Billet invité.
A FORCE D’ALLER PAR TROP LOIN
Sans beaucoup d’imagination ni de renouveau, les nouvelles de la crise s’accumulent et se ressemblent. Le chômage grimpe, sans autre perspective. Le « W » le dispute au symbole de la racine carré (et de sa barre horizontale) pour illustrer la très faible relance économique qui nous est proposée. Les nouvelles bulles financières prospèrent et font craindre, chacune dans leur genre, de très sérieux nouveaux dégâts, la précédente n’ayant pas fini d’éclater. La future régulation patine plus que jamais, alimentant la certitude qu’une nouvelle crise encore plus dévastatrice est inévitable. Les gouvernements et les banques centrales savent encore moins qu’avant que faire. Les banques font plus ou moins bonne figure et dissimulent comme elles peuvent leurs grosses bêtises (qu’il faudra bien montrer) tout en défendant envers et contre tout leur terrain de jeu. Pour clore la semaine, enfin, un gros et symbolique incident de parcours à Dubai vient à peine troubler cette désespérante routine, enflammant un instant les esprits de peur que n’éclate un nouveau Lehman Brothers, mais il ne s’agit finalement que d’une petite affaire de quelques dizaines de milliards de dollars…
Cependant, nous secouant de cette dangereuse torpeur qui vient à nous gagner, une simple interrogation, tout en restant sans réponse, résonne de plus en plus dans notre tête : si l’inconcevable arrivait ? Si cette crise, qui semblait n’avoir que de mauvaises issues, n’en avait finalement pas, même de boiteuse ? Si sa solution se révélait hors de portée de tous ceux qui s’affairent, financiers, gouvernements et banques centrales confondus ? Si les choses, enfin, étaient allées par trop loin ? Qu’arriverait-il donc alors ?
L’idée commence en effet à s’imposer que le sauvetage du système financier n’était décidément pas dans les moyens des pouvoirs publics, qui y ont pourtant mis toute leur détermination et leur fortune. Mais que les déficits des Etats ont déjà atteint de périlleux sommets alors que le travail est loin d’être terminé. Que les banques centrales semblent paralysées, leurs outils inopérants. Et que, pour les uns comme pour les autres, les choix sont d’autant plus difficiles à faire qu’aucune des alternatives disponibles n’est envisageable. Ni stopper les mesures de soutien économique, ni les poursuivre pour les premiers. Ni arrêter de soutenir les banques, ni continuer de le faire pour les secondes.
Les traitements qui ont été administrés ne peuvent être interrompus, mais ils sont inadaptés et ont de redoutables potentiels effets secondaires. Ils s’appellent accroissement des déficits publics (d’un niveau jamais atteint en temps de paix), retour d’un carry-trade dévastateur, perturbations violentes des marchés monétaires, inflation des actifs boursiers…Tous perturbent grandement l’économie.
On peut discuter pour savoir si la crise des crédits hypothécaires commerciaux va ou non éclater à la figure des banques dans les deux ans qui viennent (encore que cela semble assez bien établi). Il est possible de s’interroger sur l’amplitude que va pouvoir prendre sans éclater la nouvelle bulle financière privée qui continuent d’enfler. Ou bien de le faire pour jauger la capacité des marchés à financer dans l’avenir et à des taux acceptables à la fois la dette publique, les émissions obligataires des entreprises et les besoins de renforcement des fonds propres des banques. De se demander combien de missions de sauvetage le FMI sera financièrement capable d’assumer dans les zones sinistrées sans devoir s’engager à son tour dans une politique inédite de création monétaire. Tout ceci est certainement discutable, mais il est une chose d’ores et déjà établie : les Etats n’ont plus les munitions nécessaires pour faire face à la prochaine grande crise que le système financier prépare, convaincu non sans raisons d’avoir déjà remporté la bataille de la régulation financière. Ce qui permet, sans chercher plus loin, de se reposer la même question: que va-t-il bien pouvoir arriver ?
Sans trop oser l’imaginer.
50 réponses à “L’actualité de la crise: A force d’aller par trop loin, par François Leclerc”
Dans la mythologie grecque, les Danaïdes (en grec ancien Δαναίδες / Danaídes) sont les cinquante filles du roi Danaos. Elles accompagnent leur père à Argos quand il fuit ses neveux, les cinquante fils de son frère Égyptos. Après qu’ils ont proposé une réconciliation, elles épousent leurs cousins et les mettent à mort le soir même des noces. Les Danaïdes sont condamnées, aux Enfers, à remplir sans fin un tonneau sans fond.
Aujourd’hui même, Angela Merkel continue de remplir le tonneau des Danaïdes.
La chancelière allemande Angela Merkel a qualifié samedi de « critique » la situation du crédit et a appelé les banques à faire plus pour aider à financer les entreprises.
« Nous sommes dans une situation critique » en ce qui concerne le financement des grandes et moyennes entreprises, a affirmé Mme Merkel dans son message vidéo hebdomadaire diffusé sur internet.
La chancelière a indiqué qu’elle aborderait le sujet mercredi 2 décembre lors d’une réunion sur la situation économique avec des représentants des institutions financières, des syndicats, et des experts.
Les banques doivent se comporter de façon raisonnable, a affirmé Mme Merkel, mais « elles ont également des devoirs envers l’ensemble de la société en tant que responsables économiques ».
« C’est pourquoi nous dirons très clairement que nous exigeons que les institutions financières remplissent leurs devoirs », a ajouté la chancelière.
Elle a également fait savoir que son gouvernement allait nommer un « médiateur » national responsable pour le crédit, chargé d’aider les entreprises à obtenir des financements bancaires, et elle a exprimé le souhait que les 16 Etats régionaux fassent de même.
« La crise n’est pas finie », a encore souligné Mme Merkel, qui a toutefois estimé que le recul du PIB ne serait cette année que de « quatre à cinq pourcent » comparé à une prévision en début d’année de – 6 %.
Selon le magazine Spiegel, à paraître lundi 30 novembre, le gouvernement fédéral serait prêt à garantir pour 10 milliards d’euros des créances de banques, ce qui leur permettrait de générer un nouveau volume de crédits de l’ordre de 100 milliards d’euros à un moment où la pénurie d’argent fait craindre pour la reprise, déjà fragile, de l’économie.
Le financement gouvernemental proviendrait du « Deutschlandfonds », un fonds établi pour lutter contre la crise, et viendrait s’ajouter à deux programmes de relance conjoncturelle et à un programme de stabilisation bancaire déjà mis en place par Berlin depuis un an.
Par ailleurs, la Bundesbank vient d’avertir que les banques allemandes pourraient avoir à déprécier encore jusqu’à 90 milliards d’euros d’ici fin 2010 en raison de la crise.
Le plus grand risque porte sur les crédits, alors que les clients, entreprises ou particuliers, ont davantage de difficultés à rembourser leurs emprunts en raison de la récession, souligne le Bundesbank dans son dernier rapport annuel sur la stabilité du système financier allemand.
La reprise récente des marchés financiers et le redressement des comptes affiché par de nombreuses banques, en particulier le numéro un du pays Deutsche Bank, ne signifient pas que la crise financière est à ranger au placard, a également averti la banque centrale allemande.
http://www.romandie.com/infos/news2/091128135131.w7fr0z2l.asp
En clair :
– en Allemagne, l’Etat va garantir 10 milliards d’euros des créances de banques …
– … mais les banques vont devoir déprécier 90 milliards d’euros ! Ces 90 milliards d’euros sont de soi-disants « actifs », mais ce sont en réalité des créances irrécouvrables. Ce sont des actifs pourris, dont la valeur réelle est égale à zéro.
– Comme presque tous les Etats occidentaux, en Allemagne, l’Etat utilise l’argent des contribuables pour renflouer les banques. L’Etat se surendette pour essayer de sauver les banques de la faillite. L’Etat utilise l’argent des contribuables pour remplir le tonneau des Danaïdes.
– Jusqu’à quand ?