Les glaneurs

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Vous aurez noté le fossé qui va se creusant entre les commentaires lénifiants de la presse selon qui, si tout ne va pas bien, tout va en tout cas beaucoup mieux, et les commentaires de plus en plus apocalyptiques des blogueurs – dont je suis.

C’est que pour nous, blogueurs, notre crédibilité est en jeu. La pièce du « tout va bien » est essentiellement écrite en ce moment aux États–Unis mais il n’y a pas critique plus sévère pour un auteur que des spectateurs riant à contretemps. Mr. Geithner, Secrétaire au Trésor américain, l’a appris à ses dépens quand les étudiants de l’université de Pékin se sont esclaffés à sa remarque que l’achat par la Chine de Bons du Trésor américains avaient été un excellent placement.

La crédibilité est cruciale aussi pour les hommes politiques. S’ils entendent durer bien entendu. C’est à cela qu’a dû penser Mr. Sarkozy quand il a affirmé il y a quelques jours devant le Bureau International du Travail à Genève qu’il est « chimérique et irresponsable de croire que les peuples subiront sans rien dire les conséquences de la crise ». Il avait ajouté : « On ne règlera rien si on ne règle pas d’abord la question du capitalisme financier qui impose à l’économie et à la société son propre système et ses propres normes ». C’est vrai. « Il faut tout revoir : la surveillance prudentielle des banques, la réglementation des hedge funds, les règles comptables, les modes de rémunération », avait-il encore déclaré. C’est vrai aussi. « La crise nous rend de nouveau libre d’imaginer. C’est le moment d’aller le plus loin possible », avait-il conclu. Comment mieux dire ?

Les Etats-Unis, qui dirigent aujourd’hui la claque du « tout va mieux », s’enferrent dans l’erreur. Dans leur « A New Financial Foundation », l’article du Washington Post où ils présentent le plan de supervision des institutions financières de l’administration Obama, Mrs. Summers et Geithner préconisent diverses mesures : une surveillance renforcée, comprise comme davantage d’informations autorisant davantage de laisser-faire, une meilleure protection des consommateurs contre les organismes de crédit, sans rien prévoir pour qu’ils aient moins à s’endetter, l’accent mis désormais sur le risque systémique plutôt que sur celui que présentent les entreprises individuelles, alors que les chaires prestigieuses d’économie de leurs universités continueront de prêcher l’individualisme méthodologique qui nie l’existence d’effets économiques globaux distincts de la somme des comportements individuels.

Face aux États–Unis, la Chine pratique depuis vingt ans l’art martial du Tai-Chi, dont le principe fondamental est d’utiliser pour le défaire, la force de son adversaire : détourner d’une chiquenaude son élan pour l’envoyer s’écraser sur un mur. La tactique lui a bien réussi lorsqu’elle était encore seule, elle s’avérera plus rentable encore étendue ces jours-ci à l’échelle du BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine), dont elle est le leader incontesté.

Et l’Europe dans tout ça ? On entend bien quelques rares voix : celle de Mme Merkel et celle donc de Mr. Sarkozy : « Je veux dire à tous les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne que l’Europe doit être exemplaire parce c’est ainsi qu’elle sera la plus fidèle à ses valeurs et qu’elle aura une chance de les faire partager », a affirmé celui-ci lors de cette même réunion à Genève. « La France veillera à ce qu’aucun débat ne soit enterré, à ce qu’aucune question ne soit éludée ». Dont acte.

Il reste en effet un monde à sauver mais pas simplement celui de l’entrepreneur-héros contre le spéculateur-canaille, comme l’entend le président français : un monde fait des peuples tout entiers, avec l’accent mis, pourquoi pas – une fois n’est pas coutume, sur ceux qui doivent se contenter de ramasser les restes : sur les glaneurs.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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75 réponses à “Les glaneurs”

  1. Avatar de 2Casa
    2Casa

    @ M. Jorion

    Merci pour la précision, effectivement la différence est d’importance…

  2. Avatar de Quidam
    Quidam

    jducac dit : « C’est en effet un très grand glaneur ».

    J’ai bien peur que non, le glaneur se baisse pour ramasser, c’est un geste empreint d’humilité alors que celui que vous désignez ne fait que bomber le torse. Il parade fièrement dans sa tenue de caméléon et monte à la tribune nous asséner des leçons de morale tirées des abus et dérives du moment.

  3. Avatar de dtx
    dtx

    Comme à chaque fois dès que l’on parle de M Sarkozy c’est la foire d’empoigne!..
    Il est vrai que de la parole aux actes il y a un pas qui est difficile à franchir, certes…
    mais pouvons nous lui en faire vraiment grief?
    Même M Obama qui a pourtant bien plus de poids politique n’arrive pas à dire ou à faire quoi que ce soit…
    Ligoté qu’il est par la puissance de l’oligarchie financière qui a fagocité tout le système et miné nos pauvres démocraties…
    en attendant nous pouvons toujours douter de la sincérité ou mettre en avant l’ opportunisme de M Sarkozy mais en tout cas il y a des paroles que seuls disent certains leaders européens et d’autre pas.
    C’est juste un constat.

  4. Avatar de dtx
    dtx

    @Guylaine
    oui, quand cela est poussé à son paroxysme comme aujourd’hui.

  5. Avatar de Marquis de Laplace
    Marquis de Laplace

    Sarkozy parle comme s’il était un bloggeur sans pouvoir.
    Il répète pleins d’idée communes et/ou évidentes y ajoute un ton de vierge offensée, et voilà c’est tout. On dirait qu’il n’est pas président de la République, qu’il n’a aucun pouvoir, qu’il n’est qu’un simple spectateur.
    Rappelons-nous que Sarkozy était ministre de l’économie avant d’être président. Dans toutes les tâches qu’il fait c’est toujours la même chose: paroles vides, ZERO action. D’ailleurs c’est une évidence qu’il ne comprends strictement rien à l’économie ce qui explique ses propos sans cesse contradictoire sur le sujet.

    Ce qu’on aimerait crier à Sarkozy pendant qu’il parle: POURQUOI NE LE FAITES-VOUS PAS! Mais en fait tout le monde sait pourquoi: parce qu’il veut protéger ceux qui le financent et qui lui offriront des postes aux bonis mirobolants par la suite. Il vaut bien mieux, et c’est beaucoup plus facile, de mettre tout en oeuvre (jusqu’au ridicule) pour pourchasser des « criminels » qui volent 1 euro pour une chanson downloadée que de pourchasser d’autres (vrais) criminels qui se mettent entre 1 millions et 1 milliard dans leur poche mais qui ont des bons avocats et pour qui Sarkozy n’est qu’un petit pion qu’on manipule à souhait avec des carottes.

    Quant à Attali, laissez-moi rire. Il a été très effectivement et habillement « castré » par Sarkozy qui l’a mis en charge de sa commission de réforme bidon en échange de bons émoluments et d’un lift pour son ego. Personne ici n’est dupe.

  6. Avatar de dtx
    dtx

    La puissance de ceux qui voudraient que rien ne change (oligarchie financière) est encore bien trop importante pour contenter ceux qui voudraient que cela change d’où cette impression d’impuissance de certains politiques.
    L’interêt que le système financier actuel se brise afin de pouvoir esperer enfin un changement est à portée de mains et à en croire Paul c’est pour bientôt…
    Laissons faire ce rebond fictif des bourses, nous n’avons, à mon avis, encore rien vu de la future grande dégringolade…
    @+

  7. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Si dans le futur proche , les grains ou végétaux qui restent à glaner sont issus de l’agriculture OGM , on n’a pas fini d’être asservi.

  8. Avatar de philoxenos79
    philoxenos79

    Les hommes politiques pratiquent pour certains au plus haut point l’art de la rhétorique. Dans l’antiquité grecque la rhétorique était aussi un art de l’ésthétique, un beau discours était apprécié comme une belle sculpture.
    Monsieur Sarkozy est un artiste…
    Monsieur Jorion, puisque vous avez de nouveau internet, prenez un peu de temps pour rechercer les discours tenus par monsieur Sarkozy pendant la campagne présidentielle (les Français doivent s’endetter plus notamment pour devenir propriétaires), puis pendant les premiers mois de sa fonction (Président Bush, vous êtes un homme formidable!!!). Au printemps 2008 il a fait un discours remarqué lors de sa visite au Royaume Uni en célébrant le modèle britannique.
    Et les juristes spécialisés en droit des affaires (droit des sociétés, droit commercial, droit fiscal etc..) dont je suis ont pu constaté et constatent encore les coups de boutoirs quasi-quotidiens donnés à la règlementation qui encadrent encore un peu les activités économiques. Avez-vous entendu parler des projets concernant la dépénalisation du droit des affaires? Si vous le souhaitez je vous apporterai quelques précisions…histoire de sortir des blagues moyennement rigolotes ou haineuses sur monsieur Sarkozy. Tirons les fils de ses vêtements jusqu’à ce que la vérité apparaisse: le Roi est nu…

  9. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Plus fort que les « spéculateurs -canailles » , British Airways ,  » entrepreneur -héros « , vient d’inventer le travail gratuit .

    Y a même plus rien à glaner .

  10. Avatar de John Barleykorn
    John Barleykorn

    Je n’aime pas votre billet!
    Je suis comme 2Casa, je refuse d’etre et d’accepter d’etre un glaneur. Je veux une remuneration juste de mon travail un point c’est tout.

    Votre article est mauvais, je suis desole de vous le dire droit dans les yeux.

    Vous parlez du double son de cloche concernant la situation economique.
    C’est vrai que l’establishment americaine ment au monde mais il n’ont pas le choix. C’est vrai que certains bloguent sont les apotres de la catastrophe imminente. Il y a quand des gens entre ces deux clivages.Lisez ce-ci par exemple
    The U.S. economy will not recover until the end of this year, and even then growth will remain meek and vulnerable to higher interest rates and commodity prices, economist Nouriel Roubini said yesterday. Mr. Roubini, who rose to prominence for predicting the global credit crisis, tore down the « green shoots » theory that a rebound is imminent, saying there was a significant risk of a « double-dip » recession where the economy expands slightly only to begin contracting again. « In addition to green shoots there are also yellow weeds, » he told the Reuters Investment Outlook Summit in New York. He pointed to the growing divergence between business sentiment surveys, which have been improving in recent months, and industrial production, which is down sharply and receded another 1.1 per cent in May.

    Ensuite vous passez a cette nouvelle ecomonie ou il n’y aurait pas de honte a etre un glaneur. Votre article est trop long ou trop court et paert dans tous les sens ; desole de vous le faire observer.

    Merci

  11. Avatar de dtx
    dtx

    N’essayons pas de juger ce que M Sarkozy a pu dire ou faire dans le passé avant que cette crise n’explose, celle ci a brouillé tous les repères habituels…
    Nous ne pouvons nous en tenir qu’à ce qu’il dit en ce moment au sujet de cette crise et force est de constater que que ce qu’il dit va quand même dans le bon sens et n’est pas dit par beaucoup de monde…
    nous jugerons des actes par la suite …S’il y en a… c’est à mon avis juste ce qu’a voulu dire Paul

  12. Avatar de David
    David

    Comme quoi l’analyse ne conduit pas à la synthèse.
    Vous avez déja réussi du 1er coup à choper une mouche vous ?

  13. Avatar de Olivier

    Bonjour M Jorion, savez vous si cette video sur les milliards disparus des comptes de la fed est un hoax ou non? : http://www.youtube.com/watch?v=PXlxBeAvsB8&feature=player_embedded ?

  14. Avatar de Moi
    Moi

    @jducac: Après le « travailler plus pour gagner plus », voici le « rien de tel que faire les poubelles pour gravir l’échelle sociale »? Fallait oser, Sarko l’a fait. 🙂

    @John Barleykorn : « Ensuite vous passez a cette nouvelle ecomonie ou il n’y aurait pas de honte a etre un glaneur.  »

    Vous avez mal lu. La remise au goût du jour du glanage c’est plutôt jducac et Sarko. 🙂

    http://www.lexpress.fr/actualite/societe/qui-sont-les-glaneurs_736451.html

  15. Avatar de Guylaine
    Guylaine

    @dtx

    J’ai bien compris le billet de Paul Jorion » Il reste en effet un monde à sauver mais pas simplement celui de l’entrepreneur-héros contre le spéculateur-canaille, comme l’entend le président français : un monde fait des peuples tout entiers, avec l’accent mis, pourquoi pas – une fois n’est pas coutume, sur ceux qui doivent se contenter de ramasser les restes : sur les glaneurs »
    .c’était votre réponse qui me chagrinait….. .ne pas envier les riches et patati et patata……. nous n’en sommes plus là, je crois.

  16. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ John Barleykorn

    Vous vous méprenez sur le sens du mot « glaneurs » dans le billet.
    Paul ne dit pas que la nouvelle économie consiste à glaner ce qu’il reste. C’est même rigoureusement l’inverse qu’il souhaite.

    Ce que l’on glane c’est ce qu’on ramasse quand on a rien d’autre à se mettre sous la dent ou quand le travail que l’on a ne nourrit pas suffisamment son homme. Autrement dit, dans la situation actuelle, les « glaneurs » sont les gens, de plus en plus nombreux, qui ne recueillent que les miettes de l’activité économique globale. Bref, en disant que des gens sont amenés à « glaner » Paul dresse le constat des inégalités sociales générées pas un système économique inique.

    La nouvelle économie c’est tout autre chose. En lisant Paul je n’ai pas eu l’impression qu’il prône une économie de la survie, c’est même tout le contraire. Et c’est bien pour cela qu’il n’aime pas l’idée de décroissance. Paul, et nous tous ici, comme vous, voulons une économie authentique, avec une production de richesses réparties plus équitablement et de vrais salaires.

    Ceci dit, je ne vois pas en quoi il faudrait avoir honte de glaner lorsque, en temps de crise, ne reste plus que cette solution pour (sur)vivre.
    Et même; en temps « normal », c’est plutôt bien que soient glanés des épis de blé ou des pommes de terre (j’ai vu cela à la campagne dans le nord de la France, et cela se pratique encore il me semble) qui sinon seraient perdus.

  17. Avatar de John Barleykorn
    John Barleykorn

    @ pierre yves D.
    Avec votre precision j’y voit plus clair car cette derniere phrase a propos du « glaneur » venait comme un cheveu dans la soupe.

    Ceci dit je n’aime toujours pas ce texte car il place l’individu dans un role passif.

    En fait en ecrivant ces lignes je viens de realiser que ce que je deteste dans ce texte, c’est la veracite de la conclusion; le fait que nous n’ayons plus d’autre solution.

    Moi qui pensait que l’Homme avait toujours le choix qu’il pouvait toujours trouver une porte de sortie, imaginez la chute.

    Restons positif et partons a la peche.

    Merci

  18. Avatar de zoupic

    Bonjour à tous,

    Ca vient de sortir : Les 3 vagues scélérates : Chômage – Faillites – Crise terminale bons US, $ & £

    http://www.europe2020.org/spip.php?article607&lang=fr

    A lire absolument, s’il n’y en avait qu’un à lire, c’est ça!

    ça confirme aussi les glaneurs 😉

    Bien à vous

  19. Avatar de DTX
    DTX

    @Guylaine
    excusez moi mais je ne vois pas vraiment d’autres solutions que de passer par les entreprises pour arriver à ce que les glaneurs aient plus à glaner si vous avez d’autres solutions je suis à votre écoute…
    @+

  20. Avatar de Publicola
    Publicola

    Les Glaneurs, combien de divisions ?

  21. Avatar de EnPassant
    EnPassant

    Discours de notre PDG (depuis 6 mois) aujourd’hui et moins langue de bois que les précédents:

    – crise économique longue et dure
    – crise en W
    – au moins jusqu’à fin 2010 le chômage de mois en mois va exploser et croitre
    – Le dollar va tôt ou tard dévaluer

    voilà les autres nouvelles, pas forcément exécrables d’ailleurs, concernaient la boite
    cdlt

  22. Avatar de Olivier M.
    Olivier M.

    Avec les signes de reprises qui sont annoncés tous les jours en fanfare, on dirait qu’il est devenu presque déplacé et totalement décalé de parler de la crise et de nouveaux problèmes à venir.

    Et pourtant, qui sait ce qui nous attend :
    http://www.leap2020.eu/GEAB-N-36-est-disponible!-Crise-systemique-globale-Le-choc-cumule-des-trois-vagues-scelerates-de-l-ete-2009_a3341.html

  23. Avatar de emmanuel_CD
    emmanuel_CD

    A propos des glaneurs et des glaneuses… (ne pas oublier de revoir le film d’Agnès Varda)

    Dans l’ancien régime on avait interdit le glanage, cette tradition qui autorisait les pauvres à entrer dans les champs quelques jours après la moisson pour y ramasser ce qui n’avait pas été récolté, qu’on assimilait à un vol

    La Révolution a rétabli ce droit, qui était d’ailleurs bien réglementé

    En fait, les glaneuses ne volaient pas, elles avaient une autre fonction que les nobles propriétaires eurent tort de négliger – ce qui peut-être précipita leur chute (sait-on jamais, l’effet papillon)

    Elles ramassaient surtout les épis les plus lourds dont le poids faisait ployer les tiges que les faux couchaient et ne pouvaient couper

    Or ces épis portaient les meilleurs grains, les plus gros, elles les échangeaient contre de la farine

    Le champ était d’un côté exploité par une économie productive, d’un autre côté il était réensemencé par le glanage qui exploitait… les défauts de cette économie !

    Belle fable d’écologie humaine non ?

  24. Avatar de un peu de logique
    un peu de logique

    2Casa :

    « La valeur travail en ce qui me concerne dans une activité salariée c’est ma rémunération. Point.  »

    Frappé au coin du bon sens, mais qui évalue la valeur de la rémunération, dans le capitalisme ?

    Le capitaliste.
    Pourquoi ?
    Parce qu’il est propriétaire des moyens de production, le salarié n’ayant que sa force de travail.
    Si le propriétaire ne gagne pas ce qu’il compte, il cherche ailleurs ou ferme boutique.

  25. Avatar de 2Casa
    2Casa

    @ Un peu – un tout petit peu – de logique

    Prenez le temps relisez à tête reposée. 😉

  26. Avatar de Jean-Baptiste

    Pour ce qui est des riches la plupart aujourd’hui ne le doivent pas à leur propre travail cela n’était valable que pour la plupart juste après une guerre, déjà pas tous, mais pas trois ou quatre générations plus tard ! A la limite que peut t-on leur reprocher dans ce cas là ? Pourquoi ne nous expliqueraient t-ils pas que comme eux c’est mieux de ne pas travailler surtout que eux confondent facilement richesse et la valeur morale (un don divin peut être ?). La valeur morale du travail ne vaut t-elle pas que pour les pauvres qui y croiraient comme des dévôts volant leur voisin mais allant à la messe ! Et puis peut on parler de travail si tout ce que l’on fait pour travailler est polluant (voiture etc…) et ce que l’on gagne ne peut être dépensé qu’en nécessaire (mais emballé surtout) pour une faible part et superflu polluant encore une fois. On peut certes avoir un salaire mais on ne peut rien s’acheter d’intéressant et abordable donc il ne faut pas confondre travail et occupation frénétique stupide et polluante même si elle en a socialement le nom qui au point de vue moral a plus à voir avec la bêtise que la valeur. Le travail a eu plusieurs définitions dans le dictionnaire et la définition même a fortement varié si ce n’est depuis la dernière guerre (il faut aimer les livres et savoir plutôt que croire). Au départ le travail était l’action a effectuer en vue d’obtenir un résultat (positif). Le résultat était le sens du travail et non l’action qui elle n’était finalement qu’ anecdotique ! Mais aujourd’hui c’est principalement une occupation reconnue socialement et rémunérée. Alors peut être y avait il, il y a encore 60 ans, une valeur morale associée là où aujourd’hui il n’ y en aurait plus qu’un mot phonétiquement similaire mais plus du tout le sens. On peut dire aujourd’hui qu’un footballeur travaille là où il y a cinquante ans cela aurait été un non sens complet voire même incompréhensible (il faisait du sport c’est tout). Et cela pour plein d’ « occupations sociales » (je ne mets pas de jugement de valeur) aujourd’hui dénommées travail ! Donc si historiquement nos ancêtres voyait une valeur morale c’est bien dans le résultat positif (ancien sens) obtenu et pas dans le fait d’être rémunéré ou de s’occuper (nouveau seul sens) sachant qu’il n’y a hélàs pas de relation franche de cause à effet. Le même mot désignait historiquement un BUT là où aujourd’hui il n’en même plus que rarement le moyen !!!

  27. Avatar de Un Agro
    Un Agro

    L utilisation du terme glanage et les reactions qu il entraine me pousse a reagir.

    En effet, la supression progressive du glanage en particulier a la fin du 18eme siecle sous l impulsion
    du courant philosophique/economique des physiocrates ( voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Physiocrate par ailleurs une des premiere ecole de pensee economique en tant que telle)
    marque aussi une revolution agricole d importance permettant d augmenter les rendements de maniere considerable, et ainsi de « liberer des actifs », se traduisant dans les faits par un afflux de travailleurs non qualifies dans les villes.
    Capable de nourrir la revolution industrielle.
    En effet, la supression du glanage en tat que pratique agricole ( aussi appelle phenomene des enclosures, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_enclosures )
    Concernant principalement la possibilite auparavant interdite pour un agriculteur ou un proprietaire d enclore ses terres ( ce qui n etait pas du tout acquis a l origine!)
    afin de se liberer de la contrainte du collectif et de pouvoir mettre en place des pratiques agricoles innovantes pour l epoque comme des plantes sarclees ( sans rentrer dans les details agronomiques!) ou des engrais verts
    Le glanage etait en fait surtout celui des animaux autorises a paitre a peu pres n importe ou des lors que la recolte etait faite.
    Le glanage en tant que ramassage des restes par l homme est encors je crois autorise par la code rural.
    Ce mouvement de suppression du glanage avec enclosure des proprietes va de pair avec un fort mouvement d individualisme: Auparavant les communautes agricoles decidaient le plus souvent en commun l assolement ( rotation des cultures)
    et il n y avait pas de place laisse a l initiative personelle.

    Ce mouvement va aussi de pair avec un appauvrissement des classes les plus basses des societes rurales de l epoque, les sans terres vivant uniquement de leur force manuelle et de quelques animaux vivant de glanage.
    Il s accompagne aussi d une premiere mecanisation de l agriculture.

    Tout ceci forme en quelque sorte quelques uns des evennements de base de la revolution industrielle.
    On pourrait regretter la fin de telles pratiques mais il ne faut pas oublier que ces evolutions ont permis de liberer des hommes ( bien sur avec des ajustements sociaux douloureux)
    pour faire autre chose qu assurer leur subsistance directe: apparition d un secteur non agricole!

    On ne se rend pas assez compte de l influence de l agriculture sur les evolutions de nos societes et la mise en perspective que l on peut faire a ce sujet.

    On peut cependant noter que quand une civilisation detruit son environnement agricole et en particulier ses sols elle meurt:
    Civilisation de l ile de Paques, Mayas, empire romain probablement ( responsable d une degradation massive des sols des pays mediterraneen)…

    Si ces idees vous interessent je ne peux que vous conseiller la lecture de Histoire des agricultures du monde : Du néolithique à la crise contemporaine
    ( je n ai pas de lien avec les auteurs!)
    http://www.amazon.fr/Histoire-agricultures-monde-n%C3%A9olithique-contemporaine/dp/2020530619

    Qui mettent tres bien en perspectives par une approche d agroeconomiste les murs auquels notre civilisation fait face.

    Finalement la crise financiere et economique n est telle pas qu un phenomene accessoire au vu des challenges auquels notre civilisation fait face?

  28. Avatar de Paul Jorion

    « [La] sociologie économique [de Boisguilbert (1646-1714)], d’esprit presque marxiste, se fonde sur la distinction de deux classes sociales, les riches et les pauvres, dont il explique l’existence d’une façon qui allait devenir tout à fait courante durant le XVIIIe siècle. Par crime et violence [en fr.], les individus les plus forts s’emparent des moyens de production, puis décident de ne plus travailler ; de plus – idée très moderne que le lecteur ne manquera pas d’apprécier –, ces voleurs, devenus riches, tendent à accumuler de l’argent plutôt que des biens (l’argent thésaurisé, le « moloch du monde » !), contribuant par là à déprécier les richesses véritables et à perturber le courant de la vie économique. » (Joseph A. Schumpeter, Histoire de l’analyse économique, Tome I, 1983 [1954], Gallimard : 303).

  29. Avatar de clemence Daerdenne
    clemence Daerdenne

    @John Barleykorn
    @ tous

    Concernant le débat sur l’omnipresident français :
    – élections presidentielles mai 2007 : 53% pour l’omnicandidat UMP
    – élections europeennes juin 2009 : 27 % pour UMP => l’omnipresident vainqueur
    – élections europeennes jui 2009 : pres de 70 % d’ABSTENSION !!!!! en pleine crise majeure.
    Alors, raz le bol de mes concitoyens qui se plaignent et sont incapables d’aller mettre un bulletin dans une urne .
    Et que l’on ne m’opposent pas les arguments-tartes-à-la-creme éculés, rebattus, rancis, du genre : la politique n’est plus credible, les élus sont responsables, les citoyens sanctionnent l’Europe, les citoyens sont desabusés …

    MOI, J’EN AI RAZ LE BOL DES CITOYENS IRRESPONSABLES, DERESPONSABILISES ET PASSIFS !

    Je rêve qu’une femme ou un homme politique ose, sans langue de bois, renvoyer le citoyen-consummeriste à sa propre responsabilité.

  30. Avatar de PMB

    Jducac a connu le glanage et dit : « A cette époque on se saluait respectueusement entre riches et pauvres »

    Moi aussi. Les riches nous saluaient, certes. Mais respectueusement… faut l’dire vite. Extrait de mon deuxième livre :

    Les Châtelains. Ces gens dont il fallait appeler les enfants Mademoiselle ou Monsieur même s’ils n’avaient que l’âge de parader en landau bleu royal à grandes roues et filets dorés poussé par des nurses en blanc et de, comme tout jeune mortel ici-bas, emmerder leurs couches. Ces gens possédant notre vie, maîtres des terres qui nous exploitaient, terres qu’ils s’échangeaient au jeu l’hiver à Paris où ils tenaient hôtel particulier, n’occupant leurs châteaux de campagne qu’aux beaux jours pour y promener mollement falbalas, sloughis et jolis enfants enrubannés sous les frais ombrages de parcs aux bois exotiques et puissants. Nous ne les jalousions pas. Jalouser, c’est croire qu’on est privé d’un dû. Qu’aurions-nous exigé, gens de si peu tenus le nez hors la misère par ces bienfaiteurs donnant sans cesse et le faisant savoir : vitraux armoriés à l’église, pain aux pauvres à la sortie de leurs enterrements, et écoles bâties par nos pères qui, le bail l’ordonnait, devaient des journées gratuites à cela. Le mortier des murs était la sueur de ces ilotes, leurs cals aux mains et leurs reins brisés par les lourds moellons, qu’ils vieillissent pliés en deux, de ça et de tout. Ils avaient aussi charroyé les pierres dures des enceintes de Leurs parcs, paysages des nos impossibles rêves, plus volés que préservés par des kilomètres de hautes murailles, ces frontières qu’en fourmis aveugles ils avaient levées, ne les franchissant désormais que pour une nouvelle corvée.
    Peu alors auraient osé contester ces baux minés de conditions léonines. Oublions le métayage, cet engraissement proportionné au labeur du paysan, et voyons les sillons à labourer pour le maître, qu’il ait légumes à volonté. A qui timidement osa prier Madame sa baronne que l’arpent de terre nourrisse plutôt les siens, fut rétorqué d’un ton outré de dame patronnesse :
    – Mais enfin, mon pauvre Félix, avec quoi ferais-je mes charités ?
    Venu demander qu’au moins le loyer n’augmentât pas, tel père se vit reprocher le chocolat donné à sa progéniture – oh, une fois le temps, carré par carré millimétrés. Ce luxe gourmand était l’apanage de leurs goûters chics, quel scandale que les culs-terreux imitassent les sang-bleu, la Révolution allait revenir, n’en doutez pas !
    Certains tutoyaient leurs fermiers et vouvoyaient leurs chiens : voulez-vous descendre du canapé, Homer ? (Pas d’accent ni e oubliés pour ce king-charles à la babine hautaine venu de la meilleure gentry canine, non, sa maîtresse était une starlette américaine au pedigree incertain achetée en mariage afin de redonner du chic au vieux tableau). Celui-là, décorant mon parrain pour faits de guerre, l’accola d’un « tu » que même moi m’interdisais. Cet autre, inspectant ses fermes, restait à cheval au milieu des cours, et de haut chapitrait ses sujets tous alignés dans la crotte, de la benjamine à l’aîné bonnet baissé ou béret roulé par des mains soudain maladroites. Cette dernière, fort titrée, le boucher et sa bouchère prétendant nommer leur fille Marie-Hortense, fit savoir aux effrontés que ce prénom à soufflet était comme un bijou de famille et devait le rester : bonnes gens, bornez-vous à Josette, Huguette ou Ginette.
    Les plus arrogants étaient souvent de fraîche noblesse, révolutionnaire si on veut car acquise en solde aux Biens Nationaux une fois les aristos raccourcis, arrachée à la pointe de l’épée par des palefreniers d’Empire partageant les rapines de Napoléon, ou endossée par des chevaliers d’industrie rachetant tel titre à l’abandon, telle tour fendue mangée de lierre, telle pucelle de maigres dot et appas mais grands blason et particule. Les gueux enrichis ne valent rien, disait-on. Ces noblaillons-là, moins encore. Si nos révoltes étaient secrètes, il y avait parfois des explosions. Montrant la terre où il suait, Grand-père jeta un jour à Monsieur le Comte rubicond et furibond : « C’est pas toi qui as volé tout ça, c’est tes insectes ! » Paronymie avec ancêtres aussi involontaire que révélatrice du souverain mépris où ce fermier de père en fils tenait son parvenu de seigneur. Quelques hobereaux arboraient leur nom articulé comme Isadora Duncan son écharpe : le plus long possible. D’autres le retaillaient ; non qu’ils voulussent danser le menuet de la modestie, mais le début supprimé dudit nom, et de la lignée, venait du marais de la bien banale roture, si pas triviale. Le nôtre avait ainsi escamoté une homonymie fâcheusement légumière.
    Et le jour où mon oncle enfant, monté au Château recevoir en toute humilité rituelle ses étrennes dans l’anonymat des jeunes récipiendaires accourus des fermes alentour, toucha un sac de billes : le maître n’avait pas vu qu’il portait enfin pantalon, qu’il ne fréquentait plus l’école et travaillait aux champs. Le petit paysan attendit d’avoir vidé les lieux tête basse pour, furieux, jeter le pochon.
    Quand leurs descendants convolaient en glorieuses noces, c’était carnaval à la sortie de l’église, comme le jour où ledit nôtre maria son héritier : foule des vilains abrutis de splendeur et contenus par un garde-champêtre obséquieux loin d’un parterre d’invités en grand tralala, spécialement une coquette soutane violette porteuse de la bénédiction vaticane, et la savoureuse queue-de-pie gris souris du marié ondulant de biais comme sur un bas-relief égyptien. La veille, il avait convoqué ses anciens petits camarades de jeu des fermes alentour :
    – Maintenant que je me marie, vous direz Monsieur Philippe.
    – De qui de quaï ? On t’appellera Fifi, comme avant ! T’es ben comme nous, t’as qu’un cul pour t’asseoir !
    A l’église, bancs clos et surélevés au premier rang ou dans une chapelle latérale les préservaient de la populace. Splendide isolement, comme au cimetière de C… où l’enceinte carrée présente une excroissance protégeant du vulgaire quelques dalles à particule grisonnées par le temps.
    Ils régentaient tout, et donc les esprits. Du bon journal à la bonne école et au bon commerce, gare aux indociles. Leurs fermiers se montraient parfois aussi liberticides. Le forgeron ayant eu le toupet d’envoyer son fils à l’école du Diable (avec Vulcain pour saint patron, étonnez-vous), mon père illico lui annonça :
    – Tu mets ton gars à la laïque, dame, t’auras pus ma pratique !
    Les Inventaires, où les héritiers des Bleus et des Blancs s’étaient violemment affrontés peu d’années avant, infestaient toujours les cerveaux et les cœurs.
    Les plus lucides virent venir la fin de leur temps. Les plus futés surent prendre le train du changement – dont certains souffrirent, comme celui qui philosophait : il existe pour nous trois moyens de se ruiner, les femmes, les chevaux et l’agriculture, ce dernier étant le moins agréable et le plus rapide (les ayant tâtés tous, il parlait d’or).
    Pas les plus rigides. Au fermier venu mendier quelque obole pour le fils qu’il voulait envoyer au collège, son nobliau répondit du haut de ses guêtres :
    – Oh, Baptiste, à quoi bon l’école ? Ces petites mains-là, c’est tout ce qu’il faut pour arracher les ravenelles dans les choux !
    Sentaient-ils que les études pouvaient ouvrir des portes, débrouiller des esprits, transformer l’ancestrale résignation en fierté ou colère. Seuls les candidats au sacerdoce issus de familles honnêtes voyaient parfois flotter les cordons de leur bourse. Un placement, quoi.

    Il y en eut de pittoresques. Tel celui qui, montant souvent conter soubrette à la ville discrète, trouvait beau que son fiacre stoppe comme par magie devant cet accueillant café à l’enseigne en vers de mirliton : A Curette, On s’arrête. Disons plutôt que le cocher savait prévoir la pépie nobiliaire – et voir la fatigue des chevaux. Le bon Albert devenu des années après chauffeur en peau de bique d’une fumante torpédo, le miracle perdurait : l’automobile imitait le fiacre !
    Sa fin amusa moins. Assoiffé aussi d’amours agricoles, il voulut trinquer après l’âge de raison et, le sang trop chauffé par une accorte fermière, mourut sur un tas de fumier.

    Il y en eut de vraiment nobles, capables de bâtir des fermes belles, modernes et propres, laisser le train éventrer leurs propriétés de sa vapeur fuligineuse, ou se découvrir devant la plus humble domestique.
    Pas chez nous.

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