Quand vous rouvrez vos livres – qui furent longtemps dans des cartons – vous retrouvez tout ce que vous y avez glissé, et dans ce cas-ci des photos, des photos d’amis.
Les amis vous jouent parfois de mauvais tours, comme celui-ci : d’être morts. Quand j’étais à Paris il y a quelques semaines, je remontais le long de la Seine, en route du quai d’Orsay vers la Bastille, et je me suis dit, pensant à d’anciennes conversations dans les parages : « Il faudrait que je prenne un verre, un de ces jours, avec Georges… » et puis aussitôt après : « Zut ! »
Je n’ai pas mis de date de naissance, ni de décès (je n’étais pas là, j’étais en Amérique, et personne ne m’a rien dit) parce que je ne les connais pas, mais si vous les connaissez, dites-les moi, je les ajouterai.
Je me souviens très bien du jour où ces photos furent prises, vers 1995 : c’est le jour où Georges m’a dit : « Tu ne comprends pas Paul : nous sommes des dissidents ! » Oui, Georges, tout s’explique : des dissidents.
28 réponses à “Georges Miedzianagora (1930 – 2003)”
« On ne doit jamais penser à la distance qui nous sépare de la vertu » ( Confucius )
C’est l’abus d’alcool qui est dangereux, faites donc simplement attention de ne pas abuser et vous verrez double : http://www.wat.tv/video/zz-top-grange-live-j0pk_fsnb_.html
Bonjour,
Il est pratiquement certain que j’ai croisé plusieurs fois Georges Miedzianagora aux abords des jardins de l’Abbaye du Bois de la Cambre à Bruxelles. Ce devait être entre 2000 et 2005. Une tenue vestimentaire vraiment singulière. Je suis évidemment surpris de croiser sa photo sur votre blog.
Tout s’explique, autour de ces mêmes années, Miedzianagora avait publié un court « traité » dont l’objectif était de réhabiliter l’explication des phénomènes physiques par une forme renouvelée d’atomisme démocritéen strict ( action par contact, etc.), l’ouvrage précisait qu’un physicien relativement renommé avait traduit les hypothèses de Miedzianagora dans un instrument mathématique et que « ça fonctionnait » . J’ai bien aimé ces quelques feuillets réexpérimentant les possibilités d’un espace de modélisation délaissé. C’était comme l’ouverture d’un bal d’un genre nouveau dans lequel les théories scientifiques s’avanceraient, non pas pour conquérir la première place, mais pour charmer, chacune différement, sous leurs plus beaux atours.
Aussi, j’aurais dû laisser l’opuscule poursuivre sa vie à partir d’une table de la Mort Subite, bistrot où je l’avais lu en une heure. Mais non, j’ai voulu le ranger dans « ma bibliothèque « ; plus tard, pour faire de la place, il est allé dans une caisse et la caisse est passée du grenier à la cave, mais laquelle ? Dans une société de décroissance réglée, les livres publiés seront-ils moins nombreux et toujours accompagnés de leur pragmatique de rangement et de transmission…
à Jean-Luce,
Un jour, les livres, quant ils ne seront plus édités dans le but de faire du PIB et du profit, disparaîtront et seront remplacés, non pas par des écrans, mais par la vie réelle.
A la manière de Debord qui, dans une de ses lettres, que j’ai la paresse de rechercher, disait que sans les circonstances malheureuses de son époque, il se serait contenté d’écrire des cartes postales, je crois que l’écriture d’un livre est une sublimation, ou une fuite dont il ne faut cesser de faire l’éloge (Marlowe serait-il en train de lire Laborit ?)
Ce peut être, probablement, une contribution à la théorie critique de l’époque, mais à la manière d’une goutte d’eau dans l’océan.
PS, à quoi renvoie le lien qui apparaît en cliquant sur JLM ?
marlowe@orange.fr
POuvez-vous développer et expliquer cette phrase ?
« Notons encore que cette critique des fondements de la physique quantique s’appuyait sur l’idée que la pensée protestante qui avait colonisé – selon lui – l’ensemble du monde scientifique des sciences « dures » avait chassé « le corps » ou si l’on préfère l’évidence de la réalité concrète au profit d’une radicalité intellectuelle, comme miroir de l’Esprit. »
J’ai bien connu Georges Miedzanagora (GM) depuis l’université. Il était remarquablement intelligent, et disant cela je ne lâche pas cela comme un compliment adressé à un défunt, car Georges est mort il y a déjà près de quatre ans. J’ai assisté à son enterrement et cela m’a attristé parce que cette cérémonie était une vraie injure à toute une vie. Philosophiquement, il était depuis toujours un athée pur et dur, mais le milieu familial juif, non pas religieux mais de tradition, de cette tradition qui se manifeste souvent sur le dos des morts, a procédé selon la coutume : cimetière juif, rabbin pour les rites mortuaires et surtout, honte absolu, on a laissé à cet ignare le soin de retracer son parcours, ce qu’il a fait avec emphase, sottise et omission de l’essentiel. Or, GM, sa vie durant, a été un « mécréant » militant. Pendant longtemps, il a tenté de créer au sein de l’ULB (université libre de Bruxelles) un centre « d’athéologie », c’est le terme qu’il employait et dont il m’a souvent décliné non seulement la fonction heuristique mais pédagogique qu’il voulait lui donner. Il le faisait en réaction devant la (re)montée du religieux qu’il attribuait, comme moi, à l’affaissement du politique, des idées de progrès, bref aux recul des « Lumières ». Anarchiste dans l’âme, il soutenait beaucoup de mouvements – se trompant rarement de cible – mais refusant avec constance toute affiliation. Signalons aussi qu’il fut le meneur le plus en vue du « mai 68 » à l’ULB. Ce qui mit fin à sa carrière universitaire. Curieux paradoxe, car il fut le seul des soixante-huitards de l’université à ne pas faire son trou académique grâce à ces événements. C’était un homme très érudit, doux, affable et doté … d’un mauvais caractère.
Son intelligence aiguisée lui permettait de s’initier à des matières bien éloignées de ses compétences initiales (le droit et la philosophie). Il a ainsi peiné deux, trois ans pour pénétrer les arcanes de la physique quantique (accompagné de l’outil mathématique) car l’« irréalité » du quantisme comme il l’appelait choquait son sentiment d’une cohérence nécessaire pour que le déterminisme « fasse encore sens » comme il disait. Il alors écrit « les dieux postmodernes » (aux éditions Complexe, si j’ai bonne mémoire). Mathématiques à l’appui, il prétendait, grâce à une expérience dont il détaillait à sa façon les procédures, démontrer l’inanité du parcours d’une particule dont on ne peut connaître à la fois la localisation et la vitesse. Bref, il a voulu apprendre aux physiciens théoriciens leur métier se brouillant avec son vieil ami F. Englert (prix Franqui de physique). Notons encore que cette critique des fondements de la physique quantique s’appuyait sur l’idée que la pensée protestante qui avait colonisé – selon lui – l’ensemble du monde scientifique des sciences « dures » avait chassé « le corps » ou si l’on préfère l’évidence de la réalité concrète au profit d’une radicalité intellectuelle, comme miroir de l’Esprit.
Il a aussi mené un combat « pour la mémoire » en menant, entre autres, une étude fouillée sur le malheureux Grynspan, cet étudiant juif allemand qui attenta à la vie d’un secrétaire d’ambassade allemand à Paris en 1938, attentat qui fut présenté comme la justification de la « nuit de cristal » (le premier pogrome officiel de l’Allemagne nazie). A la fin de ses jours, il travaillait sur un thème qui lui était cher : montrer que Socrate n’était pas un personnage historique mais le prototype du philosophe qui parle de tout n’importe comment (voir Aristophane), un peu comme le Tartuffe de Molière désigne « le dévot » (c’est lui qui faisait cette comparaison). Il m’a fait lire une ébauche (une cinquantaine de pages) dont je ne sais ce qu’elles sont devenues).
Je suis heureux que Paul Jorion s’en souvienne, ressuscitant un cher et vieil ami.
Quel fidèle portrait ! Merci
En réponse à « A ».
Je ne retrouve mon exemplaire dédicacé par GM de son « les dieux postmodernes ». L’ai-je prêté ? Dès mon prochain passage à la bibliothèque royale, je relirai le passage sur l’emprise de l’esprit protestant sur les sciences naturelles.
Je ne vous oublie pas.
Amicalement.
faux mon cousin a eu l’enterrement qu’il souhitait athée oui mais né et mort juif
@ Nedat béatrice,
Un ami barbu ?
Pour « A », second couriel. La réponse à votre question c’est pour la semaine prochaine. Patience.
Amicalement, J. Grynpas
@ Paul Jorion
« Tu ne comprends pas Paul : nous sommes des dissidents ! »
Petite ritournelle de ceux qui cherche l’angle mort :
L'ANGLE MORT – Zone Libre VS Casey Hamé/La Rumeur- LE CLIPenvoyé par elmadj. – Clip, interview et concert.
georges mon cousin germain est né le 17 juin 1930 et dcd le 26 novembre 2003
Merci !
Merci Paul de me donner l’information que je cherchais à propos de Georges Miedzanagora
dont le livre « Les Dieux post-modernes » m’ a mis sur la piste de la cohérence fondamentale
du réel.
Je ne peux en dire plus pour l’instant, mais j’espère revenir bientôt sur votre blog avec plus de lumière pour expliquer la cohérence fondamentale en toute transparence conformément au deuxième titre du livre précité.
Bien à vous,
Marc
Sujet : Georges Miedzianagora.
Bonjour,
En faisant des recherches sur Georges, je suis tombé sur votre blog, que je compte référencer, si vous êtes d’accord, dans une page de mon site où je parle de lui pour développer une idée qu’il m’a donné autrefois. J’y ai mis une photo que nous avons fait à cette époque. J’ai été très heureux de trouver ce blog car Georges était un personnage extraordinaire.
Gilbert. http://users.skynet.be/sky80245/cafphilo/socrate.htm
A Paul Jorion,
Je vous remercie de votre ‘Memorial’ pour Georges Miedzianagora … Bien que j’apprenne
avec lui son départ. Je ne l’ai certainement pas connu autant que vous, mais il nous avait
marqué ma soeur et moi depuis que nous l’avions rencontré au Café Coste des Halles en 80.
Je pensais justement à lui pour le poste de Président d’une prochaine mission de recherche
sur le cerveau qui necessitait ses compétences humaines et scientifiques.
Auriez-vous des informations sur la théorie sur la Lumiere(matiere) qu’il avait soutenue?
A son cousin,
Votre famille a très bien fait … Il avait une judeïté profonde et marquée, vous pouvez lire son
livre poignant sur la Shoha. Il nous en avait remis et dedicace fierement un des premier tirage.
Zihrono Livraha …
Merci et a bientot – Laurent J. Murat
Bonjour. J’ai été une amie très proche de Georges, et je suis très heureuse de trouver ce blog qui parle de lui. Il y aurait beaucoup a dire sur Georges, et retracer les étapes importantes de sa vie serait une bonne chose a faire. j’ai presque tous ses ouvrages mais moi aussi , de caisses en caisses, je les recherche et ne les trouve pas tous. Entr’autres de très jolis ouvrages illustres oar SergeMeurant. Des photos magnifiques. Que je pourrais poster ici.Merci a Paul Jorion d’avoir pris cette initiative et j’espère que de nombreux a qui Georges manque cruellement pourront alimenter ainsi une page sur lui. Une expérience est en cours sur le boson de Higgs. Aux dernières nouvelles , toujours pas de trace de ce boson qui faisait beaucoup rire Georges. Voyons.
Dans son livre « les dieux post-modernes » manifeste pour la transparence de la science indique qu’il a bien compris ce que sont les fondements de la réalité. Il appelle ces fondements « infra-photons ». Après maturation du message de son livre, je découvre depuis peu que les « infra-photons » sont exactement les gravitons que les physiciens recherchent aujourd’hui pour sortir du blocage de la physique.
Ou là, là, là… la classe… coupe de cheveux et lunettes de soleil…
Comme on ne parle pas beaucoup de Georges ailleurs sur la toile, ce petit billet que je lui ai consacré en 2009 est devenu un peu un sympathique lieu de pèlerinage.
Une photo retrouvée aujourd’hui de Georges et moi. 1971 : 24 ans plus tôt que celles qu’on voit ci-dessus. La scène se passe dans le grenier qui me sert alors d’apart’ à l’avenue Latérale à Saint-Job (Stef Liberski m’y succédera).
Pour me voir moi ou pour agrandir, cliquer sur la photo.
Mon billet le plus lu sur mon blog en anglais est un pastiche de critique littéraire, consacré à une nouvelle de Woody Allen intitulée « Death Knocks ». Magie de l’internet, cette plaisanterie a conduit des étudiants américains montant cette nouvelle en pièce à engager un long dialogue avec moi.
Reprenant un procédé de Borges visant à créer ce que Barthes appelait un « effet de réel », j’ai renvoyé en note à une véritable discussion que Georges et moi avions eue à propos de « La question juive » (1843) de Karl Marx.
Quel plaisir de retrouver Georges ici. Je l’ai un peu connu, l’homme à la langue si bien pendue, et ininterrompable! Nous avions des amis communs et une amie commune. Je suis très étonné de ne rien voir de lui dans Wikipédia (juste une note de bas de page dans l’article Shoah)!
Il y avait toute la bande de philosophes contestataires de l’ULB qui avaient créé des groupes de réflexion…
Je voulais savoir s’il avait été (formellement) viré de l’ULB, et si oui, pourquoi.
Anyway, il serait bon de commencer par rédiger un article dans wikipedia! Une sorte de pierre tombale virtuelle et vivante.
Un colloque sur sa vie / son œuvre protéiformes ne serait pas inutile aujourd’hui. Au moins, on se ferait (très grand) plaisir.
Alexandre
Bonjour,
J’aimerais retrouver traces du « cours Elisée Reclus » organisé par ce cher Georges à l’ULB.
Je vous en serais très reconnaissant.
Vive la Sociale!
Jean-Marie Neyts
fondateur du cercle « Bête et Méchant »
Bonjour,
J’aimerais retrouver trace du « cours Elisée Reclus » organisé par ce cher Georges à l’ULB.
Je vous en serais très reconnaissant.
Vive la Sociale!
Jean-Marie Neyts
fondateur du cercle « Bête et Méchant »
Lui avez-vous volé sa barbe … à Georges ?
Je me demande sur le coup, si cette barbe ne « fonctionne » pas un peu comme un « baromètre » (en liaison avec les variations du temps qu’il fait ou de l’opinion publique). Ces derniers temps, elle a même pris de jolies couleurs… mais pas encore sépia ou poivrée, comme celle de… Georges.
Amicalement.
Salut Georges, tu vis toujours dans mes souvenirs les plus chers. Tu es enterre tout pres de la tombe de mes parents, providence ou hasard tu dois certainement le savor deja! Que Dieu benisse ton ame. Ton eleve et ton ami pour toujours, Henri