Les Éditions è®e m’ont fait l’honneur de me demander une postface à une édition de morceaux choisis du Manuel du spéculateur à la Bourse de Pierre-Joseph Proudhon (4e édition de 1857), ce que j’ai accepté bien volontiers. Pour savoir ce que vous en pensez, et en tenir compte, je vous ferai partager ma progression.
Voici un extrait de la préface, rédigée par Proudhon lui-même :
Une conviction s’est formée dans le silence universel, sorte de profession de foi tacite, qui a remplacé pour les masses les anciens programmes politiques et sociaux :
« Que de toutes les sources de la fortune, le travail est la plus précaire et la plus pauvre ;
« Qu’au-dessus du travail, il y a, d’abord le faisceau des forces productrices, fonds commun de l’exploitation nationale, dont le gouvernement est le dispensateur suprême ;
« Qu’ensuite vient la Spéculation, entendant par ce mot l’ensemble des moyens, non prévus par la loi ou insaisissables à la justice, de surprendre le bien d’autrui ;
« Que du reste, l’économie des sociétés n’est, d’après les définitions des auteurs en crédit, qu’un état d’anarchie industrielle et de guerre sociale, où les instruments de production servent d’armes de combat ; où chaque propriété, privilège, monopole, tient lieu de place forte ; où le droit et le devoir sont indéterminés de leur nature, la justice exceptionnelle, le bien et le mal confondus, la vérité relative, toute garantie illusoire ; où les licences de la pratique, les contradictions de la théorie, le vague de la législation, l’arbitraire de l’autorité, viennent sans cesse déconcerter la raison et donner l’entorse à la morale ; où chacun enfin combattant contre tous, soumis aux chances de la guerre, n’est tenu de respecter que la loi de la guerre. »
Aussi, tandis que la Sagesse constituée accuse le jeu, que la Scène le châtie, que la Bourse elle-même, ravie de se voir si bien chaperonnée, le dénonce : l’improbité règne dans les mœurs, la piraterie dans les affaires. Sous l’apparence de transactions régulières et libres, de réalisations facultatives, d’exercice légitime de la propriété, sévissent, sans nul empêchement, le charlatanisme, la corruption, l’infidélité, le chantage, l’escroquerie, la concussion, le vol.
Interrogez le premier venu : il vous dira qu’aucun gain, obtenu par les concessions de l’État, les combinaisons de la commandite, les négociations de la Bourse, les entreprises de commerce, le bail à cheptel ou à loyer, n’est pur de corruption, de violence, ou de fraude ; qu’il ne se fait pas aujourd’hui de fortunes sans reproche, et que sur cent individus enrichis, pris au hasard, il n’y en a pas quatre de foncièrement honnêtes.
38 réponses à “Manuel du spéculateur à la Bourse de Pierre-Joseph Proudhon”
@Marquis
C’est vrai que je ne crois pas à la création de richesse ex nihilo, ni à aucune création ex nihilo d’ailleurs dans le monde tel qu’on le décrit ! ça peut pas. Du coup j’ai pas compris votre exemple.
Après …Jsais pas ; moi je trouve qu’on surfait beaucoup les talents , les qualités etc , on nous les facture trop cher, ça vaut pas grand chose, y’en a plein, au moins pour ce qu’il y a à faire. je pense qu’il y a de nombreuses personnes qui seraient meilleures que les meilleurs en place , jpermuterais bien tout. Et les fonctions électives ou non, zou par tirage au sort.
La Liberté pour les imbéciles est la possibilité de faire ce que l’on veut voire n’importe quoi. Pour moi la liberté était de pouvoir faire « bien » les choses, de façon morale honnête et dans l’intérêt de tous ce qui n’est plus possible au détriment de ce mensonge pour ignare. Ce mot comme le mot de Travail qui lui aussi est dévoyé au sens d’occupation sociale rémunérée et non pas d’obtention de résultat. En changeant en cinquante ans le sens même des mots on fait croire au plus grand nombre que l’on parle de la même Liberté que celle de 1789 ou du droit au travail lui aussi inscrit par exemple dans la constitution en France. Il n’en reste en fait rien que des gens souffrant d’incurie et préférant croire plutôt que de savoir. C’est sûr que si on n’a jamais lu Rousseau, Voltaire, Diderot et tant d’autres ou même au moins avoir entendu leurs idées, et cela que pour cette période les autres ayant autant d’intérêt, on ne sait rien et on croit, on croit au plus simple, ce que le voisin que vous aimez bien vous dit ou la télé. On croit mais surtout plus en Dieu car on croit savoir qu’il n’existe pas. La pari de Pascal perd son sens premier dans notre monde mais pas sa contraposée qui elle prend aujourd’hui un sens. En effet l’intérêt n’est plus de croire en Dieu mais la majorité a bien intérêt à prier pour que Dieu n’existe pas sinon le risque devient soudain immense…
Bonjour,
Julien Alexandre nous dit :
« Par responsabilité, j’entendais responsabilité “morale”. Si en tant qu’actionnaire minoritaire, vous n’avez pas la possibilité d’intervenir sur la ligne de gestion, vous avez la possibilité de vous désengager d’une entreprise dont la gestion ne répond pas à vos principes “moraux”. Bien sûr, vous avez aussi la possibilité de considérer que bien que désapprouvant la gestion, le placement est rentable, et qu’après tout, c’est bien là l’essentiel. »
Je suis un actionnaire minoritaire de ma société, je n’ai pas la possibilité d’intervenir sur sa gestion, mais par contre j’ai la possibilité de me désengager de cette société qui ne répond pas à mes principes moraux. Mais j’en connais qui bien que désapprouvant la gestion, considèrent le placement rentable et y restent…dans cette société (j’ai les noms !).
PS : ma société c’est la SFC, la Société Française de Consommation.
Marquis de Laplace dit le 22 juillet 2009 à 23:33
résultats qui pourraient être débattu ad vitam aeternam et qui au final restera soumis à l’appréciation vraisemblablement différente de chacun.
Ah c’est plus clair. Donc si je comprends bien vous dites que l’on peut débattre à l’infini sur votre exemple dont les termes sont de savoir s’il vaut mieux accorder sa confiance à une personne expérimentée ayant fait ses preuves par le passé ou à une autre (fonctionnaire) sans talent.
Êtes vous bien certains qu’il est nécessaire de débattre sur une question aussi orientée dans les termes de son énoncé ?
Je me demande s’il faut classer Serge Demoulin sous la catégorie « participant » ou « troll ».
Parce que quand même, sa dernière citation va un peu trop loin pour moi, sans oublier le lien lorsque l’on clique sur son nom.
D’après wikipedia: Charles F. Haanel est connu pour son livre The Master Key System (1912) qui couvre tout ce que vous devez savoir pour devenir riche et en bonne santé.
Ouahou…ça donne envie de le lire dis-donc.
S’il est légitime de ne pas partager les convictions de Serge Demoulin (ce qui est mon cas), il ne me semble pas nécessaire de déconsidérer ses propos ou remettre en question sa participation ici sur la base du délit d’opinion. Je trouve au contraire stimulant d’avoir « sous la main » un représentant du courant « volontariste » en la personne de Mr Demouin, et un représentant du courant « déterministe » en la personne du Marquis de Laplace.
A ce propos, je remet cette question restée en suspend :
Sur les X entreprises qui composent votre portefeuille d’actionnaire aujourd’hui, pour combien d’entre elles (en chiffre absolu ou en %) pensez-vous être en mesure d’estimer les principes de gestion sous un angle autre que celui de la rentabilité? Quels sont les principes importants pour vous autre que la rentabilité qui , s’ils n’étaient pas respectés, vous conduirez inéluctablement à reconsidérer votre investissement?
L’asymétrie d’information entre actionnaire et gestionnaire, si elle existe ne confirme-t-elle pas au moins en partie la substance du raisonnement de Proudhon?
@Serge Dumoulin
“Certaines personnes semblent attirer le succès, le pouvoir, la fortune, l’accomplissement presque sans effort, d’autres y parviennent avec grande difficulté ; et d’autres encore échouent complètement à réaliser leurs ambitions, désirs et idéaux… »
Comment ça » presque sans effort » ???! Je croyais que les gagneurs étaient des méritants. Vous me voyez extrêmement déçue, vraiment.
« Bien qu’il [Proudhon] soutienne maintenant la propriété de la terre (incluant le droit à l’héritage), il croit encore que la « propriété » devrait être distribuée plus égalitairement et limitée en taille afin qu’elle soit utilisée réellement par les individus, les familles et les associations de travailleurs. » Source wikipedia Prouhdon
Il faut voir l’accession à la propriété comme une étape pour s’affranchir de la tutelle de l’Etat garant des inégalités. Cette accession n’est pas un but mais plutôt une arme pour sa défense contre l’Etat et l’oligarchie.
La distribution des titres de propriété sur la marché de l’occasion, appelé aussi marché boursier, est inégalitaire. La monnaie constitue l’instrument efficace et nécessaire à cette distribution inégalitaire.
Au lieu de mobiliser l’esprit sur l’amélioration d’un système dont ses principes frauduleux éclatent au grand jour, n’est-il pas mieux de construire un instrument qui permettrait une distribution égalitaire de la propriété? Mais peut-être que vos intérêts sont de préserver les inégalités?
Lorsque Nicolas Sarkozy dénonce l’égalitarisme, il ne fait que résoudre la contradiction entre la propriété et l’égalité. Pour que la propriété s’épanouisse sans entrave, il est nécessaire d’abolir le principe républicains d’égalité. Ainsi, il n’aura de cesse d’étendre la propriété en utilisant l’outil juridique tout en conservant les instruments de l’inégalité comme la monnaie. Hadopi est un parfait exemple de la titrisation des connaissances.
Si vous ne prenez pas garde à ces avertissements, il se peut, par paresse et confort, que l’on se retrouve locataire de son propre corps condamné à payer un loyer de par sa naissance. Le gène est une notion que les prédateurs de la propriété n’hésiteront à asservir à leurs intérêts particuliers.
Mes propos manquent, sûrement et cruellement, d’expertise. Néanmoins, je vous en conjure mettez votre intelligence au service de Liberté, Egalité, Fraternité.