Comment la vérité et la réalité furent inventées : 4e de couverture

Certains des commentaires à mon billet Aristote et nous font apparaître un personnage bien étrange – qui ne laisse apparemment pas indifférent – mais sans rapport aucun avec le philosophe du même nom dont je parle dans Comment la vérité et la réalité furent inventées, mon ouvrage à paraître. En espérant que ce qui suit permette de clarifier un peu les choses : le projet de quatrième de couverture.

Quelles notions nous sont-elles plus évidentes que la vérité et la réalité ? La vérité évoque les choses qui sont vraies tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe.

Et pourtant, ces notions sont absentes de la culture Extrême-orientale classique, et elles sont récentes dans la nôtre. Leur histoire est bien documentée, ayant donné lieu à de nombreuses querelles. La vérité telle que nous l’entendons est née en Grèce antique et fit ses débuts comme argument polémique. Ce sont Platon et Aristote qui la firent émerger dans la bataille qu’ils menèrent conjointement contre les sophistes. La réalité (objective) est elle fille de la vérité aristotélicienne mais résulte sous sa forme moderne d’un coup de force pythagoricien opéré à la Renaissance par les jeunes Turcs de l’astronomie moderne naissante, lassés des interférences de l’Église dans la construction du savoir.

L’émergence de la vérité et de la réalité n’aurait pas été possible sans une particularité de la langue : la possibilité de rassembler deux idées, non seulement pour établir une certaine identité entre elles, mais aussi pour suggérer un rapport antisymétrique entre elles, comme l’inclusion de l’une dans l’autre ou le fait que l’une soit la cause de l’autre. Ce que produit une langue privée de cette relation antisymétrique, s’observe dans ces faits de « mentalité primitive » qui étonnèrent longtemps les anthropologues, comme quand les Nuer affirment que « les jumeaux sont des oiseaux ».

Le coup de force pythagoricien de la Renaissance supposait une assimilation de deux univers : le monde tel qu’il est en soi (par-delà les illusions « phénoménales ») et celui des objets mathématiques dont nous avons fait la méthode privilégiée de nos théories scientifiques visant à le représenter. Il en résulta une confusion dont la physique contemporaine est aujourd’hui la victime : la modélisation mathématique du monde suggère en retour de lui attribuer des propriétés qui ne sont rien d’autre que les particularités des nombres livrés à eux-mêmes. Les anomalies créées par ces artefacts font que les modèles en engendrent désormais d’autres sans retenue, chacun s’éloignant davantage du monde en soi dont il s’agissait pourtant de rendre compte le mieux possible.

L’œuvre d’Aristote constitua un sommet dans la pensée. L’enthousiasme brouillon des savants nous fit nous en écarter. Les rendements décroissants de leurs théories nous obligent aujourd’hui à débarrasser l’entreprise de construction de la connaissance du mysticisme mathématique dont ils avaient fait leur principale arme de guerre dans le combat qu’ils menèrent victorieusement contre l’Église. Un exemple de la tâche à entreprendre est offert par une analyse, à la lumière de l’analytique aristotélicienne, de la démonstration par Kurt Gödel de son théorème d’incomplétude de l’arithmétique : les a priori mystiques en sont soulignés ainsi que le caractère hétéroclite des types de preuve mobilisés, dont certains seraient considérés par Aristote comme tout juste passables dans le contexte de la conversation courante.

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98 réponses à “Comment la vérité et la réalité furent inventées : 4e de couverture”

  1. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène : et si on prenait un exemple concret et simple ? Supposons le cas du pervers masculin qui éprouve le besoin irrépressible d’exhiber son intimité en public, classiquement devant une jeune fille. C’est une transgression caractérisée, quelque chose de très simple sur le plan logique.

    La théorie va-t-elle étudier ce symptôme sur les 4 plans, (en considérant que chacun participe), ou considérer qu’il ne se manifeste que sur un seul, (celui de la norme, je présume), mais qui aurait son pendant sur les autres plans ?

  2. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    Sur ton premier § ….

    Le but de ces codes est de tester, mettre en évidence, le sens de la liberté des personnes, celà suppose donc qu’elles soient effectivement libres, sinon, ce n’est pas leur sens de la liberté que je testerais mais leur soumission! (donc celle à un ordre nazi par exemple; tu vois donc bien que çà n’a rien à voir et que ce n’est donc pas si simple à concevoir). Dans notre esprit la morale est sans sanction ni obligation c’est peut être plus clair comme çà.

    Le recours aux pathologies permet de tester les hypothèses, les gens sains se débrouillent au mieux entre névroses et psychopathies, sans excès ni absence de honte et/ou de culpabilité (suivant les circonstances qui peuvent les déclencher).

    Concernant les névroses et la foule des symptômes possibles alors que l’hypothèse est qu’il n’y a que quatre syndromes de base: effectivement, ils affectent aussi bien le langage ( la prise de parole par exemple, aussi bien que des contenus (mots tabous) ou des thèmes que ces personnes s’interdiront d’aborder sans même s’en rendre compte); que l’usages d’outils de produits etc; ou de rencontres. Phinéas Gage au contraire avec son lobe frontal en moins n’avait littéralement plus d’autolimitation du tout sur les trois plans que j’ai incidemment balayé: vocabulaire de chartier, fréquentation douteuses et risquées, concernant les rapports à l’outil je n’ai plus le cas complètement en tête pour te l’exemplifier mais ce serait facile à retrouver. Bon, tu vois bien qu’il y a quant à l’explication possible une sacrée différence entre un aphasique qui ne parle plus (difficile à tester celui là!) et un névrosé silencieux au contraire de la logorrhée psychopatique.

  3. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène: ok, merci, je commence à saisir le schéma. J’avais besoin de ces précisions car je ne voyais pas comment l’excès de refoulement pouvait se manifester au niveau du langage. Et le cas de Phinéas Gage, avec son vocabulaire de chartier et ses fréquentations douteuses, montre bien un même défaut de contrôle sur 2 plans différents, la norme et le langage.

  4. Avatar de Sylvie
    Sylvie

    La philosophie est la science de la pensée. La science étant une pensée particulière, elle fait partie de la philosophie.

    La pensée a trois aspects :

    1. l’intellect : élabore la notion, obtenue par abstraction des données sensibles, et effectue des opérations
    avec les notions (définitions, classifications, divisions)
    2. la raison : élabore le jugement (énonciations affirmatives/négatives, universels/particuliers,
    vrais/faux) et le raisonnement (inférences déductives/inductives, argumentations, rejets et
    démonstrations)
    3. la spéculation : élabore des catégories philosophiques (la pensée se pense elle-même), ex : Transcendance, Existence, Etre, Réalité

    La catégorie  » Réalité » inclut : la vérité, le bien, le beau, la justice et la liberté (qui sont développés parla philosophie de la science, la philosophie de l’art, la philosophie de la morale, la philosophie du droit et la philosophie politique )

    A ces trois aspects de la pensée correspondent trois logiques :

    – opérative
    – formelle
    – spéculative

    Aristote s’est arrêté aux deux premières, sur lesquelles il a posé les fondements des sciences.
    Il ne soupconnait pas la spéculation, il n’a donc pas inventé la réalité et la vérité.

    Kant est celui qui ouvre la perspective de la spéculation, continuée par Hegel.

    Actuellement, les trois logiques se livrent la bataille, alors qu’elles sont toutes trois nécessaires
    et le défi de la pensée est d’élaborer une logique qui les intègre.

    A la Renaissance, en réaction à la logique scolastique ankylosante, qui déduisait la vérité de principes
    non-démontrables, la logique opérative a été appliquée (par les jeunes Turques) à la logique formelle,
    ce qui a donné la logique mathématique ou logique symbolique, qui a eu de vastes applications scientifiques
    et techniques.

    Les dérives de la financiarisation ne peuvent pas être imputées au « coup de force pythagoricien de la Renaissance »,
    ni à l’incomplétude de l’arithmétique mais à la défaillance de pensée de la justice, qui a cédé le pas à la pensée de la liberté.
    Le remède est l’élaboration d’un équilibre entre ces deux dernières.

  5. Avatar de John Bragin

    The concepts of truth and reality are fundamental to the esoteric teachings of advaita vedanta, the non-dual philosophy of the ancient HIndu rishis. Any page of the Upanishads and the Bhagavad Gita is replete with these concepts. Perhaps this is best summed up in the saying from Shankaracharya: « Brahman eva, jagat mithya, jagat Brahman », « Brahman alone is real, the world is mere appearance, the world is Brahman ». Brahman is the fundamental Reality, the One without a second, out of which all appearance is merely an arising, and that arising is no different from Brahman itself. In addition, the rishis and many of their spiritual heirs analyzed in depth the character and moods of this arising in the human being and the states of existence and their layers of which the human is composed and which must be understood in their particularities in any individual, if he or she is to attain moksha (liberation). I recommend a thorough reading of at least the Upanishads, the Bhavagad Gita, and Patanjali’s yoga sutras before pronouncing on the philosophy and practice of this part of Eastern thought.

  6. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    Suite à la disparition de son lobe frontal, Phinéas Gage présente des troubles DU vouloir qui se manifestent DANS le dire le faire et l’être; soit un trouble d’acculturation du pulsionnel qui se manifestera dans sa réserve – son absence de réserve – vis à vis du langage, de l’art de s’y prendre pour faire, et sa socialité. Le trouble est dans une des rationalités et se manifeste dans les autres

  7. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Sylvie: intéressant votre post, mais où, quand, comment la pensée de la liberté a-t-elle pris le pas sur celle de la justice ??? Quant au remède… Comment redonner sa place à la justice dans ce monde devenu si complexe et, sur tous les plans, inter-connecté ?

  8. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène : « le trouble est dans une des rationalités et se manifeste dans les autres » : merci pour cette précision qui répond à l’une de mes interrogations. Les 4 plans de la théorie de la médiation appelant irrésistiblement à faire la comparaison avec les 4 axes d’un espace-temps, je me demandais si la théorie prévoyait que « le trouble » est, à l’origine, dans une sorte d’espace (confus) de la raison, pour se manifester ensuite par projection sur les plans.

    Cette réponse appelle une autre question : que dit la théorie des psychothérapies comportementalistes ? Il me semble qu’en se focalisant sur la disparition de symptômes, elles ne peuvent qu’en renforcer ou faire apparaître d’autres. C’est le cas ?

  9. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    les 4 plans de rationalités sont en théorie isolables parce que ce sont les pathologies de culture qui ont imposé à Gagnepain et son équipe de les concevoir comme çà, ils n’ont donc du coup aucune priorité les uns par rapports aux autres car tous également nécessaires pour rendre compte de ce que nous sommes. Juste une petite différence pour les enfants avant la puberté de ne pas encore avoir émergé à la personne alors que dès deux ans le langage est structuralement en place, l’art de s’y prendre aussi (même maladroit, relativement à l’adulte….mais ni plus ni moins que pour la faiblesse du lexique antérieur), comme la faculté de s’autolimiter (combien même ne porte t-elle que sur les bonbons les gâteaux ou le chocolat).

    La question des thérapies n’est pas notre priorité. Concernant les aphasiques, jeunes beaucoup récupèrent, le cerveau se reconstruit tout seul et l’on serait bien en peine de comprendre à quoi çà tient. Vu les quantités astronomiques de neurones et de synapses concernées, qui meurent et sont remplacées mêmes chez les individus sains: mystère et boule de gomme! je te laisse transposer aux questions de comportements.

    Concernant les psychothérapies comportementalistes, je vais te répondre par une histoire: celle du chien de mon ex belle-mère (histoire vraie je te précise). Habitant à proximité d’une forêt, les deux avaient l’habitude de s’y ballader tous les jours, mais une route passagère sépare toujours l’habitation du lieu bien commode et agréable de promenade. Il fallait donc impérativement que le chien soit attaché ou « au pied » pour ne pas devenir chauffeur. Le chien, un peu cabot et à tendance dominatrice, prenait progressivement l’habitude de flaner mettant du coup la belle mère sur les nerfs au point que, croyant bien faire, le chien se prenait une rouste avant de se faire mettre la laisse. Que crois-tu qu’il advint? la belle était dans l’incapacité absolue de récupérer son clébard! qui n’en faisait plus qu’à sa tête avec tous les risques induits. J’ai repris les choses en main par le jeu, faisant approcher progressivement le chien de là où il devait impérativement être attaché pour traverser en sécurité. Bref, j’ai réussi à reformater le chien pour que les ballades ne soient plus un enfer pour ce duo de choc, mais…. je n’ai pas réussi à redresser la belle mère.

    Psychothérapie comportementaliste= éthologie; mais… je veux bien croire que

    çà marche pour certains vu que la pub marche aussi pour beaucoup

    dans la stimulation de nos pulsions d’achat. De là à ce que le « çà marche » permette d’expliquer qq chose, je n’en franchis pas le pas et te renvoie à la distinction que je suis qd même – avec le respect que l’on doit aux être humains dont ma belle mère – obligé de faire avec ces deux là qui ont fait parti de ma vie qd même un bon paquet d’années! Waf!

  10. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    Dit autrement et en condensé: on ne sait pas comment agir sur des structures formelles, qui ont qd ^m bien un conditionnement neurologique et cortical. A la différence de PJ nous supposons qu’il y a rupture, saut de rationnalité des particules élementaires au vivant et du vivant à l’humain; là où il envisage une continuité nous voyons des rapports d’emboitement: l’humain inclut le vivant qui inclut les particules. Avant de nous intéresser au gaps donc aux ponts, il nous parait pour l’instant (quelques siècles?) préférable que chacun explore à fond l’un ou l’autre de ces trois champs et peut être un jour finira t-on par comprendre ce qui les relie et comment. En attendant, tu peux aller sur la lune ou en vacances, la réalité que tu découvriras sera toujours dépendante d’un cerveau et de ses facultés que tu emmmènes avec toi, je veux dire que même avec la science, et du fait que le concept soit aussi inclut dans une théorie qui réorganise tout le champs des sciences, nous ne découvrons que nous mêmes.
    Alors, qu’en est-il de nos facultés?
    Pour l’instant la tdm (théorie de la médiation) me parait la plus aboutie et la plus cohérente, jusqu’au jour ou d’autres en montrant ce qui est faux la boulverseront de fond en comble. (pour info cette anthropologie clinique dite aussi anthropobiologie devient aussi par lecture inverse des rationnalités et par une approche plus mythique – dit comme çà pour aller très vite – une anthropothéologie qui devrait bien sûr envoyer les théologiens au charbon … comme leur permettre de discuter entre eux … ce qui explique aussi le titre que marcel Gauchet avait donné au dossier consacré à la tdm http://gauchet.blogspot.com/2006/06/la-mdiation-en-dbat.html : « une nouvelle théorie de l’esprit: la médiation »

  11. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    Ta Q 26/05 21:11 à la quelle je n’avais pas répondu:

    exhibitionnistes-voyeurs? pathologie du rapport à l’autre dans l’acculturation de la sexualité (différent de la génitalité), mais se répercutant dans la satifaction du désir, ici sexuel. Il ne faut donc pas se laisser intoxiquer par ce qui est en l’occurence le plus visible mais dans ce type de pathologie d’abord observer en quoi c’est l’ensemble des rapports à l’autre qui est pathologique sous la forme d’une indistinction de la propriété, de l’intimité de l’autre …

  12. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Sylvie,

    Si la philosophie est la science de la pensée, elle doit pouvoir expliquer comment pensent les quatre formes d’aphasie: aphasies phonologiques de Wernicke et de Broca, aphasies sémiologiques de Wernicke et de Broca, donc être en situation de prédire les fautes structuralement repérables qu’ils font quelles que soient la langue qu’ils utilisent!
    Non?
    Ou alors c’est pas une science!

    Lorsque tu m’auras trouvé la philosophie du langage qui permet ce petit tour de force permettant au passage de mieux percevoir comment pensent les individus sains, tu verras que c’est la philosophie elle-même qui a pris un coup de vieux ( comme les catégories du Vrai du Beau et du Bien) en venant chasser sur le domaine des sciences. (le Beau par exemple est esthétique touchant directement de l’intérieur et chacuns en lui-même sans en passer par les autres, aussi bien le langage à travers la poésie, que l’art dans la plastique des produits, comme « l’art de faire la fête » socialement, ou encore la morale du geste pour le geste (héroïque) par exemple en sauvant quelqu’un de la noyade sans réfléchir une seule seconde ET sans en attendre de récompense quelconque … même ds l’au-delà puisqu’il est déjà là pour les croyants! [les vrais]).

    La remarque concernant le langage et ses pathologies de culture (aphasies) vaut également pour l’art de s’y prendre (et les atechnies), comme pour les troubles de la socialité (perversions et psychoses) ou les troubles de la légitimation des désirs (névroses et psychopathies). Exit donc aussi la philosophie de l’art, la philosophie politique, comme la philosophie morale-du droit. Sur le dernier domaine qui me parait au coeur de nos problèmes en ce début de XXI, j’ai plongé (sans me noyer et yavait personne à sauver non plus) ds le « dictionnaire d’éthique et de philosophie morale » de Monique C-S pour voir s’il y avait quelque chose à glaner d’opératoire … autant prendre la Bible et s’interroger sur la façon dont Salomon parvient à son fameux jugement !

    Qu’est ce qui reste de tes découpages conceptuels?

  13. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ sylvie,

    Pour info concernant Salomon, son trait de génie consiste à déclencher la réaction des femmes: l’une le fait sur le mode perdant-perdant de même nature utilitariste que le gagnant-gagnant cher à notre civilisation qui se fracasse contre le mur des impossibilités, l’autre une réaction morale. Il peut donc, comme il n’y a qu’une alternative possible, effectivement trancher devant l’amoralité spontanée de l’une effectivement plus susceptible que l’autre de vol d’enfant puis de mensonge effronté, mais pas l’enfant!

    Dommage qu’on ne puisse transposer aussi facilement aux grands usurpateurs de la finance!

    ceci dit l’affaire »salomon » représente un exemple où tes deux concepts de justice et de liberté sont à l’oeuvre, je dirais que la justice ici c’était « chacun le sien », comme tu vois que l’une n’est pas libre de vouloir absolument UN enfant quelle qu’en soit la manière, alors que ce n’est pas SON enfant, comme d’autres ne peuvent s’empêcher de boire d’autres encore de parier-spéculer.

  14. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène, notre génie de la TDM : « exhibitionnistes-voyeurs? (…) pathologique sous la forme d’une indistinction de la propriété, de l’intimité de l’autre … »
    Jamais je n’aurais oser imaginer une telle interprétation d’un geste où je ne voyais, comme tout le monde, qu’une « transgression », un mot prêt-à-porter. Ton interprétation me suggère que l’exhibitionniste (de mon exemple) utilise sa propre intimité pour violer celle de l’autre. Ce cas me semble en effet différent de celui de Phinéas Gage qui ne cherche pas à transgresser me semble-t-il. S’il transgresse, c’est par inadvertance, parce qu’il s’en fiche du fait qu’il ne maîtrise pas ses pulsions. Tandis que l’exhibitionniste a « besoin » de transgresser, ou de croire qu’il y parvient, sans cela il ne chercherait pas à s’exhiber. C’est du moins ainsi que je le vois.

  15. Avatar de Paul Jorion

    @ Eugene

    Si la philosophie est la science de la pensée, elle doit pouvoir expliquer comment pensent les quatre formes d’aphasie: aphasies phonologiques de Wernicke et de Broca, aphasies sémiologiques de Wernicke et de Broca, donc être en situation de prédire les fautes structuralement repérables qu’ils font quelles que soient la langue qu’ils utilisent !

    J’ai fait cela dans mon livre Principes des systèmes intelligents (Masson 1990). Pour cause de déménagement, je ne peux vous dire en ce moment à quelles pages. L’un des buts de ce livre était précisément d’expliquer des pathologies de ce type.

    J’ai dirigé (avec Jan Kordys) un séminaire consacré à ces questions à la Maison des Sciences de l’Homme à Paris de 1990 à 1996.

  16. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Paul Jorion,

    Intéressant effectivement, j’irai voir çà et merci du rappel

  17. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    l’exhibitionniste a d’abord un pb de frontière formel « lui-l’autre » acculturant d’abord la différence sexuelle naturelle, mais se répercutant dans tout ce qui fait la relation sociale effective, ce qui veut paradoxalement dire qu’il puisse se sentir coupable mais sans pouvoir éviter le geste donc sans pouvoir éviter la culpabilité qui s’en suivra et qu’il assumera; à l’inverse d’un psychopathe qui lui ne ressent la culpabilité qu’abstraitement, comme certains la brame ds un tribunal sur les conseils de leurs avocats ds l’objectif évident d’atténuer la peine. Pour schématiser l’un ne reconnaitrait pas de responsabilité mais sa culpabilité, l’autre sa responsabilité mais sans culpabilité; bref l’un irresponsable coupable, l’autre responsable non coupable. Pour le redire autrement l’un ne « capte » pas qu’il puisse y avoir frontière donc infracte sans même s’en apercevoir mais ressent qu’il trangresse qq chose donc n’ira que rarement jusqu’au viol, l’autre respecte les lois, d’abord de sa bande, sans se reconnaitre moralement transgressif, sa morale c’est: ‘pas vu pas pris’ (donc pourrait très bien violer et zigouiller- cramer sa victime pour faire disparaitre les traces)

    Bon, pas simple de s’y retrouver et pourtant il y a, dans le principe, autant de différence qu’entre causer ou utiliser spontanément notre environnement appareillé!

  18. Avatar de Eugène
    Eugène

    Crapaud Rouge,

    Cool sur le génie qd même, je te rappelle que je ne suis comme beaucoup qu’ un amateur ou un utilisateur des théories des autres…

  19. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène : excellent ! Pour mettre les point sur les i, il faudrait dire que cette « frontière formel “lui-l’autre” » existe, je présume, sur plusieurs plans. L’exhibitionniste la transgresse sans s’en rendre compte sur le plan ethnique, mais aussi sur le plan éthique, ce qui le culpabilise. A l’inverse, le psychopathe a bien conscience de la transgresser sur le plan ethnique, mais il s’en fout, (et y trouve même du plaisir), parce que, sur le plan éthique, il ne se rend compte de rien. C’est la super-symétrie !

  20. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    C’est presque çà. Il y a dans la théorie un jeu analogue formel sur chacun des 4 plans (dire, faire, être, vouloir) composé de deux faces chacune bi-axiale (qualitative et quantitative). Mais ce jeu quadristructural dont notre cerveau assure le fonctionnement ne tient pas en l’air, il est l’ »opérateur » dialectique sur chaque plan entre une fonction naturelle partagée avec les vertébrés, et ce qui nous devient ainsi culturellement observable par contradiction du naturel et du formel.

    le langage par exemple, s’étaie sur la fonction de représentation, s’analyse formellement en nous et par contradiction du naturel et du formel devient concept. Ya plus de point fixe nulle part. La dialectique roule en permanence. Mais, pris sous l’angle sociologique, l’instance ethnique vient jouer par le phénomène appropriation, et du coup le langage devient UNE langue càd la répercussion de la dialectique sociologique sur le langage explicité lui par la rationalité glossologique (explicative des aphasies. C’était ma distinction DU/DANS. Aphasie= pb DU langage s’exprimant DANS de la langue). ya le même pb avec l’instance éthique qui va filtrer ce qu’on s’autorise et dire; et encore avec l’instance technique qui nous permettra d’ écrire sous une forme ou une autre et pas seulement par les façons occidentales contemporaines…

    Toutes nos facultés sont ainsi « rétrocontrôlées » les unes par les autres! le truc que n’explique pas le mot rétrocontrôle et qui pourrait t’induire en erreur, c’est qu’en fait les quatre instances fonctionnent en simultané, comme les opérations formelles dans chaque instance d’ailleurs. Bref, la « machine cerveau » est sans doute pour longtemps inimitable par le nombre de neurone comme de connexions mais peut être surtout pas son remodelage permanent accompagnant la mort-remplacement-recréation de « composants ».(ex: cerveau de quelqu’un qui n’a jamais fait de piano puis quelques années plus tard…)

    Qu’est ce que ton exhibitionniste a perdu? le critère qualitatif d’analyse ontologique « ego-alter ego » (alius-ego devrait on d’ailleurs dire pour être plus cohérent avec le latin!) au sein de l’instance ethnique globale, et çà seulement.

    Qu’avait perdu P. Gage? Vraisemblablement la totalité de l’instance éthique, et n’avait donc plus aucune idée de ce qu’il pouvait s’autoriser ou non à dire, faire ou fréquenter.

    super-symétrie? pas tout à fait donc.
    Infraction? question sociologique.
    Transgression? question axiologique, éthico-morale si tu préfères,mais il faut alors que je reprécise qu’éthique épistémologiquement pour nous est le concept désignant l’instance formelle et çà seulement alors que chez les philosophes c’est plutôt ce qu’on appelle nous codification càd interférence du sociologique et de l’axiologique; la morale reste bien elle une « affaire privée », mais pour nous comme le fruit de la dialectique dont l’instance échappe à quelque contrôle que ce soit, soit une façon de tenir compte de la découverte freudienne et plutôt quatre fois qu’une.

    J’anticipe sur une question: le pb de civilisation auquel on est confronté ? Cà consiste juste à concevoir des codes suffisament bien foutus (permettant d’y reconnaitre le jeu des ‘critères’ de l’instance éthique formelle) combien même les détails pratiques resteraient discutables démocratiquement hic et nunc mais pas le jeu des rapports formels implicites, donc, dont l’ensemble permettait de reconnaitre aussi facilement les psychopathes sans limites dans leurs codes (les codes de leur société – bien que ce ne soit que l’instance éthique qui soit partiellement touchée), comme il est possible de voir évoluer les aphasiques dans leur langue bien que ce ne soit que l’instance logique qui soit touchée.
    La question est-elle aussi plus ou moins religieuse comme le suggère Sylvie pour remplacer la morale catholique construite en 20 siècles? ce sera juste une question de réinterprétation de ces mêmes codes dont tu vois la rigidité structurale nécessaire pour atteindre l’idéal, mais la souplesse d’application politique… sans parler des effets, mais çà c’est encore autre chose. Bref un sacré programme de travail….pour lequel çà urge parait-il? Ah bon?

  21. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Sylvie, à propos de la philosophie comme science de la pensée : Un jour, la mère de deux fausses jumelles m’apprit que l’une se destinait à la philosophie, l’autre à l’armée. Tout semblait donc les opposer, mais pas pour moi : je lui ai répliqué que la philosophie c’était la discipline de l’esprit, et l’armée : l’esprit de discipline.

  22. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène: je te remercie pour tes longues explications, c’est très sympa de ta part, mais elles sont trop éloignées de ma maigre culture pour que je puisse vraiment les apprécier. Je suis avant tout un pragmatique, j’adore les théories mais en partant du concret. En prenant le cas simple de l’exhibitionniste, je cherchais seulement à savoir comment les 4 plans s’articulent de façon plus précise, au-delà des généralités. Par exemple, (et puisque tu m’as rappelé la dualité exhibitionniste/voyeur), qu’en est-il du voyeur derrière son trou de serrure ? Tous les voyeurs ne sont pas comme ça, j’imagine, alors pourquoi certains ont-ils besoin d’un « trou de serrure » comme si c’était un instrument ? J’aimerais avoir « tout le tableau » d’un tel voyeur, cad connaître tous les aspects de son étrange et mystérieux comportement, et comment ces aspects s’articulent. Il en va de la limite ego/alter-ego sur le plan de l’être, certes, mais aussi de la vision, du vêtement qui cache l’intimité selon les règles sociales en vigueur, du voyeur lui-même qui n’est pas vu, (alors que l’exhibitionniste veut être vu), etc… Il est probable que personne ne s’est jamais amusé à faire ce tableau-là, car il ne présente d’intérêt que pour le novice, mais bon, c’est ce qui m’intéresserait.

    Rapport à la civilisation, ce qui semble t’intéresser bien davantage, l’un des aspects de la question est celui de la volonté : je me demande si elle n’est pas un peu malade par excès de volonté. Ce sont les derniers articles de Mona Cholet sur le Diplo, (http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?s=mona+cholet) qui m’ont inspiré cette question. Le culte de la performance, comme on le trouve chez l’Oréal entre autres, suppose en effet que l’on soit en posture de vouloir, à tous moments et à tous propos, comme si rien d’autre ne comptait. Sûr que, dans ces conditions, les petits névrosés abouliques sont perdants.

  23. Avatar de babelouest

    La difficulté tient peut-être à ce qu’entre le faux, et le vrai, subsiste toujours un nombre indéterminé de situations intermédiaires. La réalité se situe le plus souvent dans cet intermédiaire, d’où une modélisation mathématique souvent maladroite pour tenter de coller avec cette réalité.

    Allez donc modéliser le vent qui souffle à un certain point, à un moment donné, en tenant compte de tous ses éléments. Cela paraît simple, mais même cela aura du mal à être appréhendé dans sa totalité. Quand il s’agit d’événements plus complexes, cela devient impossible.

  24. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Eugène (suite) : j’avais encore une question : la TDM s’interroge-t-elle sur le langage en tant que moyen de modélisation ?
    Lacan a dit que « l’inconscient est structuré comme un langage », mais ne serait-ce pas plutôt par le langage ? Non par le langage tel qu’il se manifeste, évidemment, mais par le langage en tant que moyen à l’origine de ses manifestations. Je dois dire que je n’ai pas la moindre estime pour la psychanalyse, tant freudienne que lacanienne, car leur sophistication ne semble servir qu’à sauver des concepts fondamentaux erronés, en particulier celui du refoulement. Les psys ont beau parler signifiants et signifiés, le psychisme restent pour eux le lieu d’un rapport de forces entre entités diverses conçues comme des êtres agissant selon leurs exigences propres.

    Mon idée est que les faits les plus marquants de la vie s’inscrivent dans la mémoire comme les règles de grammaire : certains souvenirs deviennent des références, cad des moyens pour interpréter sa vie, comme des lunettes que l’on porte sur le nez. Quand l’astronome regarde dans son télescope, il ne voit ni son télescope ni son laboratoire mais le ciel : ça peut donner l’impression d’un refoulement mais, à la base, il n’y a qu’un effet de logique. L’on sait du reste que les grands traumatisés ne peuvent pas refouler, Primo Lévy était réveillé par un cauchemar récurrent : comment la psychanalyse explique-t-elle ça ? Je n’en sais, mais ça doit être drôlement acrobatique !

  25. Avatar de Yogi
    Yogi

    @Paul : J’ai lu votre article « Le mathématicien et sa magie : théorème de Gödel et anthropologie des savoirs », fort intéressant mais sur lequel je voudrais soulever quelques points de fond. Probablement ces points vous ont-ils déjà été signalés, il me semblent en tous cas devoir être traités dans votre livre à venir.

    Le point central concerne bien la notion de « vérité » mathématique. Ainsi vous dites à de nombreuses reprises que : « Une proposition est dite « indécidable » au sein d’un système formel où existe un opérateur de négation, si elle est vraie mais que l’on ne peut ni la prouver ni l’infirmer, ce qui veut dire que l’on ne peut ni la prouver elle, ni sa négation. »
    Ce n’est pas le cas. Une proposition est dite indécidable dans un système donné si on ne peut la prouver ni elle ni sa négation, c’est tout. Le fait qu’elle soit « vraie » non seulement n’est pas requis, mais n’a pas de sens dans ce système puisque justement elle y est indécidable.

    En effet, et ce pour Gödel comme pour les platoniciens, une proposition n’est « vraie » que si elle est posée comme axiome ou si elle a été démontrée. Ce que Gödel a montré en revanche c’est que ce critère de démontrabilité, et donc de vérité, n’est valable qu’à l’intérieur d’un système donné et a toujours des lacunes. Lacunes qui peuvent parfaitement être comblées dans un système plus complet, au sein duquel ces propositions indécidables pourront s’avérer « vraies » (démontrées) ou « fausses » (leur négation y est démontrée).

    Ainsi, on connaît des théorèmes qui sont « vrais », car démontrés, dans des systèmes mathématiques qui englobent l’arithmétique, mais qui ont été prouvés « indécidables » tant que l’on se limite aux règles de l’arithmétique (par exemple le théorème de Kruskal-Friedman, ou le théorème de Goodstein). Il est possible que ce soit également le cas du théorème de Fermat, qui a été démontré par Wiles en passant par la théorie des ensembles, mais qui est toujours improuvé au sein strict de l’arithmétique.

    Il en vient me semble-t-il que vos considérations :
    « Or le second théorème de Gödel établit qu’ » Il existe en arithmétique des propositions vraies que l’on ne peut ni prouver ni infirmer (prouver leur négation) « . D’où viennent alors ces propositions vraies ? Il ne peut s’agir des axiomes, puisqu’ils sont vrais sans devoir être prouvés, faisant partie du cadre de base de la théorie, il ne s’agit pas non plus des théorèmes, puisqu’un théorème est par définition une proposition qui a été démontrée. »
    Et plus loin :
    « Il ne reste donc qu’une seule possibilité : les propositions vraies non-déductibles qu’évoque Gödel doivent être vraies parce que leur vérité tombe sous le sens. »
    ne sont guère applicables. D’une part jamais une proposition n’est déclarée vraie parce qu’elle « tombe sous le sens », et d’autre part Gödel ne prétend jamais que ces propositions indémontrables seraient vraies ; et s’il le faisait ce serait nécessairement par référence à un système d’ordre supérieur où elles auraient été démontrées (sachant que ce système aurait malgré tout lui aussi ses propres indécidables).

    Pour finir j’ai un peu de mal à saisir votre « C’est dans la croyance en une possible consubstantialité réelle entre la formule codeuse et le message métamathématique codé que Gödel trahit sa conviction platonicienne. ».
    Il me semble pour ma part que c’est bien tout l’objectif de la démonstration de Gödel que d’établir cette consubstantialité : il démontre (ie il « prouve », il « rend vrai ») que le système de codage qu’il construit assure cette pure équivalence entre la formule et l’équation qu’elle code. Dans un système formel comme l’arithmétique, dire que l’une est vraie équivaut à dire que l’autre l’est, ce qui n’est pas le cas, dans vos paradoxes, de la boîte d’Arthur ou du traducteur de Casimir (Isidore, lui, a juste affaire à un farceur !). Le cas d’Eusèbe serait un peu plus proche, si celui-ci pouvait démontrer, et pas seulement constater, la capacité de synthèse de son code.

  26. Avatar de Paul Jorion

    @ Yogi

    … une proposition n’est déclarée vraie parce qu’elle « tombe sous le sens »

    C’est l’une des raisons pour lesquelles une proposition est vraie chez Aristote. Les deux autres sont, qu’elle aurait été démontrée (à l’aide du syllogisme) ou qu’elle soit une définition.

    Sur la vérité mathématique, voyez ma citation de Gödel lui-même, rapportée par Dawson :

    Dans le brouillon d’une réponse à une question posée par un étudiant thésard, Gödel indiquait que c’était précisément sa reconnaissance de la différence de circonstances entre la possibilité de définir formellement la démontrabilité et l’impossibilité de définir formellement la vérité qui le conduisit à la découverte de l’incomplétude. Le fait qu’il ne signala pas ceci [en 1931] s’explique peut-être par son observation (dans un passage raturé du même brouillon) que « en raison des préjugés philosophiques de l’époque […] le concept d’une vérité mathématique […] était reçu avec la plus grande suspicion et le plus souvent rejeté comme sans signification ». J. W. DAWSON Jr., « The Reception of Gödel’s Incompleteness Theorems »

    Le concept de vérité mathématique était essentiel pour lui.

  27. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Crapaud Rouge,

    1-Le premier modèle mis au point par JG, mais en parallèle avec les autres, concerne la science fondamentale du langage et s’appelle « glossologie »; la redondance du concept entre glose et logos te fait bien apparaitre j’espère cet aspect retour sur lui-même du dit langage comme faculté humaine et moyen d’expliciter cette même faculté. Impossible ici de l’éviter donc aussi d’analyser cet anthropomorphisme où l’homme s’interroge sur lui-même avec ses seuls moyens, je dirais même que cette question est le coeur des sc humaines avec le pendant de construire son objet.
    2- Apparemment je ne te répèterai jamais assez qu’au plan théorique, les quatre plans sont autonomisables, ce qui ne veut pas dire qu’ils le soient dans la réalité où chacun d’entre nous fait au mieux la synthèse de ce qui se joue ds cette théorisation explicative néoquartésienne – jeu de mots de Gagnepain lui-même.

    3- La notion d’inconscient au sens psychanalytique se décompose sur 4 plans en 4 structures formelles, donc pour recouvrir ce sens d’inconscient, la tdm y substitue celui d’implicite (du coup pour nous la notion d’inconscient garde la puissance et la saveur de la découverte freudienne, quoi qu’il nous arrive de l’employer ds un autre sens plus restrictif et relatif au seul plan glossologique donc dans un contexte où l’ambiguité est levée).
    Ds la foulée de cette petite phrase de Lacan que tu cites (l’inconscient est structuré comme un langage) les deux mots clé sont structure et COMME, mais çà ne veut pas dire que l’inconscient soit langage, ce serait comme vouloir dire que la dialectique est, et ne serait, qu’histoire…

    4-Les plages du week-end ensoleillé que nous venons de passer illustrent à merveille comment se jouent les limites de propriété et de pudeur attestant d’un jeu de frontières qui nous est constitutif, même sur les plages où les nudistes n’en sont, sauf justement exhibitionnistes et voyeurs, absolument pas « libérés » quoi qu’ils puissent en dire et penser.L’appartenance de classe par exemple se manifestera par le subtil jeu de lunettes de soleil de marque, les bijoux etc

    5- Le rêve est satisfaction des désirs, mais ce qui alimente le rêve reste notre fonction imaginaire et notre mémoire . Une période traumatisante extême peut, au cours du sommeil, ressurgir… et devenir cauchemar qui va réveiller le dormeur car la charge émotionnelle et d’angoisse vitale ne trouve pas plus de solution satisfaisante ds le rêve qu’elle n’en trouvait à l’époque de traumatisme, en réalité, comme dans le sommeil de cette époque. Ensuite, mais c’est autre chose, le travail analytique rejoue, dans le transfert, et via le langage, ces phénomènes; mais ce sont comme tu le constates deux réalités différentes. ( la réalité pour faire un clin d’oeil à PJ, OK, par quel bout?)

  28. Avatar de Moi
    Moi

    @Eugène: « L’appartenance de classe par exemple se manifestera par le subtil jeu de lunettes de soleil de marque, les bijoux etc »

    Sur les plages nudistes, on reconnait les riches à leurs couilles en or. 🙂

  29. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Moi,

    🙂 🙂

  30. Avatar de Boukovski
    Boukovski

    « Quelles notions nous sont-elles plus évidentes que la vérité et la réalité ? La vérité évoque les choses qui sont vraies tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe. Et pourtant, ces notions sont absentes de la culture Extrême-orientale classique, et elles sont récentes dans la nôtre ».

    Il existe pourtant des ressemblances curieuses entre la culture extrême orientale, la pensée bouddhiste en particulier, et ce que Spinoza a écrit sur Dieu. Wikipedia: « Dieu est la Nature, la Substance unique et infinie. Seule la substance a la puissance d’exister et d’agir par elle-même. Tout ce qui est fini, en revanche, existe en et par autre chose, par quoi il est également conçu (définition du mode) » (Métaphysique chez Spinoza).

    Les Bouddhistes parlent de « conditionné » et d’ »inconditionné ». Le conditionné dépend d’autre chose pour exister, est dépourvu d’identité en propre, apparaît et disparaît sans cesse. Tout ce qui relève du monde des perceptions et des sensations est conditionné, la conscience comprise (la conscience est une illusion utile). L’inconditionné est le vide et tout provient du vide et y revient (notion qui n’a rien a voir avec le néant puisque le vide du bouddhisme est riche de strictement tout ce qui est). L’inconditionné ne dépend que de lui-même, n’est jamais né, ne disparaîtra jamais, a toujours été.

    Seul l’inconditionné est « réel », mais l’inconditionné ne peut faire l’objet que d’une connaissance strictement personnelle et intime, incommunicable par celui qui en fait l’expérience : on ne peut donc rien en dire si ce n’est que cet inconditionné est inconnaissable par la pensée. La pensée ne peut connaître autre chose que la pensée (la création d’un concept induit presque automatiquement la création d’un autre concept dont il est issu, qui lui-même donne naissance à d’autres concepts, et ainsi de suite). Le monde des choses échappe toujours et sans cesse à la pensée, qui pour les Bouddhistes est un sens avec les autres (ouïe, toucher, goût etc…) et inclut également les émotions. Enfin, est « vrai » ce qui permet de faire l’expérience pratique du chemin qui mène à l’inconditionné, sachant que ce chemin est le but.

    La différence entre ces approches est que la philosophie européenne s’est bâtie sur la systématisation du postulat du dualisme : un témoin observe une réalité extérieure, cherche à la décrire, à la « comprendre », à la modifier ou à agir sur elle. La création de cette distance entre le sujet et l’objet fait apparaître le concept de « réalité ». « réalité « et « vérité » sont donc des concepts et des concepts européens. Ce dualisme est considéré comme une pure illusion par la pensée bouddhiste même si la création d’un « observateur » fictif est reconnue nécessaire pour permettre le cheminement vers l’inconditionné (les effets feed-back du monde des choses sur le sujet lui permettent de comprendre sa nature illusoire). Il n’y a pas de sujet, il n’y a pas d’observateur qui serait distinct de son environnement : observateur et paysage ne font qu’un, il n’y a pas de frontière entre intérieur et extérieur. Le moi « existe » mais n’est pas (il est aussi une illusion) et pourtant tout est.

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