« Tout ce qui m’arrange, rien de ce qui me dérange »

Antoine nous propose ces jours-ci dans ses commentaires, une justification des thèses du libertarien Robert Nozick (1938-2002). Le philosophe américain était loin d’être un imbécile mais on ne peut pas laisser défendre ses thèses sans répondre.

Il y a là un a priori chez Nozick (récent à l’échelle de l’histoire humaine) que le point focal doit être l’individu et non la société humaine. Puisque Nozick se réclame d’Aristote, il faut noter tout de suite que cet a priori va à l’encontre d’Aristote quand celui-ci rappelle que l’homme est un animal politique, autrement dit social. Le point focal doit être au contraire l’homme au sein d’un ensemble organisé. Le débat peut alors porter sur le pour et le contre de telle ou telle forme d’organisation.

C’est là que les libertariens prennent le monde à l’envers : le point de vue de l’individu ne peut être envisagé qu’une fois la société définie comme son cadre. Hegel écrit : « Le principe des États modernes a cette puissance et cette profondeur extrêmes de laisser le principe de la subjectivité s’accomplir jusqu’à l’extrémité de la particularité personnelle autonome et en même temps de le ramener à l’unité substantielle et ainsi de maintenir cette unité dans ce principe lui-même » (Hegel, Philosophie du Droit, VI).

La critique des Quakers par Hegel se fonde sur cela : accepter de l’État ce qui vous arrange sur le plan privé (qu’il vous protège) tout en refusant de participer à l’effort collectif qui le permet (la défense du territoire). Antigone est le prototype de ces « faux jetons » qui font prévaloir le privé (le devoir de sépulture envers un frère) sur le public (la trahison par Polynice de la communauté), tout en acceptant de la société tout ce qu’elle lui offre.

Le « minimum d’État » des libertariens peut se résumer ainsi : « Tout ce qui m’arrange, rien de ce qui me dérange ». C’est un peu court comme système de gouvernement.

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130 réponses à “« Tout ce qui m’arrange, rien de ce qui me dérange »”

  1. Avatar de Vincent Porel
    Vincent Porel

    Par construction, « Tout ce qui m’arrange » ne peut exister qu’en la présence de « tout ce qui me dérange », sans ce qui me dérange, ce qui m’arrange perds son objet et est condamné à se réduire come peau de chagrin.

    On peut néanmoins savoir gré à Ron Paul d’oser à s’attaquer à l’hydre de Lerne (qui n’en finis plus avec son travail de Danaïdes qui se doivent en plus de nettoyer les écuries d’Augias des 30 ans de dettes avariés dont l’oncle Sam a nourri le troupeau 🙂

  2. Avatar de Paul Jorion

    Le terme « non-traditional player » utilisé par Goldman Sachs pour parler des spéculateurs purs sur le marché des matières premières (cf . le commentaire de Ton vieux copain Michel), me donne envie de qualifier Ron Paul d’« ami de la démocratie non-traditionnel ».

  3. Avatar de antoine
    antoine

    Paul tu exagères…

    Je ne défend pas la thèse de Nozick. Je l’expose pour rendre compte des nuances qu’il peut y avoir à l’intérieur même des psitions libertariennes, qui sont tout sauf un bloc monolithique. La connaissant bien j’en connais également bien les faiblesses, dont lui même n’a jamais fait mystère. Je constate malheureusement que les critiques la plupart du temps s’en tiennent à des discussions superficielles qui ne peuvent atteindre la théorie dans son coeur, aussi longtemps qu’n n’a pas clarifié tout ça.

    Je ne crois pas avoir dit que Nozick était du côté d Aristote. Au contraire il estime que les prémisses seulement probables n’ont pas droit de cité (elle ne peuvent justifier une obligation juridico-légale). Il serait en accord avec la thèse de Hegel, tout en ajoutant par après qu’une fois qu’on a dit ça… on n’a rien dit d’utile.

    En effet la question reste entière de savoir quelle est la meilleure manière d’organiser la « coopération » sociale, quel est le meilleur « mode de gouvernement ». Hegel défend une monarchie constitutionnelle et Nozick le Canevas (qui n’est pas l’Etat « veilleur de nuit » ou « gardien de zoo » des libéraux). Il n’y a pas là opposition, si je puis dire, entre une conception qui relèverait de l’individualisme méthodologique, et une position qui relèverait d’un holisme (en fait dans le cas de Hegel c’est justifié de parler de holisme). Il y a opposition entre deux manière de concevoir ce que doivent être les obligations mutuelles des individus condamnés à vivre ensemble. Nozick cherche juste à préciser ou la limite de ce qu’on peut vous faire sans votre consentement pourrait passer (et il tâtonne).

  4. Avatar de A.
    A.

    Le point essentiel des libertariens est l’auto-organisation de la société et le fait que toute intervention pour la modeler brouille cette auto-organisation et éloigne la société de ce qui constituerait un optimal. Leur pensée pousse à l’extrême les conséquences de la « main invisible » de Smith et de la ruse de la raison chez Hegel.

    Dupuy parle d’autotranscendance au sujet de l’organisation de la société voulue par Hayek qui n’est pas libertarien mais dont l’oeuvre est une source importante d’inspiration. La critique de cette pensée doit porter sur ce point : l’auto-organisation de la société n’est qu’une sorte de chaos organisé.

  5. Avatar de A.
    A.

    @ Paul

    Vous avez travaillé dans le domaine de l’IA dont les travaux, me semble-t-il, s’inspirent de Hayek et de Durkheim d’après Dupuy.

  6. Avatar de Paul Jorion

    @ A.

    C’est sans doute pour cela que cela ne marche pas (ceci n’est pas une plaisanterie). Dans mes propres travaux en IA (résumés dans mon « Principes des systèmes intelligents » – 1990), l’inspiration est double : la philosophie (en particulier scolastique) qui a étudié de très près le mécanisme du raisonnement et la psychanalyse qui a très bien compris le fonctionnement essentiellement social de l’intelligence humaine et son fondement dynamique dans l’affect.

    D’une certaine manière, mon « Comment la vérité et la réalité furent inventées », à paraître en novembre constitue un prolongement de « Principes des systèmes intelligents ».

  7. Avatar de denice
    denice

    L’auto-organisation, c’est beau comme concept!!! Mais tellement utopique!

    Avous-vous déjà tenté l’expérience d’auto-organisation rien qu’à 30?

    Alors quand la société en fait 60 millions!!!!!

    En réalité pour démarrer une auto-organisation du modèle libertarien, je crois comprendre qu’il faut qu’il y ai déjà un modèle d’organisation en place et ce dernier est amendé petit à petit.

    En gros un système non statique qui se reforme en permanence et s’adapte, un gros un système vivant, comme nos démocraties, mais centré sur l’individu (mais euh finalement quand on organise nos sociétés, on pense un peu à l’individu, non?)

    bref, rien de bien nouveau.

  8. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    « Tout ce qui me coûte le moins, tout ce qui me flatte le plus rien de ce qui me dérange de voir »

    « Tout ce qui gène davantage les plans de l’autre, mais beaucoup moins les moins, les vendus »

  9. Avatar de Moi
    Moi

    @A. : « Le point essentiel des libertariens est l’auto-organisation de la société et le fait que toute intervention pour la modeler brouille cette auto-organisation et éloigne la société de ce qui constituerait un optimal. »

    Je n’ai jamais compris ce débat. C’est quoi une société qui ne serait pas auto-organisée? Elle serait manipulée par Dieu, les extra-terrestres, quoi d’autre? L’Etat tombe-t-il donc du ciel?

  10. Avatar de Olivier P
    Olivier P

    Pointer du doigt les libertariens, et plus précisément les libéraux-libertariens, me paraît être une évidence de plus en plus forte.
    A fréquenter leurs blogs et sites, je me dis que l’issue de la crise ne pourra être pacifique tant leur idéal de promotion de l’individu (voir de l’individualisme) et leur conception de la liberté est anti-humaniste.

    Je les trouve de surcroît sacrément de mauvaise foi quand ils accusent les keynésiens d’être responsable de la crise actuelle alors qu’il me semble que c’est leurs prêtres (Reagan, Tatcher, Bush) et tous ceux qui les ont suivis aux rênes des différents gouvernements (de gauche et de droite) qui ont créé les conditions pour que cette crise se développe sans freins.

    A titre d’illustration faites un petit tour sur le wikilibéral : http://www.wikiberal.org/wiki/index.php?title=Accueil

  11. Avatar de Vincent Porel
    Vincent Porel

    @ A.
    « Le point essentiel des libertariens est l’auto-organisation de la société et le fait que toute intervention pour la modeler brouille cette auto-organisation et éloigne la société de ce qui constituerait un optimal. »

    Qu’est-ce que « l’optimal » de la société et au delà de l’homme ?
    Quelque soit la théorie, j’ai l’impression que paradoxalement, il s’agit de s’affranchir au plus possible de la condition humaine.

    Elle fonctionne comme un élastique, plus on cherche à s’en éloigner, plus violamment elle vous rattrape.
    Alors que le moyen le plus sur de s’en affranchir est de la vivre, mais je m’écarte du sujet.

  12. Avatar de A.
    A.

    @ Paul

    L’IA est-elle une sorte de « deuxième nature », c’est-à-dire irréductible tant aux phénomènes naturels qu’aux actions humaines ?

    Vous avez écrit :
    « C’est sans doute pour cela que cela ne marche pas (ceci n’est pas une plaisanterie).  »
    Pouvez-vous expliquer ?

    L’étude sur l’IA est-elle différente des interrogations sur les phénomès d’émergence ?

  13. Avatar de Wladimir
    Wladimir

    Il faut quand même reconnaître que les libertariens ont au moins le mérite de soulever un problème bien embarrassant pour la gauche moderne, celui de la prétendue neutralité de l’Etat.
    Je rappelle que Marx fut extrêmement dur avec cette notion (d’ailleurs par opposition à Hegel). Il donne par exemple dans « L’idéologie allemande» une troublante définition pour notre époque de l’Etat:
    « C’est à cette propriété privée moderne que correspond l’État moderne, dont les propriétaires privés ont peu à peu fait l’acquisition. Du fait que la propriété privée s’est émancipée de la communauté, l’État a acquis une existence particulière à côté de la société civile et en dehors d’elle ; mais cet État n’est autre chose que la forme d’organisation que les bourgeois se donnent par nécessité pour garantir réciproquement leur propriété et leurs intérêts, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ».
    Et dans le Manifeste du parti communiste: « La bourgeoisie, depuis l’établissement de la grande industrie et du marché mondial, s’est finalement emparée de la souveraineté politique. Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise toute entière ». Il décrit même dans le « Dix-huit brumaire », par opposition à la bureaucratie raisonnable de Hegel, l’État comme corps parasitaire avec« son armée de fonctionnaires d’un demi-million d’hommes, ,effroyable corps parasite qui recouvre comme une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores».
    Plus récemment, René Riesel ex-situationniste fera six mois de prison ferme pour ses fauchages de riz transgénique, dans l’indifférence générale, parce qu’il dénonçait avec virulence le soutien de l’état français pour la promotion des OGM.
    Ce que je veux dire, c’est que pour moi, il ne faut pas confondre la nécessité absolue de l’homme de s’organiser socialement à travers différentes représentations démocratiques ou délégations de pouvoir (que je souhaite temporaires par essence) avec l’Etat, prétendu Bien Public, bienveillant arbitre au-dessus de la mêlée des intérêts catégoriels et panacée universelle de tous nos maux actuels. Il est évident que dans cette époque de crise, un retour de l’Etat sera réclamé avec force, mais de quel type d’état s’agira t-il ?

  14. Avatar de Boukovski
    Boukovski

    Une société est forcément auto-organisée. C’est un pléonasme. L’idée qui flotte derrière l’expression « auto-organisation » est celle que est « auto-organisé » ce qui fonctionne sans l’intervention d’un arbitre, l’Etat en l’occurence. C’est donc un concept auto-validant, un habillage qui se veut auto-doctrinal afin qu’une partie de la société puisse s’auto-prospérer au dépend quelque fois d’une autre partie, non « auto-organisée » celle-ci.

  15. Avatar de Alain A
    Alain A

    @Antoine
    Quand vous dites : « Il y a opposition entre deux manière de concevoir ce que doivent être les obligations mutuelles des individus condamnés à vivre ensemble  » tout est dit. Puisque vous considérez que vivre avec les autres est une condamnation, toute vie en société ne sera jamais qu’un supplice. Etrange conception qui semble souhaiter la solitude: comme si chacun de nous ne naissait pas du ventre d’une femme, n’était pas élevé dans une famille, ne se formait pas dans une société… Certes, parfois cela se passe assez mal mais croire qu’on peut s’extraire d’une société bien régulée est une illusion bien infantile.
    Les Hobbes, Mandeville et autres Bentham ont décidément bien asséné leurs pensées pessimistes et mortifères, si utiles au capitalisme naissant et qui nous souhaite toujours idiots rationnels et égoïstes. Peut-être est-il en train de réussir?

  16. Avatar de A.
    A.

    @ Moi
    Je pense que Michéa donne une clé d’interprétation très intéressante de la façon dont l’organisation de la société a été pensée. Le point de départ se situe lors des guerres civiles religieuses. Le liant des sociétés se situait dans un principe transcendant. La mise en cause de ce principe organisateur extérieur a provoqué les guerres de religions et par la suite, la question de l’organisation de la vie en société s’est faite en fonction d’individus supposés ennemis et convoitant tous les mêmes choses. Il a fallu par conséquent trouver un principe d’organisation à partir de ces individus : la volonté générale pour Hobbes, la volonté générale pour Rousseau. Mais coment assurer la paix civile sans ce principe transcendant ? Hobbes et Rousseau en ont crée chacun le sien destiné à se substituer au principe transcendant. A partir de Montesquieu, on a pensé un système auto-régulé de pouvoirs et contre-pouvoirs qui est lependant de la Main invisible de Smith.

  17. Avatar de Moi
    Moi

    @Wladimir: « Il faut quand même reconnaître que les libertariens ont au moins le mérite de soulever un problème bien embarrassant pour la gauche moderne, celui de la prétendue neutralité de l’Etat. »

    Au contraire, ce sont les libertariens qui défendent de manière inavouée cette prétendue neutralité de l’Etat.

    De deux choses l’une, l’Etat est neutre ou il ne l’est pas.
    Si l’Etat n’est pas neutre c’est la société qui agit à travers lui, et donc je repète ma question « qu’est-ce qu’une société qui ne serait pas auto-organisée »?
    Et si l’Etat est neutre, quelle est la critique qu’on lui porte? Comment pourrait-il perturber l’organisation sociale spontanée en favorisant l’un ou l’autre agent social?

  18. Avatar de Pierre
    Pierre

    « Le principe des États modernes a cette puissance et cette profondeur extrêmes de laisser le principe de la subjectivité s’accomplir jusqu’à l’extrémité de la particularité personnelle autonome et en même temps de le ramener à l’unité substantielle et ainsi de maintenir cette unité dans ce principe lui-même » (Hegel, Philosophie du Droit, VI).

    Quel sera l’unité substantielle du NOM ? Quel lien uni l’occident-chrétien, l’islam, l’hindouisme, le taôisme… et tout les autres?
    Comment l’anthropologue peut-il chausser toutes ces lunettes en même temps ? Qu’entrevoit-il dans son kaléidoscope?

    De quelle « autonomie » personnelle disposons nous, nous qui avons toujours un temps de retard dans l’information comme dans nos moyens d’analyse de celle-ci, nous qui ne disposons individuelement pas de l’autonomie affective, alimentaire, energétiques, de défense,
    …. de travail, donc de pensées plus ou moins subjecto-objectives ?

    Mais « nous », c’est qui au fait? Le faux frére de on?

    Si Dieu c’est nous,…. alors, le diable c’est qui?
    Moi je vote Taô, c’est bien plus débridé, et bien plus « moderne ».

  19. Avatar de Boukovski
    Boukovski

    Le concept d’Etat (le modèle de l’Etat hegelien si on veut) est « neutre », comme tous les modèles. Par nécessité, son fonctionnement est tout sauf neutre. Sinon, où serait son efficacité et sa légitimité ?

  20. Avatar de antoine
    antoine

    Lui et Hegel ne fixent pas les limites aux mêmes endroits. La question de savoir ce que l’individu devrait devoir à la communauté politique n’a pas de sens pour Nozick, puisque les concepts rattachés à une conception stato-nationale sont dépourvus de sens dans le Canevas. Il y a des communautés multiples, variées, avec chacune leur conception de la vie bonne, de la ligne ou devrait passer la distinction entre le public et le privé, et il y a des individus qui appartiennent à plusieurs ou à aucune, qui les rejoignent à leur gré, au sein de frontières toujours mouvantes. Et il y a des “Etats” mais on ne peut plus décemment appeler ça comme ça sans introduire des contre-sens. C’est là une organisation politique et un type de gouvernement, qui n’a rien à voir il est vrai avec ce que nous connaissons. Elle est aussi le produit d’une certaine évolution des sociétés occidentales depuis les guerres de religions. Perso, je préfère un restaurant à la carte à un restaurant dans lequel il n’y aurait qu’un menu imposé. Hegel, en bon hobbesien, préférait l’autre option. La communauté dont parle Hegel n’est pas celle dont parle Nozick. Il ne s’ensuit pas de ceci qu’il n’y ait pas de projet d’intégration politique dans la conception de Nozick. Tout le contraire même. Nozick ne donne pas dans l’individualisme méthodologique: il part du “consentement” quand Hegel part de la “reconnaissance”. Et pourquoi pas?

    Il y a des points sur lesquels Hegel peut etre mis à contribution pour attaquer Nozick. C’est évident. Et Walzer s’en sert abondamment de même que tous ceux qui retiennent une forme ou une autre de théorie de la commodification. Mais stratégiquement il aurait pu être plus intéressant d essayer de retourner les arguments de Nozick contre les libertariens (ce que fait Van Parijs en un certain sens). Qu’aurait-il dit de la monnaie? Des obligations des banques? Il y en a qui auraient eu des surprises… et pas ceux qu’on croit.

  21. Avatar de Moi
    Moi

    @A. : « A partir de Montesquieu, on a pensé un système auto-régulé de pouvoirs et contre-pouvoirs qui est lependant de la Main invisible de Smith. »

    Quelle différence d’avec la volonté générale ou le Leviathan? La volonté générale est une émanation de la société, ce n’est pas un principe transcendant qui lui préexiste. Appelons cela la main invisible si vous voulez, mais c’est la même chose que la volonté générale.
    La seule différence que je vois est institutionnelle. D’un côté la volonté générale s’incarne dans l’Etat ou une assemblée constituante, dans l’autre elle ne s’incarne pas ou très peu. C’est la différence entre une constitution écrite et une société coutumière ou jurisprudentielle. Mais les deux émanent de la société, la constitution écrite ne tombe pas du ciel comme les tables de la Loi.

  22. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    J’irais même jusqu’à dire que l’auto-organisation à 2, c’est-à-dire dans un couple, ne va pas toujours de soi. 🙂

  23. Avatar de antoine
    antoine

    Je reprend: le Canevas et/ou l Etat minimal s’oppose à l’Etat (en général les libertarien reprennent Weber sur ce pint, pour s’y opposer) comme s’y opposent la Cité ou l Empire. Ce n’est pas une sous catégorie de l’Etat moderne. C’est quelque chose de radicalement « autre » qui n’avait pas été « prévu »par l’Histoire.
    Tous les cmmunautariens sont fondamentalement du coté de Nozick (sans le savoir), cette alliance théorique libertario-communautarienne s’oppose violemment à la construction historique stato-nationale classique démocrate/républicaine.
    2 visons du monde, du vivre ensemble, radicalement incmpatibles. Au coeur du débat: le concept de « souveraineté ».

    Un exemple:
    vous etes plutôt libertarien si vous pensez que les magistrates musulmanes devraient pouvoir porter le voile pendant l’audience si elles le souhaitent, et vous ne l’êtes pas si vous pensez le contraire. C’est trop facile d’opposer Hegel à Nozick. En quoi dans ce cas d’espèce la magistrate en question devrait-elle faire l’impasse sur ses croyances personnelles dans la mesure ou ceci ne change rien au bon exercice de sa mission? Au nom de quoi doit-elle cela? Les parties du procès en conflit devraient-elles avoir leur mot à dire, alors que quoi qu’il arrive la justice sera rendue? En quoi n’est ce pas une situation d’oppression? Les devoirs légitimes envers la communauté ont bon dos… les féministes s’en souviennent encre très bien! Hegel ne nous fournit rien d’autre qu’une pétition de principe pur répondre à cette question.

  24. Avatar de antoine
    antoine

    vous êtes un oppreseur si vous pensez le contraire. non je plaisante. 🙂
    Tout ça pur dire que je ne suis pas libertarien… mais qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l eau du bain, d’autant plus que tout ceci est particulièrement stimulant ^^’.

  25. Avatar de Bob
    Bob

    Une société auto-régulé sera aussi efficace qu’un marché auto-régulé.
    Il faut définir un pacte social fort, a savoir à quelle part de liberté individuelle chaque citoyen est prêt à renoncer pour assurer bien-être et sécurité pour la collectivité.
    La France avec son modèle républicain (liberté égalité fraternité) poursuivait cette utopie (au sens de projet non abouti ) lorsque la pensée libérale est venue balayer cet idéal. Nous sommes certainement le pays d’europe qui a le plus résisté à cette idéologie. Même si notre modèle social est passablement abîmé, comparé aux modèles anglo-saxon, il est tout de même plus enviable.
    Le fait est que depuis vingt ans nous avons perdus en libertés et en sécurité.
    La neutralité de l’état est un problème démocratique qui tient à la représentativité de nos représentant. A ce titre le référendum sur le traité constitutionnel en est une belle démonstration : le peuple dit non à 55% les députés le vote à l’unanimité.

  26. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    « Seul l’autre est toujours responsable d’un plus grand mal pour la société mais jamais moi le premier »

  27. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    Adam Smith prétend que c’est en poursuivant son intérêt égoïste que l’on contribue au mieux à la réalisation du bien-être collectif mais on oublie généralement ce qu’il dit ensuite, à savoir que ceux qui prétendent oeuvrer avant tout au nom du bien-être collectif le font généralement pour des motifs égoïstes. C’est pas bête et ça devrait nous interpeller. Prenons par exemple, un alter-mondialiste généreux qui s’écrierait « A chacun selon ses besoins! ». Eh bien, il y a de fortes chances pour que ses besoins soient plus considérables que ceux de son prochain. Pour ce qui est du communisme, Orwell a mis tout ça en musique dans sa « Ferme des animaux ».

  28. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    « Et plus nous l’écrirons dans les livres que nous préférons lire et plus les hommes finiront tous par faire comme nous »

  29. Avatar de Mathieu
    Mathieu

    D’accord avec Antoine: je préfère une philosophie politique qui prend comme hypothèse que la diversité de la conception de la « vie bonne » est telle que une conception juste de l’état ne peut décider a priori de favoriser telle ou telle conception. Ceci doit nécessairement émerger d’un consensus encadré lui par des institutions qui garantissent que ce consensus soit « juste » (établi entre personnes informées, représentatives, etc…) et qu’il pourra être appliqué.

  30. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    @Antoine :

    « Il y a des communautés multiples, variées, avec chacune leur conception de la vie bonne, de la ligne ou devrait passer la distinction entre le public et le privé, et il y a des individus qui appartiennent à plusieurs ou à aucune, qui les rejoignent à leur gré, au sein de frontières toujours mouvantes * »

    Que font les théoriciens du droit naturel comme Nozick si au sein des « communautés multiples et variées », avec chacune leur conception de la morale, il existait un individu ou plusieurs qui décidaient de se donner les droits absolus du Souverain (comme par exemple le port d’arme pour tous, et le droit absolu de se défendre en évoquant la légitime défense en expulsant les « envahisseurs ») ? Que faire sinon (re)créer l’Etat, ou une sorte de « minarchie » au sens libertarien ?

    A mon avis, c’est justement parce que le domaine de la morale est rejetté dans la seule sphère privée* que la défense des droits élémentaires ne peut incomber qu’à l’Etat Capitaliste, ce que les libertariens pur jus refuse d’admettre. j’avoue que c’est sur ce point que certains textes de Nozick ou de Friedman (fils) m’ont toujours fait penser à ce que Karl Marx appellait justement « des robinsonnades ». Une sorte de confusion entre le rapport à l’Etat qui découle de l’exercice de la liberté et le pouvoir de l’imagination de quelques « happy few » qui profiteraient d’un monde sans contrainte (sans impôt)…

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