles (les institutions) et les croyances derrière ces règles. Gustav Schmoller était apparemment le premier à avoir compris que les économistes doivent étudier les règles et les croyances des acteurs pour comprendre le système économique et prévoir les résultats de son fonctionnement (comme par exemple la crise actuelle).
Les divergences entre Schmoller et Marx, comme d’ailleurs entre Schmoller et d’autres représentants de l’école classique et plus tard néo-classique, peuvent être actuellement résumées dans le tableau suivant (repris dans mon article en anglais p. 48).
Le matérialisme dialectique qu’utilisait Marx ainsi que le positivisme utilisé par l’école néo-classique rentrent tous les deux dans le paradigme moderniste/positiviste. Par contre, Schmoller et Commons étaient les premiers à proposer le paradigme pragmatiste/compréhensif. Dans le cadre de ce dernier paradigme, le changement social peut être présenté de la façon suivante.
Les transformations des institutions se déroulent suivant des cycles. Le fonctionnement des institutions provoque les réactions des différents acteurs qui s’expriment dans les idéologies ; les idéologies se font une concurrence d’influence, et pour une raison ou une autre, une de ces idéologies détermine le contenu d’une législation qui est créée pour résoudre les problèmes du fonctionnement des institutions ; la nouvelle législation influence (et non pas détermine) le fonctionnement des institutions avec les anciens et/ou nouveaux problèmes, et on revient au point initial du cycle. Une législation ne détermine pas le fonctionnement des institutions car les règles à la base des institutions peuvent être formelles et informelles. Pour comprendre les complémentarités des règles formelles et informelles ou les rejets des règles formelles par les règles informelles, il faut analyser la dynamique de ces liaisons car les réalités socio-économiques ont une grande force d’inertie. Ce sont les générations précédentes qui déterminent dans une grande mesure les règles du fonctionnement des institutions pour les générations futures. Schmoller et Commons étaient profondément impliqués dans les changements socio-économiques de leur temps en influençant les législations nationales de leurs pays respectifs.
Dans le paradigme moderniste/positiviste les résultats attendus sont la détermination des liaisons quantitatives, la confirmation ou le rejet des théories ou des hypothèses. Par contre, dans le cadre du paradigme pragmatiste/compréhensif, les résultats sont interprétatifs, holistiques, descriptifs (descriptions riches, « thick descriptions » suivant Clifford Geertz), et la théorisation est ancrée dans les données. C’est vraiment votre façon de travailler. Mais Schmoller et Commons sont accusés de se concentrer sur les descriptions et de négliger les théories. Effectivement, les deux négligeaient la création de théories a priori qui ne sont pas basées sur l’étude détaillée de la réalité économique.
Pour revenir à Marx, celui-ci n’avait pas compris le rôle de la bourgeoisie dans la société industrielle, d’où sa position en faveur de la liquidation de la bourgeoisie. Si on peut se poser la question de l’utilité sociale de la bourgeoisie financière, on ne peut dénier l’utilité de la bourgeoisie industrielle et dans une certaine mesure de la bourgeoisie marchande. Le changement social chez Schmoller and Commons est un changement institutionnel dans tous les détails, et non pas un changement dichotomique : propriété privée ou collective des moyens de production. Marx et Schmoller-Commons donnent deux réponses différentes à « la question sociale » (on a appelé de cette façon à l’époque la nécessité de l’amélioration de la situation de la classe ouvrière). Marx prônait la révolution orientée vers la disparition de la bourgeoisie, et Schmoller-Commons qui se rendaient compte de l’utilité sociale de la bourgeoisie, étaient en faveur de la réforme, c’est-à-dire du changement partiel et graduel qui pouvait aboutir à des résultats radicaux. Les réformes qu’ils ont influencées avaient comme résultat la création de vastes systèmes de sécurité sociale qui existent toujours en Allemagne, mais qui ont été presque complètement supprimés aux Etats-Unis durant les dernières décennies. En écoutant attentivement votre discussion avec Jean-Claude Casanova, j’avais l’impression que vous partagez l’idée de la nécessité du changement ciblé et graduel.
A mon grand regret, vous avez raison en disant que « Un spectre hante la science économique et c’est le spectre de Karl Marx ». La crise a effectivement provoqué la hausse des ventes de ses œuvres, mais elles sont pratiquement inutiles. Marx a bien rendu compte de l’existence de l’élément prédateur dans la nature de la bourgeoisie, mais il n’a pas compris son potentiel créatif, et qu’au lieu de la supprimer, il conviendrait de la brider et de l’encadrer pour qu’elle ne conserve que ses capacités créatrices.
Très souvent, la science est définie comme l’ensemble des connaissances. Cette définition n’est pas correcte pour les sciences naturelles car la science n’est pas statique, mais c’est un processus, une activité d’obtention des connaissances sur la réalité. La réalité socio-économique est tellement changeante que la définition de la science comme ensemble des connaissances mène à son autisme. Pour Schmoller et Commons, la science économique était une activité visant à la compréhension contextuelle de la réalité socio-économique, c’est-à-dire dans le contexte national et historique. Dans la réalité économique, il est vain de chercher des régularités universelles (pas trop abstraites pour être utilisées par les pratiques réformatrices) ; ces régularités sont toujours contextuelles. Pour évaluer la contribution de Schmoller et Commons à la science économique, il ne faut pas s’adresser à leurs textes théoriques qui sont dépassés, mais à leur méthodologie de recherche qui a donné des résultats pratiques très importants et qui est toujours très actuelle. L’opinion unanime de tous ceux qui étudiaient sérieusement l’héritage de Commons indique qu’il n’y avait pas à l’époque d’autre économiste qui ait autant influencé positivement la vie socio-économique américaine. Schmoller et Commons s’exprimaient ouvertement contre la science économique qui a la prétention de découvrir des lois universelles valables partout et toujours. L’autre science économique que je prône dans mon article est également orientée non pas vers la création de nouveaux projets sociaux (utopies – j’utilise ce terme dans le sens que vous avez utilisé dans votre discussion avec J.-C. Casanova), mais vers la compréhension profonde de la réalité économique (en mouvement) et vers l’accompagnement scientifique des réformes. A ce sujet, Michel Callon et Bruno Latour disaient : « Pour parodier un mot de Marx, on pourrait dire que « les philosophes (ou les économistes) n’ont fait jusqu’ici que transformer le monde, il s’agit maintenant de le comprendre » » (Le capitalisme aujourd’hui, La Découverte, MAUSS n°9 : 45).
À l’heure actuelle, la recherche économique est considérée comme la création de théories a priori et l’enseignement économique comme l’acquisition de la connaissance de ces théories. Mon article oriente la réforme de la recherche et l’enseignement économique vers l’application de la méthodologie de Schmoller-Commons. La réforme doit favoriser les économistes « investigateurs altruistes » qui travaillent comme « anthropologues/historiens ». Dans mon article, ces qualifications font partie de la classification bidimensionnelle des économistes académiques du point de vue de leur méthodologie et de leurs valeurs professionnelles. Du point de vue méthodologique, les « philosophes/mathématiciens » appliquent les méthodes a priori ; les « économétriciens/statisticiens » sont liés aux premiers en utilisant leurs modèles pour donner des explications et faire des prévisions sur la base des données purement quantitatives ; les « anthropologues/historiens » utilisent les interviews, l’observation participante, la recherche action et différents types d’analyses des données qualitatives et quantitatives contemporaines et historiques. Du point de vue de leurs valeurs professionnelles, on peut distinguer : les « artistes » qui apprécient beaucoup la beauté de leurs produits académiques et qui pensent que la profession d’économiste académique est une profession comme toutes les autres, et que faire leur travail comme il le faut signifie répondre aux attentes de leurs employeurs, clients et collègues ; les « marchands » qui pensent que l’économiste universitaire doit suivre attentivement les directions de la production académique à la mode, qui permettent d’obtenir des financements, d’être bienvenus dans les revues professionnelles, les conférences et séminaires, et qui doivent orienter leur production académique afin de mieux la « vendre » ; et enfin les « investigateurs altruistes » pour qui l’étude des réalités économiques afin de les comprendre représente la valeur suprême, et les récompenses matérielles pour cette activité sont secondaires.
John Commons travaillait comme « anthropologue/historien » : « Il était en contact, d’une part avec les ouvriers, et d’autre part avec les dirigeants d’industrie. Il frayait avec toutes classes de personnes. Il présentait dans le cadre de ses cours à ses étudiants des personnes […], qui étaient considérées comme de très dangereux extrémistes. Pour lui, ces personnes n’étaient simplement que des types humains, avec qui ses étudiants devaient faire connaissance face à face. D’autre part, il était tout simplement soucieux de faire connaître à ses étudiants des capitalistes et des capitaines d’industrie. Il pouvait admirer un leader syndicaliste ; il pouvait comprendre le simple travailleur et il avait une grande admiration pour les grands capitaines d’industrie. Afin de comprendre leur point de vue, il est devenu membre de la Commission Industrielle de l’état du Wisconsin en se mettant en congé de l’Université » (Richard T. Ely, professeur de Commons qui a importé aux Etats-Unis la façon de « faire la science économique » lancée par Schmoller et ses prédécesseurs de l’école historique allemande). Pour apprécier son travail comme historien, on peut notamment se référer à son livre « Legal Foundation of Capitalism » et à ses quatre volumes intitulés « History of Labor in the United States ». Commons était également un « investigateur altruiste » : « Il invitait ses étudiants à consacrer leur vie à l’amélioration de notre mode de vie démocratique et de notre économie de la libre entreprise, pour lesquels il développait en eux non seulement une profonde admiration, mais aussi le sentiment que l’idée américaine est celle du progrès continu. Comme cela est fréquent chez les jeunes gens, de nombreux étudiants de Commons étaient insatisfaits de l’état de fait. Mais à l’issue de son enseignement ils devenaient des hommes cherchant à améliorer ce qu’ils pensaient fautif, mais sans pour autant détruire notre structure politique, économique et sociale. Commons leur enseignait qu’ils doivent connaître à fond les faits et faire des propositions réalisables visant des améliorations. Il leur disait non seulement d’étudier tout ce qui était écrit sur un sujet donné, et de raisonner logiquement sur cela, mais de faire leurs propres observations, et de penser plutôt en terme de remèdes qu’en terme de critiques, et d’apprendre à partir des personnes directement concernées ». (Edwin E. Witte, élève de Commons, qu’on appelle souvent « le père du système de la sécurité sociale américaine »).
Les « investigateurs altruistes » ne pourront pas « s’arranger entre eux » pour ignorer la réalité économique, et pour eux il n’y aura pas de danger de « refoulement ». Je pense que nous pourrions contribuer d’une façon ou d’une autre à l’apparition d’une autre communauté d’économistes, pour qui ce type de refoulement n’est pas possible.
Amicalement,
Vladimir Yefimov
Le 29.12.2009
64 réponses à “« Pourquoi les économistes n’ont-ils pas prévu la crise ? », par Vladimir Yefimov”
Je voudrais parler des dettes publiques :
Au sujet des 1500 milliards, je voudrais dire qu’il s’agit de création monétaire comme par le passé avec la planche à billet, la seule différence, c’est que d’un côté l’inflation de l’ancienne méthode faisait perdre un peu de sous aux rentiers et gagner peu aux organismes financiers, tandis qu’actuellement, cette méthode rapporte un max aux établissement financiers et assurances qui sont en charge de la vente de ces titres de dettes, que les intérêts qui en découlent ne profitent qu’aux riches et qu’à partir de cette dette publique on continue à créer toujours plus d’argent puisque le nantissement de ces titres d’états permet d’avoir des prêts où l’effet levier n’est jamais négligeable.
Donc pour résumer, avec les déficits des états, la planche à billet soit disant interdite marche de plus belle, opérant un transfert massif d’argent vers les plus riches contrairement à ce qui se passait avant, mais il est de bon ton de prétendre que l’inflation fait le malheur des plus pauvre et que l’ancienne planche à billet était une ruine collective, ……pffffffff
« Pourquoi les économistes n’ont-ils pas prévu la crise ? »
Pourquoi les économistes préconisent-ils souvent les mêmes solutions qui ne solutionnent jamais rien au fil du temps ?
Etonnant.
Un type dense, original, prenant en considération l’aspect humain de l’économie. Il évacue l’idée des lois naturelles en économie (je pense à l’idée de l’équilibre global) pour y mettre les intentions humaines, les attentes de ces mêmes humains, leurs activités et leurs relations toujours changeantes, toujours imparfaites, toujours faillibles. Il accepte comme faits, comme réalités ce que les acteurs de l’économie croient.
Son appel est le plus intelligent que j’aie lu depuis des années. Il me donne une issue à l’idée actuelle et dominante de l’économie. Il y a encore de l’espoir pour sortir du TINA tant que des gens comme lui peuvent intervenir.
Son chemin n’est pas de tout repos, n’est pas le plus facile. Son chemin exclut à la base d’arriver à un résultat. Il impose une activité, une façon de voir et revoir le monde sans se lasser.
Son chemin est le plus humain que je connaisse. Il prend en compte cette dimension personnelle faite de désirs, d’habitudes, de traditions, de sentiments, de limites humaines, d’échecs, de réussites, d’altruisme etc… Cette dimension humaine dont les mots de la science ne peuvent rien dire de définitif sont pris ici en considération.
Je marche.
Vraiment très bien votre article. Je suis satisfait d’apprendre les développements élaborés (Schmeller et Commons) dans un sens pragmatique. Intéressant cette « opposition » mise en relief du paradigme Moderniste/Positiviste d’une part et d’autre part le paradigme Pragmatique/Compréhensif. Cela renvoie, à mon sens, à la querelle historique entre les – Nominalistes – opposés aux – Réalistes -, dont les catégories correspondraient sous votre plulme pour les Moderniste/Positivistes aux Nominalistes et pour les Pragmatifs/Compréhensifs aux Réalistes. Ce serait déjà une belle élucidation. Car inutile de préciser que nous sommes « régis », sans doute exclusivement, par des critères aux croyances modernistes/positivistes alias nominalistes. Ceux qui voudraient répandre les critères sûrement proches de ceux élaborés par Schmeller et Commons ont toutes les peines du monde à se faire entendre. C’est à dire ceux qui ont des critères pragmatiques-compréhensifs-réalistes et dont, en toute modestie je pense faire partie, même de loin, et avec d’autres dont je partage les investigations et les méthodes. Il faut cette crise majeure pour que les attitudes commencent à songer à voir à autre chose. C’est bien, mais un peu fort! et je ne parlent pas de ceux qui, bons observateur de la « météo », changent leur façon de voir sous la pression des circonstances…
Comme ça, au passage, j’ai relevé une de vos phrase très significative et importante: « Les croyances derrière ces règles », j’ajouterais pour en augmenter encore la portée qu’il y a: « Les règles découlant des croyances ».
J’en ai parlé ici à plusieurs reprises, il y eut un ingénieur économiste du nom de Clifford Hugh Douglas (1879-1952) qu’on peut qualifier entre tous un pragmatiste-compréhensif-réaliste. Stupidement minoré par Keynes dans un de ses principaux livres qui fit là une erreur (ou une manœuvre). Douglas avait l’énorme avantage sur Keynes d’être un vrai praticien de l’économie industrielle pour avoir été, sa carrière durant en plusieurs endroits du monde, directeur de travaux public et aussi directeur dans l’industrie. Les découvertes de Douglas ne doivent rien aux théories ni aux écoles particulières d’économie. Mais ce furent des découvertes expérimentales faites par des recherches et des investigations sur le terrain même de l’industrie. Douglas passa au crible les modes de financements de l’industrie, et son impact sur la formation des prix de vente au final, et ceci, en rapport avec le pouvoir d’achat réel sensé absorber toute la production au moindre coût, ce qu’on peut appeler: le juste prix. C’est très loin d’être le cas, et le phénomène s’est aggravé depuis l’époque de Douglas. Autrement dit le rôle actuel des banques est, sous les investigations de Douglas, à réformer en toute priorité. Mais Keynes avait la « cote » à la City et il lui renvoyait sans doute l’ascenseur, tandis que Douglas avait osé, preuve et émonstration à l’appui, lever le voile sur la création monétaire et le traitement de l’argent, le moins qu’on puisse dire est qu’il ne se fit pas d’amis à la City et nous attendons encore aujourd’hui la vraie réforme du système financier…
Pour avoir en français une idée très claire des investigations de Douglas et l’application de son remède techniquement irréprochable, on peut lire ce petit livret écrit par un auteur ayant complètement intégré les découvertes expérimentale de Douglas de 112 pages petit format en ligne.
–> (PRÉCISION INDISPENSABLE: il y a dans ce livret des références chrétiennes qui ne viennent pas de Douglas mais de ceux qui s’en réclament, c’est ainsi que quiconque ne prendrait pas en compte ces références chrétiennes peuvent parfaitement sauter les 12 premières pages et commencer le lecture à la page 13 et s’arrêter à la page 106 (soit lire 93 pages) http://www.michaeljournal.org/Larkin_fr.pdf
Il y a aussi ce site très fourni sur Douglas (en anglais) http://douglassocialcredit.com
L’analyse économique peut se passer d’observation à un certain niveau, parce que l’économie est donné à l’homme par lui-même, par conséquent ses règles et son essence sont une création humaine définie, de même que les mathématiques, le droit, et elle se comprend analytiquement, par déduction du corpus exhaustif de règles connues. Nul n’est besoin d’observer, tout raisonnement abstrait est légitime, et a un esprit perspicace aucune conséquence n’est étrangère. La critique concernant l’abstraction est par conséquent infondée, et prétendre le contraire c’est déjà naturaliser l’économie. Il est tout-à-fait justifié de s’abstraire, la tyrannie de l’observation ne sert parfois que des objectifs réthoriques;
Il est aussi légitime de simplifier, que pour Weber d’élaborer l’ideal type, ou d’agréger des données statistiques en résumés succins. Enfin, a ce prix est préservé le droit démocratique de tous de parler d’économie, puisque chacun y participe. L’économie est simple, Marx a dit qu’un enfant de 6 ans peut comprendre la valeur-travail, de plus s’il en allait différemment nous serions réduit à vivre en technocratie, ce qui n’est pas compatible avec la tradition démocratique de nos civilisations. L’argument éthique doit prévaloir, même contre la réalité….
On a vu que la finance n’était pas nécessaire puisqu’on la nationalise, maintenant vous dites que la bourgeoisie est nécessaire, laquelle ? ses services pourraient être nationalisés également; Personne n’est davantage nécessaire que le postier qu’on supprime, le poète ignoré, etc. Il ne s’agit Pas de supprimer quelqu’un, et Marx ne voulait supprimer personne il me semble, cependant les libéraux suppriment tous les jours beaucoup de monde.
Mon avis est que Marx n’était pas assez abstrait. Les bases de l’économie tiennent sur 1 page, comme le préambule de la Constitution. La population ne connait pas ses bases là; A quoi lui sert votre science économique, puisque l’essentiel lui est sciemment et délibérément caché.
@Lisztfr,
Je vous serai très reconnaissant de mettre en ligne cette page contenant les bases de l’économie,en tant que élément de la population je demande à être éclairé.
Même requête que JBA.
@ Piotr
@ JBA
Article 1 : L’argent ne vaut que parce qu’il manque, la prospérité générale est donc absolument incompatible avec le fondement du système.
Article 2 : l’inflation est le seul indice indiquant qu’il existe une consommation, en temps normal (si l’on fait abstraction de l’exception l’inflation par les coûts, l’entente sur les prix, etc). L’inflation basse ou modérée qu’on présente comme désirable est l’indicateur d’une pauvreté absolument certaine.
Voilà les bases de l’économie, en 2 lignes, le reste…
Comme le disait J P Fitoussi dans un élan d’honnêteté, les riches ont besoin des pauvres pour être riches.
L’argent ne circule qu’à la condition de l’échanger, or cet échange suppose que le récipiendaire n’en a pas, ou pas assez. Moins il en a, plus le capital est rare comme disait Keynes, et plus il est puissant. La rareté du capital, excellente formule de Keynes, implique la pauvreté; Moins il y a d’argent dans l’environnement économique, plus ceux qui en ont en profitent, et inversement. Le système est donc inégalitaire non par accident mais par nécessité, seulement chacun espère que la « providence » l’exceptera de la règle, à titre particulier, selon le principe du primus inter pares, le PIP. L’espoir fait vivre.
Selon l’auteur, dans quelle catégorie doit-on classer la « théorie du consommateur » telle que:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_consommateur_%28micro%C3%A9conomie%29
Cette théorie y est décrite à la fois comme appartenant à l’école néoclassique, et répondant manifestement au paradigme pragmatiste… Dans les faits, elle est le support des stratégies marketing modernes.
Ce qui me fait, à titre personnel, considérer que le classement présenté dans ce billet soit un peu trop manichéen, et de fait déjà dépassé. Manifestement les économistes cités par l’article wikipédia, inconscients qu’ils étaient de la taxinomie décrite ici, ne se sont pas privés pour en exploser les lignes: Ils y définissent notamment l’homo oeconomicus comme étant à la fois rationnel mais aussi subjectif.
La seule conclusions que j’entrevois ici est la suivante:
Tout ce qui relève de la macro-économie tend au positivisme, et corrélativement, tout ce qui relève de la micro-économie tend au pragmatisme.
Par analogie, on peut considérer la question posée par le courant artistique impressioniste, voir pointilliste: Ce que l’observateur voit du tableau change du tout au tout en fonction de la distance à laquelle il contemple l’œuvre. Il en va de même en économie: la micro-économie observe et décrit des points, la macro-économie s’occupe de l’image qui ressort de l’assemblage de ces points.
Premier objectif Schmoller et Commons : définir la science de manière anti-scientifique, comme activité et non comme connaissance, même provisoire, sans doute pour n’avoir aucune obligation de présenter un discours cohérent, aucun compte à rendre, puis déclarer qu’il n’existe pas de régularité en économie, or la science s’occupe du justement du général. Il ne s’agit donc de rien de moins que d’une arnaque épistémologie, et philosophique, ce qui est grave.
Listztfr,
Quelle est votre film préféré ?
Ma réponse à cette question a changé au cours des ans et des films que j’ai vu. Par conséquent la question ni scientifique, ni générale. Il n’y a aucune régularité ou discours cohérent dans mes goûts cinématographiques. Le cinéma peut aussi être vu du point de vue des économistes et donc des scientifiques. Comment vont-ils prendre en considération ma réponse variable avec les années et même selon les heures du jour ? En plus, s’il n’y avait pas de cinéma, ma question ne se poserait pas. Comment prendre, scientifiquement, en considération cette possibilité ? La définition rigoureusement rationaliste de la science y échoue complètement.
Aller au cinéma est aussi une activité. Le nombre de films que j’ai vu augmente. Mes expériences et mon attitude pour le cinéma change à chaque film. L’approche défendue par l’auteur tient compte de cette réalité. Cela relève de la méthode de travail des anthropologues (dans la mesure où je la comprends). Si vous trouvez que cela est anti-scientifique, vous voulez éliminer ce qui se nomme « sciences humaines ». Vous évacuez la possibilité des humains comme vous et moi de faire un choix, de croire quelque chose ou de rejeter une autre. Vous niez aux humains la possibilité d’évoluer et de s’adapter aux événements. Pire, vous niez aux humains la possibilité de modeler leur environnement. Le cinéma n’est qu’un exemple. Je le généralise à chacune de mes activités plus ou moins régulières.
Votre attitude explique pourquoi il est difficile d’être libéral et d’accepter le réchauffement climatique. C’est anti-scientifique. Cela suppose que les humains peuvent changer leur environnement. Merci pour cette information.
La social démocratie Européenne aurait tout intérêt à se rapprocher de ces « investigateurs altruistes »,
son programme y gagnerait en crédibilité et en nouveauté.
Voilà la réponse:
http://m.ictdev.org/pulse/20090806/aid/idiot%E2%80%99s-guide-answering-queen-elizabeth
comme Didier. Très beau texte.
Quand j’étais étudiant en faculté de sciences économiques, j’avais toujours ce désagréable sentiment d’apprendre des théories délirantes, éloignées complètement de la réalité économique. Mais ces si savants professeurs ne pouvaient être des imposteurs…?
C’est à l’évolution de la science économique ces dernière décennies qu’on se rend compte à quel point le cerveau humain peut, aussi brillant soit-il, manquer de lucidité.
Toutes ces heures à étudier des séries de données sans comprendre les mécaniques sociales, les croyances, la psychologie, l’histoire, etc. masquées derrière ces chiffres.
Merci beaucoup, Vladimir Yéfimov pour votre texte que j’ai lu entièrement et qui est très bien documenté. Merci aussi à Paul Jorion pour nous avoir transmis ce texte et même traduit une partie. 🙂
Au risque de me faire taper sur les doigts je ne pense pas qu’on puisse ériger l’économie en science ne serait ce que parce que le garde-fou en la matière ,c’est en principe le droit .Hors le droit est à géométrie variable ,très influencé par les lobbies,susceptible d’être interprété ,contourné voire non appliqué,très humain et faillible en somme.
Je demande l’indulgence des juristes et éventuellement leurs avis sur l’articulation droit et économie.
Je vais me démarquer, ça ne changera pas.
Dissonance approchait un peu la vérité en dissociant (c’est le cas de le dire) micro et macro-économie.
Sauf que les jeux de pouvoirs sont identiques, seuls les montants changent. C’est donc le même principe.
Un exemple vaut mieux qu’un long discours théorique. Et en parlant d’exemple, les négociations bretonnes de vente de poissons faites par Paul Jorion sont du même tonneau.
Imaginez une entreprise qui a besoin d’un sous-traitant pour un chantier lambda et met des professionnels en concurrence.
Hors, ce qui pourrait partir d’un principe sain se fait détourner car ces sous-traitants se rassemblent régulièrement dans un café pour discuter et s’arranger entre eux sur les marchés que proposent les clients.
Et vous pensez qu’en macro-économie les choses soient vraiment différentes..???
Ainsi, les économistes ne peuvent-ils pas être des devins car les dés sont pipés à la base.
Et quand un Paul Jorion devine que certaines situations peuvent devenir dangereuses, on se dépèche… de ne pas l’écouter, ce qui nuirait à certains « intérêts »… 😉
Je ne me suis pas attardé à considérer les « jeux de pouvoir » qui sous-tendent l’activité économique pour me concentrer sur les modes d’observation de cette dernière. Votre remarque complète en fait fort bien la métaphore de la toile pointilliste: Tandis qu’on observe le nez collé au tableau, ou à distance, il s’agit pourtant toujours de l’observation d’un seul et même objet. Seule la perception que nous en avons change. Et pour faire suite à vos dernières lignes, je suppose que cette perception de simple spectateur ne soit encore pas la même que celle du peintre, ou que celle du galeriste…
C’est je crois ce qu’on appele une entente illégale…
Il faut demander à Eva Joly ce qu’elle en pense…
Hello Piotr.
Va-t’en essayer de prouver une entente illégale… Seule une intervention de la Justice avec perquisition et interrogatoires serrés peut faire quelque chose. Et encore…
(J’en parle d’expérience car une de mes anciennes femmes avait son coffre de voiture qui servait de « boite à bijoux »…)(elle était rentrée dans le droit chemin quand je l’ai rencontrée, heureusement)
Et plus : la dépénalisation du droit des affaires est en marche. Le riche a forcément tous les droits. C’est de la tiers-mondialisation féodale, tout simplement.
En fait, la seule fois où j’ai démantelé un réseau de corruption est en interne.
Un technicien favorisait tellement les offres d’un sous-traitant que j’ai fini par ne plus le consulter.
Ca a failli mal finir.
Tenter de savoir si on aurait pu anticiper cette crise, si les économistes sont bons ou pas bons…
– En 1er la conviction pour nombre des économistes que la croissance est une chose acquise et définitive, il y a t il une logique de croissance comme il existe une théorie apparemment non discutable de l’expansion de l’univers, en ce sens les économistes ne pouvaient prévoir cet arrêt de la croissance car c’est une mauvaise nouvelle, un défit incommensurable qui sera imposé aux hommes…suis tjs surpris de voir qu’à Copenhague n’a jamais été réellement évoquée la finitude de notre planète, on parle de réchauffement plutôt, cela fait moins peur.
– Ce me semble et l’exemple de Mr Jorion nous le montre, l’économie est aussi la science de l’homme, nous sommes individualistes, panurgistes, rêveurs, un peu fainéant… le monde évolue car nous évoluons, nous avons détourné la notion du temps et de nos envies, pas simple de se dire que nous devrons demain faire des choix restrictifs, la communication a pris un essort affolant, que pourraient dire aujourd’hui nos économistes sur lesquels nous nous appuyons pour comprendre un homme qui dans l’urgence ne pense plus, agit avec instinct plutôt qu’avec réflexion… je me demande d’ailleurs si l’homme est encore capable d’appréhender cet accélération de notre horloge et d’en tirer les conséquences
– nous nous projetons à court terme, nous pensons que le monde des humains est linéaire, où irons nous en vacances, nos politiques sont élus pour 4 années, pour les grandes entreprises, comme pour le foot pas de temps donner au temps, les résultats doivent être instantanés…
Bien évidemment je ne réponds pas à la question de cette crise, pour ma part je pense qu’elle est inéluctable, l’homme ne sait pas s’arrêter, pour avancer il doit avoir des meneurs et donc des suiveurs, ce qui me désole avec Marx c’est que ce sont obligatoirement les classes laborieuses qui peuvent faire la révolution et la mener, il faudra tjs des meneurs, curieux monde qui pense que nous sommes tous potentiellement capable de diriger un pays, les VIP d’aujourd’hui sont les Nobles d’hier, et c’est normal car pour avancer il faut des meneurs et notre monde en manque cruellement…il en est aussi des économistes, il en faudrait dès qui peuvent assimiler tout les tenants, hors dès le moment où on fait intervenir en bourses des logiciels pour accélérer le temps, l’homme est dépassé…
L’homme est déraisonnable et alors son comportement devient aléatoire, penser que des banquiers jouent contre leurs clients, penser que l’on peut remonter le temps en allant plus vite que l’homme en utilisant la machine, c’est lui retirer les moyens de réfléchir sereinement, c’est glisser dans la théorie économique des comportements qu’elle n’est plus capable de prévoir et d’analyser, il nous faudrait des sages, vous savez celui que l’on allait voir dans les tribus lorsque l’on avait des doutes..
Je fais miennes les observations de Didier (30 décembre 2009 à 14:49).
Les querelles de chapelle ou d’appartenance sont hors de propos.
Marx ou d’autres, et même Keynes ( Dieu me pardonne !) sont de vieilles peaux.
Elles sont inadaptées ou inopérantes .( Mettons à part, pour les garder,
quelques vérités éternelles, comme « dans le long terme nous sommes tous morts ».)
Le réel actuel est simplement différent du réel ancien qui a vu naître ces théories.
Leurs études est un exercice scholastique d’intérêt douteux
pour l’avancement de l’ Economie.
Le réel en Economie, comme dans les autres affaire humaines, est
une construction en devenir. Il s’agit de promouvoir des solutions
correctrices ( dans le sens de la justice sociale), et non de décrire
savamment un présent insupportable.
Je note avec plaisir que l’auteur a identifié une « méthode » Jorion.
Puisse-t-elle faire école !
Je confesse ma méconnaissance des oeuvres de Gustav von Schmoller et de John Commons, et il m’a fallu succinctement me documenter.
L’histoire des idées et de leurs confrontations est toujours intéressante. La pensée de Karl Marx n’a bien évidemment rien d’intouchable et d’indépassable. Mais s’appuyer sur les premiers pour critiquer ce dernier me semble un exercice marqué par l’académisme.
Le « capitalisme raisonnable » de John Commons, pour ne pas parler de certaines tendances antisémites (bien dans son époque) de la pensée de Schmoller me paraissent fort datés. Je ne vois pas dans le recours à leur pensée de clés particulièrement pertinentes permettant de comprendre notre monde, tel qu’il a évolué et est en crise.
@françois leclerc
Je ne vous suis pas sur ce point et je trouve que vous exonérez Marx de beaucoup de choses. Certes l’auteur ici est assez léger dans ses remarques sur Marx, mais vous oubliez que le point culminant de la methodenstreit est dans l’oeuvre de Weber et notamment de son « éthique protestante et l’esprit du capitalisme » . Texte qui est en fait une réponse à Marx – En bon français il s’agit même d’une réfutation en règle – et qui n’a à cette date reçu aucune réponse sérieuse de la part des marxistes, y compris de Lukacs
amicalement
Il y a du Hannah Arendt dans ce qu’écrit Vladimir Yefimov
« Une idéologie est littéralement ce que son nom indique: elle est la logique d’une idée. »
« L’idéologie traite l’enchainement des événements comme s’il obéissait à la même loi que l’exposition logique de son « idée ». Si les idéologies prétendent connaitre les mystère du processus historique tout entier, les secrets du passé, les dédales du présent, les incertitudes de l’avenir- c’est à cause de la logique inhérente à leurs idées respectives. »
« Les idéologies admettent toujours le postulat qu’une seule idée suffit à tout expliquer dans le développement à partir d’une prémisse et qu’aucune expérience ne peut enseigner quoi que ce soit, parce que tout est compris dans la logique cohérente de la déduction logique. Le danger d’échanger la nécessaire insécurité, où se tient la pensée philosophique, pour l’explication totale que propose une idéologie et sa Weltanschauung(vision du monde) n’est pas tant le risque de se laisser prendre à quelque postulat généralement vulgaire et toujours précritique, que d’échanger la liberté inhérente à la faculté humaine de penser pour la camisole de force de la logique, avec laquelle l’homme peut se contraindre lui-même presque aussi violemment qu’il est contraint par une force extérieure à lui. » Hannah Arendt
Stiglitz avait visé juste en utilisant le terme de « Bolcheviks du marché ».
@HH
Bien vu .
En fait avec HArendt , M Weber et la methodenstriet on est dans la même culture philosophique
Pourquoi les économistes n’ont pas prévu la crise?
En priorité parce qu’ils ont perdu et n’ont jamais cultivé l’esprit contestataire issu de 68.
Ce n’est pas une condition suffisante, certes, mais prioritairement nécessaire pour que vive en permanence l’esprit critique et le jugement.
Force est de constaté que la « récupération » a lissé tout ce qui pouvait gêner la marche de la société de consommation. Beaucoup sont rentrés dans le rang. Les économistes avaient sans doute plus que d’autres le droit de garder le silence. Il est facile de comprendre pourquoi.
L’esprit de résistance, pareillement n’est pas donné. Il faut aller le chercher. L’Histoire nous le rappelle à juste raison.
Votre article me semble marquer une date dans l’apparition de ce blog et il faut le saluer . D’abord parce que vous pointez le vrai problème : celui de la construction de la science économique et de la fausse vision qu’elle produit chez ceux qui la suivent. . Et vous avez raison ! Car ce ne sont pas les intérêts matériels qui sont en cause dans cette crise – fussent-ils au niveau des bonus des traders – mais bien l’image que nous avons du monde : en tout cas celle qu’ont les personnes en charge de le diriger.
Mais assez de félicitations, vos deux articles méritent mieux que cela : la discussion critique. Je me limite ici à deux points :
 Vous faites remonter la science économique à JS Mill . Et j’oserai rajouter : ENFIN QUELQU’UN de SERIEUX qui arrête de nous bassiner avec l’éternel « Smith fondateur du néolibéralisme » ( mais allez jusqu’au bout tout de même : JSMill est un disciple de COMTE sur le plan philosophique, et politiquement préoccupé par ce qu’on appelait la question ouvrière ; il était à l’époque « très à gauche » )
 Mais la critique que vous faites à la science économique moderne , pour justifiée qu’elle soit en reste à la dimension épistémologique et c’est ici que vous êtes en faiblesse . Car le la plus difficile à saisir dans cette pensée n’est pas est son ontologie : id est le présupposé par lequel elle pense la réalité qu’elle cherche à connaître (« ce que la réalité économique est ».).
Essayons de nous expliquer à partir d’exemples ici connus. Dans sa théorie de l’argent, PJ ne fait aucun présupposé : il effectue la démarche d’induction dont vous défendez la légitimité et j’ai dit ici – osant faire parler les morts – tout le bien que J Locke en pensait. Autrement dit, il ne part pas d’a priori « cachés » qui lui masqueraient la réalité à son insu.
Mais cette absence de présupposés disparaît le plus souvent lorsqu’on fait des raisonnements macrooéconomiques : car on suppose presque tout le temps que la réalité économique est suffisamment homogène pour faire des raisonnements économiques généraux à son sujet. Soyons précis : on suppose qu’il existe un tel degré d’interdépendance dans les transactions marchandes qu’on peut poser l’existence de concepts macroéconomiques quantifiables à leur sujet. Historiquement c’est cette hypothèse que désigne le terme générique de « marché «
Que cette hypothèse soit ancrée dans notre façon de pensée est manifeste, qu’elle soit même opératoire aussi (le même PJ « fonctionne » sur cette hypothèse lorsqu’il décrit le « jeu » de l’endettement et de la baisse des revenus salariaux comme étant à l’origine des subprimes).. Mais si l’on y réfléchit c’est elle qui est à la source des erreurs de la pensée économique. Car – comme l’explique PJ – l’enjeu est de penser le changement de la réalité économique : et par construction même c’est infaisable si l’on ne revient pas sur la validité de cette hypothèse (notons que sur ce point Marx a plutôt raison contre les thèses que vous défendez) . Evidemment je vais vite, mais je vous renvoie sur ce point crucial à ma thèse de doctorat
J’en arrive alors à votre appréciation « wébérienne » sur l’école historique. OK : dans la methodenstreit elle a sur de nombreux points raison (votre papier est d’ailleurs très instructif et passionnant). Mais est-elle allé au fond des choses ? Non car en fait elle a effectué les MEMES présupposés que l’école normative qu’elle critiquait , ce qui explique que généralement ces auteurs perdaient leur pertinence « en passant à la macro économie ». Pour le dire autrement elle fonctionnait sur la même ontologie économique. On peut d’ailleurs en comprendre les raisons : car si vous cherchez à penser les mécanismes économiques en dehors du cadre fourni par le concept de « marché » vous vous situez de facto sur le terrain de la philosophie politique ( et votre rejet des jugements normatifs y perd tout son sens ) . A mon sens c’est dans cette critique inachevée que gisent les raisons de son échec ( et non dans la sociologie de la recherche économique ni même lorsque vous dites que ce « sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire des idées »). Cf ma remarque sur Weber
Vous avez donc mille fois raison sur de nombreux points . Oui la question centrale est aujourd’hui celle de la science économique et de ses apriori. Oui il faut en chercher la clef dans sa construction historique. Et mille fois oui la « methodenstreit » pose une question majeure. Mais non : l’historicisme – même allemand – n’est pas exempt ici de toute responsabilité
Avec tout mon respect et toute les amitiés
PS On peut voir un écho de cette discussion dans les faiblesses de la théorie de la bureaucratie de Max Weber : dont Habermas ( théorie de l’agir communicationnel) a remarqué qu’elle était incapable d’intégrer l’héritage principal courant de la philosophie occidentale (le jusnaturalisme ou théorie du droit naturel). Et pour cause : aurait-il voulu la prendre en compte qu’il aurait été obligé de « faire sauter » son opposition structurante entre jugements normatifs et positifs.
L’économie c’est une histoire de pédales .Il y a une pédale d’accélérateur mais pas de pédale de frein.Résultat :on va réguliérement dans le mur.
Deux raisons !
La 1ère, c’est que les économistes n’ont pas lu Cornelius Castoriadis, Roland Barthes, René Girard, Serge Latouche, Paul Virilio, Edgar Morin et Michel Serres.
La 2e découle de la 1ère : problème d’imaginaire !
Hhmm.. effectivement, je suis un peu court : je n’ai lu que Machiavel…
Machiavel pour comprendre l’économie ? On croirait du Mitterrand !
Certains économistes ont prévu la crise. Comme l’auteur note, ils font parti des institutionnalistes (Commons) et Post Keynésiens, ou Marxistes. Certains économistes orthodoxes qui sont proches du monde réel ont aussi prévu la crise (Roubini, Shiller) et les gens proches du secteur financier ont aussi vu le problème venir (Das, Jorion, Tovakoli, nakedcapitalism.com, calculatedrisk.com, etc.). Des références sont ci-dessous:
http://www.levy.org/pubs/pn00_6.pdf
http://www.levy.org/pubs/pn_4_06.pdf
http://www.levy.org/pubs/pn00_5.pdf
http://ideas.repec.org/a/mes/challe/v50y2007i4p88-111.html
Des reformes ont été proposés plusieurs fois (par exemple après la crise internationale à la fin des années 90) et cela a été le cas aussi pour cette crise. Il faut cependant comprendre que depuis le milieu des années 70, il y a eu un retour en force de points de vue similaires à ceux qui prévalaient avant la grande dépression des années 30. La plupart des économistes, des politiciens et de la population favorise la dérégulation des marches (travail, financier, commerce, etc.) et un gouvernement qui dépense moins et oriente ses priorités vers l’armée, la police et la promotion de la propriété privée. Les économistes qui proposent « le contraire » ont été mis de coté (pas de promotion, virés, pas employés dans des universités prestigieuses ou pas du tout employés, rejetés des principales revues, etc.). Enfin, les cours d’histoire de la pensée économique ont été mis de coté et beaucoup d’étudiants qui entrent en doctorat d’économie ne connaissent pas d’économie (ils viennent des maths ou de la physique), ou uniquement les théories des dix dernières années (car ceux sont celles qui sont la base de recherche pour pouvoir publier dans des revues prestigieuses et qui donc permettent de faire avancer les carrières et ne pas être virés. Comme on dit en anglais : “publish or perish”). Je recommande ces documents pour ceux d’entre vous qui veulent en savoir plus sur l’état de la profession économique :
http://www.normangirvan.info/wp-content/uploads/2009/08/queen2009b1.pdf (lettre à la reine d’Angleterre. Elle a demandée pourquoi les économistes n’ont pas prévu la crise)
http://www.ingentaconnect.com/content/mcb/274/2008/00000016/00000004/art00001
Le problème des crises reste toujour le même, une augmentation des plus value, cette augmentation de plus value doit être considérer come une augmentation de la masse monnaitaire. De plus cette recherche effréne de plus value tant a chercher de la mains d’oeuvre toujours moins cher, non pas pour diminuer le cout de vente des produit mais pour augmenter les marges bénéficiaires.
Il n’y a pas a chercher plus loin, la pourquoi des crises, toutes cette plus value et ré-investi et permet de faire monter les prix, en transformant cette plus value en crédit qui lui même permet une augmentation de la demande.
Il faut juste considerer le système economique comme un moteur complexe, si une piéce casse c’est tout le moteur qui s’arréte, quand c’est l’arbre a cannes qui casse, il faut changer de moteur.
Et comme l’arbre a canne du liberalisme est le credit, qui insufle la force de consommation. Il semblerait que le moteur soit HS. Esperons qu’il en ont prévue un de rechange. Mais comme c’est la chine, ont revient au problème de départ c’est a dire la plus value, sur des produits fabriqué et vendu a 5 Euro et revendu a 100 Euro. Ca tue vite l’équilibre du système se genre de plus value.
Bonne discussion…..
Merci pour cette explication pragmatique qui prouve bien que la micro économie valide pour le père de famille n’a rien à voir avec la macro économie.
Elles sont antinomiques un peu comme la physique quantique par rapport à la relativité.
Vous avez juste une lacune en mécanique auto.
L’arbre à cannes c’est le chêne, il ne plie pas mais rompt…effectivement…et c’est la panne.
Peut on trouver des éléments de réponse à la question posée en généralisant cette même question :
Pourquoi n’a-t-on pu prévoir un évènement ( a priori désagréable mais la question peut rester pertinente si l’évènement est reçu comme agréable) dans un champs « courant » de notre exixtence ?
Les spécialistes de recherches des « failles » ( il parait qu’il y en a à la CIA -des spécialistes et des failles) qui font des audits des « crises » après qu’elles aient eu lieu , pourrraient nous apporter leurs lumières .
PS : j’ai tapé » prévision des catastrophes » sur mon moteur de recherche et je n’ai trouvé que des prévisionnistes de catatrophes naturelles ou industrielles (donc proches des « naturelles »). Apparemment la nature est plus prévisible et auscultée que » l’économie » .
Les mêmes causes entrainant ,les mêmes effets,cette crise était parfaitement prévisible.La seule incertitude étant le point de bascule (estimation du timing à un ou deux trimestres près;tant qu’à faire, autant être péremptoire.
« Le premier qui dit la vérité doit être exécuté. »
Les bulles sont consubstantielles au fonctionnement du système.Leur dénonciation remet en cause le système lui même.En parler à M.Sornette.
Pour le coup je me suis ouvenu avoir conduit ,lors de recherches des « causes » d’accidents routiers , des audits où nous employions la méthode dite d’ »arbre des causes « .
Autant que je me souvienne la principale difficulté était d’isoler les « faits » , voire même de les nommer . Ce qui renvoie à certains aspects de l’analyse de Paul Jorion dans « Comment la réalité et la vérité furent inventées.
Ce que j’avais trouvé de plus pertinent et riche dans la méthode c’était la période de « remue-méninges » entre professionnels de la route , forces de l’ordre , personnels de santé Samu et psychologues , élus et représentants des usagers .
Peut être étions nous anthropologues sans le savoir .Ou tout bêtement entre gens de bon sens et de bonne volonté .
C’est clairement une approche très intéressante, qui pourrait lancer tout un débat. Je pense que je vais lire votre article pour me faire une idée plus précise, pour l’instant je m’en tiens à de petites remarques qu’il faut lire comme des propositions de contribution:
-chez les économistes académiques et professionnels, l’épistémologie qui s’est imposée est celle de l’ »économie positive » telle qu’elle a été définie par Milton Friedman en 1953 : en gros, le réalisme des hypothèses n’a aucune importance, ce qui compte, c’est que ces hypothèses soient économétriquement testables. En termes de filiation intellectuelle cela vient du positivisme logique du Cercle de Vienne (Carnap…). A noter en passant que le positivisme logique est très précisément ce à quoi s’oppose quelqu’un comme George Soros, quand il se pique de réfléchir (Soros, en fait, est intellectuellement austro-hongrois: il est toujours dans un débat « viennois »).
-le triomphe de cette épistémologie a balayé d’autres façons de penser l’économie : celle de Commons et des institutionnalistes assurément, mais aussi celle d’Herbert Simon, par exemple, qui alliait très bien sens de la théorie et sens du détail (en tout cas du « réalisme des hypothèses » psychologiques). Simon s’est retrouvé cantonné dans le management, surtout après que la théorie des anticipations rationnelles, explicitement dirigée contre sa « rationalité limitée », se soit développée chez les économistes.
-en même temps les recherches sur le fonctionnement des marchés et de l’économie qui se basent sur des « descriptions riches » n’ont pas disparu. Simplement elles se font généralement en dehors de la science économique académique. Un livre comme « Making markets » de Mitchel Abolafia (Harvard University Press, 1996), très bon exemple de « thick description » appliquée aux marchés financiers, illustre ce point puisqu’Abolafia, en termes de discipline académique, est… en sciences politiques. C’est par ailleurs un élève de Mark Granovetter, le père de l’ »economic sociology » américaine, qui constitue depuis une vingtaine d’années une partie importante et dynamique de la discipline sociologique aux Etats-Unis. Cette « sociologie économique » a produit et continue de produire des descriptions des marchés et de l’économie réellement existantes. Simplement, comme, en termes de découpage académique, cela ne fait pas partie de l’économie, ce n’est pas sur l’écran radar des économistes, à de rares exceptions près. En France, et pour s’en tenir à l’étude des marchés financiers, on peut lire les livres d’Olivier Godechot sur les traders, « Les fonds de pension » de Sabine Montagne (Odile Jacob, 2006) (excellente étude juridico-historico-institutionnelle sur ces drôles d’oiseaux), la thèse d’anthropologie d’Horacio Ortiz… (au passage Gillian Tett, la journaliste du Financial Times qui a écrit un des meilleurs livres sur la crise financière (« Fool’s Gold ») est anthropologue de formation).
-ce qui m’amène au troisième point: le problème principal n’est pas intellectuel (des recherches basées sur des « descriptions riches » peuvent se faire et d’ailleurs se font), il est institutionnel et d’une certaine façon politique (ces recherches ne sont pas considérées et labélisées comme « de l’économie »; ceux qui en font ne sont pas « des économistes »).
Je m’arrête là pour l’instant, on en reparlera…
JOC
@jocharron
Je vous suis sur de nombreux points , mais je ferai deux remarques
1/ M Friedman n’est pas positiviste logique. Ce sont les keynesiens qui se rattachent à ce courant de pensée qui considère qu’une proposition doit être décidable ( décidable veut dire qu’une théorie doit partir d’un fait (d’où le terme décidable) et s’enchaîner de façon logique ( sans rapports aux faits, donc) . Friedman fait partie de ceux qui à la suite de Popper ont combattu cette façon de voir , le plus souvent autour d’arguments assez forts et qui seraient repris ici « les yeux fermés » s’ils n’avaient été produits sous la plume de Friedman (en particulier le recours à l’expérience) . En fait ces auteurs prônent le retour à la démarche hypothético-déductive classique ( d’où le nom de théorie falsifiable) ce qui explique in fine leur puissance dans les mileux académiques .
On peut difficilement se réclamer de la méthode scientifique en économie et ne pas les suivre ( d’où la nécessité de discuter de sa nature scientifique)
2/ Cela renvoie au poids de la logique mathématique en économie. Ce poids n’a rien de politique, mais il est purement corporatiste (et renvoie encore une fois aux théories de Popper) . Mais vous ne pouvez pas y toucher « comme cela » : car ce serait toucher au principe de l’indépendance de la recherche académique. Ce serait donc pire !
Votre seule arme est donc celle de l’argumentation critique au nom de la vérité.. ce qui est long et frustrant.
En attendant vous pouvez rejoindre le camp de ceux qui ont eu raison trop tôt .
Bienvenue au club !
amicalement
Voici mes remarques à propos des quelques phrases qui concernent Marx (KM) dans l’article posté :
1/ « Marx a partagé avec ses adversaires idéologiques (l’école classique de l’économie politique) l’approche de recherche basée sur les simplifications et abstractions. De cette façon il a contribué à l’établissement de la néfaste tradition mentionnée ci-dessus de la discipline économique. »
[Marx dans sa correspondance avec Friedrich Engels pose des centaines de questions sur les coûts, les pratiques industrielles, le calcul des bénéfices, etc. Il épluche à la Bibliothèque royale de Londres les rapports et les statistiques que produisent les inspecteurs anglais des fabriques à la demande du Parlement et se plaint de l’indigence des statistiques d’Europe occidentale (Allemagne et France…) et espère qu’un jour des enquêtes aussi fouillées que celles des inspecteurs anglais verront le jour dans ces pays. Il décrit par le menu les règles, les batailles institutionnelles dans l’Angleterre des 18e et 19e siècles, tout au long du Capital des centaines de pages avec des notes de bas de page qui renvoient aux documents statistiques et aux sources utilisées… Si Marx est mort, c’est bien parce que vous ne l’avez jamais lu !]
2/ « La méthodologie qu’il a utilisée en rédigeant Le Capital se résume dans sa célèbre phrase : « L’analyse des formes économiques ne peut, en outre, s’aider ni du microscope, ni d’aucun réactif chimique. Il faut les remplacer par la force d’abstraction » (Le Capital, Livre I, PUF, 1993, p. 4). »
[Parce que vous lisez « abstraction » vous concluez donc que KM a fait une science économique abstraite… Qu’il s’explique sur sa pratique théorique en des dizaines de pages avant, pendant et après la rédaction du Livre I du Capital, ne vous trouble pas… Une ligne résume tout. Que ses explications partent toujours de la recherche des faits et des processus qui expliquent ces faits ne vous trouble pas non plus… Avez-vous seulement une idée de ce qu’il appelait la « mauvaise abstraction » ? Quasiment l’ensemble de votre article tombe sous le coup de cette critique : « les économistes », lesquels ? Michel Husson, Paul Bocara, Daniel Cohen, Jacques Marseille, Jacques Généreux ? Les deux premiers ont produit des travaux dès la fin des années 1990 qui expliquent les conditions de la crise systémique qui allait se produire. Le « paradigme moderniste/positiviste » c’est quoi dès lors que vous y placez Marx (!!!) et « l’école néo-classique » (des noms !) : réduire le matérialisme dialectique et historique à un positivisme est une absurdité. Peut-être parce que Auguste Comte cherchait des lois et que Marx parle de lois cela permet de les mettre dans le même sac ? « Les lois » voilà encore de la mauvaise abstraction. Que l’un veuille des lois sans contradiction et que l’autre énonce que toute loi est fondamentalement contradictoire, c’est du pareil au même ?]
3/ « Comme les autres représentants de l’école classique, il croyait profondément dans l’existence des « lois naturelles » dans le domaine économique. »
[Quand KM parle de « lois naturelles » dans la préface de la première édition du Capital, c’est pour dire que « les lois naturelles de la production capitaliste… agissent et s’imposent avec une nécessité de fer. » et tous ses textes sont un appel au renversement de ces lois… qui ne sont « naturelles » qu’au mode de production capitaliste et qu’il faut les subvertir pour s’en émanciper ! A aucun moment, il n’a en vue des lois physiques ou chimiques. Son analogie sortie du contexte devient ridicule, évidemment.
Quand KM énonce qu’il faut faire appel à l’abstraction, c’est qu’il veut dire qu’il nous faut faire le même effort intellectuel que Galilée fait, quand il voit la lune et le soleil dans sa lunette, pour imaginer que la terre tourne (abstraction qui ne correspond à aucun fait sensible et immédiat). Ainsi KM appelle à voir derrière la marchandise, l’argent et derrière l’argent, le capital (dans une société dont le mode de production est capitaliste) et toutes leurs métamorphoses inévitables à partir de la société marchande, dès lors que les conditions nécessaires sont réunies pour que cette transition ait lieu.]
4/ « Marx était pris dans les visions scholastiques de son temps en partageant avec John Stuart Mill la conviction de l’impossibilité de l’approche expérimentale dans le domaine économique (Idem) »
[Si vous aviez lu quelques lignes plus loin cette même préface, vous auriez découvert ceci : « Le pays le plus développé industriellement ne fait que montrer ici aux pays moins développés l’image de leur propre avenir. » Ce qui signifie très précisément que le pays le plus développé donne comme en une représentation expérimentale les étapes et les processus qui peuvent se reproduire avec un décalage temporel dans d’autres pays… ce qui est classiquement l’utilisation de comparaisons internationales pour construire des modèles pouvant rendre compte des différences/similitudes qui expliquent les évolutions convergentes/divergentes d’un groupe de pays. Ceci a le statut d’une expérimentation en épistémologie de systèmes complexes (cela se retrouve en anthropologie, en psychologie, en sociologie…) KM qui est le premier penseur systémique ne pouvait le manquer et il ne manque jamais une occasion de montrer ces différences entre les pays : je cite ce qu’il écrit trois lignes plus bas : « Partout, chez nous [en Allemagne, bien entendu], où la production capitaliste a intégralement élu droit de cité, par exemple dans les fabriques proprement dites, la situation est bien pire qu’en Angleterre, parce qu’il manque le contrepoids des Lois sur les fabriques. » Il enfonce le clou une demi-page plus loin : « C’est pourquoi, entre autres choses, j’ai accordé à l’histoire, au contenu et aux résultats de la législation anglaise sur les fabriques une place aussi exhaustive dans ce volume [Le Capital, LI]. » Ce qui au passage fait justice de ceux qui énoncent en toute liberté créatrice à propos de la pensée marxienne, que Marx ne tient aucun compte de la dimension institutionnelle ! Comme vous l’écrivez, n’est-ce pas : « En croyant aux lois naturelles, Marx ne comprenait pas les sources des régularités dans la vie sociale : les règles (les institutions) et les croyances derrière ces règles. » Il est vrai que vous rajoutez des « croyances » derrière les règles et que KM se méfiait des croyances, il préférait l’affrontement des intérêts contradictoires entre les classes sociales… « les croyances » c’est encore de la mauvaise abstraction, bien entendu.
Quant au terme de scholastique… il faudrait savoir ce qu’il signifie dans votre texte : est-ce la scholastique du Moyen-Age ? Ce serait osé pour une pensée qui s’appuie sur une logique aussi élaborée que celle de Hegel !]
5/ « Le Capital de Marx est une œuvre dans une grande mesure scholastique visant à « prouver » l’existence de l’exploitation de la classe ouvrière par la bourgeoisie et non pas à chercher les rouages du fonctionnement du système pour les changer de façon constructive et non pas destructive. »
[Encore la scholastique qui revient… si je comprends bien le Capital est scholastique parce qu’il veut prouver l’exploitation, comme l’université du Moyen-Age voulait prouver l’existence de Dieu ! Effectivement le Capital est une démonstration de l’exploitation capitaliste, de ses origines, de son développement, de ses méfaits et de sa fin ! Pas au sens téléologique qui flotte dans votre perception de la pensée marxienne, non, au sens où les contradictions inhérentes à ce développement du capitalisme va inéluctablement le faire éclater et se transformer en un autre mode de production… lequel ? Personne n’a de réponse et le seul souhait de Marx était que l’humanité soit suffisamment consciente des processus d’économie politique (entre autres, mais il y faut de la démocratie, de la science et probablement de la sagesse !) pour pouvoir les maîtriser et cesser d’en être le jouet comme actuellement.]
6/ Votre schéma ternaire (survivance maçonnique peut-être ?) « Idéologie/Institutions/Législation » a l’immense mérite de montrer que la mauvaise abstraction est mauvaise conseillère : plus d’acteurs dans votre schéma ! Cela devient la trilogie divine et nous pouvons comprendre enfin la main invisible du marché ! Ce n’est pas avec ceci que vous me déciderez à abandonner l’étude de la pensée marxienne…
[Vous pensez peut-être que votre explication « Le fonctionnement des institutions provoque les réactions des différents acteurs qui s’expriment dans les idéologies ; les idéologies se font une concurrence d’influence, et pour une raison ou une autre, une de ces idéologies détermine le contenu d’une législation qui est créée pour résoudre les problèmes du fonctionnement des institutions ; la nouvelle législation influence (et non pas détermine) le fonctionnement des institutions avec les anciens et/ou nouveaux problèmes, et on revient au point initial du cycle » fait entrer en ligne de compte les acteurs ? Mais « les acteurs » dans ce contexte ne sont que les jouets « des institutions », c’est encore de la mauvaise abstraction… et je serai curieux de voir comment grâce à ce type d’explications vous allez pouvoir rendre compte des batailles rangées qui se sont produites en Angleterre pour réduire le temps de travail des enfants, des femmes… jusqu’à parvenir (grâce aux croyances, peut-être) à imposer une législation aux patrons des fabriques et des mines ! KM, lui, il a étudié en détail combien les gens en crevaient, pourquoi ils continuaient à y aller et à y mettre leurs enfants, combien ça rapportait aux patrons et ce que faisaient de leur argent ces mêmes patrons.]
7/ Je ne prolonge pas davantage, le discours deviendrait répétitif, mais je tiens quand même à conclure par une citation (encore une, je ne m’en lasse pas !) de cette même préface du Capital (encore un peu plus loin sur la même page) : « Une nation doit et peut apprendre auprès d’une autre. Même lorsqu’une société est sur le point de parvenir à la connaissance de la loi naturelle qui préside à son évolution – et la fin ultime visée par cet ouvrage est bien de dévoiler la loi d’évolution économique de la société moderne – elle ne peut cependant ni sauter, ni rayer par décret les phases naturelles de son développement. Mais elle peut abréger et atténuer les douleurs de l’enfantement. »
[Et pour ceux qui comme vous, sauteraient sur l’occasion de me dire « Vous voyez bien qu’il croit aux lois naturelles ! », je complète la citation par les lignes qui viennent après : « Moins que tout autre encore, ma perspective, qui consiste à appréhender le développement de la formation économico-sociale comme un processus historique naturel, ne saurait rendre un individu singulier responsable de rapports et de conditions dont il demeure socialement le produit, quand bien même il parviendrait à s’élever, subjectivement, au-dessus de ceux-ci. » Car pour KM, « naturel » signifie dans ce contexte que, tant que les lois économiques du mode de production capitaliste ne sont pas maîtrisées par l’humanité, elles se déroulent « naturellement ». Et qu’on ne peut se débarrasser à bon compte de l’idéologie qui nous imprègne.]
Quant à l’idée que la révolution doit être violente et tout casser, voici ce qu’il en dit dans la page suivante : « [Les signes des temps, du changement] ne signifient pas que demain des miracles vont s’accomplir. Ils montrent à quel point, même dans les classes sociales dominantes, on voit poindre le sentiment que la société actuelle n’est pas un cristal définitivement solidifié mais un organisme susceptible de mutation, et constamment pris dans un processus de mutation. »
Remarque générale : Peut-on s’essuyer les pieds sur un auteur comme sur un paillasson ? Oui, sur Karl Marx c’est toujours possible et personne ne proteste, cf. la quasi totalité des commentaires postés précédemment.
Bonjour,
Les économistes et autres n’ont pas su voir / prévoir la crise parce qu’il n’ont pas fréquenté ma grand-mère qui faisait très attention à ne pas dépenser plus que ce qu’elle avait et qui pleine de bon sens me disait toujours:
« Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ».
Bonne et heureuse année à tous.
quand on dit que les économistes n’ont pas prévu la crise, on est très gentil et très poli;
quand on essaie, le plus possible, de prouver que c’est dans leur raisonnement que se trouve le problème, on est une fois de plus très poli et très gentil à leur égard;
de cette politesse et gentillesse, on attend qu’ils admettent leurs erreurs;
mais la patience a des limites;
viendra un jour où il sera nécessaire de parler de leur complicité et responsabilité dans la catastrophe actuelle;
@ « viendra un jour où il sera nécessaire de parler de leur complicité et responsabilité dans la catastrophe actuelle »
Mais nous ne parlons que de cela, Monsieur ausptiz. La responsabilité d’un intellectuel est dans la véracité de ses analyses. Sa moralité est dans sa capacité à se remettre en cause si son erreur est avérée
Que cette personne profite ou non du système est à mon sens un faux débat.
amicalement
Le génie c’est expliquer simplement car rien n’est compliqué et rien n’a été inventé sauf les mots que l’on assemble pour faire croire que justement c’est affaire de spécialistes ou d’une élite qui seule peut comprendre.
Les économistes ne sont que les romanciers de l’activité commerciale humaine et rien d’autre, ne cherchez donc pas chez eux une science, l’économie n’est pas plus une science que les marchés sont efficients.
D’ailleurs une science se satisferait elle de justifier des comportements truqués à la base ???
Non, je ne crois pas, je pense que le propre d’une science est justement de s’attacher à rechercher le vrai du faux et non pas de cautionner dans de beaux manuels les travers de la cupidité des hommes.
L’économie, c’est normalement la gestion des choses de la maison,
Qu’ont ils fait de la maison tous ces charmants charlatans universitaires ???