La monnaie : quand tout était simple…

En novembre 1949, à la London School of Economics, des spectateurs amusés assistèrent à une démonstration de la machine mise au point par Bill Phillips pour représenter le fonctionnement de la monnaie.

La machine reflétait les théories alors dominantes, et en particulier celle de Keynes. Le principe n’en était pas stupide puisqu’il intégrait en particulier de nombreuses rétroactions, autrement dit des mécanismes dont le fonctionnement est très difficile à se représenter a priori et qu’il vaut bien mieux simuler et observer.

Défaut immédiatement visible sur le schéma : ni capitalistes, ni entrepreneurs, ni salariés mais une catégorie unique : « income », revenus. C’était donc très mal parti et nous ne sommes donc pas autrement surpris d’apprendre que la machine de Phillips ne révolutionna pas la science économique.

Il existe encore deux exemplaires de la machine en état de marche, dont celui à l’Université de Cambridge que le Professeur Allan McRobie ressuscita et manipule pour nous en faire comprendre le fonctionnement : La machine de Phillips

Pour en savoir plus : un article de Steven Strogatz, sur le blog d’Olivia Judson au New York Times (merci à Malcolm Dean de me l’avoir signalé !).

Partager :

52 réponses à “La monnaie : quand tout était simple…”

  1. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    Pour moi qui adore les machines compliquées et rigolotes, façon Tinguely, c’est l’extase !

  2. Avatar de johannes finckh

    @paul:
    si je dois « me taper ça » en anglais, je capitule!
    en allemand, sivous voulez!
    en fait, je crois que je capitule dans tous les cas:
    pour moi, la monnaie est plus simple à comprendre, si simple que la plupart des économistes ne comprennent pas parce qu’ils cherchent midi à 14h
    jf

  3. Avatar de logique
    logique

    Cela ressemble plutot a une usine a gaz (jargon d’informatition).

  4. Avatar de lemar
    lemar

    Ca me rappelle la procédure à suivre pour passer une commande quand je travaillais au CEA..

  5. Avatar de fnur
    fnur

    Des machines j’en ai étudié et j’en ai conçu, en général celles que j’ai conçues, après avoir étudié les précédentes, étaient infiniment plus simples.

    Souvent les usines à gaz sont simplifiables après élagage, encore faut il évaluer les principes en oeuvre et supprimer l’inutile, l’à peu près aussi.

    Plus les machines sont d’apparence complexe, plus on y perd leur finalité.

  6. Avatar de Kibou
    Kibou

    Plus les machines sont d’apparence complexe, plus on y perd leur finalité.

    Simple suggestion : c’est peut-être là leur finalité…
    …un bidule incompréhensible pour le commun des mortels, si incompréhensible en apparence qu’on s’en détourne alors que, comme le suggère jf ci-dessus, il ne faut pas aller chercher trop loin.

    Merci en tout cas pour le lien et l’image.

  7. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour à tous.

    Et les Shadocks pompaient….., pompaient……, pompaient……,
    En pompant l’eau à l’arrière du bateau et en la rejetant à l’avant, ils espéraient repousser les limites de l’océan pour satisfaire à leur dogme sacré: » la croissance, la croissance, la croissance »…

    Il existe un troisième exemplaire fonctionnel de cette machine, à Bercy….

    Cordiales salutations.

  8. Avatar de debellocq
    debellocq

    pour moi , la monnaie c’est l’occupation du temps dans la communauté .

  9. Avatar de logique
    logique

    Bien sur que la finalité de la complexification a pour unique objectif de rendre le tout incompréhensible. C’est aussi un bon moyen de protéger le savoir, qu’il soit vrai ou faux, et de rende opaque se qui au depart était linpide.

  10. Avatar de Anne.J
    Anne.J

    A part celle de johannes finckh (à laquelle je n’adhère pas malgré son « martelage »), y a t’il eu sur ce blog, de la part de Paul Jorion, des propositions (pratiques) d’organisation du système bancaire et d’émission monétaire (monnaie banque centrale, et monnaie de dettes des banques commerciales)?

  11. Avatar de Sylvie
    Sylvie

    @ Anne.J

    actuellement, sur ce blog, des personnes travaillent sur un projet dans ce sens

    (voir à droite, la rubrique ECCE )

  12. Avatar de pablo75
    pablo75

    Le schéma de la machine de Bill Phillips me rappelle le cerveau de Rocard, vu hier soir commenter l’actualité politique et économique longuement (45′) sur TV5 (à minuit !). Pour la partie sur la crise, il a l’air de lire ce blog…

    http://www.tv5.org/TV5Site/internationales/emission-13-Internationales.htm?epi_id=492&x=15&y=7

  13. Avatar de ybabel
    ybabel

    Ce genre de machine permet de comprendre 2 choses :
    * les boucles de rétro-action forme ce qu’on nomme des équations non linéaires qui sont étudiées par la théorie du chaos. Sujet passionnant, et en l’occurrence, pour ceux qui connaissent un peu, l’idée serait d’identifier les variables de l’espace des phases. On en saurait alors plus sur ce qui se passe vraiment et sur les prochaines « fenêtres de stabilité » (a supposer que notre modélisation serait suffisamment correcte)
    * l’aspect psychologie (psychologie des masses) joue un rôle prépondérant (tiens c’est justement à coup sûr … une variable de l’espace des phases justement).

    Ce qui reviens à dire que l’anticipation économique c’est de la psychologie des masses.

    Ce qui à comme corolaire, paradoxalement, qu’on peut en savoir plus sur l’avenir de la crise en interrogeant ceux qui y comprennent le moins qu’en demandant aux experts ! lol
    Car ils sont le reflet le plus précis de « l’humeur des masses » en vertu même de leur ignorance.

    Il est clair qu’aujourd’hui, se sont déjà produits des changements dans la psyché collective. Il n’en faudrait pas beaucoup pour un basculement majeur qui verrait la fin du capitalisme. On sait déjà que la confiance dans les banques à beaucoup diminuée, que les abus des dirigeants et autres financiers deviennent trop criants et par la même, inacceptable face aux difficultés croissantes de la (sur)vie quotidienne. La méfiance s’est instaurée, les comportements sont modifiés :la fête est finie, on se prépare, au moins par précaution pour les plus optimistes. Et pour les victimes de la crise ils viennent grossir le flot de la colère qui monte ou bien de ceux qui déçu par les promesses fallacieuses du capitalisme se tournent définitivement vers d’autres « paradigmes ».

  14. Avatar de Mikael

    Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?

    Si ils ne comprennent pas, ils sont nos esclaves … nous les tiendrons, ainsi il ne pourront pas se rebeller comme l’ont fait les esclaves avant eux …

    C’est ainsi que ce systeme a toujours fonctionné. Par la force, une force violente du temps de l’esclavage du type de celui qu’on connu les Africains (ou bien avant eux des tas d’autres peuples depuis les temps les plus anciens)
    ou par une force perverse qui vous laisse croire que ce que l’on vous donne est bon pour vous, mais de l’autre coté, on finit toujours par vous reprendre plus qu’on ne vous a donné. Mais entre le moment ou l’on vous donne et le moment ou l’on vous prend, vous vous etes tellement fait lobotomisé le cerveau par des rêves que l’on vous créé de toutes pieces que vous n’avez rien vu de la maniere dont vous vous etes fait escroqué par une bande de mafieux qui se font passé passé pour des hommes qui veulent votre bien (comme a peu près tout tout les mafieux d’ailleurs )…

  15. Avatar de Mikael

    Les problèmes de ce systeme sont multiples.

    Le fait que chaque peuple est sa monnaie. Meme si il y a une devise dominante, la multitude des devises est inévitablement destructrices pour les uns ou pour les autres a un moment ou a un autre.

    Le probleme des banques qui prennent des interets et ainsi s’assurent une prospérité certaines alors meme qu’il n’est pas certains qu’il y est une seule personne compétente dans l’entreprise.

    Le problème des Etats qui prennent des Impots parcequ’il est si simple de s’enrichir en de cette maniere et d’entreprendre et de reussir sans posseder la moindre compétence dans un quelconque domaine.

    le probleme des interets et de l’impot est le meme probleme que celui du racket entrepris par les mafias.

    le probleme des dividendes, le probleme de la speculation sur les produits du sol.

    quand les marchés comprendront qu’il faut choisir entre un placement qui fournit un revenu et un placement qui fournit a terme une plus value alors peut etre qu’ils arriveront a quelque chose.
    Il n’est pas justifiable que l’immobilier monte, a moins que vous n’agrandissiez votre maison c’est la seule chose qui peut justifier une augmentation de son prix. Tout comme il n’est pas justifiable que l’on fasse monter a outrance les prix des produits du sol, produits vitaux pour les humains sur toute la surface de la terre.

  16. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    La méthode consistant à comparer la monnaie avec un fluide, l’eau, et donc surtout assimiler son ‘déplacement’ à celui d’une sorte de ‘courant’ est certainement intéressante et permet d’en penser certains aspects.

    Mais il est probable que ça soit également un peu limité , voire même trop simplificateur

    – Ca ne rend pas compte de l’idée valeur
    – Ni du fait que chaque mouvement du courant monétaire correspond à un déplacement en sens inverse d’une « marchandise » et que là se trouve une partie de la réalité.
    etc …

  17. Avatar de JLM

    @oppossum

    déplacement d’un droit de propriété sur une « marchandise »; j’aimerais bien avoir un bilan des droits de propriété avant et après la « crise », et dès maintenant, avoir une idée des déplacements déjà réalisés.

  18. Avatar de antoine
    antoine

    Il va falloir trancher entre ces 3 aspects (« = » est une approximation ici):
    – la monnaie = eau (« liquidité » fut aussi choisi pour cette analogie là)
    – la monnaie = temps/durée (mais comment comprendre ça, ainsi que l articulation normative des idées de temps/ et de communuté).

    Chose curieuse: les propriétés de l’eau dans une machine ne dépendent pas de la machine. Au contraire, c’est la machine qui est élaborée comme telel en raison même des propiétés de l’eau et de la fin pursuivie. A

  19. Avatar de antoine
    antoine

    u contraire, il semble que les propriétés du liquide « monnaie » sont elles-mêmes façonnées par la machine.
    C’est d’ailleurs pourquoi il est impossible de décrire la monnaie sans décrire la totalité du système politique (au sens large). La monnaie n’est PAS du sang qui circule. Elle est AVANT TOUT le vecteur de circulation, le système complexe de la circulation sanguine, c’est à dire in fie le corps lui même (politique).

  20. Avatar de Le naïf
    Le naïf

    @ Anne.J
    Je me permets de vous renvoyer aux propositions bien connues de Maurice Allais, qui ont l’avantage de la cohérence et de la simplicité.

  21. Avatar de antoine
    antoine

    @ JLM
    Le concept de « droit de propriété » s’est évanoui, ou si l’on peut dire, a implosé dans la seconde moitié du XXe siècle. Le « droit de propriété » n’est plus, sur le plan juridque, qu’un ensemble empiriques de droits complexes, à chaque fois singuliers, sans qu’on ne puisse trouver de critère unitaire essentiel, autre que purement formel. C’est encore plus vrai en droit anglo-saxon, mais la tendance est lrgement manifeste en droit français également.
    Essayez de chopper les thèses récentes en droit consacrées à ce sujet.

    Si, en revanche, ce qui vous intéresse et une idée de l’évolution des transferts des « titres de propriété » (approche qualitative) depuis le début de la crise, au delà de la logique « gains »/ »pertes » (quantitative), il va vous falloir passer dans « les coulisses des coulisses » (disons un rideau encore derrière les analyses de ce blog). On est alors dans la logique des affrontements entre puissances, et plus le système économique est intégré au système politique, donc en gros plus le système est unitaire (certains pensent à la Russie ou à la Chine… donc non démocratique ou non libéral au sens stritement politique du libéralisme politique), plus les agents du « privés » et du « public » agissent en synergie, et plus les transferts stratégiques de ce type sont masqués. Le rideau ultime étant bien sûr celui dont pourrait vous parler le « clown blanc », à condition qu’il puisse faire le lien entre « pillage industriel », « blanchiment d’argent » (la crise estune formidable oportunité, une opportunité historique même pour le crime organisé, en col blanc ou pas), et investissements divers et variés dans qlqs terres et gisements d’avenir.

  22. Avatar de ybabel
    ybabel

    @antoine
    j’avais lu je ne sais plus ou : la « crise » n’est pas une crise du capitalisme, c’est l’orgasme du capitalisme.
    ce qui rejoint tes propos si j’ai bien compris.

    D’accord pour dire qu’en dessous / derrière la monnaie, il y a la propriété, et … ceux qui la font respecter ou non ! et on reviens très loin en arrière la … lol

  23. Avatar de Crystal
    Crystal

    @ Paul Jorion

    Je ne savais pas où poster cette question étant donné que les commentaires sont off sur le post « Donation ».

    Est-ce que vous partagez les dons avec François Leclerc ?

  24. Avatar de tigue
    tigue

    L’ inflation c’ est quand il y a des bulles dans le bidule ?
    J’ ai bon là ?

  25. Avatar de JLM

    @anne.J

    Ce 7 mai, Jean Peyrelevade écrivait dans le monde  » Le métier de la banque n’est pas de prendre des risques, mais de créer de la monnaie sans risque « .

    Selon la pensée « académique », les banques ne créent pas de monnaie

    Pour Allais et ses émules, voici que les banques créent de la monnaie et qu’il faut leur retirer ce droit

    Pour Peyrelevade les banques créent de la monnaie et doivent seulement exercer ce droit avec justesse !

    Ce qui est intéressant il me semble dans cette histoire, c’est la trajectoire du changement de contexte!

    J’ai le sentiment que le jeu de passe passe sémantique s’effectue sur la reconnaissance de dette transformée en monnaie… et j’avoue que j’en suis un peu malade à la pensée de tout ce qu’il nous faudra rembourser!

    « J’explicite » mon sentiment: si la monnaie « c’est des dettes », et, s’il est naturel que les banques créent de la monnaie, il sera donc naturel de rembourser en monnaie les dettes créées par les banques.

    Je crois donc très utile de maintenir, grâce à Paul, une distinction entre monnaie et reconnaissance de dette!

  26. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    La pompe à phynance dont s’inspire Frédéric Lordon doit beaucoup ressembler à ça. Il suffirait, à côté de la « minimum working balance », (en bas à gauche du dessin), d’ajouter une sorte de « maximum humour swing » pour qu’elle plaise définitivement au « Lucini » de la finance. Pourquoi pas, après tout, puisque les financiers n’en sont pas à une absurdité près.

  27. Avatar de Jean Louis Bars
    Jean Louis Bars

    Après moi….le chaos a dit Charles de Gaulle je crois ?
    Depuis 1968,année de naisssance de notre Fille(mai) , notre société humaine n’a-t-elle pas « évolué » ,en donnant un de violents coups d’accélérateur (1973 1980 1990 …) ,vers ce tohu bohu originel dans lequel nous sommes peut-être retournés ?
    Pour retournés d’ailleurs nous le sommes tous,ô combien.!!!
    « Il viendra » superbe roman de J. Attali (1994 ) est tout simplement merveilleux de prémonition.

  28. Avatar de ybabel
    ybabel

    http://www.europe2020.org/spip.php?article605&lang=fr

    [PS article par Rudo de Ruijter – note PJ]

    L’argent est parfois comparé au sang de l’économie. La crise du crédit a douloureusement démontré, que l’économie est dépendante d’une infusion permanente de crédits. Dès que les banques fournissent un peu moins de crédit, des entreprises font faillite et les congédiements massifs se succèdent.

    On veut nous faire croire, que les problèmes avec les hypothèques subprimes étaient un incident. Avec une giga-injection de capitaux, un peu plus de règlementation et un meilleur contrôle le système bancaire fonctionnerait bien de nouveau. Et ah oui, nous devons faire confiance aux banques à nouveau.

    Cause principale de la crise du crédit

    La cause principale de la crise du crédit se trouve dans le système bancaire/d’argent lui-même. Le principe du système est que l’argent est mis en circulation par la fourniture de prêts et dissout au moment où ces prêts sont remboursés. Les banques occidentales se servent de deux règles de jeu :

    1. par rapport aux sommes prêtées elles n’ont besoin de disposer que de 8% de capital [1] ;

    2. elles doivent garder un petit pourcentage en caisse pour effectuer des paiements pour leurs clients et pour leur fournir de l’argent liquide à la demande.

    Avec ces deux règles de jeu la plus grande partie de l’argent, que les clients ont sur leurs comptes de paiement et d’épargne, est prêtée. (Chez la Banque Triodos, 65% est prêté [2], chez la plupart des autres banques beaucoup plus.) L’argent prêté est dépensé par l’emprunteur et arrive ensuite sur des comptes chez d’autres banques. Les clients de la première banque disposent toujours de leurs avoirs, tandis que chez banques recevantes de nouveaux avoirs voient le jour. Grâce à l’argent reçu, ces banques-ci peuvent fournir de nouveaux prêts. Cela continue. Et à chaque fois les avoirs bancaires sont multipliés.

    Ce système s’appelle « fractional reserve banking ». [3] Les banques ne peuvent satisfaire qu’à une fraction de leurs obligations. Elles ont prêté l’argent, bienqu’il puisse être réclamé immédiatement. Elles font le pari, que les clients ne demanderont jamais plus qu’elles n’ont de réserve en caisse et qu’au besoin la banque centrale viendra à leur secours. Le pourcentage que les banques n’ont pas le droit de prêter (la réserve de caisse) peut être établi par la loi (aux États-Unis c’était 1:9). Dans beaucoup d’autres pays la banque centrale fixe ce pourcentage minimum. Avant la crise, pour les Pays-Bas, j’ai lu un pourcentage de réserve de caisse de seulement 3%.

    Chaque fois qu’un emprunteur dépense l’argent de son emprunt, l’argent déménage à une banque suivante, qui en profite pour fournir de nouveau prêts. Le même argent est donc prêté plusieurs fois. Dans un système de 1:9 le même argent peut être prêté 9 fois. Avec une réserve de caisse de 3% il peut être prêté 32 fois. et à chaque fois qu’il est prêté une banque collecte des intérêts.

    Le risque classique pour les banques est que les prêts ne soient pas remboursés. Ce risque augmente, quand moins de nouveaux prêts sont mis en circulation que ceux qui sont remboursés. En effet, à ce moment-là, la quantité d’argent en circulation diminue. Pour le monde bancaire un environnement dans lequel la masse d’argent augmente en permanence offre moins de risques. La banque centrale veille à ce que cette masse d’argent continue de croître (l’inflation de soi-disant 2%). Au besoin, les banques peuvent emprunter de l’argent à la banque centrale contre des garanties consistant en actions ou obligations. Quand le gouvernement emprunte de l’argent la masse d’argent dans le pays augmente également. Mais la plus grande croissance est causée, bien entendu, par le facteur de multiplication, qui est réalisé par les banques elles-mêmes. Quand le facteur de multiplication augmente, les crédits peuvent être remboursés plus facilement. Les revenus des banques sont multipliés aussi. Il y a donc une tendance naturelle pour prêter des pourcentages de plus en plus élevés. En outre, les banques peuvent imposer des exigences de plus en plus élevées`aux emprunteurs pour diminuer les risques. Cependant, la conséquence de cette dynamique est que les réserves de caisse diminuent.

    Les réserves de caisse servent à fournir de l’argent liquide aux clients et, surtout, aux paiements mutuels entre les comptes chez les différentes banques. Quand un client de la banque A fait un paiement à un titulaire de compte de la banque B, un peu de réserve de caisse va de la banque A à la banque B. Et dès qu’un client d’une autre banque fait un paiement à un client de la banque A, la réserve de caisse augmente de nouveau. Donc, cet argent fait des va-et-vient entre les banques. Autrefois cela prenait trois jours pour faire un paiement à un client d’un autre banque. Les banques avaient besoin de pas mal de réserve de caisse. Depuis, le système de paiements a été modernisé. Les paiements font des va-et-vient entre les banques le jour même. Chaque jour le même argent peut faire des milliers de va-et-vient entre les banques. Pour effectuer les paiements interbancaires il n’y a besoin que de très peu de réserves. Les banques ont également fait en sorte, que leurs clients n’aient plus guère besoin d’argent liquide. D’abord les employeurs ont été obligés de payer les salaires par virement sur des comptes bancaires. Tout le monde a été pourvu de chèques, de formulaires de virement, suivis de cartes bancaires et du service bancaire par l’internet. Depuis quelques années, aux Pays-bas tout au moins, les banques cherchent à nous imposer des cartes de débit (le « pin-pas ») pour toutes les dépenses modestes. (Note de MFC : En France, le même système a été commercialisé sous le nom Monéo.) Pour chaque euro que nous ne gardons pas dans notre poche, la banque peut fournir un multiple en prêts…

    Bien que la croissance de la masse d’argent soit nécessaire pour diminuer le risque d’un crash du système par des prêts non-remboursés, le facteur de multiplication mène finalement à toujours plus d’instabilité et à des réserves de caisse de plus en plus petites. Dès qu’une banque essuie des pertes, cela ne diminue pas seulement son capital, mais souvent également sa réserve de caisse. Selon les règles du jeu, lorsqu’une banque arrive en dessous des 8% de capital ou lorsqu’elle n’a plus assez de réserves de caisse, elle a perdu. En 2007 ce furent les prêts hypothécaires aux conditions « privilégiées » qui causèrent l’arrêt du système, mais cela aurait aussi bien pu arriver avec des pertes sur d’autres types de prêts, comme des prêts au Tiers Monde. Les banques n’avaient tout simplement plus assez de réserves pour faire face à des pertes. Que des difficultés dans une banque se propagent vers d’autres banques, vient du fait que les banques empruntent de l’argent les unes des autres et se vendent des papiers de valeur pour optimiser la composition de leur balance. Le fait que les prêts subprimes étaient emballés comme un produit financier composé, n’a fait qu’augmenter les dégâts. Cependant, la cause principale de la crise n’était pas les pertes sur les subprimes, mais la capacité structurellement diminuée des banques pour faire face à des pertes. Et cela est la conséquence logique de la dynamique naturelle dans le « fractional reserve banking ».

    Pris en otage

    Dans beaucoup de pays, le gouvernement a été appelé à l’aide pour sauver les banques. Cela est remarquable, car les banques fonctionnent en dehors de tout contrôle démocratique. Ce furent les directeurs des banques centrales qui ont amené (ou dupé) les ministres des finances dans des réunions internationales et obtinrent des crédits pour les banques de montants inimaginables. Nous nous portons garants avec nos impôts futurs. Mais les banques paieraient des intérêts conformes au marché. Autrement dit, elles feront payer leurs clients : vous et moi. En fait, les ministres de finances avaient le dos au le mur. Les banques ne devaient pas tomber, car elles étaient trop importantes.

    Autrefois, des parlementaires se sont désaisi du pouvoir sur l’argent. Ils n’avaient pas le moindre notion de ce que c’était l’argent, ni la moindre idée sur comment le système d’argent fonctionnait. Aujourd’hui, ce sont les banques qui déterminent combien d’argent il y a en circulation et combien la population doit payer pour ce service. Le facteur de multiplication mène également à un déplacement du pouvoir : relativement, les banquiers prennent de plus en plus de décisions d’investissement dans le pays et le gouvernement de moins en moins. Puis qu’il y a de plus en plus d’argent en circulation, de plus en plus de choses sont achetables. Cela a mené, entre autres, au démantèlement des tâches de l’état. Beaucoup de services, qui sont importants pour le bon fonctionnement de la société, comme le transport public, les postes, le téléphone, les services des eaux et de l’énergie, ont été vendus par le gouvernement à des entreprises privées, basées sur la recherche de profits. Les entreprises privées produiraient mieux. Mais, en fait, ces privatisations câchent un déplacement du pouvoir, dû au « fractional reserve banking ».

    Nous prétendons toujours, que nous vivons dans une démocratie, mais le parlement n’a plus rien à dire sur un des facteurs des plus importants dans notre société : l’argent. Pour ramener le pouvoir sur l’argent à l’intérieur de la démocratie, il n’y a besoin que de quelques petits changements de loi. Hélas ! Les parlementaires de notre temps, excepté quelques-uns, ne comprennent toujours rien au système d’argent. C’est dommage, car en reprenant le pouvoir sur l’argent et avec une réforme bancaire appropriée, ils pourraient terminer la crise de crédit quaisment immédiatement. [4]

    Réforme bancaire

    Décrite en bref, cette réforme bancaire pourrait avoir la forme suivante : la banque centrale deviendrait une banque d’état et ferait partie du ministère des finances. Cette banque serait la seule autorisée à créer de l’argent pour des prêts. Ce serait au parlement de décider quelle sorte de crédits doivent avoir la priorité dans l’intérêt de la société. Ces prêts pourront être accordés à des conditions favorables. De cette façon le parlement aura beaucoup plus d’influence sur la forme que prend la société.

    Les banques commerciales actuelles deviendraient des guichets de service pour les prêts de la banque d’état au public. Elles gèreront les comptes de paiement et d’épargne de leurs clients pour le compte de la banque d’état. Elles ne pourront plus disposer librement de l’argent de leurs clients et ne pourront plus multiplier les avoirs. Cependant, elles pourront réunir des fonds pour les prêter.

    Ethique

    Si le trésorier d’un club de sport local utilise l’argent à la dérobée pour l’investir et ainsi pour s’enrichir, il risque d’être condamné. Mais lorsque des banquiers gèrent les comptes de paiement de leurs clients de cette sorte, ils restent libres.

    Les règles corrompues pour les banques ont leur origine dans un passé lointain, lorsque les orfèvres, et plus tard les banquiers cherchaient délibérément à tromper leurs clients. [5] La seule différence avec autrefois, c’est que le système est devenu officiel et admis par la loi. Bien entendu, cette façon de procéder est gardée câchée le mieux possible. Vous ne trouverez pas un site web d’une banque ou d’une banque centrale, qui explique clairement comment fonctionne une banque et comment est conçu le système. Dans les écoles – hormi quelques très rares exceptions – le sujet n’est pas traité et même dans la plupart des formations économiques le sujet manque dans le programme.

    Surtout à partir de 1913, après l’établissement de la Federal Reserve Bank aux États-Unis, les banquiers ont réussi à obtenir un cadre légal à eux dans beaucoup de dizaines de pays et à s’approprier le pouvoir sur l’argent local. Dans chacun de ces pays une banque obtenait le rôle de banque centrale. Les noms de ces banques centrales donnent l’impression, qu’il s’agit d’établissements d’état, tandis que, tout au contraire, elles devenaient indépendantes du gouvernement et du parlement locaux, bien que parfois pas à pas : De Nederlandse Bank N.V. (1914), Bank of Canada (1935), National Bank of Danmark (1936), Deutsche Bundesbank (1957), Banque de France (1993), Bank of Japan (1997), etc. Sur leurs billets de banque il y avait souvent des portraits de rois ou d’hommes d’état. Souvent aussi l’état gardait la responsabilité de battre les pièces de monnaie, ce qui contribuait à donner l’impression que l’argent du pays était issu par l’état. Sur ces pièces également il y avait souvent un portrait inspirant confiance. Au besoin, la religion était utilisée aussi. C’est ainsi que le florin Néerlandais reçût l’inscription « Que Dieu soit avec vous » sur la tranche.

    Croissance économique éternelle

    Au siècle dernier, c’est grâce au potentiel de croissance économique et à la disponibilité croissante de matières premières et d’énergie, que la multiplication de l’argent ne posait pas de problème, mais, au contraire, attisait cette croissance.

    Ma thèse est que le système bancaire actuel constitue un danger pour l’avenir de l’humanité. L’inflation permanente, inhérente à ce système, donne l’impulsion à toujours plus d’activité économique, pour compenser la perte de la valeur de l’unité de l’argent et pour obtenir un peu de l’argent supplémentaire mis en circulation. Et à mon avis, la croyance entêtée, qu’une économie doit croître pour être saine, vient de là. (Et non pas, par exemple, d’un penchant spontané des travailleurs pour travailler toujours plus dur.)

    Une société durable, au contraire, suppose un équilibre avec notre environnement. Notre environnement ne croît pas de pair avec l’augmentation de notre activité économique et de notre population. Il s’en trouve détruit. [6] Nous devons nous débarrasser le plus rapidement possible de notre système bancaire inflationnaire et ramener le pouvoir sur l’argent là où il doit se trouver dans une démocratie : au parlement.

  29. Avatar de G_Remy
    G_Remy

    Pour ceux que ça intéresse, lire le papier original de Phillips : http://www.econ.puc-rio.br/Mgarcia/Modelos%20mecanicos%20em%20economia.pdf

    Je conseille aussi le documentaire de Adam Curtis :
    « The Pandora Box, The League of Gentlemen »
    http://www.livevideo.com/video/9F912F986DDA4717A19BD9E7B7E9A488/pandoras-box-ep-3-the-league-o.aspx
    Il semblerait, d’après Adam Curtis, que cette machine à été effectivement utilisé en Grande Bretagne entre l’après-guerre et le gouvernement Thatcher, avec des résultats plus que mitigés pour ne pas dire catastrophique…

  30. Avatar de Jean Louis Bars
    Jean Louis Bars

    C’est long mais Clair
    Lu et approuvé.
    Merci

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Le danger ne vient pas seulement de D.Trump, mais plus particulièrement de son ‘oligarque’ E.Musk, et l’on comprend mieux maintenant…

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta