Billet invité.
L’IMPASSE DE L’HYPOTHETIQUE RELANCE
Le lassant petit jeu des devinettes à propos de la date de la reprise se poursuit, non sans une certaine impudeur intellectuelle. Bizarrement, mais l’est-ce vraiment ? sans qu’une simple question ne soit posée : qu’est-ce qui va pouvoir la déclencher ? Comme s’il y avait de la magie en l’air, une fois abandonné le refuge ésotérique des mathématiques financières (et de leurs illusions). Comment, en effet, décrire cette présumée réalité ? Les économistes ne devraient-ils pas reprendre à leur compte cette interrogation des philosophes ?
Jean-Claude Trichet, président de la BCE, n’est pas quant à lui un homme pétri de doutes, en tout cas publiquement, c’est pourquoi il vient encore de nous asséner une de ses ineffables certitudes, à peine tempérée : « Nous verrons probablement que la chute est de plus en plus faible, mais les chiffres resteront négatifs et cela pourrait durer toute l’année en cours. Les chiffres positifs vont apparaître dans le courant de l’année prochaine » a-t-il hier déclaré à Rome, à propos de la chute du PIB dans les pays industrialisés. Il s’exprimait à l’issue de la 61éme session plénière du
Pour revenir à Jean-Claude Trichet, son optimisme de façade lui sert en réalité à justifier qu’il est « hors de question », selon ses propres termes, de modifier le rôle et la mission de la BCE, c’est à dire « assurer la stabilité des prix, qui est un élément crucial de la confiance ». Ce qui signifie qu’il se refuse, sans le dire, à sauter le pas franchi par la Fed, qui a inclus formellement dans ses missions la préservation de la croissance et de l’emploi. Compromettant à ses yeux l’orthodoxie dont il se ravit d’être le dernier garant et rempart, cette indépendance vis à vis des Etats des banquiers centraux, présenté comme le nec le plus ultra de la meilleure gouvernance économique et financière possible.
Un concurrent sur ce terrain vient toutefois fâcheusement d’apparaître, il s’agit de Donald Kohn, vice-président de la Fed. « L’une des conséquences inévitables de nos initiatives destinées à remplir efficacement nos objectifs macroéconomiques dans la crise économique et financière actuelle, a été un renforcement de la coopération entre les autorités budgétaires et monétaires » a-t-il déclaré hier, à l’occasion d’une conférence prononcée à l’Université de Princeton. « Il nous faudra revenir à un mode de fonctionnement plus normal à mesure que la reprise économique s’enracinera. (…) Les banques centrales ont besoin d’être à l’abri des pressions politiques à court terme si elles veulent atteindre leurs objectifs macroéconomiques à moyen terme que sont la stabilité des prix et un emploi élevé », a-t-il ajouté. Tout cela augure sans doute d’amicales mais insistantes demandes auprès du Trésor, plus tard, afin qu’il reprenne à son compte certains engagements de la Fed…
Alan Greenspan, ancien président de la Fed, met moins de gants ces temps-ci pour affirmer que de nombreuses mesures engagées par la Fed devraient en réalité être à la charge du Trésor, laissant entendre qu’il préférerait voir la dette de l’Etat augmenter que le bilan de la banque centrale enfler. Le partage de ces deux mistigris annonce le succès à venir d’un nouveau jeu, après celui des devinettes : celui de la patate chaude. Il laisse présager de sérieuses batailles entre ces deux acteurs financiers majeurs, à côté desquelles les escarmouches actuelles à propos des futures missions de régulation et de qui en aura la charge, dont la SEC pourrait faire les frais, ne sont que des amuses gueules.
Alan Greenspan semble désormais mettre un malin plaisir à contredire ses anciens petits camarades de jeu, sans doute parce qu’il ne supporterait pas d’en être totalement exclu. Il vient de donner un autre son de cloche, à Washington, à l’occasion d’une rencontre avec des membres du Congrès. Estimant les besoins en capitaux des banques, à un niveau non précisé mais de toute évidence bien supérieur aux résultats des stress tests officiels, considérant également que le risque d’une crise accrue des crédits hypothécaires était sérieux, il a présenté une vision pour le moins très circonspecte de la situation. « Nous sommes au bord (de cette nouvelle crise), et je serais inquiet si cela n’est pas rapidement résolu. »
Robert Zoellick, le président de la Banque Mondiale, a été tout aussi alarmiste, dans un entretien accordé aujourd’hui au quotidien espagnol El Pais : « Si l’on ne prend pas de mesures, il existe un risque d’arriver à une grave crise humaine et sociale, avec des implications politiques très importantes (…) Ce qui a commencé comme étant une grande crise financière, puis devenu une profonde crise économique, dérive aujourd’hui en une crise du chômage ». Il a ajouté, pour bien se faire comprendre : « A mon avis, dans ce contexte, personne ne sait vraiment ce qui va se passer et le mieux est d’être prêt pour tout imprévu ».
Décidément, quand ce n’est pas le FMI, c’est la Banque Mondiale qui s’y met dans le rôle de fauteur de troubles. Il faudra attendre un peu pour que les Nations Unies prennent le cas échéant le relais, la réunion internationale prévue « au plus haut niveau » à propos de « la crise économique et financière mondiale et son impact sur le développement », décidée en décembre dernier à Doha, ayant été repoussée des 1er au 3 juin au 23 et 24 juin prochain, à New York. Officiellement, pour des raisons de calendrier chargé des chefs d’Etat, en réalité parce que leurs sherpas ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le texte de la résolution finale de la conférence. « Cette Conférence se déroulera sous forme de séances plénières et de quatre tables rondes interactives, auxquelles prendront part les dirigeants du monde, les responsables du système des Nations Unies, dont ceux de la Banque mondiale et du FMI, ainsi que des représentants de la société civile et du secteur privé», est-il prévu par les gentils organisateurs.
Alors, d’où va-t-elle venir, cette relance tant espérée ? Les connaisseurs de la Chine se relayent depuis quelques temps, afin d’expliquer que de nombreux facteurs vont faire obstacle à la substitution rapide de ses exportations déclinantes par le développement de son marché intérieur. Ce n’est pas seulement la réorientation de l’appareil de production qui est en cause, ce qui n’est déjà pas une mince affaire, car les biens qui devraient être produits pour y parvenir ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui trouvaient preneur aux USA, sans parler de leurs coûts de production et de leurs prix de vente. C’est l’ensemble d’une société, telle qu’elle se développait de manière extrêmement inégalitaire, qui va devoir aussi être réformé. C’est une autre répartition de la richesse qui devra, afin d’y parvenir, être entreprise. On sait que, dans ce domaine, les inerties sont d’autant plus fortes que les intérêts peuvent se manifester. Entre le mécontentement des villes et celui des campagnes, pour faire simple, quel sera le choix des dirigeants chinois, s’il peut limiter l’un et balayer l’autre ?
On comprend que le rééquilibrage du commerce international appelé de leurs vœux par les experts, supposant que les Chinois consomment plus et les Américains moins, se heurte ainsi à un premier obstacle de taille. On comprend également que cela ne va pas pouvoir se passer d’une manière aussi simple, non seulement en Chine, mais également aux Etats-Unis.
On l’a dit et répété : la consommation des ménages intervient dans la croissance américaine à raison de 70% de cette dernière. Deux facteurs vont sérieusement peser sur toute relance. Non seulement l’accroissement du chômage, annoncé comme devant en tout état de cause se poursuivre, mais également l’augmentation du taux d’épargne, sur lequel il faut s’arrêter. En effet, un article de David M. Smick, analyste financier, publié aujourd’hui par le Washington Post, révèle que, selon une enquête d’American Express, les ménages disposant de revenus supérieurs à 100.000 dollars annuels contribuent à eux seuls à la moitié des achats des produits de consommation, illustration de l’inégalité des revenus qui règne dans ce pays. Or, il apparaît que ces ménages, dont le pouvoir d’achat n’est actuellement pas menacé, anticipant des augmentations d’impôts, épargnent et restreignent leur consommation. Ce ne sont ni des chômeurs, ni des ménages à fort revenu, que l’on peut donc attendre un retour à la croissance. Qui reste-t-il alors ? Il ne reste en vérité comme seule option que de lancer de nouveaux plans de relance gouvernementaux, dont le financement va faire de plus en plus problème.
Comment procéder? Entre l’utilisation de la planche à billet et l’émission de bons du Trésor, entre le danger d’une inflation ultérieure et le poids grandissant d’une dette démesurée, le choix est en effet impossible à faire. Mais il risque d’être imposé par les circonstances, la Fed accroissant – forcée et contrainte – son programme d’achat de bons du Trésor, déjà bien engagé. Car sur le front du marché obligataire, les choses ne se présentent pas très bien pour l’avenir.
Un article de Keith Bradster, dans le New York Times du 20 mai, faisait le point de la situation à ce propos. Il remarquait en premier lieu que, si les achats de bons du Trésor par la Chine, premier détenteur mondial de ceux-ci, se poursuivaient, la part des Chinois dans le total des bons émis diminuait, car l’offre américaine augmentait de plus en plus sur le marché. Des investisseurs américains et étrangers prennent le relais, car ils fuient actuellement le marché des actions. On verra la suite. La politique de la Chine doit, quant à elle, être examinée de plus près. Elle a en premier lieu continué d’acheter des bons du Trésor, mais c’est pour se dessaisir prioritairement de ses obligations émises par Fannie Mae et Freddie Mae, après avoir senti passer de très près le vent du boulet durant le second semestre 2008. Elle substitue d’ailleurs ses bons du Trésor à long terme par des bons à court terme, afin de pouvoir plus rapidement faire face à une montée de l’inflation américaine. Enfin, elle utilise toute une palette des moyens à sa disposition, ne pouvant jouer contre elle en vendant massivement des bons du Trésor, ce qui en ferait chuter les cours et l’atteindrait d’autant. La Chine achète de l’or, mais progressivement et en quantité limitée, afin de ne pas en faire monter le cours davantage. Elle achète des matières premières, ou elle favorise les investissements privés extérieurs en assouplissant la réglementation dans ce domaine, ces opérations étant faites en dollars, lui permettant ainsi de s’en dessaisir. Voilà clairement la tendance.
Mais, avec tout cela, nous n’avons toujours pas trouvé d’où proviendra la relance, quand elle interviendra.
31 réponses à “L’actualité de la crise : L’impasse de l’hypothétique relance, par François Leclerc”
Effectivement, on peut se demander comment certains « experts » économiques officiels du système peuvent anticiper une reprise économique, un retour à une croissance positive et durable dans un avenir proche alors que de toute façon il apparait de plus en plus clairement que les USA n’auront plus jamais leur train de vie et de consommation passés, englués par des niveaux de dettes excessifs dans tous les domaines (fédéral, états, municipal, entreprises, financiers, consommateurs) et qu’ils ne savent pas eux même comment financer d’hypothétiques plans de relances et boucher les trous des dettes à rembourser autrement que par de la pure création monétaire et d’autres dettes.
Et effectivement ce n’est guère pas mieux dans le reste du monde industrialisé, que ce soit en Europe (Royaume Uni en tête) ou en Asie (Japon en tête). Et ce n’est certainement pas la Chine ou tout autre pays en développement qui va remplacer le moteur de consommation américain.
Cette notion, cette idée, ce concept de « green shoot », de « pousse verte », de ce printemps de l’économie est vraiment pour le moins curieuse lorsqu’on considère que maintenant la crise immobilière va s’intensifier avec une extension à tous les domaines immobiliers et non plus simplement aux subprimes (immobilier commercial, sinon prime, option arm pour les particuliers), que l’on sait pertinemment que le chomage va continuer à augmenter même si le rythme ralentit. On peut se demander par exemple s’il y avait « seulement » 300.000 chomeurs en plus chaque mois au lieu de 600.000 aux USA, combien de temps l’économie américain va pouvoir continuer à supporter un tel poids en matière de perte de pouvoir d’achat, baisse de consommation et aussi d’indemnisation. Tout ceci s’auto entretient, et le chomage risque de peser lui aussi sur les saisie immobilières. Je ne vois aucune amélioration sur le front de l’emploi, sur le front de l’immobilier, sur celui de la consommation, et encore moins sur le domaine financier avec tous les défauts de remboursements que cela va entrainer.
De plus en plus l’impression que les fondements même de l’économie sont en train d’être détruit, et que l’expérience de création monétaire par les banques centrales risquent de détruire le peu de certitude qu’on a encore sur les données de bases de l’économie, et de créer plus de désordre et d’inconvénient que d’avantage
On a également vu passer ces derniers jours, depuis le résultat des élections en fait, plusieurs papiers expliquant que l’Inde allait s’adonner toute entière au capitalisme maintenant qu’elle avait choisi la stabilité…je dois dire que je ne l’avais pas vu venir, le milliard d’indiens vendu comme nouvelle extension du capitalisme (un milliard, ça permet de relancer le bouzin pour combien d’années ? ) . Pas besoin de coloniser une nouvelle planète pour relancer le capitalisme, allons en Inde !
Mr Leclerc, considérez que la relance est déjà là, puisque la confiance est retrouvée (vous n’avez donc pas regardé la télé ou lu les journaux ces deux dernières semaines ? ), et que comme nous savons tous cette crise est une crise de confiance du méchant citoyen-consommateur (le seul, pourtant, qui ne tente pas désespérément de vendre ses actions) ! On a un peu l’impression d’être dirigés par des commerciaux…
Paul Krugman ne détonne peut-être plus tant que ça au sein de ces institutions « informelles » qui nous chantent la « reprise heureuse », étant donné son évolution récente en forme de courbe rentrante vers l’optimisme collectif incantatoire.
« Le lauréat du prix Nobel d’économie 2008, Paul Krugman, a déclaré mardi que le pire de la crise économique mondiale serait passé, même si les énormes dettes qui ont toujours cours pourraient compromettre le rythme de la reprise.
« Je partage l’optimisme que le pire est peut-être passé », a déclaré M. Krugman dans un discours prononcé à un forum international tenu à Séoul. »
Quand à l’affirmation suivante « »Les gouvernements doivent servir d’appui aux institutions financières », a-t-il indiqué, appelant à des régulations gouvernementales plus strictes sur le marché financier. », je crois qu’elle à du sonner comme un douce musique, surement pas comme l’expression d’une dangereuse subversion, aux oreilles de ses très honorables collègues du Groupe des Trente.
Encore une petite mesure d’eau supplémentaire, et nous pourrons faire de Krugman un très correct chef d’État-major clandestin de l’économie mondiale.
@ Champignac
Il ne s’agit pas de faire de Paul Krugman ce qu’il n’est pas. Ni dans un sens, ni dans un autre. Lisez-vous régulièrement sa chronique sur le NYT ? Elle était dernièrement consacée à une mise en garde de Barack Obama à propos de la réforme du système américain de santé. Savez-vous également que Nouriel Roubini a aussi un peu sacrifié à ces mêmes sirènes, sur le thème « le pire semble être passé » ? S’il n’en reste qu’un, lequel choisiriez-vous ? Joseph Stiglitz, Simon Johnson ? Nous pourrions aussi, vous et moi, juger qu’ils ont parfois leurs petites faiblesses…
J’ai enregistré également, il y a quelque temps, des remarques très critiques à propos du rôle du FMI dans des crises précédentes, en Asie ou en Amérique Latine notamment, que je partage tout à fait. Est-ce à dire qu’il ne faut pas utiliser ses informations et analyses, quand elles permettent de dévoiler ce que d’autres dissimulent soigneusement ? De même pour la Banque Mondiale, ou l’OCDE (quand elle se lâche parfois).
Ma petite pique sur Bilderberg et sur le « Groupe des 30 » était bien innocente, non ?
Cordialement à vous
@ François Leclerc
Je ne choisirais ni Krugman, ni Roubini. J’ai un projet bien plus ambitieux. Il s’agirait de faire « disparaître » la totalité des successeurs à la Présidence US (Obama compris), jusqu’à ce qu’ils n’aient plus d’autre choix que de nommer Hugo Chavez (entretemps naturalisé) à la fonction Suprême. 🙂
Rassurez-vous, j’avais bien capté le coté ironique de ce passage. Mon commentaire n’était pas très argumenté.
Cela dit, vous savez que vous avez un vrai don pour les titres, vous? Déjà que cela ne doit pas être facile d’en trouver quotidiennement pour décrire une situation peu évolutive.
Mais, celui-ci : « L’impasse de l’hypothétique relance ». Brrrr… On dirait de l’Agatha Christie. Manque plus que Barack Gabin en sombre policier cherchant désespérément les auteurs du meurtre sur la pauvre Mme Relance. 🙂
@ Moktarama
Le Parti du Congrès est à la stabilité ce qu’un fer à repasser est la flotabilité. La société indienne n’est pas à la veille d’un aggiornamento, capitaliste ou non, cela se saurait. Les rédacteurs des papiers que vous avez lu n’ont probablement jamais mis les pieds en Inde. Ont-ils seulement vu « Slumdog millionaire » ?
Exit donc Paul Krugman. Non pas pour avoir rejoint le club des « jeunes pousses » – pourquoi pas après tout si le sentiment est justifié ? mais pour avoir ignoré que l’endettement des États continuera de s’accroître jusqu’à atteindre un niveau tel que les taux d’intérêt qui devront être consentis – dans un environnement de concurrence exacerbée entre nations – les acculeront inexorablement à la faillite.
@Paul
Si les règles ont si radicalement changé, au point que l’ état US se prête a lui même à taux bas, est il raisonnable de penser que les taux pourraient augmenter ?
L utilité, la fonction, la justification de l existence de prêteurs dans un tel cadre ne devrait elle pas etre remise en question ?
@Armand
Je me demandais si vous lisiez encore ce blog.
Je relisais vos commentaires de « Le scandale des banques qui « créent » de l’argent » du 07-02-2008.
Une merveille !
Comment la Chine, par la relance de sa consommation intérieure pourrait-elle relancer l’économie mondiale ?
Hormis les matières premières qu’elle est tenue d’importer (minerai de fer et de cuivre, pétrole), il me semble peu vraisemblable, compte tenu de ses capacités de production largement excédentaires, qu’elle relance de façon considérable ses importations en biens d’équipements (construction navale, aéronautique ou ferroviaire ; équipements mécaniques ; équipements électriques et électroniques pour reprendre la nomenclature de l’INSEE). Révolution épistémologique oblige (pour citer mon idée fixe préférée).
@P.Jorion
Les prêts sont consentis , pas les intérêts
Stiglitz est un bon microéconomiste, mais honnêtement un piètre macroéconomiste. Dès qu’il parle de déficit, il entrevoit la fin du monde. Krugman avait trop bu, voilà tout. Le vin coréen étant très acide, il lui restait sur l’estomac. Pour signifier que ça allait mieux il a déclaré « le pire est peut-être passé ». Il faut resituer les choses dans leur contexte, et Krugman ne pourra plus aller boire de la piquette de part le monde s’il s’évertue à jouer les cassandres.
Plus sérieusement, on s’achemine vers un scénario où une gigantesque bad bank va être créée, pour accumuler telle une décharge tous les actifs toxiques, et les institutions (financières ou non) collectionnées jusque-là par le Trésor ou la Fed. Apparemment, cet organisme sera distinct de ceux-ci, mais en réalité il ne pourra faire autrement qu’être financé par eux. Un beau jeu de dupes en somme… Mais le pire serait que cela n’arrive pas, et que l’on se prenne inutilement la tête pour des motifs de dette publique ou de création monétaire.
@TL
le problème, c’est que même s’ils s’en sortaient cette fois-ci, ils ne peuvent techniquement plus inventer autre chose de plus que le contournement de Bâle II par le sweep, ainsi que la titrisation à mort après la mise au tombeau du Glass-Steagall Act…
@François Leclerc :
Ahh, mais je suis tout à fait d’accord avec vous, et plus largement avec l’auteur de dedefensa quand il parle de virtualisme tellement les ressorts de la communication sont actuellement étirés. C’est juste que je ne voyais vraiment pas venir le coup de l’Inde comme « pays stable qui aspire à être conquis à 100% par le capitalisme et va relancer pour 20 ans la consommation mondiale » .
@Claude Animo :
Le problème de la Chine, c’est que rien qu’eux-même avaient établi que pour tenir le rythme des réformes, il leur fallait 8% de croissance. Ils en sont maintenant très loin…même s’il est vrai que la donne change si le yuan devient une monnaie de réserve.
@TL :
J’espère que vous avez tort…ça provoquerait des réactions sociales violentes, surtout quand les américains vont réaliser à quel point le plan Geithner (en combinaison avec le retour de la côte-au-modèle des actifs pourris) revient effectivement à tout faire financer par le contribuable sans rien changer du cadre ayant provoqué ce désastre. Le pire est que vous avez probablement raison, en tout cas en ce qui concerne l’Europe.
@ Moktarama
Quelle autre limite y a-t-il, à cette folie, que des réactions sociales violentes ?
(puisque politiquement, c’est le vide parfait)
On peut lire ici une discussion sur l’évolution de la crise et les retombées des initiatives de la Fed et du Trésor américain:
http://www.nybooks.com/articles/22756
Sur fond d’alerte à la baisse de la note de la dette britannique, et de rumeurs à propos de celle des « Traesuries », les obligations du Trésor américain, le marché obligataire de la dette d’Etat est suivi très attentivement. Il n’a pas été oublié que les gouvernements britannique et allemand ont dernièrement déjà subit l’affront d’une vente incomplète de leurs émission, et l’on se demande si les Etats-Unis pourraient prochainement également rencontrer une telle offense. Ce n’est pas encore le cas.
Deux remarques commencent à se répandre dans les commentaires. Premièrement, que le total estimé des émissions cumulées des Etats occidentaux dépasse les capacités d’achat du marché. On parle d’une demande de 6 mille milliards de dollars rien que pour cette année, dont le tiers rien que pour les Etats-Unis.
Deuxièmement, s’agissant des Etats-Unis, que les résultats de la politique d’achat par la Fed des Treasuries ne sont pas convaincants pour la suite des opérations. Celle-ci ne parvient plus à faire baisser les taux des obligations à long terme, comme initialement en mars dernier, afin d’inciter les investisseurs à se retourner vers l’économie, l’objectif revendiqué. Les taux longs montent désormais, au contraire.
On parle désormais du lancement d’un nouveau programme de mille milliards de dollars de facilités de crédit, alors que la Fed a déjà utilisé plus d’un tiers de son programme initial de 300 milliards de dollars consacré à la monétisation du déficit américain. (Chiffres extraits d’un article d’Ambrose Evans-Pritchard, dans le Telegraphe du 24 mai). Car s’il se confirme que l’achat massif des bons du Trésor par la Fed ne parvient plus à faire baisser les taux, il peut remplir un rôle encore plus essentiel, boucler le programme de financement du déficit américain, faute de mieux.
La dépendance des Etats-Unis vis-à-vis de leurs créditeurs prend de nouvelles proportions. Un gigantesque pari sur l’avenir est engagé, celui de la capacité qu’aura la Fed à retirer du marché les liquidités dont elle l’inonde, dans l’hypothèse, évidemment, d’une fin de récession.
Le plus dur de l’absorption de la crise est effectivement passé, mais les fondamentaux de l’économie vont continuer à baisser d’au moins encore 20% d’ici à fin 2009.
Pour 2010, la chute ralentira (-10%) environ et redémarrage lent à partir d’environ octobre.
Cela n’a rien d’étonnant, l’économie est en pleine purge de 20 ans d’excès, 3 ans de nettoyage c’est somme toute un délai raisonnable.
Savez-vous pourquoi l’économie va redémarrer ? C’est tout simple. Avez-vous déjà été pauvre ? Alors s’il vous est déjà au moins une fois dans la vie arrivé de compter tout votre patrimoine au fond de la poche du dernier vêtement qu’il vous restait, vous savez
que la rage de repartir est un puissant moteur. Vous savez aussi que lorsqu’on est vraiment pauvre et que l’on vient à disposer d’un peu plus d’argent que d’ordinaire on s’empresse de le dépenser vite pour combler son océan de frustrations et pour avoir
fut-ce un instant et sans doute à tort, l’impression d’exister comme tout le monde, de faire partie de la société.
@ EOMENOS
Oui, je sais ce qu’est être pauvre.
Et je vais vous dire une chose.
Quand on regagne de l’argent, on le garde ou on le transforme en bien utiles, tangibles et solides.
Ni spéculation, ni gaspillage, ni futilité.
C’est à dire qu’on évite soigneusement ce qui fait 80% de l’économie d’hier, celle de l’hyper-consommation.
@ TL
L’idée d’une « Bad Bank » en soi n’est peut-être pas si mauvaise, à condition qu’elle ne coûte pas un centime au contribuable. Car, en fait, le problème réside dans l’existence de tous ces produits dérivés issus de la titrisation effrénée qu’ont opérée les banques de par le monde (essentiellement occidental). Ces produits représentent principalement des promesses. Tant qu’un événement, prélablement défini, ne survient pas, le produit continue d’exister mais ne constitue pas un danger majeur. Dès que l’événement survient – ce que dans le jargon ils appellent un « credit event » – la promesse se matérialise.
Ces produits (promesses) sont détenus par d’autres banques, fonds spéculatifs et autres spéculateurs se croyant avisés. Si toutes ces gens étaient contraintes de se réunir afin d’épurer leurs créances réciproques à l’amiable, non seulement elles en seraient débarrassées, mais cela coûterait nettement moins cher à la société et serait supportable, au lieu de laisser tous ces spéculateurs régler à nos frais leurs mésaventures. Alors, si la Bad Bank mondiale visait cette réunion contraignante, supervisée et dirigée, par exemple, par la Banque des Règlements Internationaux, la plus compétente je crois en cette matière, j’applaudirais à tour de bras. Mais personne n’envisage cette solution d’une simplicité enfantine, quand bien même ces spéculateurs invétérés l’appliquent entre eux par rapport à leurs CDS (Credit Default Swap).
Pourquoi nos politicards ne prennent-ils aucune disposition allant dans ce sens et préfèrent-ils jongler avec nos contributions futures ? Cette incompétence-là m’indispose au plus haut degré, car je ne peux imaginer que nous soyons partout entourés d’une bande d’incompétents ou de court-termistes. A croire qu’ils visent tous un autre but, qu’il existerait un agenda caché.
Bonjour.
Avec nous sur ce site,il nous serait profitable ( quel mot exécrable !!! ) de pouvoir lire les vécus,les révoltes,mais aussi les idées de Gens dits « obscurs » ,du bas en haut de l’échelle sociale.
Sans eux, »nous ne pourrons rien faire » ou,à mon avis,n’avancer que trés lentement et,de plus et surtout,risquer de passer à côté d’éléments de réflexion essentiels.
Je viens » d’en bas », puis j’ai professionnellement vécu au sein d’un groupe de décideurs (sans argent : fonctionnaire ) et je dois dire que ,les fréquentant normalement, ceux du groupe auquel j’appartiens ( d’en bas donc ) ont beaucoup à dire sur nos sujets de l’heure.
Pour les voir,les entendre,il faut assez régulièrement fouiner sur des blogs comme ceux du Monde ,de Libé,et aller également voir des sites libres tels qu’Agoravox et bien d’autres « alter ».
Allons, allons, la reprise s’annonce :
Il n’y a pas de morale! Le monde de l’économie est vraiment injuste. Ecoutez: la plupart des indicateurs confirment que la récession a touché le fond et qu’on va assister à une reprise lors de la seconde partie de l’année. Ouf ! Mais ce n’est pas très sympa pour les moralistes qui comptaient sur une crise meurtrière pour forcer le capitalisme à se transformer en profondeur. Et non, la reprise vient déjà. On aura donc connu une récession très sévère, d’accord, mais courte, deux ans seulement. Rien à voir avec la crise de 1929 qui se prolongea jusqu’à la deuxième Guerre mondiale. Et le capitalisme n’aura pas besoin de se transformer beaucoup. Juste quelques couches de peinture, quelques régulations bancaires plus sévères, puisque c’est reparti…
La suite :
http://www.slate.fr/story/5669/la-reprise-confirm%C3%A9e-lente-injuste-economie
@ Nobby
Eric Le Boucher, ancien chroniqueur du Monde dans ses heures libérales, passé depuis aux Echos et à Slate.fr, essaye de ménager la carpe et le lapin, à lire le papier dont nous donnez le lien. Le tournant est dur, surtout quand on ne sait pas trop dans quel sens le prendre.
Lui qui s’était fait une spécialité des leçons de morale assénée aux débiles profonds que nous étions, à ne pas saisir les lois intangibles de l’économie qu’il maîtrisait parfaitement, trouve désormais le moyen de nous traiter de moraliste, suspects de nous délecter d’une crise dont il espère (secrètement, on ne sait jamais) qu’elle n’interviendra pas. Incorrigible, presque touchant.
[mode entracte]
Une réflexion de jardinier : « Avez-vous déjà remarqué que la misère pousse bien à côté de l’oseille ? D’ailleurs c’te mauvaise herbe, c’est pire que tout ! »
Un petit calcul astronomique : si j’en crois les chiffres donnés ci et là, la dette US cumulée (État + ménages) se monte à 53 mille milliards de dollars soit environ 40 mille milliards d’euros.
Converti en billets de 20€ en liasses empilées on dépasse allègrement l’orbite géostationnaire (36000 km) pour arriver pratiquement à mi chemin Terre Lune (360000 km) soit 168000 km. Plus drôle, en pièces de 1€ empilées (épaisseur 2,33mm) on se rapproche de Mars ou de Venus et parcourons ainsi environ 17 millions de km soit pratiquement un minute à la vitesse de la lumière…
Plus drôle encore (enfin presque…) cent smicards gagnant 1000€ par mois devraient travailler… 33 millions d’années ! Yves Coppens a du boulot devant lui pour nous trouver ne serait-ce qu’un lointain hominidé de cet âge là ! (Lucy aurait un peu plus de 3 millions d’années).
[/mode entracte]
plan Marshall pour les USA
http://horizons.typepad.fr/accueil/2008/10/la-sortie-de-cr.html
« […]
Enfin, la palme du pessimiste est revenue à Emmanuel Todd, pour qui l’effondrement probable de l’économie mondiale, que ne parviendront pas à empêcher des dirigeants américains européens et américains incapables, aura aussi des conséquences sur le plan politique : la fin de la démocratie et l’avènement de nouvelles formes de dictature. Thèmes qu’il développera dans son prochain essai à paraître à la fin du mois.
Nous allons entrer dans une période de vide conceptuel abyssal. Les gouvernements vont se réfugier dans la communication, pour dire n’importe quoi, dans tous les sens. Leurs actions se limiteront à des actions ponctuelles, sans logique d’ensemble, pour donner l’illusion d’un pouvoir qu’ils n’ont plus. Ce contexte ouvrira la porte à des solutions autoritaires, dont on peut d’ailleurs déjà déceler des tentations aujourd’hui, à droite comme à gauche. Si le suffrage universel est devenu inopérant, à quoi bon en effet en maintenir l’illusion…
Le pessimisme de Todd s’appuie sur le diagnostic d’une crise morale profonde liée à une exacerbation de l’individualisme. La société est désormais atomisée en une somme d’individus qui ne sont plus motivés que par leur propre narcissisme. Les esprits ayant été lessivés par trois décennie de néolibéralisme, nos sociétés semblent aujourd’hui définitivement incapables de « penser collectif » La solution globale à la crise risque donc de ne pas pouvoir se matérialiser. Il ne faut en tout cas pas compter sur l’équipe de dirigeants européens actuellement aux responsabilités, ni pour l’imaginer, ni pour la mettre en œuvre. Ni Merkel, ni Brown, ni Berlusconi, a fortiori Sarkozy ne sont à la hauteur de l’enjeu historique.
Todd2 Cette solution globale qu’elle serait-elle ? Pour Emmanuel Todd, il faut commencer par constituer un pôle de stabilité dans l’économie mondiale, autour d’une alliance stratégique entre l’Europe et la Russie, les deux seules sphères capables de s’extraire des désordres mondiaux. L’Europe équilibre globalement ses échanges avec le monde. La Russie est structurellement exédentaire. Un protectionnisme coopératif de relance à cette échelle doit permettre de relancer la machine économique, pour ensuite aider la « chinamérique » à atterrir en douceur et à de défaire progressivement de leur dépendance mutuelle. La Chine et les Etats-Unis devront reconvertir leur économie vers un mode de développement endogène. La Chine développer sa demande intérieure et les Etats-Unis rebâtir un appareil productif. Il faudra continuer à abreuver les américains en argent frais, mais cette fois, sans feindre de croire qu’il s’agit d’investissements productifs.
Et Emmanuel Todd de conclure en appelant à un Plan Marshall pour la reconstruction des Etats-Unis ! »
(article février 2008)
Joaquin Almunia, le commissaire européen aux Affaires économiques, vient d’estimer à Madrid que « la confiance est en train de commencer à revenir », ajoutant qu’il fallait « terminer de résoudre les problèmes dont souffre le système financier pour que le crédit afflue dans l’économie ». Il a ajouté qu’il en voyait « certains prémices » en Chine et aux Etats-Unis, sans plus de précision, et qu’il ne fallait pas compromettre la sortie de crise. De l’art de parler…
@François Leclerc : « De l’art de parler… »
C’est la même phrase qui revient à chaque fois dans toutes les bouches. Ils se seraient mis d’accord sur ce qu’il fallait dire que ça n’aurait pas été plus synchro.
« de nombreuses mesures engagées par la Fed devraient en réalité être à la charge du Trésor, laissant entendre qu’il préférerait voir la dette de l’Etat augmenter que le bilan de la banque centrale enfler. »
La FED étant un syndic de banques privées elle « préfèrerait » naturellement transférer ses déficits et autres « bailouts » aux contribuables du « trésor public » … et payer le monde en papier-dollar comme autant de subprimes.
A propos .: « Russia Dumps the U.S. Dollar for Euro as Reserve Currency – Pravda »
http://www.marketoracle.co.uk/Article10755.html
Dutronc chantait ..
« L’opportuniste (Vous les reconnaissez ? )
Je suis pour le communisme Je suis pour le socialisme
Et pour le capitalisme Parce que je suis opportuniste
Il y en a qui contestent Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu’un seul geste Je retourne ma veste, je retourne ma veste
Toujours du bon côté
Je n’ai pas peur des profiteurs Ni même des agitateurs
J’fais confiance aux électeurs Et j’en profite pour faire mon beurre
Il y en a qui contestent Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu’un seul geste Je retourne ma veste, je retourne ma veste
Toujours du bon côté
Je suis de tous les partis Je suis de toutes les patries
Je suis de toutes les coteries Je suis le roi des convertis
Il y en a qui contestent Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu’un seul geste Je retourne ma veste, je retourne ma veste
Toujours du bon côté
Je crie vive la révolution Je crie vive les institutions
Je crie vive les manifestations Je crie vive la collaboration
Non jamais je ne conteste Ni revendique ni ne proteste
Je ne sais faire qu’un seul geste Celui de retourner ma veste, de retourner ma veste
Toujours du bon côté
Je l’ai tellement retournée Qu’ell’ craque de tous côtés A la prochaine révolution Je retourn’ mon pantalon Jacques Dutronc »
http://www.lepost.fr/article/2009/05/23/1547857_dutronc-moi-je-retourne-ma-veste-toujours-du-bon-cote.html
@ EOMENOS
et les autres.
Nous savons que l’economie reste une science molle meme si certains tentent de la legitimer en science dure en la mathematisant. Les parametres humains – emotionnels, psychologiques etc – y jouent un role preponderant, souvent imprevisible et difficilement quantifiable.
On evoque bq cette crise par l’analyse rationnelle des statistiques, de divers indicateurs. C’est indispensable et je lis les apports de chacun d’entre nous avec un vif interet.
Je vous soumet cette question pour avoir votre avis et votre perception :
COMMENT, ACTUELLEMENT, LES PERSONNES DE VOTRE ENTOURAGE EVOQUENT-ELLES LA CRISE ?
Pour ma part, je constate depuis quelques temps, 2 mois environ, une propension – chez mes collegues, amis, famille – à ne plus vouloir parler de la crise, à eviter le sujet ou tres vite l’abandonner quand il est abordé.
J’en ai eu un choc samedi soir, lors d’un diner avec des ami(e)s, travaillant dans le milieu politique, quand ceux-ci m’ont dit, alors que j’evoquais la gravité de la situation economique et que je pensais pouvoir echanger avec eux, qu’ils ne voulaient plus parler de la crise.
Je fais partie de la CSP de classe moyenne, je cotoie des personnes de differentes CSP dont peu , pour l’instant, subissent la crise et je constate la mise en oeuvre d’une sorte d’une sorte de « déni » collectif trans- categories-sociaux professionnelles.
Quel est votre constat, il m’interesse grandement.
Au moins, je sais que sur ce blog , on peut en parler .
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