Billet invité.
EN AVANT COMME AVANT
Le Washington Post publiait hier lundi, sous le titre « Des nouvelles fondations pour la finance », un article signé de Thimothy Geithner et Lawrence Summers (Tim and Larry, ces deux compères du Trésor et de la Maison Blanche), en avant-première de l’annonce imminente par Barack Obama des mesures de régulation financière que les Etats-Unis devraient adopter.
Mauvaise habitude, j’ai commencé par la fin et découvert assez stupéfait le paragraphe suivant, qui m’a semblé à juste titre, car c’est la conclusion de l’article, éclairer l’ensemble : « En restaurant la confiance du public dans notre système financier, les réformes de l’administration vont permettre à celui-ci de jouer son plus important rôle : transformer les revenus et les économies des travailleurs afin d’en faire les prêts qui vont aider les familles à acheter des maisons et des voitures, les parents à envoyer leurs enfants au lycée et les entrepreneurs à construire leurs affaire. Il est temps d’agir. »
Je reviendrai sur ces réformes et sur les origines qui sont données à la crise elle-même, quand le dispositif sera exposé dans le détail et plus dans ses très grandes lignes. Mais la sorte de candeur avec laquelle il est expliqué que tout va redevenir comme avant pour les Américains, et qu’ils vont à nouveau pouvoir s’endetter pour vivre, est proprement ahurissante pour moi. D’abord parce que rien n’est moins certain, tout du moins avec la même ampleur qu’avant, ensuite parce que cela semble aller de soi, comme si aucune autre issue n’était envisageable. J’ai à de nombreuses reprises parlé d’une machine à fabriquer de la dette (et à en vivre), je n’espérais pas le rencontrer un jour revendiqué de manière aussi directe par ceux-là même qui sont aux commandes.
Une annonce parmi d’autres de cet article a aussi particulièrement intéressé mon attention, au milieu de l’énumération des 5 grandes têtes de chapitre des mesures qui vont être rendues publiques. Il est question d’établir un « mécanisme », encore imprécisé, permettant d’aider « dans des circonstances exceptionnelles » (…) « les entreprises financières dont la chute pourrait menacer la stabilité du système financier ».
Il est donc concevable, reconnaissent ainsi nos deux mousquetaires, que l’impressionnante batterie des dispositifs envisagés par ailleurs ne soit pas décisive et qu’elle puisse quand même faillir… Ce qui est tout de même preuve d’une certaine lucidité, comme s’ils connaissaient bien leur monde pour en être issus.
Une seule précision est pour l’instant apportée, qui mérite d’être évoquée puisqu’elle a – on en parle beaucoup ces temps-ci – toute l’apparence d’un Graal : « cela donnera l’assurance que le gouvernement ne sera plus obligé de choisir entre sauvetages et effondrement financier ». Après avoir passé des heures à inventorier les subtilités et les fourberies du PPIP (partenariat public-privé) du Trésor, qui est sur une voie de garage mais était sensé débarrasser les banques de leurs actifs toxiques, je m’attends au pire et vais annuler tous mes rendez-vous, comme un grand de ce monde.
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/06/14/AR2009061402443.html
24 réponses à “L’actualité de la crise : En avant comme avant, par François Leclerc”
Ben quoi, il suffit d’y croire. Depuis presque trois mois qu’on nous répète que la crise ne va pas tarder à être derrière nous, que c’est reparti comme en 14, il faut bien penser à l’avenir. Il y a bien encore quelques incohérences (par exemple, aujourd’hui WS finit en baisse bien qu’il y ait « une nette remontée des permis de construire et mises en chantier aux USA » d’après le Figaro, mais ça va s’arranger, MySpace ne licencie que le tiers de son personnel « pour être plus efficace et agile », Marionnaud « fait une cure d’amaigrissement », Thomson « est en sursis jusqu’au 24 juillet », Eon ne licencie que 10 000 personnes et Saab est repris par un constructeur de voitures de luxe, qui produit 20 exemplaires par an au prix minimum de 1 300 000 euros (c’est pour être sûr que votre voisin de pavillon n’a pas la même)
Vous êtes vraiment de mauvaise foi, François Leclerc, vous cherchez la petite bête…
Pas grave, on va bientôt travailler gratuitement.
http://www.lepost.fr/article/2009/06/16/1580650_bosser-gratuitement-chez-british-airways-c-est-du-vol.html
@+
http://www.alterinfo.net/L-empire-etasunien-est-en-faillite_a33410.html
http://www.thenation.com/blogs/dreyfuss/443907/talking_to_ahmadinejad
désolé, un peu hors sujet
cela étant, Dreyfuss exprime bien la force brute, la stabilité et donc l’inertie d’un pouvoir – ici celui d’Ahmadinejad – que l’on ne pourra probablement pas renverser et dont on ne peut contester l’idéologie sous-jacente parce que précisément, cette dernière le façonne.
c’est ici que l’on peut rentrer dans le sujet ‘système financier’, cet autre pouvoir si massif qu’il faut, pour s’y attaquer, en saper d’abord le puissant fondement idéologique :
« (…) transformer les revenus et les économies des travailleurs afin d’en faire les prêts qui vont aider les familles à acheter des maisons et des voitures, les parents à envoyer leurs enfants au lycée et les entrepreneurs à construire leurs affaire. »
twitter?? -)
http://www.alterinfo.net/Elections-en-Iran-Et-si-Ahmadinejad-avait-vraiment-gagne_a33412.html
ces deux articles publiés dans « alterinfo » ( voir liens plus haut ) sont excellents. L’article sur l’Iran et le traitement médiatique du résultats des élections contient des argument très valables. Etes-vous de cet avis ?
@ tous: On ne peut que recommander la lecture du lien cité par Lenz:
http://www.alterinfo.net/L-empire-etasunien-est-en-faillite_a33410.html
L’explication donnée sur les dépenses militaires US causes profondes du mal actuel semble solide… Y-a-t-il une faille dans le raisonnement? François a-t-il envie de commenter l’analyse de l’auteur? Merci.
Le dernier bulletin du LEAP nous captivera d’autant plus. L’annotation 6) prolonge la tragicomédie du péril jaune :
« La mésaventure arrivée au Secrétaire d’Etat au Trésor américain, Timothy Geithner lors de son récent discours aux étudiants en économie de l’université de Shanghai est à ce titre très instructive : le public de l’amphithéâtre a éclaté de rire lorsqu’il s’est mis à expliquer doctement que les Chinois avaient fait un bon choix en investissant leurs avoirs en Bons du Trésor et en Dollars US (source : Examiner/Reuters, 02/06/2009) ! Or il n’est rien de pire pour un pouvoir établi que de susciter l’ironie ou le ridicule car la puissance n’est rien sans le respect (de la part à l’ami autant que de l’adversaire), surtout quand celui qui se moque est censé être « piégé » par celui qui est moqué. Cet éclat de rire vaut, selon LEAP/E2020, de longues démonstrations pour indiquer que la Chine ne sent pas du tout « piégée » par le Dollar US et que les autorités chinoises savent désormais exactement à quoi s’en tenir sur l’évolution du billet vert et des T-Bonds. Cette scène aurait été impensable il y a seulement douze mois, peut-être même il y a seulement six mois, d’abord parce que les Chinois étaient encore dupes, ensuite parce qu’ils pensaient qu’il fallait continuer à faire croire qu’ils étaient toujours dupes. Visiblement, à la veille de l’été 2009, cette préoccupation a disparu : plus besoin de feindre désormais comme l’indique ce sondage de 23 économistes chinois publié le jour de l’arrivée de Timothy Geithner à Pékin qui jugent les actifs américains « risqués » (source : Xinhuanet, 31/05/2009). Les mois à venir vont résonner de cet éclat de rire estudiantin… »
http://www.leap2020.eu/GEAB-N-36-est-disponible!-Crise-systemique-globale-Le-choc-cumule-des-trois-vagues-scelerates-de-l-ete-2009_a3341.html
Arf ! point 9) => http://www.europe2020.org/spip.php?article607&lang=fr
Oui Francois « transformer les revenus et les economies des travailleurs afin d’en faire des prets… » hallucinant ! quel pauvre noir dessein!
Amities a tous
OUi créer des millions de postes de fonctionnaires et garantir des prèts sur les salaires.
Autant dire que l’état a l’intention de se substituer a l’économie réelle.
Ah oui tout en pronant la rigueur budgétaire!!
Ca ressemble au chant du cygne du capitalisme.
Une question : Qu’auraient ils pu faire de pire?
La guerre mais ils l’ont déja fait…
British airways demande à ses employés de travailler gratuitement…ben voyons..cela sent la faillite proche..
http://www.dailymail.co.uk/news/article-1193242/Struggling-BA-asks-40-000-staff-work-desperate-fight-survival.html
@Wladimir
>Vous êtes vraiment de mauvaise foi, François Leclerc, vous cherchez la petite bête…
La petite bete qui monte, qui monte…? 😉 Ou au contraire devrait-elle descendre, decroissance oblige?
@dissy
>British airways demande à ses employés de travailler gratuitement…ben voyons..cela sent la faillite proche..
Ca a un accent de desespoir en effet! Travailler pour rien… rien que ca!? A moins d’etre maso, ou qu’il s’agisse d’une mesure de depannage de courte duree qui assure la sortie de l’orniere, qui va suivre cette demande!? Risquer sa vie sur le chemin du travail alors qu’on pourrait rester chez soi… la solidarite a des limites, je le crains!
@F. Leclerc
En effet, ces declarations sont edifiantes! Ca me fait penser a la premiere phrase du bulletin #35 du GEAB (celui du 15 Mai 2009):
>The financial surrealism which has been chairing stock market trends, financial indicators and political commentaries
Ben le surrealisme n’a pas de limites, semble-t-il. Faut-il en rire ou en pleurer?
Hugues
Attention avec le site alterinfo, il est à l’Iran ce que Voice of America est aux USA. L’un et l’autre sont à prendre avec sens critique.
Ce qui est sidérant, c’est que British Airways n’offre même pas de participation en action de la société en échange du travail non-payé. Ca serait pourtant le minimum minimorum dans une société capitaliste « normale ».
Le plus logique ce serait le scénario suivant (de ce que je comprends du fonctionnement d’une société capitaliste):
– le manangement ne parvient pas à négocier une réduction de salaire et déclare la faillite
– les actionnaires perdent toutes leurs actions
– les créditeurs deviennent les nouveaux actionnaires
– moi je rajouterais que les salariés devraient également recevoir une bonne partie des nouvelles actions: ce sont eux qui prennent le plus de risque dans un scénario de relance.
Mais dans le système capitaliste tel qu’il est organisé en réalité, ça ne se passera pas comme ça, voyez General Motors et CitiGroup. L’état va subsidier les actionnaires, ce qui réduit à néant le seule raison un tant soit peu valable qui justifie la rémunération très favorable du capital: la prise de risque.
Je rejoins Paul Jorion sur la cause principale du problème: la concentration du pouvoir politico-(militaro?)-financier (pour terminer par une affirmation un peu trop vague et populiste).
@ Moi
>Attention avec le site alterinfo, il est à l’Iran ce que Voice of America est aux USA. L’un et l’autre sont à prendre avec >sens critique.
Tout a fait d’accord. Pendant un certain temps j’ai suivi regulierement les infos sur ce site, mais elles sont fortement orientees, ce qui leur nuit a la longue. Je n’y vais plus que de temps a autre.
Dans la même veine, un article basé sur la même source:
« Le rebond du Dow Jones suivra-t-il le schéma de la Grande Dépression de 29 ? » par Bill Bonner, Mercredi 17 Juin 2009.
Hello,
@tous
Quitte à parler de source, c’est à l’université de Peking (Pekin) que Geithner est passé pour une truffe. Le GEAB s’est planté en disant que c’est à Shanghai et tous le monde reprend.
C’est un peut-être un détail pour vous, mais (pour moi ça veut dire beaucoup) si c’est le cas pour toutes leurs infos…
http://www.reuters.com/article/usDollarRpt/idUSPEK14475620090601?pageNumber=1&virtualBrandChannel=0
faillite du plus grand casino de Las Vegas ! croupiers de tous les pays unissez-vous
mercredi 17 juin 2009 (16h37)
l’agence de notation Standard and Poors SNP vient de dégrader ce matin la notation de 21 banques américaines dont Wells Fargo de AAA à BBB. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? ils ont attendu que les bourses remontent, car ils ne pouvaient pas faire autrement. Les banques américaines étaient hier au bord du gouffre, aujourd’hui elles ont fait un grand pas en avant !!!!
http://www.lrb.co.uk/v31/n10/lanc01_.html
(lrb :: The London Review of Books)
It’s Finished, by John Lanchester
Un long article que je me permet de recommander.
PIB des Etats-Unis en 2008 : 14 264,6 milliards de dollars.
Déficit public pour l’année 2009 : 1 841 milliards de dollars, soit 12,9 % du PIB.
Dette publique des Etats-Unis au 15 juin 2009 : 11 400 723 732 452 dollars (soit 11 400 milliards, 723 millions, 732 452 dollars), soit 80 % du PIB.
http://www.treasurydirect.gov/NP/BPDLogin?application=np
Pour lire le montant de la dette totale (publique + privée) des Etats-Unis, il faut lire la page 15 :
http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1.pdf
Domestic nonfinancial sectors : 33 517,9 milliards de dollars.
Domestic financial sectors : 17 216,5 milliards de dollars.
Foreign : 1 858,3 milliards de dollars.
Dette totale (publique + privée) des Etats-Unis : 52 592,7 milliards de dollars, soit 368 % du PIB.
@tous: quand je dois 10 000 euos (ou dollars), j’ai un problème!
Quand je dois 10 000 000 euros, c’est ma banque qui a un problème!
Quand les USA doivent 52 592 700 000 000 dollars, c’est le reste du monde qui a un problème!
Ces sommes ne sont tout simplement pas récupérables!
jf
@ Lambert Francis
Merci pour cette lecture édifiante.
On parle beaucoup des USA, mais moins de la Grande Bretagne, pourtant en vue des cotes françaises par beau temps.
L’article de John Lanchester que vous citez ne mâche pas ses mots et donne une idée
pour le moins pessimiste de ce qui est en train d’arriver au Royaume Uni, même s’il juge presque souhaitable ce qui lui paraît tout à fait possible — la banqueroute de l’Etat –, seule façon pour lui de redonner leur vraie valeur aux choses après des années de dérégulation de privatisation et de désindustrialisation au profit de la finance.
Il fait une remarque intéressante : l’Etat ne souhaite nationaliser qu’en dernier recours, car dès lors qu’il prend la direction des banques, les contribuables tiennent l’Etat responsable de tous leurs déboires. Nonobstant, pour Lanchester, cela a un immense avantage : celui d’obliger le retour du politique dans l’économie. Ce qui implique l’abandon de l’idéologie gestionnaire qui a prévalu pendant des décennies. (J’ajouterais que ce constat est valable pour la totalité des pays du monde depuis qu’a déferlé la vague néo-libérale à partir des années 80.)
Il observe le terrible retournement de situation de l’économie britannique, laquelle il n’y a encore pas si longtemps — c’était presque hier — se gaussait de la dette française et de l’esprit manufacturier allemand, trop XIX ème siècle à son goût.
Il conclut son article sur ces mots, d’un humour très noir :
« Remember, that’s the optimistic version. If we’re lucky, it won’t be any worse than Thatcherism. »
Souvenez-vous, ceci est la version optimiste. Si nous avons de la chance, cela ne sera pas pire que du Tchatchérisme.
[…] (http://www.pauljorion.com/blog/?p=3377#comment-29199) […]