Antoine nous propose ces jours-ci dans ses commentaires, une justification des thèses du libertarien Robert Nozick (1938-2002). Le philosophe américain était loin d’être un imbécile mais on ne peut pas laisser défendre ses thèses sans répondre.
Il y a là un a priori chez Nozick (récent à l’échelle de l’histoire humaine) que le point focal doit être l’individu et non la société humaine. Puisque Nozick se réclame d’Aristote, il faut noter tout de suite que cet a priori va à l’encontre d’Aristote quand celui-ci rappelle que l’homme est un animal politique, autrement dit social. Le point focal doit être au contraire l’homme au sein d’un ensemble organisé. Le débat peut alors porter sur le pour et le contre de telle ou telle forme d’organisation.
C’est là que les libertariens prennent le monde à l’envers : le point de vue de l’individu ne peut être envisagé qu’une fois la société définie comme son cadre. Hegel écrit : « Le principe des États modernes a cette puissance et cette profondeur extrêmes de laisser le principe de la subjectivité s’accomplir jusqu’à l’extrémité de la particularité personnelle autonome et en même temps de le ramener à l’unité substantielle et ainsi de maintenir cette unité dans ce principe lui-même » (Hegel, Philosophie du Droit, VI).
La critique des Quakers par Hegel se fonde sur cela : accepter de l’État ce qui vous arrange sur le plan privé (qu’il vous protège) tout en refusant de participer à l’effort collectif qui le permet (la défense du territoire). Antigone est le prototype de ces « faux jetons » qui font prévaloir le privé (le devoir de sépulture envers un frère) sur le public (la trahison par Polynice de la communauté), tout en acceptant de la société tout ce qu’elle lui offre.
Le « minimum d’État » des libertariens peut se résumer ainsi : « Tout ce qui m’arrange, rien de ce qui me dérange ». C’est un peu court comme système de gouvernement.
130 réponses à “« Tout ce qui m’arrange, rien de ce qui me dérange »”
Sujet de préoccupation ôh combien fondamental, en effet, dans le contexte actuel !
Si d’un point de vue paléoanthropologique, nous admettons que l’espèce humaine se situe à la pointe la plus avancée du monde du vivant dans notre biosphère, qu’elle est le produit d’une Evolution Universelle en complexification croissante et que rien ne permet de penser sérieusement qu’elle ait acquis le pouvoir d’en stopper la progression, pas même en s’auto-exterminant, il semble inévitable de s’interroger sur les différentes formes de futurs possibles qui s’offrent à nous ou que nous aurions envie de co-inventer dans le respect fondamental de cette progression ou EVOLUTION universelle qui nous transcende et que certains sacralisent !
Accepter cette Evolution Universelle Grandissante qui nous fait toujours plus pénétrer dans « l’immatériel » en nous libérant des apories du matérialisme le plus totalitaire en pleine déroute et qui nous fait de plus en plus prendre en charge l’infra-réalité et la supra-réalité de nos devenirs (cf. notamment les découvertes les plus récentes de la physique quantique et de la recherche sur l’organogenèse en génie génétique et épigénétique) en plus de la complexification croissante du réel avec laquelle nous avons déjà fort à faire, signifie donc abandonner nos prétentions à « chosifier le vivant » comme l’espéraient les idéologues-manipulateurs du hasard tout-puissant et de la « main invisible du marché », et signifie « adhérer » à toujours plus d’interactions et d’interconnexions émancipatrices entre nos devenirs respectifs ; en même temps, accepter cette Evolution Universelle Grandissante, signifie aussi « adhérer » contre vents et marées à toujours plus de « beautés organisatrices » et à toujours plus d’unions, d’ententes, de coopérations, d’harmonies fondamentales au sein de notre biosphère et d’harmonisations de croissance portées en commun, ce que s’obstinent désespérément à refuser les libertariens trop préoccupés qu’ils sont sans doute, de faire prospérer sous des formes de plus en plus indécentes et génocidaires leurs prospérités individualistes ou communautaristes au détriment du BIEN COMMUN.
Pourquoi alors, ne pas envisager une sorte d’effort subtilement partagé dans les nouvelles formes de d’inter-gouvernances ou d’inter-régulations à bâtir, de l’ordre d’un 50/50 comme l’on dit de manière imagée et volontairement simplificatrice en management des situations de crises, où les pouvoir-vivre-ensemble, vouloir-vivre-ensemble et savoir-vivre-ensemble conçus portés et promus par les écocitoyens organisés en réseaux d’éco-subsistance minimale protégée (50% de l’effort venant « d’en bas ») feraient émerger des modes d’inter-régulation non intrusifs et hautement émancipateurs qui puissent protéger, porter et contribuer à promouvoir le BIEN COMMUN au dessus et à l’abri des intérêts particuliers ou communautaristes (50% de l’effort venant « d’en haut ») ?
@Mathieu
Jen’ai rien d’un sociologue ni d’un anthropologue, mais je trouve votre division individu/société trop simpliste. Il y a différents niveaux, différentes sphères auquelles les individus s’identifient. Où placer vous dans votre schéma: famille, amis, voisins, relations professionelles, communatuté linguistique, spirituelle/religieuse, assoc, ONG, lobby, parti politique… ?
@Jack Evols: « nous admettons que l’espèce humaine se situe à la pointe la plus avancée du monde du vivant dans notre biosphère, qu’elle est le produit d’une Evolution Universelle en complexification croissante »
Vous vous avancez un peu, voire beaucoup. Est-il certain que l’évolution va dans le sens de la complexification croissante?
Débat intéressant sur la question ici: http://forums.futura-sciences.com/debats-scientifiques/175399-tendance-a-complexification-mythe-realite.html
@Fujisan
Je suis entièrement d’accord que cette division individu/société est beaucoup trop simpliste pour la plupart des analyses, mais dans le contexte de ce que je voulais dire, c’était une distinction suffisante.
Je ne suis non plus ni anthropologue ni sociologue, mais la lecture du fil me faisait penser qu’on peut facilement tomber dans l’excès. Excès libertarien en mettant l’accent sur 2) (peut-être pas Nozick et encore), excès communautariste ou étatique en mettant l’excès sur 1) (par exemple, c’est mon avis, Paul dans son texte ci-dessus), etc…
Chaque courant de pensée repose en général sur une intuition assez consensuelle. Il est souvent tentant (et parfois productif), intellectuellement, de mettre en exergue une et une seule de ces intuitions, mais au risque de tomber dans la caricature.
Tenter de construire une vision idéale de la société, compatible avec ces différents intuitions, est une tâche fondamentalement longue et difficile (qui parfois mène à mettre en cause certaines intuitions que l’on abandonne alors, à la manière socratique).
Tout çà pour çà ?
Alors que l’age d’or (en France) était le temps de ce qu’ » »ils appelaient « économie-mixte ».
Non pas femmes et hommes ensemble à la plage pendant les congés-payes, mais une RETARTITION SUBTILE des responsabilités de la sphère économique privée est des devoirs régaliens de l’état.
Il semble raisonnable que les transports et l’énergie qui profitent à tous (comme police, justice et défense) échappent au « profit » d’une minorité.
Nul besoin de faire appel aux philosophes grecs et allemands pour règler pragmatiquement la société du XXI°.
Pour le reste le contrat suffit, bien qu’en général chacune des parties ait derrière la tête la volonté « naturelle » d’embobiner l’autre (ou bien un tiers qui n’apparait pas au contrat?).
Aujourd’hui en France c’est La Poste qui va subir l’inénarrable gagnant-gagnant..de la privatisation avec comme majoritaire l’état et par la suite n’importe quel service public appartenant au privé…léonin!
Je me marre.
Jaune!
Comme la poste.
En effet Paul, je l’avais lu mais oublié. Trop d’infos! Cela dit, ça pose un problème intéressant. A quoi peut bien servir un incitant financier de l’Etat si les banques peuvent se faire plus d’argent en laissant les proprétaires s’enfoncer dans leur misère? A noter aussi la bonne consicence repue des vautours qui profitent de ce système. Ce sont souvent les mêmes rapaces qui ont vendu des prêts hypothécaires à des gens insolvables qui touchent maintenant les primes en cas de saisie. Ils ont récolté deux fois. Et on prétend que le crime ne paie pas!
http://criseusa.blog.lemonde.fr/2009/07/02/une-infographie-pour-comprendre-le-recul-des-bourses
Un blog intéressant à surveiller :
La part des salaires dans le PIB reste considérable. Une trop forte chute des salaires sous l’action de la dégradation du marché du travail aurait pour effet d’anéantir les effets attendus des dépenses budgétaires de relance et de soutien à l’économie. L’aggravation de la situation de l’emploi est donc une menace durable, elle constitue un des nombreux obstacles sur la voie de la sortie de crise.
(…)
Une forte contraction de la consommation aurait donc pour effet de plomber les efforts entrepris pour sortir de la crise. L’optimisme boursiers s’articule donc à une politique de compression des coûts qui peut est à très courte vue.
(…)
Asez d’accord avec l’approche de complexification croissante. C’est d’ailleurs, là qu’est le problème. Combien d’individu pourront continuer a survivre dans un monde et une société complexifié. Car le revert de la médaille de la compléxification risque d’ammenner beaucoup de personnes vers la confusion. C’est d’ailleurs se que les médias ont commencé a faire.
Il faut veiller a se que la complexification puisse être modélisé. Car si la complexification de la société doit ressembler aux subprime et autres produits compliqués, il y a de forte chance qui cela débouche sur un sacré bordel. Est pas un bordel financier se coup ci, mais un bordel social.
ANTIGONE
WIKIPEDIA
Dans la mythologie grecque, Antigone (en grec ancien Ἀντιγόνη / Antigónê ) est la fille d’Å’dipe, roi de Thèbes, et de la reine Jocaste.
Elle est ainsi la sœur d’Étéocle, de Polynice et d’Ismène. Créon, son oncle, est le père de son fiancé Hémon.
Après la mort d’Å’dipe, Antigone regagne Thèbes, où elle vit avec sa sœur Ismène. Polynice est venu avec les armées d’Argos pour reprendre le trône de Thèbes à son frère Étéocle qui refusait l’alternance prévue. Les deux hommes s’entretuent lors d’un combat singulier (voir guerre des sept chefs). Créon, le roi de Thèbes et frère de Jocaste, ordonne des funérailles solennelles pour Étéocle mais interdit qu’on ensevelisse son autre neveu. Antigone s’oppose, seule, à cette décision. Elle refusa de s’y soumettre. Enterrée vivante dans le tombeau des Labdacides, Antigone met fin à ses jours par pendaison.
Hémon, son fiancé, fils de Créon, se tue sur le cadavre d’Antigone. En apprenant la mort de son fils, Eurydice, sa mère, se suicide. Créon reste seul, anéanti par ces disparitions successives et aspirant à une mort rapide. Il se tuera quelques semaines après.
Certaines personnes prennent parfois tellement « plaisir » à amasser toujours plus pour se faire violence, pour le faire davantage voir aussi à la société, tant de sinistres, de cyniques qu’ils en finissent même par se demander mais pourquoi les gens ne nous suivent plus aveuglément comme auparavant, par le reprocher même davantage dans d’autres livres de plus pour enfants, rêvant aussi beaucoup de liberté et d’amusement en plus, enfin le principal c’est qu’ils puissent toujours approcher et corrompre quelques autres enfants bien nés, sortant des beaux quartiers, le début de l’histoire des grandes écoles de commerce flatteuses et très précieuses quelle grande bande d’hypocrites quand même…
Au fil du temps qui passe et des sinistres qui s’accumulent j’éprouve de plus en plus de mal à aimer prendre plaisir de tout cela …
@ Moi dit :
1. Pourquoi avez-vous choisi de me citer en transformant une hypothèse en affirmation imprudente ? Quand je dis « Si d’un point de vue paléoanthropologique, nous admettons que l’espèce humaine se situe à la pointe la plus avancée du monde du vivant dans notre biosphère, …/…) je ne dis pas : « nous admettons que l’espèce humaine se situe à …/…)
2. Rien dans le lien à un débat décousu et très épidermique auquel vous faites référence, ne vient plaider en faveur d’une quelconque interruption, décomplexification ou régression de ce que nous pouvons comprendre de ces centaines de millions d’années d’Evolution à complexification croissante du monde du vivant !
Il est bien évidemment que plus un autre pédant du capitalisme ou du socialisme sortira d’un beau quartier et plus l’histoire et plus un meilleur esprit de bon sens débutera aussi avec lui. Oui à quoi bon relire les écritures d’autrefois,
les prendre sérieusement en compte, non nous préférons surtout et avant tout mettre en vitesse nos nouvelles écritures sur les marchés, les rayons, les étalages, partout dans les esprits sur terre quel grand progrès historique quand même
vu que nous préférons surtout vivre d’abord que pour les seuls plaisirs marchands ou matériels de plus sur la terre …
Attendez de voir également la suite avec ces gens là vous ne serez pas non plus déçu, croyez-les aussi jusqu’à la fin …
Parler de liberté humaine à l’autre, dans les mêmes mots, le même vocabulaire, avec les marchands cela ne suffit pas.
à la pointe de l’évolution se trouvent les cafards. tous les cafards admettent cela…
mais il faudrait demander aux virus (dont évidemment H1N1) ce qu’ils en pensent…
quant à la tragédie de sophocle (que je connais mieux dans la version de j.anouilh) ce serait intéressant de faire de créon un groupe genre neslté ou microsoft, et antigone une employée qui, pour vouloir remplir un devoir familial, est licenciée pour faute grave.
(n’oublions pas qu’antigone paie en proportion bien plus d’impôts que nestlé ou microsoft, qui eux auraient plutôt tendance à profiter des investissements publics – combien d’écoles publiques forment les étudiants sur des logiciels microsoft plutôt que sur des logiciels libres?)
@ Igor
J’en suis à me demander si la stratégie du virus qui finit par tuer le terrain (l’être vivant) sur lequel il prospère , n’est pas aussi con que l’homme qui massacre son biotope terrestre.
A côté de moi Cioran est un Coluche !
Finalement les sociétés qui « fonctionnent » sont de type entomocommuniste.
La fourmilière comme modèle.
Très peu pour moi, je préfère mon Aventin et mon incroyable misanthropie.
Je plaisante à peine.
Soyez pessimistes gais.
Le pire n’arrive presque jamais, vous serez seulement désabusés ….
@ TARTAR
si vous lisez l’anglais: happiness consultant won’t stop a depression par chris hedges
c’est assez intéressant et donne une bonne idée du fonctionnement « entomocommuniste » des pointes avancées du capitalisme, du monde tout entier tendu vers la liberté de l’individu…
Nous avons tous médité sur les libertariens, l’interventionnisme modéré de l’Etat, l’autorégulation de la société mais en restant plus terre à terre regardons simplement comment les restaurateurs (auto- régulés) appliquent une baisse de la TVA qui coute 3Millards d’€ au budget commun à nous tous contribuables.
@ Igor
Voici la forme suprême d’autorégulation.
Modélisée ici la concentration des galaxies en superamas.
Le principe est « libéral » si on considère comme « attracteur » la gravité (assimilable à la main invisible).
Les petits sont exploités (accrétion) par les plus gros pour le profit de ces derniers.
http://www.psc.edu/science/2006/blackhole/images/anim.gif
@ Moi
Autant pour Mr Fukuyama que j’ai pensé à tort japonais.
Mais je persiste, la chute du mur et ce qui en a suivi a effectivement sonné la fin de cette histoire qui se déroule en ce moment même. Nous avons par aileurs très largement dépassé le stade de la fin du début de la fin.
« Cadeau », ce jolie poème d’Emile dont on peut prolonger le diagnostique, elle va se réinviter au dialogue comme jamais, je ne la juge pas. Les banques tentaculaires : http://lyres.chez.com/Verhaeren/tentaculaire.htm#17
@moi
les motivations de Sophocle ? Citons-en quelques-unes :
1-motivation littéraire : s’inscrire dans la tradition de « l’imitatio et aemulatio » (imiter, comme témoignage de respect et d’admiration, les illustres prédecesseurs/contemporains pour tenter, dans un second temps, de les surpasser), fondement de la création poético-dramatique ancienne.
Ecrire Antigone, c’est se mesurer à l’art d’Eschyle, au talent d’Euripide…Mieux vaut ne pas se rater.
2-motivation civique : une tragédie grecque se compose en trilogie (+un drame satyrique), et elle est présentée devant le peuple athénien lors d’un concours sacré, un jour férié, où la cité se réunit.
Autant dire qu’Antigone fut le couronnement d’une journée de théâtre, qu’on attendit toute l’année. C’est un grand moment, et les messages transmis dans ces pièces s’adressent aux Athéniens du Vème s., aux maîtres de la ligue de Délos, ceux de Périclès.
3- motivation politique : Antigone, c’est -442. Sophocle est élu stratège…l’année suivante. Les enjeux qu’il découvre dans sa pièce, c’est ce qu’il éprouve au quotidien dans sa vie d’homme de la cité.
Il va connaître la future guerre du Pélopponnèse, entre Athènes et Sparte. Mieux vaut avoir une solide idéologie rivée au corps, et s’être assuré que ses concitoyens la partagent, avant de se jeter dans la gueule du loup.
4- motivation personnelle : incontestablement, Paul l’a malicieusement suggéré, Sophocle est un pro. Il sait ce qui marche avec le public. Il y a de tout, sur ces gradins. Il en faut pour tous : il faut savoir être érudit et pédagogue, fair réfléchir et ressentir…On n’est peut-être pas loin du soap-opera :), mais alors version très, très classe…
@ TARTAR
belle illustration… faut croire que les plus gros sont plus méritants 😉
du coup, la monnaie anticrise de M. Finck, c’est une tentative de trouver une force antigravité?
@ tous
A propos de libertariens, je vous conseille de lire le chapitre que leur consacre Thierry Maricourt dans son ouvrage
“Les Nouvelles Passerelles de l’extrême-droite : idées et mouvements passerelles entre la gauche et l’extrême droite” (essai), éd. Manya, Levallois-Perret, 1993 ; rééd., revue et augmentée, Syllepse, Paris, 1997.
“Libertariens”, “anarchistes de droite”, “anarcho-capitalisme”, voilà des efforts sémantiques pour brouiller les pistes. Ils n’ont rien à voir avec les “anarchistes” ou “libertaires” (ces deux derniers termes sont synonymes). Le fait qu’ils soient contre l’Etat ne signifie pas qu’ils soient contre l’autorité, le pouvoir, l’exploitation et la domination. Bien au contaire, ils sont pour la loi du plus fort et malheur aux vaincus. D’autres comme Ayn Rand (philosophe américaine très peu connue en France) leur ressemble étrangement, même si elle ne se reconnaissait pas comme une des leurs.
@Paul Jorion
Je suis le compagnon dont vous a parlé Sylvie dans les réponses à votre billet sur la famille. Bon anniversaire même avec du retard.
Il est vrai que je trouve vos analyses très pertinentes. Il y a bien longtemps que quelqu’un ne m’avait pas impressionné à ce point. Lorsque l’on écoute ou on lit les commentaires sur la crise dans les médias, leurs auteurs semblent de parfaits ignorants qui répètent ce que tout le monde dit et qui se rassurent ou essaie de rassurer leurs amis. Vous avez le don de savoir transmettre une partie de votre savoir. Vous écouter ou vous lire est toujours un réel plaisir.
Enrique
A propos du dilemme de… métaphysique politologique opposant libertariens et communautaristes…
1. Une » société juste » est l’ expression d’ un genre littéraire : l’utopie sociale.
Une Idée de la raison pure pratique ( au sens de Kant… mais qui le lit encore … )
Un rêve.
Une société sans contradictions, pacifiée selon le fantasme de l’irénisme politique. ( le « dimanche de la vie » après l’Histoire et la tragédie… selon Hegel relu et commenté par Kojève et son éditeur… Raymond Queneau.)
L’idylle.
Cité platonicienne, Oumma et Califat musulman, Cité du soleil, rêves saint-simoniens, Paradis communiste/fasciste/hitlérien, Vision républicaine libérale/sociale-démocrate/écologique…
Autant de paradigmes, de songes totalitaires:
-où les singularités, les différences empiriques seraient composées dans un ensemble « harmonieux » ;
-où la partie prendrait place dans la totalité qui lui conférerait signification et valeur ;
-où justice commutative, justice distributive et discrimination positive, l’ échange réglé par le Droit et le Mérite reconnu par l’Autorité constitueraient les fondements d’un Ordre pacifié.
2. Mais il n’y a de fait ni « Société « , ni « Justice » réalisées.
Ce ne sont que des fantasmes d’intellectuels, des idées et des valeurs, des fictions devenues Idoles que l’individu devrait respecter sinon vénérer et auxquelles il lui faudrait se subordonner, voire se sacrifier.
La Société est tout, tu n’es qu’à travers elle, que par elle, que pour elle … tel est l’impératif catégorique, le credo du totalitarisme communautaire et sociétaire.
Et le Ministère public, à l’audience, de défendre les « intérêts généraux de la Société « …
Ce qui enveloppe le postulat de l’existence d’un « bien commun « .
-Quelle est la valeur de cette idée ?
Une réponse parmi tant d’autres et qui substitue l’analyse des faits aux fictions politologiques…
Il n’existe aucune entité consistant dans un bien commun uniquement déterminé sur lequel tous les hommes puissent tomber d’accord ou puissent être mis d’accord par la force convaincante d’arguments rationnels, affirmait ainsi J. Schumpeter (Capitalisme, socialisme et démocratie ).
Et il ajoutait : … le bien commun doit nécessairement signifier des choses différentes pour des individus et des êtres différents .
En effet…
Dans l’Idéologie allemande, Marx en donnait la raison et y décelait l’origine de l’Etat :
C’est justement cette contradiction entre l’intérêt particulier et l’intérêt collectif qui amène l’intérêt collectif a prendre, en qualité d’ Etat, une forme indépendante, séparée des intérêts réels de l’individu et de l’ensemble et à faire en même temps figure de communauté illusoire…
Poser enfin comme postulat qu’il existe une réalité comme « l’intérêt général » suppose qu’on se situe dans le cadre philosophique d’une vision holistique de la société, par exemple la « nation » ou , ce qui est plus d’actualité, la prétendue « fédération internationale des peuples libres « , perçue comme une totalité, un être objectif s’imposant aux citoyens qui en sont les membres.
Cf les thèses de la Nouvelle Droite des années Quatre-vingts. ( cf Nouvelle Ecole et Alain de Benoit )…
On voit que les hégéliens de droite et les hégéliens de gauche, animés d’un même souci totalitaire et solidariste, peuplent le purgatoire sociétaire de leurs bonnes intentions…
3. Quant à la politique des « intellectuels », ces natures inquiètes et brouillonnes » (Descartes, Discours de la méthode, 3), ceux qui prétendent naïvement » faire le bonheur d’autrui », -car ils savent, eux, ce qu’est la définition réelle et non pas simplement nominale du bonheur individuel et collectif -, est-elle autre chose que le substitut de la religion.
A destination de quelques nigauds et des crédules..
Une sotériologie dont ils se proclament les Grands prêtres… la « crise » (sic) du « système capitaliste » (resic) se substituant à la détresse et à la vulnérabilité de la créature…
Comme s »il existait quoi que ce soit tel un « système » capitaliste… ce qui revient à constituer les relations économiques en jugement analytique, à substituer la nécessité à la contingence dans la lecture et l’interprétation de l’événementiel…
4. Enfin, pour ce qui est des inégalités, de nature et de convention, comment ne pas voir qu’elles sont l’ordinaire des relations humaines.
Tout simplement parce que le réel est une fonction ontologique de… singularité.
Tout être désire persévérer dans son être, constataient Spinoza puis Nietzsche ; et l’égoïsme est le fondement comme la source du comportement du vivant ; vivre c’est exploiter, être exploité, parasiter, être parasité.
Et c’est.. reproduire indéfiniment le processus..
La lutte des classes n’est qu’un cas particulier de la lutte des places… depuis l’origine de la vie, cette immense et indéfinie… chaîne alimentaire.
Irréductiblement, quoiqu’en pensent les auteurs de contes bleus et les utopistes ( par exemple John Rawls ).
Encore faut-il avoir le courage de l’admettre…
Ce qui fut la cas d’Homère et des Tragiques grecs, d’un Thucydide, d’un Machiavel… et même d’un Pascal mais certainement pas de l’auteur des Principes de la philosophie du droit dont les évagations politiques qui séduisent tant les statolâtres modernes et contemporains ne furent que le développement d’une pure spéculation gnostique (cf les trois catégories spéculatives tressées en série dans le contexte du réalisme conceptuel, cette faute de logique, ce pur verbiage : Die Weltgeschichte ist das Weltgericht, l’ »esprit du monde » incarné dans l’ »Histoire » est le « tribunal du monde » )…
Que veut-il dire avec son » Esprit »? demandait Victor Cousin… Question aussi judicieuse qu’impertinente.
Une remarque incidente pour terminer. Quitte à chercher son inspiration chez les Anciens, peut-être vaudrait-il mieux consulter Antisthène qu’Aristote…
@ Patadelphe
Ah ! nous aimerions bien consulter Antisthène. Mais dites-moi où !
@Paul
Michel Onfray parle d’Antisthène dans :
Portrait du philosophe en chien, Grasset, Paris, 1990 ; Version poche: Grasset – Le Livre de poche, Collection « Biblio essais », 1997.
@ Enrique
Je m’autorisais une petite plaisanterie relative au fait que les écrits d’Antisthène sont perdus.
Il suffit de consulter les Métaphysiques d’Aristote où vous renccontrerez la dicussion diaporématique du grand cynique… évidemment du point de vue du Stagirite…
@ Patadelphe
Deux phrases en tout.
Puisque semanifeste un intérêt…
Une précision :Sur le nominalisme d’ Antisthène et sa portée / J.F. Lyotard ( Xanthos )
Récit.
La mort de Patrocle jeta Achille dans un deuil indicible ( Iliade, chant 18 ).
Il demanda à Agamemnon d’oublier leur querelle. Et bientôt il rentra dans la mêlée, non sans que son cheval Xanthos ( l’Alezan ), auquel les dons de la parole et de prophétie étaient donnés, ne lui prédise sa mort prochaine…
Divagation.
Je vois un cheval, je ne vois pas la Caballéité …
On connaît la formule lapidaire rapportée par Simplicius. Elle exprimait le nominalisme radical attribué à Antisthène, le fondateur de l’école cynique / kuniste.
Ce qui existe réellement, ce sont des êtres individuels. Les concepts ne sont que des manières de penser auxquelles rien ne correspond. L’élément commun à plusieurs chevaux, ce n’est pas une idée, une forme en soi à laquelle ils participeraient, c’est seulement leur nom.
Et leur nom n’est à son tour… qu’un événement, chaque fois qu’il est proféré.
D’où, par la négation de tout universel et l’affirmation du caractère indivisible de l’essence, l’impossibilité de la science.
Le jugement d’attribution est en effet impossible. Chaque objet ne peut être énoncé que séparément. N’est autorisée qu’une simple comparaison entre les êtres particuliers.
L’atomisme logique immobilise ainsi la pensée dans la tautologie. Ne peut être affirmé que le même du même.
De cette thèse Antisthène dégageait deux conséquences paradoxales :
-L’ impossibilité, pour des interlocuteurs, au sujet de tel objet déterminé, de se contredire mutuellement. Il n’y a qu’une seule énonciation qui soit propre à l’objet donné ; ils ne peuvent donc dire que la même chose.
-Rien n’est faux, puisque relativement à un objet, il n’est pas possible de rien énoncer que sa définition propre.
*
Plus récemment, Jean François Lyotard ( Rudiments païens, 1974 ), poursuivant les analyses de Pascal et de Louis Marin ( La critique du discours. Sur la Logique de Port-Royal et les Pensées de Pascal , développa la portée et les conséquences scandaleuses d’un nominalisme disqualifiant le discours de théologie, la raison savante et le jugement politique :
La définition nominale est une désignation; mais la désignation, bien loin d’être une adéquation du signe à la chose est… une décision qui fait exister, d’un coup, ensemble, le signe et sa référence .
Opposant l’humour à l’ironie -toujours édifiante-, le rire à la raillerie, récusant la possibilité d’une méta-opinion assurant le bon point de vue sur les actes et les paroles , le Kunisme dénie aux sages, aux princes et aux politiques la possession d’ un point fixe, Vérité et Certitude, fondant l’ imposture du pouvoir, de tout pouvoir.
Et l’auteur de La Condition postmoderne de rappeler la charge d’Antisthène, le premier Cynique, contre les prétentions du Platonisme :
… il va droit aux extrémités de la thèse : qu’il n’y a nulle définition de chose mais seulement nominale, que toute proposition définitionnelle est de type déictique : ceci est Socrate, que les jugements en général sont de forme non pas attributive mais événementielle, comme : Socrate musicien (= Socrate est en train de s’adonner aux Muses ) .
Les actes de langage ne sont ainsi que des prises de perspective ou de décision sur les choses jamais des adéquations à un objet dont on pourrait d’ailleurs savoir ce qu’il est.
C’est pourquoi la science est impossible comme est sapé le fondement épistémologique du Pouvoir, de toute Autorité, spirituelle, religieuse, universitaire, politique :
… Ce qui menace… c’est la même affirmation qui est refoulée sous les noms de scepticisme, cynisme, nominalisme, pragmatisme, empirisme – perspectivisme ( nietzschéen) …
… auquel il faut ajouter la ‘pataphysique… cet ultime maillon de la chaîne, cette manière de sourire du discours des Prétendants …
Car, n’est-ce pas ici rencontrer le principe d’équivalence cher à Faustroll ?
…autant de dénominations que d’actes de langage, aucun n’est privilégié,
aucun n’est exclusif, ils sont tous de même rang…