La Revue du MAUSS consacrera à la rentrée un numéro à l’ « actualité de Marx ». Je propose le bref texte suivant.
Dans le Manifeste du parti communiste, publié en 1848, Marx et Engels affirment que l’histoire humaine a toujours connu une lutte des classes et s’assimile à elle. La bourgeoisie apparut au Moyen Âge comme la contradiction et la rivale de l’aristocratie qui régna durant le période féodale, elle s’opposa à la puissance de celle-ci et réussit sinon à l’éliminer, du moins à lui ravir le pouvoir. Depuis, la bourgeoisie a, elle aussi, engendré sa propre contradiction sous la forme d’une nouvelle classe : celle du prolétariat, sans accès à la propriété privée et dont la seule richesse consiste en sa capacité à louer sa force de travail. Les temps contemporains sont ceux de la lutte entre ces deux classes : la bourgeoisie et le prolétariat et, de la même manière que la bourgeoisie l’emporta sur l’aristocratie, le prolétariat l’emportera à son tour sur la bourgeoise. La différence cette fois, et elle est essentielle car elle mettra fin à l’histoire en tant que devenir en constant changement, est que le prolétariat, conscient de la nature de l’histoire comme lutte des classes, abolira lui les classes une fois pour toutes.
Engels insiste dans les préfaces qu’il rédigea pour les éditions successives du Manifeste, et plus spécialement encore dans celles qui furent publiées après la mort de Marx le 13 mars 1883 (Engels évoque avec tendresse dans la préface à l’édition allemande de 1883, « la première pousse de gazon » sur la tombe de son ami au cimetière de Highgate à Londres), sur le fait que ce schéma hégélien de l’histoire humaine est dû entièrement à celui-ci, n’ayant émergé en 1845 que de façon tout à fait embryonnaire de sa propre étude consacrée à la production industrielle : The Condition of the Working Class in England in 1844. La proposition selon laquelle « l’histoire entière de l’humanité (depuis la disparition de la société tribale, chez qui la terre est possédée en commun) a été une histoire de luttes de classes, d’affrontements entre les exploiteurs et les exploités, entre les classes au pouvoir et les classes opprimées » (Engels 1888) est attribuée par Engels à Marx entièrement.
Il n’y a là rien de surprenant : des deux, malgré la familiarité du jeune Engels avec celui-ci, l’élève de Hegel le plus consciencieux, c’est bien Marx, qui lit dans l’histoire humaine l’affrontement de la thèse et de l’antithèse qui sont dans un premier temps l’aristocratie et la bourgeoise, et dans un deuxième temps, respectivement cette dernière et le prolétariat. Lequel opérera enfin la synthèse d’une société sans classe, marquant ainsi la fin de l’histoire, car privant celle-ci du moteur qui la constitua : l’affrontement toujours renouvelé de deux classes antagonistes.
Engels, bien que familier lui aussi de l’hégélianisme, n’aurait selon lui pas pu déceler un tel schéma simplificateur dans le déroulement du processus historique. Nul doute que quand il insiste pour attribuer la paternité de la lutte manichéenne des classes à Marx seul il s’agit pour lui d’un hommage sincère à son ami défunt. Le fait demeure que par ces déclarations il apparaît aujourd’hui comme exempt de la simplification hâtive implicite chez Marx, et sans doute exonéré de la responsabilité de ce qui n’évolua pas comme prévu dans la futurologie comprise dans Le Manifeste.
Dans Le Capital, Marx appelle « capitalistes », à la fois, les investisseurs détenteurs de capital et les chefs d’entreprise, et c’est ce qui lui permet d’opposer deux classes seulement dans le processus de la lutte des classes. Faisant cela, il rompt avec la tradition de l’économie politique jusqu’à lui, qui a distingué soigneusement les « rentiers », les « capitalistes » proprement dits car pourvoyeurs de capital, des « entrepreneurs », chefs d’entreprises et des travailleurs. C’est à cette confusion sous un seul titre des rentiers et des entrepreneurs que doivent être attribuées presqu’entièrement les erreurs existant dans les prévisions faites dans Le Manifeste.
Cette confusion n’était pas inéluctable puisque dans les notes disparates de Marx publiées par Engels en 1894 sous le nom de volume III du Capital, Marx distingue très justement en tant qu’« intérêts » et « profit » les parts du surplus obtenus respectivement par les rentiers, les « capitalistes » proprement dit et par les entrepreneurs – quitte pour ceux-ci de partager ce « profit » en salaires des travailleurs et en profit (« résiduaire ») qui leur revient à eux, entrepreneurs. Le fait que le rapport dans lequel cette redistribution du surplus entre rentiers et entrepreneurs n’est pas préétabli et se résout en un taux d’intérêt spécifique que les entrepreneurs devront consentir aux rentiers comme prix de la location du capital, taux constituant la mesure exacte de leur rapport de force, aurait dû attirer l’attention de Marx sur le fait que l’antagonisme entre rentiers et entrepreneurs est premier et que celui qui oppose ensuite entrepreneurs et salariés selon le rapport de force entre eux cette fois, est lui second, et ceci aurait dû le dissuader de recourir au schéma simplificateur des deux classes pour reconnaître les trois qui sont réellement en présence, à savoir rentiers, entrepreneurs et travailleurs, ce dont ses prédécesseurs de l’économie politique étaient eux pleinement conscients.
Le prolétariat changea bien sûr de forme durant la période qui s’étend de 1848 à nos jours. Salariés, les prolétaires cessèrent de travailler essentiellement en usine, et alors que c’était leur condition de salarié seule qui faisait d’eux des prolétaires, ils se convainquirent rapidement que le fait de travailler dans des bureaux faisait d’eux désormais des « bourgeois » plutôt que des prolétaires. Leur aliénation – que Marx avait justement dénoncée – était telle, qu’ils n’y virent que du feu.
Or la lutte des classes se réduisant à l’affrontement de deux classes au lieu de trois, n’aurait lieu que plus de cent-vingt ans plus tard. C’est en effet vers 1975 que McKinsey and Cy., une firme de conseil à l’intention des dirigeants d’entreprise devrait mettre au point la « stock option », un instrument financier visant à aligner une fois pour toutes les intérêts des rentiers et des entrepreneurs. Le plan réussit par-delà leurs rêves les plus fous : la classe des salariés subit dans un premier temps une défaite cinglante, qui devait s’avérer dans un deuxième temps une victoire à la Pyrrhus pour ceux que Marx appelait conjointement les « capitalistes » puisque le système tout entier qui consacrait leur triomphe entreprit de s’effondrer entièrement un peu plus de trente années plus tard, et ceci sans que le nouveau prolétariat, la classe des salariés, ait seulement levé le petit doigt, aliénée entièrement, parfaitement convaincue – en Chine aussi bien qu’en Occident – d’avoir rejoint les rangs de la bourgeoisie et sans avoir même remarqué que tout ce qu’elle prétendait posséder lui était seulement prêté par la banque, à charge pour elle de l’entretenir soigneusement, sous peine de saisie.
145 réponses à “Ils avaient un monde à y gagner”
non, Paul, la dictature du prolétariat est en action présentement, c’est cette terrible aliénation dont vous parlez dans votre billet et dénoncée par Marx, en son temps. Votre blog doit continuer à oeuvrer contre cette dernière, c’est votre rôle d’honnête intellectuel, Théodore sera fier de vous. En attendant qu’il grandisse, nous hisserons nous-mêmes vos couleurs et votre pavillon du « devenir meilleur ».
Le système capitaliste a besoin d’ inflation pour survivre.
Pour creer de la nouvelle monnaie indispensable au paiement des interets sans inflation, il faut une croissance exponentielle de la production de valeurs garantissant cette monnaie.
Dans un monde clos ou la croissance exponentielle de production atteint ses limites (resources naturelles), le seul moyen de payer les intérets est de continuer à creer de la monnaie mais sans augmenter la quantité de valeurs sous jacantes, la monnaie perd de sa valeur unitaire, c’ est l’ inflation.
Sans création de monnaie, l’ argent des interets doit etre puisé dans la liquidation des valeur existantes et c’est une spirale deflationiste qui entrainerait une auto-destruction du système lui même.
le système de la dépense ?
La deflation des actifs peut aussi être la conséquence de l’innovation : exemple l’electro ménager était à la base hors de prix et trés peu cher maintenant, idem pour la video, l’informatique et bientôt l’immobilier etc…
Cela permet de libérer une grosse partie du pouvoir d’achat et de les consacrer à d’autres achats d’actifs.
dans les années 50-60 : 60% du budget des menages était consacré à l’alimentation et à l’habillement….puis est venu le supermarché…on est à 25% de nos jours.
Pourtant la période des années 60 à aujourd’hui étaient des années capitalistes…..ça a juste libéré du budget pour des achats d’autres actifs (loisirs, voiture etc…)
il faut donc a mon avis dissocier la déflation d’un actif causé par la bulle spéculative et la déflation d’un actif causé par l’innovation technique!
Article du monde diplomatique : trés bon.
vendredi 7 août 2009
Banques, bonus, bénéfices : le paradoxe des parasites
Onze milliards quatre cent millions de dollars provisionnés au premier semestre 2009 par la banque américaine Goldman Sachs pour récompenser ses courtiers ; 1 milliard d’euros épargné par BNP Paribas en prévision du versement de primes à ses acrobates financiers (selon Libération, 5 août 2009) ; 4 milliards de livres sterling de bonus attendus par les traders de la City, à Londres ; 32,6 milliards de dollars versés l’an dernier sous forme de primes par neuf établissements de Wall Street qui, dans le même temps, avaient perçu 175 milliards d’aides publiques, selon les conclusions de l’enquête menée par le procureur général de l’Etat de New York, M. Andrew Cuomo (1) : la routine bancaire a repris son cours.
Bien que situés quelques barreaux en dessous sur l’échelle de la démesure, ces montants évoquent ceux mobilisés quelques mois plus tôt par les puissances publiques pour sauver le réseau bancaire mondial de l’effondrement. De septembre 2008 au printemps 2009, chefs d’Etat et banquiers centraux se sont, littéralement, mis au service des banques privées. Avec l’argent du contribuable, ils ont nationalisé les plus claudicantes, garanti ou racheté les créances pourries détenues par les autres, injecté des centaines de milliards de dollars dans leurs fondations branlantes, inondé les guichets d’un flot illimité et pratiquement gratuit de liquidités. Pour, finalement, se substituer à des établissements soudain incapables de remplir leur principale fonction : irriguer l’économie en crédit.
C’est là tout le paradoxe des parasites. En l’espace de quelques mois, les banques d’affaires privées ont successivement démontré leur nullité (politique de prêts reposant sur l’idée que les prix de l’immobilier grimperaient éternellement, accumulation explosive de créances douteuses), leur nocivité (funambulisme spéculatif sur le pétrole, les produits alimentaires et les matières premières), leur fragilité (le naufrage de l’une déclenche une crise mondiale du crédit), leur inutilité (l’Etat les remplace sans dommage) et, enfin, l’insatiable cupidité de leurs dirigeants – sans qu’il en soit tiré aucune conséquence pratique. Nationaliser franchement, et durablement, l’ensemble du secteur aurait-il été plus coûteux ?
Malgré les communiqués triomphaux des membres du G20 (dont la Chine, la Russie, le Brésil, l’Argentine, l’Afrique du Sud) réunis à Londres en avril dernier pour « réformer le capitalisme » et ramener ses acteurs à plus de raison, le sauvetage des géants de la finance n’a été assorti d’aucune condition digne de ce nom. Comme l’indiquent les profits enregistrés au deuxième trimestre 2009 par Goldman Sachs, Citigroup, Barclays, BNP Paribas, HSBC, etc., la rente bancaire sort intacte d’une crise qui prive d’emploi des dizaines de millions de salariés ; elle accomplit l’exploit d’unir dans une commune réprobation des contribuables détroussés par des tarifs exorbitants et soumis à la gabelle du renflouage, les chefs d’entreprise étouffés par la restriction du crédit et les actionnaires effarés par le montant de bonus qui amputent d’autant leurs dividendes !
Dans la Grèce antique, l’hubris, cette aspiration violente à la démesure, appelait la némésis, le châtiment par la destruction. Mais quel gouvernement se risquerait à réprimer un secteur où se recrutent et se recyclent tant de cadres du pouvoir politique ?
Pierre Rimbert
Vous oubliez quand meme de mentionner qu’il y a redistribution de la moitie du PIB, en France, sous forme par exemple chaque annee de 80 milliards d’euros destines a l’education nationale secondaire et superieure, ce n’est pas rien. Et on a une telle habitude de cette gratuite qui est le premier budget de l’Etat, deux fois le budget des armees, que l’on a saccage notre enseignement. Attention! Il y a bientot des elections en Allemagne, un ecrivain celebre explique aujourd’hui que cela suffit de redistribuer la moitie de la richesse nationale chaque annee, il faut arreter. Et l’Allemagne preleve 10 points de moins que la France! Nous sommes dans un contexte nouveau avec des Etats quasi ruines comme en France, a force de crier « AU LOUP »….
C’est pour que chacun puisse éduquer ses enfants, riches et pauvres. Sinon, seuls les riches pourraient payer l’école de leurs enfants tandis que les pauvres dans votre glorieuse vision du monde devraient sans doute se résoudre à travailler dès 5 ans, comme en inde, etc. C’est une belle vision libérale que voilà, commencer par tailler dans l’éducation en toute générosité s’entend, c’est par gratitude qu’on refuse l’éducation à tous.
Ensuite il y a bien quelque attardés libéraux en Allemagne particulièrement retardés sur le plan intellectuel et hargneux à cause de leur perspectives mauvaises au élections, celles-ci ou les suivantes. C’est un petit parti allié de la CDU, ex centriste libéral (FDP) dont le seul but est de faire baisser les impôts, je l’ai entendu à la télé, et de s’opposer à Die Linke. Il continue à perpétuer les arguments libéraux qui nous ont menés là où nous sommes.
L
Une petite question pour les économistes:
J’observe depuis ces trois dernier mois, une évolution quasi linéaire (à la hausse) des cours des actions.
Est-il possible, pour des organismes au possibilités financières énormes, de faire monter artificiellement les cours, en jouant sur le mode de passation des ordres ?
Je m’explique: Dans le mode « Au marché » (vente ou achat « à tout prix »), il est possible, par exemple, de faire bouger une action de plusieurs centimes avec une somme, disons, de 100.000 euros (autant dire « rien », pour eux). Par contre, en passant un ordre à prix limité, cela n’a évidemment aucun effet sur le cours, sauf à le faire stagner, quelques secondes, sur un montant donné.
Est-il concevable que les « robots » des grandes banques jouent sur ce phénomène (acheter en faisant monter, puis vendre sans – trop – faire descendre) ? (ça expliquerait la « linéarité » très surprenante des cours depuis trois mois).
« Est-il possible, pour des organismes au possibilités financières énormes, de faire monter artificiellement les cours, en jouant sur le mode de passation des ordres ? »
Bonjour, vous trouverez peut-être votre réponse à la lecture de cet article paru sur AgoraVox, écrit à l’origine
dans le magazine Rolling Stone par Matt Taibbi, certains doivent déjà le connaître, moi je viens tout juste de le découvrir c’est effarant et consternant on y apprend beaucoup de choses sur le désolant travail des gens de Goldman Sach et autres banques du même genre, de la même espèce. N’ayant pas encore tout lu je tiens néanmoins à vous le faire partager et pour ceux qui ne l’auraient pas encore pris connaissance, en espérant qu’un autre réponde mieux à votre question.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/goldman-sachs-la-grande-machine-a-59168
Oui, Jérémie, j’ai lu ça il y a un moment, mais ça ne traite pas de l’effet éventuel dont je parle. Je ne cherche pas tant à m’expliquer comment Goldman Sachs peut faire le hold up de l’histoire de l’humanité (merci au G20), mais à comprendre comment il est possible d’avoir une courbe aussi hors norme que l’actuelle. Si on m’avait dit que la courbe aurait cette forme, j’aurais mis ma tête à couper que c’était totalement impossible…
C’EST FINI!!!!
**** La majorité des économistes interrogés par le Wall Street Journal lors des derniers jours, soutiennent que la récession, qui a débuté en décembre 2007, est maintenant chose du passé. Un constat des experts, notamment à la suite d’une reprise du PIB et d’un taux de chômage plus bas que prévu.
Vingt-sept économistes interrogés affirment que la crise est terminée, alors que 11 prévoient la fin de la récession ce mois-ci ou le mois prochain.
*****
http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/etats-unis/200908/12/01-891860-sondage-bernanke-devrait-rester-la-crise-est-finie.php
Vous allez voir bientôt si c’est fini… Au lieu de faire des statistiques sur les économistes, réfléchissez.
Place à la reprise Américaine
http://www.bnc.ca/bnc/files/bncpdf/fr/2/bu_2009_08_07.pdf
(il semble que cet économiste est convaincu de ce qu’il avance, chiffres à l’appui. Heureusement quand même que l’Économie n’est pas une science exacte – on pourrait dire même, très approximative ou erratique – parce qu’on aurait du mal avec la médication: c’est soit un cancer en phase terminale, soit une foulure du doigt de pieds. On ne peut rien dire. Les experts sont formels, on a pas assez d’éléments et de recul…)
C’est de l’Intox !
La crise était déjà finie aussi en 1934 écoutait plutôt cette même chanson de Paul Préjean, quelle grande naïveté pour beaucoup de gens …
Oui la crise est peut-être finie pour les gens du Wall Street Journal en tous cas pour l’intox je m’interroge …
Quand bien même il y aurait reprise rapide, le monde n’en serait pas mieux sevré dans la lenteur, pire même
une reprise rapide pourrait de nouveau inciter les gens à courir et à fonctionner de nouveau dans la précipitation,
c’est-à-dire comme auparavant sans réel travail de fond, puis faute de mieux à l’antenne, sur les marchés qui déraillent, qui s’enivrent, nous avons vu alors la montée très rapide des régimes totalitaires de plus pour mieux contrecarrer de nouveau la grande folie irresponsable des hommes cupides comme en 14-18 ou 39-40, toujours dans l’urgence il faut bien rassurer l’opinion publique faute de mieux, mais sans réel travail de fond c’est hélas toujours la même histoire qui se répète sans cesse pour le malheur de l’humanité, alors grand merci aux gens de Goldman Sach et à leur nouveau petit protégé bien hypocrite à la maison blanche … il a beau être de couleur je vois clair quand même …
http://www.youtube.com/watch?v=Eq4VPoma8Y8&feature=related
Albert et non Paul Préjean la crise est finie , la crise est finie nous nageons tous dans le bonheur des richesses …
http://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Pr%C3%A9jean
? Sunvoix ? qu’en pensez-vous pour Symphonie du grec « sun » (avec) et « phonê » (son).
C’est assez proche et « voix » (à plusieurs voix) n’est-il pas plus intéressant que « son » (instruments qui n’auraient que des cuivres primaires (cymbables), percussions +ou- basiques (timbale) ?
à Philv [13:25]
– – – – – – – – – –
En première lecture votre « compact-en-4§ » (résumé) semble représenter assez bien ce que l’on pourrait croire pas trop faux ou assez juste.
Q1 : Pensez-vous que le même « pack-en4§ » aurait pu être servi à l’époque on l’on inventait les premières applications de l’électricité, la photo, le cinéma, les trains, les aéroplanes, les forages, les pipelines, etc.
Q2: N’est-ce pas récent, l’époque de mes grands-parents.
Q3: Comment placeriez-vous les « cashflows neufs » (imprévus, inédits, (…) ) induits par l’invention, l’innovation, la réforme audacieuse et bienfondée ?
Alors qu’il manque 8 millions d’emplois en France, la priorité 1bis n’est-elle pas le Σ des réponses à Q3 ?
Sur les 4§ du pack, est-ce que ça ne met pas par terre les trois derniers paragraphes,
pour ne laisser que le premier ?
Quant au premier il est également erroné
LeClownBlanc :
@M. Jorion
Etrange malentendu, je ne serai évidemment pas intervenu pour vous répéter. Grégory Meurant montre assez bien l’objet de mon désaccord. L’antagonisme que vous nommez « premier » (entre rentiers et entrepreneurs) me semble secondaire et celui que vous nommez « second » (entre entrepreneurs et salariés) me semble primordial. Si par « premier » vous vouliez dire « antécédent » et « en voie de péremption » et par « second » vous vouliez dire « ultérieur » et « prochainement décisif », je comprends votre impression. Gageons que vous vous soyez mal exprimé ou que j’aurai dû comprendre « premier » et « second », et aussi « ensuite », comme différant au seul égard temporel.
Mais alors je comprends encore moins que vous affirmez que l’attention de Marx « aurait dû » être attirée par cette distinction entre ces antagonismes, puisque précisément il la fonde. La contradiction (bourgeoisie/prolétariat) en devenir, et rendant nécessaire le dépassement du mode de production capitaliste, se substituant à celle en voie de résolution (aristocratie/bourgeoisie) et ayant constitué ce même mode de production et dépassé le précédent, féodal.
De même je ne comprends pas que vous réduisiez la lutte des classes selon Marx à une simplification dans la suite de la même phrase (je vous cite « et ceci aurait dû le dissuader de recourir au schéma simplificateur des deux classes pour reconnaître les trois qui sont réellement en présence, à savoir rentiers, entrepreneurs et travailleurs, ce dont ses prédécesseurs de l’économie politique étaient eux pleinement conscients »).
En effet, si nous sommes d’accord sur le fait que ces trois entités sociales éprouvent tour à tour des contradictions essentiellement distinctes quant aux mode de production dont elles sont porteuses, nous le sommes avec Marx. Dès lors, comment postuler, de sa part, une réduction schématique, dont il « aurait dû » être dissuadé ? Reprenons les termes des antagonismes successifs que le terme trop vague de travailleurs rend flou : serfs, artisans et bourgeois contre aristocrates puis bourgeoisie ayant absorbé l’aristocratie contre prolétaires, le conflit en deux classes étant précisément la manière dont s’articulent les trois entités sociales.
Enfin, je comprends de moins en moins le titre de votre article : qui est ce « ils » qui « avaient un monde à y gagner » ? Les bourgeois qui l’ont gagné ?, les prolétaires qui ne l’ont pas gagné ?, autre chose ?
Quand Paul parle d’antagonisme « premier » et « second », il ne le fait pas sous le même angle que vous (il serait d’ailleurs intéressant que vous développiez les raisons qui vous font considérer le rapport entre entrepreneurs et salariés comme primordial).
Non, l’antagonisme entre rentiers et entrepreneurs est effectivement premier, car c’est la nature de ce rapport de force qui conditionne la répartition du profit. Si ce rapport de force penche en faveur des rentiers, l’essentiel du profit leur revient au détriment de l’investissement et de la rétribution du capital humain. Si le rapport de force penche en faveur des entrepreneurs, l’essentiel du profit leur revient, au détriment des rentiers, favorisant l’investissement dans l’outil de travail et la rétribution du capital humain (les salariés), selon le propre rapport de force que ces derniers entretiennent avec les entrepreneurs.
« L’erreur » de Marx, qui ne distinguait plus 3 classes sociales (investisseurs, entrepreneurs, prolétaires), mais seulement 2 (capitalistes et prolétaires) est du même ordre que « l’erreur » d’Einstein qui introduit la constante cosmologique pour équilibrer son modèle d’univers statique: l’un et l’autre ne savaient pas que des dizaines d’années plus tard, ces « erreurs » retrouveraient du crédit, à travers la force d’expansion de l’univers (la fameuse énergie noire) en 1998 pour Einstein, et l’unification de la classe des investisseurs et de la classe des entrepreneurs grâce aux stock-options en 1975 pour Marx.
Le titre, c’est une citation :
Marx & Engels, Le manifeste communiste 1848
Les deux phrases finales.
Mon message précédent répond à la catastrophique solution préconisée par Cedric à 14:29
Rien de propre à attendre des aNatiofurtifs et godillots, en ajoutant comme il vous conviendra toutes les nuances nécessaires; il s’agit simplement de résumer l’essentiel : nationaliser n’est pas un remède.
… nationaliser n’est pas un remède … sauf !
sauf … si une nouvelle classe de pseudoProlétaires ( souriants ou aigris, diplomates à souhait ou excités, etc.)
— cigales ou fourmis — syndiquées ou non —
— motivées ou non — malhonnêtes ou pas —
… stop (la liste des vices de l’espèce humaine vous est connue)
veut simplement se substituer aux « charmantes élites anatiofurtives » qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé,
le centre des tribunes et le coeur des plateaux TV.
LeClownBlanc : Je suis bien d’accord avec toi.
ACTUALITE DE MARX OU… DE MANDEVILLE ?
On connaît ce texte savoureux des Théories sur la plus-value où Marx développe d’une plume alerte une manière d’apologie du crime à la fois scandaleuse et irréfutable :
… le criminel ne produit pas seulement des crimes, il produit aussi le droit criminel, et par suite, le professeur qui fait des cours sur le droit criminel ; le criminel produit en outre toute la justice criminelle, les sbires, les juges et les bourreaux… et chacune de ces différentes branches professionnelles qui constituent autant de catégories de la division sociale du travail, développe différentes facultés de l’esprit humain, créant de nouveaux besoins et de nouvelles manières de les satisfaire… La torture à elle seule a suscité les inventions mécaniques les plus ingénieuses et elle a occupé une masse d’artisans honorables à la production de ses instruments…
On connaît moins Bernard (de) Mandeville, ce médecin hollandais, auteur satirique et économiste cité dans La Sainte famille comme écrivain de tendance “socialiste et matérialiste ».
Les deux Auteurs se distinguent pourtant comme aussi bien se partagent l’ironie et l’humour.
Tentons un parallèle.
Marx est un homme de science, un théoricien critique de l’économie politique ( valeur, monnaie, composition organique du capital, plus-value, accumulation primitive, vitesse de rotation du capital, incidence de la technologie sur la productivité, la concurrence, baisse tendancielle du taux de profit, logique des crises … ) qui met sa connaissance au service d’une foi et d’une vision sociale utopique.
Sa pensée ressortit à la sotériologie. C’est une pensée du salut.
Sa vision de l’ »Histoire », globale, totalitaire, finaliste, systématique, de sensibilité socialiste, et sa conception du temps demeurent étroitement linéaires, évolutionnistes, progressistes.
Volontiers provocateur, Mandeville paraît plus… prosaïque.
C’est un psychologue, un analyste augustinien bien que jouissant d’une réputation de gai compagnon, et qui ne nourrit aucune illusion quant à la possibilité d’une amélioration du sort de l’humanité par une révo-lution sociale et la généralisation… du chauffage au gaz.
C’est pourquoi il adopte dans sa Fable des abeilles où les vices privés font le bien public le ton plaisant et détaché qui sied au point de vue métahistorique qu’il fait sien.
Marx analyse le crime comme l’un des moteurs de l’histoire.
Sa lecture est scandaleuse certes mais profondément moralisante.
C’est au regard d’une téléologie rationaliste de nature hégélienne qu’il relève l’apparent paradoxe de la violence créatrice.
Si, en effet, il ne développe pas un “éloge du crime », c’est qu’il reste prisonnier de la vision de son maître, Hegel. Le crime, la violence, est une “ruse de la raison” dont le développement dialectique – la fameuse “Aufhebung »- mènera nécessairement à son dépassement et à son abolition.
L’antienne est bien connue.
Non seulement des sectateurs du messianisme et de l’eschatologie politique mais aussi des générations de potaches et d’étudiants français formatés par l’exercice rhétorique de la dissertation en trois point ( thèse, antithèse, synthèse ou encore affirmation, négation, négation de la négation )…
En matière de crime, de violence, d’exploitation, Marx, métaphysicien rationaliste, moraliste et penseur édifiant, est donc un … abolitionniste.
Bernard Mandeville est beaucoup plus réservé. Il se contente de relever le fait du Mal et d’en analyser objectivement ou cyniquement les conséquences, notamment les aspects positifs pour toute espèce de développement social et non pas simplement -perspective de Marx-, pour les seules sociétés de production marchande:
…Ce que nous appelons, dans ce monde, le mal, aussi bien moral que naturel, c’est le grand principe qui fait de nous, des créatures sociales, la base solide, la vie et le soutien de tous les métiers et de toutes les occupations sans exception ; c’est ainsi que nous devons chercher la véritable origine de tous les arts et de toutes les sciences; et du moment où le mal cesserait, la société devrait nécessairement se dégrader, sinon périr complètement…
C’est la convoitise, la recherche du profit par des agents économiques égoïstes et calculateurs, ainsi que la vanité, le désir de reconnaissance, qui constituent les ressorts de la prospérité et de l’opulence.
Le désintéressement véritable, l’altruisme authentique, la charité chrétienne seraient la ruine de l’industrie et du commerce…
La “sociabilité naturelle », l’ »instinct moral », la “sympathie », le “principe inné de justice et de vertu” ne sont que fictions philosophiques, mensonges et hypocrisie. L’ existence mondaine ne peut être vertueuse, l’être humain étant livré à son amour propre, à son plaisir, à son intérêt.
Marx appréhende le mal -notamment ce qu’il nomme l’ “aliénation” -soit l’exploitation de l’homme par l »homme-, en procureur pour en mieux anathématiser les “responsables” supposés.
Mandeville l’étudie pour en montrer … non seulement la fécondité mais aussi la nécessité.
Le vice ( ou encore l’ »exploitation” ) est -selon lui- le propre de de l’homme au double sens : logique, définitionnel d’une part, et au sens ontologique d’autre part, comme fondement de la nature et source de la culture humaine.
On comprend pourquoi sa fable fut mise à l’index et brûlé par le bourreau en 1645…
Mandeville « socialiste matérialiste »???
J’aurais dis plutôt « utilitariste et libertaire ». Il fut une des inspirations majeures de Von Hayek (voir l’ouvrage « Dr B. Mandeville »), et on retrouve très certainement l’inspiration de « l’ordre spontané » qui naît même de l’immoralité dans la fameuse « main invisible » d’Adam Smith…
@ Bernard Mandeville
« C’est la convoitise, la recherche du profit par des agents économiques égoïstes et calculateurs, ainsi que la vanité, le désir de reconnaissance, qui constituent les ressorts de la prospérité et de l’opulence. »
Si seulement cela pouvait toujours illusionner le genre humain.
« Le désintéressement véritable, l’altruisme authentique, la charité chrétienne seraient la ruine de l’industrie et du commerce… »
Un autre ange tombant du ciel n’est jamais bien reçu parmi une grande bande de marchands, pas bon pour les affaires, il nous faut alors les faire taire et disparaître au plus tôt comme autrefois ! Et la foule se mettra de nouveau à s’amuser et à se divertir plus longtemps de la sorte !
« La “sociabilité naturelle », l’ »instinct moral », la “sympathie », le “principe inné de justice et de vertu” ne sont que fictions philosophiques, mensonges et hypocrisie. »
Je ne crois pas bien au contraire, plus je rencontre des personnes différentes et plus je retrouve l’espoir dans la vie.
« L’ existence mondaine ne peut être vertueuse, l’être humain étant livré à son amour propre, à son plaisir, à son intérêt. »
C’est l’idée reçue dans les livres il n’y a donc plus aucune évolution possible ou plus autre à espérer.
« Salariés, les prolétaires cessèrent de travailler essentiellement en usine, et alors que c’était leur condition de salarié seule qui faisait d’eux des prolétaires, ils se convainquirent rapidement que le fait de travailler dans des bureaux faisait d’eux désormais des « bourgeois » plutôt que des prolétaires. Leur aliénation – que Marx avait justement dénoncée – était telle, qu’ils n’y virent que du feu. »
Cela me rappelle mon manuel de sciences économiques et sociales de classe de seconde au lycée (année scolaire 1980-81) où on étudiait les catégories socio-professionneles (CSP). Pour les cadres, il y avait une vignette qui faisait dire à un personnage en costume-cravate : « Je suis un prolétaire de la classe bourgeoise ».
Ce qui me rappelle un sondage américain que j’ai déjà cité il y a bien longtemps dans un billet. Les résultats de ce sondage mené aux Etats-Unis vers la fin des années 90 (je crois) étaient éloquents : 45% des citoyens américains se considéraient comme « riches ou en passe de le devenir d’ici quelques années ». Au regard des véritables chiffres de répartition des richesses aux USA, le résultat illustre on ne peut plus l’aliénation des classes moyennes prolétaires
En attendant…
Y en a qui ont compris qu’ils se faisaient rouler dans la farine et qui ont opté pour une « non classe » : ni entrepreneur, ni salarié, ni financier, mais tout à la fois : la coopérative.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-reapropriation-argentine-de-l-59946
C’est bien de réfléchir, mais agir, c’est pas mal non plus !
Merci de le rappeler, Ybabel. Il s’agit là, à mon humble avis, du plus important évènement de ces dernières années, et, évidemment, personne (ou presque) n’en parle. Que les moutons se rendent comptent qu’il n’ont pas vraiment besoin des poux, pourtant, ça devrait attirer l’attention. Mais non… Comme si il n’y avait jamais eu d’expériences anarchistes, et comme si ces expériences n’avait pas toujours connu le même succès impressionnant. 🙁
Ce rappel de Marx, Engel et de leur dialectique m’a remémoré une fable intitulée (je crois) « The Tragedy of the Commons ». Elle explique que les biens mis en commun sont anéantis par la surpopulation vu que chacun veut en tirer le maximum aux dépends des autres. La morale de cette fable est que la propriété privée permet de protéger les biens communs.
Je remarque ironiquement que cette fable institue les propriétaires d’un côté et les « sans terre » de l’autre. Ce sont les hypothèses de la dialectique marxienne. Elle conforte les libéraux et les marxistes dans leurs idéaux. C’est paradoxal de retrouver deux écoles de pensée opposées sur le même texte.
Intéressant, pourriez-vous développer un peu?
« Elle conforte les libéraux et les marxistes dans leurs idéaux. »
Plus je m’entête et retarde dans le seul vocabulaire du capitalisme et plus j’entête et retarde l’autre dans le seul vocabulaire du socialisme, l’un ne pouvant s’en défaire le premier sans le propre et même langage de son bord, ils avaient tout deux un monde à y gagner et à y perdre …
Retenant continuellement dans leurs idéaux à tour de rôle ou les deux à la fois le genre humain en otage.
Une éternelle lutte des classes ?
Quand on ne sait pas qui détient vraiement le pouvoir ni d’où il vient , difficile de lutter ….
Bien des peuples vivent désormais dans l’illusion de vivre en démocratie, en république.
Rien de plus facile que de leur promettre le pouvoir par le vote tout en manipulant leur connaissance du monde.
Dans le combat pour le pouvoir d’aujourd’hui , les deux classes prépondérantes ne sont ni prolétaires , ni bourgeoises, ni aristocratiques ….ce sont celles des illusionnistes et des moutons .
« Une éternelle lutte des classes ? »
Dans le ciel, il y eut aussi une grande bataille, éternelle lutte des classes d’anges ? : Et Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges déchus, mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel…
qui dit « lutte » dit « chutte »
http://www.youtube.com/watch?v=T0yzdG9g5fw
Sur le titre
Paul Jorion 12 août 2009 à 16:20
Le titre, c’est une citation
Merci pour l’explication sur le titre. Je me disais aussi… Mais pourquoi remplacer « ont » par « avaient » ? N’est-ce plus le cas selon vous ? Par ce détournement ou cette falsification vous fermez la fenêtre historique d’autorité et vous ne le justifiez pas.
Très intéressant de vous lire 🙂
Un point de vue.
La ‘force de travail ». C’est un concept hérité du passé dans une société qui se veut de la connaissance, et cette
connaissance est un capital. La meilleure preuve est la confiscation par l’entreprise de tout brevet résultant du
travail de ses employés.
Lisztfr dit :
12 août 2009 à 15:13
Par contre il est impossible que les prix montent alors que le salaire de la majorité reste le même,
…..
Ordjoun dit:
oui c’est possible et vérifiable sur place,
les salaires sont les mêmes sur un période de 8 ans ! !!
Et je parle de milliers de personnes.
….
Lisztfr dit :
vous devez être victime d’une illusion ou alors votre niveau personnel de rénumération ne suit pas celui de la majorité, ou alors des riches sont venus faire monter les prix chez vous
….
Ordjoun dit:
une illusion 🙂 très drôle…
Encore une fois je parle d’un « microclimat économique » et d’une ville touristique en particulier.
…
« NOUS AVONS UN MONDE A PERDRE, PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS SUPPRIMES VOUS »
Je vous laisse commencer. 🙂
Je relis attentivement le dernier paragraphe de votre texte et je trouve que cela ne colle pas avec ce que je perçois de l’évolution du monde salarié depuis les années soixante dix.
La satisfaction des salariés d’avoir prétendument « rejoint la bourgeoisie » était manifeste dans les années soixante dix et plus encore dans les années quatre vingt (même si le travail de sape néolibéral avait largement entamé les fondations de ce sentiment), mais elle ne devait pas grand-chose à l’endettement des intéressés auprès des banques. Au moins en Europe, la dynamique de redistribution des états « providence » (que ce terme est outrancier !) s’est fait longtemps sentir même après que le robinet se fut tari, et les salariés devaient plus leur « richesse » relative à cette dynamique là (et à celle aussi de l’inflation !) qu’aux prêts bancaires.
Cette phase correspond à ce que certains sociologues appelaient rêveusement : « la moyennisation de la société », la croyance que désormais l’ensemble du monde salarié allait se fondre dans une énorme classe moyenne aux intérêts parfaitement homogènes. Il me semble que la machine à crédit à laquelle vous faites allusion (et que vous avez si bien décrite dans vos livres) s’est emballée bien plus tard, vers le milieu des années quatre vingt dix, et avec un rythme inégal selon les pays, effréné dans les pays anglo-saxons et encore poussif même ces dernières années en France.
Je crois aussi que cette « moyennisation » a été largement fantasmée, et que la cassure bien réelle du monde salarié entre « ceux d’en bas » et les « moyens » ne s’est jamais estompée. Les ouvriers n’ont d’ailleurs jamais disparu, ce sont les structures sociales et culturelles qui leur donnaient une visibilité dans la société qui se sont effondrées.
Ils restent sans doute encore le groupe le plus nombreux dans la population au travail, mais ils ont été complètement atomisés par les nouvelles conditions de la production mondialisée. Il est connu aussi que cette dégradation a tiré vers le bas tout un tas de professions (les fameux « services») qui pouvaient passer comme appartenant aux classes moyennes dans la phase euphorique des trente glorieuses.
A l’inverse de ce que vous semblez ( ?) avancer, il n’y a pas eu une « homogénéité de l’endettement » pour venir remplacer une homogénéité de la redistribution relative des richesses. Le critère de l’endettement n’est pas encore suffisant pour confondre l’ensemble des salariés avec une « classe ouvrière » au sens marxiste que vous voudriez lui donner (et je parle des vieux pays occidentaux, quant à la Chine…).
Le monde du travail a en fait éclaté en une multitude de sous-classes, lesquelles ne sont plus étroitement déterminées par leur fonction dans l’ordre la production, mais par une foule d’autres critères allant du niveau d’éducation (et surtout de la géographie de l’éducation, comme l’a montré Eric Maurin dans « Le ghetto français » au Seuil) à la nature et la localisation de l’habitat (voir Christophe Guilly et son « Atlas des nouvelles fractures sociales en France » chez Autrement) avec chez nous, hélas, une place désormais évidente accordée au critère ethnique.
Mais peut-être que la suite des évènements nous « homogénéisera » tous et vous donnera raison ? (je n’y crois pas trop cependant).
Aux remarques qui me semblent pertinentes de Daniel Dresse j’ajouterais ceci : dans l’idée d’une « moyennisation » par l’endettement, effectivement Paul Jorion doit avoir en tête le crédit à la consommation tel qu’il s’est mis en place aux Etats-Unis durant les années 80 ; transformation de l’économie qui ne s’est pas déroulé de même en France par exemple.
Mais en outre, j’aurais une autre remarque à proposer à Paul Jorion : contrairement à ce qui est écrit dans ce texte, la « couche moyenne », des secteurs tertiaire et quaternaire, n’est fondamentalement pas une couche de bourgeois dans la mesure où elles ne possède pas les moyens de production. Semblant de bourgeois, certes, par l’accès à la « société de consommation » à partir des années 60 – 70. Mais semblant seulement. Le terme précis à employer serait « couche » ou « strate » ou « segment » moyen.
Cette « couche » de consommateurs s’est créée à l’origine pour absorber le surproduit (états-unien notamment, dès le Plan Marshall). C’est sa fonction objective.
Il suit qu’il n’est pas sûr que cette couche, qui a (de moins en moins) accès à la consommation, sans être directement dans la production, ait des intérêts systématiquement convergents avec les ouvriers (et les quelques agriculteurs qui restent). Au contraire, ceux qui disposent d’un niveau de vie plus élevé que les ouvriers ne voudront-ils pas le conserver le plus longemps possible, ne se solidarisant pas avec les dits ouvriers?
Cette « couche » moyenne, payée à gérer de l’information, fabriquer ou vendre du service, n’est-elle pas à la fois si dépendante du capitalisme tel qu’il est devenu – un marché du désir et de la performance – qu’elle risque de se diviser, une partie de cette « couche », la plus précarisée peut-être, se révoltant, et l’autre, restant accrochée au système qui lui a fournit son écran plasma et son voyage en Tunisie plutôt que de se solidariser à quelque forme de lutte de classe que ce soit?
Conclusion : la situation n’est-elle pas plus complexe encore que comprenant trois classes?
PS : ces remarques sont sous-tendues par les analyses de Michel Clouscard sur ces questions.