Certains des commentaires à mon billet Aristote et nous font apparaître un personnage bien étrange – qui ne laisse apparemment pas indifférent – mais sans rapport aucun avec le philosophe du même nom dont je parle dans Comment la vérité et la réalité furent inventées, mon ouvrage à paraître. En espérant que ce qui suit permette de clarifier un peu les choses : le projet de quatrième de couverture.
Quelles notions nous sont-elles plus évidentes que la vérité et la réalité ? La vérité évoque les choses qui sont vraies tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe.
Et pourtant, ces notions sont absentes de la culture Extrême-orientale classique, et elles sont récentes dans la nôtre. Leur histoire est bien documentée, ayant donné lieu à de nombreuses querelles. La vérité telle que nous l’entendons est née en Grèce antique et fit ses débuts comme argument polémique. Ce sont Platon et Aristote qui la firent émerger dans la bataille qu’ils menèrent conjointement contre les sophistes. La réalité (objective) est elle fille de la vérité aristotélicienne mais résulte sous sa forme moderne d’un coup de force pythagoricien opéré à la Renaissance par les jeunes Turcs de l’astronomie moderne naissante, lassés des interférences de l’Église dans la construction du savoir.
L’émergence de la vérité et de la réalité n’aurait pas été possible sans une particularité de la langue : la possibilité de rassembler deux idées, non seulement pour établir une certaine identité entre elles, mais aussi pour suggérer un rapport antisymétrique entre elles, comme l’inclusion de l’une dans l’autre ou le fait que l’une soit la cause de l’autre. Ce que produit une langue privée de cette relation antisymétrique, s’observe dans ces faits de « mentalité primitive » qui étonnèrent longtemps les anthropologues, comme quand les Nuer affirment que « les jumeaux sont des oiseaux ».
Le coup de force pythagoricien de la Renaissance supposait une assimilation de deux univers : le monde tel qu’il est en soi (par-delà les illusions « phénoménales ») et celui des objets mathématiques dont nous avons fait la méthode privilégiée de nos théories scientifiques visant à le représenter. Il en résulta une confusion dont la physique contemporaine est aujourd’hui la victime : la modélisation mathématique du monde suggère en retour de lui attribuer des propriétés qui ne sont rien d’autre que les particularités des nombres livrés à eux-mêmes. Les anomalies créées par ces artefacts font que les modèles en engendrent désormais d’autres sans retenue, chacun s’éloignant davantage du monde en soi dont il s’agissait pourtant de rendre compte le mieux possible.
L’œuvre d’Aristote constitua un sommet dans la pensée. L’enthousiasme brouillon des savants nous fit nous en écarter. Les rendements décroissants de leurs théories nous obligent aujourd’hui à débarrasser l’entreprise de construction de la connaissance du mysticisme mathématique dont ils avaient fait leur principale arme de guerre dans le combat qu’ils menèrent victorieusement contre l’Église. Un exemple de la tâche à entreprendre est offert par une analyse, à la lumière de l’analytique aristotélicienne, de la démonstration par Kurt Gödel de son théorème d’incomplétude de l’arithmétique : les a priori mystiques en sont soulignés ainsi que le caractère hétéroclite des types de preuve mobilisés, dont certains seraient considérés par Aristote comme tout juste passables dans le contexte de la conversation courante.
98 réponses à “Comment la vérité et la réalité furent inventées : 4e de couverture”
J’ai lu il y a longtemps de cela « Les somnambules » d’Arthur Koestler et « Du monde clos à l’univers infini » d’Alexandre Koyré et s’il y a bien quelque chose que ces deux ouvrages font sentir, c’est la somme d’efforts surhumains que les fondateurs de la science classique ont dû déployer pour s’extraire enfin des prémisses aristotéliciennes, et notamment la hiérarchie entre monde lunaire et sub-lunaire, la primauté donnée au repos et au mouvement circulaire, l’inexistence du vide etc. Ce fut une très grande aventure de l’esprit, et la réussite extraordinaire de cette démarche s’est sans doute soldée par une attitude arrogante à l’égard d’autres approches (cataloguées comme non-scientifiques) et par une confiance exagérée dans le traitement mathématique des phénomènes. Isabelle Stengers en parle longuement dans son livre « La vierge et le neutrino », notamment en ce qui concerne l’apport de Galilée.
@Eugène: moi je crois que ce que vous appellez « science » n’est qu’une position philosophique parmi d’autres. D’ailleurs dans la reine des sciences, la physique, les débats philosophiques font encore rage. Il suffit de lire ou relire les ouvrages de Einstein, Bohr et autres (que j’ai à peine lu et sans toujours comprendre, mais j’ai bien compris qu’il s’agissait encore entre eux de philosophie).
La posture très universitaire de certains membres des sciences humaines faisant un gros complexe (de supériorité ou d’infériorité?) vis-à-vis de la philo me gonfle un peu, à vrai dire.
Autrefois, on appelait philosophe aussi bien un Newton qu’un théologien. Et cela me semble beaucoup plus juste.
@Moi
Oui. Pascal, Descartes, Leibniz sont également à compter au nombre de ceux ayant œuvré aussi bien dans les sciences que dans la philosophie.
La raison en est simple. Les uns comme les autres discutent autour d’un même thème, à savoir l’explication du monde. Tandis que les uns tentent répondre à la question « pourquoi? », les autres s’affairent à répondre au « comment? », le glissement de l’une à l’autre de ces questions n’étant pas exclus.
@ Pierre-Yves D.
Comme vous le dites, votre commentaire est en effet un excellent résumé de ce que j’ai expliqué dans des articles et des billets précédents. Maintenant sur le point suivant :
C’est une question qui est également discutée dans le livre. Voici le principal passage qui y est consacré :
« Il me faut encore, pour clore ce chapitre, dire pourquoi le coup de force pythagoricien put réussir, au moment où il intervint, à savoir au XVIe siècle, à mettre sur la touche le métaphysicien. Pour la première fois, en effet, l’exaspération semble se concrétiser en un passage à l’acte. Mais il y a là sans doute une illusion rétrospective due au fait que l’histoire de la physique fait aujourd’hui partie de l’imaginaire populaire (parce que la science est devenue la religion du savoir scolaire). Des tentatives isolées de s’autoriser de soi-même sur tel ou tel point, la scolastique en est pleine (et l’exemple en avait été donné par Socrate lui-même, comme le rappelle splendidement Hegel quand il affirme que, oui, « Socrate est bien ce héros qui mit à la place de l’oracle de Delphes le principe que l’homme doit se sonder lui-même pour savoir ce qu’est la Vérité ») ; mais, comme il ne s’agit alors que de la logique et de la théologie, les querelles qui animèrent, par exemple, la Sorbonne au XIVe siècle, n’intéressent plus guère que les historiens, et les incartades individuelles n’ont pas pris force d’événement pour la pensée contemporaine ordinaire.
Plus pertinente pour ce qui nous occupe ici est la montée du protestantisme, qui, puisqu’il implique une relation directe entre la personne et la divinité, n’est pas sans rapport avec la volonté de s’autoriser de soi-même. Mais le protestantisme ne précède que de peu l’invention de la Réalité-objective et se révélera, à quelques nuances près, sans incidence sur la science galiléenne, qui se développera aussi bien dans les pays de Réforme que de Contre-Réforme. Reijer Hooykaas montre, par exemple, dans son Religion and the Rise of Modern Science comment le soutien à Copernic se développe en ignorant la barrière des religions. Le protestantisme est bien plutôt un autre symptôme du courant intellectuel qui produira également l’invention de la Réalité-objective.
Ce qui est remarquable dans le tournant de la fin du XVIe siècle, ce n’est pas son caractère pythagoricien, dont on a vu qu’il est « logique » dans la mesure où les mathématiques peuvent se prévaloir d’une « vérité » intrinsèque en raison de la rigueur et de la nécessité de ses enchaînements, c’est le fait qu’il existe alors une proportion suffisante de scientifiques de premier plan qui soient prêts à sauter le pas.
L’anthropologue ne peut s’empêcher alors de penser à un phénomène propre à ces sociétés où la personnalité n’a pas, en règle générale, pour réceptacle, comme chez nous aujourd’hui, l’individu singulier, mais un groupe plus large, en général fondé sur l’identité substantielle attachée à la parenté. Dans ces sociétés l’individuation de la personne ne touche qu’un nombre restreint de membres de la communauté, ceux qui peuvent s’identifier à un destin singulier, ou bien n’intervient dans la vie de l’individu qu’à certains moments, et s’exprime alors dans une parole qui attribue les sentiments subjectifs liés à l’individuation (un basculement « paranoïaque ») à l’ensorcellement.
Les données historiques suggèrent que l’individuation généralisée (qu’il faut se garder de confondre avec l’individualisme) peut apparaître à certains moments de l’histoire d’une société. Sa présence dans l’Antiquité, suivie de sa disparition au bas Moyen Âge, rappelle que le mouvement n’est pas nécessairement irréversible. L’individuation trouve un facteur favorisant dans la solution de continuité qui apparaît dans le tissu social lorsque les enfants cessent de remplacer automatiquement leurs parents dans le processus de travail de la ferme ou, d’une manière générale, de l’unité de production familiale. Une démographie soudain plus favorable, en raison d’une meilleure alimentation ou d’une meilleure hygiène, obligera d’écarter un certain nombre d’enfants surnuméraires, que la ville pourra éventuellement absorber. L’urbanisation, dans la mesure où elle diversifie les activités, favorise l’apparition de stratégies de vie concurrentes, créant ainsi les conditions de l’individuation.
Or, ce que Lacan a décrit comme le « stade du miroir », c’est très exactement l’individuation généralisée dans ses effets subjectifs. Je rappelle que le stade du miroir manifeste « le dynamisme affectif par où le sujet s’identifie primordialement à la Gestalt visuelle de son propre corps : elle est, par rapport à l’incoordination encore très profonde de sa propre motricité, unité idéale, imago salutaire ; elle est valorisée de toute la détresse originelle, liée à la discordance intra-organique et relationnelle du petit d’hommes, durant les six premiers mois, où il porte les signes neurologiques et humoraux d’une prématuration natale physiologique ».
Ce qui caractérise le sujet humain, dont le stade du miroir contribue de manière décisive à la constitution, est la nature proprement imaginaire du moi qui lui servira de référent lorsqu’il aura à invoquer sa propre personne : « Il […] suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image dont la prédestination à cet effet de phase est suffisamment indiquée par l’usage, dans la théorie du terme antique d’imago. […] La fonction du stade du miroir s’avère pour nous […] comme un cas particulier de la fonction de l’imago, qui est d’établir une relation de l’organisme à sa réalité – ou, comme on dit, de l’Innenwelt à l’Umwelt. »
Cette confusion d’un imaginaire (d’un modèle), l’enfant qui s’identifie à son image dans le miroir, avec un réel, le sujet humain qu’il est en réalité, peut être reconnue comme « méconnaissance constitutive du moi » : « […] cette forme (imaginaire) situe l’instance du moi, dès avant sa détermination sociale, dans une ligne de fiction, à jamais irréductible pour le seul individu. »
Il n’est sans doute pas nécessaire d’insister sur l’homologie qui existe entre l’invention de la Réalité-objective et la définition que je viens de rappeler du stade du miroir. Dans un cas comme dans l’autre on a affaire à une méconnaissance résultant de la confusion d’une forme fictive et proprement « imaginaire » (ici le modèle, là la Gestalt du corps) avec un réel. Dans le texte « Stade du miroir comme formateur du Je » (1949), Lacan considère le stade du miroir comme propre à l’espèce. On sait cependant aujourd’hui que, semblable en cela au petit chimpanzé, l’enfant autiste ne s’identifie pas à son image au miroir et que le processus n’est donc pas « spécifique » au sens d’inéluctable pour tout membre de l’espèce. Dans un autre texte, Lacan devait cependant suggérer au contraire une origine historique et culturelle au stade du miroir : « Qui, sinon nous, remettra en question le statut objectif de ce “je”, qu’une évolution historique propre à notre culture tend à confondre avec le sujet ? »
Il est peut être alors permis de penser que si une génération de savants accepte au tournant du XVIIe siècle d’abandonner toute prudence épistémologique en confondant un espace de modélisation fictif avec un réel, cet événement n’est pas sans rapport avec un processus d’individuation généralisé dont la caractéristique est précisément de constituer le sujet sur la méprise qui lui fait prendre la fiction qu’est son image au miroir pour son propre réel. Si, d’une part, l’individuation généralisée encourage le savant à « ruer dans les brancards » en ne s’autorisant que de lui-même, est-il possible, d’autre part, qu’étant pris au leurre de la constitution imaginaire du moi, il en vienne à considérer la « prise au sérieux » du fictif comme de l’ordre du raisonnable ?
Un autre rapprochement s’impose. Une des caractéristiques majeures de la science moderne est son objectivisme ; je n’en ai pas parlé ici car nous pouvions nous en passer aisément. La séparation du sujet (observant) et de l’objet (observé) était encore étrangère à des hommes de la Renaissance comme Jérôme Cardan ou Paracelse ; elle s’opérerait d’ailleurs bien plus aisément dans le domaine de l’astronomie que dans celui de la médecine (comme théorie de l’art de guérir). Cette acceptation de l’objectivisme, qui nous paraît aujourd’hui évidente, puisqu’il fait partie de l’horizon cognitif du monde où nous sommes nés, ne l’était nullement dans un monde socialement plus proche du communautaire et dont le « mythe » comprenait une foule d’« incorporels » disposés à répondre aux sollicitations des êtres humains.
Une autre caractéristique majeure de la science moderne, que j’ai cette fois longuement évoquée, est la mise entre parenthèses de la nature consensuelle du savoir qui s’opère quand l’astronome évince le physicien. Il y aura encore, comme avant, accord consensuel au sein de la communauté scientifique pour tout ce qui touche à des choix métaphysiques, mais il s’agira désormais de ce qu’on appelle un « effet sociologique » pour souligner qu’il n’apparaît pas à la conscience des acteurs, alors qu’auparavant, comme on l’a vu, la nature consensuelle de l’accord sur l’explication (que symbolisait le dialogue obligé « astronome/physicien ») faisait partie de la règle explicite du jeu, et était à ce titre présente à la conscience des acteurs.
Qu’il s’agisse donc de l’objectivisme ou de la disparition d’une conscience de la nature consensuelle du savoir, il s’agit toujours d’une double forclusion, celle du rapport immédiat d’« un vivant avec le vivant » et celle de la réalité intersubjective du « désir du désir » dans la constitution du savoir, ou, en d’autres termes, et dans ce cas comme dans l’autre, d’une illusion d’autonomie. Or, ce sont précisément là les mots qu’utilise encore Lacan pour caractériser l’effet des « méconnaissances constitutives du moi ».
J’avance bien sûr ici en terrain incertain, celui d’une « métapsychologie historique » censée refléter un ensemble complexe de conditions politico-socio-économiques, et je la mets en rapport avec le développement interne du savoir, sous les formes successives de la science prégaliléenne, puis galiléenne. Ceci peut évoquer une problématique proche de celle de Michel Foucault lorsqu’il révèle, dans son « archéologie du savoir », les strates que constituent des épistémès successives. Le complexe de « connaissance/méconnaissance » que constitue une épistémè porte non seulement sur un ensemble de représentations mais aussi sur le sujet producteur de ces représentations lui-même. Une archéologie est bien sûr résolument héraclitéenne, car s’il est concevable que le savoir su revienne de façon cyclique, le sujet sachant, lui, ne le fera jamais. Il n’y a pas de « retour à… » qui soit un réel retour ; et la « clôture de la métaphysique » apparaît bien relative, puisque, si le savoir su peut demeurer immuable dans les mots où il s’écrit, le sujet sachant porteur du (et porté par le) sens des mots, poursuivra toujours sa fuite en avant.
Lacan écrivait de la psychanalyse que « son action thérapeutique […] doit être définie essentiellement comme un double mouvement par où l’image, d’abord diffuse et brisée, est régressivement assimilée au réel, pour être progressivement désassimilée du réel, c’est-à-dire restaurée dans sa réalité propre ».
J’ai présenté ici l’invention de la Réalité-objective comme assimilation régressive de l’image au réel. L’effort d’élucidation qui est le mien quand j’analyse cette invention entend contribuer à la désassimilation progressive du réel en vue de sa restauration « dans sa réalité propre » d’espace de modélisation. C’est notre rapport ici au savoir en tant que reflux de la méconnaissance. »
« Des tentatives isolées de s’autoriser de soi-même sur tel ou tel point, la scolastique en est pleine ». La question est en fait centrée sur l’expression « soi-même » (la quiddité du soi-même ?), ce quelle recouvre exactement. Il y a là un point de bifurcation.
L’individuation trouve sa cause dans un facteur exogène, social, historique, économique… Quand ce facteur cesse l’individuation cesse donc aussi. L’individuation est fondée sur une identité conventionnelle et arbitraire pour laquelle la conscience de la personne (personne réceptacle de cette individuation) n’intervient pas ou peu. Un rôle est attribué à la personne, rôle qui est assumé (joué) indépendamment et quelle que soit l’intensité du rapport réflexif à lui-même qui caractérise la conscience. L’individuation peut favoriser le développement de ce rapport, mais la conscience est bien sûr préexistante à l’individuation. La plupart des personnes endossent des rôles sans même en avoir.. conscience.
L’individuation aurait donc eu comme effet (un développement logique du subjectivisme ?) de confondre, dans la prétention du savant « un espace de modélisation fictif avec un réel ». Ce qui suppose que cet espace de modélisation soit d’une nature différente de celle d’un réel. A défaut de pouvoir définir ce qu’est un « réel » et ce qui est fictif, et ce qui est raisonnable, il faut chercher ailleurs le facteur différenciant.
S’agissant d’un petit d’homme de moins de six mois, l’appellation « sujet » semble exagérée même si l’on peut dire que le nourrisson de cet âge est porteur dèjà d’une forme d’identité héréditaire. Il existe quelque chose dans l’enfant, une force, une pulsion, une dynamique qui l’incline à former une identité, qu’il formera dans les retours qu’il recevra de ses actions sur son environnement immédiat. Mais là aussi, cette chose qui le meut dans cette direction, est préexistante aux conséquences de ce mouvement (l’ébauche de la création d’un moi, le début d’une subjectivité). L’apparition de ce moi, évidemment imaginaire, cette fiction (que l’on ait six mois ou 48 ans), est essentielle puisqu’elle est une étape indispensable, la partie d’un long processus, qui aboutira à renforcer ce rapport réflexif de l’individu à lui-même et le développement d’une conscience qui débordera largement le moi factice des origines.
L’illusion d’autonomie est le propre du sujet (ou d’une collectivité de sujets), du « je ». Là aussi, que ces créations n’aient pas de consistance ontologique n’enlève rien à l’intérêt du processus en œuvre, celui d’une conscience qui cherche à frayer son chemin. C’est précisément cette conscience sans forme et sans mots qui dévoile la nature peu crédible du « je ». La conscience ne nie rien, mais elle n’a que faire du moi. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas un moi en bonne santé, même ontologiquement inexistant, pour qu’elle se développe.
@Boukovski :
Bien que manquant de pertinence a ce « niveau » , j’ aime bien votre approche qui me rappelle celle de Goffman :
//// L’individuation peut favoriser le développement de ce rapport, mais la conscience est bien sûr préexistante à l’individuation. La plupart des personnes endossent des rôles sans même en avoir.. conscience. /////
A mon petit niveau , il me semble que d’approcher ces questions essentielles par les causes historiques :…. la sociologie , éthologie etc … nous offre plus d’ objectivité que par l’ approche psychologique … qui est faussée par de nombreuses itérations en « rebonds » .
S’ il y a de l’ objectivité ds la subjectivité qui participe a cette subjectivation ( Bourdieu) ….on ne peut guere en tirer quelque chose .
J’ ai une vision assez réductrice /simpliste qui peut avoir un interet :
– L’animal social bien que développant un niveau cognitif non négligeable ( K. Lorenz) , se statisfait de « RITES » et de leur respect pour maintenir la cohésion sociale ( inhibition de l’ agressivité intra-spé)
-Le développement cognitif propre a l’ espece humaine , dépassant ce niveau d’ équilibre, il faut d’ autres « Raisons » pour maintenir un comportemental qui DOIT s’opposer a la « RAISON » ( trop opportuniste)……d’ ou un développement du Religieux …
– Le Religieux n’ est plus suffisant pour justifier cette rigidité comportementale …..le « Scientisme » prend le relais ( Religion de la civilisation en terme organicisme .)
Paul Jorion pose la question de l’objectivité et de ses conditions. Remarquant, après Marx, que l’individu est une création historique, comment pourrait-il (= l’individu, le sujet) être ce qui garantit cette objectivité (comme dans toutes les métaphysiques de la conscience), si les conditions-mêmes qui la garantissent, à savoir l’existence de l’individu (ou du sujet), sont contingentes ? De là, et apparemment, soit le problème n’a pas de sens (= scepticisme, car il n’y a aucun raison de croire que le pur hasard historique pourrait être la condition d’accès au vrai), soit il n’a qu’un sens très relatif (= relativisme, le vrai n’est pas indépendant d’un contexte historique ou culturel d’énonciation).
Raison pour laquelle, si on veut éviter certaines formes de relativisme ou de scepticisme, du moins les plus radicales et inconséquentes, il faut considérer la question de l’objectivité, à savoir aussi les questions qui lui sont liées, celle relative à la réalité et à la vérité, dans une perspective différente, en faisant, un peu comme Castoriadis, de celles-ci des créations historiques. Non que ces questions n’aient aucun sens dans les autres sociétés, puisqu’elles ne méconnaissent pas le mensonge, l’illusion ou l’erreur, mais parce qu’elles n’y sont pas posées dans le même horizon : à savoir le logon didonai, « rendre compte et raison », justifier de manière rationnelle ce qu’on avance.
Cependant, comme le remarque Paul Jorion, la question de l’objectivité n’en reste pas moins historiquement liée à, ou concomitante ou contemporaine de, l’émergence de l’individu, que ce soit en Grèce ou en Europe occidentale.
Pour autant ici, plusieurs difficultés apparaissent (je me contenterai d’en considérer deux) : la première est que la démarche socratique n’est pas une tentative plus ou moins isolées « de s’autoriser de soi-même sur tel ou tel point ». Elle n’a de sens que sur un fond qui la dépasse, raison pour laquelle, et à juste titre, Paul Jorion rappelle que reconnaître l’existence de l’individu n’implique pas un individualisme, en un quelconque sens (méthodologique ou ontologique). Le fond ici, ce n’est pas tant la parole individuelle, c’est ce qu’elle signifie, explicitement ou pas (c’est sans importance), à savoir que la question est ouverte concernant ce qui est ou ce qui est vrai. Autrement dit, ce que la parole socratique signifie, c’est la possibilité ouverte par d’autres de mise en cause des idoles, de la ou des seules paroles autorisées, plus généralement des institutions. C’est pourquoi ce n’est pas tant que le sujet ou l’individu soit le lieu ou le point de départ d’énonciation du vrai, c’est surtout qu’il n’y en a plus qui puisse être privilégié (= la sophistique). Ce n’est pas tant que le sujet ou l’individu soit nécessairement privilégié, c’est surtout le ‘on’ qui est déprécié, ou décentré du lieu d’énonciation d’où il prétendait naturellement parler (les experts aujourd’hui, les prêtres autrefois), à savoir la supposée autorité des choses qui ne sont dites par personne – comme dans l’argument d’autorité, où seul le nom fait office d’argument.
La deuxième difficulté est que, chez Descartes, ou d’autres après, ce qui fonde l’objectivité de la subjectivité est en dernière analyse Dieu, ou, si l’on veut, l’Autre. Car le sujet cartésien se veut un sujet universel, donc ce qu’il y a en chacun, peut-être paradoxalement, de plus impersonnel : on cherche en soi les conditions du vrai, en tant qu’on les suppose identique chez chacun, la clarté et la distinction en étant les signes. Pour autant, comme, de plus, toute rationalité est normativité, la communauté des savants, comme le remarquait Descombes, ne sera jamais que la communauté des gens de bonne volonté.
Tant qu’il y a de la « bonne » volonté , ça autorise des » justes » titres .
Votre style est vraiment trop lourd pour moi … je ne pense pas que j’achèterai vos prochains livres (je n’ai d’ailleurs pas réussi à dépasser la page 13 – Introduction – de « l’Implosion » )
Vrai sceptique … faus septique, qui n’a d’ailleurs jamais eu besoin de faire de psychanalyse!
Vrai sceptique … faus septique
C’est dommage, vous feriez un très bon psychanalyste : vous avez le sens des effets de glissement du signifiant.
Tout ce qui vous semble « vrai » ne l’est qu’à l’aune de votre propre raisonnement et de vos pré supposés
Tout ce qui vous semble « réalité » ne l’est que parce que vos capteurs sont programmés dans certaines zones de fréquences et que cerveau est programmé pour fabriquer une image de ce que vous pensez être la réalité.
Il n’y a sans doute pas de « réalité absolue », même dans le monde physique: pensez seulement à ce que serait votre « réalité du monde » si vos capteurs visuels (vos yeux) étaient sensibles à des gammes de fréquences différentes.
C’est très prétentieux de penser qu’on puisse atteindre la vérité et la réalité.
Quand aux logiques: aristotéliciennes, non aristotéliciennes, 2, 3, 4 ou plus de valeurs de vérité ???? va savoir…
Mais c’est tellement plus simple de penser que l’homme est l’aboutissement de la création et que la force de sa pensée et de ses raisonnements lui permets de « comprendre le monde » et même de « voir le monde »…
Ouf… je n’écrirai plus avant une semaine!
Vrai sceptique … faus septique… qui marche sur du sable mouvant
@Septique : « Votre style est vraiment trop lourd pour moi … je ne pense pas que j’achèterai vos prochains livres »
Plongeons-nous directement dans Aristote, c’est beaucoup plus léger et digeste… 🙂
Phantasia, imago et imagination, de la même racine que phainomenon, etc. Signifie chez Aristote image ou imagination, sans distinction entre l’image-reproduction et l’image-innovation. Tant que la psychologie s’intéressait seulement à distinguer les opérations sensitives et l’entendement, la distinction entre les images copies et les images neuves était d’importance minime. Elle se faisait d’ailleurs, à l’exemple d’Aristote, en attribuant à la mémoire ce qui dans l’image était reproduction. (Cf. le début du peri mnêmès.)
Il y a cependant, dès le XVIIième siècle, une tendance à spécialiser fantaisie : « Una et eadem est vis quae, si se applicet cum imaginatione ad sensum communem, dicitur videre, tangere, etc. ; si ad imaginationem solam ut diversis figuris indutam, dicitur reminisci ; si ad eadem ut novas fingat, dicitur imaginari vel concipere… Proprie autem ingenium appellatur quum modo ideas in phantasia novas format, modo jam factis incumbit, etc. » Descartes, Regulae, XII.
Trad. : C’est une seule et même puissance qui, si elle s’applique avec l’imagination au sens commun est dite voir, toucher, etc. ; si elle s’applique à l’imagination seule, en tant qu’elle revêt diverses figures, est dite se souvenir ; si elle s’y applique pour en former de nouvelles, elle est dite imaginer ou concevoir… Mais on l’appelle proprement l’esprit {traduction de ingenium ?}, lorsque tantôt elle forme de nouvelles idées dans la fantaisie, tantôt elle s’applique à celles qui sont déjà formées, etc.
Ces trois paragraphes ci-dessus pompés du Vocabulaire Lalande.
Donc, émergence de l’imagination comme ingenium. L’humain par la technique (l’ingénierie) se fabrique lui-même, il se figure lui-même et son monde (qui est son reflet – dont il se forclôt en le constituant comme « Réel »), tout en donnant son congé à une seconde nature (qui s’artificialise). D’où obnubilation et fixation sur le Réel par défaut d’une seconde nature – qui autrement fait office de fondement. La forclusion d’une seconde nature humaine est ce qui caractérise les errements de la modernité occidentale et son incapacité à rencontrer ce qui lui est autre.
Si je considère la Terre comme le lieu où je vis, alors elle est plate, pas ronde. Cependant, les images de la Terre vue de l’espace prouvent que la réalité-objective de sa rotondité est plus qu’une image, mais une réalité tout court qui s’impose à toute l’humanité. Le réel a certes sa « réalité propre », mais les images que nous produisons aussi : intimement imbriquées dans le réel dont elles proviennent, (via les constructions intellectuelles et les instruments scientifiques), elles n’en sont plus séparables. Le « reflux de la méconnaissance » exige, non pas plus de rationalisme aristotélicien, mais la prise en compte de l’inter-subjectivité des personnes dans laquelle la connaissance prend naissance. On pourrait considérer cette inter-subjectivité comme un espace discret, (ou fractal, pour être à la mode), le lieu où tout ce qui est connaissance existe. « Ainsi tout le monde admet que ce qui est, est en quelque lieu de l’espace, et que ce qui n’est pas n’est nulle part; car où sont, par exemple, le bouc-cerf et le sphinx? » (Aristote, Physique, livre IV) Tant que « l’espace de modélisation » ne sera qu’une vue de l’esprit, (une de plus), la « thérapie » dont ont besoin la science et la société ne fonctionnera jamais.
@ Moi,
– Je ne suis pas universitaire mais utilisateur d’une théorie anthropologique conçue par d’autres (Gagnepain en l’occurrence avec O.sabouraud, et tous les jeunes thésards de l’époque – d’autres depuis – qui ont accompagné leurs travaux) bien qu’ayant trouvé une application d’un des modèles – à institutionaliser demain si…. – là où les chercheurs officiels n’en ont pas permettant d’expérimenter à ce niveau de couplage politique et morale! Va comprendre! je suis moi-même dépassé par ce qui m’arrive!
-Ma position qt au concept de science n’a rien a voir avec la philosophie mais est empruntée à cette même théorie. Ce qui peut par contre te donner l’impression que ma position est philosophique tient au fait que dans le cadre de la théorie de la médiation, science et empirie sont nettement distinguées (de relever chacune en l’homme d’une rationalité spécifique à savoir glossologie et ergologie**) là où dans la majorité des cas il faut le plus souvent comprendre technoscience sous le mot science; ce qui me fait donc expliquer ce concept sans avoir besoin de recourir à autre chose que du langage lui-même, d’où l’aspect bla-bla verbeux.
– Tu peux par contre très facilement repérer dans les commentaires faits ici par les scientifiques – plutôt d’origine qu’on dit « sciences dures » – qu’ils sont parfaitement conscients du fait que la véracité de ce qu’ils construisent-vérifient-trouvent est toujours à l’intérieur d’un cadre théorique;; même quand ils sont aux limites, et il y sont d’ailleurs d’autant plus sensibles que chercher c’est toujours se frotter à la limite d’une théorie !
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Un atechnique, après un anévrisme ou une autre galère neurologique ne pourra même plus se servir de l’outil « crayon-papier », combien même sa faculté de langage serait intacte. Comment pourrait-il dans ces conditions écrire la moindre équation donc faire apparaitre des relations que le seul langage est bien incapable de faire émerger?
C’était Dissonnance je crois qui prenait l’exemple des nombres complexes: ‘i’, nombre imaginaire pur: on ne voit pas trop à quoi çà pourrait bien servir! mais ‘i’ au carré(=-1) çà devient intéressant; et ‘i’ puissance 4(= +1); du coup tu refais apparaitre du réel mesurable via l’invention d’un concept d’une part (‘les nombres complexes’), ET d’autre part le fait qu’il s’écrive.
Symétriquement, un pur aphasique sera très gêné par les questions relevant du seul langage oral, mais tu vois bien que devant un raisonnement scientifique supposant rigueur des concepts il sera très vite largué. Il sera donc également gêné dans la lecture d’écrits ‘scientifique’, mais ce n’est pas tant le graphisme qui lui posera problème comme pour l’atechnique antérieur, mais cette fois d’abord les concepts – dont il aperdu une des clefs d’analyse – et la nécessité d’y percevoir des relations logiques!
Si j’ajoute les deux autres rationalités mises en évidence par la théorie de la médiation (sociologie et axiologie) j’ai cette fois sous les yeux un débat où chacun joue sa partition pour justifier son job (question sociologique) et tenter de faire valoir son point de vue pour … perdre? … non gagner bien sûr (question axiologique).
Tu vois du coup se déployer incidemment toute la perspective d’une conception anthropologique de l’humain qui, de mon point de vue, mériterait être la moins inconsciente possible compte tenu des enjeux auxquels différentes crises simultanées nous convoquent, ne serait-ce que pour appréhender le point commun qui les relie lorsqu’on prétend s’attaquer avec méthode aux failles de ce qui a constitué l’édifice occidental de ces 5 (ou 25) derniers siècles!
@Eugène: « qu’ils sont parfaitement conscients du fait que la véracité de ce qu’ils construisent-vérifient-trouvent est toujours à l’intérieur d’un cadre théorique »
Tout à fait. Et s’ils en sont conscients, ils questionnent ce cadre. Et s’ils questionnent ce cadre, ils font de la philo.
En résumé, je ne comprends pas cette supposée rupture vis-à-vis de la philosophie dans la théorie de la médiation (alors que même dans les sciences dures on continue à faire de la philosophie).
Bla,bla,bla…Vive Gödel;-)
C’est quoi le prochain? Un scientologue? 🙂
@ VBS
Le degré zéro du commentaire !
@Eugène : elle m’a tout l’air intéressante, cette théorie de la médiation. On la trouve bien sûr dans Wikipedia mais aussi là : http://www.anthropiques.org/?page_id=56
Auriez-vous une illustration de ce que j’ai trouvé sur Wikipedia : « Chacun des quatre déterminismes de l’humain doit être analysé dans sa cohérence interne. Cependant, chacun de ces plans est constamment influencé par les trois autres et exerce une influence sur eux dans le fonctionnement ordinaire de la raison, à tel point que seul le recours à l’étude des pathologies permet d’en attester l’existence autonome. C’est également ce recours à l’étude des pathologies qui donne sa légitimité et sa vigueur heuristique à la construction du modèle par analogie : « si la raison humaine est une dans son principe », tout élément nouveau que l’on peut apporter au modèle dans l’un des quatre plans devrait pouvoir être recherché, vérifié ou invalidé par expérimentation clinique dans chacun des trois autres plans. » Un même défaut de la raison (pathologie), devrait donc se manifester avec des symptômes particuliers dans chacun des 4 plans. J’aimerais bien avoir un exemple, au moins pour 2 plans.
@ Moi,
Parce que la philo n’est pas construite sur la base d’hypothèses falsifiable, mais reste une théologie laïque.
Les scientifiques sérieux s’intéressent à la philo parce qu’elle est l’art d’accomoder les restes… et bien sûr qu’il y a des restes à la science; les mythes, la poésie; de même que personne n’a l’obligation de prendre notre perspective, sans parler du fait qu’elle reste qd même une mise en perspective sérieuse du tout des affaires humaines
@ Crapaud Rouge,
L’exemple global que j’ai donné au-dessus aphasique-atechnique est le premier sur lequel s’est penché Gagnepain avec les patients hospitalisés pour AVS ‘Accidents vasculaires cérébral’ et autres traumatismes crâniens.
En milieu hospitalier, le testing qui tombe sous la main est papier crayon. La réalité – j’emploie le mot volontairement – produite par les deux types de patients parait très proche. Gagnepain a eu l’idée, et bien d’autres, d’introduire la boite à outil des bricoleurs dans les services H, et là, il devient vite évident que l’aphasique est ennuyé pour nommer les outils qd l’atechnique ne sait pas par exemple s’il doit prendre le tounevis, la lampe à culot vissant ou la clé pour ouvrir le cadenas! D’où l’idée de construire deux modèles analogiquement structurés, la « nature » à l’oeuvre pour « construire » notre cerveau cherchant ‘a priori’ la simplicité.
Pour faire bonne mesure, les autres pathologies de culture, psychoses et perversions pour disons la socialité, névroses et psychopathies pour notre façon humaine de légitmer nos désirs, se sont vues également dotées du même modèle dialectique explicatif mais chacun des 4 avec ses propres concepts, sans parler de tous ceux qui permettent d’expliciter les interférences entre chacun des 4 plans!
Un autre exemple maintenant: un schizophrène (trouble de la socialité au point de s’enfermer dans sa bulle d’isolement) construit sa propre langue ( qu’il est le seul à parler et à comprendre tout) en respectant les règles de la grammaticalité permettant d’expliciter aussi bien les aphasies que le langage ‘normal’. Le Gagnepain aussi mathématicien, à la longue d’observation a fini par repérer des séquences comme des mots, au point de pouvoir s’adresser à lui dans SA langue; il a fallu vite fait repasser la camisole de force pour le calmer suite à cette effraction dans la bulle protectrice.
je te laisse découvrir la suite des effets de cette table de Mendéléeïev un peu particulière puisqu »elle a déjà permis de faire apparaitre effectivement 4 types d’atechnies différentes, 4 syndromes atechniques, indépendamment des symptômes sous lesquels ils semanifestent ds la réalité. A zut encore ce même mot!
Bref, je te laisse découvrir la suite de cette théorie de la relativité culturelle; relativité qui ne disparait que par des syndromes qui figent les « comportements », boulimie financière par exemple!
« La subjectivité ne renvoie donc pas seulement à la psychologie, mais c’est un aspect impliqué par l’idée d’objectivité. Bon je m’égare peut-être un peu, en tous cas il serait intéressait de savoir si ces deux notions occidentales sont apparues au même moment dans l’histoire des idées, ce afin d’objectiver le phénomène ! »
La thèse de Heidegger sur ce point est d’une rigueur et d’une puissance monumentale.
« Parce que la philo n’est pas construite sur la base d’hypothèses falsifiable, mais reste une théologie laïque.
Les scientifiques sérieux s’intéressent à la philo parce qu’elle est l’art d’accomoder les restes… et bien sûr qu’il y a des restes à la science; les mythes, la poésie; de même que personne n’a l’obligation de prendre notre perspective, sans parler du fait qu’elle reste qd même une mise en perspective sérieuse du tout des affaires humaines »
Faudrait peut-être arrêter de raconter n’importe quoi? En tout cas j’ai bien ri, merci Eugène. La différence fondamentale entre la phislosophie et les sciences humaines, c’est que la première tend à vous libérer et les secondes à vous asservir.
La philosophie c’est soit « la connaissance rationnelle par concept », et auquel cas le moment ou la science sera parfaitement autonome n’arrivera jamais, soit la recherche de la connaissance du tout, auquel cas même chose car une théorie unifiée ne peut s’en passer, soit elle est seulement une méthode (de la science de la logique à la Hegel à la phénoménologie) et dans ce cas les protocoles expérimentaux sont soit son émanation (ce qui est toujours le cas, in fine).
Il n’y a que les chercheurs médiocres, ceux qui ne révolutionneront jamais leur discipline, qui peuvent se permettre d’ en faire abstraction. Le premier penseur venu fait généralement exploser ces constructions (typiquement à la mode les théories interdisciplinaires de la nature humaine) comme un château de cartes. Le problème étant que le genre d’objection, aussi décisif soit-il, n’est généralement pas compris du laborantin laborieux, et ceci encore plus quand il laborantine en « sciences humaines ».
Un bon test:
Quand ils seront capable de recréer un « homme », à partir de que dalle c’est à dire de reproduire l’évolution, les sauts à l’organique et au conscient, alors les scientifiques pourront se passer de la philosophie car ils auront atteint la connaissance du tout (ou n’en seront pas loin). Ceci, bien sûr, n’arrivera jamais, pour des raisons ontologiques.
@Killixs: « La différence fondamentale entre la phislosophie et les sciences humaines, c’est que la première tend à vous libérer et les secondes à vous asservir. »
Là on retombe selon moi dans le même travers de querelle de chapelles qu’Eugène. Cette distinction entre science et philosophie ne tient pas (toujous amha). Ce que l’on nomme science actuellement c’est une position philosophique parmi d’autres. Une mathématisation du monde, du pythagorisme quoi. Le scandale du scientisme est de se poser comme seule source de savoir sur le monde. D’où le mépris des mythes et de la poésie qui sont aussi pourtant des formes de savoir (et cela ce sont certaines sciences humaines qui nous l’ont enseigné).
Personnellement, je considère comme philosophe tout chercheur sérieux de la vérité. Peu m’importent les cloisonnements entre disciplines des fonctionnaires du savoir.
Wer hat uns also umgedreht, dass wir,
was wir auch tun, in jener Haltung sind
von einem, welcher fortgeht? Wie er auf
dem letzten Hügel, der ihm ganz sein Tal
noch einmal zeigt, sich wendet, anhält, weilt -,
so leben wir und nehmen immer Abschied.
Traduction littérale (mot à mot):
Qui a nous ainsi retourné, que nous
quoi nous aussi faisons, dans cette Allure sommes
d’un, lequel quitte? Comme il sur
la dernière Colline, qui à lui en entier sa Vallée
encore une fois montre, se retourne, s’arrête, reste -,
ainsi vivons nous et prenons toujours Départ.
Huitième élégie de Duino (Rilke).
Pour dire que l’humain se futurise d’une drôle de façon, comme s’il allait à reculons vers un futur qu’il aurait dans le dos, la face et le regard dirigé vers le passé qu’il quitte.
@ Killixs,
Tu oublies complètement mon dernier petit § sur le fait que cette théorie inclu la relativité des comportements, je veux dire que ce qui nous intéresse à la fois dans les comportements sains comme pathologiques ce sont les structures sous-jacentes qui nous permettent les compétences observables (langage, art de s’y prendre pour faire, socialité, droit en chacun que nous nous donnons de) et de çà, chacun fait ce qu’il veut et/ou peut sans même s’en apercevoir. Derrière un JKill X peut se cacher un Mr Hyde qui s’ignore par exemple, mais je plaisante en jouant avec ton pseudo (le ‘X’ bien sûr!).
Ceci dit et dans l’état actuel des choses telles que les plus connues dans le public ou la doxa, philosophie et sciences humaines se répartiraient assez bien comme tu le dis: libération contre asservissement normalisation qd ce n’est pas manipulation effrontée voire management motivationnel comme disent les gourous (pavlovistes).
Libre à toi de ne pas aller voir toi même que je ne te parle pas de ces « sciences humaines » là qui singent les mathématiques, mais d’autre chose dont la revue « Le débat N°140 par exemple, la revue « philosophie magazine » ou encore « Le portique » ont fait des présentations plus ou moins développées soit la preuve que certains philosophes commencent à se fatiguer de tourner en rond pour faire des carrés sans compas, je veux dire sans méthode de vérification de ce qu’ils énnoncent!
@ killixs,
J’approuve ta façon de pointer les sauts de complexité du minéral au vivant comme du vivant à l’humain. Pour le dernier saut, le quedal joue un rôle structurant « essenciel »!
@Alotar
Pour les non-germanophones, Philippe Jaccottet a traduit Rilke avec beaucoup d’application et de sensibilité.
Une saine lecture !
Tant que j’y suis, Hölderlin, traduit par le même, est délectable !
Paul dit : Il en résulta une confusion dont la physique contemporaine est aujourd’hui la victime : la modélisation mathématique du monde suggère en retour de lui attribuer des propriétés qui ne sont rien d’autre que les particularités des nombres livrés à eux-mêmes. Les anomalies créées par ces artefacts font que les modèles en engendrent désormais d’autres sans retenue, chacun s’éloignant davantage du monde en soi dont il s’agissait pourtant de rendre compte le mieux possible.J’en conclue, peut-être à tort, que le comportement, pour le moins étrange des particules de la physique quantique, ne serait qu’invention, et que leur « vrai » comportement, dans le « monde en soi », nous serait toujours inconnu. Autrement dit, dans le « monde en soi », leurs paradoxes n’existeraient pas. Les expériences de la physique quantique qui prouvent leur existence seraient comme les tours de passe-passe du magicien. J’adhèrerais volontiers à cette solution si elle n’était pas un peu triste : il me semble qu’elle jette le bébé avec l’eau du bain, et fait disparaître les mystères de la nature. De plus, je pense que la physique quantique, loin de s’éloigner du « monde en soi », est au contraire la science qui s’en rapproche le plus, et que c’est pour cette raison qu’elle présente tant de paradoxes.
Je croyais qu’on avait laissé tombé la recherche de la connaissance du « monde en soi » depuis Kant (sauf à se prendre pour l’esprit absolu).
@ Crapaud Rouge,
Autre exemple en rapport avec l’actualité, les blog et thèmes majeurs de PJ, et dans l’interférence de deux plans de rationalité, sociologique et axiologique:
Dans l’approche anthropologique médiationniste, les psychopathies (inverse des névroses qt à l’autocontrôle « inconscient » – excès ou absence) relèvent d’une abolition partielle de l’instance éthique formelle. Or, le phénomène ne peut être mis en évidence que par la répétition du même défaut structural dans le processus de légitimation des désirs naturels au regard de codes (lois)(processus sociologique donc) permettant de le faire apparaitre (comme les aphasies qui elles ne s’observent que dans une langue càd du langage en quelque sorte codifié au sein d’un groupe humain reperable par trois coordonnées géographique historique et de classe).
Y a-t-il des codes ayant actuellement suffisamment de subtilité pour faire apparaitre ces défauts de légitimation (morale)? Non! Ils restent à construire!
Comment faire?
Une partie d’entre eux pourrait provenir de l’analyse dont les contrats sont conçus en réadaptant les codes au cas par cas ( la chasse est ouverte et le terrain s’appelle Dalloz ou autre ouvrage regrouopant ces codes qui régissent nos rapports et échanges) de façon que là où les contrats ( dans le business par exemple) portent sur des projets valorisés, apparaitraient les processus formels qualitatifs et quantitatifs d’engagement (analyse timologique) d’une part comme d’autre part les processus formels de modération de la jouissance (analyse chrématologique), ensemble à l’oeuvre dans l’analyse de notre fonction naturelle de valorisation.( Là ou nos contrats ne sont le plus souvent évaluables que quantitativement et pas seulement financièrement, il est bien évident qu’il faudra faire apparaitre d’autres ‘critères’ d’engagement et de restriction pour voir jouer tous les éléments de cette analyse éthique formelle)
Par contradiction de la fonction naturelle (de valorisation) et du formel, la jouissance va qd même pouvoir s’exprimer moralement mais de façon « raffinée », de plus, selon l’heure du jour ou les tendances de chacun, de façon rigide (ascétique) ou laxiste; ce qui fait que nous sommes une deuxième fois en pleine relativité, pour un même individu, d’un individu à l’autre dans une même culture, d’une culture à l’autre, d’où le nécessité d’une multitude de codes ( la 1ère fois ou nous étions déjà en pleine relativité concernait les valeurs puisque n’importe lequel de nos projets est déjà valorisé, au risque de l’indifférence – aboulie) si l’on veut voir se répéter un même défaut structural.
Est-ce que c’est possible de mettre ces processus en évidence et de fabriquer ce type de codes? Oui, j’ai trouvé une première application dont je ne peux rien dire ici pour l’instant.
Un de ses effets sera de pousser la prévention au point de faire apparaitre le sens de la précaution « inconscient » des individus, autrement dit impossible d’aller plus loin sans devenir liberticide; mais tu vois du même coup que le découpage entre prévention devant des risque connus et précaution (préambulisée constitutionnellement…) devant des risques inconnus prend un coup de vieux. Autrement dit encore le fond des questions, écologiques ou d’écologie politique, comme celle d’une constitution pour l’économie, voire dans la visée sarkozienne d’une moralisation du capitalisme, passe par le jeu de l’interférence entre une rationnalité sociologique (nous ne vivons pas en troupeaux) et une rationalité axiologique ( la jouissance pulsionnelle se modère en nous inconsciemment – par excès les névrosés, ou par défaut les psychopathies type adiction par exemple et à n’importe quoi puisque ce n’est finalement pas ce sur quoi ellles portent mais sur le processus sous-jacent) dans laquelle se construisent les codes, ce que les juristent appellent le droit.
Bon, ceci dit, personne n’est obligé de nous suivre pour vouloir faire des diagnostics aussi précis des pathologies de culture (ici du vouloir) comme avec Claude Bernard la médecine avait su le faire pour la rougeole ou la rubéole; alors qu’il est qd même évident que si nos codes étaient tous un peu plus précis et mieux construits, nous serions peut-être plus à l’aise pour faire face aux galères écologiques et économiques dans lesquelles on va plonger du fait de la fuite en avant de ceux qui tendent pulsionnellement spontanément vers le tjs plus!
Un excès de raison logique [Si … Alors …] et d’abstraction — bourrée de substantifs — sur tout et n’importe quoi en « Humanités » (économie, ecologie humaine, psycho, socio, histoire, etc.), sans aucun lien aux dynamiques qui affectent, avec des adjectifs, le sentiment et la kinesthésie des corps sensibles, sur le théâtre de la vie, est-il
philoso(ph)pathologie ?
Oui, je le pense. Je ne vise spécifiquement aucun des « grands auteurs » dont les pliages verbaux viennent remplir les manuels qui assurent la formation des doctes corps (en pièces) du Clergé Moderne au service de la propagande du réseau FED-FMI-OMC-BRI-BCE+GouvBrochettes+CercleDesEconomistes
@Eugène : « Y a-t-il des codes ayant actuellement suffisamment de subtilité pour faire apparaitre ces défauts de légitimation (morale)? Non! Ils restent à construire! Pas forcément. Si j’ai bien compris, les lois promulguées par les nazis devraient faire apparaître un défaut manifeste de légitimation morale. Ils ont d’ailleurs été décrits comme psychopathes. (Cela dit entre parenthèses.)
Ce qui me gène, c’est que tu me parles du plan de l’éthique uniquement en termes d’excès ou d’absence de contrôle des pulsions. J’ai trouvé la même chose ici, http://socio-logos.revues.org/document436.html, deux cas fort bien documentés, dont celui du célèbre Phinéas Gage. Je présume que les névroses doivent se manifester par moult symptômes, qu’on ne peut expliquer par le seul excès de refoulement.
Cela dit, je dois t’avouer que je n’ai pas compris grand chose. Je ne vois pas du tout ce que l’on pourrait faire avec cette théorie, sinon de la recherche clinique pour l’affiner et la valider.