Le droit à la propriété est-il encore le même pour tout le monde ?, par Jean-Paul Vignal

Billet invité.

LE DROIT DE PROPRIETE EST-IL ENCORE LE MEME POUR TOUT LE MONDE ?

La revue Mc Kinsey, a publié dans son dernier numéro un article intitulé « State capitalism and the crisis » qui trouve normal que les États mettent leurs mains dans les poches des contribuables pour sauver les banques et les entreprises, mais s’inquiète que ces mêmes États pourraient y prendre gout et en profiter perfidement pour effectuer un retour durable dans la gestion des entreprises au lieu de s’éclipser poliment une fois les profits revenus.

Il n’y a rien de bien nouveau ni de surprenant dans cette affirmation pourtant assez obscène qui consiste à utiliser la collectivité pour protéger des intérêts particuliers au nom d’une vision dévoyée et de nature presque délictuelle de l’intérêt collectif, mais, compte tenu de l’ampleur des enjeux, il est sans doute temps de réfléchir un peu aux moyens de mettre fin à cet état d’esprit.

Déposer son bilan est en passe de devenir un mode de gestion comme un autre au point, paraît-il, que l’on commence à en enseigner les subtilités dans les meilleures écoles de gestion. Cette évolution signifie en clair que l’on peut prendre tous les risques que l’on veut sans avoir à en subir les conséquences négatives ; les créateurs de l’entreprise apportent leurs idées, leur temps, et un peu d’argent frais, les managers en lèvent beaucoup plus avec des leviers qui atteignent ou dépassent 100 en promettant la lune, les banquiers prêtent et titrisent la dette, l’entreprise la souscrit, et en cas de difficulté, la dette est épongée par les investisseurs, souvent institutionnels, donc gestionnaires de l’épargne du public. Les seuls qui ont vraiment perdu sont les créateurs, les investisseurs des tours de financement publics et les acheteurs des dettes, car les managers peuvent toujours racheter les actifs à quelques cents du $ avec le soutien de financiers, – parfois les mêmes -, et repartir pour un tour.

Chacun sait désormais que les banquiers ayant été jugés indispensables à la bonne marche du monde par les politiques qui leur ont livré les clés de nos cités, leurs erreurs doivent être réglées au prix fort par la collectivité au nom de l’intérêt général ; on sait moins que celles des entreprises le sont aussi, de fait. Dans un cas comme dans l’autre, les bonus perçus par les cadres dirigeants sont en grande partie à l’origine de cette situation paradoxale. Il les incite en effet à prendre un maximum de risques car ils ne peuvent avoir que des retombées positives. Leur perte maximum possible est ne de pas percevoir de plus values sur leurs stocks options en cas de dépôt bilan. La belle affaire. Quant on perçoit plusieurs dizaines de fois le salaire minimum des manants à titre de salaire et de bonus en espèces, ce n’est certainement pas une incitation à la prudence, ni au respect des intérêts des gens que les hasards de la vie et des diplômes ont placé sous vos ordres.

Il serait peut-être temps de supprimer les procédures de mise en redressement judiciaire de type « chapter 11 », et d’interdire que les mêmes joueurs ne puissent directement ou indirectement racheter les actifs de leur ancienne société dans la procédure de liquidation de type « chapter 7 » qui deviendrait la seule issue possible à un dépôt de bilan. Ce serait une façon un peu rude, mais sans doute salutaire, de signifier aux responsables des banques et des entreprises qu’ils ne sont plus propriétaires de droit divin, mais simples mandataires de propriétaires de droit commun qui peuvent, comme tout le monde, perdre leur propriété. Une telle mesure permettrait ainsi d’ouvrir un débat que très peu de gens abordent. La propriété est, nous dit-on, la pierre angulaire du libéralisme économique. Soit. Mais comment se fait-il alors que les tenants de ce libéralisme n’aient aucun scrupule à puiser dans la poche des contribuables pour remettre à flots et récupérer leur propriété quand celle ci est compromise par leur propre mauvaise gestion ? La logique voudrait que dans ce cas la propriété revienne à ceux qui payent. Il ne s’agit pas de nationalisation rampante, mais simplement de l’application des règles communes à un type particulier de transaction.

Et l’on pourrait profiter de l’ouverture de ce débat sur la propriété pour aborder le problème de la propriété intellectuelle, qui est essentiel dans un monde que tous les experts s’accordent à reconnaître comme devant être de plus en plus celui du savoir. Il semblerait sans doute curieux à un observateur venu d’ailleurs que les sociétés privées aient accès aux résultats de la recherche publique sans contrepartie réelle pour la collectivité ; quand une collectivité publique entretient un groupe de chercheurs, on peut en effet se demander s’il est « équitable » que les résultats de cette recherche soient privatisés au bénéfice de sociétés qui, par vocation, cherchent ensuite à les valoriser au meilleur coût, ce qui implique dans presque tous les cas que les citoyens de la collectivité qui a assuré le risque du financement bénéficient peu ou pas des retombées en terme d’emploi et d’activité économique induite.

Cette privatisation à prix et à conditions d’ami est certainement un des vrais problèmes de la recherche publique. Il est affligeant de voir de brillants chercheurs contester à juste titre, – entre autres au nom de la contestation d’une croissance devenue socialement irresponsable -, la recherche telle qu’on la pratique aujourd’hui sans poser comme préalable que les résultats de la recherche publique devraient être une propriété collective, accessible librement à tous. La question de l’orientation et du contrôle de la recherche serait en grande partie résolue si l’on retenait ce principe simple, qui ne serait jamais qu’une adaptation du droit de la propriété intellectuelle à l’évolution de nos sociétés.

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76 réponses à “Le droit à la propriété est-il encore le même pour tout le monde ?, par Jean-Paul Vignal”

  1. Avatar de antoine
    antoine

    Mes excuses à « moi » la « réponse » ne passe pas.

  2. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine: je vais attendre et revérifier régulièrement, ça passera bien un jour.

  3. Avatar de moderato-cantabile
    moderato-cantabile

    Pour moi cette histoire d’HADOPI est ridicule car inapplicable et si appliquée, elle risque d’avoir des effets contraires au buts recherchés. Rien n’empêche le possesseur d’un CD de le partager en direct avec ses amis. Un peu comme rien n’empêche les jeunes filles et les jeunes garçons de se prêter leurs « effets » à la mode : sac à main, lunettes de soleil, et autres « bijoux » et cosmétiques. Ca aide à créer du lien.
    Rien n’empêche les acheteurs de CD de pénaliser les artistes qui ont soutenu la loi en ne les achetant plus.
    Il se peut même que ça déclenche une prise de conscience et pousse à la recherche du « libre arbitre », ces jeunes « pigeons » qui achètent les produits jetables de l’industrie culturelle.
    Là où je m’interroge c’est sur la diversion qui est faite quand à ce débat . Un débat qui ne fait que troubler un peu plus la compréhension même de ce qui peut et doit rentrer dans le cadre de « propriété privée » et ce qui doit en être exclu.
    L’air, l’eau, le vivant, la végétation, la faune, la nourriture, les rêves artistiques …. ne peuvent pas, ne doivent pas entrer dans la propriété d’un privé ou d’un autre, sans conditions de gestion collective pour le bien collectif.
    La Nature est éternelle (enfin, presque vu l’échelle de la durée d’une vie) elle ne peut pas et ne doit pas entrer dans la propriété prive donc exclusive de quelqu’un d’aussi mortel que moi, que vous.
    Ou, alors il faudrait faire une distinction entre le statut juridique d’une personne (mortelle) et celui d’une société par actions (multinationale ou pas).
    Paul Jorion a raison de revenir toujours et encore sur cette notion de propriété privé.
    C’est cette notion qui a dérapé et perdu contact avec le réel, c’est elle la cause la plus profonde et pas encore assez prise en compte par les analystes de la crise, des crises.
    Ce n’est pas l’argent (somme toute une simple convention, plus ou moins amiable) c’est ce qu’on en fait du surplus, quand on détient au delà des besoins vitaux.
    C’est en abordant de plus près ce sujet, cette notion qui agite depuis le noir du temps la société humaine et qui a déterminé les différents types de régime et d’idéologie, que les solutions de changements seront trouvées. On ne pourra pas sortir honorablement de cette crise en faisant l’économie d’une telle approche.

  4. Avatar de iGor milhit

    c’est peut-être l’effet de cette conversation… je suis allé fouiner dans la bibliothèque municipale à disque (discothèque municipale, on ne comprend pas toujours correctement 😉 ), dans ce trésor de propriété publique, y a rarement plus riche que le collectif, y pas à dire…
    évidemment, comme avec les livres, de cette manière je découvre des choses que si je devais les acheter, je ne connaîtrais pas.
    et je suis tombé sur un truc que j’imagine que sur ce blog beaucoup connaissent, inculte que je suis: du tchaikovsky conduit par celibidache. et je lis le petit livret, et je découvre que le chef d’orchestre méprisait totalement les disques. la musique c’est fait pour être écouté live et rien d’autre… (j’avais lu quelque chose comme ça dans un roman de C. Fuentes)
    et voilà que le monsieur est mort (c’est pas nouveau) et que des enregistrements sont publiés…
    droits d’auteur, vous avez dit?

    je trouve juste la chose amusante en lien avec cette histoire de copie…

    ah, et puisqu’on est sur le sujet, un truc qui m’a aussi fait réfléchir: la bibliothèque à disques reprenait après la pause estivale, et il n’y avait pas foule. une bibliothécaire s’en inquiétait et évoquait le temps pas si lointain où à la reprise il y avait une queue devant l’entrée avant l’ouverture…

    voilà, voilà…

  5. Avatar de Moi
    Moi

    @iGor milhit: « la musique c’est fait pour être écouté live et rien d’autre… »

    C’est un peu extrême, mais c’est clair que entre le live et l’enregistrement, y’a un monde de différence. Infranchissable même avec toute la technologie moderne (ceci dit faudrait peut-être voir avec l’installation hifi d’un Bill Gates ou d’un Warren Buffet).
    Je me souviens de mon premier concert. C’était de la musique classique (que j’aimais pas, j’y allais avec les pieds de plomb et c’était gratuit), du Ravel. J’ai failli m’évanouir quand ils ont commencé à jouer. C’était comme si les violons jouaient à l’intérieur de moi.
    Je n’aime toujours pas énormément la musique classique en enregistrement, mais un concert, je ne dis jamais non.

  6. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine:
    « Etat Anarchie et Utopie est aussi à dessein, mais en creux, la critique la plus dure du courant libertarien (au delà de ses critiques de Locke, de Rand, de H. Georges, et de Hayek ). L’exposé du livre n’est rien d’autre que l’exposition des problèmes qui se posent dès lors qu’on accepte les prémisses libertariennes. Et donc des efforts et des doutes de Nozick quant à la possibilité de les résoudre (et de son enthousiasme, parfois, quand il pense y parvenir). »

    Je ne l’ai pas lu assez attentivement pour remarquer ce second degré. Je dois avouer que ce livre m’a laissé effaré et que j’ai trouvé tout cela absurde voire effrayant (son monde ressemble à une espèce de moyen-âge féodal technologique et procédurier). Si l’objectif était de montrer ce caractère absurde du libertarianisme, ok, c’est réussi en ce qui me concerne.

    « Nozick reconnaît le “principe de compensation”, qui doit “corriger” la distribution injuste (non conforme à la “théorie de l’habilitation”) des titres au moment ou nous parlons vous et moi. »

    Vous voyez, cela me paraît déjà absurde. Il s’agirait par exemple de proposer aux amérindiens de l’argent pour la perte de leurs terres et de leur culture? Je ne veux même pas parler des problèmes concrets que cela engendre (qui décide la compensation, etc), je veux dire que ce genre de transaction est absurde car elle revient à croire que les valeurs libérales (la terre y est par exemple monétisable) sont admises par tous. Tout le livre m’a fait le même effet que si on venait me dire que dans une famille les enfants ont le droit d’affamer leurs parents (ou l’inverse) à condition de respecter certaines procédures du droit des affaires.

    « En fait il est TOUJOURS en opposition avec Locke. »

    En fait, il réduit cette clause à rien par des contorsions sophistiques (parfois très irritantes). Est-ce encore du second degré pour montrer l’inanité de la démarche ou est-ce réellement sa position? J’ai vraiment du mal à le situer mais si c’est là du premier degré et la réponse au défi de l’appropriation originelle, que dire…

  7. Avatar de Jean-Baptiste

    @Hervé Darce
    Je confirme que les personnes qui ne crée pas ne peuvent que difficilement distinguer la différence entre la création et la fabrication car il est en effet difficile de conceptualiser ce que l’on ne sait pas faire et évidemment trouve la Joconde moche donc ( le donc est pour eux) sans intérêt. C’est comme de demander les couleurs aux enfants ou même aux adultes. Peu parleront de ‘infra rouge ou de l’utra violet qui sont bel et bien des couleurs mais que l’on ne voit pas.

  8. Avatar de Moi
    Moi

    Concernant la propriété intellectuelle, voici un exemple amusant d’artistes la refusant pour des raisons religieuses: http://www.techdirt.com/articles/20090717/0142075579.shtml

  9. Avatar de Grimdor

    @ Jean-Baptiste

    C’est plutôt amusant la façon dont tu présentes les choses. Je ne suis pas forcément en accord avec tes différenciations aussi tranchées concernant création et fabrication bien que de nombreuses amalgames aient souvent lieu à ce sujet et ce pour valoriser le travail. Il me semble qu’il y a divers degrés de conceptualisation dépendant directement des contraintes sectorielles et du cahier des charges que l’on s’impose ou qui est imposé. Par contre ce qui reste sous-jacent dans ton post est la notion d’efficience ou de fonctionnalité et ce n’est pas pour rien me semble-t-il que tu as pris l’exemple de la Joconde. Effectivement si on prend cet exemple et que l’on octroie à ce tableau une fonctionnalité étant une non fonctionnalité (faire du beau pour du beau) quel que soit la personne l’objet artistique en question sera sans intérêt. Les intérêts dégagés par l’artiste affecteront les diverses sensibilités des spectateurs et certains y trouveront un intérêt narratif ou technique à un endroit ou d’autres n’y verrons absolument rien. Je suis persuadé que dans une société dont le fondement est l’efficience, le temps est rationalisé et les sensibilités prises de cours. Tout est question de temps j’en suis convaincu, et cela expliquerait que le clinquant (souvent très superficiel) soit aujourd’hui plus accessible que d’autres substances bien plus profondes et riches mais d’apparence moins attirante. On veut, on voit, on désire on achète : mode d’immédiateté.

    Concernant l’ultra violet et l’infra rouge, on est ici dans l’extra sensoriel. Ce sont des fréquences qui nous permettent certes de voir la nuit pour l’infra rouge car elles sont transformées par les lunettes en fréquences visibles. On peut faire de même avec des fréquences sonores si je ne me trompe. C’est à dire qu’outre le fait d’être un concept ce sont avant tout des notions. Le sensoriel est substitué par le savoir ce qui justifie dans un premier temps qu’un enfant ne puisse les citer et si c’était le cas il ne comprendrait peut être pas grand chose aux longueurs d’ondes, la fréquence émise par les électrons produisant la couleur lorsqu’ils sont agités. En gros un concept bêtement régurgité sans en comprendre les notions fondamentales. Donc du coup un glissement peut aussi avoir lieu avec la croyance. Je crois mais je ne suis pas en mesure de te montrer la couleur donc de te le prouver. Une couleur étant invisible est elle vraiment une couleur? Elle apparait en longueur d’onde mais non dans le spectre coloré (domaine du perceptible). En gros le terme couleur me semble vraiment alloué au domaine du perceptible. J’ai envie de faire un parallèle qui sera peut être faux concernant la granulométrie des matériaux. A l’échelle du visible le téflon est peut être d’un lisse absolu, à l’échelle microscopique il possède des aspérités. Tout dépend du référentiel en fait. Si l’on se positionne en machine l’UV et l’infra rouge sont des couleurs, en position d’être humain ils sont parfaitement invisibles bien que leurs existences soient manifestes.

    En tout cas merci Jean-Baptiste pour les questions que tu soulèves.

  10. Avatar de antoine
    antoine

    Alors je reprend: mon exposé était d’ordre plus général.

    – ce n’est pas du second degré. Mais ce n’est pas du premier degré non plus.
    Il faut se mettre à la place de quelqu’un qui aimerait passionnément le travail de certains de ses devanciers, mais qui ne peut manquer d’en voir les incohérences et les faiblesses, ou quelqu’un qui reprendrait le travail bégayant d’un de ses apprentis. La reprise ne pourrait que
    Là ou il est sans équivoque toutefois, c’est sur ces 2 points:
    1/ La thèse anarcho-capitaliste est insoutenable.
    2/ Une société marxiste est parfaitement soluble dans le Canevas ou l’Etat minimal, à condition que chacun puisse la quitter quand il le souhaite.

    – Je ne crois pas avoir vu aucun sophisme dans EAU. Mais c’est vrai que ses arguments sont extrêmement complexes (mais je ne peux pas ici en donner une exposition complète).
    D’ailleurs il n’y a pas 2 versions identiques de la nature de l’argumentation qui mène à la justification par exemple de la « contrainte libertarienne interdisant l’agression ». Ceci tient au fait qu’on n a pas assez prêté attention à l un de ses articles de jeunesse les plus important: « moral complications and moral structures », qui permet d’éviter bien des écueils pourtant.
    Du reste, si Rawls et Walzer ont consacré autant de temps à le refuter, et si Van Parijs y consacre la moitié de son livre-manuel c’est qu’il y a une (bonne) raison. Ses arguments, nullement sophistiques, sont redoutables. Mais il est clair qu’ils sont tout sauf académiques.

    – Ce que je vais dire n’est pas du tout l’argument de Nozick, mais illustre bien sa façon de cncevoir le domaine des affaires humaines en général.
    Tout part d’une distinction signifiante selon lui entre « ce que nous pouvons rationnellement décider » et « ce que nous ne pouvons pas rationnellement décider »: le « juste » appartient à la première catégorie, le « bien » à la seconde. Ce qui relève du juste doit faire l’objet d’une obligation légale. Ce qui n’en relève pas ne peut pas, sous peine de violer la contrainte libertarienne interdisant l’agression (qui est un principe de justice), faire l’objet d’une obligation légale.
    Ceci implique que la structure juridico-légale est définie en creux par la structure de nos jugements moraux (c’était la thèse de Spooner).
    Les bornes du « pouvoir coercitif fondamental » (ce que l’on peut vous faire sans votre consentement) sont définies par la différence entre des catégories de jugements portant sur l’action  » le type de cohérence qui relie des principes de justice » et « le type de cohérence « relativiste » qui unit des pondérations d’arborescences de caractéristiques morales ».
    Fondamentalement et paradoxalement, c’est une thèse d’épistémologie morale qui sépare les libertariens/minarchistes des autres courants de pensée.

    Autrement dit, on peut classer les différentes actions dans un tableau à double-entrée selon les dimensions juste-injuste/moralement permissible-moralement non-permissible, et ce tableau fixe la forme institutionnelle que peut prendre un « Etat » quel qu’il soit.
    Il y a toutefois des circonstances dans lesquelles ceci ne s’applique pas, au nombre de 6 si mes souvenirs sont bons.

    Implication immédiates:
    Le scepticisme/relativisme/communautarisme conduisent directement au Canevas si l’on rejette la thèse d’Aristote selon laquelle il faut accorder une place légitime en politique aux arguments simplement « probables ». Imaginez seulement qu’on étant à la quasi totalité des sphères de la vie humaine l’argument qui justifie la tolérance et les libertés religieuses.
    Si un mendiant meurt de faim, que vous avez acquis une pomme que vous ne souhaitez pas manger mais que vous préférez la gacher en la jettant à la rivière, c’est ignoble, c’est triste/malheureux, mais ca n’est pas injuste. En revanche, vous violez la proviso lockéenne si cette pomme est la dernière qui lui était accessible. N’oubliez pas qu’il n’y a qu’en France que la « non-assistance à personne en danger » est punissable (et du reste dans les faits elle n’est jamais prise en considération).

    – Il n’y a guère que dans l’exemple de la manne dans le désert que des principes « égalitaires sont légitimes » (et encore, en étant plus nozickien que nozick il y aurait manière à discuter). Or la situation de la manne dans le desert est proche de celle des ressources naturelles. Elle tranche cependant avec l’exemple du « plan d’eau dans le desert ».
    S’il n’y a qu’un seul plan d’eau, le premier arrivé est-il de plein droit le premier servi? Peut-il acquérir un titre de propriété sur cette eau, et revendre ensuite la flotte le prix qu’il le souhaite aux prochains arrivants?

    Notez que ce problème de l’acquisition originelle se pose avec la même intensité pour chaque tradition de pensée.
    Je reprend rapidement les étapes, qui vous guideront si jamais vous le relisez:
    1- Le principe de transfert regit les actions sur les choses que nous sommes déjà habilités à posséder.
    Partant cette conception de la justice est incomplète sur un point décisif: certaines choses telles que les ressources naturelles (mais pas seulement) ne sont l’objet d’aucune habilitation initiale.
    2- C’est pourquoi il existe un principe de justice gouvernant l’acquisition, qui est l’action par laquelle une chose vient à être acquise pour la première fois.
    3- L’acquisition juste est celle qui s’effectue par le « travail » dixit la « Tradition ». Nozick n’est pas particulièrement sur des raisons pour lesquelles il en est ainsi:
    Quelle peuvent bien être les propriétés du travail en soi pour conférer ainsi un titre de propriété? Y a t-il un « transfert », les titres que j’ai sur moi-même passant magiquement dans les choses? Mais comment est-ce possible? Après tout l’habilitation à travailler la chose est par définition antérieure au travail sur la chose lui-même! La solution la plus astucieuse à ce problème consisterait à reconnaître au travail conférant de la valeur ajoutée aux choses, et à ce type de travail seulement, la propriété de donner à son exécutant une habilitation sur la valeur ainsi produite, et non sur la chose elle-même.
    Nozick, en dépit de son attrait intuitif, écarte pourtant cette possibilité:
    « Aucun schéma de propriété, que l’on pourrait mettre au point ou cohérent concernant la valeur ajoutée n’a encore été établi, et un tel schéma tomberait sans doute sous le coup d’objections semblables à celles qui firent chuter la théorie de H. George ».
    (Pourtant je me dis parfois que ca voudrait le coup d’approfondir… en combinant l’idée avec quelques principes thomistes il y aurait peut-être moyen d’en tirer quelque chose d’exploitable).
    4- Le plus sage est donc d’intervenir en amont en mntrant que la théorie de l’appropriation privée des choses par le travail (et pas seulement la valeur ajoutée du produit) n’est pas injuste quand elle est assortie d’un SECOND principe libertarien qui justifie le déclenchement de la clause provisionnelle lockéenne.
    5- Cette combinaison de principes renvie implicitement à la proposition de R. Nozick avancée dans la section « Micro et Macro » selon laquelle des micro-situations injustes peuvent dans certaines circonstances s’équilibrer mutuellement pour produire une macro-situation juste.
    . D’après le « principe provisionnel », une acquisition originelle est juste quand elle ne laisse pas les autres dans une situation PIRE qu’elle ne le serait sans cette acquisition (c’est TRES important de comprendre ça)
    . D’après le « principe de travail », l’acquisition originelle d’une chose est juste quand elle procède d’une transformation requérant un effort minimal et destinée à en augmenter la valeur.

    J’en profite pour ajouter que la tradition libertarienne est fondamentalement hostile à la proviso lockéenne, qu’elle déteste (cf. Rthbard, Block, Kizner, Pilon… je ne peux pas développer, désolé). « Premier arrivé Premier servi », et c’est tout (sinon on met le doigt dans l’engrenage et de proche en proche on est conduit à se rallier aux positions des étatistes/socialistes)! Le tour de force de Nozick consiste à essayer de justifier la proviso lockéenne sur une base libertarienne! Et à montrer ensuite qu’elle n’est ps incompatible avec le fonctionnement d’une économie « capitaliste ».
    Pour ceci Nozick s’appuie sur Spooner dont la solution a le merite, comme celle de Locke, de fonder l’appropriation privée sur une théorie rationnelle, en s’affranchissant de la nécessite d’obtenir le consentement des autres ( sans quoi nulle action n’aurait jamais pu être entreprise), mais qui n’en a pas les faiblesses, puisqu’elle s’appuie sur le concept de communauté positive forgé par Pufendorff que Locke avait écarté… pareil je ne peux pas développer).

    6- le trou d’eau dans le desert:
    Nozick dit que le premier arrivant NE pourrait PAS se l’approprier.
    Mais il ajoute cette remarque très importante, à côté de laquelle les commentateurs sont passés: « la situation serait très différente si son trou d’eau ne s’asséchait pas en raison des précautions spéciales prises pur empecher cela ».
    On a envie de dire: Mais ca ne change RIEN! Dans les deux cas l’appropriation n’est pas permissible!
    En fait c’est parce que dans le second cas, la situation des autres N AURAIT PAS ETE RENDUE MEILLEURE en l’absence d’appropriation, mais pire (sans ce soin spécial il n’y aurait tout simplement plus d’eau à boire).

    En fait, en faisant varier les hypothèses du contexte, on parvient à des modèles de création/distribution de droits TRES compliqués, à partir pourtant d’un principe simple. Mais je ne peux pas exposer tout ça ici.

    7- Le mendiant et le naufragé.
    L’interprétation nozickienne de la clause provisionnelle justifie la différence de traitement entre entre les deux. Dans le cas du naufragé, sa situation est pire qu’elle ne l’aurait été sans l’appropriation de l ile deserte sur laquelle il echoue. Aussi vous êtes TENUS (légalement) de partager avec lui les ressources de l ile (ca ne dit rien des modalités du partage, mais ca pourrait aller très loin). Par contre la situation d’un mendiant n’est pas rendue pire par l appropriation de cette pomme dont vous ne voulez plus et qu il vous demande gentiment. Il peut toujours essayer de s’en procurer une autre « ailleurs ». C’est immonde de votre part mais ce n’est ps injuste (et nus le faisons tous, tous les jours!) Bien sûr si il est mourant, c’est à dire physiquement incapable de se procurer cette pomme vous êtes tenus, en vertu de la clause provisionnelle, de lui céder la vôtre

    Je me demande souvent ce que Nozick dirait du système bancaire et financier actuel. Je ne peux pas en être sûr mais des bribes de ce que j’en comprends, je pense qu’il le rejetterait. Je crois aussi qu’il n’aurait aucun mal, au vue de ses hésitations sur la légitimité de l’institution de l’héritage à s’accorder avec Van Parijs sur l’idée d’une « rente civique » justifiée par ce problème d’acquisition originelle (mais il justifierait sans doute ça de manière très différente).

    Encore une fois l’intérêt d’EAU est qu’il nous force à sauter le pas, à changer nos habitudes de pensées, à voir les choses sous un angle différent ( « Demoktesis »): quelle que soit au fond l’idée qu’on se fait de ce que devrait-être la propriété privée, c’est le « style » de pensée (l’audace, le courage de défendre des positions non académiques dans des domaines « sensibles »), et quelques passages/outils géniaux qu’il faut retenir pour soi et utiliser par la suite. Nozick ne se faisait pas d’illusions: dans cette matière les commentateurs eux-mêmes approuvent ou désapprouvent une thèse en se fondant non sur la valeur de l’argumentation, avec laquelle ils pourraient être d’accord à chaque étape de son développement, mais sur la nature de la conclusion, qui heurte – ou pas- leurs intuitions morales (Descartes, ainsi, disait de Hobbes qu’il était nul. Et vice-versa).

    Le dernier chapitre d’EAU, qui se suffit à lui-même, ajoute un quatrième type de régime à la typologie classique des formes de gouvernement (quoiqu’il est peut être inclu par Al Farabi dans la catégorie… « démocratie »!). A la limite, s’il n’y avait qu’une chose à lire de lui, ce serait ce chapitre autonome consacré au « Canevas ».

    J’ajoute que personne n a trouvé de solution satisfaisante à ce problème, et il faudrait distinguer l’appropriation du sol (peuples nomades cntre peuples sedentaires) de l’appropriation des ressources, sans parler du fait que tout ensuite vient de leur exploitation.
    Si nous considérons que la terre et ses ressources nous appartiennent en commun, parce que tous les hommes partagent de ce point de vue une communauté de destin, alors on rentre dans le cadre thomiste à l’intérieur duquel il n’y a jamais que des droits d’abusus et de fructus, et jamais d’usus. Mais c’est la remise à la mode « laïque » d’une thèse profondément chrétienne/musulmane. C’est amusant à observer. Si on rejette ce point de vue théologique et ses produits dérivés athées (ce qu’on ne fait JAMAIS sur ce blog), et qu’on refuse finalement les postulats métaphysiques et religieux des humanistes en affirmant que la terre a l’origine n’appartient pas à tous mais à personne à l’origine (et c’était ce cadre qui dominait depuis les derniers jurisconsultes jusqu’à récemment), alors ces problèmes d’acquisition originelle se posent très différemment.

    Ce qui m’intéresse c’est la prise en compte des externalités, nouvelle dans l histoire. Aussi compliquée que l’acquisition originelle le problème « inversé »: « la pollution « originelle » » (le CO2, pour peu que l’activité humaine en soit responsable). A ma connaissance, il n’y a que Gauthier (un autre « libertarien » un peu à part, dans « morals by agreement », qui aborde de front ces deux problèmes). Ce n’est pas un hasard, ce courant de pensée est un bouillonnement d’idées, pas toutes aussi mauvaises les unes que les autres ;-), tournées vers des problèmes concrets, alors que la plupart du temps les courants de pensée bien installés soit ressassent de vielles lunes rejetées depuis longtemps, soient se bornent à faire du « commentaire » de « commentaire » de « commentaire » sans chercher à créer quelque chose de neuf d’adapté aux prblèmes contemporains. A l’exception de ce qui est tenté sur ce blog.

  11. Avatar de antoine
    antoine

    Paul t exagères…

    Je ne défend pas la thèse de Nozick. Je l’expose pour rendre compte des nuances qu’il peut y avoir à l’intérieur même des psitions libertariennes, qui sont tout sauf un bloc monolithique. La connaissant bien j’en connais également bien les faiblesses, dont lui même n’a jamais fait mystère. Je constate malheureusement que les critiques la plupart du temps s’en tiennent à des discussions superficielles qui ne peuvent atteindre la théorie dans son coeur, aussi longtemps qu’n n’a pas clarifié tout ça.

    Je ne crois pas avoir dit que Nozick était du côté d Aristote. Au contraire il estime que les prémisses seulement probables n’ont pas droit de cité (elle ne peuvent justifier une obligation juridico-légale). Il serait en accord avec la thèse de Hegel, tout en ajoutant par après qu’une fois qu’on a dit ça… on n’a rien dit d’utile.

    En effet la question reste entière de savoir quelle est la meilleure manière d’organiser la « coopération » sociale, quel est le meilleur « mode de gouvernement ». Hegel défend une monarchie constitutionnelle et Nozick le Canevas (qui n’est pas l’Etat « veilleur de nuit » ou « gardien de zoo » des libéraux). Il n’y a pas là opposition, si je puis dire, entre une conception qui relèverait de l’individualisme méthodologique, et une position qui relèverait d’un holisme (en fait dans le cas de Hegel c’est justifié de parler de holisme). Il y a opposition entre deux manière de concevoir ce que doivent être les obligations mutuelles des individus condamnés à vivre ensemble. Nozick cherche juste à préciser ou la limite de ce qu’on peut vous faire sans votre consentement pourrait passer (et il tâtonne).

  12. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine:
    « 2- C’est pourquoi il existe un principe de justice gouvernant l’acquisition, qui est l’action par laquelle une chose vient à être acquise pour la première fois.
    3- L’acquisition juste est celle qui s’effectue par le “travail” dixit la “Tradition”. Nozick n’est pas particulièrement sur des raisons pour lesquelles il en est ainsi:
    Quelle peuvent bien être les propriétés du travail en soi pour conférer ainsi un titre de propriété? »

    Comment passe-t-on de la première acquisition au titre de propriété? Si j’utilise un couteau, je n’ai pas de titre de propriété. Si je possède le couteau, je n’ai pas de titre de propriété. Le titre de propriété c’est la société qui me l’accorde (c’est un droit opposable garanti par la société sans quoi la possession devra être continuellement défendue par la force). Alors, qu’est-ce que ce titre de propriété nozickéen qui apparaît par magie suite à l’acquisition d’une chose et sans faire intervenir la société? Ce que Nozick essaye de justifier c’est la moralité d’une possession, et il espère qu’ainsi la société lui admettra un titre de propriété sur la chose. Mais ce sont là deux choses différentes, qu’il faut justifier séparément car une possession peut être morale et sa propriété (c’est-à-dire une possession absolue, exclusive, intemporelle) immorale.
    Passer subrepticement de l’un à l’autre, c’est ce que j’appelle un sophisme.

  13. Avatar de antoine
    antoine

    Lui et Hegel ne fixent pas les limites aux mêmes endroits. La question de savoir ce que l’individu devrait devoir à la communauté politique n’a pas de sens pour Nozick, puisque les concepts rattachés à une conception stato-nationale sont dépourvus de sens dans le Canevas. Il y a des communautés multiples, variées, avec chacune leur conception de la vie bonne, de la ligne ou devrait passer la distinction entre le public et le privé, et il y a des individus qui appartiennent à plusieurs ou à aucune, qui les rejoignent à leur gré, au sein de frontières toujours mouvantes. Et il y a des « Etats » mais on ne peut plus décemment appeler ça comme ça sans introduire des contre-sens. C’est là une organisation politique et un type de gouvernement, qui n’a rien à voir il est vrai avec ce que nous connaissons. Elle est aussi le produit d’une certaine évolution des sociétés occidentales depuis les guerres de religions. Perso, je préfère un restaurant à la carte à un restaurant dans lequel il n’y aurait qu’un menu imposé. Hegel, en bon hobbesien, préférait l’autre option. La communauté dont parle Hegel n’est pas celle dont parle Nozick. Il ne s’ensuit pas de ceci qu’il n’y ait pas de projet d’intégration politique dans la conception de Nozick. Tout le contraire même. Nozick ne donne pas dans l’individualisme méthodologique: il part du « consentement » quand Hegel part de la « reconnaissance ». Et pourquoi pas?

    Il y a des points sur lesquels Hegel peut etre mis à contribution pour attaquer Nozick. C’est évident. Et Walzer s’en sert abondamment de même que tous ceux qui retiennent une forme ou une autre de théorie de la commodification. Mais stratégiquement il aurait pu être plus intéressant d essayer de retourner les arguments de Nozick contre les libertariens (ce que fait Van Parijs en un certain sens). Qu’aurait-il dit de la monnaie? Des obligations des banques? Il y en a qui auraient eu des surprises… et pas ceux qu’on croit.

  14. Avatar de antoine
    antoine

    @ moi

    Tout a fait. Encore une fois c’est la solution retenue par la pensée occidentale (je ne sais pas ce qu’il en est ailleurs).
    Du reste PERSONNE n’a jamais résolu le problème. Ce qui ne signifie pas que les tentatives de solution à ce problème n’ont pas une « histoire » à l’intérieur de notre civilisation.
    Pour autant, à quel titre la « société », qui n’est qu’une association seln des modalités plus ou moins complexe aurait-elle un titre à décider quoique ce soit? Si c’est jsute parce qu’elle tient le glaive, bienvenu en enfer.
    Quelles sont les limites de ce que la société peut vous imposer? D’affirmer qu’il fait beau alors qu’il pleut? De faire votre service militaire? D’avoir telle ou telle religion? De porter une étoile jaune? Quelles sont les limites du pouvoir coercitif fondamental? De ce que les autres peuvent vous imposer sans votre consentement? Sur quoi vous baserez vous? Vus ne puvez le faire qu’en partant d’un point de vue extrinsèque à la société (par exemple en pensant au bien être des individus qui la composent, sinon sur quoi?), et ceci pour des questions de de pure logique et de probité intellectuelle. Donc non il n’y a pas de sophisme. Il faut juste aller voir plus en profondeur pourquoi il ne peut pas faire autrement (et jamais personne de cohérent n’a fait autrement car ce serait soit une tautologie, soit un sophisme, soit un paralogisme). D’ailleurs Nozick n affirme rien. Il compose juste avec les problèmes, comme nous tous… et cette théorie du travail lui semble bien mysterieuse à lui aussi.
    Du reste, en ajoutant la société, on n’a rien gagné du tout. n repose juste le problème à un niveau plus vaste. En vertu de quoi la société distribuerait elle les droits de cette manière là et pas autrement? Et pourquoi celle-ci et pas la société voisine qui a eu moins de chance et s’est developpé sur un caillou sans intérêt? Bref… ca ne resout rien. Il suffit de refrmuler en remplaçant « individu » par « société ou peuple ou bande de malfaiteurs », et le résultat revient au même.

  15. Avatar de Moi
    Moi

    @antoine :

    « Du reste, en ajoutant la société, on n’a rien gagné du tout. n repose juste le problème à un niveau plus vaste. En vertu de quoi la société distribuerait elle les droits de cette manière là et pas autrement?  »

    Vous renversez les choses.
    On n’a pas ajouté la société, on a décrit la réalité. La société distribue les droits, c’est un fait.
    Discuter de la justification morale de cette distribution en ajoutant l’individu, c’est de la politique, pas de la science. Certains y gagner sans doute sur le plan politique, mais on y perd sur le plan scientifique (qui cherche juste à décrire le comment, pas le pourquoi).

    « Il suffit de refrmuler en remplaçant “individu” par “société ou peuple ou bande de malfaiteurs”, et le résultat revient au même. »

    Le résultat ne revient pas du tout au même. On a déplacé le champs du débat de la réalité vers la morale. On ne parle alors plus de ce qui est, mais de ce qui doit être. Et parler de ce qui doit être évite de voir la réalité, ce qui en soi sert déjà certains intérêts. (dévoiler la réalité a des conséquences politiques aussi, je l’admets)

  16. Avatar de Jean-Baptiste

    @Grimdor

    Mon but était de séparer les choses de façon conceptuelle même si dans la réalité elles sont évidemment mélangées. On peut avoir dans l’ordre (pas de valeur mais de conceptualisation), gestion, fabrication, création ce qui tient de l’esprit au dessus évidemment et la part de sensible que cela représente mais là encore c’est encore plus difficile à comprendre et à faire comprendre surtout que l’esprit est difficile à comprendre en dehors de la notion de dieu mais qui reste pour beaucoup quelque chose de complètement abstrait et réductif mais en effet le problème le plus souvent est un problème de référence ou de « thermomètre ». Ce que je voulais exprimer par mon exemple sur la Joconde est plutôt de l’ordre de l’esprit, et sur les couleurs de l’ordre de la référence. Si on n’a pas soi même la référence on considère que cela n’existe même pas (et donc n’a pas de valeur) ou plus justement la majorité tente de le nier pour ne pas être dévalorisé eux même. Hélàs pour se construire soi même un référentiel il faut beaucoup apprendre et comprendre ce qui n’est évidemment pas donné à tout le monde et pas obligatoire heureusement, mais l’inverse non plus c’est à dire que parce que pour une immense majorité cela est incompréhensible et insensible que ce ne doit pas être fait. Aujourd’hui par exemple on rabâche que le travail doit être productif (en terme d’argent puisqu’en fait matériellement il est plutôt destructeur de ressources car la majorité des choses fabriquées ne sont pas pereines ni créatives) et que donc la « valeur » de la fabrication et de la reproduction est la plus importante. On ne parle que du multiplicateur soit le plus grand nombre de personne mais jamais du coefficient qui reste évidemment l’élément le plus important. Chacun tente donc de vendre n’importe quoi au plus grand nombre et plus on arrive à cela, « meilleur » c’est soit disant pour la société. Personnellement je trouve stupide d’appliquer ce qui est plus ou moins valable pour la nourriture aux autres domaines et devient dans nos sociétés le plus souvent un abrutissement de masse. Je ne parle pas en plus de l’obligation à consommer pour avoir une place dans la société pour pouvoir se reproduire etc…(et n’avoir donné à sa vie que le sens que la masse veut ou impose qu’on lui donne) qui reste la base du fonctionnement des hommes. Cela n’est pas forcément critiquable sauf si c’est la seule voie socialement possible.

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