Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Comme je termine la rédaction de mon livre sur « L’argent », j’explore l’histoire de la pensée économique à la recherche des origines des deux thèses qui s’opposent sur la possibilité ou non pour les banques commerciales de « créer de la monnaie ex-nihilo ». La question a plusieurs aspects secondaires comme on s’en souvient, l’un d’eux étant de savoir s’il vaut mieux considérer que la « monnaie bancaire », constituée de reconnaissances de dette, constitue à proprement de la « monnaie » où s’il s’agit d’un produit sui generis. Je rappelle que je défends la seconde position sur la base du fait que les reconnaissances de dette étant soumises à un risque de non-remboursement valent toujours moins que leur valeur nominale, et tout particulièrement en période de crise, comme aujourd’hui.
Les trois volumes de l’Histoire de l’analyse économique de Joseph A, Schumpeter, publiée en 1954 et traduite en français chez Gallimard en 1983, offre de nombreux éléments de réponse, sinon tous ceux que l’on pourrait souhaiter.
Sur le fait d’assimiler ou non numéraire et reconnaissances de dette comme autant de types de « monnaie », Schumpeter note ceci :
En premier lieu, la loi ne met pas sur le même plan les différents types de moyens de paiement. Elle stipule que la monnaie à cours légal ne peut pas être refusée, ce qu’elle ne fait pas pour une lettre de change acceptée et endossée. Pour un esprit à tournure juridique, les deux choses ne peuvent être en aucune façon « considérées comme identiques » puisque l’instrument de crédit est dans sa forme une créance payable en monnaie. Ensuite, dans le même ordre d’idées, la « monnaie » et les « titres de crédit » (là il faut encore faire une distinction entre les différentes formes de « titres de crédit ») ne peuvent dans la pratique être utilisés indifféremment en toutes circonstances. Ils ne peuvent pas se substituer parfaitement les uns aux autres : la monnaie à cours légal est un moyen universel de paiement, les billets de banque et les dépôts sont acceptés un peu moins largement ; la lettre de change acceptée et endossée peut seulement circuler dans un cercle relativement restreint d’hommes d’affaires. Et sur le plan historique, dans la plupart des cas, seule la monnaie à cours légal est reconnue comme étant l’ultime monnaie de réserve du système bancaire » (Tome II : 454-455).
Le climat général au XVIIIe siècle, note Schumpeter à plusieurs reprises, était de distinguer soigneusement ces différents moyens de paiement. Le fait de les assimiler tous sous le nom unique de « monnaie » est une innovation dans la pensée économique datant du début du XIXe siècle, proposée par Henry Thornton (1760-1815). Schumpeter la caractérise ainsi : « Et c’est pourquoi Thornton a accompli une œuvre analytique remarquable en envisageant la possibilité de considérer les différents moyens de paiements, à un certain niveau d’abstraction, comme étant semblables dans leur essence » (ibid.).
Sur l’idée que les banques commerciales « créent de la monnaie ex nihilo », Schumpeter explique sa genèse de la manière suivante. Après avoir décrit le mécanisme des réserves fractionnaires qui permet aux banques de prêter la plus grande partie de l’argent déposé sur les comptes à vue de ses clients, il explique que ce mécanisme permet à la monnaie de circuler du coup à une certaine vitesse, mais il constate que cette vitesse n’affecte pas « l’habitude qu’ont les gens de détenir certaines sommes de ce qu’ils considèrent comme argent comptant, comme argent liquide » (ibid.), et il ajoute :
Aussi peut-il paraître plus naturel de dire que les banquiers augmentent non pas la vitesse mais la quantité de la monnaie – ou des moyens de paiement qui, en de certaines limites, font aussi bien office de monnaie, si l’on souhaite réserver ce terme pour les pièces de monnaie, ou pour les pièces plus le papier d’État » (Tome I : 445).
Ce que dit Schumpeter dans ce passage est parfaitement clair : il suggère qu’il serait « plus naturel » – ce sont ses propres termes – d’évoquer la vitesse de circulation de la monnaie comme une augmentation de sa quantité. Il clarifie ce qu’il veut dire quelques lignes plus bas, quand il ajoute que
… les emprunteurs ont véritablement le sentiment de disposer de moyens liquides qui sont, normalement, tout aussi bons que la monnaie. On ne dit plus que les banques « prêtent leurs dépôts » ou l’« argent des autres », mais qu’elles « créent » des dépôts ou des billets de banque ; elles paraissent fabriquer la monnaie plutôt qu’en augmenter la vitesse… (ibid.)
On relèvera plusieurs choses dans ce passage. Tout d’abord que Schumpeter dit de ces moyens de paiement que sont les reconnaissances de dette qu’ils sont « … normalement aussi bons que la monnaie ». C’est précisément parce que leur valeur s’écarte de celle de l’argent – et tout particulièrement en période « anormale » – que je propose, à l’instar des auteurs anciens de les distinguer soigneusement.
Notons aussi que dans le morceau de phrase « les emprunteurs ont véritablement le sentiment », Schumpeter cesse de parler du mécanisme réel pour s’intéresser à sa représentation subjective par les acteurs, cette dernière devant, selon lui, primer. Ceci rappelle le passage d’un livre de Maurice Allais que je citais dans Le monde enchanté de Maurice Allais où il est fait grand cas par l’auteur du fait que, et le déposant et l’emprunteur qui s’est vu prêter l’argent qui se trouvait sur le compte à vue du déposant, « considèrent » que le même argent leur appartient.
Notons enfin que Schumpeter dit bien que la notion de « création monétaire » est introduite pour refléter le sentiment psychologique des acteurs impliqués plutôt que pour décrire de manière objective le processus réellement à l’œuvre : les banques « … paraissent fabriquer la monnaie plutôt qu’en augmenter la vitesse ». Le mot « paraisse » lève toute équivoque : la notion de « création monétaire » est donc une simple métaphore introduite pour mieux exprimer le sentiment des déposants et des emprunteurs que le concept de « vitesse de circulation », qui lui constitue la véritable description du processus actif.
Un peu plus loin dans le même Tome 1 de l’Histoire de la pensée économique, Schumpeter introduit la proposition qui devait faire florès que « ce ne sont pas les dépôts qui créent les crédits mais les crédits qui créent les dépôts » (Tome I : 446). Sa démonstration ici est à ce point surprenante qu’elle mérite un développement séparé qui fera l’objet d’un prochain billet.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
194 réponses à “Schumpeter et la « création monétaire » par les banques commerciales”
@Paul Jorion
Merci d’enfoncer le clou , plus ca va plus j’ai l’impression de comprends le principe de la » création monétaire »
Je me pose une question : Que se passe t’il lorsqu’un épagnant investis l’argent de son compte courrant en bourse
La banque peut elle encore faire circuler cet argent? (je pense que non mais j’ai un doute) D’ailleur j’ai l’impression que ca fragilise la valeur monétaire de l’épargne pour le déposant comme pour la banque.(car l’argent déposé sur un compte a vue a une valeur ajoutée pour la banque qui prête non?)
D’un autre coté la banque peut agir avec les actions comme avec l’argent d’un compte a vue !?Et faire circuler…entre les différents actionnaires tout en investissant le capital?
En fait « ce ne sont pas les dépôts qui créent les crédits mais les crédits qui créent les dépôts ».
Pour moi se sont les depot qui permettent du un premier temps de créer les crédits. Ensuite les crédit se transforme en nouveaus dépots. Le vendeurs remet en banque l’argent que la banque a preté a l’acheteur. Chaque nouveau cédit correspond a une augmentation des depots. C’est comme cela qu’il vaut mieux voir les choses, car c’est comme cela que cela se passe dans les chambres de compensations. Le crédit est d’un coté et le depot de l’autre. Mais le dépot, lui peut être utiliser a tout momment soit pour acheter de nouveaux, soit pour faire de nouveaux crédits.
En tout cas, apprés 2 années de réfléxion vous finissez par y arriver Mrs Jorion. C’est quand même le minimum lorsque l’ont décide de parler d’argent (car sans argent il n’y aurait pas de crédit, mais une fois qu’il y a du crédit il y a de plus en plus d’argent). Comparer l’augmentation des masses monnaitaire avant les années 80 et depuis les années 1995. Vous devriez trouver un bon piont de réflexion.
Faire un // entre monnaie et stock.
Et pourtant, les stocks, plus ils tournent vite moins il y en a.
Tout de même, ici enquêtés par Paul, les propos prudents de Shumpeter, les contours et linéaments de la pensée de ce dernier sur ce sujet précis de la création monétaire, ne diminuent aucunement le rôle de monnaie (eh oui!) bien dit ici:
« les emprunteurs ont véritablement le sentiment de disposer de moyens liquides qui sont, normalement, tout aussi bons que la monnaie »
On le voit bien, comme dans la présente crise financière, que ce « sentiment » ne se prive pas de faire l’association de « moyens liquides » il y a le mot: liquide) avec de la monnaie. Il se peut, et c’est même certain, que les ombres d’ hypothèques diverses (1) planent plus près au dessus de ces « moyens liquides ». Mais en attendant, au delà des numéros de trapèze qu’ils représentent souvent – leur impact est bien monétaire – avec les conséquences « bonnes » ou mauvaises qu’on voit s’étaler partout.
(1) les risques, etc, même que le transfert de ces risques a révélé qu’il n’avait aucune robustesse, puis tous les « véhicules » mis en branle pour diffuser la titrisation (MBS, ABS, CDO) et ceci, comme aux États-Unis, sans notification à l’emprunteur – pour ne pas perturber la relation commerciales -… Puis les dérivés de crédit CDS, LBO, etc
Mais tous ça! Comme on dit vulgairement: c’était bien pour ramasser de la monnaie? Non?
Y a-t-il vraiment une distinction fondamentale à faire entre la monnaie qui a cours légal, les billets de banque, les dépôts et les lettres de créance? Paul Jorion et Schumpeter pensent que oui, sur base du fait que le statut légal est différent: il y a un risque de défaut sur les 3 derniers. Mais n’y a-t-il pas un risque de défaut de la part de l’Etat également. L’état pourrait tout-à-fait, dans des circonstances exceptionnelles, créer une nouvelle monnaie et dévaluer ou carrément démonétariser (?) l’ancienne (cfr les propositions très récentes par William Buiter (du Financial Times!), Greg Mankiw de Harvard ou Charles Goodhart, des gens respectables éminemment respectables donc ;-), de créer une nouvelle monnaie, le « rallod » pour rendre les taux d’intérêts négatifs possibles http://gulzar05.blogspot.com/2009/06/negative-interest-rates-and-monetary.html.) C’est au moins possible sur le principe, et cela montre à mon sens que la monnaie qui a cours légal a aussi un risque de défaut. Donc la différence entre des pièces et une lettre de créance n’est « que » la contrepartie différente pour le risque de défaut. Et oui, il y a une différence de degré entre l’état et l’épicier du coin, mais ce n’est que de degré.
Pour une proposition pratique et intégrale de monnaie qui ne serait constituée que de IOU (I owe you), donc de créance, voir: http://ripple.sourceforge.net/faq.html. Qu’en pensez-vous? Je trouve le concept séduisant.
Je vous invite à visionner cette conférence de Francois Asselineau qui est Diplômé d’HEC, ancien élève de l’ENA et Inspecteur général des finances :
http://www.agoravox.tv/article.php3?id_article=23065
C’est indispensable pour comprendre pourquoi l’union européenne ne fonctionne pas et qui tire profit de ce chaos.
A voir également ce bref extrait concernant l’arnaque des USA quant à leur création monétaire et L’invention de la « mondialisation inévitable » par les Etats-Unis :
http://www.dailymotion.com/video/x3hv7n_paris-et-la-france-en-guerre-econom_sport
Cet homme est tout aussi brillant que Paul Jorion.
@rumbo,
« Puis les dérivés de crédit CDS, LBO, etc
Mais tous ça! Comme on dit vulgairement: c’était bien pour ramasser de la monnaie? Non? »
bien sur que oui. Le banques et entreprises ne fond que vendre des titres, des partie d’entreprises ou des partie de risque. mais en contre partie il récupérer le cash M1 dans le cas présent. Ensuite grace a se M1 récuperer, il créer de nouveaux crédits, qu’ils titrisent. Et tant que tout va bien la boucle continue, une fonction récursive, mais dés que cela coince. C’est tout la machinerie qui coince, en l’occurence la fonction récursive qui bloucle sur elle même fautes pouvoir continué a s’auto alimenter.
Merci à logique d’introduire la notion de récursivité dans l’analyse de la monnaie. Ca me semble pertinent. Qu’en pensez-vous, Paul?
bah
pourquoi compliquer ce qui est simple. Soit les prets sont affaires privés soit affaires publiques. Sommes nous dans un monde laîc oui ou non. La définition de la monnaie doit-elle rester dans le monde des idées ou s’appliquer dans le monde? Si les prets bancaires sont affaires privées alors la banque ayant failli doit être mise en faillite. Si les prets bancaires sont affaire publique alors les banques doivent être nationalisées puisque la monnaie est affaire publique.
La définition des mots. Apprendre une philosophie correspond à apprendre le vocabulaire
Parole parole parole et sens des mots.
certes cette réponse est tranchée mais est-il possible de faire autrement. En effet qui va juger de la probité des chefs si ceux-ci ne sentent pas responsables personnellement; autrement dit s’ils n’ont aucune parole propre.
Ou comment utiliser le neant pour faire des affaires.
questions :
si je réussissais à construire n’importe quoi, quelque chose qui ait de la valeur -à partir de rien, uniquement du fait de glaner, de récupérer, recycler… , sans emprunter, sans acheter, ni quoi …,
et que j’échange ce quelque chose contre de l’argent,
est-ce que quelque part, je ne participerais pas de créer de la monaie … ?
si au contraire, je m’obstinais de détruire pour détruire, n’importe quoi, mais quelque chose qui ait de la valeur, – cela en investissant, en empruntant, pour acheter de quoi détruire pour détruire de la valeur existante, qui pouvait s’échanger contre de l’argent
est-ce que je ne serais pas quelque part, la cause, d’une destruction de monnaie… ?
@Allfeel Quand on « investi » en bourse, il y a échange d’argent contre un titre entre acheteur ET vendeur. Donc l’argent est transféré au vendeur. NB Quand les cours de la bourse montent ou descendent, il n’y a aucune création ou destruction de richesse pour l’entreprise concernée qui ne touche pas un cent de plus ou moins. Seuls les actionnaires voient leurs « richesse » changer. Mais quand il y a émission de nouvelles actions ou obligations, l’argent est transféré à l’entreprise, en principe en vue de son développement et donc en principe en vue de réaliser des futurs profits.
@Cécile
Je doute qu’un « imprimeur invisible » créé la monnaie en même temps qu’une production, ou la détruise en même temps que la destruction d’un bien.
J’aurais même tendance à en tirer des conclusions opposés aux tiennes.
Si tu créé un bien alors qu’il n’y a pas de monnaie prévu pour ça, tu vas créer un manque là ou cet argent étais habituellement dépensé.
si l’on souhaite réserver ce terme pour les pièces de monnaie, ou pour les pièces plus le papier d’État
Je ne saisis pas bien la distinction que Schumpeter souhaite observer entre pièces de monnaie et billets « de banque », alors que nos pièces de monnaie ne sont qu’un simple alliage de cuivre et nickel…
@fujisan
Je ne suis pas d’accord sur ce point : lorsque l’action monte: l’entreprise voit sa capitalisation boursière augmenter
ce qui lui permet de récupérer éventuellement du cash de la vente d’une partie de ses actions il y a donc un gain potentiel pour l’entreprise. Les actionnaires n’ont plus l’argent investis, ils ont fait un pari sur la valeur de l’action ok
mais la banque n’a plus rien , elle a des titres en dépot et ces titres ne sont pas valorisables comme un capital
et perd en capacité de pret et donc de revenu. Maintenant si le vendeur réinvestit en bourse ce qui arrive assez souvent
ce capital peut sortir durablement du circuit économique disons de manière statistique, la spéculation fait sortir une masse monétaire qui ne finance plus les projets de l’économie réelle.Mais je me demandais ce qui pourrait empécher une banque via des dérivés (c’est plus discret) de ne pas acheter les sousjascents pour conserver le capital et garder un fond d’actions pour garantir une activité d’achat vente statistiquement probable, un peu comme pour la disponibilité des comptes a vue.
Il me semble que la création monétaire ex-nihilo émerge de la chrysalide de la monnaie accélérée, et que ce serait la raison de ces débats interminables…
L’argent est créé ex-nihilo, comme le prouve le jugement de l’affaire Credit River. Pour ne pas se l’avouer, on enregistre une dette à rembourser d’un montant identique. Plus les intérêts. Soit on agréé que les intérêts sont créé ex-nihilo, soit on les marque comme dettes à leur tour. Les dettes ne cessent donc de s’accumuler. La conséquence est que pour pérenniser la seule et même action de départ, il faut sans cesse augmenter le montant des remboursements-emprunts, mais comme c’est toujours pour la même action, cela donne l’impression que l’argent accélère son cours. La seule alternative est ou de prélever l’argent chez d’autre pour se rembourser, c’est-à-dire de les pousser à la faillite, ou d’avoir une croissance de l’économie réelle qui suive la courbe exponentielle de la dette.
L’épreuve de vérité sera quand les banques et les ménages feront faillite cou sur coup et que l’État, ultime régulateur de la monnaie, décidera si les dettes seront acquittés en laissant tout aux quelques qui n’ont pas verser (trop) dans ces combines, récompensant les vertueux, ou effaçant les échéances impayables, justifiant les créateurs ex-nihilo, ou au contraire, décidera d’emprunter encore plus à sont tour pour continuer le petit jeu de la création monétaire ex-nihilo et reporter le moment de trancher le nœud gordien à plus tard, mais étant lui-même en jeu.
Le fait que l’inflation ne soi pas visible partout s’explique aisément : la finance est une vaste arnaque pyramidale, et comme pour Madoff, soit on fait perdre à tous ses clients leurs avoirs, soit on essaie de retrouver dans la nature ce qu’il a dépensé. Ou alors, on on monte un socle encore plus large d’emprunts à la base de la pyramide qui s’effondre autrement, c’est-à-dire qu’on collecte encore plus pour payer les échéances des précédents…
On peut créer de l’argent pour honorer le crédit qu’on porte à des pierres précieuse, donner de l’argent contre une estimée découverte technique, contre la jouissance d’une terre, pour reconnaissance du seul lien social (comme la kula des trobriandais observée par Malinowski), pour tout ce qu’on considère comme étant de valeur. La monnaie en devient le symbole. C’est le symbolisé qui par sa réalité ses principes, donne la valeur exacte. Et un nihiliste peut créer de l’argent comme symbole de l’argent, il n’est plus alors qu’à le faire valoir dans la société en dissimulant la nature de la chose et en parasitant celui qui l’échange contre une valeur bien réelle, à l’image de la profession de foi nihiliste de Michel Foucaut dans Les Mots et Les Choses l’être des choses est illusion, voile qu’il faut déchirer pour retrouver la violence muette et invisible qui les dévore dans la nuit.
24/06
@Cécile 24 juin 2009 à 12:45
Bien vu cette façon d’essayer de cerner ce qui n’est que vue l’esprit, mais néanmoins indispensable de nos jours. Le fait de matérialiser le problème le rend plus palpable. Il y a des choses qui n’ont pas de valeur aujourd’hui mais qui en auront une très grande demain. Par exemple les derniers hectares de terres fertiles encore cultivables sur la planète. Ou bien, les derniers kilogrammes de métaux que les hommes pour fabriquer leurs outils, seront en mesure d’extraire par récupération dans les vestiges laissés par leurs ancêtres. Il est probable qu’alors on se sera débarrassé des monnaies.
Bonjour Paul,
On en revient à ce qui a créé la confusion sur le débat de la création monétaire ‘ex-nihilo’ ou non.
Les partisans de la « création monétaire par les banques commerciales » soutiennent que le montant inscrit au DAV=monnaie, les non-partisans soutiennent que montant inscrit au DAV=Dette de la banque (le créancier étant le titulaire du compte)
Un moyen de paiement est-il forcément de la monnaie (au sens « ayant cours légal ») ?
A qui appartient réellement le contenu d’un DAV ?
Quid de l’obligation de payer et de se faire payer en « monnaie scripturale » au dessus d’un certain montant ?
Je pense qu’on a un peu trop omis l’aspect légal de la monnaie dans notre débat, j’espère que vous y consacrerez au moins un paragraphe dans votre prochain ouvrage 🙂
N’est-on pas en train de confondre argent, monnaie et richesse?
@Allfeel En temps normal une entreprise ne possède pas d’actions propes. OK il y a les holding… Mais je parle d’une entreprise ‘normale’. Prenez le comme vous voulez, mais une action est et reste une marchandise comme une autre qui s’échange entre vendeur et acheteur contre de l’argent.
Mais les Etats-Unis ne vont -ils pas créer de la monnaie pour se débarrasser de leurs dettes ? N’est-ce pas prévu ? Quelle valeur cette monnaie là a-t-elle ? Nous payons son tribut au protecteur américain etCailleteau de chez Moody’s résume tout en posant la question suivante : où placeriez-vous votre argent en cas de crise grave ou en cas de guerre ? Hé oui la guerre… Cette monnaie est le lien qui nous attache à nos protecteurs, rien de plus.
@fUJISAN
Vu comme sont parfois utilisées les actions comme par exemple pour racheter une autre entreprise
ou a la place des dividendes ou en complément de salaire et vu que la monnaie est aussi sujette a la spéculation
on peut se demander ce qui distingue fondamentalement une action d’une monnaie et je ne serais pas surpris, qu’avec les progrès du payement par téléphone portable on puisse un jour payer sa baguette en actions eurotunnel.
Je trouve que la monnaie se comporte de plus en plus comme une action(ou un tracker de zone économique) tant les mouvements spéculatifs ont d’impact sur sa valeur surtout depuis qu’elle n’est plus indexée sur l’or.
( il me semble que les doits de votes sont déterminés au prorata des actions détenues, l’actionnaire principal d’une entreprise cotée peut décider de vendre une partie de ses actions pour récupérer du cash une simple déclaraion a l’amf suffit)
De plus L’universalité de la monnaie comme moyen de paiement est un peu chahutée a travers la défiance vis a vis du dollar.
@Paul Jorion
Bonsoir
Vous dites: « Je rappelle que je défends la seconde position sur la base du fait que les reconnaissances de dette étant soumises à un risque de non-remboursement valent toujours moins que leur valeur nominale, et tout particulièrement en période de crise, comme aujourd’hui. »
Quand vous parlez de reconnaissance de dette, je suppose que vous parlez de la monnaie scripturale surtout.
Il me semble que quelque chose ne colle pas. Une dette ou son contraire une créance correspond à quelque chose que l’on a prêté et dont on ne dispose plus or sur un compte courant l’argent reste toujours disponible sous forme de monnaie scripturale. Donc peut-on encore appeler cela une dette ? Je crois qu’il s’agit d’autre chose.
La banque a simplement comme obligation d’assurer la convertibilité de cette monnaie scripturale en monnaie fiduciaire si son client le lui demande contrairement à une vraie dette ou l’argent du créancier n’est plus utilisable et doit être remboursé à échéance.
Pour moi la monnaie scripturale n’est pas une dette de la banque sur son client comme je le croyais, c’est une quasi-monnaie temporaire de seconde zone (essentiellement issue du crédit réservée aux agents économiques non bancaires) qui doit à tout moment être convertible en monnaie centrale lors des compensations interbancaires ou en monnaie fiduciaire lors des retraits en espèce des clients.
Il découle de ceci que les banques qui accordent des crédits aux agents économiques non bancaires ont un pouvoir de création monétaire type M1 scripturale, c’est la raison pour laquelle les économistes parlent d’agrégat monétaire M1 qui augmente alors que la base monétaire reste constante ou presque sauf, c’est vrai, en période de crise ou les crédits n’étant plus remboursés , les banques sont contraintes tôt ou tard de convertir cette monnaie scripturale devenue permanente, en monnaie centrale lors des multiples compensations interbancaires.
Pour le reste tout ce qui est titres ou produits dérivés, à mon avis, ne peut être considéré comme de la monnaie puisqu’il faut un marché pour en établir le prix.
Amicalement.
@nadine,
C’est une bonne direction a suivre si vous aimez réfléchir. Oui, il faut prendre la mesure des agrégats ainsi que leur dispo dans le temps ainsi que les variations de cette disponibilités. Et surtout ne pas oublier que le crédit c’est du cash pour le vendeur. Au sens ou il est devenu disponible, si il reste sur un compte courant ou un compte a échéance courte.
@nadine: « Une dette ou son contraire une créance correspond à quelque chose que l’on a prêté et dont on ne dispose plus or sur un compte courant l’argent reste toujours disponible sous forme de monnaie scripturale. »
Dire que l’argent n’est disponible que sous forme de monnaie scripturale, cela revient à dire qu’il n’est disponible que sous forme de créance. Autrement dit, il n’est plus disponible, on l’a prêté (et la banque ne l’a pas non plus gardé dans son coffre-fort mais re-prêté ailleurs). Les banques jouent sur le fait que tout le monde ne viendra pas en même temps réclamer son argent, car il n’y en a pas pour tout le monde.
Lors d’une faillite bancaire, les gens se retrouvent uniquement avec une reconnaissance de dette qui ne peut être recouvrée et qu’ils ne peuvent pas utiliser comme moyen de paiement. On a perdu de vue cela parce que depuis des lustres il n’y a plus de faillites bancaires généralisées. L’une ou l’autre faillite fait jouer le fonds de garantie qui est comme une assurance sur la reconnaissance de dette que la banque a contracté auprès de vous, mais s’il y en a beaucoup même ce fonds ne suffira pas et vous vous retrouverez bredouille. En fait, même lorsque le fonds de garantie est suffisant, vous vous retrouvez bredouille pendant quelques mois, le temps que cette assurance vous rembourse (on l’a vu en Belgique avec la faillite de Kaupthing qui a laissé quelques épargnants sans plus un rond pendant trois mois, le temps que la banque soit reprise c’est-à-dire que quelqu’un reprenne ses dettes à sa charge).
« Lors d’une faillite bancaire, les gens se retrouvent uniquement avec une reconnaissance de dette qui ne peut être recouvrée et qu’ils ne peuvent pas utiliser comme moyen de paiement. »
« Il me semble que quelque chose ne colle pas. Une dette ou son contraire une créance correspond à quelque chose que l’on a prêté et dont on ne dispose plus or sur un compte courant l’argent reste toujours disponible sous forme de monnaie scripturale. Donc peut-on encore appeler cela une dette ? Je crois qu’il s’agit d’autre chose. »
On a pu montrer que la théorie des droits de propriété (fructus, asus, abusus) était indexée sur une conception métaphysique déterminée. Rien de bien étonnant si l’on y réfléchit.
Si j essaie de mettre en parallèle ces 2 informations, je constate:
1/ que même si « moi » a raison, l’argument de la solvabilité ne change rien au fait que DE JURE l’argent est également disponible pour le client et pour la banque. Et c’est le DE JURE qui pose problème.
2/ que pour en rendre compte, sur le plan juridique (et non pas économique), il n’y a pas 50 solutions:
– dire comme Nadine qu’il s’agit de quasi-monnaie (du coup sur le strict plan du droit on est beaucoup moins gêné… ouf le droit est sauf!)
– essayer de reprendre tout ça à zero en décomposant chaque activité/service en actions plus simples (c’est l’approche rationnelle choisie par Paul), et en espérant qu’in fine l’analyse permettra de rendre compte des propriétés obervées et par Nadine et par Moi.
Et j’ajoute que:
1/ L’approche de Paul est à la fois bizarre et intéressante en ce qu elle montre bien qu’il a (re)forgé ses instruments(concepts) pour décrire la réalité. Il a donc fallu qu’il s’affranchisse du langage préformaté des juristes, mais aussi des économistes et des comptables, voire même de celui des anthropologues (qui ont chacun leur logique propre, quoique ça devrait moins être le cas pour l’anthropologie). Sur le plan épistemologique, tout ceci montre bien qu’avant toute description entre en ligne de compte une précompréhension de la chose à décrire, mais cette précompréhension a elle-même son langage, révisé par la suite… il y a donc une espèce de « processus d’ajustement » (à quel moment l’esprit de PAUL « voit-il que cela est bon »? Est ce similaire au travail du peintre qui sait quand vient « la dernière touche?’).
Mais que se passe t-il quand, pour un problème dans lequel « théorie » et « pratique » sont indissolublement liés (c’est à dire un problème qui concerne le « domaine des choses humaines »), un aspect de la réalité « résiste » et apparait comme une « singularité » dont la langue ne peut pas rendre compte? Faut-il opérer un « ré-ajustement » (et comment sait-on qu’on ne « triche » pas?) Faut-il tout laisser tel quel et considérer que le problème vient de la réalité elle-même, en tant qu elle serait le produit d’erreurs ou plutôt d’incohérences partagées?
3/ Faut-il en déduire que les catégories du droit sont fondées sur une conception métaphysique qui n’est plus pertinente (en gros on s’appuie sur une vieille ontologie « fixiste » alors que ce qui conviendrait est une « ontologie matérialiste des flux » à la Deleuze ou Bergson). En même temps, si l’ancien droit qui s’appuie sur la distinction entre les personnes et les choses (ce qui ne va pas sans poser problème dès lors qu on aborde la question du salariat et de l’esclavage) est insuffisant à rendre compte de ces flux/échanges (morcellement du concept de droit de propriété… appliqué à la complexité des « produits » financiers… improprement qualifiés de « produits » « financiers », car ils ne sont pas une sous-catégorie de produits, des produits parmi dautres), qu’est ce qui nous garantit qu’une approche analytique à la Paul y parviendra? Bien sûr, si les différentes institutions/contrats/montages sont cohérents et rationnels on peut supposer qu’ils sont de facto anlysables (au sens chimique du terme de reductibles à des composants/interactions plus simples). Mais si ces pratiques se tiennent sur des plans de rationalité distincts, il n’est pas sûr qu’on ne se retrouve pas à un moment coincés, avec une « langue introuvable » pour décrire la réalité (typiquement une « interaction » dans la réalité qui ne serait décomposable qu’à condition d’adopter des distinctions simples par ailleurs malheureusement incapables de rendre compte d’une autre « interraction » réelle.
Je dois m angoisser pour rien… l’alcool, tout ça…
L’approche de Paul va déclencher une guerre ouverte, puisqu elle porte sur le terrain fondamental de la monnaie le travail de sape déjà mené par les communautariens sur le carcan/lit de Procuste que constituent les catégories du libéralisme. Il s’agit d’une guerre pour la maîtrise des instruments servant à décrire la réalité. Hobbes répond que dans ce cas il appartient au souverain de trancher (par le glaive). Ceci est inconcevable dans une démocratie libérale. Ce sera donc une guerre d’influence, à l’université et ailleurs.
Je me demande si on n’a pas tendance à un peu trop schématiser les choses, de comparaisons en comparaisons, par analogies, je crois qu’on en est un peu réduit à la situation d’un professeur de cours primaire à expliquer les bases du calculs pour des enfants de 6 ans avec des ensembles, des cercles, des flèches, des camions, des billes, etc….
J’ai parfois l’impression que c’est quand même un tout petit peu plus compliqué que cela et que franchement, le crédit accordé par les banques, franchement, on ne sait pas du tout mais pas du tout d’où provient cet argent, comment ils l’ont eu, est-ce qu’ils l’ont crée ou l’ont ils emprunté ailleurs moins cher, bref franchement, dur de savoir d’où vient l’argent emprunté , son origine et qu’elle est sa véritable nature.
Peut-être le nœud du problème, la clé de voute du système, et ce qui causera sa perte lors d’une perte de confiance définitive dans le système bancaire du crédit et des dettes.
C’est pourtant pas si compliqué que cela a comprendre. Les banques ont le droit de créer des ligne comptable. Lors d’une prét un chéque est remis au vendeur, qui le remet a la banque. D’un point de vue comptable l’acheteur est du cote crédit et le vendeur coté cash (en fait le cash est crediter sur le compte vendeur et le prét et débiter du compte banque vers le compte acheteur). Mais comme le compte banque c’est surtout la totalité des compte vendeurs, plus tu fait de crédit plus les comptes vendeur augmente et donne ainsi a la banque la possibilité de faire de nouveaux prét. En fait pour simplifier l’argent préter peut être du coup réutiliser pour un autre prét, si les vendeurs ont un compte dans la banque de l’acheteur. En fait tout est vraiment trés simple, d’ailleurs j’ais toujours du mal a comprendre pourquoi beaucoup des gens ne comprennent pas les choses simple, surment par manque de logique ou pas besoin de toujours tout compliqué.
M’enfin sur 6 milliard de terriens il n’y a que 2 milliard qui sait compter, 4 milliard qui savent lire. C’est clair que la moyenne terrienne et plutot basse, 6 ans c’est une bonne moyenne. C’est l’age ou ont entré au CP pour apprendre a lire et a compter. Mais c’est vrai que lorsque l’on n’as pas les bases tout parait difficille, alors que les choses sont plutot simple dans cette affaire de crédit et de monnaie. Il suffit d’y avoir réfléchi pendant quelques années.
Pour les novices, que l’économie interresse, je recommande sérieusement se petit livre, pas cher et plutot remarquablement bien fait » 39 lecons d’économie contemporaine de Phillippe Simonnot ». C’est plein de réference est l’auteur et un vrai pédagogue et de plus il maitrise sont sujet. Avis aux amateurs, une vrai source d’informations pour moins de 10 euros. A mon avis ont a encore fait mieux. Et c’est vraiment agréable a lire en plus.
@Moi
Vous dites: « Dire que l’argent n’est disponible que sous forme de monnaie scripturale, cela revient à dire qu’il n’est disponible que sous forme de créance. Autrement dit, il n’est plus disponible, on l’a prêté. »
On se sert de la monnaie scripturale à 90% pour faire ses achats donc il est disponible.
Le reste de votre raisonnement concerne les retraits en espèces, il s’agit de tout autre chose.